Radicaliser Marx dans l’analyse

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

« Les deux postures ci-dessus [Daniel Cohen et Paul Jorion] manquent leur but et ne peuvent prétendre être les prémisses d’une reconstruction de la « science économique ». Car ou bien elles se contentent de redire ce que tout économiste conséquent sait (par exemple, toute évolution de l’économie est à replacer dans le cadre des rapports sociaux dominants) et qu’il a tiré des penseurs fondamentaux du capitalisme, ou bien elles accumulent les contresens et les contradictions. Dans ce dernier cas, il ne faut pas y voir un défaut de perspicacité de la part de leurs auteurs, mais plutôt un reste de la force de l’idéologie économique qui a déferlé sur le monde depuis trois décennies et qui empêche encore, malgré la brutalité de la crise, d’oser se réclamer des penseurs critiques du capitalisme (Marx) ou critiques de l’incapacité radicale du marché à s’autoréguler (Keynes). » Jean-Marie Harribey, La cacophonie économique.

J’ai mis en évidence – dans une série d’articles publiés dans La Revue du MAUSS il y a près de vingt ans (1) – que Marx avait été incapable de voir que la structure sociale est inscrite dans la structure des prix et qu’elle se reproduit telle quelle grâce à celle-ci. J’ai dit qu’il fallait radicaliser Marx avec l’aide d’Aristote – qui avait lui vu que le prix se constitue toujours comme résultante du rapport de force entre acheteur et vendeur.

Karl Marx, hégélien maladroit, capable de voir la thèse et l’antithèse mais aveugle à la synthèse, penseur au style exceptionnellement obscur, se situait dans la perspective du « Plus radical que moi, tu meurs ! ». Aussi l’idée qu’il faille radicaliser Marx est difficile à admettre par ceux qui considèrent qu’il constitue – comme il l’a proclamé lui-même – le nec plus ultra en matière de critique.

Qu’on m’entende bien : ce que Marx a écrit sur l’économie domine de beaucoup en qualité ce qui fut écrit par la suite et sa théorie de l’intérêt en particulier, comme partage du surplus, constitue – bien que conçue antérieurement – un progrès sensible par rapport à celle en termes de préférence pour la liquidité, que Keynes introduisit. L’œuvre de Marx ne constitue pas pour autant un horizon critique indépassable.

Il faut radicaliser Marx dans l’analyse, non seulement en mettant en évidence les rapports de force – c’est-à-dire le politique – à l’intérieur de la formation des prix et la confirmation de ces rapports de force du fait de ceux-ci, mais aussi en distinguant clairement au sein de la « bourgeoisie », les capitalistes (qui perçoivent l’intérêt – comme Marx l’avait pourtant compris dans ses notes devenues par les soins d’Engels le troisième volume du Capital) des entrepreneurs (qui s’approprient eux le profit) au sein d’une structure tripartite dont le troisième élément est constitué des salariés, le prolétariat de Marx : ceux que l’on convie à la table une fois celle-ci desservie. La concentration des richesses est inscrite dans cette structure comme sa dynamique et seule sa compréhension complète peut déboucher sur des propositions de réforme ayant quelques chances de réussite.

La critique des analyses de Marx et de Keynes (Marx à l’usage des banquiers) a été produite durement par les péripéties historiques de leurs applications. Keynes a servi d’alibi à toutes les politiques antisociales des cinquante dernières années. Marx, en proposant la dictature du prolétariat comme remède (le degré zéro de la réflexion politique), a engendré un monstre liberticide qui assura qu’on ignorerait pour cent ans ce qu’il y avait pourtant à retenir dans son œuvre. Si la liberté absolue accordée au plus fort de faire comme il l’entend était bien la thèse, la suppression de la liberté pour tous n’était elle encore que l’antithèse. La synthèse viendra mais comme résolution authentique de toutes les contradictions.

—————-
(1) * Déterminants sociaux de la formation des prix de marché, L’exemple de la pêche artisanale, La Revue du MAUSS, n.s., 9, 1990 : 71-106; n.s., 10: 49-64.

* Le prix comme proportion chez Aristote, La Revue du MAUSS, n.s., 15-16, 1992 : 100-110.

* L’économique comme science de l’interaction humaine vue sous l’angle du prix. Vers une physique sociale, in Pour une autre économie, Revue Semestrielle du MAUSS, 1994 :161-181.

* Statut, rareté et risque, Recherches Sociologiques, vol XXVI, 3, 1995 : 61-76.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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120 réponses à “Radicaliser Marx dans l’analyse”

  1. Avatar de Moi
    Moi

    @A: « Le capitalisme remonte selon vous à la renaissance. Or, on peut même le faire remonter plus haut : dans les foires de Champagne au XIIIème par exemple. »

    C’est bien à la fin du Moyen-age que remonte le capitalisme (c’était déjà presque le début de la renaissance en Italie). Les foires de Champagne étaient approvisionnées par les marchands capitalistes italiens (et aussi les flamands). Cela ne contredit pas ce que dit Pierre-Yves.

    « Non, répond Weber qui associe son essor à un mode de vie ascètique porté par l’angoisse su salut. »

    C’est la thèse de Weber mais elle me semble très subjective. Elle décrit le capitalisme puritain, qui n’est qu’une forme de capitalisme. Les capitalistes d’aujourd’hui n’ont rien d’ascétique (pas plus que les capitalistes italiens d’avant Calvin, voire les capitalistes que cotoyait Aristote).
    Si l’on s’en tient à la thèse de Weber, faut-il conclure que le capitalisme est mort avec l’ère du plaisir consumériste?

    @Opposum: « Au contraire le christianisme a posé l’idée d’un cycle puisqu’après l’ hivers de la mort, il y aura le printemps d’une résurrection.  »

    La résurrection n’est pas un cycle, c’est un achèvement. Un cycle implique un recommencement, comme dans la métempsychose. Le christianisme n’est pas une religion cyclique, c’est une religion historique avec un début et une fin de l’histoire. Il faut être très contrariant pour soutenir le contraire. 🙂

  2. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Moi,

    bon je veux bien que ceux qui croient à la réincarnation soient un peu dérangés mais l’habitude veut qu’ici l’âme jette son (sa) « h »

  3. Avatar de Moi
    Moi

    @Eugène: si je puis me permettre, vous enculez les mouches. 🙂

    métempsycose nom commun – féminin ( métempsycoses )
    S’écrit aussi: métempsychose

    http://fr.ca.encarta.msn.com/dictionary_2016017950/m%C3%A9tempsycose.html

  4. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Paul Jorion : J’ai déjà répondu à cet argument « La spéculation, on ne sait pas trop ce que c’est », en réponse à Loïc Abadie, à partir de la constatation que le non-spéculateur sait très bien ce qu’est la spéculation, et que seul le spéculateur invoque régulièrement l’argument « qu’on ne sait pas très bien ce qu’est la spéculation ».
    Réponse du non-spéculateur au spéculateur : « La spéculation, c’est donc ce que vous faites sans le savoir ».

    1) « le non-spéculateur sait très bien ce qu’est la spéculation » : j’adore ce « très bien » qui dit très bien ce qu’il veut dire tout en le disant très mal, car il laisse bien sûr entendre un « pas du tout ». Le non-spéculateur voit les spéculateurs spéculer comme un quidam au bois de Boulogne voit des cyclistes faire du vélo : donc il sait très bien, mais n’est pas fichu de dire comment on tient en équilibre. Et si lui-même montait sur l’une de ces machines, il tomberait aussitôt.

    2) Le spéculateur dit « on ne sait pas très bien ce qu’est la spéculation » : je ne sais pas ce que disent les spéculateurs, mais il est vrai que « on ne sait pas très bien ce qu’est la spéculation ». Même s’ils savent très bien expliquer ce qu’ils font, et même s’ils se comptent dans le « on », ils disent la vérité : car « on » ne sait pas, en effet, ce qu’est la spéculation de manière générale. Et être spéculateur ne suffit pas pour le savoir : les cyclistes eux-mêmes ne savent pas dire comment ils tiennent en équilibre.

    3) La conclusion, « La spéculation, c’est donc ce que vous faites sans le savoir » est vraie à partir de 2) mais sa formulation est douteuse, car, prise au pied de la lettre, elle laisse entendre que tout « ce que fait [le spéculateur] sans le savoir » est spéculation. Donc, quand le spéculateur fait du vélo dans le bois de Boulogne sans savoir comment il tient en équilibre, il fait de la spéculation… Ce tout que j’ajoute n’est pas un poux, mais la traduction du sous-entendu selon lequel la proposition est vraie de façon générale, dans tous les cas. Il faudrait spécifier que la proposition « ce que vous faites sans le savoir » ne vaut que pour certaines activités, mais le résultat serait tout aussi douteux.

    4) Il suffit d’écrire : « X, est tout ce qui a telle propriété », pour que toute chose ayant ladite propriété ne soit pas X. Tout simplement parce que X devient le nom, et seulement le nom, d’un ensemble de choses, mais cet ensemble n’est pas une chose : il n’existe même pas, car il est défini en compréhension, pas en extension. Corolaire : la démonstration la plus courte de la non-existence de Dieu consiste à écrire un truc du genre : « Dieu est tout ce qui m’émerveille ».

  5. Avatar de TARTAR
    TARTAR

    Spéculer c’est parier.
    Parier c’est tenter de tirer un avantage de sa perception personnelle de la chaine causale.
    Eventuellement en trichant…c’est à dire en truquant ou en cachant certains éléments du déterminisme à son adversaire.

    Il vaut mieux interdire les paris..et rendre l’art divinatoire illégal.
    Mais les puissants savent et sauront toujours détourner ces nobles principes…pour augmenter leur pouvoir.

  6. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Moi @Moi,

    oui car c’est en enculant les mouches comme tu dis que j’ai fini par trouver une application où des Codes suffisamment subtils permettent de diagnostiquer les 4 formes de psychopathies en les opposant 2 à 2! Ce que l’une ne contrôle plus dans l’acculturation de ses pulsions est encore possible pour l’autre et réciproquement. Donc tu vois, qd je les prends, c’est même 4 par 4 pour apprécier la différence

    Que je sache, c’est bien cette même problèmatique qu’il faudrait illustrer en multipliant les applications pour mettre à distance d’un pouvoir quelconque ceux qui sont sans pouvoir sur eux-mêmes; et vos questions essentielles sur l’économie la monaie etc seraient résolues!

  7. Avatar de Moi
    Moi

    @Eugène: Je ne comprends pas ce que vous me dites et j’avoue que vous me faites même un peu peur. Laissons cela. Je vous accorde bien volontiers tout ce que vous voulez en orthographe et pour le reste. 🙂

  8. Avatar de Jean-Louis
    Jean-Louis

    A Crapaud rouge et Anne J. : vos réactions anti-géselliennes montrent instamment les limites de votre connaissance de Silvio Gesell et de son ouvrage mais faites l’effort de lire le Wikipédia au mot Silvio Gesell (article + Discussion + tous les liens adjoints) avant de dire n’importe quoi.
    Les 3 expériences majeures sont Schwanenkirchen (Allemagne dans les années 20), Wörgl (Autriche) et Lignières (France) : ces expériences « nulles » comme vous semblez l’entendre ont si bien marché que ce sont les banques centrales de chacun de ces pays qui ont empêché leur extension.

  9. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Jean-Louis :

    Petit a : puis-je vous prier de me dire où j’aurais dit « n’importe quoi » ?
    Petit b : je suis ravi que des expériences majeures aient si bien marché, car il y a sûrement des leçons à en tirer, mais je vous rappelle que toute expérience dépend de ses conditions initiales. Je ne demande pas mieux que Delanoë tente le coup sur Paris, mais je ne vois pas pourquoi je devrais donner ma voix à une solution qui ne m’intéresse pas. Je crois que les partisans de la monnaie fondante devraient faire du lobbying, au lieu de perdre le temps à essayer de convaincre des internautes dépourvus de pouvoir.

  10. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    @ Charles

    En effet ce temps du capital globalisé et se déplaçant en temps réel est aussi le notre, mais nous le subissons, nous y sommes aliénés. C’est en ce sens qu’il n’est plus notre. Ce temps réglé par les nécessités de reproduction et d’accumulation du capital nous y sommes plongés. C’est même toute l’histoire de l’industrialisation avec la chronométrie des activités productrices et par extension humaines.

    Quand je dis que nous n’avons plus notre temps à nous, c’est pour distinguer des temporalités. Or il me semble qu’une certaine temporalité — même si elle ne disparaît pas totalement, car le monde capitaliste n’est pas totalement réifié — celle qui permet à chacun de développer sa sensibilité, ses connaissances, sa réflexion, de créer ou simplement d’oeuvrer (que je distingue de la production anonyme et sans autre but qu’implique l’accumulation du capital des autres) tend à être écrasée sous le poids d’une temporalité globale et totalitaire, non qualitative. Aussi quand je dis que « L’hyper concentration du capital que permet ce système permet une hyper appropriation de notre temps. » cela veut dire que le capital concentré permet à ceux qui le possèdent de nous imposer un emploi du temps, le leur, qui est en fait celui du consumérisme qui nous donne l’illusion des choix alors que ceux-ci sont pré-fabriqués, orientés. Autrement dit la possession de l’argent est un pouvoir, pouvoir qui est devenu exorbitant car jamais dans l’histoire de l’humanité de telles richesses n’ont été concentrées à un tel degré. Il y donc non seulement un aspect inégalitaire dans la répartition des richesses et d’un certain usage du temps — les riches son les maîtres du temps — mais aussi et surtout l’imposition d’une temporalité au détriment d’une autre.

    Puisque nous sommes assujettis au temps global de la circulation des marchandises et du capital (lui-même une marchandise), que d’autre part ce temps global est purement mécanique, numérique, qu’il n’a donc plus de qualité, cela implique que l’à venir tend à disparaître, que le temps global est celui de retour du même, ou d’un éternel présent, celui des jouissances interchangeables des objets de consommation. Pour le coup, la linéarité du temps
    , sont ireversibilité sont niées. Or pour que nous puissions être créateurs de nos vies il il est indispensable qu’un processus d’individuation (voir SImondon) qui fait de nous des individus singuliers dans des sociétés singulières puisse avoir lieu. C’est précisément ce processus d’individuation que la temporalité du capital globalisé rend de plus en plus difficile, sinon impossible dans certains cas.
    Le monde consumériste court-circuite les processus lents d’appropriation individuelle et collective des objets et techniques en relation avec les milieux humains et naturel uniques. Nous ne cessons donc de consommer des solutions clés en main au lieu d’être associés au choix et à la définition des objets qui façonnent notre quotidien. Le temps global c’est donc aussi celui d’une dé-politisation au sens où la sphère économique s’est totalement autonomisée et constitue le moule doit se fondre l’humain. Emblématiquement, l’art est réduit à un produit culturel, simple objet de consommation dont la valeur égale au prix d’un marché globalisé. Il n’est plus question d’oeuvres mais de performances, d’art conceptuel, de dispositifs, autant de choses qui renvoient à la négation du sujet individuel, sensible et créateur.

    @ Dalembert

    « Et rajouter la déstructuration/dissolution de toutes les résistances potentielles, églises, états, familles, syndicats, langages, savoirs, etc… comme méthode utilisée par le système pour arriver à ses (sa) fin, à savoir l’individu-roi nu. »

    Je souscris à cette proposition. Cela rejoint ce que je disais à propos de l’individuation. Le capitalisme contemporain est une vaste entreprise de d’effacement et de lutte contre l’émergence des singularités.
    A propos du langage, voir Henri Meschonnic. Du caractère intempestif des paroles vraies (c’est moi qui traduit).

    Concernant la libido et les pulsions le raisonnement est le suivant :
    Le capitalisme s’est longtemps adressé à la libido, au désir, il s’agissait alors de capter les désirs, désirs qui pouvaient encore s’investir dans des projets.
    En cela le capitalisme, d’un point de vue psychique, concernait ce que Freud appelle la sublimation. La sublimation c’est ce qui permet à la libido de s’investir dans des activités sociales et socialisantes. A l’inverse le capitalisme contemporain exploite nos pulsions, autrement dit de l’énergie libidinale à l’état brut qui ne socialise plus ni ne fait des individus singuliers.
    Cela prolonge d’ailleurs mon propos concernant le temps- capital global, lequel avais-je dit, nous retient, nous piège dans son « éternel présent » nous empêchant de construire nos vies, de vivre notre temporalité propre (corrélative d’une temporalité sociale elle-même singulière ) .
    Un directeur d’une chaîne de télévision française avait déclaré que sa mission était de « vendre du temps de cerveau disponible pour Co…la ». Cela signifiait clairement que toutes les émissions télévisées de la dite chaîne devaient être formatées de telle sorte qu’elle offraient un milieu favorable à la réceptivité à la publicité. Le désir
    Le propos était cynique mais il énonçait une vérité, qui définit le capitalisme contemporain, à savoir que le capitalisme après avoir colonisé les marchés, les territoires, en est réduit à colonise les esprits, cela en leur ôtant toute possibilité d’appréhension subjective, sensible, créatrice du monde.

    La rubrique des faits divers nous a habitué depuis quelques temps à ces phénomènes dits des tueurs en série. Comme Patrick Durn qui fait irruption dans la réunion de conseil municipal de la ville Nanterre et tue tout ce qui bouge. Ces adolescents aux USA, en Suède, en Allemagne, et ailleurs, qui font irruption dans leur collège et trucident à l’arme lourde élèves et professeurs. Tous ont un point commun, la perte du sens de leur vie et une aliénation par rapport aux standard de vie consumériste tel quel défini par l’infrastructure « culturelle » du mode de production capitaliste. Le seul moyen alors pour exister et d’avoir leur ‘ »quart d’heure de célébrité » (dixit Wharol), cette norme insistante de la réussite sociale véhiculée par les médias et les industries de la culture et du divertissement, qui sont en eux-mêmes une vaste entreprise de promotion des « valeurs » du capitalisme contemporain, est de commettre un acte suicidaire, nihiliste !

    Sur le thème de l’évolution du capitalisme relativement à la question des formations psychiques — libido et pulsion — voir Bernard Stiegler, notamment son livre : Constituer l’Europe.

  11. Avatar de johannes finckh

    @ anne J.
    Il me semble que je tente de vous répondre. Quant à l’ »inapplicable » que vous signalez, je crois que je doute moi-même un peu, en tout cas tant que je suis à ce point minoritaire, voire seul!
    Il n’empêche qu’il faut absolument trouver un moyen pour limiter la thésaurisation qui reste la vraie racine du capitalisme!
    Du reste, ce système que je propose ne pénaliserait cependant en aucune façon les gens comme vous l’affirmez, il toucherait, par contre, les plus riches là où cela leur fait le plus mal! Pour les citoyens ordinaires, il en résulterait bien des avantages que je vous exposerai volontiers bientôt encore une fois!
    Par ailleurs, je reconnais que je fatigue un peu, mes arguments tournent en boucle!
    J’ai accepté votre remarque, très juste, que la monnaie doit bien « préserver la valeur », mais il est cair pour moi que la monnaie dite fondante (ou franche selon Gesell) n’empêche pas radicalement cela, mais tempère le système d’une façon salutaire en imputant à ceux qui restent liquides autant de risques qu’aux autres sans pouvoir se défausser toujours et encore sur les autres! En aucune façon, la fonte monétaire ne devrait être supérieure à la fonte moyenne des autrs richesses, mais seulement équivalente!
    Mon idée de « loterie » ne vous a pas plu? Elle me semble cependant assez ludique pour convenir au temps actuel, mais soit!
    En venir aux « frais de garde » via un timbrage ou une technique électronique serait peut-être, après tout, pas si compliqué, dès qu’un consensus autour de ce point pourrait se dégager. a révolution serait mentale, et j’avoue que cela semble quelque peu utopique.
    Quant aux liquidités déjà abondantes que vous pointez, c’est parfaitement exact, à mon avis, mais ces liquidités sont « gelées », selon l’expression de DSK!
    Si vous avez une idée pour les dégeler, je suis preneur!
    Bien amicalement, jf

  12. Avatar de johannes finckh

    @crapaud rouge:
    vous me rassurez, en effet, je crois que votre remarque m’a aidé, et vous semblez admettre que mon idée contient quelque consistance, merci,
    jf

  13. Avatar de johannes finckh

    @ jean louis:
    merci pour ton soutien
    @ crapaud rouge,
    merci d’accepter le dialogue, si vous avez une meilleure idée pour en finir avec le capitalisme, je suis preneur;
    pour le lobbying, je ne sais pas bien faire, hélàs!
    Votre façon de épondre implique cependant que vous semblez bien comprendre ce qui « ne vous intéresse pas ».
    à+, je suis fatigué
    jf

  14. Avatar de schizosophie
    schizosophie

    Monsieur Jorion, c’est l’inverse chez Marx : à supposer que les prix forment une structure, c’est la structure des prix qui est inscrite dans la structure sociale.

    C’est précisément cette dernière, causale, qui, en se généralisant sous la forme du salariat génère la diffusion du capitalisme. C’est aussi en raison de ce caractère social, de cette forme d’asservissement comme échange inégal entre la force de travail et sa rémunération que le capitalisme est un mode de production et non seulement un système. Ce mode de production induit une sophistication de l’appareil de production et une désappropriation des travailleurs quant à leurs moyens d’existence et de production. La paysanerie est déracinée, ou déterritorialisé, (moment de captation foncière et rôle primordial de l’Etat) et le métier est automatisé (moment de captation industriel et rôle principal du Capital) ; ces moments étant non tant successifs que physiques (« moment d’inertie » par exemple ou point de force). On pourrait en ajouter un troisième, celui de la captation de la vie quotidienne par le spectacle qui serait celui de l’omniprésence de la valeur d’échange, par exemple, se parler devient doublement payant avec le téléphone portable ou encore se comporter comme moderne consiste à imiter une image de soi, penser comme moderne à suivre l’actualité…

    Incidemment, puisque vous mettez vos pieds dans ce plat-là, remarquons que ces progrès dans le mode de production capitaliste démontre son caractère bourgeoisement révolutionnaire. Quant au remède que vous assignez à Marx, celui concernant la révolution prolétarienne qui dépasserait le mode de production capitaliste vers un autre, que Marx nommait communiste, il ne s’agit pas de « la dictature du prolétariat » mais de « la dictature révolutionnaire du prolétariat » (Programme de Gotha). Devons-nous nous étonner que ce furent les marxistes qui omirent ce caractère, révolutionnaire ?

    Partant de cette prémisse fausse dans votre lecture de Marx, vous ne pourrez pas le radicaliser, pas même dans l’analyse. Il est vrai que c’est une illusion très partagée, aussi bien par les capitalistes que par les marxistes, que celle de considérer Marx comme un économiste.

  15. Avatar de A.
    A.

    @Moi sur Weber et le capitalisme :
    Tu as raison, nos capitalistes ne sont plus puritains depuis longtemps. L’essentiel de l’apport de Weber quant à l’essor du capitalisme concerne la vision subjective qu’il introduit dans l’analyse. Si l’on s’en tient qu’à des critères objectifs, on pourrait alors remonter certainement jusqu’à l’antiquité.

  16. Avatar de antoine
    antoine

    @ schizosophie
    Blablabla… blabla… novlangue… blablabla… re-novlangue… association d’idée purement arbitraire… blablabla…sens de l’histoire… lutte des classes… opium du peuple…blablabla…
    L’idéologie commence quand on a les réponses avant de poser les questions (dixit Althusser)

    Marx était un historien exceptionnel et un grand sociologue. Cela dit quand j’entends qu’il y avant lui et après lui dans la sociologie, je me borne à constater qu’aujourd’hui on se revendique au fond davantage de Hegel (Ecole de Francfort mais pas seulement), de Durkheim (ou autre anthropologue… en passant je précise que Rawls est clairement durkheimien et très très très proche d’Aristote, ce que l’on sait peu) ou de Weber… et que ces trois là ne lui doivent rien.
    Cela dit la différence entre nous est peut-être générationnelle. Marx ne signifie pas pour nous ce qu’il signifiait pour vous. Il na rien de l’icône quasi intouchable qu’il était dans les années 60/70/80. Tout comme Freud et consorts d’ailleurs.

    En philosophie politique et morale, même avec la correction que vous ajoutez c’est une régression caractérisée, et par rapport au rationalisme politique classique, et par rapport à la pensée politique moderne XVIIe. Ce n’est pas pour rien que même les marxistes contemporains (Roemer) ont abandonné le point d’ancrage thématique de la production pour aborder le problème de la justice sociale sous l’angle de la (re)distribution. Autre symptôme: les marxistes sont de plus en plus disposés à utiliser l’excellente (quoique dangereuse) critique de C. Schmitt contre la démocratie libérale. Ce n’est pas là seulement un « effet de mode ». Il faut reconnaître que les analyses de Schmitt sur le plan de la théorie des institutions ainsi que sa compréhension des tenants et des aboutissants de la « querelle de la sécularisation », sont d’un tout autre niveau de profondeur et de lucidité (et encore une fois de dangerosité… faut dire que Marx partant de Feuerbach avait un lourd handicap).
    Que vous pensiez que le fait d’ajouter « révolutionnaire » après dictature change quoique ce soit est… surprenant. Je pensais que vous alliez nous exposer le « contenu » de ce « nouveau type de régime », ce qui aurait été nettement plus éclairant pour nous. Que dit Marx de l’idée de « hierarchie des normes », du concept de « souveraineté », de la question de la « représentation », du « juste » et du « légitime », des libertés religieuses, de la liberté d’expression, de la « séparation des pouvoirs », de la fonction judiciaire, de la prescription des actes et des opinions, du régime des « peines » (au delà de la « rééducation par le travail »), des conditions « d’imputabilité de la responsabilité »… etc etc. Et puis le partage de la propriété dans la société communiste (la datcha au bord de la mer est tirée au sort?) Tout ça nous intéresse. Nan parce que « dictature du prolétariat » ça désigne quoi une fois qu’on abandonne les terres rassurantes du novlangue?

    @ Johannes
    C’est le combat d’une vie et ce n’est pas une question de « lobbying ».

  17. Avatar de antoine
    antoine

    Si la vision de Weber est erronée c’est parce-que c’est le capitalisme qui a produit cette interprétation vulgaire- bassement matérialiste- de la doctrine de Calvin, qui tombait à point nommé. Et non le contraire.
    Et cette erreur il l’a faite parce-qu’il prétendait qu’une science politique qui distinguerait faits et valeurs était à la fois possible (alors que ses travaux en sont littéralement saturés), utile au chercheur, et désirable (Voir le point de vue de Arendt et Strauss sur ce thème, en rapport avec la cécité de la sciences politique moderne devant la montée du nazisme, là ou d’après les catégories de la science politique classique ce qui se déroulait alors était clair comme de l’eau de roche).

    Quels sont ces critères « objectifs » du capitalisme?

  18. Avatar de Fab
    Fab

    @ Pierre-Yves D.,

    Bien dit ! Et avec tout ça vous voulez tout de même prendre le risque de redistribuer équitablement le temps ? Etes-vous certain que nous soyons prêts ? Et si oui, quelle occupation nouvelle – compatible avec le nouveau système constitué – permettra à chaque individu de gérer sereinement ce temps-libre, de garder les pieds sur terre…si besoin est ? La pensée ? La réflexion ? L’analyse de son quotidien et de son environnement ? Deviendrons-nous tous des intellectuels ?
    Si vous vous appliquez à suivre les dix commandements vous verrez que votre capital temps-libre sera bien entamé ! Il semble bien loin le temps où seule la survie comptait.

    Permettez-moi de suggérer d’où pourrait venir le malentendu. Ecce homo. C’est le capitalisme. Nous avons adopté une vie sociale hyper développée, nous avons opté pour la promiscuité. Et nous avons opté pour le capitalisme. Il n’existe pas de race capitaliste. Nous sommes sociaux et acceptons le jeu du groupe.

    Merci pour votre éclairage.

  19. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @jf :

    merci d’accepter le dialogue, si vous avez une meilleure idée pour en finir avec le capitalisme, je suis preneur; pour le lobbying, je ne sais pas bien faire, hélàs! Votre façon de épondre implique cependant que vous semblez bien comprendre ce qui “ne vous intéresse pas”.

    Vous êtes manifestement habité par une idée. Une idée généreuse qui vous pousse irrésistiblement à vouloir la transmettre. Votre problème, c’est que vous n’êtes pas prix Nobel d’économie, donc personne ne vous écoute. Ce que je vous suggère, c’est de garder cette idée, (en fait, toute une théorie, on se comprend), « en arrière plan », « derrière vous », c’est-à-dire de toujours vous en inspirez dans vos interventions, mais sans la mettre en avant. Entre la monnaie fondante et la monnaie conventionnelle, il y a la même distance qu’entre le christianisme et le paganisme : ça ne peut pas coller. On se plonge, ou reste plongé, dans l’un(e) ou dans l’autre, mais pas dans les deux.

    Sinon, je ne pense pas qu’il faille « en finir avec le capitalisme », seulement avec une pensée économique qui me semble passablement archaïque. L’enjeu, c’est l’information. Il me semble que les riches organisent sa rareté ou sa profusion au gré de leurs intérêts et que c’est ainsi qu’ils entretiennent les rapports de force en leur faveur. L’archaïsme de l’économie, c’est de chercher des lois, disons des régularités, en oubliant que l’information sur laquelle elles opèrent n’est pas distribuée selon des lois, mais par des moyens, cad des constructions arbitraires.

  20. Avatar de TL
    TL

    1) Jean-Marie Harribey est quelqu’un de très intéressant, mais pour lui en dehors d’une lecture orthodoxe de Marx, point de salut…

    2) @ jf : lisez Marx sur la monnaie, vous verrez qu’il a été le premier à introduire sérieusement l’idée de thésaurisation comme perturbation de la rotation monétaire, par opposition à la conception de Say.

    3) @ schizosophie : je ne vous suis pas vraiment, vous jouez un peu sur les mots. A supposer l’existence d’une structure de prix, elle reflète les rapports de force sociaux et permet leur reproduction ou leur modification à terme, à moins que le pôle de création monétaire subventionne des capitalistes qui vendent à perte.

  21. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    @ Fab

    Je voudrais d’abord rectifier une notion que j’ai introduite dans mon commentaire précédent, qui à la relecture m’apparaît pas correcte :
    celle de temps globalisé qui se déplacerait en temps réel. Ce n’est pas le temps qui se déplace mais bien le seul capital, en temps réel, ce qui induit la temporalité dont je parlais. Et vous avez raison : une des conséquences du « temps global » de la marchandise est qu’il conditionne une distribution inégale du temps de travail ainsi que du temps-travail lui-même plus ou moins susceptible d’émanciper les individus.

    je n’ai pas de solution toute prête. Par contre je sais ce que je ne veux pas : d’un monde où les hiérarchies sociales, culturelles, politiques me soumettent au temps global et capitaliste. (en passant, j’ai beaucoup aimé le préambule de Paul au projet wiki pur une constitution pour l’économie où il insistait — trop lourdement pour certains — sur la nécessaire recherche des égalités ; il n’y a en effet pas de demi-mesure possible : viser l’égalité avec des restrictyions c’est de facto accepter un monde d’inégalités et donc les justifier, bref c’est un préalable, la devise républicaine conserve toute son actualité). Pour la petite histoire, la mienne, et pour donner un aspect plus engagé, concret à mon propos, je peux vous parler un peu de mon cas personnel.
    j’ai un travail à mi-temps, je vis donc assez chichement mais j’ai effectivement du temps « libre », temps libre que je préfère mille fois au temps contraint du job que j’occupe et je qualifierais d’alimentaire, même si ce travail comporte des aspects pas totalement désagréables à coté d’autres aspects sur lesquels je n’ai pas envie de m’étendre.
    C’est en partie un choix, mon employeur actuel m’a proposé (obligation légale lorsqu’un poste se libère) d’ailleurs à plusieurs reprises un job à plein temps, que j’ai toujours refusé.
    J’ai bien conscience d’être d’une certaine façon un privilégié car en travaillant à mi-temps je gagne 1000 euros environ.
    Pour des millions de français il faudrait un job à plein temps pour avoir une rémunération équivalente.
    Pour un cadre sup, par contre, mon salaire paraîtra ridicule, et non susceptible d’assurer une une vie confortable, ce qui est d’ailleurs le cas, si l’on se réfère au standard de vie bourgeois et consumériste. Toutefois, il serait malhonnête de ma part de dire que je suis jamais habité par certaines contradictions, tensions internes, celles-là mêmes induites par un système qui comporte lui aussi des contradictions. Pour un certain nombre de mes contemporains le temps libre ce sont juste des loisirs. Or mon temps libre je ne le perçois comme temps libre que relativement à celui de mon job régulier.

    Mon temps dit « libre » n’est en réalité pas plus libre que l’autre. Seulement il me permet de mener des activités que je peux qualifier de réellement miennes ce qui n’exclue pas, au contraire, qu’elle aient une valeur sociale qui leur est propre, sans doute pas assez ou eu reconnue comme telle, mais selon moi — selon ma perspective — réelle. Le  » libre arbitre » est une notion contestable, qui n’implique pas d’ailleurs qu’il n’y a plus de morale, ni d’éthique, je précise. L’éthique n’implique pas forcément le libre arbitre, je dirais même au contraire, puisque en tant que disposition c’est une chose que l’on acquiert, que l’on fait mûrir en soi, en soi et pour soi, mais toujours corrélativement à des relations sociales spécifiques.
    Il y a donc l’égalité mais aussi l’éthique, laquelle renvoie à la fraternité, ou philia pour Aristote. Notions qui ne se recoupent pas exactement mais qui soulignent toutes que la vie commune, sociale, ne serait pas juste sans un principe d’égalité des conditions de vies, et que d’autre part cette égalité n’est pas une pure extériorité mais doit toujours être cultivée par une éthique.Tout cela pour dire que le temps de l’émancipation est un temps qui n’est pas substituable d’un individu à un autre. Ma vie, je suis le seul à pouvoir la vivre. Mon temps ne sera donc jamais le votre et réciproquement. Ce qui fait que nous sommes des êtres singuliers c’est précisément que nous vivons nos vies avec un temps qui leur est propre car les activités que nous menons personne d’autre n’est capable de les faire comme nous les faisons, et avec le sens qui leur est donné, du moins tant que nous ne subissons — certes souvent à nos corps défendant (bien qu’aliénés nous pouvons tout de même opposer une résistance, qui est manifeste aussi une singularité, le mode de production capitaliste et son temps globalisé. Quand je parlais d’une temporalité autre c’était donc une notion générique qui renvoyait à une économie,organisation sociale plus solidaire, collaborative, contributive, laquelle serait une condition nécessaire, mais pas forcément suffisante, pour que nous puissions être pleinement créateurs de nos vies et ainsi avoir notre temps à nous.

    Pour répondre à votre question : »devriendrions-nous tous des intellectuels ? »
    D’une certaine façon oui !!
    L’intelligence propre à chacun pourrait se développer plus complètement au lieu d’être dans beaucoup de cas un fruit rabougri.
    Mais attention, que l’on ne se méprenne pas sur mon propos, il ne s’agit pas de proposer un meilleur des mondes clé en main à la place de l’existant ! Si l’on m’a bien lu, mon propos suppose au contraire que l’on parte de l’existant et que l’on s’y confronte, pied à pied, sans qu’il faille privilégier tel ou tel aspect de la vie, même si il faut bien considérer que l’économie dans sa forme actuelle est le plus gros obstacle pour qu’un certain nombre de choses puissent changer.
    C’est ici que je rejoins le propos de Paul Jorion sur la nécessaire approche dialectique des choses. Dialectique qui ne doit pas être l’apanage d’un groupuscule éclairé,mais doit être largement pratiquée, par tous et dans tous les domaines de la vie !
    Etre de son temps c’est donc être intempestif seule façon d’accéder au temps singulier et de créer une société elle-même digne de ce nom.

  22. Avatar de Moi
    Moi

    @antoine: « Quels sont ces critères “objectifs” du capitalisme? »

    En ce qui me concerne, j’appelle capitaliste une personne qui produit de l’argent avec de l’argent et dont c’est la principale source de revenu (un enseignant boursicoteur n’est pas un capitaliste, par contre un PDG salarié dont la plus grande part du revenu est composée de stock options est un capitaliste).
    Et j’appelle capitalisme le fait de produire de l’argent avec de l’argent comme activité principale. En ce sens, le capitalisme existait avant Calvin et ailleurs.
    Par contre, et c’est peut-être là (entre autre) que Weber touche juste, le capitalisme n’était pas connoté positivement avant la Réforme (je crois que les marchands italiens et juifs de la fin du Moyen-Age et de la Renaissance étaient passablement méprisés par la « véritable » noblesse terrienne et régulièrement spoliés). Autrement dit, avec la Réforme, les capitalistes trouvaient enfin une légitimation idéologique, ce qui leur permettait d’enfin atteindre les plus hautes strates de la hiérarchie sociale. Par la suite, le libéralisme a joué aussi ce rôle (avec l’avantage qu’il permettait aussi aux capitalistes de justifier de jouir de l’argent accumulé et de modeler la société dans leur intérêt en se cachant derrière l’intérêt général).

  23. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    Les pratiques, en science économique, ressemblent à ce que l’on trouve en linguistique : d’un côté des théories, analyses et descriptions, plus ou moins abstraites et rédigées en français vernaculaire, de l’autre des modèles mathématiques. Entre les deux : rien, je veux dire : rien de solide qui soit à portée du pékin lambda (quand même doté de son permis de conduire en société, le bac), rien qui ait de valeur opérationnelle ou qui soit susceptible d’en acquérir une. (C’est le com de Pierre-Yves D. qui m’inspire celui-ci.)

    Quand je parlais d’une « nouvelle culture économique », avant d’avancer de nouvelles théories d’économie politique, j’avais en tête des choses comme la grammaire qu’on enseigne dans les écoles. Une grammaire, ce n’est pas une théorie, mais une description des règles en usage organisée autour de quelques concepts qui font consensus : phrase, proposition, verbe, substantif, etc. Ce B A BA n’existe même pas en économie, alors que le pékin lambda s’y trouve plongé jusqu’au cou, il en est imbibé comme une éponge. On a donc, d’un côté, des capitalistes armés jusqu’aux dents par les économistes, leur « loi du marché » posée comme loi de la nature, et bien d’autres considérations diverses et (a)variées, de l’autre des analaphabètes.

  24. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    Note sur mon com précédent : non seulement les capitalistes sont armés jusqu’aux dents par les économistes, mais aussi par les juristes qui leur concoctent des paradis fiscaux. Qu’est-ce qu’ils attendent pour nous faire des paradis salariaux ?

  25. Avatar de Mikael EON
    Mikael EON

    @crapaud rouge:

    « The real food is not being advertised. And that’s really all you need to know.”
    L’auteur considère qu’un bon marqueur des aliments sains tient en ce qu’ils ne font pas l’objet de publicité.
    « La nourriture réelle ne fait pas l’objet de publicité, et c’est tout ce que vous avez besoin de savoir »

    Sa thèse est que les produits qui font l’objet de publicité sont ceux qui contiennent toutes sortes de composants sans valeur nutritive mais à fort effet addictif.

    Ce qu’on produit et comment on le distribue ne représente pas une question secondaire.

  26. Avatar de Moi
    Moi

    @Crapaud Rouge : « On a donc, d’un côté, des capitalistes armés jusqu’aux dents par les économistes, leur “loi du marché” posée comme loi de la nature, et bien d’autres considérations diverses et (a)variées, de l’autre des analaphabètes. »

    Tout à fait. Et c’était bien le danger que représentait le marxisme pour les capitalistes. Le marxisme n’était sans doute pas plus scientifique ni plus bénéfique que l’idéologie au service des capitalistes, mais pour une fois les pauvres avaient une grammaire sur laquelle s’appuyer dans leur lutte. Pendant des décennies, les capitalistes ont eu ce danger présent, une population qui risquait à tout moment de passer dans le camp d’en face et ont ainsi été obligés de lacher du lest.
    Je pense que le communisme a été une bénédiction pour les prolétaires occidentaux. Certes, beaucoup moins pour les prolétaires des pays communistes. 🙂

  27. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    J’ai dit qu’il fallait radicaliser Marx avec l’aide d’Aristote – qui avait lui vu que le prix se constitue toujours comme résultante du rapport de force entre acheteur et vendeur.

    J’adhère sans réserve à la conception aristotélicienne de la formation du prix. Mais comment la développer, quand on sait que cette résultante est déterminée par un grand nombre de facteurs totalement disparates ? Bien malin celui qui leur trouvera un facteur commun susceptible d’agir sur la « variable de sortie », le prix.

    Petite question : si l’idée d’Aristote est vraie, pourquoi des générations entières d’économistes semblent l’avoir ignorée ? Parmi toutes les réponses possibles se trouve probablement celle-ci : parce que, ne sachant que faire de ces rapports de force qu’ils ne peuvent modéliser, ils ont fait comme s’ils n’existaient pas. Ce n’est sûrement pas la réponse la plus pertinente qu’on puisse faire. Au lieu de « ne peuvent », il faudrait dire : « ne veulent ». (Quand on veut on peut, c’est bien connu.)

  28. Avatar de Moi
    Moi

    @Crapaud Rouge : « ne sachant que faire de ces rapports de force qu’ils ne peuvent modéliser »

    Je suis cynique, je ne pense pas que l’impossibilité de les modéliser soit la raison. Le premier moderne a avoir sérieusement parlé de ces rapports de force, Machiavel, est je crois toujours à l’index…

  29. Avatar de Oppossùm
    Oppossùm

    @ Crapaud
    Une société ou même deux individus réalisant une transaction , donc recherchant un accord sur le prix d’une chose, ne peuvent pas d’emblée et sciemment poser que seul le rapport de force fixera le prix.
    Il y aura une discussion, des pressions, des arrangements etc … du marchandage ou bien un argumentaire froid etc … mais sera fait appel à des arguments rationnels.

    C’est à dire que dans la représentation que se font les agents de la formation du prix , la sensation d’opérer un rapport de force s’exprime au travers , ou bien est médiatisée par une négociation.

    Les économistes classiques n’ont pas ignoré ce rapport de force , mais ils ont pensé qu’il s’inscrivait dans une loi plus générale et naturelle, la loi de l’offre et de la demande.
    Mais une ‘naturalisation’ progressive de cette loi tout à l’avantage de certain groupe sociaux s’est imposée dans la vulgate scientifique, phénomène qui s’inscrit précisément dans un rapport de force !

    Ceci dit la loi de l’offre et la demande est incontournable (c’est mon intuition scientipifométrique) : elle est d’ailleurs elle même, au fond, un rapport de force naturel. Mais effectivement elle est loin de tout dire sur un prix, surtout dans nos sociétés complexes où les rapports de force sont à la fois ceux de l’instant précis de la négociation, mais aussi ceux inscrits aux travers d’institutions pérennes où de pratiques réglementées (elles mêmes formes demi-figées de rapports de forces antérieurs) : ainsi dans le prix des choses , s’inscrit non seulement des luttes sociales actuelles de divers groupes sociaux , mais aussi une multitude de prélèvement automatiques ou s’exprime la puissance de l’Etat , parfois pour de bonnes raisons et parfois pour de très mauvaises.

  30. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Moi: pas d’accord. Il me semble que l’idée de constitution économique le démontre : faute de pouvoir les modéliser, la seule solution est de les changer en édictant de nouvelles règles.

    Note : Machiavel n’est pas à l’index, que je sache. On le trouve en vente dans toutes les bonnes librairies, et je suis sûr qu’un type comme Sarkozy l’a lu plus souvent que la Princesse de Clèves…

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  1. Une belle organisation, comme dans le « Meilleur des Mondes » ? Vraiment ?

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