Radicaliser Marx dans l’analyse

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

« Les deux postures ci-dessus [Daniel Cohen et Paul Jorion] manquent leur but et ne peuvent prétendre être les prémisses d’une reconstruction de la « science économique ». Car ou bien elles se contentent de redire ce que tout économiste conséquent sait (par exemple, toute évolution de l’économie est à replacer dans le cadre des rapports sociaux dominants) et qu’il a tiré des penseurs fondamentaux du capitalisme, ou bien elles accumulent les contresens et les contradictions. Dans ce dernier cas, il ne faut pas y voir un défaut de perspicacité de la part de leurs auteurs, mais plutôt un reste de la force de l’idéologie économique qui a déferlé sur le monde depuis trois décennies et qui empêche encore, malgré la brutalité de la crise, d’oser se réclamer des penseurs critiques du capitalisme (Marx) ou critiques de l’incapacité radicale du marché à s’autoréguler (Keynes). » Jean-Marie Harribey, La cacophonie économique.

J’ai mis en évidence – dans une série d’articles publiés dans La Revue du MAUSS il y a près de vingt ans (1) – que Marx avait été incapable de voir que la structure sociale est inscrite dans la structure des prix et qu’elle se reproduit telle quelle grâce à celle-ci. J’ai dit qu’il fallait radicaliser Marx avec l’aide d’Aristote – qui avait lui vu que le prix se constitue toujours comme résultante du rapport de force entre acheteur et vendeur.

Karl Marx, hégélien maladroit, capable de voir la thèse et l’antithèse mais aveugle à la synthèse, penseur au style exceptionnellement obscur, se situait dans la perspective du « Plus radical que moi, tu meurs ! ». Aussi l’idée qu’il faille radicaliser Marx est difficile à admettre par ceux qui considèrent qu’il constitue – comme il l’a proclamé lui-même – le nec plus ultra en matière de critique.

Qu’on m’entende bien : ce que Marx a écrit sur l’économie domine de beaucoup en qualité ce qui fut écrit par la suite et sa théorie de l’intérêt en particulier, comme partage du surplus, constitue – bien que conçue antérieurement – un progrès sensible par rapport à celle en termes de préférence pour la liquidité, que Keynes introduisit. L’œuvre de Marx ne constitue pas pour autant un horizon critique indépassable.

Il faut radicaliser Marx dans l’analyse, non seulement en mettant en évidence les rapports de force – c’est-à-dire le politique – à l’intérieur de la formation des prix et la confirmation de ces rapports de force du fait de ceux-ci, mais aussi en distinguant clairement au sein de la « bourgeoisie », les capitalistes (qui perçoivent l’intérêt – comme Marx l’avait pourtant compris dans ses notes devenues par les soins d’Engels le troisième volume du Capital) des entrepreneurs (qui s’approprient eux le profit) au sein d’une structure tripartite dont le troisième élément est constitué des salariés, le prolétariat de Marx : ceux que l’on convie à la table une fois celle-ci desservie. La concentration des richesses est inscrite dans cette structure comme sa dynamique et seule sa compréhension complète peut déboucher sur des propositions de réforme ayant quelques chances de réussite.

La critique des analyses de Marx et de Keynes (Marx à l’usage des banquiers) a été produite durement par les péripéties historiques de leurs applications. Keynes a servi d’alibi à toutes les politiques antisociales des cinquante dernières années. Marx, en proposant la dictature du prolétariat comme remède (le degré zéro de la réflexion politique), a engendré un monstre liberticide qui assura qu’on ignorerait pour cent ans ce qu’il y avait pourtant à retenir dans son œuvre. Si la liberté absolue accordée au plus fort de faire comme il l’entend était bien la thèse, la suppression de la liberté pour tous n’était elle encore que l’antithèse. La synthèse viendra mais comme résolution authentique de toutes les contradictions.

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(1) * Déterminants sociaux de la formation des prix de marché, L’exemple de la pêche artisanale, La Revue du MAUSS, n.s., 9, 1990 : 71-106; n.s., 10: 49-64.

* Le prix comme proportion chez Aristote, La Revue du MAUSS, n.s., 15-16, 1992 : 100-110.

* L’économique comme science de l’interaction humaine vue sous l’angle du prix. Vers une physique sociale, in Pour une autre économie, Revue Semestrielle du MAUSS, 1994 :161-181.

* Statut, rareté et risque, Recherches Sociologiques, vol XXVI, 3, 1995 : 61-76.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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120 réponses à “Radicaliser Marx dans l’analyse”

  1. Avatar de Jean-Michel
    Jean-Michel

    Cette question des classes chez Marx a donné lieu à une littérature surabondante. C’est dans le dernier chapitre inachevé du livre III du Capital que l’on trouve un schéma analogue (mais pas identique) en 3 classes, inspiré d’ailleurs directement de Ricardo (http://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-III/kmcap3_51.htm) :

    Les ouvriers salariés qui n’ont que la force de travail et dont le salaire est le revenu, les capitalistes qui possèdent le capital et touchent le profit, les propriétaires fonciers qui détiennent la terre et prélèvent la rente constituent les trois grandes classes de la société moderne, basée sur la production capitaliste.

    C’est incontestablement en Angleterre que cette subdivision est le plus largement et le plus catégoriquement développée. Cependant elle n’y existe pas encore dans toute sa pureté et des couches de transition y masquent partout – incomparablement moins à la campagne que dans les villes – les lignes de démarcation. Mais ce fait est sans importance pour notre étude.

    Nous avons vu que la tendance permanente et la loi de développement de la production capitaliste poussent à une séparation de plus en plus profonde des instruments de travail et du travail, à une concentration de plus en plus puissante des moyens de production et à la transformation du travail en travail salarié et des moyens de production en capital. A cette tendance correspond la séparation de la propriété foncière, du capital et du travail [1], c’est-à-dire l’adaptation morphologique de la propriété foncière à la production capitaliste.

    La question à laquelle nous avons à répondre est la suivante : Qu’est-ce qui constitue une classe ? ou bien : Comment se fait-il que ce soient les ouvriers salariés, les capitalistes et les propriétaires fonciers qui forment les trois grandes classes sociales ?

    A première vue on pourrait invoquer l’identité des revenus et de leurs sources, et dire qu’il s’agit de trois grands groupes sociaux, dont les membres vivent respectivement du salaire, du profit et de la rente, c’est-à-dire de la mise en valeur de leur force de travail, de leur capital et de leur propriété foncière.

    Mais si tel était le point de départ de la classification, les médecins et les employés, par exemple, formeraient également deux classes, car ils appartiennent à deux groupes sociaux distincts, dont les revenus ont la même source. Et cette subdivision irait à l’infini, en présence des séparations innombrables que la multiplicité des intérêts et la division du travail social créent parmi les ouvriers comme parmi les capitalistes et les propriétaire fonciers, ces derniers devant être groupés, par exemple, en propriétaires de vignobles, de terres labourables, de forêts, de mines, de pêches.

    Mais il y a d’autres lectures des classes chez Marx, moins schématiques, plus proches de la diversité empirique, par exemple dans La lutte des classes en France :

    http://www.marxists.org/francais/marx/works/1850/03/km18500301.htm

    ou dans le 18 Brumaire :

    http://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum.htm

    Raymond Aron en avait fait une lecture critique qui en montrait les limites et reste à mon sens inégalée.

    L’un des problèmes est que ce schéma des trois classes est bien trop simple et ne rend pas compte de la diversité des classes et des fractions de classes (au mieux ont peut y voir une sorte de type idéal). Dans un pays comme la France, il faut aller vraiment dans les plus hauts fractiles des revenus pour trouver des « capitalistes » au sens strict. Une très grande partie des hauts revenus et de la classe dominante est encore constituée de salaires et de salariés (managers, traders…). Voir la somme empirique de Thomas Piketty à partir de l’exploitation des sources fiscales. Voir aussi les enquêtes d’Olivier Godechot sur les traders. Or ces salariés-là peuvent difficilement être assimilés au prolétariat de Marx.

  2. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    Oui, une radicalisation théorique est à opérer, en s’appuyant naturellement sur une mise à jour.

    1/ Grâce à une analyse de la réalité des mécanismes du capitalisme financier d’aujourd’hui, ainsi que des sociétés occidentales qui en résultent. Sa crise actuelle nous en donne désormais pleinement les moyens, car elle a mis à nu beaucoup de ses éléments constitutifs, et ce n’est pas fini.

    2/ En se gardant de tout « occidento-centrisme », considérant pour ce qu’il sont les systèmes économiques et les sociétés des pays émergents, une fois chaussées des lunettes adaptées. Sans leur plaquer des schémas d’analyse qui ne leur correspondent pas. (Marx, d’ailleurs, n’a-t-il pas en son temps évoqué un certain « mode de production asiatique » ? )

    Il y a un petit fil rouge très utile à tirer dans cette réflexion. Nous pouvons désormais nous apuyer sur la critique de non plus un seul système (un « mode de production »), mais de deux (celui qui s’est revendiqué du « socialisme »). D’autant qu’une nouvelle dimension est apparue en force, celle des ressources limitées de la planète et des contraintes qui en résultent.

    La description que nous sommes désormais en mesure de faire d’une société alternative est d’autant plus élaborée et complexe, à la mesure de la complexité de celles dans lesquelles nous vivons. Elle est encore très partielle, impliquant de poursuivre une réflexion radicale, afin de la faire reposer sur d’autres pieds.

    Est-ce que l’expression « utopie réaliste » pourrait convenir pour caractériser cette démarche ?

    Lorsque l’on y regarde bien, ne peut-on pas s’apercevoir que de nombreuses pratiques sociales devancent cette réflexion et peuvent l’alimenter?

    Pour paraphraser Karl Heinrich, Il ne s’agit pas d’améliorer le monde, mais de le transformer.

  3. Avatar de JeanNimes
    JeanNimes

    Pour utiliser la pensée-Marx, il est utile de se débarrasser des préjugés et des erreurs diverses dues à des traductions fautives et à nombre de marxistes qui ont fait des raccourcis dévastateurs, le premier d’entre eux, Staline.

    Aussi, il me paraît difficile de réduire Hegel à thèse, antithèse et synthèse… il vaut plus que cela heureusement.
    Quant à Marx, il a dit et redit qu’il fallait retrouver le noyau rationnel de la pensée d’Hegel et l’inscrire dans un matérialisme dialectique et historique, qui n’est pas obscur à celui qui l’étudie et s’approprie la complexité d’une pensée qui est à la hauteur de la complexité historique et scientifique d’une analyse du monde et de sa réalité.

    Quant à la conception du « communisme », comme le dit Lucien Sève, « le communisme » est mort, en tant qu’abstraction. Le communisme est autre chose qu’un état idéal de la société qu’il faudrait atteindre par des étapes déjà calibrées… alors que c’est un processus historique de dépassement du capitalisme et d’émancipation humaine. Qu’ils le veuillent ou non les financiers de Wall Street sont aussi pris dans ce processus et comme tout humain ils peuvent accélérer ou freiner ce processus : ils sont dans la lutte des classes, au même titre que tous les salariés de tous les pays…

    Quant à la « dictature du prolétariat », que de contre-sens (plus ou moins volontaires) ont pu être fait à son propos. Rappelons toutefois que cette formulation du Manifeste communiste (1848), juste au moment de journées révolutionnaires en France, signifie que Marx et Engels ne sont pas des utopistes béats et qu’ils avaient « imaginé » que la classe bourgeoise ne se laisserait pas facilement arracher ses instruments de domination et qu’il faudrait certainement une période où le pouvoir démocratique des salariés (les prolétaires) s’imposerait de manière forte contre les tenants d’un ordre inégalitaire et illégitime, au profit de l’immense majorité de la population. Mais les conditions en sont imprévisibles… L’espoir de ceux qui veulent dépasser le capitalisme est que la démarche démocratique où chaque pas est confirmé par le vote sera acceptée par la classe bourgeoise quand les résultats du vote lui seront opposés. L’Amérique latine donne aujourd’hui quelque espoir sur la réalité de cette démarche et de son efficacité.

    Sur le point particulier des rapports de la structure de prix et des rapports sociaux, il faut remarquer que Marx a introduit une distinction entre le mode de production et la formation sociale qui l’accompagne dans toute société. Il n’a pas négligé non plus d’en étudier les rapports contradictoires dans certains cas ou de détermination réciproque dans d’autres : rien de mécanique ni de réducteur. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour la formation des prix dans ses rapports aux rapports sociaux ? C’est bien ce qui est à étudier en relation avec le mode de production et la formation sociale qui l’accompagne à un moment donné de leurs histoires liées et contradictoires.

    Il y a plus à gagner dans une réflexion qui à la fois se saisit de la réalité de la pensée-Marx et la prolonge, la critique quand manifestement certains de ses éléments sont datés ou erronés, mais n’essaie pas de nous ramener dans une conception pré-marxienne qui a tout coup nous fait perdre les acquis irremplaçables de la pensée-Marx et de la rupture définitive qu’il introduit dans le champ des sciences humaines (histoire, économie politique, sociologie, psychologie) sans parler de la philosophie !

  4. Avatar de la fin
    la fin

    La société alternative que vous annoncez se met déja en place.

    Les riches sont et seront tous concentrés dans les mêmes lieux et disposeront des meilleurs produits et services, ils tiendront les grandes entreprises, les grands médias, les grandes banques et pourront se déplacer d’un lieu privilégié à un autre dans des moyens de transports privilégiés.

    Les autres en fonction de leurs revenus disposent et disposeront d’exactement la même chose mais dans des gammes déclinantes qui vont du jet privé au vélo.

    La classe moyenne émergente sera bobo, écolo, fera du vélo, prendra le tram et l’autobus, passera l’essentiel de son temps devant un écran, de télé, d’ordinateur, de cinéma où on la mettra en scène pour la valoriser. Les loisirs seront passés à installer des panneaux solaires, aider les plus pauvres. On exploitera sa bétise au maximum.

    Les plus pauvres, eux et selon leur scoring seront cantonnés au stade de football et à l’antenne parabolique.

    Toute révolte sera matée par les plus riches qui tiennent également les moyens de coercitifs.

    Fermez le blog et devenez riches.

  5. Avatar de FabienF
    FabienF

    Je suis comme a chaque fois meduse par la qualite du debat mene ici. Pour me dedouaner du nombre innombrable de betises que j aiet que je vais surement dire, je ne suis qu un matheux qui a trop longtemps neglige les sciences sociales.
    C’est d abord en lisant Stiglitz que j ai commence a m interesser a l economie. Puis,je ne sais plus trop comment,je me suis abonne a l excellente revue du Mauss,qui m a fait decouvrir de grands penseur si meconnus (mm des etudiants e eco,etonne?).
    Dans un autre registre,je conseille « Guns germs and steel » de J. Diamond,qui devrait etre lu part tout « occidental ».
    Ensuite, et la je sens que je vais m attirer les foudres de quelque uns, je conseille « les trous noirs de la science economique » de Jacques Sapir. Demonte par le blog econoclaste (que je n apprecie pas vraiment d ailleurs…), ce livre m a paru fort interessant dans son analyse des grands debats de la science economique. Le profane, meme s’il s en doute,y decouvre que les theories modernes ont des fondations plus que fragiles,et relevent autant de l ideologie que les discours du NPA (ok,j exagere peut etre).
    Je relirai sa partie sur la monnaie ce soir.
    Quelqu un a t il lu « La Violence de la monnaie » de M Aglietta et A.Orlean?

  6. Avatar de FabienF
    FabienF

    « Les classes sociales n’existent pas. Ce qui existe, c’est un espace de differences dans lequel les classes existent en quelque sorte a l’etat virtuel,en pointille,non comme un donne, mais comme QUELQUE CHOSE QU ILS AGIT DE FAIRE »

    selon Bourdieu, le probleme de la sociologie n est pas de delimiter le nombre, la composition ou les frontieres de groupes reels mais d analyser le systeme des relations differentielles entre posiions sociales.

    J aime!

  7. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    Paul plante ce jour un nouveau clou dans le cercueil du capitalisme finissant
    et dépasse Marx, par le haut, sans nier ses apports, avec des arguments solidement étayés qui sont la synthèse des recherches et activités de toute une vie. Paul n’est pas ici pour seulement décrire le monde mais bien pour le transformer dès lors qu’il apparaît que l’angle par lequel il renouvelle l’approche de l’économie, celui de la formation des prix, traduit une dimension politique et sociale que les autres théoriciens n’avait pas intégrée dans leurs analyses ce qui conférait à leurs approches de l’économie un caractère désincarné et finalement idéologique dans le sens où la théorie était au service de la domination.

    C’est assez fascinant de voir comment Paul, semaine après semaine, mois après mois, sur fond de crise, monte insensiblement en puissance dans sa critique des fondements de notre système en disposant une à une les pièces d’un puzzle qui constituera, n’en doutons pas, une nouvelle théorie générale de l’économie. Avec ce sens doublement pédagogique et politique que tous ceux qui fréquentent le blog depuis un moment lui connaissent.

    C’est parce que Paul s’empare de ce qui constitue l’élément le plus commun et connu universellement, le plus basique de l’économie « moderne » — le prix des marchandises — qu’il peut proposer une analyse radicale et pertinente.

  8. Avatar de Moi
    Moi

    @FabienF: « Je suis comme a chaque fois meduse par la qualite du debat mene ici. »

    C’est à tel point qu’en ce qui me concerne je n’ose presque plus intervenir. 🙂
    Mais c’est agréable à lire.

    « relevent autant de l ideologie que les discours du NPA (ok,j exagere peut etre). »

    Je pense que vous n’éxagérez pas du tout. Le blog d’econoclaste par exemple est en plein dans l’idéologie malgré les efforts faits pour le cacher. Pour sortir de l’idéologie, il faut d’abord assumer et avoir pleine conscience de celle dans laquelle on baigne.

  9. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Paul,
    (/dernière ligne du post)

    La synthèse est impossible car l’homme socialisé est le contraire dialectique de l’homme-animal-individu via une instance formelle en lui qui analyse cette grégarité pour donc le faire échapper à l’autisme aux « psychoses » infantiles. Bref la dialectique est incorporée à l’homme et on peut tout faire sauf s’échapper de nous mêmes… cette contradiction là est indépassable car elle nous est constitutive, mais on peut toujours se suicider…. quoi que çà dépende le plus souvent d’une autre contradiction dialectique qui nous soit également « vitale ».

  10. Avatar de vincent présumey
    vincent présumey

    Je suis pour ma part un peu sceptique sur la critique que porte Paul Jorion sur Marx (on ne parle pas ici des marxistes, c’est clair, c’est un autre problème). Je précise cependant que j’ai un scrupule à intervenir ici à ce sujet, n’ayant pas encore pris le temps de lire tout ce que ce blog contient d’intéressant sur la monnaie ex cathedra, qui est au coeur de ce sujet, ni les articles du MAUSS cités ici.
    Cette précision étant faite, je me permettrai de dire d’abord que Marx me semble trés aristotélicien, justement -et souvent dialecticien à la manière de Hegel, précisément en tant qu’il est aristotélicien- et pas si obscur, mais ce dernier point est plus subjectif (les goûts et les couleurs …).
    Ensuite, la distinction qu’il établit entre le capital productif d’intérêt et le capital en général ne conduit pas à opposer une « classe » de capitalistes (en fait de capitalistes financiers, au sens braudélien) et une « classe » d’entrepreneurs ou capitalistes industriels, mais maintient, tout en établissant des contradictions en son sein, l’unité de la classe capitaliste face à la classe ouvrière.
    [une précision : cette distinction se trouve dans la cinquième section du livre III du Capital, et non dans la septième section inachevée citée ici par Jean-Michel, laquelle reprend en effet le schéma ricardien tripartie travailleur salarié-fermier capitaliste-propriétaire foncier, sauf que la référence de Paul Jorion ne concerne pas cette section, mais la cinquième, et donc pas la rente foncière -bien que ce soit là une question trés importante encore aujourd’hui dont il faudrait traiter aussi- mais l’intérêt ].
    Surtout, il y a chez Marx l’idée que le capital productif d’intérêt est nécessité par le mouvement même du capital -que la forme A-A’, l’argent qui produit de l’argent (c’est-à-dire la chrématistique d’Aristote ou peu s’en faut) est inhérente à tout capital, bien que son auto-accroissement ne soit pas possible, à échelle sociale globale, par magie mais nécessite évidemment toujours la production « réelle ». Il lie donc trés étroitement le capital comme « essence s’auto-accroissant » sans aucune limite inhérente et sans se préoccuper des conséquences externes, et la forme financière prise par le capital. Mais c’est bien le capital comme rapport social issu de la généralisation de l’achat et de la vente de la force de travail humaine instituée en marchandise, qui développe ainsi sa potentialité de capital s’auto-accroissant, de valeur autonome s’auto-valorisant, de capital financier réduisant son circuit à A-A’.
    Par conséquent, et trés rapidement dit, la structure tripartie que Paul Jorion perçoit chez Marx comme analogue à la sienne (capitalistes-entrepreneurs-prolétaires) est plutôt chez Marx une sorte de dédoublement interne au capital, dans le cadre d’une structure essentiellement bipartie. Le problème de la finance nous raménerait donc au capital, et résoudre le problème de la finance nous conduit au capitalisme comme problème. C’est d’ailleurs ça, au delà de l’interprétation de Marx, qui est l’un des enjeux importants de cette discussion.
    Dernier aspect où je ne suis pas convaincu des quelques mots de Paul Jorion sur Marx ici : l’idée que celui-ci se serait figuré qu’on résoudrait l’exploitation et le désordre résultant de la liberté de tous contre tous dans le poulailler en abolissant cette liberté par une bonne dictature du prolétariat. C’est beaucoup plus malin. Car réduire ainsi les choses revient à confondre le capitalisme et son apparence libérale, alors qu’il n’a jamais consisté dans la liberté de tous contre tous et que Marx, pas plus que beaucoup d’autres, ne s’y est laissé prendre, d’une part. Et d’autre part Marx oscille dans sa perspective politique entre la formule (qui vient des blanquistes) de « dictature du prolétariat » et celle de « réalisation de la démocratie » qui est celle du célèbre Manifeste, tout en gardant toujours l’idée, qui n’est pas chez lui parole verbale, que « l’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes ». Donc prudence, l’hégélien maladroit est plus aristotélicien que ce que croit sa réputation, et cette affaire est un peu plus compliquée que le serait une mauvaise dissertation sur thèse-antithèse-synthèse !
    Enfin la formation des prix chez Marx est beaucoup plus complexe et a au moins cinq dimensions emboitées, pas moins
    1) le travail social abstrait existant par et dans la monnaie,
    2) la division du prix en valeur du capital variable destiné aux salaires, du capital constant utilisé et en plus-value,
    3) la répartition des profits à échelle sociale par et dans les prix,
    4) le prélévement de la rente foncière absolue (charge foncière) et de la charge fiscale,
    5) le jeu des surprofits et des sous-profits et des rentes différentielles qui vont avec …
    et ce ne sont donc pas les rapports de force déterminant les prix qui manquent dans tout cela ; il faudrait donc pour le moins préciser cette idée selon laquelle Marx n’arrive pas à se représenter le prix comme résultant du rapport de force entre acheteur et vendeur et qu’Aristote en la matière était déjà plus perspicace (ou moins embrouillé, parce qu’ayant affaire à un système un peu moins étendu de son temps ?).
    Encore une fois je n’ai pas vu l’article de Paul Jorion dans la revue du MAUSS mais l’idée que la structure sociale est inscrite dans la structure des prix et se reproduit par elle est une idée qui personnellement, et je ne pense pas être unique, m’est venue à la lecture de Marx, précisément.
    Est-ce que Paul Jorion a étudié (je ne lui reprocherai pas de ne pas l’avoir fait, on ne peut pas tout faire d’où l’intérêt d’un tel débat) les assez nombreux travaux d’auteurs (Isaac Roubine, Roman Rosdolsky, certains travaux de Pierre Salama, Jacques Valier, Tran Hai Hac, Jean-Marie Vincent) qui établissent me semble-t’il assez bien que pour mettre Marx, disons, en cohérence avec lui-même, on doit sortir de la théorie simplette et faussement matérialiste dite de la valeur-travail ?
    Evidemment Marx n’est pas un horizon indépassable et le radicaliser avec l’aide d’Aristote est une trés chouette idée.

  11. Avatar de Bernard.Z
    Bernard.Z

    Dans son livre de Mémoires « le temps des turbulences »Alan Greenspan nous dit « c’est l’arrivée de nouveaux travailleurs à bas prix qui affecte la structure des prix de la main d’œuvre dans les pays développés. Plus on ajoute de travailleurs aux marchés concurrentiels, plus forte est dans les pays développés, la pression sur les salaires et les prix. »
    Greenspan définit avec cynisme le fonctionnement de la mondialisation qui introduit des consommateurs instruits et bon marché provenant des pays issus du communisme ou de l’Asie du sud est, pour faire baisser les salaires dans les pays développés. Ainsi pour compenser la baisse de leur pouvoir d’achat les salariés des pays développés on eu recours à l’endettement, puis au sur-endettement. La FED a encouragé pendant plus de10 ans, une croissance factice portée par le crédit, jusqu’à l’explosion des subprimes.
    Tout est dit, la mondialisation (maintenant irréversible) est devenue le mal absolu et la concurrence principal crédo des néolibéraux pèse plus que jamais sur les salaires et le bien être des individus.
    On nous avait parlé d’autorégulation du marché, une chimère qui consiste à échapper volontairement par conviction ou par sens de l’éthique à la spéculation ou à la corruption. C’est l’argument de ceux qui ne veulent pas l’intervention de l’Etat.
    Je suis d’accord avec Jean-Marie Harribey on ne peut pas marier Keynes et Friedman, cette posture consensuelle est celle de la social démocratie, on a vu les résultats avec Blair et Brown en GB. Quant à les renvoyer dos à dos: pour quoi faire?
    Vaste chantier.

  12. Avatar de Moktarama

    Il est amusant que vous citiez tous Hegel, alors qu’il me semble que la prédominance de sa vision philosophique (en particulier en ce qui concerne la dialectique) au XXème siècle est indubitablement une des causes de l’Histoire telle qu’elle s’est déroulée.

    Surtout lorsque l’on voit qu’en termes de discours, Paul Jorion me semble bien plus proche d’un Schopenhauer : la première chose qu’il a fait ici fut en effet de trouver des termes desquels tout le monde en tire un sens identique, et de désamorcer toutes les « certitudes économiques langagières » pour « repartir » sur des bases moins polluées.
    En gros, on a foutu la dialectique d’Hegel aux orties pour comprendre de quoi chacun de nous parlait, et à mon sens c’est bien ce qui nous a permis de sortir des assertions économiques mille fois répétées comme des incantations et des conclusions indépassables.

    Bref, je n’ai aucune sympathie pour la pensée développée par Hegel, et j’ai du mal à comprendre en quoi elle nous aiderait : je la vois faire plus de mal que de bien, il n’est qu’à écouter Paul Jorion parler d’une synthèse de Marx qui permettrait une « utopie réaliste » pour comprendre que c’est s’engager exactement dans la même direction que ses illustres prédécesseurs. Je préfèrerais un peu moins d’absolu, un peu plus d’acceptation du flou, et surtout une pensée plus foisonnante (ce qu’est pourtant ce blog depuis des mois) que réductrice.

    Croire que dans quelques mois, on viendra nous chercher avec une solution miracle, et que nous l’aurons trouvé, et qu’il sera possible de la mettre en place, c’est un risque que je ne pense pas que nous voulions prendre. Laissons se développer en parallèles les différentes hypothèses, cherchons-les et faisons-en éventuellement des synthèses articulées qui se nourrissent mutuellement, mais ne cherchons pas à tout rassembler pour bâtir un ensemble théorique totalement cohérent. A chaque fois que les hommes ont fait ça, ça s’est mal fini parce qu’il manquait toujours des paramètres même les moins prévisibles. Il me semble indispensable de ne pas se projeter dans la création d’un nouveau systême de pensée économique si celui-ci doit à son tour nous être présenté comme le « precious » , un achèvement…si une idée m’est proche, ce serait celle d’arriver à articuler et à déconstruire un maximum de concepts tout en se laissant des doublons et des choix politiques (et c’est d’ailleurs ce que fait Paul quand il compare les visions musulmanes/aristotéliciennes/marxistes). Par ce que je ne crois pas une seconde qu’une éventuelle « synthèse absolue » (qui ferait plaisir à Hegel) soit valable politiquement. Et si elle l’est, elle le sera comme le capitalisme ou le marxisme l’ont été : jamais appliquée dans sa « perfection théorique » , car personne ne pourra empêcher sa récupération et son interprétation par des intérêts très divergents. Voilà pourquoi je pense qu’Hegel n’a rien à faire dans ce débat, à part à nous convaincre faussement que la nature humaine serait capable de ne pas déformer et réinterpréter à son profit ce genre d’édifices théoriques (demandez à Jésus ce qu’il en pense).

    Bref, je me répète, mais Hegel ne permet pas la concrétisation politique de ce genre de projets sans une déformation inhérente à l’humain, c’est pourquoi le travail sur les mots me semblait si capital. Le jour où on ne pourra plus faire dire n’importe quoi aux mots, alors la théorie hegelienne du Vrai sera juste. En attendant, je préfère faire confiance à Schopenhauer, à la « perversion naturelle de l’âme humaine » et à la méthode du flou assumé qu’est la dialectique. Mieux vaut des articulations d’idées présentées dans une certaine « pureté » (cf. le boulot abattu ici par Paul sur Aristote/Marx/Mahomet etc..) , qui permettent de se diriger vers la ou les voies estimées les plus viables (sans s’interdire la possibilité de l’erreur), plutôt que la promotion d’un systême de pensée tout entier qui se tiendrait de manière absolu (et ne pourrait dès lors plus être remis en question, comme les deux précédents de l’homme européen).

    Mais je blablate et je me perds….pour un exemple concret, regardez la biologie, qui ressemble fort par certains points à une économie du corps humain. Ben en biologie, les grandes théories qui se tiennent debout comme des grandes, ça n’existe pas. Tout est sujet à la possibilité de se tromper, personne ne prétend à l’absolu, et les biologistes ne s’affrontent pas depuis 50 ans pour savoir si on doit garder la théorie de l’évolution « darwinienne » intacte ou si on doit y intégrer les apports de la génétique : on le fait, ça chamboule énormément de paramètres, détruit des assertions, et pourtant ça ne viendrait à l’idée de personne d’aller chercher les écrits de Darwin pour se revendiquer de « l’orthodoxie » . Ce parallèle n’est pas innocent, car la biologie est la plus floue des sciences dures, tandis que l’économie se présente comme la plus dure des sciences floues.

  13. Avatar de Crystal
    Crystal

    « Marx, en proposant la dictature du prolétariat comme remède (le degré zéro de la réflexion politique), a engendré un monstre liberticide qui assura qu’on ignorerait pour cent ans ce qu’il y avait pourtant à retenir dans son œuvre. »

    Tout a fait d’accord.
    Et donc pourrait-on aussi rééxaminer ce que Bakounine proposait au niveau politique avant de se faire évincer par Marx ?

    Sur radicaliser Marx dans l’analyse :

    L’un des points qui me tient à coeur, c’est la quasi absence de critique des thèses productivistes (prises en compte des limites finies des ressources naturelles).

  14. Avatar de Vince

    Je l’avoue très humblement, je n’ai jamais lu Marx. Le problème à la conception d’une théorie économique s’appuyant sur des conceptualisations affirmées comme justes – les classes dans Marx, d’après ce qu’on m’a soufflé – c’est qu’elle se heurte à une réalité sociale souvent bien différente (surtout si cette réalité traverse une période de mutation importante comme la révolution industrielle…).
    Par exemple aux USA une part non négligeable des salariés – ou dois-je dire employés ..? – sont aussi des actionnaires, donc des (petits) capitalistes. Sans oublier le lien économique entre la classe moyenne essentiellement salariés et les fonds de pension qui sont des outils capitalistes par ailleurs bien plus spéculatifs que ce que leur nom laisse supposer… A quelle catégorie/classe affecter ces individus ?

  15. Avatar de Dissonance
    Dissonance

    @Vince:

    « Je l’avoue très humblement, je n’ai jamais lu Marx. »

    Idem. Mais d’un point de vue tout personnel, j’ai tendance à penser que ce déficit culturel comporte au moins un avantage: Cela permet de penser le sujet sans a priori, et permet d’éviter l’écueil qui consiste à tomber dans l’exégèse, dont on a déjà évoqué les travers sur ce blog.

  16. Avatar de Mikael EON
    Mikael EON

    Les « sciences humaines » en sont elles, des sciences ?

    Il faut beaucoup d’esprit de sérieux, et peu de sérieux, pour envisager de modéliser le fonctionnement des sociétés humaines.

    Hors des perspectives purement scientifiques, la connaissance de tout ce qui est humain , (quel que soit le compartiment universitaire dans lequel on loge cette connaissance et surtout lorsqu’on tisse des trames transversales en se riant des compartiments) peut éclairer la compréhension et l’action.

    Ériger quelque théorie que ce soit, issue de quelque discipline que ce soit, en formule cardinale de l’organisation des sociétés relève du rêve infantile. Les mythologies remplissent le même rôle.

    Listons les faits, rien que les faits, sans préjuger de la manière qu’ils ont de tenir ensemble, les faits qui caractérisent le comportement des hommes en ce début de XXI° siècle.

    Comme Crystal je m’étonne du peu de place accordée en ce séminoblog à la finitude de plus en plus palpable de nos ressources.

    Je m’étonne qu’on s’intéresse si peu au marketing.

    Je suis surpris qu’on ne dissèque pas les mécanismes du formatage des esprits, et qu’on n’inventorie pas des techniques éventuelles de déformatage.

    etc…..

    J’aime lire ce blog.

    Ce que j’y cherche c’est ce regard qui cherche à déjouer les effets d’optique, cette volonté de démonter les fausses évidences, qui caractérisent peu ou prou la plupart des intervenants. Pas des batailles de clercs.

    J’aime le déchiffrage méthodique et l’exposé brillant de l’info mondiale par François Leclerc. La modestie inventive du touche à tout Paul Jorion. Pas les exégèses des vieux textes aussi important soient ils dans leurs « compartiments » respectifs.

    J’avais envie d’exprimer un sentiment, ça n’a pas plus d’intérêt que ça, sauf évidemment pour moi.

  17. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    Radicaliser évoque pour moi un nœud que l’on serre davantage : je doute que ce soit la bonne méthode. Je dirais plutôt que Marx mérite d’être mis en contraste, comme on passe un dessin à l’encre de chine, pour relever, renforcer et conserver les meilleurs traits.

    Il y a un gros défaut, dans le texte de Jean-Marie Harribey « La cacophonie économique », car il ne s’en prend qu’à deux personnes, alors qu’à mon avis il en faut beaucoup plus pour faire une « cacophonie ». (Il est vrai que, de deux allumettes, on peut toujours faire un tas…) J’ai horreur qu’on n’emploie pas les mots justes. Il y a cacophonie, c’est sûr, mais elle émane de l’ensemble des économistes. La preuve est faite, désormais, que leurs constructions théoriques sont une tour de Babel.

    Le problème est désormais culturel : nos sociétés dites « modernes » ont besoin d’une nouvelle culture économique : c’est plus vaste et plus complexe qu’une nouvelle théorie d’économie politique.

  18. Avatar de johannes finckh

    @ tous:
    Il n’empêche que l’analyse de Marx manque totalement l’analyse monétaire « critique »!
    Il ne distingue pas, effectivement, l’entrepreneur industriel du capitaliste financier, et, ce faisant, il néglige, d’une façon assez classique, l’analyse de la monnaie elle-même qui n’est pas neutre, comme nous pouvons le savoir depuis Keynes (et Silvio Gesell bien sûr!)
    Plus concrètement, cette non neutralité vient du fait que la monnaie peut cesser d’être l’objet d’échange universel pour devenir l’objet accumulé comme tel! La monnaie peut ne pas être monnaie d’une certaine façon!
    Tant que ces deux fonctions seront confondues, à l’intérieur de la monnaie telle qu’elle est définie depuis Aristote, la capitalisme subsistera avec ou sans Marx!
    jf

  19. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Crystal : « L’un des points qui me tient à coeur, c’est la quasi absence de critique des thèses productivistes (prises en compte des limites finies des ressources naturelles). » Moi aussi, ça me tient à cœur. Cette absence de critique a d’ailleurs conduit le stalinisme a être aussi productiviste que son « ennemi héréditaire ». De faux ennemis, en fait, c’est désormais un secret de polichinelle, puisque la Chine communiste est devenue archi-capitaliste sans cesser d’être communiste. Y’a franchement de quoi rigoler !

  20. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Mikael EON : « Je m’étonne qu’on s’intéresse si peu au marketing. Je suis surpris qu’on ne dissèque pas les mécanismes du formatage des esprits, et qu’on n’inventorie pas des techniques éventuelles de déformatage. »

    Mais on ne peut pas parler de tout !!! On peut aussi se livrer à une critique en règle du progrès technico-scientifique, disserter sur le réchauffement climatique, sur le génocide du Rwanda et la complicité de la France, les femmes battues, nos prisons surpeuplées,…

    Si vous achetez dans une librairie un livre d’économie, allez-vous vous étonner qu’il ne s’intéresse pas plus au marketing ?

  21. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @jf: « Tant que ces deux fonctions seront confondues » : mais personne ne les confond. Le problème, que vous refusez de voir, est qu’il est impossible d’avoir de la monnaie circulante, (pour ne pas dire circulaire), sans avoir aussi de la monnaie thésaurisée. Même dans la nature « ça se passe comme ça » (slogan, formatage des esprits). L’eau, par exemple, qui circule en abondance, et que l’on pourrait comparer à de la monnaie naturelle, ne peut pas circuler sans constituer des stocks : vapeur d’eau dans l’atmosphère, glace dans les glaciers, liquide dans les nappes phréatiques, etc. etc. Fleuves et rivières sont aussi des stocks d’eau, je vous signale, stocks dynamiques mais stocks quand même.

  22. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @jf: vous pourrez me rétorquer que, à l’aune de ma comparaison, la monnaie fondante existe aussi dans la nature, puisque les végétaux rejettent énormément de vapeur d’eau par transpiration… En fait, votre histoire pourrait devenir fort intéressante si vous acceptiez de la déborder, cad de ne pas vous y accrochez comme une moule à son rocher. La déborder, ça veut dire la placer dans une perspective plus large, et renoncer à l’idée qu’elle est LA SOLUTION. Quoiqu’il en soit, il est beaucoup plus intéressant de se poser des questions que de trouver des réponses. Avec les réponses, il n’y a plus de mystère, c’est pas drôle.

    Je me rappelle encore de la façon dont mon premier prof de chimie nous a présenté cette science : il a pris sa règle, l’a coupée en deux, puis en deux, puis en deux,… puis nous a posé la question : vais-je pouvoir la couper en deux indéfiniment ? SUSPENS. Mais l’on a déjà compris quelle est la bonne réponse. Si c’était oui, la question ne se serait même pas posée : faute de limite, on ne peut pas s’interroger sur une limite. La réponse était donc non : et l’on tombe sur l’atome ! Rien de moins. C’est fantastique Moralité : arrêtez de croire que vous avez LA solution, et sans doute pourrez-vous découvrir bien d’autres choses aussi intéressantes que la monnaie fondante.

  23. Avatar de Mikael EON
    Mikael EON

    @Crapaud Rouge « Moi aussi, ça me tient à cœur. Cette absence de critique a d’ailleurs conduit le stalinisme a être aussi productiviste que son “ennemi héréditaire”. »

    Nous sommes d’accord sur ce point, et je doute m’être correctement exprimé.

    En écrivant le mot marketing, j’étais trop elliptique. Évidemment ce blog n’est pas un fourre-tout, j’avais en tête une phrase de Michael Pollan lue sur le site d’Alternet.org : »The real food is not being advertised. And that’s really all you need to know. » La publicité fait partie de ces techniques très peu neutres dont se nourrit le productivisme…….

    Mon propos était de vanter les approches basées sur les faits concrets, les circuits de distribution tels qu’ils se sont développés au cours des quarante dernières années ont quelque chose à voir avec ce qui se débat ici (le génocide du Rwanda et la complicité de la France, les femmes battues, nos prisons surpeuplées,… je ne vois pas).

  24. Avatar de Anne.J
    Anne.J

    J’avais posé la question suivante à Monsieur Finckh . Sans réponse je la réitère ici…

    Entre le moment où on la reçoit et le moment où on l’utilise une monnaie est toujours réserve de valeur: la question serait donc de savoir à partir de combien de temps “en possession” (réserve de valeur) la monnaie doit commencer à fondre parce qu’elle brûle? 1 seconde, 1 minute, 1 heure, 1 journée, 1 semaine, 1 mois, 1 an, plus, ?????
    Et pourquoi ce délai plutôt qu’un autre ?

  25. Avatar de dissy
    dissy

    le 09/09/2009 à 09h09 manifestation partout dans le monde contre le ‘nouvel ordre mondial’ pour sauvegarder nos libertés….la nouvelle se répand …

  26. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    @ Eugène 13:58

    Je me trompe peut-être, mais il me semble que la synthèse dont parle Paul n’est pas une synthèse définitive qui se rapporterait à une nature humaine, laquelle trouverait son achèvement via une forme politique particulière qui serait la dernière. Je précise qu’en ce qui me concerne, comme je l’avais souligné dans mon commentaire sur son récent billet consacré à Kojève, il ne peut y avoir synthèse définitive politique, sociale, de toutes les contradictions humaines, car alors ce serait nier l’émergence des singularités et de l’historicité radicale dont procèdent toutes les vies humaines : lorsque l’Histoire a une fin c’est toujours que s’annonce un discours totalitaire.
    La synthèse qui est évoquée en termes lapidaires dans le présent billet de Paul est semble-t)il celle qui se rapporte aux contradictions du système capitaliste et/ou du système communiste en tant que dictature du prolétariat, qu’il s’agit de dépasser.
    Dépasser des contradictions, c’est effectivement faire une synthèse mais cela n’implique pas forcément que l’Histoire est finie, mais seulement que l’humanité

    @ Crapaud Rouge

    vous dites : « Le problème est désormais culturel : nos sociétés dites “modernes” ont besoin d’une nouvelle culture économique : c’est plus vaste et plus complexe qu’une nouvelle théorie d’économie politique. »

    Quelle différence faites-vous entre « nouvelle culture économique » et « nouvelle théorie d’économie politique » ?
    A mon sens toute théorie nouvelle digne de ce nom suppose implique une nouvelle culture, sans quoi — et peut-être est-ce ce que vous vouliez dire — nous retombons dans l’économisme.
    Une théorie n’est pas vraiment « révolutionnaire » si elle elle n’ a pas de fortes implications politiques, éthiques.
    La constitution pour l’économie que propose Paul, à première vue, pourrait paraître très technicienne et faire ainsi dans l’économisme. En réalité, elle reconfigure tout l’espace-temps des possibles. Elle ne s’oppose à certaines « utopies » alternatives, mais au contraire crée un espace favorable à leur émergence. Cette constitution n’est donc pas, contrairement à ce que certains pensent, simplement une nouvelle norme mais seulement que l’humanité a franchi une nouvelle étape dans son évolution historique, en l’occurrence celle qui consiste à parfaire la démocratie en y intégrant un principe de domestication de l’économie aujourd’hui encore « ensauvagée ».

  27. Avatar de Moktarama

    @Pierre-Yves D. :

    Merci pour ces précisions bienvenues, même si elle ne m’étaient pas destinées 😉
    Cela rend alors ce billet de Paul Jorion plus en accord, ce me semble, avec ce qui était fait sur ce blog depuis plus d’un an.
    Même si je parlerais plutôt « d’améliorer » la démocratie que de la « parfaire ».

  28. Avatar de Paul Jorion

    Le monde est en devenir : la synthèse d’aujourd’hui est déjà la thèse de demain.

  29. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Pierre Yves D & Paul,

    Vu comme çà bien sûr, mais je maintiens que les mouvements dialectiques sont d’abord en chacun d’entre nous entre nature et culture via des pôles structuraux qui, par contradiction du naturel et du formel nous font émerger dans ce culturel.

  30. Avatar de Wladimir
    Wladimir

    Radicaliser Marx, moi je veux bien. J’attends avec intérêt le « Nouveau manifeste du parti communiste ».

    Mais de la à le condamner finalement à cause de sa célèbre formule de « dictature du prolétariat » qui était en fait une réponse à la dictature du capitalisme en cours à son époque et toujours présente, du moins à ce qu’il me semble si je lis bien ce blog, il faut quand même oser. D’autant que c’est oublier une autre phrase aussi célèbre « l’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes”.
    A ce qu’il me semble Marx est mort en 1883 est n’est aucunement responsable de l’adaptation de sa pensée par Lénine, Staline ou Mao. Je pense même qu’il aurait atterré d’apprendre que la révolution communiste éclatait dans des empires anachroniques fondamentalement paysans, lui qui l’avait pensé comme dépassement du capitalisme ayant achevé sa tâche historique dans des pays comme l’Angleterre ou la France (je rappelle à ce sujet que Lénine en lançant sa révolution espérait simplement au départ durer plus longtemps que la Commune de Paris et servir de base arrière à la révolution allemande de 1918). Quant au terme dictature du prolétariat, Marx écrit dans son temps, celui de la révolution de 1848 ou la Commune de 1871 et qu’il constate la répression féroce des mouvements ouvriers à qui l’on a souvent reproché leur respect démocratique comme entrave à leur radicalité. Qu’il ai eu les boules en constatant que du côté opposé le respect démocratique n’était pas vraiment la première valeur mise en avant me parait excuser ses emportements de langage, non ? Je rappelle que Marx parle de l’Histoire en tant que l’histoire de la LUTTE des classes.

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  1. Une belle organisation, comme dans le « Meilleur des Mondes » ? Vraiment ?

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