Ce texte est un « article presslib’ » (*)
« Les deux postures ci-dessus [Daniel Cohen et Paul Jorion] manquent leur but et ne peuvent prétendre être les prémisses d’une reconstruction de la « science économique ». Car ou bien elles se contentent de redire ce que tout économiste conséquent sait (par exemple, toute évolution de l’économie est à replacer dans le cadre des rapports sociaux dominants) et qu’il a tiré des penseurs fondamentaux du capitalisme, ou bien elles accumulent les contresens et les contradictions. Dans ce dernier cas, il ne faut pas y voir un défaut de perspicacité de la part de leurs auteurs, mais plutôt un reste de la force de l’idéologie économique qui a déferlé sur le monde depuis trois décennies et qui empêche encore, malgré la brutalité de la crise, d’oser se réclamer des penseurs critiques du capitalisme (Marx) ou critiques de l’incapacité radicale du marché à s’autoréguler (Keynes). » Jean-Marie Harribey, La cacophonie économique.
J’ai mis en évidence – dans une série d’articles publiés dans La Revue du MAUSS il y a près de vingt ans (1) – que Marx avait été incapable de voir que la structure sociale est inscrite dans la structure des prix et qu’elle se reproduit telle quelle grâce à celle-ci. J’ai dit qu’il fallait radicaliser Marx avec l’aide d’Aristote – qui avait lui vu que le prix se constitue toujours comme résultante du rapport de force entre acheteur et vendeur.
Karl Marx, hégélien maladroit, capable de voir la thèse et l’antithèse mais aveugle à la synthèse, penseur au style exceptionnellement obscur, se situait dans la perspective du « Plus radical que moi, tu meurs ! ». Aussi l’idée qu’il faille radicaliser Marx est difficile à admettre par ceux qui considèrent qu’il constitue – comme il l’a proclamé lui-même – le nec plus ultra en matière de critique.
Qu’on m’entende bien : ce que Marx a écrit sur l’économie domine de beaucoup en qualité ce qui fut écrit par la suite et sa théorie de l’intérêt en particulier, comme partage du surplus, constitue – bien que conçue antérieurement – un progrès sensible par rapport à celle en termes de préférence pour la liquidité, que Keynes introduisit. L’œuvre de Marx ne constitue pas pour autant un horizon critique indépassable.
Il faut radicaliser Marx dans l’analyse, non seulement en mettant en évidence les rapports de force – c’est-à-dire le politique – à l’intérieur de la formation des prix et la confirmation de ces rapports de force du fait de ceux-ci, mais aussi en distinguant clairement au sein de la « bourgeoisie », les capitalistes (qui perçoivent l’intérêt – comme Marx l’avait pourtant compris dans ses notes devenues par les soins d’Engels le troisième volume du Capital) des entrepreneurs (qui s’approprient eux le profit) au sein d’une structure tripartite dont le troisième élément est constitué des salariés, le prolétariat de Marx : ceux que l’on convie à la table une fois celle-ci desservie. La concentration des richesses est inscrite dans cette structure comme sa dynamique et seule sa compréhension complète peut déboucher sur des propositions de réforme ayant quelques chances de réussite.
La critique des analyses de Marx et de Keynes (Marx à l’usage des banquiers) a été produite durement par les péripéties historiques de leurs applications. Keynes a servi d’alibi à toutes les politiques antisociales des cinquante dernières années. Marx, en proposant la dictature du prolétariat comme remède (le degré zéro de la réflexion politique), a engendré un monstre liberticide qui assura qu’on ignorerait pour cent ans ce qu’il y avait pourtant à retenir dans son œuvre. Si la liberté absolue accordée au plus fort de faire comme il l’entend était bien la thèse, la suppression de la liberté pour tous n’était elle encore que l’antithèse. La synthèse viendra mais comme résolution authentique de toutes les contradictions.
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(1) * Déterminants sociaux de la formation des prix de marché, L’exemple de la pêche artisanale, La Revue du MAUSS, n.s., 9, 1990 : 71-106; n.s., 10: 49-64.
* Le prix comme proportion chez Aristote, La Revue du MAUSS, n.s., 15-16, 1992 : 100-110.
* L’économique comme science de l’interaction humaine vue sous l’angle du prix. Vers une physique sociale, in Pour une autre économie, Revue Semestrielle du MAUSS, 1994 :161-181.
* Statut, rareté et risque, Recherches Sociologiques, vol XXVI, 3, 1995 : 61-76.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
120 réponses à “Radicaliser Marx dans l’analyse”
Cette question des classes chez Marx a donné lieu à une littérature surabondante. C’est dans le dernier chapitre inachevé du livre III du Capital que l’on trouve un schéma analogue (mais pas identique) en 3 classes, inspiré d’ailleurs directement de Ricardo (http://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-III/kmcap3_51.htm) :
Mais il y a d’autres lectures des classes chez Marx, moins schématiques, plus proches de la diversité empirique, par exemple dans La lutte des classes en France :
http://www.marxists.org/francais/marx/works/1850/03/km18500301.htm
ou dans le 18 Brumaire :
http://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum.htm
Raymond Aron en avait fait une lecture critique qui en montrait les limites et reste à mon sens inégalée.
L’un des problèmes est que ce schéma des trois classes est bien trop simple et ne rend pas compte de la diversité des classes et des fractions de classes (au mieux ont peut y voir une sorte de type idéal). Dans un pays comme la France, il faut aller vraiment dans les plus hauts fractiles des revenus pour trouver des « capitalistes » au sens strict. Une très grande partie des hauts revenus et de la classe dominante est encore constituée de salaires et de salariés (managers, traders…). Voir la somme empirique de Thomas Piketty à partir de l’exploitation des sources fiscales. Voir aussi les enquêtes d’Olivier Godechot sur les traders. Or ces salariés-là peuvent difficilement être assimilés au prolétariat de Marx.
Oui, une radicalisation théorique est à opérer, en s’appuyant naturellement sur une mise à jour.
1/ Grâce à une analyse de la réalité des mécanismes du capitalisme financier d’aujourd’hui, ainsi que des sociétés occidentales qui en résultent. Sa crise actuelle nous en donne désormais pleinement les moyens, car elle a mis à nu beaucoup de ses éléments constitutifs, et ce n’est pas fini.
2/ En se gardant de tout « occidento-centrisme », considérant pour ce qu’il sont les systèmes économiques et les sociétés des pays émergents, une fois chaussées des lunettes adaptées. Sans leur plaquer des schémas d’analyse qui ne leur correspondent pas. (Marx, d’ailleurs, n’a-t-il pas en son temps évoqué un certain « mode de production asiatique » ? )
Il y a un petit fil rouge très utile à tirer dans cette réflexion. Nous pouvons désormais nous apuyer sur la critique de non plus un seul système (un « mode de production »), mais de deux (celui qui s’est revendiqué du « socialisme »). D’autant qu’une nouvelle dimension est apparue en force, celle des ressources limitées de la planète et des contraintes qui en résultent.
La description que nous sommes désormais en mesure de faire d’une société alternative est d’autant plus élaborée et complexe, à la mesure de la complexité de celles dans lesquelles nous vivons. Elle est encore très partielle, impliquant de poursuivre une réflexion radicale, afin de la faire reposer sur d’autres pieds.
Est-ce que l’expression « utopie réaliste » pourrait convenir pour caractériser cette démarche ?
Lorsque l’on y regarde bien, ne peut-on pas s’apercevoir que de nombreuses pratiques sociales devancent cette réflexion et peuvent l’alimenter?
Pour paraphraser Karl Heinrich, Il ne s’agit pas d’améliorer le monde, mais de le transformer.
Pour utiliser la pensée-Marx, il est utile de se débarrasser des préjugés et des erreurs diverses dues à des traductions fautives et à nombre de marxistes qui ont fait des raccourcis dévastateurs, le premier d’entre eux, Staline.
Aussi, il me paraît difficile de réduire Hegel à thèse, antithèse et synthèse… il vaut plus que cela heureusement.
Quant à Marx, il a dit et redit qu’il fallait retrouver le noyau rationnel de la pensée d’Hegel et l’inscrire dans un matérialisme dialectique et historique, qui n’est pas obscur à celui qui l’étudie et s’approprie la complexité d’une pensée qui est à la hauteur de la complexité historique et scientifique d’une analyse du monde et de sa réalité.
Quant à la conception du « communisme », comme le dit Lucien Sève, « le communisme » est mort, en tant qu’abstraction. Le communisme est autre chose qu’un état idéal de la société qu’il faudrait atteindre par des étapes déjà calibrées… alors que c’est un processus historique de dépassement du capitalisme et d’émancipation humaine. Qu’ils le veuillent ou non les financiers de Wall Street sont aussi pris dans ce processus et comme tout humain ils peuvent accélérer ou freiner ce processus : ils sont dans la lutte des classes, au même titre que tous les salariés de tous les pays…
Quant à la « dictature du prolétariat », que de contre-sens (plus ou moins volontaires) ont pu être fait à son propos. Rappelons toutefois que cette formulation du Manifeste communiste (1848), juste au moment de journées révolutionnaires en France, signifie que Marx et Engels ne sont pas des utopistes béats et qu’ils avaient « imaginé » que la classe bourgeoise ne se laisserait pas facilement arracher ses instruments de domination et qu’il faudrait certainement une période où le pouvoir démocratique des salariés (les prolétaires) s’imposerait de manière forte contre les tenants d’un ordre inégalitaire et illégitime, au profit de l’immense majorité de la population. Mais les conditions en sont imprévisibles… L’espoir de ceux qui veulent dépasser le capitalisme est que la démarche démocratique où chaque pas est confirmé par le vote sera acceptée par la classe bourgeoise quand les résultats du vote lui seront opposés. L’Amérique latine donne aujourd’hui quelque espoir sur la réalité de cette démarche et de son efficacité.
Sur le point particulier des rapports de la structure de prix et des rapports sociaux, il faut remarquer que Marx a introduit une distinction entre le mode de production et la formation sociale qui l’accompagne dans toute société. Il n’a pas négligé non plus d’en étudier les rapports contradictoires dans certains cas ou de détermination réciproque dans d’autres : rien de mécanique ni de réducteur. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour la formation des prix dans ses rapports aux rapports sociaux ? C’est bien ce qui est à étudier en relation avec le mode de production et la formation sociale qui l’accompagne à un moment donné de leurs histoires liées et contradictoires.
Il y a plus à gagner dans une réflexion qui à la fois se saisit de la réalité de la pensée-Marx et la prolonge, la critique quand manifestement certains de ses éléments sont datés ou erronés, mais n’essaie pas de nous ramener dans une conception pré-marxienne qui a tout coup nous fait perdre les acquis irremplaçables de la pensée-Marx et de la rupture définitive qu’il introduit dans le champ des sciences humaines (histoire, économie politique, sociologie, psychologie) sans parler de la philosophie !
La société alternative que vous annoncez se met déja en place.
Les riches sont et seront tous concentrés dans les mêmes lieux et disposeront des meilleurs produits et services, ils tiendront les grandes entreprises, les grands médias, les grandes banques et pourront se déplacer d’un lieu privilégié à un autre dans des moyens de transports privilégiés.
Les autres en fonction de leurs revenus disposent et disposeront d’exactement la même chose mais dans des gammes déclinantes qui vont du jet privé au vélo.
La classe moyenne émergente sera bobo, écolo, fera du vélo, prendra le tram et l’autobus, passera l’essentiel de son temps devant un écran, de télé, d’ordinateur, de cinéma où on la mettra en scène pour la valoriser. Les loisirs seront passés à installer des panneaux solaires, aider les plus pauvres. On exploitera sa bétise au maximum.
Les plus pauvres, eux et selon leur scoring seront cantonnés au stade de football et à l’antenne parabolique.
Toute révolte sera matée par les plus riches qui tiennent également les moyens de coercitifs.
Fermez le blog et devenez riches.
Je suis comme a chaque fois meduse par la qualite du debat mene ici. Pour me dedouaner du nombre innombrable de betises que j aiet que je vais surement dire, je ne suis qu un matheux qui a trop longtemps neglige les sciences sociales.
C’est d abord en lisant Stiglitz que j ai commence a m interesser a l economie. Puis,je ne sais plus trop comment,je me suis abonne a l excellente revue du Mauss,qui m a fait decouvrir de grands penseur si meconnus (mm des etudiants e eco,etonne?).
Dans un autre registre,je conseille « Guns germs and steel » de J. Diamond,qui devrait etre lu part tout « occidental ».
Ensuite, et la je sens que je vais m attirer les foudres de quelque uns, je conseille « les trous noirs de la science economique » de Jacques Sapir. Demonte par le blog econoclaste (que je n apprecie pas vraiment d ailleurs…), ce livre m a paru fort interessant dans son analyse des grands debats de la science economique. Le profane, meme s’il s en doute,y decouvre que les theories modernes ont des fondations plus que fragiles,et relevent autant de l ideologie que les discours du NPA (ok,j exagere peut etre).
Je relirai sa partie sur la monnaie ce soir.
Quelqu un a t il lu « La Violence de la monnaie » de M Aglietta et A.Orlean?
« Les classes sociales n’existent pas. Ce qui existe, c’est un espace de differences dans lequel les classes existent en quelque sorte a l’etat virtuel,en pointille,non comme un donne, mais comme QUELQUE CHOSE QU ILS AGIT DE FAIRE »
selon Bourdieu, le probleme de la sociologie n est pas de delimiter le nombre, la composition ou les frontieres de groupes reels mais d analyser le systeme des relations differentielles entre posiions sociales.
J aime!
Paul plante ce jour un nouveau clou dans le cercueil du capitalisme finissant
et dépasse Marx, par le haut, sans nier ses apports, avec des arguments solidement étayés qui sont la synthèse des recherches et activités de toute une vie. Paul n’est pas ici pour seulement décrire le monde mais bien pour le transformer dès lors qu’il apparaît que l’angle par lequel il renouvelle l’approche de l’économie, celui de la formation des prix, traduit une dimension politique et sociale que les autres théoriciens n’avait pas intégrée dans leurs analyses ce qui conférait à leurs approches de l’économie un caractère désincarné et finalement idéologique dans le sens où la théorie était au service de la domination.
C’est assez fascinant de voir comment Paul, semaine après semaine, mois après mois, sur fond de crise, monte insensiblement en puissance dans sa critique des fondements de notre système en disposant une à une les pièces d’un puzzle qui constituera, n’en doutons pas, une nouvelle théorie générale de l’économie. Avec ce sens doublement pédagogique et politique que tous ceux qui fréquentent le blog depuis un moment lui connaissent.
C’est parce que Paul s’empare de ce qui constitue l’élément le plus commun et connu universellement, le plus basique de l’économie « moderne » — le prix des marchandises — qu’il peut proposer une analyse radicale et pertinente.
@FabienF: « Je suis comme a chaque fois meduse par la qualite du debat mene ici. »
C’est à tel point qu’en ce qui me concerne je n’ose presque plus intervenir. 🙂
Mais c’est agréable à lire.
« relevent autant de l ideologie que les discours du NPA (ok,j exagere peut etre). »
Je pense que vous n’éxagérez pas du tout. Le blog d’econoclaste par exemple est en plein dans l’idéologie malgré les efforts faits pour le cacher. Pour sortir de l’idéologie, il faut d’abord assumer et avoir pleine conscience de celle dans laquelle on baigne.
@ Paul,
(/dernière ligne du post)
La synthèse est impossible car l’homme socialisé est le contraire dialectique de l’homme-animal-individu via une instance formelle en lui qui analyse cette grégarité pour donc le faire échapper à l’autisme aux « psychoses » infantiles. Bref la dialectique est incorporée à l’homme et on peut tout faire sauf s’échapper de nous mêmes… cette contradiction là est indépassable car elle nous est constitutive, mais on peut toujours se suicider…. quoi que çà dépende le plus souvent d’une autre contradiction dialectique qui nous soit également « vitale ».
Je suis pour ma part un peu sceptique sur la critique que porte Paul Jorion sur Marx (on ne parle pas ici des marxistes, c’est clair, c’est un autre problème). Je précise cependant que j’ai un scrupule à intervenir ici à ce sujet, n’ayant pas encore pris le temps de lire tout ce que ce blog contient d’intéressant sur la monnaie ex cathedra, qui est au coeur de ce sujet, ni les articles du MAUSS cités ici.
Cette précision étant faite, je me permettrai de dire d’abord que Marx me semble trés aristotélicien, justement -et souvent dialecticien à la manière de Hegel, précisément en tant qu’il est aristotélicien- et pas si obscur, mais ce dernier point est plus subjectif (les goûts et les couleurs …).
Ensuite, la distinction qu’il établit entre le capital productif d’intérêt et le capital en général ne conduit pas à opposer une « classe » de capitalistes (en fait de capitalistes financiers, au sens braudélien) et une « classe » d’entrepreneurs ou capitalistes industriels, mais maintient, tout en établissant des contradictions en son sein, l’unité de la classe capitaliste face à la classe ouvrière.
[une précision : cette distinction se trouve dans la cinquième section du livre III du Capital, et non dans la septième section inachevée citée ici par Jean-Michel, laquelle reprend en effet le schéma ricardien tripartie travailleur salarié-fermier capitaliste-propriétaire foncier, sauf que la référence de Paul Jorion ne concerne pas cette section, mais la cinquième, et donc pas la rente foncière -bien que ce soit là une question trés importante encore aujourd’hui dont il faudrait traiter aussi- mais l’intérêt ].
Surtout, il y a chez Marx l’idée que le capital productif d’intérêt est nécessité par le mouvement même du capital -que la forme A-A’, l’argent qui produit de l’argent (c’est-à-dire la chrématistique d’Aristote ou peu s’en faut) est inhérente à tout capital, bien que son auto-accroissement ne soit pas possible, à échelle sociale globale, par magie mais nécessite évidemment toujours la production « réelle ». Il lie donc trés étroitement le capital comme « essence s’auto-accroissant » sans aucune limite inhérente et sans se préoccuper des conséquences externes, et la forme financière prise par le capital. Mais c’est bien le capital comme rapport social issu de la généralisation de l’achat et de la vente de la force de travail humaine instituée en marchandise, qui développe ainsi sa potentialité de capital s’auto-accroissant, de valeur autonome s’auto-valorisant, de capital financier réduisant son circuit à A-A’.
Par conséquent, et trés rapidement dit, la structure tripartie que Paul Jorion perçoit chez Marx comme analogue à la sienne (capitalistes-entrepreneurs-prolétaires) est plutôt chez Marx une sorte de dédoublement interne au capital, dans le cadre d’une structure essentiellement bipartie. Le problème de la finance nous raménerait donc au capital, et résoudre le problème de la finance nous conduit au capitalisme comme problème. C’est d’ailleurs ça, au delà de l’interprétation de Marx, qui est l’un des enjeux importants de cette discussion.
Dernier aspect où je ne suis pas convaincu des quelques mots de Paul Jorion sur Marx ici : l’idée que celui-ci se serait figuré qu’on résoudrait l’exploitation et le désordre résultant de la liberté de tous contre tous dans le poulailler en abolissant cette liberté par une bonne dictature du prolétariat. C’est beaucoup plus malin. Car réduire ainsi les choses revient à confondre le capitalisme et son apparence libérale, alors qu’il n’a jamais consisté dans la liberté de tous contre tous et que Marx, pas plus que beaucoup d’autres, ne s’y est laissé prendre, d’une part. Et d’autre part Marx oscille dans sa perspective politique entre la formule (qui vient des blanquistes) de « dictature du prolétariat » et celle de « réalisation de la démocratie » qui est celle du célèbre Manifeste, tout en gardant toujours l’idée, qui n’est pas chez lui parole verbale, que « l’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes ». Donc prudence, l’hégélien maladroit est plus aristotélicien que ce que croit sa réputation, et cette affaire est un peu plus compliquée que le serait une mauvaise dissertation sur thèse-antithèse-synthèse !
Enfin la formation des prix chez Marx est beaucoup plus complexe et a au moins cinq dimensions emboitées, pas moins
1) le travail social abstrait existant par et dans la monnaie,
2) la division du prix en valeur du capital variable destiné aux salaires, du capital constant utilisé et en plus-value,
3) la répartition des profits à échelle sociale par et dans les prix,
4) le prélévement de la rente foncière absolue (charge foncière) et de la charge fiscale,
5) le jeu des surprofits et des sous-profits et des rentes différentielles qui vont avec …
et ce ne sont donc pas les rapports de force déterminant les prix qui manquent dans tout cela ; il faudrait donc pour le moins préciser cette idée selon laquelle Marx n’arrive pas à se représenter le prix comme résultant du rapport de force entre acheteur et vendeur et qu’Aristote en la matière était déjà plus perspicace (ou moins embrouillé, parce qu’ayant affaire à un système un peu moins étendu de son temps ?).
Encore une fois je n’ai pas vu l’article de Paul Jorion dans la revue du MAUSS mais l’idée que la structure sociale est inscrite dans la structure des prix et se reproduit par elle est une idée qui personnellement, et je ne pense pas être unique, m’est venue à la lecture de Marx, précisément.
Est-ce que Paul Jorion a étudié (je ne lui reprocherai pas de ne pas l’avoir fait, on ne peut pas tout faire d’où l’intérêt d’un tel débat) les assez nombreux travaux d’auteurs (Isaac Roubine, Roman Rosdolsky, certains travaux de Pierre Salama, Jacques Valier, Tran Hai Hac, Jean-Marie Vincent) qui établissent me semble-t’il assez bien que pour mettre Marx, disons, en cohérence avec lui-même, on doit sortir de la théorie simplette et faussement matérialiste dite de la valeur-travail ?
Evidemment Marx n’est pas un horizon indépassable et le radicaliser avec l’aide d’Aristote est une trés chouette idée.
Dans son livre de Mémoires « le temps des turbulences »Alan Greenspan nous dit « c’est l’arrivée de nouveaux travailleurs à bas prix qui affecte la structure des prix de la main d’œuvre dans les pays développés. Plus on ajoute de travailleurs aux marchés concurrentiels, plus forte est dans les pays développés, la pression sur les salaires et les prix. »
Greenspan définit avec cynisme le fonctionnement de la mondialisation qui introduit des consommateurs instruits et bon marché provenant des pays issus du communisme ou de l’Asie du sud est, pour faire baisser les salaires dans les pays développés. Ainsi pour compenser la baisse de leur pouvoir d’achat les salariés des pays développés on eu recours à l’endettement, puis au sur-endettement. La FED a encouragé pendant plus de10 ans, une croissance factice portée par le crédit, jusqu’à l’explosion des subprimes.
Tout est dit, la mondialisation (maintenant irréversible) est devenue le mal absolu et la concurrence principal crédo des néolibéraux pèse plus que jamais sur les salaires et le bien être des individus.
On nous avait parlé d’autorégulation du marché, une chimère qui consiste à échapper volontairement par conviction ou par sens de l’éthique à la spéculation ou à la corruption. C’est l’argument de ceux qui ne veulent pas l’intervention de l’Etat.
Je suis d’accord avec Jean-Marie Harribey on ne peut pas marier Keynes et Friedman, cette posture consensuelle est celle de la social démocratie, on a vu les résultats avec Blair et Brown en GB. Quant à les renvoyer dos à dos: pour quoi faire?
Vaste chantier.
Il est amusant que vous citiez tous Hegel, alors qu’il me semble que la prédominance de sa vision philosophique (en particulier en ce qui concerne la dialectique) au XXème siècle est indubitablement une des causes de l’Histoire telle qu’elle s’est déroulée.
Surtout lorsque l’on voit qu’en termes de discours, Paul Jorion me semble bien plus proche d’un Schopenhauer : la première chose qu’il a fait ici fut en effet de trouver des termes desquels tout le monde en tire un sens identique, et de désamorcer toutes les « certitudes économiques langagières » pour « repartir » sur des bases moins polluées.
En gros, on a foutu la dialectique d’Hegel aux orties pour comprendre de quoi chacun de nous parlait, et à mon sens c’est bien ce qui nous a permis de sortir des assertions économiques mille fois répétées comme des incantations et des conclusions indépassables.
Bref, je n’ai aucune sympathie pour la pensée développée par Hegel, et j’ai du mal à comprendre en quoi elle nous aiderait : je la vois faire plus de mal que de bien, il n’est qu’à écouter Paul Jorion parler d’une synthèse de Marx qui permettrait une « utopie réaliste » pour comprendre que c’est s’engager exactement dans la même direction que ses illustres prédécesseurs. Je préfèrerais un peu moins d’absolu, un peu plus d’acceptation du flou, et surtout une pensée plus foisonnante (ce qu’est pourtant ce blog depuis des mois) que réductrice.
Croire que dans quelques mois, on viendra nous chercher avec une solution miracle, et que nous l’aurons trouvé, et qu’il sera possible de la mettre en place, c’est un risque que je ne pense pas que nous voulions prendre. Laissons se développer en parallèles les différentes hypothèses, cherchons-les et faisons-en éventuellement des synthèses articulées qui se nourrissent mutuellement, mais ne cherchons pas à tout rassembler pour bâtir un ensemble théorique totalement cohérent. A chaque fois que les hommes ont fait ça, ça s’est mal fini parce qu’il manquait toujours des paramètres même les moins prévisibles. Il me semble indispensable de ne pas se projeter dans la création d’un nouveau systême de pensée économique si celui-ci doit à son tour nous être présenté comme le « precious » , un achèvement…si une idée m’est proche, ce serait celle d’arriver à articuler et à déconstruire un maximum de concepts tout en se laissant des doublons et des choix politiques (et c’est d’ailleurs ce que fait Paul quand il compare les visions musulmanes/aristotéliciennes/marxistes). Par ce que je ne crois pas une seconde qu’une éventuelle « synthèse absolue » (qui ferait plaisir à Hegel) soit valable politiquement. Et si elle l’est, elle le sera comme le capitalisme ou le marxisme l’ont été : jamais appliquée dans sa « perfection théorique » , car personne ne pourra empêcher sa récupération et son interprétation par des intérêts très divergents. Voilà pourquoi je pense qu’Hegel n’a rien à faire dans ce débat, à part à nous convaincre faussement que la nature humaine serait capable de ne pas déformer et réinterpréter à son profit ce genre d’édifices théoriques (demandez à Jésus ce qu’il en pense).
Bref, je me répète, mais Hegel ne permet pas la concrétisation politique de ce genre de projets sans une déformation inhérente à l’humain, c’est pourquoi le travail sur les mots me semblait si capital. Le jour où on ne pourra plus faire dire n’importe quoi aux mots, alors la théorie hegelienne du Vrai sera juste. En attendant, je préfère faire confiance à Schopenhauer, à la « perversion naturelle de l’âme humaine » et à la méthode du flou assumé qu’est la dialectique. Mieux vaut des articulations d’idées présentées dans une certaine « pureté » (cf. le boulot abattu ici par Paul sur Aristote/Marx/Mahomet etc..) , qui permettent de se diriger vers la ou les voies estimées les plus viables (sans s’interdire la possibilité de l’erreur), plutôt que la promotion d’un systême de pensée tout entier qui se tiendrait de manière absolu (et ne pourrait dès lors plus être remis en question, comme les deux précédents de l’homme européen).
Mais je blablate et je me perds….pour un exemple concret, regardez la biologie, qui ressemble fort par certains points à une économie du corps humain. Ben en biologie, les grandes théories qui se tiennent debout comme des grandes, ça n’existe pas. Tout est sujet à la possibilité de se tromper, personne ne prétend à l’absolu, et les biologistes ne s’affrontent pas depuis 50 ans pour savoir si on doit garder la théorie de l’évolution « darwinienne » intacte ou si on doit y intégrer les apports de la génétique : on le fait, ça chamboule énormément de paramètres, détruit des assertions, et pourtant ça ne viendrait à l’idée de personne d’aller chercher les écrits de Darwin pour se revendiquer de « l’orthodoxie » . Ce parallèle n’est pas innocent, car la biologie est la plus floue des sciences dures, tandis que l’économie se présente comme la plus dure des sciences floues.
« Marx, en proposant la dictature du prolétariat comme remède (le degré zéro de la réflexion politique), a engendré un monstre liberticide qui assura qu’on ignorerait pour cent ans ce qu’il y avait pourtant à retenir dans son œuvre. »
Tout a fait d’accord.
Et donc pourrait-on aussi rééxaminer ce que Bakounine proposait au niveau politique avant de se faire évincer par Marx ?
Sur radicaliser Marx dans l’analyse :
L’un des points qui me tient à coeur, c’est la quasi absence de critique des thèses productivistes (prises en compte des limites finies des ressources naturelles).
Je l’avoue très humblement, je n’ai jamais lu Marx. Le problème à la conception d’une théorie économique s’appuyant sur des conceptualisations affirmées comme justes – les classes dans Marx, d’après ce qu’on m’a soufflé – c’est qu’elle se heurte à une réalité sociale souvent bien différente (surtout si cette réalité traverse une période de mutation importante comme la révolution industrielle…).
Par exemple aux USA une part non négligeable des salariés – ou dois-je dire employés ..? – sont aussi des actionnaires, donc des (petits) capitalistes. Sans oublier le lien économique entre la classe moyenne essentiellement salariés et les fonds de pension qui sont des outils capitalistes par ailleurs bien plus spéculatifs que ce que leur nom laisse supposer… A quelle catégorie/classe affecter ces individus ?
@Vince:
« Je l’avoue très humblement, je n’ai jamais lu Marx. »
Idem. Mais d’un point de vue tout personnel, j’ai tendance à penser que ce déficit culturel comporte au moins un avantage: Cela permet de penser le sujet sans a priori, et permet d’éviter l’écueil qui consiste à tomber dans l’exégèse, dont on a déjà évoqué les travers sur ce blog.
Les « sciences humaines » en sont elles, des sciences ?
Il faut beaucoup d’esprit de sérieux, et peu de sérieux, pour envisager de modéliser le fonctionnement des sociétés humaines.
Hors des perspectives purement scientifiques, la connaissance de tout ce qui est humain , (quel que soit le compartiment universitaire dans lequel on loge cette connaissance et surtout lorsqu’on tisse des trames transversales en se riant des compartiments) peut éclairer la compréhension et l’action.
Ériger quelque théorie que ce soit, issue de quelque discipline que ce soit, en formule cardinale de l’organisation des sociétés relève du rêve infantile. Les mythologies remplissent le même rôle.
Listons les faits, rien que les faits, sans préjuger de la manière qu’ils ont de tenir ensemble, les faits qui caractérisent le comportement des hommes en ce début de XXI° siècle.
Comme Crystal je m’étonne du peu de place accordée en ce séminoblog à la finitude de plus en plus palpable de nos ressources.
Je m’étonne qu’on s’intéresse si peu au marketing.
Je suis surpris qu’on ne dissèque pas les mécanismes du formatage des esprits, et qu’on n’inventorie pas des techniques éventuelles de déformatage.
etc…..
J’aime lire ce blog.
Ce que j’y cherche c’est ce regard qui cherche à déjouer les effets d’optique, cette volonté de démonter les fausses évidences, qui caractérisent peu ou prou la plupart des intervenants. Pas des batailles de clercs.
J’aime le déchiffrage méthodique et l’exposé brillant de l’info mondiale par François Leclerc. La modestie inventive du touche à tout Paul Jorion. Pas les exégèses des vieux textes aussi important soient ils dans leurs « compartiments » respectifs.
J’avais envie d’exprimer un sentiment, ça n’a pas plus d’intérêt que ça, sauf évidemment pour moi.
Radicaliser évoque pour moi un nœud que l’on serre davantage : je doute que ce soit la bonne méthode. Je dirais plutôt que Marx mérite d’être mis en contraste, comme on passe un dessin à l’encre de chine, pour relever, renforcer et conserver les meilleurs traits.
Il y a un gros défaut, dans le texte de Jean-Marie Harribey « La cacophonie économique », car il ne s’en prend qu’à deux personnes, alors qu’à mon avis il en faut beaucoup plus pour faire une « cacophonie ». (Il est vrai que, de deux allumettes, on peut toujours faire un tas…) J’ai horreur qu’on n’emploie pas les mots justes. Il y a cacophonie, c’est sûr, mais elle émane de l’ensemble des économistes. La preuve est faite, désormais, que leurs constructions théoriques sont une tour de Babel.
Le problème est désormais culturel : nos sociétés dites « modernes » ont besoin d’une nouvelle culture économique : c’est plus vaste et plus complexe qu’une nouvelle théorie d’économie politique.
@ tous:
Il n’empêche que l’analyse de Marx manque totalement l’analyse monétaire « critique »!
Il ne distingue pas, effectivement, l’entrepreneur industriel du capitaliste financier, et, ce faisant, il néglige, d’une façon assez classique, l’analyse de la monnaie elle-même qui n’est pas neutre, comme nous pouvons le savoir depuis Keynes (et Silvio Gesell bien sûr!)
Plus concrètement, cette non neutralité vient du fait que la monnaie peut cesser d’être l’objet d’échange universel pour devenir l’objet accumulé comme tel! La monnaie peut ne pas être monnaie d’une certaine façon!
Tant que ces deux fonctions seront confondues, à l’intérieur de la monnaie telle qu’elle est définie depuis Aristote, la capitalisme subsistera avec ou sans Marx!
jf
@Crystal : « L’un des points qui me tient à coeur, c’est la quasi absence de critique des thèses productivistes (prises en compte des limites finies des ressources naturelles). » Moi aussi, ça me tient à cœur. Cette absence de critique a d’ailleurs conduit le stalinisme a être aussi productiviste que son « ennemi héréditaire ». De faux ennemis, en fait, c’est désormais un secret de polichinelle, puisque la Chine communiste est devenue archi-capitaliste sans cesser d’être communiste. Y’a franchement de quoi rigoler !
@Mikael EON : « Je m’étonne qu’on s’intéresse si peu au marketing. Je suis surpris qu’on ne dissèque pas les mécanismes du formatage des esprits, et qu’on n’inventorie pas des techniques éventuelles de déformatage. »
Mais on ne peut pas parler de tout !!! On peut aussi se livrer à une critique en règle du progrès technico-scientifique, disserter sur le réchauffement climatique, sur le génocide du Rwanda et la complicité de la France, les femmes battues, nos prisons surpeuplées,…
Si vous achetez dans une librairie un livre d’économie, allez-vous vous étonner qu’il ne s’intéresse pas plus au marketing ?
@jf: « Tant que ces deux fonctions seront confondues » : mais personne ne les confond. Le problème, que vous refusez de voir, est qu’il est impossible d’avoir de la monnaie circulante, (pour ne pas dire circulaire), sans avoir aussi de la monnaie thésaurisée. Même dans la nature « ça se passe comme ça » (slogan, formatage des esprits). L’eau, par exemple, qui circule en abondance, et que l’on pourrait comparer à de la monnaie naturelle, ne peut pas circuler sans constituer des stocks : vapeur d’eau dans l’atmosphère, glace dans les glaciers, liquide dans les nappes phréatiques, etc. etc. Fleuves et rivières sont aussi des stocks d’eau, je vous signale, stocks dynamiques mais stocks quand même.
@jf: vous pourrez me rétorquer que, à l’aune de ma comparaison, la monnaie fondante existe aussi dans la nature, puisque les végétaux rejettent énormément de vapeur d’eau par transpiration… En fait, votre histoire pourrait devenir fort intéressante si vous acceptiez de la déborder, cad de ne pas vous y accrochez comme une moule à son rocher. La déborder, ça veut dire la placer dans une perspective plus large, et renoncer à l’idée qu’elle est LA SOLUTION. Quoiqu’il en soit, il est beaucoup plus intéressant de se poser des questions que de trouver des réponses. Avec les réponses, il n’y a plus de mystère, c’est pas drôle.
Je me rappelle encore de la façon dont mon premier prof de chimie nous a présenté cette science : il a pris sa règle, l’a coupée en deux, puis en deux, puis en deux,… puis nous a posé la question : vais-je pouvoir la couper en deux indéfiniment ? SUSPENS. Mais l’on a déjà compris quelle est la bonne réponse. Si c’était oui, la question ne se serait même pas posée : faute de limite, on ne peut pas s’interroger sur une limite. La réponse était donc non : et l’on tombe sur l’atome ! Rien de moins. C’est fantastique Moralité : arrêtez de croire que vous avez LA solution, et sans doute pourrez-vous découvrir bien d’autres choses aussi intéressantes que la monnaie fondante.
@Crapaud Rouge « Moi aussi, ça me tient à cœur. Cette absence de critique a d’ailleurs conduit le stalinisme a être aussi productiviste que son “ennemi héréditaire”. »
Nous sommes d’accord sur ce point, et je doute m’être correctement exprimé.
En écrivant le mot marketing, j’étais trop elliptique. Évidemment ce blog n’est pas un fourre-tout, j’avais en tête une phrase de Michael Pollan lue sur le site d’Alternet.org : »The real food is not being advertised. And that’s really all you need to know. » La publicité fait partie de ces techniques très peu neutres dont se nourrit le productivisme…….
Mon propos était de vanter les approches basées sur les faits concrets, les circuits de distribution tels qu’ils se sont développés au cours des quarante dernières années ont quelque chose à voir avec ce qui se débat ici (le génocide du Rwanda et la complicité de la France, les femmes battues, nos prisons surpeuplées,… je ne vois pas).
J’avais posé la question suivante à Monsieur Finckh . Sans réponse je la réitère ici…
Entre le moment où on la reçoit et le moment où on l’utilise une monnaie est toujours réserve de valeur: la question serait donc de savoir à partir de combien de temps “en possession” (réserve de valeur) la monnaie doit commencer à fondre parce qu’elle brûle? 1 seconde, 1 minute, 1 heure, 1 journée, 1 semaine, 1 mois, 1 an, plus, ?????
Et pourquoi ce délai plutôt qu’un autre ?
le 09/09/2009 à 09h09 manifestation partout dans le monde contre le ‘nouvel ordre mondial’ pour sauvegarder nos libertés….la nouvelle se répand …
@ Eugène 13:58
Je me trompe peut-être, mais il me semble que la synthèse dont parle Paul n’est pas une synthèse définitive qui se rapporterait à une nature humaine, laquelle trouverait son achèvement via une forme politique particulière qui serait la dernière. Je précise qu’en ce qui me concerne, comme je l’avais souligné dans mon commentaire sur son récent billet consacré à Kojève, il ne peut y avoir synthèse définitive politique, sociale, de toutes les contradictions humaines, car alors ce serait nier l’émergence des singularités et de l’historicité radicale dont procèdent toutes les vies humaines : lorsque l’Histoire a une fin c’est toujours que s’annonce un discours totalitaire.
La synthèse qui est évoquée en termes lapidaires dans le présent billet de Paul est semble-t)il celle qui se rapporte aux contradictions du système capitaliste et/ou du système communiste en tant que dictature du prolétariat, qu’il s’agit de dépasser.
Dépasser des contradictions, c’est effectivement faire une synthèse mais cela n’implique pas forcément que l’Histoire est finie, mais seulement que l’humanité
@ Crapaud Rouge
vous dites : « Le problème est désormais culturel : nos sociétés dites “modernes” ont besoin d’une nouvelle culture économique : c’est plus vaste et plus complexe qu’une nouvelle théorie d’économie politique. »
Quelle différence faites-vous entre « nouvelle culture économique » et « nouvelle théorie d’économie politique » ?
A mon sens toute théorie nouvelle digne de ce nom suppose implique une nouvelle culture, sans quoi — et peut-être est-ce ce que vous vouliez dire — nous retombons dans l’économisme.
Une théorie n’est pas vraiment « révolutionnaire » si elle elle n’ a pas de fortes implications politiques, éthiques.
La constitution pour l’économie que propose Paul, à première vue, pourrait paraître très technicienne et faire ainsi dans l’économisme. En réalité, elle reconfigure tout l’espace-temps des possibles. Elle ne s’oppose à certaines « utopies » alternatives, mais au contraire crée un espace favorable à leur émergence. Cette constitution n’est donc pas, contrairement à ce que certains pensent, simplement une nouvelle norme mais seulement que l’humanité a franchi une nouvelle étape dans son évolution historique, en l’occurrence celle qui consiste à parfaire la démocratie en y intégrant un principe de domestication de l’économie aujourd’hui encore « ensauvagée ».
@Pierre-Yves D. :
Merci pour ces précisions bienvenues, même si elle ne m’étaient pas destinées 😉
Cela rend alors ce billet de Paul Jorion plus en accord, ce me semble, avec ce qui était fait sur ce blog depuis plus d’un an.
Même si je parlerais plutôt « d’améliorer » la démocratie que de la « parfaire ».
Le monde est en devenir : la synthèse d’aujourd’hui est déjà la thèse de demain.
@ Pierre Yves D & Paul,
Vu comme çà bien sûr, mais je maintiens que les mouvements dialectiques sont d’abord en chacun d’entre nous entre nature et culture via des pôles structuraux qui, par contradiction du naturel et du formel nous font émerger dans ce culturel.
Radicaliser Marx, moi je veux bien. J’attends avec intérêt le « Nouveau manifeste du parti communiste ».
Mais de la à le condamner finalement à cause de sa célèbre formule de « dictature du prolétariat » qui était en fait une réponse à la dictature du capitalisme en cours à son époque et toujours présente, du moins à ce qu’il me semble si je lis bien ce blog, il faut quand même oser. D’autant que c’est oublier une autre phrase aussi célèbre « l’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes”.
A ce qu’il me semble Marx est mort en 1883 est n’est aucunement responsable de l’adaptation de sa pensée par Lénine, Staline ou Mao. Je pense même qu’il aurait atterré d’apprendre que la révolution communiste éclatait dans des empires anachroniques fondamentalement paysans, lui qui l’avait pensé comme dépassement du capitalisme ayant achevé sa tâche historique dans des pays comme l’Angleterre ou la France (je rappelle à ce sujet que Lénine en lançant sa révolution espérait simplement au départ durer plus longtemps que la Commune de Paris et servir de base arrière à la révolution allemande de 1918). Quant au terme dictature du prolétariat, Marx écrit dans son temps, celui de la révolution de 1848 ou la Commune de 1871 et qu’il constate la répression féroce des mouvements ouvriers à qui l’on a souvent reproché leur respect démocratique comme entrave à leur radicalité. Qu’il ai eu les boules en constatant que du côté opposé le respect démocratique n’était pas vraiment la première valeur mise en avant me parait excuser ses emportements de langage, non ? Je rappelle que Marx parle de l’Histoire en tant que l’histoire de la LUTTE des classes.
àcrapaud rouge:
Eh bien, il faut s’entendre sur les mots! Une trésorerie « limitée dans le temps » est bien nécessaire et utile, il s’agirait de trouver une limite à la thésaurisation infinie ou trop lingue que nous observons!
Je ne veut pas faire croire à une « fonte » quotidienne, une fonte, disons tous les mois ou trois fois par an suffirait sans doute amplement!
Il suffirait que l’on en admette l’idée pour trouver le meilleur système.
Par ailleurs, lacomparaison avec des phénomènes naturels comme l’eau ne reste qu’une comparaison assez partielle, car la monnaie est quand même du domaine « articficiel ».
Et pour l’eau on parle à juste titre de « cycle », pour la monnaie, imaginer un cycle REGULIER me semble important pour stabiliser les échanges et pour prévenir les crises systémiques!
jf
Et le désir là-dedans ?
Pourquoi le système économique capitaliste qui dure depuis 400 ans,
qui se plante, met le monde à sac, et la planète en coupe réglée continue-t-il d’être désiré ?
Pourquoi tant d’indulgence alors que l’autre système (communiste)
agressé de toutes parts a été envoyé aux oubliettes en 6 mois après seulement 70 ans d’existence ?
Pourquoi épiloguer et finasser lorsqu’il s’agit de remplacer le capitalisme
alors que l’élimination du communisme n’a provoqué aucun débat ?
Et où parle-t-on des classes moyennes, support de la consommation, à l’origine de tout ce merdier ?
Et quid du désir de consommer ?
Les intervenants sur ce forum, tous plus talentueux les uns que les autres (je suis sincère) ont-ils un inconscient ?
Freud, tu peux roupiller tranquille personne te réveillera.
@crapaud rouge:
merci pour votre remarque, je la médite, c’est promis, en tout cas, un correspondant comme vous est très stimulant, car, à l’évidence, vous avez admis que cette idée contient quelque chose d’exploitable, alors, laissons libre cours à notre imagination!
Ainsi, à la place de la monnaie « fondante », et avec une efficacité comparable, on pourrait imaginer une loterie un peu spéciale:
La BC « révoque » de temps en temps tel ou tel sorte de billet, par exemple les coupures de 100 euros, mais comme au loto, on ne sait pas quelle coupure sera révoquée, par exemple en 2009.
Les billets « révoqués » devront alors être échangés via les banques et les commerces pour retourner à la BC qui émettra autant de nouveaux, moyennant un « coût » de, disons 1 ou 2%. Dans un delai d’un mois par exemple.
Rien que le fait que cela existe aurait un effet positif!
Nous l’avons vu au moment de l’introduction de billets d’euro, où les anciennes coupures réapparaissaient plus nombreux!
Cette toute petite « incertitude » sur la sécurité du numéraire aurait sans aucun doute déjà un effet remarquable sur la liquidité générale, car personne ne sait ni quand ni quel billet serait concerné! On peut alors aussi imaginer que, de temps en temps, la « loterie » en question pourrait sortir une boule blanche qui signifierait: pas d’échange révocatif cette fois.
Il pourrait s’agir d’un jeu tv très prisé, mais l’effet conjoncturel serait rès intéressant!
jf
Quand on parle « d’ une structure tripartite dont le troisième élément est constitué des salariés, le prolétariat de Marx : ceux que l’on convie à la table une fois celle-ci desservie, » s’agit-il d’une image sur laquelle tout le monde est censé s’accorder, s’agit-il des mots de Marx lui-même ou de ceux de Georges Marchais dans les années 70?
On parle de Marx, d’Aristote, d’Hegel, de Schopenhauer, de Keynes, de Friedman et on continue à véhiculer des lieux communs creux. Cela ne me donne certainement pas envie de lire ces auteurs.
Que veut dire aujourd’hui une phrase comme :“L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes »????
Hors sujet.
L’optimum de Pareto est un champ a retravailler. L’IDH est un pas. J’aime bien l’idee que l’optimum individuel n’est pas un panier de prix mais une palette de choix qui s’etend au dela du domaine marchand. La notion d’optimum transgenerationel (ma generation+3) n’est pas abordee a ma connaissance… Que font les economistes? Tant de champs a explorer et que de l’actualite immediate pour une vague envie d’influence politique a court terme (ok a long terme on est tous morts, mais rester le nez dans le guidon). Ah tient! une recherche rapide:
http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=17731393
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/34/83/76/PDF/Pareto.pdf (c’est rigolo encore l’idee qu’il ne peut qu’y avoir accumulation comme charpente de ce modele).
Et quid de la subversion du langage ?
Tout ce qui est produit sur ce forum, ce sont des mots, ce qui est normal…pour un forum.
Ce qui ne l’est pas, par contre, c’est leur acceptation, en tous temps et en tous lieux, sans discussion.
Le système dominant subvertit les mots, brouille les sens, détruit les repères, corrompt la raison.
Deleuze et Guattari, reposez en paix, les murmures de ce forum ne vous réveilleront pas non plus.
Bravo à jf!
Je propose que toute la vie soit une loterie, de la naissance à la mort. A la naissance on vous attribue des parents par tirage au sort et ainsi de suite. Le pouvoir, le travail, le logement ou encore les héritages sont aussi attribués selon le principe de la loterie. Plus d’inégalités! C’est une idée largement développée par un artiste belge : Jan Bucquoy.
@ anne J.
Je vous prie de bien vouloir me pardonner que votre question très judicieuse m’ait échappé!
Le délai a son importance, c’est certain, et il ne s’agit pas d’ »affoler » qui que ce soit avec cette « fonte ». Sauf peut-être ceux qui ont stocké des quantités très substantielles…
1) Tout d’abord, elle doit être FAIBLE, soit 5 ou 6% annuels maximum, voire peut-être moins.
Ce taux avait été proposé ainsi par Silvio Gesell en se basant sur un taux de dépréciation moyen d’un bien durable comme une maison par exemple qui nécessite des frais d’entretien annuels de cet ordre. Car, partant de l’idée que le caractère « capital » de la monnaie est précisément en lien avec l’évalutaion de biens durables pouvant constituer un capital « réel ».
2)D’autre part, Gesell avait imaginé, au départ, un collage de timbres hebdomadaire, mais, à mon sens et conformément à ce que pensent d’autres geselliens, une actualisation mensuelle ou tous les quatre mois pourrait s’avérer suffisante. Des expériences (une trentaine) en Allemagne pratiquent une actualisation tous les 4 mois.
Dans l’intervalle, vous avez raison, la monnaie resterait, comme actuellement, constante et donc « un peu » réserve de valeur!
3)Rester « un peu » réserve de valeur ne sera cependant en rien comparable à la situation actuelle, où cet état a tendance à s’éterniser!
4) Il convient de dire que des temps très courts comme vous évoquez (une minute ou même une journée) n’auraient absolument pas de sens. Votre uestion est, par contre, tout à fait justifiée!
5) Les délais à fixer ont effectivement bien de l’importance, et il s’agirait sans doute, au moment où le « principe » est admis, qu’un consensus soit trouvé!
6)Je renvois aussi à l’idée de la « loterie » que j’évoque dans ma réponse à crapaud rouge.
Bien à vous,
jf
@ dalembert:
le capitalisme n’est pas vieux de 400 ans, mais d’au moins 2000 ou plus, avec des périodes où il était moins actif faute de moins de monnaie circulante, par exemple quand l’or disparaissait de la circulation (thésaurisation) pour renaître ansuite quand on en trouvait (exemple les conquêtes espagnoles en Amériqe du Sud et le trésor des Incas).
Ce qui est » désirable », c’est le commerce et l’échange, mais le capitalisme cause régulièrement (une à deux fois par siècle) sa perte ctastrophique et il faut alors recommencer!
Tel est le monde capitaliste, me semble-t-il!
jf
@ charles:
vous réagissez vite, merci beaucoup, vous forcez un peu le trait, je n’irais sans doute pas jusque là.
Ce que je propose ne concernerait pas la totalité des biens, mais vous avez raison de faire un peu d’humour!
Bien à vous jf
@ jf
Le capitalisme c’est l’idée que je te donne aujourd’hui 100 sesterces et dans un an tu m’en rends 110, ou plus, ça dépend de notre rapport de force (Aristote, polythéiste).
Cela veut dire que l’argent se reproduit, il est VIVANT.
Or ce privilège exorbitant de l’argent à vouloir se reproduire est blasphématoire.
Car créer la vie est un privilège divin.
C’est pourquoi les religions du Livre (monothéistes) ont interdit le prêt à intérêt, vœu pieux s’il en fût.
Et c’est pourquoi je situe la naissance du capitalisme à la Renaissance.
Et c’est pourquoi enfin, le capitalisme, Tour de Babel moderne, est voué à l’auto-destruction.
La Tour de Babel ne fut pas détruite au motif que les hommes ne parlèrent plus la même langue,
mais au motif que les mots devinrent opaques aux choses.
Et c’est exactement ce qui se passe maintenant.
Incidemment je signale que je suis athée jusqu’à la moelle des os.
Le capitalisme, si l’on cerne la notion avec un peu de rigueur, est une invention récente à l’échelle de l’histoire de l’humanité.
Ce qui est plutôt rassurant, car ce qui a été inventé de fraiche date pourra être remplacé par quelque chose d’autre.
Le capitalisme n’est pas une loi immuable qui devrait gouverner les sociétés humaines, tout comme certaines lois de la physique le seraient pour le cosmos. Notons d’ailleurs qu’en la matière ce qui passait pour une loi immuable, le système newtonien, a été dépassé par l’invention de nouveaux modèles d’explication du monde physique, ce qui n’a pas été sans conséquences sur notre conception bien humaine du monde dans ses dimensions politiques et autres.
Le capitalisme ce n’est pas seulement la rente et le capital, choses qui étaient connues depuis des lustres, c’est à dire lorsqu’il y avait les empires. Le capitalisme c’est l’industrie et ses progrès technologiques, les Etats-nations — puis les organisation internationales — qui fournissent une armature intellectuelle, culturelle, et juridique au monde capitaliste.
Je partage l’avis de Dalembert, le capitalisme est né pendant la Renaissance. Il est apparu quand à l’économie « divine, celle de l’Eglise et des rois qui encastraient les échanges marchands dans un cadre idéologique théologico-politique, se substitua une économie sécularisée qui ne devait plus son ‘esprit » qu’à l’action des hommes dans le monde de l’Histoire, celle des humains qui ne devait donc plus rien à l’intervention divine. Le capitalisme est donc inséparable d’une transformation politique majeure en Europe : les cités autonomes qui s’émancipent du pouvoir religieux.
Ce furent d’abord les cités italiennes puis celles de l’Europe du nord. Une nouvelle éthique y apparaît, qui voue à l’accumulation des richesses une valeur propre, qui consiste en l’effort planifié. Les premiers sont les riches marchands-banquiers qui à l’échelle de l’Europe mettent en place les premiers circuits d’une économie financière. L’Eglise alors en crise — ce qui amène la Réforme, substrat de l’éthique protestante– contribue elle-même, malgré elle, à ce phénomène lorsqu’elle introduit l’utilitarisme dans son économie propre : les riches — la future classe des capitalistes — peuvent racheter des indulgences moyennant quoi il « rachètent » leurs péchés. Dès lors le vers était dans le fruit de l’ordre théologico-politique ; lequel devrait désormais s’accommoder d’une sphère économique autonome. La découverte du nouveau monde marque quant à elle l’avènement de l’ère moderne qui ouvre l’Europe sur un monde étendu, corvéable et exploitable, qui achève de briser l’économie d’ordre divin. C’est la première phase du capitalisme.
La suivante, voit peu à peu l’émergence de l’industrie, laquelle décuple les possibilités pour les entrepreneurs-investisseurs de dégager des surplus grâce au machinisme et l’organisation rationnelle du travail concomitant à l’organisation d’un marché, lequel marché est le lieu qui permet d’anticiper l’écoulement des produits manufacturés ainsi que l’achat des matériaux nécessaires à la fabrication industrielle, celle-ci impliquant une division du travail très poussée. En ce sens le marché est une institution, ce qui revient à dire que sans le concours des Etats les échanges marchands et la possibilité de concentrer le capital ne peuvent être garantis et organisés efficacement.
A ce stade « l’esprit » du capitalisme n’est plus seulement l’esprit d’entreprise car il s’insinue dans toute la société. Toute l’organisation sociale, les formations culturelles, concourent au maintien et au renforcement de sa logique propre.
En Angleterre les paysans pauvres que l’on a privés sciemment des terrains communaux sont priés d’aller se rééduquer dans des usines fermées où on leur apprend la discipline et les horaires stricts. Il faudra évidemment attendre le XIX siècle pour que le capitalisme industriel triomphe. A l’issue de la première mondialisation réalisée sous l’égide de l’empire britannique, les contradictions du système capitalistes sont de plus en plus criantes, à tel point que le salariat réclame et obtient de haute lutte certaines restrictions à l’exploitation dont il est fait l’objet, c’est à dire à une exploitation qui permet tout juste de reproduire la force de travail.
Le capitalisme subit aussi des crises économiques récurrentes dont la dernière, celle que nous connaissons aujourd’hui, qui lui sera sans doute fatale, accompagne la seconde mondialisation, mieux dénommée encore globalisation, cette dernière amenant un degré d’intégration supérieur de l’économie mondiale et de toutes les dimensions de la vie humaine, via une infrastructure technologique — numérique — qui permet la circulation du capital en temps réel. Nous sommes alors assujettis au temps global d’une pseudo société mondiale et qui n’est autre que celui de la sphère financière. Nous nous voyons alors réduits dans notre capacité à être les créateurs de nos vies et de nos sociétés puisque nous devenons dépendants d’un temps qui n’est plus le notre. Un temps qui n’est même plus social, car le temps-capital est a-social. L’hyper concentration du capital que permet ce système permet une hyper appropriation de notre temps. Le temps a perdu de son épaisseur, épaisseur sans laquelle il n’y ait aucune maturation possible. De sujets politiques, productifs, artistiques, que nous pourrions tous être nous devenons des individus atomisés dans le temps-capital uniforme et interchangeable. La singularité se perd.
On peut ajouter pour compléter le tableau que jusqu’au milieu de vingtième siècle le capitalisme s’employait à exploiter notre libido, ce qui supposait encore un investissement social si l’on se réfère à la théorie freudienne de la sublimation, tandis que, depuis quelques décennies, le capitalisme, après avoir épuisé le filon de la libido, à force d’avoir dissocié l’humain en producteur d’une part et consommateur de l’autre — la prolétarisation– , en est réduit maintenant à exploiter nos pulsions. Le capitalisme actuel est donc en proie à des contradictions de plus en plus vives : financières, économiques et psychiques, autant de choses qui vont de pair avec la colonisation sans limites des milieux naturel, menaçant désormais la survie de l’espèce.
Notons pour terminer ce tableau succinct du capitalisme et de son histoire que celui-ci a commencé avec les banquiers lombards et s’achève aujourd’hui avec l’implosion du système financier globalisé.
@Pierre-Yves D.
Analyse impeccable, rien à dire, sauf vers la fin sur la distinction pulsion-libido qui me paraît controuvée.
Et rajouter la déstructuration/dissolution de toutes les résistances potentielles, églises, états, familles, syndicats, langages, savoirs, etc… comme méthode utilisée par le système pour arriver à ses (sa) fin, à savoir l’individu-roi nu.
La société comme « corps sans organes » (anti-oedipe, capitalisme et schizophrénie, 1972, Deleuze & Guattari)
@jf
Par votre (non) réponse de 22 h 46 vous démontrez bien que votre système est inapplicable (vous ne savez pas proposer une application et à mon avis aucune ne peut fonctionner sans pénaliser d’une manière injuste; revenez donc quand vous aurez trouvé un « vrai » système) et qu’il ne sert à rien: vous devriez honnêtement chercher d’autres pistes pour « cantonner » les limites des revenus de thésaurisation ou d’épargne et du rôle naturel de la monnaie, c’est à dire réserve de valeur. Je rajoute que je ne vois aucun besoin d’augmenter la masse monétaire car les « liquidités » débordent déjà de toute part: c’est les multinationales, les financiers, les spéculateurs, les banques et le système bancaire qu’il faut pénaliser, pas les gens.
@ Pierre-Yves & Dalembert,
Il ne s’agirait donc pour mettre la prochaine civilisation sur les (bons?) rails que de refaire une autre Renaissance via – je cite approximativement Pierre Yves, 4ème § ci-dessus 01:52 – l’ encastrement de l’économistique ds un cadre théologico-politique qui – la différence et de taille – ne serait pas idéologique mais épistémologiquement cohérent avec cet inconscient qui gouverne nos pulsions donc les civiliser? Ai-je bien compris?
@Mikael EON: pourriez-vous me traduire votre citation : « ”The real food is not being advertised. And that’s really all you need to know.”, mon anglais est trop pauvre.
C’est vrai, vous vous étiez mal exprimé, car je suis bien d’accord avec vous qu’il faut en revenir aux faits, s’extraire de la gangue de nos esprits formatés, et du marketing généralisé.
@Pierre-Yves D. qui me demande « Quelle différence faites-vous entre “nouvelle culture économique” et “nouvelle théorie d’économie politique” ? »
La culture économique, c’est ce que « tout le monde sait et fait » de l’économie; alors qu’une théorie est une connaissance, le plus souvent non conforme à la réalité, et limitée à un cénacle de gens instruits en la matière. Une nouvelle théorie peut changer la culture, mais à condition d’avoir du succès, de se répandre dans la population. (Sous une forme vulgarisée et frustre mais, pour changer la culture, c’est suffisant. Exemple: la psychanalyse.) Que les Européens de l’est se soient engouffrés dans le capitalisme aussitôt le Mur tombé, prouve à l’évidence que les populations n’avaient pas adopté le marxisme comme une nouvelle culture.
A l’heure actuelle, toute nouvelle théorie me semble prématurée. Je ne suis pas d’accord avec Paul quand il propose « d’établir un principe constitutionnel selon lequel « les paris relatifs à l’évolution d’un prix sont interdits » » : c’est théorique et, curieusement, ce type d’idée, de laquelle on escompte un avantage, est une forme de spéculation.
Dans l’un de ses commentaires sur Un outil analytique pour la monnaie, Paul écrit : « mon approche est behaviouriste. Des faits, uniquement des faits, pas de représentations mentales. » Au départ, ça m’a laissé sceptique, parce que séparer le bon grain de l’ivraie, c’est pas évident. Mais c’est possible, à condition d’être vigilant et… logique. Or, interdire la spéculation, ça paraît logique, mais ça ne l’est pas, pour trois raisons:
1) On ne sait pas trop ce qu’est la spéculation, on ne sait pas trop séparer ses mérites et ses défauts.
2) L’interdiction serait motivée par la spéculation telle qu’elle se pratique actuellement, alors qu’elle devrait être motivée sur la base de ce qu’elle est ontologiquement, indépendamment de la praxis.
3) La spéculation financière s’inscrit dans un habitus spéculatif plus général qui concerne tout le monde, tous les niveaux, tous les domaines. Impossible de vivre sans spéculer sur l’avenir : alors, pourquoi interdire de spéculer sur les prix ? Van Gogh lui-même n’en finissait pas de « spéculer » sur la valeur de ses toiles : il y comptait beaucoup pour rembourser son frère qui n’arrêtait pas de lui donner de l’argent : mais par charité, car il n’y croyait pas, le bougre!
Cela dit, quand on considère les faits, rien que les faits, on découvre que le problème n’est pas dans le fait de spéculer, mais dans la manière dont on spécule. Non qu’il faille invoquer les « représentations mentales » des spéculateurs, ou dire que certains spéculent de façon légitime et d’autres non, mais considérer le(s) procédé(s) effectivement et collectivement mis en œuvre pour faire exister la spéculation.
@Eugène
Merci de ne pas m’imputer des choses que je n’ai pas dites,
même si je suis d’accord avec elles, ça clarifiera le débat.
@ Crapaud Rouge
J’ai déjà répondu à cet argument « La spéculation, on ne sait pas trop ce que c’est », en réponse à Loïc Abadie, à partir de la constatation que le non-spéculateur sait très bien ce qu’est la spéculation, et que seul le spéculateur invoque régulièrement l’argument « qu’on ne sait pas très bien ce qu’est la spéculation ».
Réponse du non-spéculateur au spéculateur : « La spéculation, c’est donc ce que vous faites sans le savoir ».
« Le monde est en devenir : la synthèse d’aujourd’hui est déjà la thèse de demain. » Paul dixit. C’est phrase, c’est mon dada : l’avenir existe déjà dans les mots, les pensées, les théories et discours d’aujourd’hui. Les grandes catastrophes comme les grandes inventions ne sont pas apparues du jour au lendemain : elles ont d’abord été pensées. L’antisémitisme a donné lieu à la Shoa, comme e=mc2 a donné lieu à Hiroshima et Nagazaki. « Donner lieu », c’est une forme de relation causale particulière entre deux mondes de natures différentes mais superposés : celui des représentations, informations et autres, et celui des faits.
@jf: « Et pour l’eau on parle à juste titre de “cycle”, pour la monnaie, imaginer un cycle REGULIER me semble important pour stabiliser les échanges et pour prévenir les crises systémiques! »
Bravo ! Vous avez capté l’idée que je m’étais contenté de vous suggérer. Mais voyez vous-même : la notion de cycle, (qu’on retrouve en économie mais que l’on ne maîtrise pas), est autrement plus vaste que telle ou telle solution. Les Anciens avaient du temps une notion cyclique, mais le christianisme est arrivé, avec sa « Bonne Nouvelle », pour dire non, c’est pas comme ça que ça se passe : le temps est linéaire, l’humanité progresse, et sa destinée est de rejoindre Dieu. C’est alors qu’on entra dans l’ère dialectique, car toute vérité qui prétend s’imposer de force, suscite une contre-vérité par réaction.
Oui Paul, car il faut bien trancher.
Mais entre protection de son patrimoine et spéculation ? Là, la frontière ne peut être posée par un simple principe.
@ Crapaud
– Non , dans le présent il y a plusieurs avenirs possibles . On peut seulement essayer d’être le papillon dont le battement d’aile conscient et volontaire fera basculer les choses ici plutôt que là.
– L’avenir n’existe pas spécifiquement dans mots/pensées/théories et discours : il est également chevillé une pratique et des réalités plus … matérielles.
A moins que la causalité n’existe pas ou ne soit pas explicative : on basculerait d’un ‘monde’ (ou d’un ‘mode’ -de production ?) à un autre en bloc. Monde dont la logique serait purement synchrone.
@ Pierre-Yves D.
Je lis avec attention l’historique du capitalisme que vous exposez depuis la mise en place en Italie et aux Pays-Bas des premiers circuits d’une économie financière.
Je vous perds quand vous abordez l’époque actuelle et malgré tout mes efforts je ne parviens pas à comprendre de quoi vous parlez exactement quand vous affirmez qu’avec la circulation du capital en temps réel nous nous voyons alors réduits dans notre capacité à être les créateurs de nos vies et de nos sociétés puisque nous devenons dépendants d’un temps qui n’est plus le notre.
Je dis qu’une caractéristique fondamentale du temps c’est qu’il n’est jamais le notre, ou inversement que le « temps capital », le « temps a-social » n’est pas moins le notre que le « temps d’avant » (qui aurait été plus social? Je ne le crois pas). Je ne comprends pas comment quelqu’un (vous en l’occurence) peut se penser vivant dans un temps qui n’est pas le sien ou qui n’est plus le sien. Vous ne vivez pas dans un autre temps que le mien. En quoi la vitesse de circulation du capital change-t-elle quelque chose à notre capacité à être créateur de nos vies?
Expliquez-moi comment : « L’hyper concentration du capital que permet ce système permet une hyper appropriation de notre temps. » J’arriverai ainsi j’espère à vous suivre.
Bien à vous.
@ Crapaud rouge
La notion du temps conçu comme un cycle tient tout bêtement à l’inclinaison de la terre , donc à l’existence des saisons. Ainsi qu’ à sa rotation, donc au phénomène du jour et de la nuit.
Sans quoi le temps serait conçu tout autrement.
Au contraire le christianisme a posé l’idée d’un cycle puisqu’après l’ hivers de la mort, il y aura le printemps d’une résurrection.
(Je suis contrariant …)
« Que font les economistes? » se demande Thierry. Que font les mathématiciens ? se demande Paul : ils inventent ou ils découvrent ? Pour ce qui est des économistes, ils inventent beaucoup mais ne découvrent rien, car ce qu’ils devraient découvrir, ce sont des moyens d’établir des consensus. Je m’explique : l’arithmétique ne semble « universelle » que parce qu’elle fait consensus, et celui-ci n’est apparu que parce que certaines méthodes, incluant l’invention du zéro, se sont montrées bien plus performantes et plus générales que toutes celles qui les ont précédées. La méthode du boulier, toujours d’usage en Chine, est très performante aussi, mais pour des calculs à la volée, impossibles à écrire.
Au lieu de chercher, par exemple, ce qui pourrait faire consensus dans la notion d’intérêt, chaque économiste y va de sa petite conception. Moralité : chacune de ces conceptions s’ajoutant aux autres, elles ne valent pas plus que l’idée que peut s’en faire monsieur tout-le-monde. Si les matheux avaient raisonné pareil avec le zéro, en disant : « le zéro représente ceci », « mais non, vous n’y êtes pas du tout, le zéro c’est cela », ils en débattraient encore, et l’on ne saurait toujours pas qu’en faire.
@Opposùum : « L’avenir n’existe pas spécifiquement dans mots/pensées/théories et discours » & « dans le présent il y a plusieurs avenirs possible » :
Certes, mon cher, (je ne suis pas contrariant), mais je n’ai jamais voulu dire ça. J’ai insisté, (lourdement pensais-je), sur « donner lieu » : dans un lieu, qui n’est pas un moment de la causalité conventionnelle, il y a place pour beaucoup de choses. Le lieu en question est celui des représentations : convenez qu’il est vaste !
Mettons les choses au clair : le néolibéralisme ne serait jamais apparu si des penseurs ne l’avaient pas préalablement pensé. Mais, il n’y a pas causalité pour autant : « avoir pensé le néolibéralisme » était une condition nécessaire, mais insuffisante. Il fallait aussi, comme chacun le sait aujourd’hui, que d’autres personnes, en d’autres lieux et d’autres circonstances, décident de le mettre en pratique.
Qu’il puisse exister une condition « nécessaire et suffisante » pour provoquer un effet est toujours disutable. Les pommes ne tombent pas à cause de la pesanteur, mais du fait qu’elles mûrissent. La pesanteur joue sur leur façon de tomber, (à la verticale et avec une certaine accélération) mais pas sur les évènements qui président à leur chute, et qui se trouvent tout entier dans l’arbre.
Paul écrit que les prix sont la traduction de la structure sociale qui se partage, d’après Marx, entre les salariés(ouvriers), rentiers (dans lesqules on pourrait inclure les salariés aux rémunérations très élevées) et les capitalistes.
A cette division synchronique, il manque une dynamique temporelle. Le vieillissement de la popultation fait des salariés d’hier les rentiers d’aujourd’hui vis-à-vis des salariés d’aujourd’hui. Louis Chauvel a démontré dans ses travaux la véritable dégradation de vie économique des cohortes nées dans les années 70 et postérieures à celles qui sont nées avant.
C’est un aspect qui mérite attention.
Je suis obligé de faire bref. J’ai parcouru le développement de Pierre-Yves D. sur le capitalisme. A l’instar de Weber, on peut rétorquer que le capitalisme est un éthos. Le capitalisme remonte selon vous à la renaissance. Or, on peut même le faire remonter plus haut : dans les foires de Champagne au XIIIème par exemple. Mais est-ce le capitalisme ? Non, répond Weber qui associe son essor à un mode de vie ascètique porté par l’angoisse su salut.
@Oppossum :
A propos de la spéculation, vous dîtes :
« Mais entre protection de son patrimoine et spéculation ? Là, la frontière ne peut être posée par un simple principe. »
La spéculation est le principe qui génère et parachève l’inégalité des droits :
Si la réponse du non-spéculateur au spéculateur est : « La spéculation, c’est donc ce que vous faites sans le savoir ». C’est que le spéculateur donne un contour bien flou à « l’accumulation du capital » sans doute parce que moralement ça l’arrange ! Tandis que le non-spéculateur comprendra à ses dépens que cette accumulation est proportionnelle à la force de travail qu’il devra déployer pour payer la dette et son intérêt. Pourquoi ? Parce qu’on a jamais vu de nations capitalistes modernes sans Etat endettés à mort (au sens propre) auprès du Capital (que cela soit aux US, en Europe ou en Asie), et l’Etat, dernier prêteur en dernier recours, c’était l’ensemble des citoyens « normaux » (« dans la norme » : qui n’ont pas le droit délirant de parier sur les prix).
Je me demande si dans la littérature libertarienne l’idée que tout le monde puisse parier sur les prix avec la force de frappe des traders est venue titiller ces grands théoriciens, comme si l’économie réelle pouvait soutenir l’égalité : Un consommateur spécule comme un spéculateur de la banque … Et Paf ! La banque exploserait plus vite ainsi plutôt qu’en réservant ce droit délirant à une classe de nantis comme c’est le cas aujourd’hui …
Note : à coté des « capitalistes (qui perçoivent l’intérêt) » des « entrepreneurs (qui s’approprient eux le profit) » et du « troisième élément constitué des salariés », il y a aussi les états qui collectent l’impôt. Quand on sait qu’ils sont devenus littéralement les souteneurs des capitalistes et des grands entrepreneurs, ces larrons ne doivent pas être oubliés.
@ Pierre-Yves D. dit
« je préfère faire confiance à Schopenhauer, à la “perversion naturelle de l’âme humaine” … »
… et bien moi aussi.
Le capitalisme nait peut-être bien en Italie du Nord au moment de la renaissance. je note juste que c’est également de là et à cette époque qu’une nouvelle conception de la monnaie émerge.
Cette nouvelle conception va permettre la concentration de capital de façon beaucoup plus facile et ductile. Cette concentration est le nouveau mode , le nouveau principe actif qui va permettre aux hommes de se ‘mobiliser’ sur des projets. Elle va permettre des avancées considérables et des réalisations à des échelles plus grandes et de façons plus déconcentrées et ‘démocratiques’.
Cette concentration du capital remplace l’antique notion , complètement oubliée aujourd’hui dans son rôle historique, du Trésor ! Le Trésor est cette accumulation de monnaies (ou sources de) qui permettait matériellement de construire. Le Trésor est ‘caché’ , comme dans les contes , car la pratique la plus normale était de le voler à l’autre.
Le Trésor est l’ancêtre momifié du Kapital.
(Une certaine spéculation est donc tout simplement la fille de la piraterie.)
@A: « Le capitalisme remonte selon vous à la renaissance. Or, on peut même le faire remonter plus haut : dans les foires de Champagne au XIIIème par exemple. »
C’est bien à la fin du Moyen-age que remonte le capitalisme (c’était déjà presque le début de la renaissance en Italie). Les foires de Champagne étaient approvisionnées par les marchands capitalistes italiens (et aussi les flamands). Cela ne contredit pas ce que dit Pierre-Yves.
« Non, répond Weber qui associe son essor à un mode de vie ascètique porté par l’angoisse su salut. »
C’est la thèse de Weber mais elle me semble très subjective. Elle décrit le capitalisme puritain, qui n’est qu’une forme de capitalisme. Les capitalistes d’aujourd’hui n’ont rien d’ascétique (pas plus que les capitalistes italiens d’avant Calvin, voire les capitalistes que cotoyait Aristote).
Si l’on s’en tient à la thèse de Weber, faut-il conclure que le capitalisme est mort avec l’ère du plaisir consumériste?
@Opposum: « Au contraire le christianisme a posé l’idée d’un cycle puisqu’après l’ hivers de la mort, il y aura le printemps d’une résurrection. »
La résurrection n’est pas un cycle, c’est un achèvement. Un cycle implique un recommencement, comme dans la métempsychose. Le christianisme n’est pas une religion cyclique, c’est une religion historique avec un début et une fin de l’histoire. Il faut être très contrariant pour soutenir le contraire. 🙂
@ Moi,
bon je veux bien que ceux qui croient à la réincarnation soient un peu dérangés mais l’habitude veut qu’ici l’âme jette son (sa) « h »
@Eugène: si je puis me permettre, vous enculez les mouches. 🙂
métempsycose nom commun – féminin ( métempsycoses )
S’écrit aussi: métempsychose
http://fr.ca.encarta.msn.com/dictionary_2016017950/m%C3%A9tempsycose.html
@Paul Jorion : J’ai déjà répondu à cet argument « La spéculation, on ne sait pas trop ce que c’est », en réponse à Loïc Abadie, à partir de la constatation que le non-spéculateur sait très bien ce qu’est la spéculation, et que seul le spéculateur invoque régulièrement l’argument « qu’on ne sait pas très bien ce qu’est la spéculation ».
Réponse du non-spéculateur au spéculateur : « La spéculation, c’est donc ce que vous faites sans le savoir ».
1) « le non-spéculateur sait très bien ce qu’est la spéculation » : j’adore ce « très bien » qui dit très bien ce qu’il veut dire tout en le disant très mal, car il laisse bien sûr entendre un « pas du tout ». Le non-spéculateur voit les spéculateurs spéculer comme un quidam au bois de Boulogne voit des cyclistes faire du vélo : donc il sait très bien, mais n’est pas fichu de dire comment on tient en équilibre. Et si lui-même montait sur l’une de ces machines, il tomberait aussitôt.
2) Le spéculateur dit « on ne sait pas très bien ce qu’est la spéculation » : je ne sais pas ce que disent les spéculateurs, mais il est vrai que « on ne sait pas très bien ce qu’est la spéculation ». Même s’ils savent très bien expliquer ce qu’ils font, et même s’ils se comptent dans le « on », ils disent la vérité : car « on » ne sait pas, en effet, ce qu’est la spéculation de manière générale. Et être spéculateur ne suffit pas pour le savoir : les cyclistes eux-mêmes ne savent pas dire comment ils tiennent en équilibre.
3) La conclusion, « La spéculation, c’est donc ce que vous faites sans le savoir » est vraie à partir de 2) mais sa formulation est douteuse, car, prise au pied de la lettre, elle laisse entendre que tout « ce que fait [le spéculateur] sans le savoir » est spéculation. Donc, quand le spéculateur fait du vélo dans le bois de Boulogne sans savoir comment il tient en équilibre, il fait de la spéculation… Ce tout que j’ajoute n’est pas un poux, mais la traduction du sous-entendu selon lequel la proposition est vraie de façon générale, dans tous les cas. Il faudrait spécifier que la proposition « ce que vous faites sans le savoir » ne vaut que pour certaines activités, mais le résultat serait tout aussi douteux.
4) Il suffit d’écrire : « X, est tout ce qui a telle propriété », pour que toute chose ayant ladite propriété ne soit pas X. Tout simplement parce que X devient le nom, et seulement le nom, d’un ensemble de choses, mais cet ensemble n’est pas une chose : il n’existe même pas, car il est défini en compréhension, pas en extension. Corolaire : la démonstration la plus courte de la non-existence de Dieu consiste à écrire un truc du genre : « Dieu est tout ce qui m’émerveille ».
Spéculer c’est parier.
Parier c’est tenter de tirer un avantage de sa perception personnelle de la chaine causale.
Eventuellement en trichant…c’est à dire en truquant ou en cachant certains éléments du déterminisme à son adversaire.
Il vaut mieux interdire les paris..et rendre l’art divinatoire illégal.
Mais les puissants savent et sauront toujours détourner ces nobles principes…pour augmenter leur pouvoir.
@ Moi @Moi,
oui car c’est en enculant les mouches comme tu dis que j’ai fini par trouver une application où des Codes suffisamment subtils permettent de diagnostiquer les 4 formes de psychopathies en les opposant 2 à 2! Ce que l’une ne contrôle plus dans l’acculturation de ses pulsions est encore possible pour l’autre et réciproquement. Donc tu vois, qd je les prends, c’est même 4 par 4 pour apprécier la différence
Que je sache, c’est bien cette même problèmatique qu’il faudrait illustrer en multipliant les applications pour mettre à distance d’un pouvoir quelconque ceux qui sont sans pouvoir sur eux-mêmes; et vos questions essentielles sur l’économie la monaie etc seraient résolues!
@Eugène: Je ne comprends pas ce que vous me dites et j’avoue que vous me faites même un peu peur. Laissons cela. Je vous accorde bien volontiers tout ce que vous voulez en orthographe et pour le reste. 🙂
A Crapaud rouge et Anne J. : vos réactions anti-géselliennes montrent instamment les limites de votre connaissance de Silvio Gesell et de son ouvrage mais faites l’effort de lire le Wikipédia au mot Silvio Gesell (article + Discussion + tous les liens adjoints) avant de dire n’importe quoi.
Les 3 expériences majeures sont Schwanenkirchen (Allemagne dans les années 20), Wörgl (Autriche) et Lignières (France) : ces expériences « nulles » comme vous semblez l’entendre ont si bien marché que ce sont les banques centrales de chacun de ces pays qui ont empêché leur extension.
@Jean-Louis :
Petit a : puis-je vous prier de me dire où j’aurais dit « n’importe quoi » ?
Petit b : je suis ravi que des expériences majeures aient si bien marché, car il y a sûrement des leçons à en tirer, mais je vous rappelle que toute expérience dépend de ses conditions initiales. Je ne demande pas mieux que Delanoë tente le coup sur Paris, mais je ne vois pas pourquoi je devrais donner ma voix à une solution qui ne m’intéresse pas. Je crois que les partisans de la monnaie fondante devraient faire du lobbying, au lieu de perdre le temps à essayer de convaincre des internautes dépourvus de pouvoir.
@ Charles
En effet ce temps du capital globalisé et se déplaçant en temps réel est aussi le notre, mais nous le subissons, nous y sommes aliénés. C’est en ce sens qu’il n’est plus notre. Ce temps réglé par les nécessités de reproduction et d’accumulation du capital nous y sommes plongés. C’est même toute l’histoire de l’industrialisation avec la chronométrie des activités productrices et par extension humaines.
Quand je dis que nous n’avons plus notre temps à nous, c’est pour distinguer des temporalités. Or il me semble qu’une certaine temporalité — même si elle ne disparaît pas totalement, car le monde capitaliste n’est pas totalement réifié — celle qui permet à chacun de développer sa sensibilité, ses connaissances, sa réflexion, de créer ou simplement d’oeuvrer (que je distingue de la production anonyme et sans autre but qu’implique l’accumulation du capital des autres) tend à être écrasée sous le poids d’une temporalité globale et totalitaire, non qualitative. Aussi quand je dis que « L’hyper concentration du capital que permet ce système permet une hyper appropriation de notre temps. » cela veut dire que le capital concentré permet à ceux qui le possèdent de nous imposer un emploi du temps, le leur, qui est en fait celui du consumérisme qui nous donne l’illusion des choix alors que ceux-ci sont pré-fabriqués, orientés. Autrement dit la possession de l’argent est un pouvoir, pouvoir qui est devenu exorbitant car jamais dans l’histoire de l’humanité de telles richesses n’ont été concentrées à un tel degré. Il y donc non seulement un aspect inégalitaire dans la répartition des richesses et d’un certain usage du temps — les riches son les maîtres du temps — mais aussi et surtout l’imposition d’une temporalité au détriment d’une autre.
Puisque nous sommes assujettis au temps global de la circulation des marchandises et du capital (lui-même une marchandise), que d’autre part ce temps global est purement mécanique, numérique, qu’il n’a donc plus de qualité, cela implique que l’à venir tend à disparaître, que le temps global est celui de retour du même, ou d’un éternel présent, celui des jouissances interchangeables des objets de consommation. Pour le coup, la linéarité du temps
, sont ireversibilité sont niées. Or pour que nous puissions être créateurs de nos vies il il est indispensable qu’un processus d’individuation (voir SImondon) qui fait de nous des individus singuliers dans des sociétés singulières puisse avoir lieu. C’est précisément ce processus d’individuation que la temporalité du capital globalisé rend de plus en plus difficile, sinon impossible dans certains cas.
Le monde consumériste court-circuite les processus lents d’appropriation individuelle et collective des objets et techniques en relation avec les milieux humains et naturel uniques. Nous ne cessons donc de consommer des solutions clés en main au lieu d’être associés au choix et à la définition des objets qui façonnent notre quotidien. Le temps global c’est donc aussi celui d’une dé-politisation au sens où la sphère économique s’est totalement autonomisée et constitue le moule doit se fondre l’humain. Emblématiquement, l’art est réduit à un produit culturel, simple objet de consommation dont la valeur égale au prix d’un marché globalisé. Il n’est plus question d’oeuvres mais de performances, d’art conceptuel, de dispositifs, autant de choses qui renvoient à la négation du sujet individuel, sensible et créateur.
@ Dalembert
« Et rajouter la déstructuration/dissolution de toutes les résistances potentielles, églises, états, familles, syndicats, langages, savoirs, etc… comme méthode utilisée par le système pour arriver à ses (sa) fin, à savoir l’individu-roi nu. »
Je souscris à cette proposition. Cela rejoint ce que je disais à propos de l’individuation. Le capitalisme contemporain est une vaste entreprise de d’effacement et de lutte contre l’émergence des singularités.
A propos du langage, voir Henri Meschonnic. Du caractère intempestif des paroles vraies (c’est moi qui traduit).
Concernant la libido et les pulsions le raisonnement est le suivant :
Le capitalisme s’est longtemps adressé à la libido, au désir, il s’agissait alors de capter les désirs, désirs qui pouvaient encore s’investir dans des projets.
En cela le capitalisme, d’un point de vue psychique, concernait ce que Freud appelle la sublimation. La sublimation c’est ce qui permet à la libido de s’investir dans des activités sociales et socialisantes. A l’inverse le capitalisme contemporain exploite nos pulsions, autrement dit de l’énergie libidinale à l’état brut qui ne socialise plus ni ne fait des individus singuliers.
Cela prolonge d’ailleurs mon propos concernant le temps- capital global, lequel avais-je dit, nous retient, nous piège dans son « éternel présent » nous empêchant de construire nos vies, de vivre notre temporalité propre (corrélative d’une temporalité sociale elle-même singulière ) .
Un directeur d’une chaîne de télévision française avait déclaré que sa mission était de « vendre du temps de cerveau disponible pour Co…la ». Cela signifiait clairement que toutes les émissions télévisées de la dite chaîne devaient être formatées de telle sorte qu’elle offraient un milieu favorable à la réceptivité à la publicité. Le désir
Le propos était cynique mais il énonçait une vérité, qui définit le capitalisme contemporain, à savoir que le capitalisme après avoir colonisé les marchés, les territoires, en est réduit à colonise les esprits, cela en leur ôtant toute possibilité d’appréhension subjective, sensible, créatrice du monde.
La rubrique des faits divers nous a habitué depuis quelques temps à ces phénomènes dits des tueurs en série. Comme Patrick Durn qui fait irruption dans la réunion de conseil municipal de la ville Nanterre et tue tout ce qui bouge. Ces adolescents aux USA, en Suède, en Allemagne, et ailleurs, qui font irruption dans leur collège et trucident à l’arme lourde élèves et professeurs. Tous ont un point commun, la perte du sens de leur vie et une aliénation par rapport aux standard de vie consumériste tel quel défini par l’infrastructure « culturelle » du mode de production capitaliste. Le seul moyen alors pour exister et d’avoir leur ‘ »quart d’heure de célébrité » (dixit Wharol), cette norme insistante de la réussite sociale véhiculée par les médias et les industries de la culture et du divertissement, qui sont en eux-mêmes une vaste entreprise de promotion des « valeurs » du capitalisme contemporain, est de commettre un acte suicidaire, nihiliste !
Sur le thème de l’évolution du capitalisme relativement à la question des formations psychiques — libido et pulsion — voir Bernard Stiegler, notamment son livre : Constituer l’Europe.
@ anne J.
Il me semble que je tente de vous répondre. Quant à l’ »inapplicable » que vous signalez, je crois que je doute moi-même un peu, en tout cas tant que je suis à ce point minoritaire, voire seul!
Il n’empêche qu’il faut absolument trouver un moyen pour limiter la thésaurisation qui reste la vraie racine du capitalisme!
Du reste, ce système que je propose ne pénaliserait cependant en aucune façon les gens comme vous l’affirmez, il toucherait, par contre, les plus riches là où cela leur fait le plus mal! Pour les citoyens ordinaires, il en résulterait bien des avantages que je vous exposerai volontiers bientôt encore une fois!
Par ailleurs, je reconnais que je fatigue un peu, mes arguments tournent en boucle!
J’ai accepté votre remarque, très juste, que la monnaie doit bien « préserver la valeur », mais il est cair pour moi que la monnaie dite fondante (ou franche selon Gesell) n’empêche pas radicalement cela, mais tempère le système d’une façon salutaire en imputant à ceux qui restent liquides autant de risques qu’aux autres sans pouvoir se défausser toujours et encore sur les autres! En aucune façon, la fonte monétaire ne devrait être supérieure à la fonte moyenne des autrs richesses, mais seulement équivalente!
Mon idée de « loterie » ne vous a pas plu? Elle me semble cependant assez ludique pour convenir au temps actuel, mais soit!
En venir aux « frais de garde » via un timbrage ou une technique électronique serait peut-être, après tout, pas si compliqué, dès qu’un consensus autour de ce point pourrait se dégager. a révolution serait mentale, et j’avoue que cela semble quelque peu utopique.
Quant aux liquidités déjà abondantes que vous pointez, c’est parfaitement exact, à mon avis, mais ces liquidités sont « gelées », selon l’expression de DSK!
Si vous avez une idée pour les dégeler, je suis preneur!
Bien amicalement, jf
@crapaud rouge:
vous me rassurez, en effet, je crois que votre remarque m’a aidé, et vous semblez admettre que mon idée contient quelque consistance, merci,
jf
@ jean louis:
merci pour ton soutien
@ crapaud rouge,
merci d’accepter le dialogue, si vous avez une meilleure idée pour en finir avec le capitalisme, je suis preneur;
pour le lobbying, je ne sais pas bien faire, hélàs!
Votre façon de épondre implique cependant que vous semblez bien comprendre ce qui « ne vous intéresse pas ».
à+, je suis fatigué
jf
Monsieur Jorion, c’est l’inverse chez Marx : à supposer que les prix forment une structure, c’est la structure des prix qui est inscrite dans la structure sociale.
C’est précisément cette dernière, causale, qui, en se généralisant sous la forme du salariat génère la diffusion du capitalisme. C’est aussi en raison de ce caractère social, de cette forme d’asservissement comme échange inégal entre la force de travail et sa rémunération que le capitalisme est un mode de production et non seulement un système. Ce mode de production induit une sophistication de l’appareil de production et une désappropriation des travailleurs quant à leurs moyens d’existence et de production. La paysanerie est déracinée, ou déterritorialisé, (moment de captation foncière et rôle primordial de l’Etat) et le métier est automatisé (moment de captation industriel et rôle principal du Capital) ; ces moments étant non tant successifs que physiques (« moment d’inertie » par exemple ou point de force). On pourrait en ajouter un troisième, celui de la captation de la vie quotidienne par le spectacle qui serait celui de l’omniprésence de la valeur d’échange, par exemple, se parler devient doublement payant avec le téléphone portable ou encore se comporter comme moderne consiste à imiter une image de soi, penser comme moderne à suivre l’actualité…
Incidemment, puisque vous mettez vos pieds dans ce plat-là, remarquons que ces progrès dans le mode de production capitaliste démontre son caractère bourgeoisement révolutionnaire. Quant au remède que vous assignez à Marx, celui concernant la révolution prolétarienne qui dépasserait le mode de production capitaliste vers un autre, que Marx nommait communiste, il ne s’agit pas de « la dictature du prolétariat » mais de « la dictature révolutionnaire du prolétariat » (Programme de Gotha). Devons-nous nous étonner que ce furent les marxistes qui omirent ce caractère, révolutionnaire ?
Partant de cette prémisse fausse dans votre lecture de Marx, vous ne pourrez pas le radicaliser, pas même dans l’analyse. Il est vrai que c’est une illusion très partagée, aussi bien par les capitalistes que par les marxistes, que celle de considérer Marx comme un économiste.
@Moi sur Weber et le capitalisme :
Tu as raison, nos capitalistes ne sont plus puritains depuis longtemps. L’essentiel de l’apport de Weber quant à l’essor du capitalisme concerne la vision subjective qu’il introduit dans l’analyse. Si l’on s’en tient qu’à des critères objectifs, on pourrait alors remonter certainement jusqu’à l’antiquité.
@ schizosophie
Blablabla… blabla… novlangue… blablabla… re-novlangue… association d’idée purement arbitraire… blablabla…sens de l’histoire… lutte des classes… opium du peuple…blablabla…
L’idéologie commence quand on a les réponses avant de poser les questions (dixit Althusser)
Marx était un historien exceptionnel et un grand sociologue. Cela dit quand j’entends qu’il y avant lui et après lui dans la sociologie, je me borne à constater qu’aujourd’hui on se revendique au fond davantage de Hegel (Ecole de Francfort mais pas seulement), de Durkheim (ou autre anthropologue… en passant je précise que Rawls est clairement durkheimien et très très très proche d’Aristote, ce que l’on sait peu) ou de Weber… et que ces trois là ne lui doivent rien.
Cela dit la différence entre nous est peut-être générationnelle. Marx ne signifie pas pour nous ce qu’il signifiait pour vous. Il na rien de l’icône quasi intouchable qu’il était dans les années 60/70/80. Tout comme Freud et consorts d’ailleurs.
En philosophie politique et morale, même avec la correction que vous ajoutez c’est une régression caractérisée, et par rapport au rationalisme politique classique, et par rapport à la pensée politique moderne XVIIe. Ce n’est pas pour rien que même les marxistes contemporains (Roemer) ont abandonné le point d’ancrage thématique de la production pour aborder le problème de la justice sociale sous l’angle de la (re)distribution. Autre symptôme: les marxistes sont de plus en plus disposés à utiliser l’excellente (quoique dangereuse) critique de C. Schmitt contre la démocratie libérale. Ce n’est pas là seulement un « effet de mode ». Il faut reconnaître que les analyses de Schmitt sur le plan de la théorie des institutions ainsi que sa compréhension des tenants et des aboutissants de la « querelle de la sécularisation », sont d’un tout autre niveau de profondeur et de lucidité (et encore une fois de dangerosité… faut dire que Marx partant de Feuerbach avait un lourd handicap).
Que vous pensiez que le fait d’ajouter « révolutionnaire » après dictature change quoique ce soit est… surprenant. Je pensais que vous alliez nous exposer le « contenu » de ce « nouveau type de régime », ce qui aurait été nettement plus éclairant pour nous. Que dit Marx de l’idée de « hierarchie des normes », du concept de « souveraineté », de la question de la « représentation », du « juste » et du « légitime », des libertés religieuses, de la liberté d’expression, de la « séparation des pouvoirs », de la fonction judiciaire, de la prescription des actes et des opinions, du régime des « peines » (au delà de la « rééducation par le travail »), des conditions « d’imputabilité de la responsabilité »… etc etc. Et puis le partage de la propriété dans la société communiste (la datcha au bord de la mer est tirée au sort?) Tout ça nous intéresse. Nan parce que « dictature du prolétariat » ça désigne quoi une fois qu’on abandonne les terres rassurantes du novlangue?
@ Johannes
C’est le combat d’une vie et ce n’est pas une question de « lobbying ».
Si la vision de Weber est erronée c’est parce-que c’est le capitalisme qui a produit cette interprétation vulgaire- bassement matérialiste- de la doctrine de Calvin, qui tombait à point nommé. Et non le contraire.
Et cette erreur il l’a faite parce-qu’il prétendait qu’une science politique qui distinguerait faits et valeurs était à la fois possible (alors que ses travaux en sont littéralement saturés), utile au chercheur, et désirable (Voir le point de vue de Arendt et Strauss sur ce thème, en rapport avec la cécité de la sciences politique moderne devant la montée du nazisme, là ou d’après les catégories de la science politique classique ce qui se déroulait alors était clair comme de l’eau de roche).
Quels sont ces critères « objectifs » du capitalisme?
@ Pierre-Yves D.,
Bien dit ! Et avec tout ça vous voulez tout de même prendre le risque de redistribuer équitablement le temps ? Etes-vous certain que nous soyons prêts ? Et si oui, quelle occupation nouvelle – compatible avec le nouveau système constitué – permettra à chaque individu de gérer sereinement ce temps-libre, de garder les pieds sur terre…si besoin est ? La pensée ? La réflexion ? L’analyse de son quotidien et de son environnement ? Deviendrons-nous tous des intellectuels ?
Si vous vous appliquez à suivre les dix commandements vous verrez que votre capital temps-libre sera bien entamé ! Il semble bien loin le temps où seule la survie comptait.
Permettez-moi de suggérer d’où pourrait venir le malentendu. Ecce homo. C’est le capitalisme. Nous avons adopté une vie sociale hyper développée, nous avons opté pour la promiscuité. Et nous avons opté pour le capitalisme. Il n’existe pas de race capitaliste. Nous sommes sociaux et acceptons le jeu du groupe.
Merci pour votre éclairage.
@jf :
Vous êtes manifestement habité par une idée. Une idée généreuse qui vous pousse irrésistiblement à vouloir la transmettre. Votre problème, c’est que vous n’êtes pas prix Nobel d’économie, donc personne ne vous écoute. Ce que je vous suggère, c’est de garder cette idée, (en fait, toute une théorie, on se comprend), « en arrière plan », « derrière vous », c’est-à-dire de toujours vous en inspirez dans vos interventions, mais sans la mettre en avant. Entre la monnaie fondante et la monnaie conventionnelle, il y a la même distance qu’entre le christianisme et le paganisme : ça ne peut pas coller. On se plonge, ou reste plongé, dans l’un(e) ou dans l’autre, mais pas dans les deux.
Sinon, je ne pense pas qu’il faille « en finir avec le capitalisme », seulement avec une pensée économique qui me semble passablement archaïque. L’enjeu, c’est l’information. Il me semble que les riches organisent sa rareté ou sa profusion au gré de leurs intérêts et que c’est ainsi qu’ils entretiennent les rapports de force en leur faveur. L’archaïsme de l’économie, c’est de chercher des lois, disons des régularités, en oubliant que l’information sur laquelle elles opèrent n’est pas distribuée selon des lois, mais par des moyens, cad des constructions arbitraires.
1) Jean-Marie Harribey est quelqu’un de très intéressant, mais pour lui en dehors d’une lecture orthodoxe de Marx, point de salut…
2) @ jf : lisez Marx sur la monnaie, vous verrez qu’il a été le premier à introduire sérieusement l’idée de thésaurisation comme perturbation de la rotation monétaire, par opposition à la conception de Say.
3) @ schizosophie : je ne vous suis pas vraiment, vous jouez un peu sur les mots. A supposer l’existence d’une structure de prix, elle reflète les rapports de force sociaux et permet leur reproduction ou leur modification à terme, à moins que le pôle de création monétaire subventionne des capitalistes qui vendent à perte.
@ Fab
Je voudrais d’abord rectifier une notion que j’ai introduite dans mon commentaire précédent, qui à la relecture m’apparaît pas correcte :
celle de temps globalisé qui se déplacerait en temps réel. Ce n’est pas le temps qui se déplace mais bien le seul capital, en temps réel, ce qui induit la temporalité dont je parlais. Et vous avez raison : une des conséquences du « temps global » de la marchandise est qu’il conditionne une distribution inégale du temps de travail ainsi que du temps-travail lui-même plus ou moins susceptible d’émanciper les individus.
je n’ai pas de solution toute prête. Par contre je sais ce que je ne veux pas : d’un monde où les hiérarchies sociales, culturelles, politiques me soumettent au temps global et capitaliste. (en passant, j’ai beaucoup aimé le préambule de Paul au projet wiki pur une constitution pour l’économie où il insistait — trop lourdement pour certains — sur la nécessaire recherche des égalités ; il n’y a en effet pas de demi-mesure possible : viser l’égalité avec des restrictyions c’est de facto accepter un monde d’inégalités et donc les justifier, bref c’est un préalable, la devise républicaine conserve toute son actualité). Pour la petite histoire, la mienne, et pour donner un aspect plus engagé, concret à mon propos, je peux vous parler un peu de mon cas personnel.
j’ai un travail à mi-temps, je vis donc assez chichement mais j’ai effectivement du temps « libre », temps libre que je préfère mille fois au temps contraint du job que j’occupe et je qualifierais d’alimentaire, même si ce travail comporte des aspects pas totalement désagréables à coté d’autres aspects sur lesquels je n’ai pas envie de m’étendre.
C’est en partie un choix, mon employeur actuel m’a proposé (obligation légale lorsqu’un poste se libère) d’ailleurs à plusieurs reprises un job à plein temps, que j’ai toujours refusé.
J’ai bien conscience d’être d’une certaine façon un privilégié car en travaillant à mi-temps je gagne 1000 euros environ.
Pour des millions de français il faudrait un job à plein temps pour avoir une rémunération équivalente.
Pour un cadre sup, par contre, mon salaire paraîtra ridicule, et non susceptible d’assurer une une vie confortable, ce qui est d’ailleurs le cas, si l’on se réfère au standard de vie bourgeois et consumériste. Toutefois, il serait malhonnête de ma part de dire que je suis jamais habité par certaines contradictions, tensions internes, celles-là mêmes induites par un système qui comporte lui aussi des contradictions. Pour un certain nombre de mes contemporains le temps libre ce sont juste des loisirs. Or mon temps libre je ne le perçois comme temps libre que relativement à celui de mon job régulier.
Mon temps dit « libre » n’est en réalité pas plus libre que l’autre. Seulement il me permet de mener des activités que je peux qualifier de réellement miennes ce qui n’exclue pas, au contraire, qu’elle aient une valeur sociale qui leur est propre, sans doute pas assez ou eu reconnue comme telle, mais selon moi — selon ma perspective — réelle. Le » libre arbitre » est une notion contestable, qui n’implique pas d’ailleurs qu’il n’y a plus de morale, ni d’éthique, je précise. L’éthique n’implique pas forcément le libre arbitre, je dirais même au contraire, puisque en tant que disposition c’est une chose que l’on acquiert, que l’on fait mûrir en soi, en soi et pour soi, mais toujours corrélativement à des relations sociales spécifiques.
Il y a donc l’égalité mais aussi l’éthique, laquelle renvoie à la fraternité, ou philia pour Aristote. Notions qui ne se recoupent pas exactement mais qui soulignent toutes que la vie commune, sociale, ne serait pas juste sans un principe d’égalité des conditions de vies, et que d’autre part cette égalité n’est pas une pure extériorité mais doit toujours être cultivée par une éthique.Tout cela pour dire que le temps de l’émancipation est un temps qui n’est pas substituable d’un individu à un autre. Ma vie, je suis le seul à pouvoir la vivre. Mon temps ne sera donc jamais le votre et réciproquement. Ce qui fait que nous sommes des êtres singuliers c’est précisément que nous vivons nos vies avec un temps qui leur est propre car les activités que nous menons personne d’autre n’est capable de les faire comme nous les faisons, et avec le sens qui leur est donné, du moins tant que nous ne subissons — certes souvent à nos corps défendant (bien qu’aliénés nous pouvons tout de même opposer une résistance, qui est manifeste aussi une singularité, le mode de production capitaliste et son temps globalisé. Quand je parlais d’une temporalité autre c’était donc une notion générique qui renvoyait à une économie,organisation sociale plus solidaire, collaborative, contributive, laquelle serait une condition nécessaire, mais pas forcément suffisante, pour que nous puissions être pleinement créateurs de nos vies et ainsi avoir notre temps à nous.
Pour répondre à votre question : »devriendrions-nous tous des intellectuels ? »
D’une certaine façon oui !!
L’intelligence propre à chacun pourrait se développer plus complètement au lieu d’être dans beaucoup de cas un fruit rabougri.
Mais attention, que l’on ne se méprenne pas sur mon propos, il ne s’agit pas de proposer un meilleur des mondes clé en main à la place de l’existant ! Si l’on m’a bien lu, mon propos suppose au contraire que l’on parte de l’existant et que l’on s’y confronte, pied à pied, sans qu’il faille privilégier tel ou tel aspect de la vie, même si il faut bien considérer que l’économie dans sa forme actuelle est le plus gros obstacle pour qu’un certain nombre de choses puissent changer.
C’est ici que je rejoins le propos de Paul Jorion sur la nécessaire approche dialectique des choses. Dialectique qui ne doit pas être l’apanage d’un groupuscule éclairé,mais doit être largement pratiquée, par tous et dans tous les domaines de la vie !
Etre de son temps c’est donc être intempestif seule façon d’accéder au temps singulier et de créer une société elle-même digne de ce nom.
@antoine: « Quels sont ces critères “objectifs” du capitalisme? »
En ce qui me concerne, j’appelle capitaliste une personne qui produit de l’argent avec de l’argent et dont c’est la principale source de revenu (un enseignant boursicoteur n’est pas un capitaliste, par contre un PDG salarié dont la plus grande part du revenu est composée de stock options est un capitaliste).
Et j’appelle capitalisme le fait de produire de l’argent avec de l’argent comme activité principale. En ce sens, le capitalisme existait avant Calvin et ailleurs.
Par contre, et c’est peut-être là (entre autre) que Weber touche juste, le capitalisme n’était pas connoté positivement avant la Réforme (je crois que les marchands italiens et juifs de la fin du Moyen-Age et de la Renaissance étaient passablement méprisés par la « véritable » noblesse terrienne et régulièrement spoliés). Autrement dit, avec la Réforme, les capitalistes trouvaient enfin une légitimation idéologique, ce qui leur permettait d’enfin atteindre les plus hautes strates de la hiérarchie sociale. Par la suite, le libéralisme a joué aussi ce rôle (avec l’avantage qu’il permettait aussi aux capitalistes de justifier de jouir de l’argent accumulé et de modeler la société dans leur intérêt en se cachant derrière l’intérêt général).
Les pratiques, en science économique, ressemblent à ce que l’on trouve en linguistique : d’un côté des théories, analyses et descriptions, plus ou moins abstraites et rédigées en français vernaculaire, de l’autre des modèles mathématiques. Entre les deux : rien, je veux dire : rien de solide qui soit à portée du pékin lambda (quand même doté de son permis de conduire en société, le bac), rien qui ait de valeur opérationnelle ou qui soit susceptible d’en acquérir une. (C’est le com de Pierre-Yves D. qui m’inspire celui-ci.)
Quand je parlais d’une « nouvelle culture économique », avant d’avancer de nouvelles théories d’économie politique, j’avais en tête des choses comme la grammaire qu’on enseigne dans les écoles. Une grammaire, ce n’est pas une théorie, mais une description des règles en usage organisée autour de quelques concepts qui font consensus : phrase, proposition, verbe, substantif, etc. Ce B A BA n’existe même pas en économie, alors que le pékin lambda s’y trouve plongé jusqu’au cou, il en est imbibé comme une éponge. On a donc, d’un côté, des capitalistes armés jusqu’aux dents par les économistes, leur « loi du marché » posée comme loi de la nature, et bien d’autres considérations diverses et (a)variées, de l’autre des analaphabètes.
Note sur mon com précédent : non seulement les capitalistes sont armés jusqu’aux dents par les économistes, mais aussi par les juristes qui leur concoctent des paradis fiscaux. Qu’est-ce qu’ils attendent pour nous faire des paradis salariaux ?
@crapaud rouge:
« The real food is not being advertised. And that’s really all you need to know.”
L’auteur considère qu’un bon marqueur des aliments sains tient en ce qu’ils ne font pas l’objet de publicité.
« La nourriture réelle ne fait pas l’objet de publicité, et c’est tout ce que vous avez besoin de savoir »
Sa thèse est que les produits qui font l’objet de publicité sont ceux qui contiennent toutes sortes de composants sans valeur nutritive mais à fort effet addictif.
Ce qu’on produit et comment on le distribue ne représente pas une question secondaire.
@Crapaud Rouge : « On a donc, d’un côté, des capitalistes armés jusqu’aux dents par les économistes, leur “loi du marché” posée comme loi de la nature, et bien d’autres considérations diverses et (a)variées, de l’autre des analaphabètes. »
Tout à fait. Et c’était bien le danger que représentait le marxisme pour les capitalistes. Le marxisme n’était sans doute pas plus scientifique ni plus bénéfique que l’idéologie au service des capitalistes, mais pour une fois les pauvres avaient une grammaire sur laquelle s’appuyer dans leur lutte. Pendant des décennies, les capitalistes ont eu ce danger présent, une population qui risquait à tout moment de passer dans le camp d’en face et ont ainsi été obligés de lacher du lest.
Je pense que le communisme a été une bénédiction pour les prolétaires occidentaux. Certes, beaucoup moins pour les prolétaires des pays communistes. 🙂
J’adhère sans réserve à la conception aristotélicienne de la formation du prix. Mais comment la développer, quand on sait que cette résultante est déterminée par un grand nombre de facteurs totalement disparates ? Bien malin celui qui leur trouvera un facteur commun susceptible d’agir sur la « variable de sortie », le prix.
Petite question : si l’idée d’Aristote est vraie, pourquoi des générations entières d’économistes semblent l’avoir ignorée ? Parmi toutes les réponses possibles se trouve probablement celle-ci : parce que, ne sachant que faire de ces rapports de force qu’ils ne peuvent modéliser, ils ont fait comme s’ils n’existaient pas. Ce n’est sûrement pas la réponse la plus pertinente qu’on puisse faire. Au lieu de « ne peuvent », il faudrait dire : « ne veulent ». (Quand on veut on peut, c’est bien connu.)
@Crapaud Rouge : « ne sachant que faire de ces rapports de force qu’ils ne peuvent modéliser »
Je suis cynique, je ne pense pas que l’impossibilité de les modéliser soit la raison. Le premier moderne a avoir sérieusement parlé de ces rapports de force, Machiavel, est je crois toujours à l’index…
@ Crapaud
Une société ou même deux individus réalisant une transaction , donc recherchant un accord sur le prix d’une chose, ne peuvent pas d’emblée et sciemment poser que seul le rapport de force fixera le prix.
Il y aura une discussion, des pressions, des arrangements etc … du marchandage ou bien un argumentaire froid etc … mais sera fait appel à des arguments rationnels.
C’est à dire que dans la représentation que se font les agents de la formation du prix , la sensation d’opérer un rapport de force s’exprime au travers , ou bien est médiatisée par une négociation.
Les économistes classiques n’ont pas ignoré ce rapport de force , mais ils ont pensé qu’il s’inscrivait dans une loi plus générale et naturelle, la loi de l’offre et de la demande.
Mais une ‘naturalisation’ progressive de cette loi tout à l’avantage de certain groupe sociaux s’est imposée dans la vulgate scientifique, phénomène qui s’inscrit précisément dans un rapport de force !
Ceci dit la loi de l’offre et la demande est incontournable (c’est mon intuition scientipifométrique) : elle est d’ailleurs elle même, au fond, un rapport de force naturel. Mais effectivement elle est loin de tout dire sur un prix, surtout dans nos sociétés complexes où les rapports de force sont à la fois ceux de l’instant précis de la négociation, mais aussi ceux inscrits aux travers d’institutions pérennes où de pratiques réglementées (elles mêmes formes demi-figées de rapports de forces antérieurs) : ainsi dans le prix des choses , s’inscrit non seulement des luttes sociales actuelles de divers groupes sociaux , mais aussi une multitude de prélèvement automatiques ou s’exprime la puissance de l’Etat , parfois pour de bonnes raisons et parfois pour de très mauvaises.
@Moi: pas d’accord. Il me semble que l’idée de constitution économique le démontre : faute de pouvoir les modéliser, la seule solution est de les changer en édictant de nouvelles règles.
Note : Machiavel n’est pas à l’index, que je sache. On le trouve en vente dans toutes les bonnes librairies, et je suis sûr qu’un type comme Sarkozy l’a lu plus souvent que la Princesse de Clèves…
@ Moi
En effet, la Réforme offre une légitimation au… prêt à intérêts, que le droit canon ne rendra licite que dans la deuxième moitié du XIXème. Il est également avéré que l’aristocratie de l’Ancien régime méprisait les activités commerciales et les marchands (entre autres objets de leur mépris). Mais pas les profits qui pouvaient en résulter. A titre d’exemple, les sociétés des quirataires (dont la forme existe toujours) sont très anciennes, et permettaient aux nobles de s’accocier à la propriété de navires, afin de participer aux profits espérés des expéditions maritimes. Du capitalisme pur jus.
@Opposùm : vous n’avez pas envie de me contrarier aujourd’hui ?
Et ça complique les choses, si les rapports de force ne sont pas seuls en lice…
Dans un entretien d’embauche, au moment de discuter salaire, le rapport de force n’a rien de médiatisé.
Dans l’acte d’échange, il y a rapport de force tant que vendeur et acheteur ne sont pas d’accord sur le prix. Quand l’accord survient, cad que l’un ou l’autre cède, le rapport de force se volatilise. C’est ce « stade » de l’échange que ce truc qu’on appelle « loi de l’offre et de la demande » représente.
Mon intuition scientipifométrique à moi me dit que c’est une vaste foutaise. Mais bon, si les gens s’en satisfont, tant mieux pour eux.
Mais c’est une bonne définition de l’équilibre dans la loi de l’offre et de la demande, vilain crapaud ! 😉 : il faut qu’il y en ait un qui cède le premier…
@Crapaud Rouge: je n’ai pas compris votre phrase. Ce que je voulais dire c’est que révéler les rapports de forces (en les modélisant ou même en les décrivant), cela influe déjà sur les rapports de forces et les modifie. Et les économistes, du moins ceux qui ont pignon sur rue, ne veulent surtout pas passer pour des révolutionnaires. Leur but est alors d’éviter au maximum d’évoquer ces rapports de forces (on parlera plutôt de lois comme si cela tombait du ciel). Evidemment, ils n’expliquent ainsi rien du tout et c’est bien le but recherché.
Concernant l’index, y être n’empêche heureusement pas que le livre soit lu (sauf à risquer l’excommunication, en théorie). Déjà à l’époque les livres à l’index circulaient aisément sous le manteau. Richelieu lisait ainsi Le Prince paraît-il. Dans ce lien, vous avez la dernière édition de 1948 de l’index et certaines éditions du Prince y sont. http://www.cvm.qc.ca/gconti/905/BABEL/Index%20Librorum%20Prohibitorum-1948.htm
@JJJ : tout à fait. Voici un petit document intéressant sur l’histoire de la finance que j’ai trouvé en cherchant sur google: picha.univ-paris1.fr/finhist.doc
Où l’on voit que ce n’est pas par manque d’imagination ou d’intelligence de nos ancêtres que le capitalisme ne s’est pas imposé dès l’antiquité mais pour des raisons morales, religieuses, sociales. J’ai lu quelque part que même le machinisme était embryonnaire dès la grèce antique mais mort-né du fait de l’esclavage (rendant la main d’oeuvre humaine plus aisée à utiliser).
@ Moi,
Il ne s’agit que de fabriquer des codes ou des lois** avec précision permettant ainsi d’observer ou d’expérimenter sur le sens de la précaution des individus; ce qui suppose que chacun d’entre eux reste effectivement libre: il n’y a donc aucune inquiétude à avoir, sauf pour ceux qui n’ont pas ou plus le sens de l’autolimitation mais prétendent gouverner autrui alors qu’ils ne se gouvernent pas eux-mêmes.
Pour le cadre théorique de cette affaire qui te parait obscure, je n’ai qu’un conseil à te donner qui consiste à lire-digérer-trouver des applications (à) « Du Vouloir Dire » T2 sous titré ‘de la Personne de la Norme’ de Jean Gagnepain. Pour que ce soit plus digeste, il peut aussi être utile de commencer par le début je veux dire une mise en perspective des sciences humaines (dont l’apport essentiel de Marx) avec » Les fondements des sciences humaines » de Jean Claude Quentel
** Si les politiques faisaient leur job dans ce sens au lieu de jouer avec les lobbyistes, nous ne serions pas dans la merde où l’on est du fait de confusions permanentes entre , et !
choix /projets valorisés; et décisions, supposées morales pour rester humaines!
@JJJ : « Mais c’est une bonne définition de l’équilibre dans la loi de l’offre et de la demande, vilain crapaud ! il faut qu’il y en ait un qui cède le premier… »
Là, vous me narguez… Cette prétendue loi n’en et pas une. Une loi s’applique partout de la même façon, alors que celle dite de l’offre et de la demande s’applique selon les circonstances. Quand les niveaux de salaires seront cotés comme des titres en bourse, ou que ceux-ci seront négociés comme les salariés doivent le faire de leur salaire, alors on pourra dire qu’elle s’applique de la même façon sur ces deux marchés, et donc que c’est une loi. Pour l’heure, on en est loin. Et quand ça arrivera, les poules auront des dents.
@TL
Si j’ai écrit « à supposer que les prix forment une structure » c’est parce que monsieur Jorion l’implique dans son assertion à propos de Marx en écrivant que « la structure sociale est inscrite dans la structure des prix ». Or je suis intervenu pour affirmer que monsieur Jorion inversait la relation de causalité entre le registre social et le registre économique telle qu’elle est présentée chez Marx. On peut bien penser ainsi, et cela est d’ailleurs très fréquent, mais ce faisant, on ne peut pas se réclamer de Marx. Par conséquent, on ne peut pas le radicaliser, pas même dans l’analyse.
Je ne pense pas que les prix forment une structure, ils forment tout au plus un système économétrique, et encore est-ce aller loin, je crois que plus simplement qu’ils s’équilibrent de manière éphémère et successive et que ce caractère permet la spéculation boursière. Mais supposons encore une fois qu’il existe une structure des prix pour répondre à votre intervention à l’égard de la mienne. En fait vous me suivez un peu, au début, en écrivant « elle reflète les rapports sociaux ». C’est bien les rapports sociaux qui sont causaux dans la détermination des prix et la notion de reflet est plus proche du vocabulaire de Marx que celle d’inscription utilisée par monsieur Jorion. Mais, et là c’est moi qui ne vous suis pas, je ne pense pas que, par retour, elle détermine ces rapports en les reproduisant ou en les modifiant. Marx utilise la notion de reflet pour son caractère contradictoire, les prix à l’intention des économistes comme les marchandises à celle des consommateurs forment un miroir aux alouettes, ces choses montrent une réalité inversée. C’est pourquoi Le Capital, le livre, commence par le décryptage du caractère fétiche de la marchandise et découvre le fétichisme dont elle est le support. Et c’est en cela que Marx n’est pas économiste, je dirai même qu’il est anti-économiste et que s’il s’attarde tant à cette discipline c’est parce qu’il la conçoit comme une religion moderne, autrement dit comme l’idéologie propre au temps du capitalisme.
Quant au rôle de la création monétaire, elle n’est là que pour permettre au capitalisme de perdurer selon sa nature : à crédit.
@TL et @antoine
Je précise que je ne pense pas non plus que les rapport sociaux forment une structure, bien que la réponse passionnée d’antoine à mon intervention soit hantée par Althusser. Il s’agit plutôt de rapports de force mouvants et quotidiens.
@antoine
Je n’ai pas ajouté « révolutionnaire » à « dictature du prolétariat », l’expression « dictature révolutionnaire du prolétariat » est dans La Critique du programme de Gotha et d’Erfurt. Par ce texte, Marx s’attaquait aux communistes, lassaliens, de son époque qui, déjà, de son propre point de vue, ne l’avaient pas compris. Il se trouve que de nombreux marxistes l’ont oté dans leur mémoire et cela n’est pas sans conséquence puisque, étant révolutionnaire, cette dictature était censé ne durer que le temps de la révolution, c’est-à-dire n’être que provisoire jusqu’à l’avènement de la dissolution simultanée du prolétariat et de l’Etat. Certes, ni la révolution russe, ni les insurrections allemande, spartakiste, ni la révolution espagnole n’ont pu accomplir cette dissolution simultanée. Mais ces révolutionnaires ont trouvé sur leur route entre autres ennemis… des communistes se réclamant de Marx, par exemple ceux, staliniens, s’identifiant au socialisme dans un seul pays, ceux, léninistes, imposant la NEP après Kronstadt, ceux, trotskistes, théorisant après coup la révolution permanente. Si nous voulons nous en souvenir, notre expérience aguerrie devrait nous prévenir à l’encontre de ces ennemis qui ne nous surprendraient pas une nouvelle fois. Si nous ne voulons pas nous en souvenir, il faut considérer que l’histoire est finie et se contenter d’aménager le capitalisme, et il le fait très bien lui-même, mais alors il ne sert à rien de pleurer contre ses atrocités. L’avenir sera fait de mémoire et notre différence n’est pas générationnelle.
Bonsoir,
Je suis assez tenté d’imprimer tout le flux des 99 réponses, et d’élaborer une réponse d’ensemble,
à la fois plus ou moins 1a1 (ou pas, je ne sais) mais sans respecter la chronologie
pour m’appuyer, progressivement, en avançant, sur l’articulation qui apparaitrait au cours du travail.
J’ai fait cela il n’y a pas si longtemps … le 3-4 mai
c’était à propos des flux monétaires, d’une part, et des interférences avec « la monnaie électronique », d’autre part
Vu que je n’ai pas été publié
cela n’incite pas à recommencer.
C’était surement critiquable mais c’était aussi plusieurs heures de travail.
En outre, les concepts « flux monétaires » pré-écrits m’auraient été nécessaires pour contribuer positivement ici.
Bonne soirée.
@crapaud rouge:
merci pour votre réponse, j’y suis sensible, l’idée gesellienne (je ne suis pas prix nobel c’est vrai!) se tient en réserve depuis plus de cent ans déjà, alors, je suppose que vous avez, hélàs, raison!
Il est vrai que le changement de paradigme par rapport à la monnaie actuelle est assez radical, j’en conviens!
Alors, je vais m’en inspirer dans l’analyse de l’économie exisyante, vous aurez donc encore droit à mes commentaires, à Plus, jf