Ce texte est un « article presslib’ » (*)
On m’avait invité en avril à être l’un des commentateurs lors de la sortie à Paris de « Let’s make MONEY », le documentaire d’Erwin Wagenhofer. J’habitais toujours la Californie à l’époque, ce qui rendait la chose impossible. Hier, j’étais invité à commenter le film lors de la conférence de presse à Bruxelles et j’ai bien sûr accepté (à mes côtés : André Nayer, Francine Mestrum et Olivier de Schutter).
On y voit la misère en Inde et en Afrique : des enfants roulant dans la fange à Madras et des fillettes travaillant dans une carrière et portant du gravier sur la tête au Burkina Faso. Et comme ce sont de très belles images, on comprend très bien ce que ça montre, même si on n’a jamais vu ça – vu de ses yeux vu. On y voit des capitalistes qui mangent ces mêmes petits enfants tout cru pour leur petit déjeuner et qui se lèchent les babines en appelant cela : « liberté d’entreprendre ». Ce ne sont pas des acteurs : le film est un documentaire et ces monstres existent vraiment. On voit d’autres aspects de la folie des hommes : trois cents lotissements babylonesques en Espagne, accompagnés de leurs trois cents terrains de golf, que l’on arrose copieusement et consciencieusement bien que personne n’y jouera jamais. Et ainsi de suite, bien entendu.
Dans la version du film que j’ai vue, il est sous-titré en français et en flamand. À la fin, au moment où le générique débute, on entend quelque chose que les traducteurs ont ignoré et dont il faut deviner ce que c’est : un monsieur parlant l’anglais avec un abominable accent allemand et se plaignant de la manière dont « La complainte de Mackie », dans l’Opéra de Quat’Sous de Bertolt Brecht et Kurt Weill a été traduite en anglais. Le Monsieur qui parle, c’est Paul Feyerabend, à qui j’ai un jour consacré un long article admiratif, un des grands philosophes des sciences du XXe siècle, dont j’ai aussi rappelé dans Un exercice difficile qu’il avait un jour affirmé qu’il aurait préféré être clown. Ecoutez bien ce qu’il dit sur ce monde où une poignée sont dans la lumière – et qui sont seuls visibles – et la masse des autres, plongés dans les ténèbres – et qui sont eux invisibles : c’est le message du film.
Paul Feyerabend sur « La complainte de Mackie » MP3
Paul Feyerabend sur « La complainte de Mackie » RealPlayer
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14 réponses à “Let’s make MONEY”
Il y a semble-t-il un problème avec le lien pour La complainte de Mackie
Le moment inoubliable de ce film, c’est la « théorie de l’investissement » développée par un gestionnaire de Templeton : On dit que le meilleur moment pour investir, c’est quand le sang coule dans les rues. J’ajouterais : même si c’est le vôtre ». La barbarie comme mode revendiqué de gestion financière…
Il n’y a pas de problème avec le lien mais cela prend un certain temps à démarrer. Il faut avoir installé RealPlayer.
pour le fichier IVR, il se lit avec Realplayer (que j’ai téléchargé pour la première fois aujourd’hui…), ce qui n’est pas génial. Ce serait bien si on pouvait l’avoir en format mp3 par exemple. Je vais voir comment on peut convertir ce IVR là… si j’y parviens.
Vu, merci. C’est un peu long en effet
DEBAT Erwin Wagenhofer "Let's Make Money" 2009
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Bonjour,
je n’ai pas encore vu ce documentaire mais je sais depuis que j’ai vu son précédent : « We feed the world » ce qu’on peut s’attendre à y trouver. Ce dernier est de la même veine, si vous ne l’avez pas vu : la scène d’ouverture vous montre l’élimination du pain invendu à Vienne, qui tous les jours jette à la décharge la consommation de pain de la deuxième ville du pays, Graz. Et il enchaîne sur la culture du maïs, qui dans un pays comme l’Autriche qui n’a pourtant que 8% de surfaces cultivables, sert essentiellement au … chauffage urbain ! Et je passe sur l’élevage intensif de poulets et sur la suite…
Voilà le monde que nous avons bâti, voilà le monde « libre » que nous défendons contre le « terrorisme » de ceux qui n’en veulent pas. Voilà ce monde où les 500 personnes les plus fortunées possèdent 80% de la richesse globale.
Il est effectivement temps de le changer !
Toulouse : un RMIste passe une petite annonce pour échanger son rein contre un emploi en CDI.
http://www.ladepeche.fr/article/2009/05/15/607038-Il-est-pret-a-donner-son-rein-contre-un-emploi.html
Un des mérites de « Let’s make money » : il explique comment, une fois que nos « world companies » ont littéralement stérilisé un pays (par exemple en y imposant une monoculture du coton, et en l’abandonnant ensuite), les habitants de ce pays n’ont plus d’autre solution pour survivre que de quitter ce pays, car la terre ne peut plus rien produire…
Et alors ces gens-là deviennent ce que nous appelons des » immigrés »…C’est ça ou tout simplement mourir de faim.
Voici un autre article publié sur Let’s make money.
http://karlosmarcos.fr/2009/05/capitalisme-visions-quantitatives-et-qualitatives/
Bonne lecture.
Oui, la misere du monde. Parceque tout le monde est sur le meme rail. Donc forcement, la course est inegale pour ceux qui viennent de monter sur le rail. Cela a ete demontre dans les annees 1970, les pays du tiers monde ont eu tort de faire la course aux pays occidentaux. Le Maghreb par exemple a eu tort, pays par pays, de faire la course avec l’Europe. Au lieu de se constituer en marche commun et de se developper ensemble pour devenir la Californie de l’Europe ils se sont fourvoyes dans le sous developpement, separement. Meme chose pour le Mexique avec les USA. Le resultat est une tiers mondisation globale avec ilots d’hyper richesse et une absence globale d’Etat de droit. On aura un mal fou a sortir de cette configuration diabolique.
Pour ceux qui préfèrent un lecteur moins lourd et non propriétaire : Real alternative.
http://www.01net.com/telecharger/windows/Multimedia/codecs/fiches/26949.html
Excuse auprès de ceux qui ont essayé Real alternative. Il n’a pas été mis à jour, donc à oublier. J’airai du réessayer avant de poster.
Bonsoir,
J’ai vu le film hier soir et je pense qu’il faut vraiment essayer de le voir. Même si on est conscient de la primauté des valeurs financières dans le monde actuel c’est vraiment édifiant!
Concernant la fin et les propos de Paul Feyerabend je ne parle vraiment pas assez bien l’anglais pour avoir saisi son message dans toute sa pertinence. Quelqu’un de plus calé peut-il se donner la peine d’écouter et d’en faire une traduction littérale? Pas seulement pour moi mais pour tous! Merci.
L’interview d’un tueur économique de la CIA, notamment sur la cause réelle des deux guerres avec l’Irak, est stupéfiante.
J’ai une réflexion à-propos de la sincérité des propos de tous les interviewés (ils ne sont pas piégés, mais parlent librement): pourquoi acceptent-ils d’expliquer le système dans tout son cynisme? Quel est leur but? Ils ne semblent pas craindre pour leur sécurité comme s’ils avaient reçu l’autorisation de parler ou même l’ordre de le faire. On peut rapprocher cette idée de certains propos tenus sur ce blog sur l’importance de Bilderberg. En gros: on laisse le monde s’enfoncer dans la crise pour mieux imposer une gouvernance mondiale. Ce pourrait être possible après-tout! Au moment des attentats de septembre 2001 j’ai eu du mal à admettre qu’il n’y ait pas un plan derrière cela tant il me paraissait difficile que la médiocrité des services de renseignements US puissent expliquer un tel évènement. Ceux qui voient des complots partout sont certes souvent des illuminés mais ceux qui pensent que nos dirigeants sont incapables d’en organiser me paraissent parfois bien naïfs…