Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Je terminais La dimensionnalité de la monnaie (Introduction) en écrivant :
Certains – dont je ne suis pas – considèrent une reconnaissance de dette comme l’une des manifestations possibles de la monnaie. Pour eux, la monnaie présente dans le village avant la venue de la Dame se montait à A + 600 € et s’est réduite à A à son départ, en raison de l’action qu’on pourrait appeler « catalytique » du billet de 100 € de la Dame sur l’économie du village.
De mon point de vue, une reconnaissance de dette n’est pas de la monnaie, le terme tendant à suggérer qu’il y aurait une identité de nature entre la marchandise privilégiée dans la fonction d’échange qu’est l’argent et une « trace de transactions » contenant l’annonce de deux transactions à venir qu’est une reconnaissance de dette. Les deux phénomènes sont à mon sens incomparables, une reconnaissance de dette étant un objet d’une toute autre nature que les pièces et billets constituant l’argent « liquide » que l’on assimile spontanément à « la monnaie ». Bien sûr une reconnaissance de dette a un prix (reflétant son « degré de liquidité » et son risque de crédit) et peut être traitée comme une marchandise, au même titre que l’argent, mais chacun s’accordera à dire que toute chose à laquelle est associée un prix n’est pas pour autant une monnaie, sans quoi presque tout dans ce bas-monde serait de la monnaie.
Vos commentaires m’ont conduit à développer ce sommaire exagérément bref avant que je ne passe à la troisième et dernière partie où j’expliquerai exactement ce que j’entends par dimensionnalité de la monnaie. Voici.
Personne certainement ne prétendra que toute chose ayant un prix peut être considérée comme une monnaie. Pourtant toute chose ayant un prix possède à un degré ou à un autre cette fameuse qualité de liquidité que j’ai déjà souvent évoquée : sa transformation en argent par la vente est en principe possible, le seul aspect qui soit en question étant la difficulté qu’il y a à réaliser cette opération de « monétisation » et on pourrait très bien imaginer un agrégat monétaire, que l’on appellerait par exemple « M14 », et dont la définition serait précisément : « somme du prix de toutes les choses ayant un prix ». Mais quel serait l’intérêt d’un tel agrégat puisqu’il est évident qu’une telle masse monétaire ne pourrait jamais être mobilisable, couvrant par définition, tout ?
Où se situe alors la limite de ce qui constitue une monnaie aux yeux de celui qui considère qu’une reconnaissance de dette représente bien « de la » monnaie ? Il me semble que ce qui justifie pour lui l’extension de la notion de monnaie de l’« argent » – sa manifestation sans conteste la plus typique – à la reconnaissance de dette, c’est que
1) le contrat que constitue une reconnaissance de dette peut être traité comme une marchandise dont le prix est à peu de choses près le montant mentionné comme la somme due par l’emprunteur,
2) le contrat que constitue une reconnaissance de dette ne porte pas sur une marchandise quelconque mais sur la marchandise privilégiée qu’est l’argent.
Le rapport entre l’argent – dont chacun reconnaîtra qu’il constitue bien la monnaie sous sa forme la moins contestable – et la reconnaissance de dette est alors le suivant :
1) l’argent est une marchandise dont la seule fonction est d’être un moyen d’échange (ses autres « fonctions » généralement admises, d’être une réserve de valeur et un instrument de compte, ne sont pas à proprement parler des fonctions : l’argent est réserve de valeur à tout autre moment que celui, instantané, où il sert dans l’échange, le fait qu’il soit réserve de valeur est donc une simple conséquence du fait qu’il ne se déplace pas de manière continue, mais discrète : par à-coups, quant au fait qu’il soit unité de compte, c’est parce qu’il est calibré : parce que chaque pièce et chaque billet a pour prix le nombre d’unités monétaires mentionné sur lui).
2) une reconnaissance de dette est une marchandise portant sur de l’argent, à savoir constituée de deux transactions en argent à venir, l’une consistant dans le remboursement de la somme initialement empruntée, et la seconde dans le « cadeau » que constituent les intérêts (si j’écris « cadeau », c’est que dans les sociétés africaines où j’ai eu l’occasion de vivre, l’emprunteur aura à cœur de faire un cadeau en monnaie pour remercier le prêteur bien qu’il n’existe pas d’intérêts prescrits).
Entrons un peu dans les détails. On a vu qu’une reconnaissance de dette peut être transférable : il suffit pour cela que l’identité du bénéficiaire soit définie comme indifférente au contrat. On détermine que X a contracté une dette envers Y mais que ce Y peut être remplacé par un tiers quelconque. Le « marché primaire » d’une reconnaissance de dette est celui où prêteurs et emprunteurs se rencontrent, à savoir le marché du crédit. Mais la cessibilité d’une reconnaissance de dette fait d’elle une marchandise pareille à toutes les autres, dont le commerce se fait sur un « marché secondaire » où l’identité du nouvel acheteur est indifférente. Le prix d’une reconnaissance de dette sur son marché secondaire dépend de trois facteurs : de la somme à rembourser, du taux d’intérêt convenu à l’origine, et d’une prime de risque reflétant le fait que la dette ne sera pas nécessairement honorée.
Une reconnaissance de dette a donc un prix et ce prix a un rapport direct avec le montant dû par l’emprunteur mais le fait qu’un contrat porte sur une somme d’argent ne fait pas automatiquement de ce contrat une monnaie : la seule monnaie impliquée est celle utilisée dans l’achat de ce contrat. X a promis à Y de lui payer 100 € le 1er août, la reconnaissance de dette est cessible et je l’achète moi à Y pour la somme réduite de 97 €. C’est une marchandise (et non une monnaie) qui a été payée 97 €. Le 1er août je me présente à la porte de X. Soit il est là et me verse les 100 € prévus par le contrat, me laissant un bénéfice de 3 €, soit il a disparu sans laisser d’adresse, créant pour moi une perte sèche de 97 €. Les 3 € constituaient ma prime de risque : le calcul statistique que j’avais fait sur un très grand nombre de transactions du même type, évaluant mon risque sur le grand nombre – j’ai expliqué cela quand j’ai présenté initialement le mécanisme de la reconnaissance de dette, dans Argent et reconnaissance de dette : de faux jumeaux, prenant l’exemple d’un voyageur dans le désert.
La monnaie dans cet exemple, ce sont les 100 € reçus par X de Y, les 97 € reçus par Y de moi, et au bout du compte, soit les 100 € que je reçois de X, me laissant un bénéfice de 3 €, ou avec lesquels X s’est enfui, conduisant pour moi à une perte de 97 €. Aucune autre monnaie n’a été créée durant tout ce processus : des transactions ont eu lieu autour d’un contrat portant sur une somme d’argent, c’est tout. La seule confusion qui puisse intervenir résulte du fait que dans une reconnaissance de dette, l’argent intervient à deux niveaux : 1) comme somme due, spécifiée à l’intérieur du contrat, et qui sera dégagée lors du remboursement, et comme versement d’intérêts pour un montant spécifié, 2) comme prix du contrat sur un marché secondaire où l’on vend et achète des reconnaissances de dette. Le contrat se dénoue le 1er août et c’est donc ce jour-là – et ce jour là seulement – qu’il y a « communication » entre le prix de contrat tel qu’il a circulé comme marchandise et les sommes versées dans les deux transactions à venir qu’il stipulait, à savoir le remboursement de la somme empruntée et les intérêts convenus.
C’est cette présence de l’argent à deux niveaux dans le commerce des reconnaissances de dette qui fait qu’on peut être tenté d’assimiler argent et reconnaissance de dette, sous le même label de monnaie. Mais qu’il y ait là une simple confusion se comprend très bien si l’on établit un parallèle avec un autre marché, par exemple et pour que le parallèle ait un impact visuel, celui des futures du lard de porc. Il existe à Chicago, sur le CME (Chicago Mercantile Exchange) un marché à terme du lard congelé où chaque contrat porte sur vingt tonnes du produit. Le contrat a un prix, qui reflète le prix postulé du lard de cochon. Mais ni les contrats à terme portant sur une certaine quantité de lard, ni le lard lui-même ne constituent une monnaie. Une reconnaissance de dette est une marchandise du même type qu’un contrat à terme sur vingt tonnes de lard au Chicago Mercantile Exchange, le fait qu’elle porte sur de l’argent plutôt que sur du lard ne change rien à sa nature fondamentale, qui est d’être un contrat ayant un prix du fait que la marchandise sur laquelle il porte, a elle-même un prix.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
52 réponses à “La dimensionnalité de la monnaie (Reconnaissance de dette et monnaie)”
@jf: message reçu, d’où mon idée d’une monnaie qui ne serait que circulante et non réserve de valeur!
jf
J’attends avec impatience le wiki Constitution pour l’économie: un dispositif économique pourrait-il participer à une meilleure gestion des ressources limitées de notre planète?
Je vais essayer de mieux comprendre ce qu’est le prix.
@jf: « d’où mon idée … » : non, c’est l’inverse. C’est la mienne, « monnaie brûlante », qui provient de la vôtre : « monnaie qui ne serait que circulante et non réserve de valeur! »
Entre le moment où on la reçoit et le moment où on l’utilise une monnaie est toujours réserve de valeur: la question serait donc de savoir à partir de combien de temps « en possession » (réserve de valeur) la monnaie doit commencer à fondre parce qu’elle brûle? 1 seconde, 1 minute, 1 heure, 1 journée, 1 semaine, 1 mois, 1 an, plus, ?????
Et pourquoi ce délai plutôt qu’un autre ?
Cher Bruno, cher Paul, et les autres!
Décidément, vous me poussez dans mes retranchements, je vous en remercie!
La banque centrale émet de la monnaie parce qu’il en faut bien une!
Les banques commerciales, comme nous tous, sont usagers de la même monnaie!
Oui, c’est vrai, au fond de moi, vous interprêtez juste, la seule vraie monnaie reste bien la monnaie centrale!
Tous les autres biens et services s’échangent grâce à elle, et elle seule! Et parce qu’elle existe et est réputée!
Les DAV, pour lesquels je veux bien faire des concessions langagières, sont néanmoins, en toute rigueur, seulement des avoirs, des promesses de tant de monnaie (centrale).
Et, en tant que promesses, elles fonctionnent souvent et sont acceptées très largement dans les échanges, mais ces transactions sont, en toute rigueur, des échanges entre marchandises:
Une promesse (de tant de monnaie) contre un bien!
Il y a un autre détail qui a son importance, sans doute, on verra bien!
Le billet et la pièce sont anonymes, la « promesse » qu’ils comportent sont d’une nature radicalement différente des autres promesses, car il s’agit d’une garantie légale.
L’extension de cette garantie légale jusqu’à 70 000 euros sur les comptes bancaires est, par contre, un aveu de faiblesse du système, car, avant 2008, nul n’aurait osé ou même imaginé devoir faire une telle promesse qui n’engage que ceux qui la reçoivent! Et qui est un formidable aveu de fragilité!
En toute rigueur encore, la monnaie centrale circule véritablement sans aucune contre partie, cela va de soi, et c’est bien pourquoi c’est bien l’économie dans son ensemble qui en est la seule « contrepartie » de fait, à savoir son pouvoir d’achat.
La chose « semblait » différente quand nous avions la couverture or, car l’émission de billets se faisait alors, en principe, en fonction de l’or en stock dans les BC. Le résultat était une grande instabilité des prix en fonction des stocks d’or disponibles. Les banques centrales n’avaient pas alors la possibilité de s’orienter aux prix des choses.
On peut dire, a posteriori, que le souci de prix stables (indice des prix) peut et doit être retenu comme le « besoin » de l’économie en monnaie centrale, à distinguer de la « demande » de monnaie que font tous les acteurs en échange de biens.
J’insiste ici encore un petit peu sur la question de l’or qui avait été tranchée, en fait par le président Nixon, événement qui a permis à l’économie de fonctionner mieux!
Gesell l’avait dit depuis toujours, l’or comme base monétaire est totalement inutile, l’a , en fait et rétrospectivement, toujours été! Sauf que l’on ne le savait pas et que l’on ne savait sans pas faire aussi facilement de la monnaie en papier!
Il le montre d’ailleurs en constatant que la monnaie frappée se détachait toujours sensiblement de la valeur en teneur du metal, car, en fait, le sceau du roi « monétise », rien d’autre! La monnaie frappée valait (en terme de pouvoir d’achat) en général plus que son poids en or.
Les pièces ayant cours légal étaient toujours préférées à l’usage aux lingots qui restaient, au fond, de la marchandise (un peu spéciale, mais tout de même).
Comme le signale Gesell, besoin et demande n’ont rien en commun. Lacan le dit dans une autre contexte concernant le sujet, mais cela nous mènerait un peu ailleurs.
Cela nous amène aussi à méditer sur les conditions de son émission!
C’est vrai, bien sûr, les banques obtiennent, selon des règles précises, autant de la monnaie centrale dont elles ont besoin, mais les instruments de politique monétaire se distinguent des politiques des banques commerciales par un but distinct, bien sûr!
Le souci des banques centrales est bien celui d’obtenir des rapports de prix les plus stables possibles, et quand elles visent une fourchette d’inflation annuelle entre 0 et 2%, leur « idéeal » serait sans doute 0% inflation par une émission de monnaie centrale à tout moment adéquate. Les BC se soucient des besoins de monnaie centrale, les autres banques tentent de satisfaire la demande de monnaie!
Avec la réforme de l’émission du numéraire telle que la préconise la réforme gesellienne, il s’agit, au fond, d’une proposition qui concerne en premier lieu les banques centrales!
En partant de ce point, peut-être que la logique de ce que j’essaie d’exposer s’imposerait sans doute mieux.
Pour saisir, on peut laisser de côté le comportement des banques et des acteurs dans un premier temps, pour s’en soucier ensuite bien entendu, quand ce sera le moment, et, à mon sens, tout s’éclairera assez facilement.
Votre question:
« Pourquoi la banque centrale pourrrait créer de la monnaie, et pas les banques commerciales. Ou sous une autre forme, si les banques commerciales ne peuvent créer de la monnaie, pourquoi la banque centrale pourrait-elle en créer? »
Avec la distinction entre besoin de monnaie et demande de monnaie, peut-être que cela passe mieux?
Les banques commerciales font demande de monnaie auprès du public et de la banque centrale ainsi qu’auprès des autres banques. Elles proposent pour ce la un intérêt, sans quoi, le détenteur du billet du moment ne cède guère celui-ci. Cela serait différent en régime de monnaie anticrise.
Nous pouvons aussi considérer que le taux directeur de la banque centrale, instrument de sa politique monétaire, porte mal son nom, car ce taux ne dirige quasiment plus le niveau des taux d’intérêt pratiqués du marché. Nous le constatons aisément, car même à taux nul, l’intérêt de la monnaie ne disparaît pas et ne passe jamais en dessous de 3% pour les prêts, un peu moins pour l’épargne.
Et ce différentiel se maintient toujours, même en situation de restriction d’émission de monnaie centrale via une hausse des taux directeurs.
Malgré cela, sauf à taux directeur nul sans doute, les banques préfèrent se refinancer sur le marché, car elles vivent bien du différentiel entre les intérêts à payer et les intérêts obtenus (ou attendus? ex ante?)
Et les banques préfèrent aussi, actuellement, le retour et le dépôt à la BC des pièces et billets destiné à « atténuer » les frais liés au taux directeur.
Car, il y a là une autre distinction qui se révèle: l’obtention de monnaie centrale implique, via le taux directeur (même faible) toujours un coût, car la BC ne fait pas « commerce » de cela, elle en a de toute façon le monopole!
C’est seulement avec la monnaie obtenue sur le marché que le commerce est possible qui dégage le différentiel (en principe) entre prêt bancaire et dépôt bancaire dont vivent les banques en tant qu’entreprises.
La crise de confiance actuelle vient bien du fait que ce commerce souffre, précisément, de la crise de confiance. le crédit est le marché de la confiance, pourrait-on dire.
Et ce fait déclenche la préférence massive pour la liquidité que nous observons actuellement!
En résumé, on doit bien admettre que la BC ne fait pas « crédit », mais qu’elle « dote » l’économie de monnaie dont elle a besoin, alors que les banques sont les marchands de la confiance (du crédit), et avait d’augmenter le besoin, elles font demande, autant que popssible, sur le marché.
Les exigences de retour de monnaie centrale sont, en fait « élastiques », car la BC a le souci de ne pas assécher les liquidités nécessaires (le besoin de monnaie!).
La mauvaise circulation de la monnaie centrale émise en très grande quantité depuis fin 2008 reflète la préférence pour la liquidité des acteurs économiques en relation avec la crise de confiance. Autrement dit, le BC n’ont plus les moyens de leur politique!
Suis-je plus clair?
Bien amicalement, jf
@ johannes finckh
Merci de votre proposition de l’ouvrage de Gesell, ça me touche vraiment. Mais pour l’instant c’est vraiment inutile.
Bravo pour vos contributions.
Sur cette dernière vous dites « la seule vraie monnaie reste bien la monnaie centrale » . Bon ça va faire plaisir à Paul, mais c’est un peu flou : voulez vous dire qu’in fine le système repose sur la monnaie centrale parce que , en cas de problème , c’est la plus ‘certaine’ …. ou bien que d’autres ‘monnaies’ existent, qui ne seraient que des fragmentations temporelles de celle ci, qui serait donc la base de tout , …. ou bien que réellement n’existe que celle ci …
Dans votre cosmogonie monétaire où est le principe créateur dynamique (l’introducteur du jeton) . Où est le principe régulateur ? (Qui n’est pas forcément sis au même endroit).
Etes vous capable d’imaginer un système sans monnaie centrale ? Théoriquement on doit pouvoir l’imaginer : et dans ce cas où est la vraie monnaie ?)
Bon, on en revient à de vieux débats , je sais …
Au plaisir de vous lire, vous ou bien un autre …
@merci pour vos questions excellentes!
1)oui le système repose bien sur la monnaie centrale pour son aspect de sécurité, mais ce n’est pas la seule raison!
2)la deuxième raison est que, comme je l’ai dit, cette monnaie est une dotation! Si on voulait absolument « conserver » l’expression « ex nihilo », elle s’appliquerait là et seulement là! La monnaie centrale est tout simplement faite avec du papier et de l’encre!
3) Elle l’est, certes, selon des quantités précises! Ces quantités se déterminent en relation avec un indice de prix le plus stable possible; c’est ce que j’ai appelé le « besoin de monnaie »!
4)donc, dans ma « cosmogonie », comme vous dites, la BC émet de la monnaie, éventuellement supplémentaire pour accompagner une croissance économique, elle en retire pour limiter des inflations
5)les moyens régulateurs actuels des BC sont cependant insuffisants et n’agissent qu’avec un certain décalage sur la circulation monétaire, un décalage parfois un peu long!
*ces moyens sont: les taux directeurs, l’achat de devises, la prise en pension d’actifs et les réserves obligatoires, et l’achat d’or; s’ajoutent à cela à la féd le quantity easing, et à la BCE le fait que les entreprises pourraient peut-être se refinancer directement (mais là, je ne suis pas sûr), au Japon, c’est le cas, et pour les banques, c’est le cas partout.
Ces moyens permettent de faire varier, parfois fortement, la quantité de monnaie centrale mise à la disposition de l’économie
6)Cependant, ces moyens régulateurs, comme je le dis, agissent avec des décalages dans le temps de plusieurs semaines ou plusieurs mois! Leur effet conjoncturel pro-ou anticyclique vient de là. Pour expliquer ces décalges, il convent de noter que la préférence pour la liquidité des acteurs varie très fortement selon le « climat de confiance » lié au crédit bancaire. C’est ce qui fait croire que la « théorie quantitative » des monétaristes ne marche pas, c’est ce décalage parfois étiré sur des années, et comme disait Keynes à ce propos: « àlong terme, nous sommes morts! »
7)Or, ce climat est très fortement dégradé, car les débiteurs sont « kaputt »; cela vient du fait que les créanciers ont déjà quasiment tout et qu’il n’y a, après l’affaire des subprimes, tout simplement plus assez d’entrants nouveaux dans ce système pour pouvoir emprunter les énormes créances (avoirs monétaires) disponibles en face! Les banques ne trouvent donc tout simplemet plus assez d’emprunteurs « solvables »! On ne prête qu’aux « riches », or les « riches » ont tellement qu’ils n’en veulent plus, et les pauvres sont trop pauvres!
Comme je l’ai dit aussi, les banques s’occupent du crédit, les BC de la gestion de la monnaie! Et je maintiens absolument que le crédit n’est pas, jamais!, monnaie!
8)D’autre part, dans ce contexte, le meilleur placement devient, souvent, la prise de bénéfice à la bourse dès qu’une hausse dite « technique » se pointe! Du coup, les actions et autres actifs encore davantage, baissent,y compris l’immobilier bien sur, et la « valeur » de la monnaie augmente: c’est la déflaion des actifs qui précède la déflation tout court, comme c’est le cas avéré au Japon, alors que la Banque du Japon refinance à guichets ouverts et gratis depuis bientôt 20 ans!
9)Seule une monnaie anticrise (franche ou « fondante » comme disent le railleurs) pourrait constituer le moyen de régulation de la monnaie centrale pleinement efficace pour enrayer des évolutions déflationnistes; mais je vous en dirai certainement davantage un autre jour!
10)Quant à « imaginer un système sans monnaie centrale? » J’ai du mal! Quand l’Euro fut créé en 1999, il n’existait pas sous forme de billets et pièces jusqu’au 1.1.2002, nous nous en souvenons tous! Il était alors sensiblement sousévalué face au dollar. L’usage des monnaie anciennes continuait jusqu’au 31.12.2001 sans faiblir! Au contraire, même, car des sommes thésaurisées sortaient des bas de laine en raison de la perspective du change imminent!
Par ailleurs, l’euro était faible face au dollar. Cela a changé depuis!
11) En pratique, j’ai donc du mal avec cela, tentons la théorie: je crois que la qualité anonyme et universelle de la monnaie n’existerait plus, ne serions-nous pas passés alors dans un système où les créances (toujours nominatives!) circuleraient tant bien que mal! Et seraient bonnes ou moins bonnes! Ce serait du TROC, à mon sens, et la catastrophe serait certaine à brève échéance!
Au cas où des politiques un peu « fous » essayeraient, ce serait une monnaie étrangère qui circulerait!
Le dollar sans doute, avant, dans les balkans, ce fut le Mark, maintenant, au Kosovo, c’est l’euro!
En Allemagne, lors de la grande inflation en 1923, les affaires se faisainet avec des dollars!
Idem, souvent dans les pays communistes, etc…
12)Donc, personnellement, je ne crois pas une minute que la monnaie fiduciaire disparaîtrait un jour! Et encore moins si nous l’améliorons en émettant sa version gesellienne anticrise, à savoir des billets qui circuleraient tellement mieux!
bien amicalement, jf
Réflexion faite, ce billet me semble devoir être amendé. Paul y oppose l’argent,
, à la reconnaissance de dette comme
Puis, après avoir justifié l’existence de cette marchandise par celle du marché secondaire où les dettes peuvent s’échanger, Paul en arrive à cette conclusion : C’est cette présence de l’argent à deux niveaux dans le commerce des reconnaissances de dette qui fait qu’on peut être tenté d’assimiler argent et reconnaissance de dette, sous le même label de monnaie. Mais qu’il y ait là une simple confusion se comprend très bien (…) Pour Paul, « une reconnaissance de dette n’est pas de la monnaie ».
On pourrait même dire, pour enfoncer le clou, qu’une reconnaissance de dette n’est pas du tout de la monnaie, et que l’argent en est totalement. Mais, de l’état « pas du tout » à celui de « totalement », je vois que s’intercale tout le processus socio-économique qui permet de reconnaître, dans le grand fatras des choses, d’une part des marchandises, d’autre part de la monnaie, et enfin un phénomène de transmutation des unes dans les autres. Cela dit, je soutiens qu’une reconnaissance de dette est déjà de la monnaie, car elle naît dans la sphère monétaire en tant que « trace de transactions contenant l’annonce de deux transactions à venir ». Et, oubliant l’intérêt qui lui est lié, je dirais que, de ces deux transactions, l’une est passée : c’est le paiement par le créancier d’une certaine quantité de monnaie totalement constituée, en argent supposé de bon aloi. Il semble que la seconde transaction, à venir et douteuse, différencie radicalement la dette et l’argent, mais il n’en est rien. On peut symétriser, dans le temps, la première et le second : l’argent aussi n’existe que sous forme de deux transactions, l’une passée et l’autre future. La première est celle par laquelle on en devient propriétaire : elle est aussi douteuse, a priori, que la transaction future de la dette, car cette monnaie est peut-être fausse. La seconde, qui permet de provoquer un échange, est considérée comme aussi « certaine » que celle qui est à l’origine de la créance. Pour nous résumer:
dette paiement certain par créditeur → remboursement incertain par débiteur (fausse promesse)
argent acquisition incertaine (fausse monnaie) → paiement certain par propriétaire
Par « certain », il faut entendre : a priori incontestable, sauf vice caché, car on suppose que les agents sont honnêtes. Incertain signifie a priori contestable, même si les agents sont honnêtes, car des aléas peuvent surgir ou même ont déjà surgi : l’inflation par exemple. Enfin, la symétrie est complète si l’on pense que l’argent acquis a pu l’être en plusieurs fois, comme on rembourse une dette en plusieurs traites.
Une dette n’est pas de la monnaie, mais déjà de la monnaie, tout comme les contours de la future Rome, tracés par Romulus, sont déjà remparts. (La preuve par la mort de Rémus qui eut tort de s’en moquer.) Dire qu’« une dette est de la monnaie » est absurde, (on pourrait payer n’importe quoi avec du vent), mais l’ajout de l’adverbe introduit le futur dans le présent : je peux déjà me servir d’une reconnaissance de dette pour payer un achat à crédit : il suffit que j’inspire confiance.
Paul ne reconnaît qu’une fonction à la monnaie : servir de moyen d’échange. On ne lui en voit pas d’autre, en effet, mais est-ce une raison pour faire de la monnaie-réserve-de-valeur
Je crois plutôt que la monnaie-réserve est la condition sine qua non de l’échange. Aucun paysan, aucun artiste, n’échangerait sa production contre une monnaie de pacotille : une monnaie n’existe qu’à condition d’avoir de la valeur, et une valeur susceptible d’être conservée : comme celle d’une dette. La monnaie a un « rang social » à tenir, sinon elle déchoit, elle cesse d’être monnaie. D’ailleurs, si on la thésaurise, (au grand dam de johannes finckh), c’est parce qu’on a peur de déchoir soi-même par manque de monnaie. Ce faisant, on lui reconnait sa valeur et ainsi on contribue à son maintient. Le jour où les pauvres jetteront l’argent par la fenêtre, c’est qu’il ne vaudra pas un clou.
Mon idée est que la monnaie n’est pas une marchandise, même particulière, mais un objet spécifique qui résulte du fait que la population lui reconnaît la qualité de monnaie. Une marchandise qui se mange peut servir au troc, mais pas de monnaie, sinon, à la première disette venue, la population mangerait sa monnaie ! De cela il ressort qu’une dette, puisqu’elle est déjà monnaie, n’est pas une marchandise. Qu’elle puisse s’échanger sur un marché secondaire n’empêche pas qu’elle reste ontologiquement une dette, et n’est marchandise que sur un plan axiologique. De façon analogue, les billets ne sont vraiment marchandise qu’entreposés par palettes entières, comme des journaux que l’on prépare à être distribués. Dans un échange, on peut payer aussi bien de 5 billets de 100 que d’un seul marqué 500 : c’est la preuve que la marchandise n’entre pas en ligne de compte.
Aux origines, sans doute, la monnaie était aussi une marchandise, réputée précieuse, mais, au fil de l’évolution, elle s’est réduite à n’être que signes. Cet or, dont jadis elle était faite, avait autant pour fonction d’exprimer une quantité que l’authenticité de ladite quantité. Une problématique toujours d’actualité qui ne vaut pas que pour la monnaie, mais pour l’information en générale, comme le montre l’apparition des cartes d’identité « infalsifiables » et du passe-port biométrique. Ce qui s’échange, dans un acte d’achat/vente contre monnaie, c’est une marchandise réelle contre un pouvoir d’achat potentiel. C’est pourquoi la question de l’authenticité de la monnaie est cruciale : le paysan qui vendrait sa récolte contre de la mauvaise monnaie serait ruiné. (C’est pourquoi aussi la « monnaie fondante » est plus que douteuse : elle pousse les grosses quantité d’argent à circuler aussi vite que les petites.) Mais l’histoire de l’inventeur du bluejean, celle d’un commerçant qui ne savait que faire de son stock de tentes, montre que la question de l’authenticité ne se pose pas (de façon ontologique) pour les marchandises : de ses tentes il a fait des pantalons, et leur valeur a décuplé. Ce qu’il y a de commun, en revanche, entre monnaie et marchandise, c’est le fait que leur valeur ne peut que décroître en raison inverse de leur abondance. La monnaie qui s’échange est indissociable de la monnaie-réserve-de-valeur : celle-ci n’est pas un « produit dérivé ».
L’argent en circulation, la monnaie fiduciaire, est toujours fait de deux choses : sa constitution matérielle d’une part, les signes qui disent sa valeur d’autre part. Ces signes ne peuvent pas être contestés : un billet de 500 euros vaut 500 euros même s’il est faux : parce qu’il faut savoir qu’il est faux pour dire qu’il vaut zéro. Et pour savoir qu’il est faux, il faut lire d’autres signes, (par exemple en filigrane), inscrits dans le billet au cours de sa fabrication : ces signes remplacent la matière précieuse que l’on mettait autrefois dans les pièces. C’est donc bien l’incertitude quant à l’origine de la monnaie qui se trouve ainsi révélée, incertitude symétrique à celle du remboursement d’une reconnaissance de dette. De manière générale, la monnaie ne tire sa valeur, comme une reconnaissance de dette, que de signes inscrits dans le passé que l’on s’efforce d’interpréter pour estimer sa « valeur future ». Mais c’est un pléonasme : sa valeur ne peut se réaliser, se révéler ou se transformer en marchandise, que dans le futur.
@johannes finckh
Merci pour votre réaction. Cette distinction capitale a décidément du mal à passer.
Les Anglo-Saxons font pire : ils disent money pour argent ! (et currency pour monnaie ?)
Quand elle s’écrie « I want my money back » cette chère Mrs Thatcher réclame bien entendu « son » argent
et pas… « sa » livre sterling. Cela, ce sont les citoyens dépouillés par l’inflation ou la dévaluation
qui pourraient l’exiger !
Par ailleurs, il faudrait sans doute introduire une autre distinction, cette fois entre monnaie et instrument monétaire.
Mais c’est encore une autre histoire.
Enfin, si au lieu de considérer l’intérêt comme « le prix du temps » ou « le prix du risque » ou encore « le prix de la liquidité », on l’assimilait au prix d’un service rendu par le prêteur à l’emprunteur, je pense que ça changerait pas mal les choses… C’est juste une suggestion.
L’article monnaie de l’Encyclopaedia Universalis, 2eme partie « Monnaie et création monétaire » signé Bernard SCHMITT
(du moins jusqu’à l’édition 2007) me paraît excellent.
@Paulo:
Tout à fait d’accord avec cette suggestion. Ce « prix d’un service rendu » devrait être soumis à l’offre de la loi et de la demande, ce qui aurait des tas d’effets, en effet.
Encore une petite précision pour corser le débat.
Le dollar est le moyen légal d’éteindre une dette… pour un citoyen américain.
Ce n’est donc pas, en effet, une reconnaissance de dette
de l’Etat ou de la Fed envers le citoyen détenteur,
puisque l’Etat (ou la Fed ?) c’est « nous » (nous les Américains en l’occurrence)
Or, on ne saurait s’endetter envers soi-même.
En revanche, les dollars détenus par des Chinois
(ou autres acteurs n’appartenant pas à la « zone dollar »)
ne sont rien d’autre qu’une reconnaissance de dette…
Je ne sais pas si Paul a donné cette précision.
@ Paulo,
vous êtes trop gentil,
mais je maintiens: l’intérêt est la rente du temps qui passe!
Il ne s’agit pas d’un « service rendu mais d’un asservissement, d’un esclavage par l’intérêt! En fait, d’un « sévice! »
C’est une spoliation permanente, c’est la racine même du capitalisme!
Rien ne peut le justifier quant au plan d’un service rendu!
Ce qui le cause, c’est la monnaie elle-même qui ne circule jamais sans prélever de l’intérêt, car en tant qu’objet convoité et VALEUR REFUGE ULTIME gardant sa valeur nominale, elle impose sa loi et exige son tribut.
C’est bien pourquoi la monnaie anticrise (franche) telle qu’elle est proposée par Silvio Gesell est en tout premier lieu une exigence de justice sociale!
Deuxièmement, cette réforme ara pour effet la stabilisation de l’économie et la disparition de toute crise systémique possible!
jf
@crapaud rouge:
relisez ce que j’ai écrit:
seule la monnaie centrale PEUT être monnaie!
C’est comme dit Paul, monnaie est monnaie, et marchandise est marchandise!
La monnaie centrale est émise comme monnaie et le reste exclusivement!
Aucune « transmutation » n’existe!
Cela vaut pour des objets volumineux comme pour des bouts de papiers comme des reconnaissances de dettes, voire des chiffres tout juste:
La ttransmutation relève de la sorcellerie!
Vous lisez sans doute harry Potter!
jf
@jf:
1) « Il ne s’agit pas d’un “service rendu mais d’un asservissement, d’un esclavage par l’intérêt! » :
Vous ne faites rien d’autre que substituer l’idéologie du rentier, qui dit « je prends un risque », par la vôtre : un esclavage. Mais qu’y a-t-il « en fait », sous de tels discours ? On ne le sait toujours pas. Paul raconte au demeurant que, dans certaines sociétés africaines, cet intérêt est/était un « cadeau » : on est loin de l’esclavage, non ? Mais il est vrai que des Africains n’ont pas hésité, à l’époque de la traite, à vendre leurs frères… De quoi jeter un doute sur la valeur, ou la spontanéité, du « cadeau ». Aujourd’hui encore, des histoires de prostitution suggèrent qu’en Afrique on possède l’art et la manière d’asservir une personne par la suggestion, en jouant sur ses croyances et craintes superstitieuses. Le « cadeau » servait peut-être, (hypothèse), à payer le retour d’ »objets personnels », (cheveux ou autres), que le créancier avait préalablement requis pour s’assurer un pouvoir sur son débiteur en cas de non remboursement. Les Africains ont certainement beaucoup de charmes et de mérites, mais certainement pas celui d’avoir inventé la philanthropie.
2) « seule la monnaie centrale PEUT être monnaie! C’est comme dit Paul, monnaie est monnaie, et marchandise est marchandise! » :
Autrement dit : un chat est un chat. Certes, mais les humains n’ont jamais fabriqué l’espèce des chats, à l’inverse de la monnaie qui, elle, n’existe pas dans la nature. « La monnaie » n’est pas un objet constitué préalablement à son étude, à la manière de l’espèce chat, ou de l’espèce or. De plus, l’usage de la monnaie a des effets rétroactifs sur elle-même, l’inflation en est l’exemple le plus trivial.
3) Puisque vous en parlez, de l’intérêt, ce qui précède me suggère les 2 seules certitudes à son sujet : 1) C’est un effet rétroactif, sur la monnaie, de l’usage de la monnaie. Cette vague définition a le mérite d’être indépendante des interprétations d’ordre culturel. 2) L’intérêt est constitutif du « phénomène monnaie » : une société où l’intérêt n’existerait plus aurait une autre pratique de la monnaie, et s’en ferait une autre conception, de sorte que sa monnaie serait très différente de la nôtre : une espèce mutante.
4) « Aucune “transmutation” n’existe! »
Vous en êtes sûr ? Il n’y a pas si longtemps, les organes du corps humain étaient les organes du corps humain : un chat est un chat. Aujourd’hui, il faut « lutter contre » les trafics d’organes à grand renfort de lois « bioéthiques », contrôles divers et traques policières. Les organes humains sont devenus, de facto, des marchandises. Donc, pas de transmutation alchimique, certes, mais nombreuses transmutations socio-économiques.
5) « relisez ce que j’ai écrit: seule la monnaie centrale PEUT être monnaie! »
Il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que nous sommes aux antipodes l’un de l’autre. Je suis entièrement dans le questionnement : j’affirme pour essayer de progresser, pour le plaisir de chercher à voir clair dans ce qui est a priori obscur. Vous êtes au contraire dans la révélation, la transmission d’un savoir acquis. Vous ne cherchez pas à comprendre la monnaie, mais à faire comprendre une conception préconçue de la monnaie. Je ne doute pas qu’elle soit intéressante, mais je n’ai pas du tout envie de m’y intéresser. Je n’ai donc pas du tout envie de vous relire, même si j’apprécie ce que vous pouvez écrire, puisque ça me permet de rebondir. Chacun son dada.
J’ai trouvé un nouvel argument pour dire que l’argent n’est pas marchandise. Un argument qui n’a rien de scientifique, mais qui n’est pas bête pour autant. Personne, de ne nos jours, n’aurait l’idée saugrenue de soutenir que les signes qui font une langue écrite sont des… dessins! Un signe écrit n’est pourtant rien d’autre qu’un « dessin signifiant quelque chose », mais raisonner comme s’il était fondamentalement un dessin, voire le réduire à l’état de dessin, c’est échapper à l’essentiel : le signe est signe. Il a une manière d’être qui lui est propre, sa vie de signe n’est pas celle d’un dessin, et tout un chacun fait spontanément la différence entre l’un et l’autre.
On peut soutenir que l’argent et la monnaie sont des marchandises mais, ce faisant, on s’interdit d’envisager la monnaie comme un phénomène spécifique et autonome par rapport à celui des marchandises. A mon avis, si la monnaie est marchandise, c’est à la façon d’un dessin pour le linguiste, cad de façon signifiante. Les marchandises aussi sont « signifiantes », (de moult façons, la richesse est signe de statut social, etc.), mais c’est l’apanage de la monnaie de signifier explicitement une quantité de richesse. Autrement dit, avoir 100 euros, c’est pouvoir signifier à autrui que l’on possède 100 euros, et « l’argent liquide » n’est jamais que le moyen le plus sûr, le plus commode et le plus consensuel de se faire comprendre. (Voire de convaincre : une valise de billets vaut souvent plus qu’un long discours et, réciproquement, une sérieuse menace permet d’avoir de l’argent à bon compte, par le chantage ou le racket.) Bref, la monnaie est un signifiant avec son signifié qui s’élabore au cours d’un processus spécifique et collectif. Lequel réserve parfois des surprises : on peut s’enrichir subitement en gagnant dans une loterie, mais les Chinois, qui croyaient s’enrichir en accumulant des dollars, se retrouvent désormais à la tête d’un stock dont ils ne savent pas encore comment ils vont s’en débarrasser sans provoquer sa dépréciation.
La monnaie n’est « simple moyen d’échange » qu’à un niveau individuel et pacifié. Collectivement, elle est un moyen de calcul de la répartition des richesses, étant entendu que d’autres contraintes, plus connues sous le nom de « rapports de force », provoquent les transferts de fonds qui conviennent afin que les calculs soient conformes à la réalité… Les racketteurs corroborent ce schéma, mais aussi la dette des fameux emprunts russes : quand les bolcheviks déclarent ne pas la reconnaître, ils provoquent un transfert de fonds implicite. Un transfert imprévu et illégal, certes, puisqu’on l’attendait dans l’autre sens, mais transfert quand même par changement de statut de ces emprunts. Pourquoi ce seraient-ils gênés puisqu’ils haïssaient les capitalistes qui leur avaient prêté du blé : leur reconnaissance de dette était bel et bien déjà de la monnaie : il leur suffisait de gommer un mot : reconnaissance.
@crapaud rouge:
Merci pour votre franchise!
Votre dernier message implique que vous m’avez mieux compris que vous ne le savez déjà!
Votre réference au signifiant est très forte, et je suis tout à fait d’accord, d’autant que je suis assez familier de l’enseignement de Lacan, vous aussi, me semble-t-il.
Ceci dit, quand j’attribue au numéraire ce privilège comme le fait aussi Paul Jorion, c’est que le numéraire est seul émis par la seule BC comme une dotation initiale et finalement adapté à l’usage selon des critères tentant à maintnir les prix aussi stables que possibles.
Ce qui n’est pas le cas de tout ce qui est crédit et reconnaissance de dette que Paul assimile justement à une marchandise.
Bref, je ne cherchais pas à vous offenser, soyez-en sûr!
La propriété signifiante du signe monétaire est celle de signifier tour à tour tout ce qu’il achète. Malheureusemnt, cette proriété signifiante est bel et bien compromise quand la monnaie ne circule plus ou mal, comme actuellement, car, à ce moment-là, de signifiant général, la monnaie évolue vers signifiant (particulier) de la seule richesse de son détenteur! Et ces deux fonctions portées par un seul et même objet sont absolument pas compatibles! C’est comme en logique, que vous devez connaître, puisque vous êtes familier de Lacan, un catalogue ne peut s’inclure comme comptant comme un élément de ce même catalogue. Par analogie, si la monnaie est le catalogue de tout c qui peut être échangé contre elle, elle ne saurait, sans s’annuler elle-même en tant que catalogue, devenir un objet du catalogue, en tant que réserve de valeur!
De cette situation, pourtant réellement ainsi existante dans le monde capitaliste, résulte tout l’instabilité que nous connaissons. La « révolution signifiante » d la monnaie est incomplète!
D’autre part, nous changerions effectivement de « société » en adoptant une monnaie qui ne serait plus que « catalogue » sans pouvoir être compté comme l’un de ses éléments! C’est ce que vise la réforme monétaire de la monnaie anticrise (gesellienne)!
L’intérêt est constitutif du phénomène monnaie, oui, mais cela veut dire exactement que cette monnaie inclut en elle-même la rente du capital, et de ce fait, en la possédant pour elle-même, il s’agit bel et bien d’un asservissement des autres! C’est précisément ce qu’il convient de dégager pour le changer, sans quoi, il n’y a plus moyen de stabiliser l’économie!
jf
@ johannes finckh
– Bien sûr , la monnaie est monnaie et la marchandise est marchandise … et un contrat est un contrat
Pour avoir les idées un peu claire (moi en tout cas) , Il me faut mettre de la subtilité là où il est intéressant d’en avoir c’est à dire pas partout quand même.
Dans sa fonction d’organisatrice des échanges la monnaie n’est pas une marchandise, car elle n’est pas désirée pour elle même : le concept nucléaire de la monnaie est le jeton (et même pire ce n’est qu’un signe opératoire dynamique)
Mais sitôt créée la monnaie peut devenir marchandise. Dans le contrat de la reconnaissance de dettes, la monnaie devient alors marchandise. (D’un certain point de vue la monnaie empruntée est marchandise, la monnaie qui sera rendue à terme est monnaie)
Si la monnaie est marchandise, comme toute marchandise, elle a un prix qui correspondra à sa valeur (Facile puisqu’elle contient en elle même sa valeur nominale étant en elle même l’unité de compte), augmentée d’un quelque chose qui est la commission , le petit surplus pour que « je » vive : et ceci comme toute marchandise.
La monnaie a alors un prix et ce prix dépasse sa valeur : cette commission (intérêt/rente etc …) , le prix du temps ? Oui mais le prix du temps ne veut rien dire car en réalité c’est le prix de l’activité économique consistant à effectuer un prêt, donc c’est ce qu’il (me) faut pour vivre pendant ce temps …. (enfin pas ‘concrètement’ mais … en moyenne)
– Donc la reconnaissance de dette suppose que la monnaie est devenue marchandise. Ce contrat est d’abord un contrat. C’est à dire un objet. Je veux dire qu’il n’est pas d’emblée ‘marchandise’ c’est à dire objet faisant l’objet de transactions marchandes. Néanmoins il peut le devenir.
Bien entendu ce contrat , d’abord objet puis ensuite marchandise lorsqu’on le considère comme un actif cessible, n’est jamais monnaie.
– Cependant , le fait que cette marchandise-contrat contienne de la marchandise-monnaie , faisant donc ce cet objet un produit financier , le rend facilement ‘liquéfiable’, mobilisable. Il est de la même nature , de nature financière et donc sa transformation en monnaie est plus facile psychologiquement et concrètement puisque son prix est de par nature plus cernable.
Il s’ensuit que cette nature de ‘quasi-monnaie’ peut entraîner de la part de son détenteur un comportement tel que si il avait réellement cette monnaie en poche, immédiatement disponible. Et que sur cette base psychologique, il va organiser une transaction marchande , quasiment dans le même temps que la monnaie que représente sa reconnaissance de dette, circule ailleurs. Il lui suffira de mobiliser sa reconnaissance de dette quelques instants, le temps d’acheter puis revendre, et il pourra reprêter la même somme dont il n’aura la trace que par une reconnaissance de dette , comme dans la situation initiale.
Bon je retombe sur la vitesse de circulation de la monnaie. La monnaie n’est effectivement qu’à un seul endroit à la fois mais psychologiquement elle est presqu’à deux endroits … et il y a presque deux monnaies distinctes sur une même base. La reconnaissance de dette devient monnaie.
Enfin … si tout va bien.
Car si un cygne noir apparait, et bien c’est la crise.
Mais je découvre peut-être l’eau tiède.
A bien y réfléchir , une reconnaissance de dette n’est jamais monnaie.
Cependant plus cette dette est mobilisable facilement et rapidement , de façon certaine pour un montant certain et sûr, plus elle prend les caractéristiques de la monnaie, en ce sens que je vais la considerer comme monnaie certaine et donc bâtir et organiser une ou des transactions avec.
On pourrait dire que la vraie monnaie arrivera au dernier moment, comme une fée magique permettant l’échange, avant de disparaître ailleurs.
Le mécanisme de la dette tend donc à créer une sorte de masse supérieure à la quantité intiale de monnaie. Bien entendu, à un moment T , la monnaie ne se trouve pas à 2 endroits , MAIS le problème est qu’ humainement nous ne fonctionnons pas au moment T , MAIS dans une épaisseur de temps , le temps d’un projet, d’une reflexion, donc en réalité nous existons réellement sur la bande T/T+1 … et dans cette bande passante de vie, la monnaie , d’un certain point de vue non comptable , s’est démultipliée.
D’ailleurs un DAV (Le relevé de banque constituant bien un reconnaissance de dette de la banque) est considéré comme de la quasi monnaie pour son détenteur, alors qu’en fait , son argent réel est utilisé ailleurs. Mais lorsque je l’utiliserai , il faudra impérativement qu’elle soit là, provenant d’un autre compte de la même banque, d’une autre banque ou en monnaie banque centrale …
Mais dans mon exemple et celui de Paul, le dette n’a pas tout à fait le même sens que la dette provoquant d’un emprunt de l’économie au système bancaire sans l’assurance ni le sousci préalable que cet argent existe déjà . La il s’agit de la dette fondatrice de la monnaie , qui peut être effectivement financé par de la monnaie pré-existante, mais dont la partie qui reste en monnaie de la banque ayant émis le prêt, sans transformation (en une autre monnaie) , constitue bien une création ex-nihilo.
Avec mon système chmilibliqué , j’ échoue sur l’idée asez bizarre que la monnaie ex-nihilo réelle est celle qui ne circule pas. Et la partie qui circule réellement , soit entre banques pour les compensations, soit en demande de monnaie fiduciaire, est ‘financé’ par la monnaie banque centrale.
Et donc lorsqu’on parle de destruction de la monnaie lors du remboursement, cela ne peut concerner que la partie de l’emprunt qui n’a pas circulé , la partie de l’emprunt assise et tiré par la banque sur elle même …
Je fais don de mon observation de pataphysique monétaire à Paul !
Je reviens à ma bande passante T/T+n , pour continuer dans mon délire, en disant que plus la bande passante s’élargit vers le futur (Tout autre direction est impossible), plus on fragilise le système, plus on fait porter au futur un risque : celui que l’argent ne se trouve pas au rendez-vous et que la dette n’offre le visage hideux de la promesse à payer qu’on ne peut pas tenir. C’est la pyramide de dettes d’Allais.
Voilà, la file est fermée, ma construction personelle est terminée, passons à la constitution.
@tous:
que faut-il penser de ceci?
On m’a rapporté une histoire dans laquelle une jeune fille avait été chargée par son employer escroc d’encaisser sur son compte un certain nombre de chèques d’un faible montant pour un total de 10 000 euros.
Les montants des chèques étant faibles (de l’ordre de 50 euros chacun), la banque les a crédités sans vérifier.
Ensuite, elle a retiré le crédité de son DAV rapidement en espèces!
Peu après seulement, la banque s’est aperçue de son erreur!
Elle a alors bloqué le compte de la jeune fille et contraint, par intimidation, les parents, des gens simples, à faire un emprunt de 10 000 euros qu’ils ont du mal à payer, étant donné qu’ils n’ont que les minima sociaux!
En fait, dans cette histoire de vol, la banque se comporte comme l’escroc, elle est son complice objectif!
Mais, en fait, cela prouve une chose: Pour ne pas être de sa poche, la banque vole à son tour par intimidation!
S elle avait pu, soi-disant, « créer » quoi que ce soit, l’histoire aurait pu trouver une autre fin!
Et si la banque avait eu affaire à un citoyen plus combatif, elle aurait bien été de sa poche!
Car elle a payé les espèces sur un compte dûment crédité!
Le seul recours juridiquement impeccable pour la banque aurait dû être la poursuite de l’escroc qui lui a fait des chèques en bois! La jeune les a seulement portés à encaissement!
Ainsi va le monde des voleurs et des rapports de force!
jf
@ johannes finckh dit :
« Si elle avait pu, soi-disant, “créer” quoi que ce soit … »
Que voulez vous dire Johannes ? La banque ne peut jamais créer comme cela : elle ne crée que si en face il y a un agent extérieur à elle même qui valide la création par une promesse de rembourser.
Ceci étant oui, il un a quelque chose de pourrie au royaume des banques.
Paul dit :
Se basant sur les faits constatés, et vérifiables puisqu’il touche au fonctionnement de marchés réels, Paul a évidemment raison : une reconnaissance de dette est une marchandise et n’est pas de la monnaie. Ces assertions sont d’autant plus difficiles à contester qu’elles se fondent sur le fonctionnement des marchés dont le propre est d’être connu du public et de faire consensus.
De mon côté, quand je dis que je pourrais faire un achat à crédit en arguant que je possède une reconnaissance de dette, – l’argent destiné à ma caisse le justifiant -, j’utilise hypothétiquement ce titre d’une façon différente : je ne le vends pas comme une marchandise, il reste ma propriété. Dans cette hypothèse, une reconnaissance de dette est comme de la monnaie, (ou « déjà » de la monnaie), puisqu’elle justifie et provoque la vente d’une marchandise.
Cette hypothétique construction, née de mon expérience personnelle, peut paraître fantaisiste et sans rapport avec la réalité, mais il n’en est rien. A une certaine époque, j’avais dans mes relations un monsieur qui me tapait régulièrement de petites sommes, mettons tous les trois mois, et ne les remboursait jamais. La chaleur de notre relation m’interdisait bien sûr d’exiger un intérêt, et plus encore de lui mettre le couteau sous la gorge pour obtenir remboursement. Mais son manège m’agaçait de sorte que j’ai réfléchi à la façon dont il s’y prenait pour me convaincre à chaque fois de lui accorder un nouveau crédit.
Le résultat est surprenant. Il ne niait pas ses dettes, au contraire, il les mettait en valeur. Il prenait grand soin de les récapituler mais assorties de moult possibilités de remboursement qui, à l’en croire, ne devaient faire aucun doute. Autrement dit, l’argent qu’il me devait allait rentrer dans sa caisse, ce n’était plus qu’une question de jours, comme s’il avait possédé une reconnaissance de dette de quelqu’un d’autre. Et de par cette reconnaissance, bien entendue fictive, j’étais censé me laisser convaincre de sa solvabilité. Ça marchait à tous les coups, non parce que j’étais dupe, mais parce qu’il était sympa.
On peut dire qu’il me louait de l’argent en me payant de mots.Les réalistes diront qu’il me l’extorquait en me racontant des balivernes, donc que ce genre de faits relèvent de l’exception (malhonnête) qui confirme la règle contraire (honnête et réaliste). Donc, pour qui s’efforce de dire scientifiquement ce que sont les entités de base, (monnaie, dette, reconnaissance de dette, titres divers, marchandises, etc.), dans une économie supposée honnête, ce genre de faits n’est pas à prendre en compte.
Je doute que cette conclusion soit la meilleure. En réalité, tout le monde baratine tout le monde, car personne ne peut emprunter sans faire croire qu’il va rembourser et qu’il peut le faire. Donc, quand un créancier se déleste de son argent, il acquiert en échange une croyance et, de son propre point de vue, il peut dire que son argent a changé d’état : de « sonnant et trébuchant », il est passé à celui de « reconnaissance de dette ». Certes, il est toujours « sonnant et trébuchant » dans la poche de l’emprunteur, mais tant qu’il ne le dépense pas ! Car, à cette condition, il peut théoriquement le rendre au créancier : la « reconnaissance de dette » ne joue pas encore. Mais aussitôt qu’il le dépense, cet argent « sonnant et trébuchant » devient « reconnaissance de dette » à part entière : il y a bel et bien changement d’état. De son point de vue, bien sûr, car l’argent reste « sonnant et trébuchant » pour celui qui le récupère.
J’aurais bien d’autres petites choses à dire, mais bon, je crois avoir déjà beaucoup abusé de l’hospitalité de monsieur Jorion.
Dixit Roubini en personne sur ContreInfo : « Alors qu’au contraire, lorsqu’existe un problème d’endettement excessif, on doit convertir cette dette en participations. C’est ce que l’on fait lors des restructurations d’entreprises : convertir la dette non garantie en capital. C’est ce que l’on devrait faire avec les banques : inciter les créanciers à convertir leurs créances en actions. On pourrait procéder de même avec le marché du logement. »
L’on comprend bien la manœuvre : une fois que la dette est devenue action, le créancier peut la vendre, mais au prix du marché, qui sera moindre. C’est une façon de lui faire partager une partie des pertes.
Ce qui intéressant, dans ce tour de passe-passe, c’est que la reconnaissance de dette change d’état et de nature : la question de son remboursement ne se posant plus, elle cesse d’être dette pour devenir capital, (ce qui est bien une transmutation), tout comme elle aurait subi un autre changement d’état, et de nature, à l’échéance normale de son remboursement.