Ce texte est un « article presslib’ » (*)
J’ai connu l’« apologue de la Dame de Condé » à partir d’un commentaire de La monnaie, c’est de la sueur (et du soleil) condensés, posté par A-J Holbecq le 16 juin 2008. J’ignore où lui-même l’a trouvé (il nous le précisera sans doute). Je le reprends car j’y vois une excellente introduction à un nouvel éclairage qu’il me semble essentiel d’introduire quand il s’agit de la monnaie : celle qu’essaie de capturer maladroitement la notion d’agrégat monétaire M1, M2, M3. Je commence donc par rappeler cet apologue en recopiant ce qu’A-J Holbecq nous en dit, y compris son commentaire quant à la morale de l’histoire.
Nous sommes à Condé-sur-Gartempe. Son hôtel de la Gare est réputé pour ses ortolans et sa discrétion…! Un vendredi après-midi débarque une jeune femme, d’apparence convenable, bien qu’un peu trop fardée. Elle réserve une chambre pour la nuit et, comme elle n’a pas de bagage, elle laisse en acompte un billet de 100 euros, tout neuf. Puis elle s’en va visiter la vieille ville. Le pâtissier qui a vu la scène dit au patron : « Ça fait six semaines que vous me devez 100 euros pour la pièce montée que j’ai livrée à l’occasion de la communion de votre fille. » Le patron lui donne le billet de bonne grâce. Comme cette scène a été vue par d’autres, elle se reproduit cinq nouvelles fois, car le pâtissier devait aussi 100 euros au minotier… qui en devait autant au garagiste… lui-même débiteur de cette somme au boucher… qui avait à régler 100 euros au représentant de la maison Erlida… lequel devait à son tour acquitter sa chambre à l’hôtel de la Gare pour 100 euros. Il redonne donc le billet au patron de l’hôtel. Notre Dame revient de promenade. Elle annonce, qu’ayant fait une rencontre, elle annule sa réservation. Ce qui arrange bien l’hôtelier qui, entre temps, a eu une demande d’un de ses vieux clients. L’hôtelier lui rend donc son billet qu’elle brûle aussitôt. « Il était faux », dit-elle en souriant.
Moralité de cette histoire :
– Le PIB du village a augmenté puisque les commerçants, ayant été payés, ont pu inclure leurs ventes dans leur comptabilité…
– Ce faux billet a été capable de catalyser autant d’échanges parce qu’un billet est de la monnaie fiduciaire (du latin fiducia : confiance). C’est exclusivement une « valeur de confiance » entre les membres d’une communauté. Dans un autre pays il n’aurait pas été accepté. Un billet faux perd « sa valeur » seulement au moment où il se révèle faux et n’est plus accepté par celui qui le reçoit. C’est celui qui le détient en dernier qui assume la perte. Dans cette histoire il n’y a pas eu de perte sauf pour la Dame de Condé qui savait de toute façon qu’il était faux.
– La Dame de Condé, en réservant sa chambre, a accru de 100 euros la masse monétaire du village, ce qui a permis à six personnes d’éteindre réciproquement leur dette pour un montant total de 600 euros. La « qualité » de la monnaie utilisée, bonne ou mauvaise, est indifférente, mais la quantité de monnaie en circulation dans une zone est importante.
Dans son commentaire, A-J Holbecq écrit à juste titre que « La « qualité » de la monnaie utilisée, bonne ou mauvaise, est indifférente » à la morale de l’histoire, ce qui est vrai et fait aussi qu’on se demande pourquoi celui qui l’a inventée a tenu à ajouter ce détail sans réelle pertinence. Il a dû se dire, je suppose, que la bizarrerie de l’effacement en moins de temps qu’il ne faut pour le dire d’un montant si élevé de dettes au sein d’une petite communauté à l’aide d’un seul billet de 100 €, apparaîtrait encore plus étonnant si ce billet s’avérait a posteriori avoir été faux et donc n’ayant en réalité rien valu du tout. Il y a là un raccourci certainement excusable mais inacceptable : un faux billet cesse de valoir quoi que ce soit aussitôt qu’il a été reconnu comme tel, ce qui interrompt sa circulation, mais tant que sa « dénonciation » n’a pas eu lieu, rien ne le distingue d’un vrai billet et il lui est strictement équivalent. Quand la Dame de Condé révèle que le billet de 100 € était contrefait et le brûle pour convaincre un public sans doute encore incrédule qu’elle ne ment pas, l’affaire est en fait déjà réglée : il lui a permis de réserver une chambre d’hôtel pour se dédire ensuite – usage on ne peut plus utile d’un billet de banque ! On pourrait alors s’interroger : pourquoi n’a-t-elle pas continué à l’investir dans des activités encore plus profitables ?
Ce qui intrigue dans l’histoire, ce n’est donc pas qu’une petite communauté ait pu prendre pour vrai un billet qui était faux, ce qui est banal et ne permet de tirer aucune leçon, mais c’est qu’un unique billet (vrai ou faux) ait pu avoir un tel effet : transformer un village criblé de dettes en un autre libéré de toutes obligations d’un citoyen envers un autre.
Essayons d’analyser l’apologue. Puisqu’il existe un hôtel et que l’hôtelier accepte les 100 € de la dame, on peut supposer que la petite communauté a dépassé le stade du troc et que de la monnaie y existe sous la forme de billets et de pièces. Le montant exact ne nous importe pas, appelons le A. Au moment où la dame offre son billet à l’hôtelier l’argent disponible dans le village passe de A à A + 100 €. C’est là le montant de la masse monétaire fiduciaire qui y est présente à partir du moment où la dame paie ses arrhes jusqu’au moment où elle annule sa réservation et où la masse retombe à A. La fausseté du billet, comme je l’ai dit, n’était connue que d’elle et était du coup sans impact : il n’est pas permis d’affirmer que la masse d’argent liquide ne fut jamais « en réalité » que de A : on ne parle en effet pas ici d’un produit tel que l’uranium, dont le fait qu’il soit faux empêche son action postulée, la fission, d’avoir lieu dans le réacteur : il s’agit de monnaie supposée vraie tant qu’il n’a pas été prouvé qu’elle soit fausse et qui s’acquitte fidèlement de sa tâche jusque-là.
Alors que s’est-il passé ? On nous dit que le billet de 100 € déposé comme arrhes à l’Hôtel de la Gare à permis en quelques heures d’éteindre des dettes pour un montant de 600 € et le mécanisme nous en est connu : il existait une chaîne de dettes partant de l’hôtelier et lui revenant en fin de circuit et le billet de 100 € a permis de proche en proche l’annulation de toutes les dettes existantes. Ce que j’essaie d’extraire de l’apologue est indépendant du fait de savoir si la situation qu’il décrit a la moindre de chance de se rencontrer dans la réalité : la réponse est non, mais cela n’a aucune importance, il s’agit clairement d’une expérience mentale et de rien de plus.
Pour ce qui est de l’argent, nous avons compris le circuit qu’il accomplit : le billet de 100 € passa de créancier remboursé en créancier remboursé, jusqu’à avoir opéré le circuit complet. Il demeura intact et sa valeur fut elle stable. Il en va de même pour la masse A telle qu’elle existait avant que la dame ne franchisse le seuil de l’hôtel de la Gare. C’est ce que j’ai appelé en d’autres circonstances le « principe de conservation des quantités » : en matière de finances, rien ne se crée, rien ne se perd. Si ce principe n’était pas universellement respecté, la finance n’aurait jamais pu exister. Il existe sans doute des individus qui enfreignent ce principe mais leur comportement est pris très au sérieux par la société, elle les traite sévèrement : pris, ils risquent la prison. Le « principe de conservation des quantités » en matière de finances n’est donc pas une norme que je postule à des fins théoriques : il s’agit d’une règle ayant valeur légale.
J’ai expliqué il y a quelques jours quelle est la meilleure manière de conceptualiser une reconnaissance de dette. J’ai dit qu’il s’agit de la trace de deux transactions : l’une, passée, étant intervenue au moment Ti, impliquant le transfert de la somme Si de l’agent X à l’agent Y, l’autre, à venir, censée intervenir au moment Ti+n, impliquant le transfert en retour de la même somme Si, cette fois de Y vers X, accompagné du transfert de Y vers X d’un « cadeau » en argent, proportionnel à la durée Ti+n – Ti, appelé « intérêts ». Une reconnaissance de dette est donc essentiellement l’annonce de transactions à venir, justifiées par une transaction passée. La transaction passée est, comme son nom l’indique, passée, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un donné irréversible : elle a eu lieu, un point c’est tout. Les transactions à venir n’ont pas encore eu lieu et sont donc contingentes : il existe un risque qu’elles n’aient jamais lieu, autrement dit, la chance qu’elles se réalisent n’est pas de 100 %. Ce qui ne veut pas dire pour autant que les sommes qui ne seraient pas remboursées se soient évanouies dans la nature, contredisant le « principe de conservation des quantités », elles auront seulement trouvé leur voie vers d’autres poches que celle stipulée par la reconnaissance de dette.
Donc, lorsqu’on dit qu’il existait dans le village des reconnaissances de dette pour un montant total de 600 €, ce que l’on exprime ainsi, c’est qu’il existait des annonces de transactions à venir pour un montant total de 600 €, et celles-ci se situant dans le futur non pas nécessaire mais contingent, elles pourront avoir lieu ou pas. Le billet ayant circulé, la seconde transaction mentionnée par les reconnaissances de dette existantes, celle à venir, a eu lieu dans chacun des cas. L’annonce implicite s’est réalisée, et la reconnaissance de dette s’est éteinte. Le montant des reconnaissances est passé de 600 € à 0 €, ce qui est une autre manière de dire qu’il n’en existe plus.
Il s’est donc passé bien passé quelque chose de significatif dans le village, que les sommes d’argent disponibles à chaque instant ne révèlent pas : l’argent disponible se montait en effet à A avant que la Dame de Condé ne franchisse la porte de l’Hôtel de la Gare et il est retombé à ce niveau lorsqu’elle repassa le seuil dans l’autre direction.
Certains – dont je ne suis pas – considèrent une reconnaissance de dette comme l’une des manifestations possibles de la monnaie. Pour eux, la monnaie présente dans le village avant la venue de la Dame se montait à A + 600 € et s’est réduite à A à son départ, en raison de l’action qu’on pourrait appeler « catalytique » du billet de 100 € de la Dame sur l’économie du village.
De mon point de vue, une reconnaissance de dette n’est pas de la monnaie, le terme tendant à suggérer qu’il y aurait une identité de nature entre la marchandise privilégiée dans la fonction d’échange qu’est l’argent et une « trace de transactions » contenant l’annonce de deux transactions à venir qu’est une reconnaissance de dette. Les deux phénomènes sont à mon sens incomparables, une reconnaissance de dette étant un objet d’une toute autre nature que les pièces et billets constituant l’argent « liquide » que l’on assimile spontanément à « la monnaie ». Bien sûr une reconnaissance de dette a un prix (reflétant son « degré de liquidité » et son risque de crédit) et peut être traitée comme une marchandise, au même titre que l’argent, mais chacun s’accordera à dire que toute chose à laquelle est associée un prix n’est pas pour autant une monnaie, sans quoi presque tout dans ce bas-monde serait de la monnaie.
Du point de vue du « principe de conservation des quantités », rien ne s’est passé sans doute, mais il faut reconnaître que, comme l’affirment ceux qui assimilent reconnaissance de dette à monnaie, il s’est bien passé quelque chose. Mais comment en rendre compte ?
La réponse que je vais apporter consiste à introduire le concept de dimensionnalité de la monnaie, une notion qui éclairera, comme on le verra, la question des agrégats monétaires et ce qu’ils représentent en réalité.
(… à suivre)
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
133 réponses à “La dimensionnalité de la monnaie (Introduction)”
@ Crapaud Rouge:
L’économie n’est pas une science, elle s’apparente plus à l’astrologie et ne pourra donc jamais trouver sa loi fondamentale.
En revanche, la monnaie est plus proche de la comptabilité qui, elle, est une science exacte et pourrait donc trouver sa loi fondamentale. Votre analogie avec la thermodynamique est intéressante, je vous suggère de la creuser. Les 2 lois fondamentales de la thermodynamique étant la 1ère (il faut au moins 2 sources de chaleur pour produire un travail) et la 2ième (l’entropie croit toujours, dS > 0).
Comment traduiriez-vous cela en terme de monnaie ?
Trop fardée hein?
Que se serait-il passé si la dame avait proposé une passe en lieu et place du billet de 100€ à l’hôtelier?
C’est toute la ville de Condé qui eut été baisée.
C’est ce qui nous arrive actuellement…dans les grandes largeurs.
Dans ce c
Dernière question, (et après j’arrête, promis) @ monsieur Jorion : pensez-vous « la monnaie » comme on dit « le langage », ce qui vous conduirait aux propriétés générales des monnaies, ou comme ont dit « le français », ce qui vous mènerait plutôt vers les propriétés générales d’un système économique dans une monnaie donnée ?
Si je pressens bien, la monnaie est un fluide, alors le niveau de dettes représente l’altitude du lit de la rivière : plus il est haut plus l’argent s’en va. Dans l’hypothèse où l’argent est « conservatif », qui se marie bien avec l’analogie fluide, les « cycles » de dettes comme dans l’exemple seraient un ecalier de Penrose : une aberration de représentation par manque de « dimension(s) ».
@JJJ: « Ce qui est intéressant dans cette histoire, c’est que le « vrai crédit » et la « fausse monnaie » produisent exactement les mêmes effets (si l’on néglige les intérêts, bien entendu). »
Est-ce à dire que vrai crédit = fausse monnaie?
@Paul Jorion: merci pour cet article très amusant à lire et qui me donne l’impression d’enfin y voir clair dans ce débat.
JJJ : Le faux billet n’a pas « catalysé les échanges », mais permis de solder, par compensation, les dettes qui résultaient d’échanges antérieurs, ce que les intéressés auraient pu faire d’eux-mêmes sans la médiation du billet en cause, s’ils avaient été informés des créances-dettes mutuelles.
Cette remarque ainsi que les remarques similaires de Crapaud Rouge sont ici très importantes. Si on continue sur la métaphore physique, on pourrait dire que le billet (sa fausseté est une donnée parasite dans l’histoire) a moins « catalysé » les échanges (qui avaient déjà eu lieu) que « précipité » leur solde. C’est un peu comme de l’argile en suspension dans un tube : cette argile à l’état dispersé trouble l’eau et ne se dépose pas (les particules sont toutes chargées négativement). Si l’on verse quelques gouttes d’un acide (sels de Ca par exemple), la charges positives des ions Ca++ neutralisent les charges négatives des particules d’argile et l’argile se dépose (précipite).
Dans l’histoire ci-dessus, le billet a joué le rôle de l’acide en précipitant le solde (qui était déjà là à l’état virtuel, mais que personne n’avait « précipité » faute d’information).
Il faudrait vérifier, mais ça me rappelle certaines analyses récentes du fameux Kula étudié par Bronislaw Malinowski. Je recommande à Paul d’aller voir du côté du livre d’Alain Testart, Critique du don : études sur la circulation non marchande.
En tous cas, la circulation marchande dont il est question ici n’est qu’un cas particulier à l’intérieur de l’ensemble plus général des transferts sociaux. Les transferts marchands (monétaires) ne sont pas d’une autre nature que les transferts non marchands. En tant que cas particulier, ils ont les propriétés des transferts sociaux + quelques propriétés particulières (un peu comme les carrés ont forcément les propriétés des quadrilatères + quelques propriétés particulières, ou comme en programmation orientée objet type C++ les classes dérivées ont les propriétés de la classe mère + quelques propriétés particulières). Le risque, si on l’ignore, est d’attribuer à la monnaie des propriétés qui sont en fait celles des transferts de niveau supérieur (i.e. plus général).
@Zoko : vous êtes aux antipodes de mes interrogations. J’ai la faiblesse de croire que l’économie deviendra une science « exacte », (ce qui ne veut pas dire que tout y sera prédictible), et je prends la comptabilité pour ce qu’elle est : un manuel de recettes de cuisine, un art si vous voulez. Et vous confondez les 2 premiers principes de la thermodynamique avec des lois. Sa loi fondamentale, pour les bacheliers, c’est PV = RT; pour les universitaires, c’est un truc analogue mais avec une intégrale compliquée. C’est du moins les vagues souvenirs que j’en ai.
@ Crapaud Rouge:
PV = nRT (il manquait un « n »)
Par contre, le libre parcours moyen fait partie de la théorie cinétique des gaz, avec le mouvement Brownien. Ce n’est pas exactement la thermodynamique.
Il y a quelques années je me suis fait expulser pour mes arriérés de loyer d’un montant de 2000 euros. En même temps un employeur qui m’en devais 2500 a disparu sans laisser d’adresse.
Le juge m’a répondu que ce n’était pas son problème et que la sentence allait tomber sur moi.
De là j’avais écris un article sur l’argent négatif, dont le but était de transférer les dettes de ma proprio à mon employeur. (contrairement à un commentaire lu ici, ce n’est pas un problème de confiance mais un problème de Droit)
–
Si dans un micro-réseau de 5 personnes inter-endettées de 100 euros chacun, on cumule ces dettes pour dire « le village a 500 euros de dettes » alors là c’est stupide, en raison de l’incompatibilité des unités de mesure, on ne peut pas additionner des dettes interconnectées.
–
De là la question, que se passerait-il si toutes les dettes du monde s’entre-annulaient ? Hypothèse : les banques ne serviraient plus à rien ? Chouette ! hypothèse 2 : tout retomberait sur les banques ? (chouette !)
@ 8119
Ce qui tend à prouver ce que je proposais plus haut, à savoir que les dettes (reconnues, ou non dans votre cas), contrairement à la monnaie, n’ont pas cours légal et que leur transfert ne peut être effectué que de gré à gré.
@Zoko, suite: j’y connais rien, vous savez, la loi fondamentale que j’ai écrite serait celle des gaz parfaits, et en plus ma transcription est fausse ! C’est PV = nRT, voir ici :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_des_gaz_parfaits#.C3.89quation_d.27.C3.A9tat_:_la_loi_des_gaz_parfaits
Cela dit, pour établir une loi, il faut établir une relation entre des termes qui étaient auparavant considérés comme indépendants, ou dont on ignorait les propriétés exactes de leur interdépendance. Actuellement, il y a bien une loi fondamentale de l’économie, c’est la première qu’on apprend et c’est celle de l’offre et de la demande. Je la trouve ridicule parce qu’elle n’explique rien, alors qu’on la fait passer pour celle qui explique tout. De la loi fondamentale de Newton on explique le mouvement des astres comme celui des poulies, mais qu’explique-t-on sur la base de la loi de l’offre et de la demande ? Strictement rien, ou peu s’en faut. Faut pas produire trop cher, sinon ça se vend mal. La belle affaire!
Il existe un cas particulier : l’affacturage, qui est une sorte de transfert de créance (moyennant finance pour l’entreprise qui voit ses créances recouvertes « avant l’heure »). A partir de la date d’effet d’une facture, celle ci peut être considérée comme une dette jusqu’à ce qu’elle soit payée.
Même si par contrat la société d’affacturage s’engage à racheter toutes les créances que ses clients lui proposent, on reste dans le domaine des transactions « gré à gré », suppose-je.
Dimensionalité ou Dimensionnalité ?
J’aurais bien mis deux n.
Wiktionnaire :
Dérivé de dimension. Souvent écrit dimensionalité avec un seul n par les scientifiques français (anglicisme).
Mea culpa : je corrigerai.
@ 8119
La compensation n’est pas autorisée en comptabilité.
Je peux même citer un exemple concret et vécu.
Il y a quelques années je dirigeais une société et mon premier client était l’un de mes principaux fournisseurs.
A un moment un peu tendu en trésorerie, lui et moi avons envisagé de solder nos créances/dettes en compensant : je te dois 250 000 et tu me dois 310 000, plutôt que d’échanger des chèques ou des traites, tu me fais un chèque de
60 000 (on parlait en francs à l’époque).
Nos comptables respectifs nous ont expliqué que ceci était interdit.
Nous avons donc échangé nos chèques et les avons déposés le même jour en prévenant nos banquiers respectifs.
Ceci dit dans le cas donné par Paul, une chambre de compensation aurait pu solder le problème avant l’arrivée de la dame. C’est d’ailleurs la solution qui a été retenue aux USA il y a quelques mois pour éviter une crise majeure sur les CDO.
Chambre de compensation = garbage collector (pour les informaticiens)
@ CF
« … pour éviter une crise majeure sur les CDO ».
… pour éviter une crise majeure sur les CDS (= credit-default swaps).
@ Paul
Plus tard je pourrai dire à mes arrières petits enfants que j’ai participé à la correction d’un texte Paul Jorion. Les copains ne vont pas y croire.
Tournée générale.
@ Paul
Mea culpa également.
1 partout.
Particulièrement nul en comptabilité , il me semble que ces conclusions ne sont valables que si chaque négociation s’effectue hors comptabilité , de la main à la main , bien illustrée par la bouteille d’Armagnac . En partie double , ce n’est plus la même musique : aucune dette n’est remboursée si le billet est rendu . Idem , pour la bouteille , même rendue vide : à la bonne vôtre !
@ Paul
Si j’ai bien tout compris, la masse A serait toujours de A même si l’un des éléments de la chaine n’était pas du village.
De même si les dettes respectives ne s’annulaient pas ou n’étaient pas de même montant.
Cette masse A représente donc quoi : l’argent dans les caisses du patissier, du garagiste, … plus l’argent et les lingots cachés sous leurs matelas, dans leurs puits, … doit-on considérer que leurs comptes bancaires, plus les montants de leurs assurances vies sont à inclure dans A, ou doit-on considérer que les relevés de banques sont des reconnaissances de dettes des banques vis à vis des clients ? Auquel cas, si l’agence est dans le village on prends les montants dans A, si elle est en dehors, on ne les inclue pas.
@ Philémon
Et ça se complique encore si la bouteille est consignée ! (Mais je ne crois pas que ce soit le cas pour l’Armagnac…)
Cela dit, boire la bouteille en entier c’est l’assurance de voir complètement double la comptabilité que l’on ne voyait précédemment qu’en partie double… 😉
@ CF et Paul
L’histoire ne dit pas si la chambre que la dame avait réservée était une chambre de compensation ou non ?! 😉
Vouloir passer de « la monnaie est du crédit/dette » à « le crédit/dette est de la monnaie » c’est confondre masse monétaire et les créances (ou dettes) de toutes les entreprises que ce soient des banques ou non.
La particularité du système bancaire est qu’il a le privilège de créer de la monnaie en échange d’une reconnaissance de dette. C’est une possibilité, pas une obligation.
Mais j’entends déjà Paul Jorion me dire que cela « confond tout ce qu’il entend distinguer et distingue tout ce qu’il entend confondre ». 😉
Pour approfondir.
Une version simplifiée de cette chaine de transactions avec seulement deux acteurs, c’est du troc. Une entreprise A vend pour X à une entreprise B. Et l’entreprive B vend pour X à une entreprise A. Donc chaque entreprise doit la même somme X à l’autre. Elles ne sont pas obligées de transférer de la monnaie pour régler leurs dettes croisée, mais peuvent compenser leurs comptes client/fournisseur respectif. C’est tout à fait légal du moment que les entreprises établissent les factures et passent toutes deux les même opérations divers de compensation. En résumé, il y a eu 2 foix X d’activité économique sans aucun transfert de monnaie.
C’est d’ailleurs un peu le principe des chambres de compensation entre banques.
Pour la chaine de transactions entre les 6 commerçants, un de ceux ci pourrait émettre une traite/effet de commerce en règlement de sa dette. Le bénéficiaire l’escompte auprès de sa banque et peut payer sa propre dette, jusqu’à revenir au premier qui peut alors payer la banque (si c’est une banque phylantropique sans agios). En poussant plus loin, si tous les commerçants se connaissent et se font confiance, il n’est même pas nécessaire d’escompter la traite, celle ci peut servir de « monnaie ».
@fujisan
Aprés vérification auprés de comptables, je confirme que la compensation clients/fournisseurs n’est pas légale en comptabilité en France (hormis le cas de consolidation bien entendu).
@ EOMENOS
ch’ui pas en guerre avec les buveurs d’H20, ce n’était pas ma bouteille, mais si on me la passe, je veux bien me servir un petit verre 🙂 comme dit la chanson:
« il faut que j’aille voir mon médecin
qu’il me prescrive un peu de vin
…
moi je me soigne bien
car je bois un peu de vin
…
oui mais un peu quoi… »
@ tout le monde
ce matin je me demandais le pourquoi de l’uranium et maintenant, après avoir lu les commentaires, je me demande quel est le rôle de la dame, je veux dire ça marche la même chose si c’est un homme (un européen, un oriental, qui sais-je encore)? hein? c’est marrant cette histoire, les narrations et les récits. la dame, le maquillage et la chambre, on s’attend déjà à de l’extraordinaire…
Lucien Pfeiffer racontait cette même histoire dans un de ses bouquins (je crois que c’était « capitalismes et socialisme » ds le titre ou le sous-titre) à partir d’un chèque au porteur émis par un sosie d’un quelconque d’un baron de R pour régler un achat, chèque qui circulait ensuite de main en main ds un même village US entre les commerçants et les artisans, pour atterrir finalement chez le banquier qui découvrait, lui, que ce n’était RIEN, qu’un chèque en bois!
Les différences tenaient aux faits:
1-que c’était le banquier (le vrai) qui déchirait le bout de papier, mais, MAIS MAIS MAIS qui créditait et débitait QUAND MEME les comptes de ses clients dans la mesure où il y avait bien eu travail, service, etc, càd création de richesses et qu’il fallait bien que çà apparaisse quelque part sous peine de ruiner le petit commerce dont le sien;
2- les valeurs portées étaient amputées d’une fraction [valeur du chèque en bois divisé par le nombre des créateurs de richesses].
Au bilan, les bénéfices de chacun d’entre eux n’étaient amputés que d’une partie presque négligeable, mais qui avait d’abord servi à alimenter le compte du naïf qui avait cru aux grands R (airs) du faux baron!
Elle est pas belle la vie? Il n’y aurait donc aucune différence entre la bonne et la fausse monnaie, non plus qu’entre l’argent propre et l’argent sale (çà on commence à le comprendre avec l’opération lessiveuse des paradis)?
« Aprés vérification auprés de comptables, je confirme que la compensation clients/fournisseurs n’est pas légale en comptabilité en France (hormis le cas de consolidation bien entendu). »
Évidement puisque l’état perçoit des impôts sur les échanges « payants » … si on pouvait compenser, la perte serait énorme au final !!!
@CF
Je suis belge et ma toute petite entreprise a déjà pratiqué la compensation client/fournisseur à plusieurs reprises avec des clients et fournisseurs belges, français, anglais… Mon comptable a passé les Opérations Diverses sans broncher. Idem pour le contrôleur de contributions (mais je ne suis pas sûr qu’il ait inspecté ces OD).
Aurais-je agit illégalement? Alors, je le revendique et c’est notre devoir d’exiger d’abroger cette règle illégitime.
@ ybabel
La compensation est interdite… en principe. La difficulté se situe au niveau du dépôt de bilan de l’une des entreprises (sa survivante perd probablement sa créance, mais reste débitrice de la faillie). Mais avec des pièces dûment contresignées par les parties, la difficulté est surmontable.
@ iGor milhit,
$, € ou fèces sont équivalents? Non? humainement RIEN? sauf pour ceux qui croient que c’est quelque chose d’important auquel ils veulent ensuite rendre les autres dépendants? une querelle de bigots universalistes en quelque sorte?