Ce texte est un « article presslib’ » (*)
L’un d’entre vous me demande : « Comment pouvez-vous être aussi sûr de vous sur toutes ces questions monétaires alors qu’il y a un an vous disiez qu’elles ne vous étaient pas familières ? »
Une partie de la réponse est déjà dans la question : un an, c’est considérable quand on s’y consacre quasiment à temps plein. Une autre partie de la réponse, c’est que je n’ai pas travaillé tout seul : ça a été pratiquement un plein-temps également pour certains d’entre vous qui se reconnaîtront. La troisième, je n’en ai pas encore parlé, c’est que je suis allé à la recherche d’économistes qui auraient réfléchi à ces questions : il me paraissait tout à fait invraisemblable qu’il n’en existe aucun. Quand je dis « économistes réfléchissant à ces questions », je ne pense pas bien évidemment à ceux qui se sont contentés de recopier consciencieusement de génération en génération certaines explications comptables capables d’opérer ce que rien d’autre au monde ne peut faire, à savoir des miracles.
Or ces économistes qui ont réfléchi à la question existent, ils représentent le courant dit « structuraliste » de la « science économique monétariste » – je mets tout ça entre guillemets à toutes fins utiles. Ils ne paraissent pas nombreux, sont essentiellement britanniques, et ne représentent en tout cas pas un courant dominant en économie. Ceci dit, si l’envie vous prenait, vous les Julien Alexandre, Shiva, Christophe, Opossum – pour mentionner une recrue récente, et les autres, de vous prévaloir d’une affiliation en économie, la voilà !
Les « structuralistes » s’opposent essentiellement aux « horizontalistes » (je suis sûr que vous pensez déjà aux gros-boutistes et aux petits-boutistes des Voyages de Gulliver), en leur reprochant de ne s’intéresser pour la création monétaire qu’à la demande de crédit et aux taux d’intérêt à court terme, alors qu’eux veulent tenir compte de tas d’autres facteurs. Vous allez voir qu’on est en terrain connu mais avant d’aller plus avant, je précise que par « création monétaire », ils veulent dire « la manière dont la structure bancaire permet d’utiliser les dépôts comme monnaie (money) » (1) Ils insistent – et je trouve ça très intéressant – sur le fait que le système bancaire n’aurait pu exister sans un double assentiment du public : celui des déposants qui déposent de l’argent sur leurs comptes-courants tout en sachant qu’il sera très probablement prêté à d’autres, et celui des emprunteurs qui acceptent cet argent, tout en sachant qu’il s’agit d’argent dû par la banque à ses déposants (je sais : en général ils n’ont pas tellement le choix !).
Parmi les facteurs qui paraissent essentiels aux structuralistes et dont nous n’avons pas ou très peu parlé : la possibilité offerte aux banques d’emprunter sur le marché interbancaire leurs réserves obligatoires ainsi que celles qu’elles constituent dans un but de « relations publiques », voire même de les emprunter à leur banque centrale dans son rôle de prêteur de dernier recours. Essentiel aussi à leurs yeux, le rôle de la titrisation dans la réduction du montant des réserves en fonds propres, ainsi que le fait que la question des réserves s’est essentiellement déplacée du domaine des réserves obligatoires « fractionnaires » à celui des réserves en fonds propres. Autre élément : la capacité des banques à transformer grâce à l’innovation financière un nombre croissant d’« avoirs » en « avoirs monétaires » (monetary assets), c’est-à-dire, à donner à des biens quelconques (« tout ce qui a un prix ») une certaine « liquidité », autrement dit, la capacité à être échangés pour de l’argent « liquide » – après manipulations plus ou moins compliquées, chacune impliquant bien entendu un certain risque.
Ah ! pour finir, principal grief des structuralistes envers les économistes appartenant à d’autres courants : l’usage fait par ces derniers de l’expression « monnaie-crédit », suggérant que les deux pourraient être confondus. Si l’on fait cela, soulignent les structuralistes, on en vient nécessairement à penser que toute injection de monnaie centrale en excès sera utilisée par les emprunteurs pour rembourser leurs emprunts. « Si l’on confond monnaie et crédit, on confond ceux qui possèdent de l’argent (money) avec ceux qui ont obtenu du crédit » (2). Autrement dit, et dans les termes que nous utilisons ici d’habitude, si l’on confond monnaie et crédit, on évacue entièrement la question de la concentration des richesses. Et on considère en particulier le fait que ce soient les banquiers en détresse ou les consommateurs en détresse qui reçoivent de l’argent du gouvernement, comme indifférent.
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(1) Sheila C. Dow, Endogenous money : structuralist, in P. Arestis & M. Sawyer, A Handbook of Alternative Monetary Economics, Edward Elgar, 2006 : 37
(2) Ibid. 44
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
76 réponses à “Monnaie et crédit : le point de vue structuraliste”
quelle cuisine…
et la ratio Cooke ?
» dépôt avec l’assentiment du public »
Dans notre beau pays, pour percevoir des salaires le compte courant est obligatoire.
Monnaie crédit: celui qui possède de l’ argent peut spéculer à » crédit » leur encours n’étant débité que de la moins value
( mauvais grattage ). Le plus souvent l’encours non débité et crédité du gain, gain sur gain bingo, sans mouvement de
monnaie.
J’aime bien, économie structurelle ça fait tout de suite plus riche, horizontaliste pépère dormeur petit rentier.
Bonjour, je lis depuis quelques semaines vos papiers : comment se fait-il que vos analyses de la crise annoncent une situation économique qui décline alors que dans le même temps les places financières empruntent une pente ascendante ? (je précise que je ne suis pas un expert). Merci d’une réponse au détour d’un prochain article. A vous lire…
le système bancaire n’aurait pu exister sans un double assentiment du public : celui des déposants qui déposent de l’argent sur leurs comptes-courants tout en sachant qu’il sera très probablement prêté à d’autres, et celui des emprunteurs qui acceptent cet argent, tout en sachant qu’il s’agit d’argent dû par la banque à ses déposants »
Vous donnez là la définition d’une monnaie fidicuciaire, qui donc par construction suppose la confiance de ses utilisateurs. C’est l’adhésion à une convention (selon moi une fiction) qui permet (et oblige) de confondre… monnaie et crédit.
Je ne suis pas sûr que les « structuralistes » aient appréhendé l’entièreté des conséquences résultant du renoncement au principe des réserves fractionnaires (donc à la martingale de Ponzi) sur les mécanismes de concentration du capital. Lesquelles (conséquences) pourraient bien être moins « démocratiques » que le système actuel, en dépit des bugs désormais évidents qu’il est facile (confortable ?) d’imputer aux défaillances réglementaires (politiques).
et les geselliens, vous les « classez » où? »
jf
C’est plutôt qu’il y a ceux qui veulent faire avouer à la monnaie une idée préconcue et orientée qu’ils ont déjà. Et d’autres qui ne cherche qu’à valider une intuition. Ceux qui veulent la réduire à une seule chose et l’assèche, et ceux qui lui font porter trop d’interprétations et la noie.
« Horizontalistes » ? J’ aurais dit « fonctionnalistes » : c’est dire expliquer les choses par leur fonctionnement . Le problème étant que le fonctionnement n’explique pas entièrement une chose. Un enchaînement de causes et d’effets dit plus le comment que le pourquoi.
Dans le monde de la matière ou règnent les sciences dites ‘dures’ il y a la même confusion et le comment tient souvent lieu de réponse au pourquoi mais cela n’est en rien gênant.
Mais dans ce qui touche à l ‘homme est au sens, la connaissance indispensable du strict fonctionnement d’une chose ne saurait suffire. D’ailleurs souvent le fonctionnement est quelque chose qui tourne en rond et s’auto-entretient de sorte qu’à un moment on ne sait plus à quel endroit se trouve le principe générateur : est-ce la poule qui fait les dépôts ou bien les crédits qui font l’oeuf ?
Paul parle du double assentiment du déposant et de l’emprunteur pour que la banque existe. Je me dit que c’est prêter beaucoup de lucidité à nous tous , globalement. J’observe que beaucoup -et moi même- ont des idées bien erronées sur la réalité de ce qui se passe réellement, dans le fonctionnement des choses. Et pourtant cela fonctionne.
Et les banquiers qui savent comment cela fonctionne … ne savent souvent pas pourquoi cela fonctionne ainsi .
On fait fonctionner les choses sans les comprendre vraiment.
Mais pour que cela fonctionne, que cela soit, on se batît une construction mêlant le symbole,l’intuition et la confiance, comme un primitif d’une société première. Au travers ce cette construction consciente s ‘excerce la force d’une ‘structure’ inconsciente. C’est pourquoi -j’y arrive enfin- j’aime bien le terme de structuraliste. Il suppose qu’on pense la monnaie dès son origine technique pour en saisir l’essence , et sous l’angle également d’un fait social : la monnaie casse le troc dans l’espace et le temps en devenant un contrat (fondement de la civilisation) mais le contrat est également un rapport de force, voire un vol et la monnaie porte également cela.
La monnaie est un voile sur les biens et services mais aussi sur les rapports sociaux.
Merci Paul de m’avoir classé chez les structuralistes, même liliputien.
Bonsoir,
Un article assez épatant (c’est moi qui souligne) :
Je trouve que ça remue 😉
Amicalement.
Étienne.
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« L’utopie, c’est proprement ce qui n’est nulle part ; c’est un édifice d’idées dans une tête ; et cela n’est pas peu de chose. Je respecte l’utopie. » ALAIN, Propos (21 juin 1906).
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@ JJJ
Je me permets juste une petite remarque : le principe de réserve fractionnaire n’est pas une martingale de Ponzi.
Lorsque vous dites cela aussi sommairement vous vous offrez le plaisir de vous montrer critique envers le système bancaire (c’est à la mode et justifié) au risque de n’en pas comprendre les vraies tares.
L’analogie tient uniquement au fait que si tout le monde se présente à la banque, bien évidemment, elle ne pourra pas rembourser en monnaie fiduciaire, la somme des valeurs déposées , mais cela ne signifie pas que ces valeurs n’existent pas ou ne vont pas exister dès que les créanciers rembourseront. Il y a un problème de conversion de monnaie d’une part et de temporalité d’autre part.
Alors que dans la chaine de Ponzi les choses ne tiennent pas du tout quelle que soit la façon de procéder.
La concentration de richesse, à mon avis passe toujours de façon pépère et tranquille par deux mécanismes: le prix des choses et le taux d’intéret.
Les bulle et la spéculation s’apparenteraient bien plus à la chaîne de Ponzi, encore que certaines bulles ou spéculations puissent correspondre à des valorisations d’actifs durables et fondées.
La spéculation financière , elle, est toujours une chaîne de Ponzi , système qui se caractérise par le fait que les derniers rentrés paieront pour le premier et tous les autres … sauf quand la chaine de Ponzi est globalisé et mondialisé , car alors même les non-joueurs sont invités à financer les pertes des derniers , puisque ce petit monde jouaient avec nos billes.
@Etienne,
Jolie pièce avancée !
Ceci ressemble à un avenir probable des monnaies, je vous rejoins sur ce point.
J’avais déjà lu sur des systèmes bancaires internet commençant à se mettre en place. Personne sur le blog n’avait l’air renseigné : prêteurs et emprunteurs se retrouvant sur le site d’une banque en ligne, commission au banquier pour l’évaluation des risques et couverture assurance.
Donc une optique de service aux particuliers pouvant juger un système simple, transparent, ne cherchant pas à concurrencer le grand casino, autant dire un système pour attirer toutes les petites épargnes qui auront compris ce que valent les boniments du banquier opaque.
Concurrence entre les monnaies pour leur fonction, ceci fait bien perdre la guerre aux émetteurs à monopole, augmente la diversité, ce qui va dans le sens de l’évolution sur le long terme.
De plus Noubel n’a pas de naïveté à ne pas voir venir les problèmes, il faudra s’attendre à une résolution ad hoc de ceux-ci.
@oppossum
L’ intérêt d expliquer les choses par leur fonctionalité, c est de ne jamais croire la « théorie fonctionnelle » qui en decoule, celle ci est sans cesse remise en question, et modifiée pour mieux coller au réel.
Le danger de la croyance en une cause profonde, dure, pour expliquer les choses, est la croyance elle même, que la cause ne dépend pas de nous, ne pourrait se modifier par notre propre accès a la connaissance.
Comment expliquer l’ internet a Einstein autrement que par sa fonctionalité ?
Et si ça marchait l’énergie verte ? Ca pullule en tous cas, ce matin dans le Figaro un article sur la Jatropha, plante miracle destinée à remplacer le pétrole. Si on ajoute les panneaux solaires, les éolienes etc ça commence à devenir une vraie industrie. Rentable ? D’avenir ?
@ pour ma part, je maintiens que la définition de la monnaie elle-même pose un problème à la racine!
La monnaie ne saurait être plus longtemps à la fois l’objet que l’on échange et VALEUR REFUGE ULTIME!
Ces deux propriétés s’excluent mutuellement, et tant que nous aurons une telle monnaie (capitaliste), la cause même des crises systémiques, rien ne se pourra!
D’où mon exigence insistante pour émettre tout de suite une monnaie anticrise (fondante!), et la crise de liquidités disparaîtrait aussitôt, et l’on pourrait, ensuite, s’occuper assez facilement de tous les problèmes de refinancement sans déclencher des obstructions massives à la circulation monétaire!
Car, comme le signale DSK, la monnaie actuellement injectée est « gelée » et ne descend pas dans l’économie réelle!
La monnaie anticrise serait l’antigel adéquat!
jf
@ j.finchk
Quid des liquidités ou « économies » actuellement nichées dans des comptes à terme,livrets et autres…?
Ce sont les Thésaurisations de travailleurs économes pour enrichir leur retraite…
Les économies de fourmis fondent-elles aussi pour les forcer à consommer et entretenir ainsi la fameuse croissance?
Le vrai problème de l’énergie verte (même si ce n’est pas vraiment le sujet de cet article), ce n’est pas de savoir si ça va marcher : c’est obligé.
Pour les éoliennes aujourd’hui, outre qu’elles n’arrangent pas du tout (mais alors pas du tout!) le paysage, c’est qu’elles ne sont rentables que par d’importantes subventions (c’est-à-dire que ce sont les contribuables qui enrichissent les promoteurs de cette technologie, pour le moment.)
Toujours pour les éoliennes, la productivité par « hélice » est vraiment très faible, et il faudra couvrir TOUT le territoire pour en arriver à produire que quelques fractions de l’énergie nécessaire (enfin, nécessaire aujourd’hui…)
La question est de savoir par qui tout ça va être récupéré… Déjà, vous faites écho à un article paru dans …le Figaro (;-))… Monsanto serait sur les rangs que ça ne m’étonnerait pas outre mesure…
Mais ce blog, quoique éclectique, n’est pas vraiment consacré aux questions écolos…(en quelque sorte, en échangeant ainsi, nous le « polluons », et Mr.Jorion va faire ce qu’il ne fait jamais dans ses déclarations vidéos: les gros yeux…)
Je lis:
Au cours de l’histoire, l’humanité s’est inventé une foule de moyens monétaires et nous nous trompons quand nous pensons que notre système est le fruit d’une longue évolution universelle : il est jeune, droit sorti de l’Angleterre victorienne, qui l’a taillé pour servir l’idéologie industrielle.
Qui est en contardiction complete avec:
les joueurs dépendent d’une source extérieure qui leur fournit l’outil de leurs propres transactions et, ce faisant, leur dicte sa loi.
Bon et ben ca evite de lire la suite des anneries.
@ Opposùm
Mais le principe du crédit est toujours spéculatif : le prêteur spécule nécessairement, au sens éthymologique, sur la faculté et la volonté de l’emprunteur d’honorer les remboursements prévus. La loi règle assez efficacement la question de la volonté, avec quelques coulages dans les cas d’escroquerie. Mais la faculté de l’emprunteur, communément appréhendée sous la forme du risque, est une variable… très variable. Il ne suffit pas que le risque soit grossièrement apprécié au départ, comme dans le cas des subprime, pour s’exposer à la ruine du système; une crise économique un peu rude se charge de démontrer la caractère « Ponzi » de l’octroi de crédit bancaire, à savoir que se sont les dépôts des clients qui ont servi, contre le gré de ces derniers, à couvrir les prêts accordés.
Ainsi, que ce soit du « Madoff » ou du crédit bancaire, le pari est le même : qu’aucun bug majeur ne vienne rendre visible le tour de passe-passe, consistant pour l’opérateur à s’octroyer des droits sur les biens d’autrui.
Que ce soit du « Madoff » ou du crédit bancaire, le mécanisme ne peut survivre que dans la fuite en avant, qui conduit alors de façon exponentielle à un accroissement de la prise de risque, et donc à un rapprochement de la date d’explosion. Pour moi, ce qui caractérise la martingale de Ponzi, c’est la dépréciation croissante de la garantie, consubstancielle au système.
à Mr.johannes finckh,
Certes, mais comment fait-on pour imposer une monnaie fondante ?
Vous imaginez le chaos que ce genre d’initiative peut déclencher, ne serait-ce qu’au plan de la comptabilité des entreprises?
Quelle serait alors la « bonne » monnaie, et quelle serait la « mauvaise », qui viendrait , comme chacun sait, la chasser ?
La monnaie fondante, d’accord, mais au profit d’un seul (le plus puissant, of course)…N’est-ce pas ce qui a été formalisé à Bretton woods?
Nos systèmes capitalistes ne peuvent envisager cette hypothèse sans fourbir quelques armes redoutables, vous l’imaginez bien…
@ Etienne Chouard
Pour sûr que ça décoiffe ! Voilà une illustration assez paradoxale des bienfaits de l’économie de l’offre ! En créant une monnaie spécifique à chacun des échanges possibles, on favorise leur multiplication et donc le rapprochement des individus. La monnaie crée vraiment le lien social. C’est beau comme du Mozart…
@ scaringella,
D’abord, une contradiction n’invalide pas en bloc tout un discours, et encore moins un auteur, heureusement (pour tout le monde).
Ensuite, je ne vois pas de contradiction entre les deux fragments que vous rapprochez. Pourriez-vous préciser ?
Enfin, l’utopie de l’Open Money est peut-être une erreur (ou des âneries, comme vous le dites gentiment), je n’en sais rien, mais c’est justement l’intérêt d’un échange de montrer clairement les forces et les faiblesses d’un raisonnement. À tout balayer après avoir lu trois lignes, je vous trouve un peu… expéditif.
J’ai trouvé quelques idées originales dans cette réflexion qui pourraient bien être utiles dans notre propre débat, voilà tout.
Pour ma part, je ne vois pas bien comment ces myriades de monnaies privées vont permettre de représenter une valeur fiable et, plus classiquement, je trouve que le fait de rendre publique et politiquement responsable l’activité bancaire devrait suffire à réconcilier l’idée d’une monnaie commune (unique) avec l’intérêt général : ce qui pose problème, à mon avis, ce n’est pas la centralisation (ou l’extériorité) de l’autorité monétaire, c’est la confiscation du pouvoir monétaire par des acteurs privés.
C’est donc un problème de droit, et plus précisément de droit supérieur, au-dessus même de ceux qui écrivent le droit : c’est un problème institutionnel. Quand on cherche les racines, on en revient toujours à la Constitution, une des meilleures idées du monde, je pense, dont l’écriture est bêtement abandonnée (par nous tous) à ceux-là mêmes dont on devrait se méfier au plus haut point, par principe.
On peut donc être intéressé, tout en étant plus que sceptique sur le projet Open Money, comme l’est AJH :
Étienne.
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Il convient de ne pas violer l’un des principes fondamentaux de la méthodologie scientifique,
à savoir de prendre les réfutations au sérieux. Paul Feyerabend, « Against Method », 1974, p.109.
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@Pierrot123
Une petite remarque : attention au fait que l’histoire de » la bonne monnaie qui chasse la mauvaise » est une observation fondée sur la monnaie métallique uniquement , et sur son grammage d’or : les personnes préféraient thésauriser les pièces dont ils savaient qu’elles étaient meilleures parce qu’elles n’étaient pas corrompues et altérées par un grammage inférieur à la valeur faciale. Et donc la monnaie de mauvaise qualité circulait mieux
Ca a beaucoup moins de sens avec la monnaie fiduciaire, surtout non pleine.
@ JJJ . Je ne suis pas d’accord avec vous car la différence est que la chaine de ponzi ne peut pas tenir logiquement , elle est condamné dès le départ sans question de bug ou pas bug.
C’est très différent d’un système qui peut fonctionner logiquement au moins , plus ou moins bien en pratique certes, avec plus ou moins de risque , mais qui a une cohérence . Même s’il a, ce système, probablement une contradiction quelque part, comme tout les systèmes sociaux. Enfin à mon avis.
@ Tigue
Oui vous avez raison . Mais la remise en cause d’un système explicatif pour un autre plus performant est un peu une autre question. C’est une méthode qu’on peut pratiquer quelque soit le style de raisonnement. Et l’analyse purement fonctionnelle peut aussi se prétendre aboutie. Néanmoins c’est vrai que la croyance d’avoir atteint le coeur du principe des choses peut amener à un certain fatalisme.
Mais l’idée qu’une conception structuro-essentialiste des choses nous empêcherait d’intervenir sur ces choses parce qu’on les auraient alors extériorisés à nous mêmes, je ne pense pas, même s’il est vrai que comprendre quelque chose , c’est aussi en connaitre les résistances. On peut même poser que connaître les résistances, les invariants, l’irréductible, d’une chose , peut permettre de mieux la contrôler et la domestiquer. Et s’imaginer que tout peut se plier devant notre volonté me parait dangereux.
Vous allez me dire que la monnaie est un fait social et que donc , une volonté humaine , politique pourrait donc bien décider d’en changer le fonctionnement et la nature. Et je vous suivrais en gros, mais en faisant observer que la monnaie n’est pas l’expression d’une somme de comportements individuels , mais un comportement collectif qui s’impose à nous comme une contrainte et que ça c’est un truc qu’on ne change pas d’un claquement de doigt.
Dans la monnaie il y a des résistances qui sont l’expression du collectif contre l’individuel : l’idée que la monnaie puisse fondre me parait à priori en contradiction totale avec la demande de sécurité et de visibilité de toute société. Déjà que la valeur des choses est une notion floue, si l’instrument de mesure bouge, rajoutant ainsi une incertitude dans le temps, ça me parait contrevenir avec la notion de contrat et de stabilité que les activités humaines supposent.
Est-ce que la vitese de fonte de la monnaie serait décidée quelque part?
Cette vitesse serait-elle au contraire fixe?
Quelle similitude avec une simple inflation?
Les déficits sont des trous, le ratio de solvabilité inspiré des normes Bâle2 détermine la nécessité des réserves et des fonds propres. Malheureusement la pratique semble ne pas donner raison aux normes Bâle2, les trous abyssaux sont-ils à imputer à Bâle2, les fameux « trous de Bâle »…
Et la MIF ???
Encore un fois, le respect d’une norme doit se situer à l’échelle du globe, et pas seulement dans son jardin.
@ Oppossum
Entièrement d’accord avec vous.
@ Scaringella:
Pourriez vous développer vos critiques?
Je partage votre premier point concernant les intérêts industriels britanniques.
Celà dit je ne vois pas trop comment ceci rend tout le reste de l’analyse caduque…
Auriez vous la gentillesse de bien vouloir préciser ce que contient la partie « annerie » du tissu? Ca nous ferait tous progresser plus vite.
@ JF
Peut-on cumuler les deux approches: « monnaie fondante » et « monnaie ouverte »?
La monnaie ouverte ne change rien au problème des intérêts positifs n’est ce pas? Peut-être les deux perspectives croisées ajouteraient-elles sur le plan pratique quelque chose de nouveau, une propriété nouvelle, que n’auraient ni la monnaie fondante seule, ni la monnaie ouverte seules?
Quelles sont dans l’un et l’autre cas les conséquences pour les banques telles qu’elles existent (encore) aujourd’hui? Et en cas d’approche cumulée?
J’imagine au moins deux manières de cumuler les approches:
– réserver la monnaie fondante à certains types d’échanges et la monnaie ouverte à d’autres types d’échanges (l’idée d’avoir plusieurs monnaies et de les enchâsser chacune dans différents contextes ayant été déjà émise sur ce blog, une des perspectives les plus intéressantes étant d’associer le contexte à la « durabilité » des biens, par exemple).
– n’utiliser que la monnaie ouverte, en sachant que toute monnaie ouverte serait fondante.
Le tout c’est d’arriver à imaginer un système monétaire (le rôle des agents impliqués doit être clairement déterminé: qui peut faire quoi et pour quelles raisons) qui soit « efficient » (encore que j’ai un dute ici: en quoi consiste l’efficiece d’une monnaie, ceci ne nous ramène t-il pas au « biais fonctionnaliste »?), et qui s’accorde avec nos intuitions politiques et morales sur ce qu’est une « société juste ». A un certain moment, sorti d’un certain niveau de généralité, nous ne serons plus d’accord (certains par exemple préfèreront la stabilité d’un modèle « plus simple » à la justce d’un modèle « plus complexe » », toutes choses égales par ailleurs, ou ne seront pas d’accord sur le type dec contexte pertinent à prenre en compte). C’est inévitable. Mais à ce moment là nous aurons déjà accompli un pas de géant. Et il est quasiment sûr que quelle que soit l’option choisie, cette dernière sera bien meilleure que celle qui nous gouverne actuellement, ne serait-ce que parce-que mûrement réfléchie.
J’ai rien compris a l’article.
il faudrait un peu plus vulgariser Monsieur Jorion Svp
Merci.
à Scaringella, qui dit:
« Bon et ben ca evite de lire la suite des anneries. »
Vous voulez sans doute écrire : » âneries « ? ;-))
Anatomie de la banque :
Première coupe de dissection :
Je vois d’abord dans une banque une « usine à contrats » : Sans la production méthodique et ininterrompue de contrats, la banque n’est strictement rien. La production d’une grande banque n’est pas neutre sur l’environnement, on peut commencer à l’évaluer à partir de son volume d’impression journalier à destination du public soit environ 200 000 fichiers imprimés par jour (hors impression bureautique classique, pour une grande banque c’est la norme). Chaque fichier à destination du public ou documents juridiques à faire circuler entre services stipulent (sans exception) des mentions juridiques et surtout des cases à remplir avec le paraphe du client. Dans les faits, lorsque vous franchissez le seuil d’une agence bancaire, le banquier avant de vous faire crédit ou de recevoir l’argent de votre salaire, vous tendra un bout de papier avec ses mentions juridiques pour preuve de sa bonne foi. Vous, il ne vous viendrait même pas à l’idée de demander un crédit ou d’ouvrir un compte sans un papier de la banque avec votre signature : Alors la banque produit du juridique avant de multiplier ses moyens de paiement et de créer (éventuellement, on en est pas sûr) du « pognon ex-nihilo ».
Vous êtes salarié et avez de l’argent à placer, ou une voiture à acheter, bref, vous devez faire affaire avec votre banquier, vous n’avez pas trop le choix : Il n’est pas recommandé de se balader avec des milliers d’euros en poche, vous êtes obligé de disposer d’un compte. Il vous reste cependant un degré de liberté : Les publicités à l’adresse des clients des banques Tirelire et PorteFeuille sont différentes par les taux proposés, les frais de compte, les avenants aux contrats ne sont pas les mêmes. Tirelire et PorteFeuille se font une guerre sans merci pour faire venir à elles votre argent, et vous noterez que si les contrats diffèrent dans les intérêts que vous aurez à payer ou à encaisser, les banques se créent automatiquement un droit venu de nulle part (ex-nihilo, parce que différent entre chaque institution bancaire ): Celui de vous persuader que l’intérêt que vous gagnerez ou que vous aurez à payer est légitime. Les contrats proposés par l’institution bancaire sont légaux, mais tous différents selon l’institution que l’on a choisi. Alors, en dernier recours c’est bien la banque commerciale qui se créé ex-nihilo le droit illégitime de donner un coût à l’argent suivant la tête du client : suivant votre pédigrée l’argent n’a pas la même valeur. Dès lors, en dépit de la conservation des quantités que la banque aura a cœur de maintenir pour ne pas exploser tout de suite l’économie réelle, on se demande comment ce qui est valable pour un client peut ne pas l’être pour l’autre ! Et du coup comment il pourrait y avoir « conservation des quantités » in fine quand la base juridique des contrats est différentes entre institutions. Alors, la quantité de moyens de paiements à terme ne peux être que fantaisiste par rapport à l’économie réelle puisque les contrats normés diffèrent dans leurs contenus. Ce sont les bases juridiques des contrats qui engendrent le schéma de Ponzi inhérent à l’institution bancaire, la banque a mûrie, elle est enfin devenue adulte : Elle multiplie ses moyens de paiements à volonté, le droit l’y autorise puisqu’elle le créé.
@ Etienne
Oui, la monnaie libre est sexy. Mais enfin venant de vous , un des hérauts d’une monnaie recentrée dans la sphère de la Puissance Publique … voilà qui pourrait être surprenant 😉
Sinon, pourquoi ne pas aller plus loin et avoir chacun SA propre monnaie individuelle ? Imaginez un serveur central mondial avec à chacun son compte. On va , avec sa carte magnétique, se servir dans le grand supermarché globalisé , on prend ce qu’on veut et on est débité en ‘moins’. A charge pour chacun de créditer son compte en ‘plus’.
On est sa propre banque : on peut s’accorder un prêt à soi-même (un ‘gros’ moins) qu’on choisit de se rembourser par des mensualités de ‘petits’ plus sur une durée choisie raisonnable. Évidemment on met des seuils et des limites au delà desquels les choses ne seraient plus raisonnables.
Les partisans du ex-nihilo pourraient pratiquer à qui mieux mieux en fabricant du ‘moins’ à tire larigot … et puis bosser ensuite pour équilibrer les choses sous l’ oeil sarcastique et fatigué des croyants en l’épargne préalable qui prendront régulièrement des bains dans leurs quantités de ‘plus’ amassés à la force du poignet.
Bien sûr, interdiction de revendre vos ‘plus’ inutilisés … seul le prêt gratuit sera toléré … (mais rien n’empêche un petit cadeau amical, merde alors)
Ca me rappelle qu’au temps de Charles-Quint, il existait, en Hollande des ateliers où était autorisée la frappe de pièces d’or ayant cours (à condition d’amener sa matière, bien sûr, et moyennant le prix du travail). Ce qui énervait au plus haut point ce souverain , qui , comme les autres , pouvaient assurer ce service à des personnes privées … moyennant une commission , bien sûr.
Ces monnaies libres, en général de trop bonne qualité, n’arrivaient pas circuler, étant tout de suite thésaurisées.
La mauvaise utopie chasse la bonne ?
@ Etienne Chouard,
Belle idée que celle de Jean-François Noubel. Savez-vous comment il envisage le paiement des impôts et autres taxes nationales ?
Merci
@Scaringella
Ce qui peut être intéressant dans ce que Raconte Noubel, n’est pas son analyse du passé, où il cherche quelques arguments accrocheurs pour meubler l’entretien.
Il ne dit pas ensuite : voici le système que j’ai inventé. Il dit, qu’une partie du futur pourrait ressembler à ceci, même sans lui. Il ne précise pas combien de % de l’économie pourrait tourner avec des monnaies parallèles, il parle de million de monnaies, il aurait pu se contenter de dire millier, des monnaies qui meurent, qui naissent en permanence, pas seulement locales, mais aussi par secteur d’activité ( locales par d’autres dimensions ), avec parfois des convertibilités.
Et ceci, ne s’est pas produit avant, parce que le net peut permettre l’éclosion de ces systèmes avec une fréquence, et un renouvellement très rapide, systèmes qui n’ont été que locaux auparavant, avec plus ou moins de réussite.
Regardez « Second life ». Vous avez une monnaie pour ce monde digital, avec échange d’activité, conversion possible de la monnaie « jeu », en vrais dollars sur lesquels on sera imposé dans le vrai monde.
Peu importe la viabilité de « Second life », il peut se produire un type de développement similaire sur d’autres secteurs, ceux-ci n’ayant rien de comparable en première approche avec ce prototype.
La monnaie centrale existe toujours, elle ne couvre plus tous les secteurs, et certaines personnes pourraient trouver le choix de ne pas y avoir affaire, ou le moins possible, ce qui ne veut pas dire que ça ne permettrait pas de leur donner de grands coups sur la tête parfois, si cette monnaie centrale reste ce qu’elle est aujourd’hui.
La monnaie centrale va forcement continuer à exister, puisque le flux dense d’énergie utilisable ( Coucou vous en parlait hier à propos de la suite la plus probable à l’énergie pétrole ), ce flux est à distribution centrée depuis les lieux de production. L’énergie constituant ici de manière évidente la richesse, en partie par ce qu’elle permet de transformer, aussi en utilisation directe pour les transports, outils, vous pourrez compter directement une monnaie commune en unité « énergie », peu importe laquelle.
Le danger étant bien là de voir cette production privatisée comme de nos jours, ou au contraire, devenir un bien commun avéré. Sa gestion en serait alors bien différente pour la collectivité n’est-ce pas ?
C’est ce que je vois quand je lis cette interview de Noubel. Et je n’ai aucune idée des proportions que prendraient chacune de ces monnaies dans l’organisation des sociétés, mais je pense que le schéma est probable, sans avoir de cahier de référence à présenter pour justifier ce « je pense ».
C’est très intéressant.
Cela permet de visualiser un système d’échange de valeurs prenant en compte bien d’autres qualités humaines et critères que le simple talent mercantile.
Cependant, j’aimerais savoir comment on pourrait instaurer une « open money » dans l’Education ou la Santé par exemple…
En outre, immanquablement, ce système créerait de fait deux groupes sur terre : ceux qui auraient Internet, et ceux qui ne l’auraient pas…Une faille propice aux prédateurs d’âmes faibles ou ignorantes…