Monnaie et crédit : le point de vue structuraliste

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

L’un d’entre vous me demande : « Comment pouvez-vous être aussi sûr de vous sur toutes ces questions monétaires alors qu’il y a un an vous disiez qu’elles ne vous étaient pas familières ? »

Une partie de la réponse est déjà dans la question : un an, c’est considérable quand on s’y consacre quasiment à temps plein. Une autre partie de la réponse, c’est que je n’ai pas travaillé tout seul : ça a été pratiquement un plein-temps également pour certains d’entre vous qui se reconnaîtront. La troisième, je n’en ai pas encore parlé, c’est que je suis allé à la recherche d’économistes qui auraient réfléchi à ces questions : il me paraissait tout à fait invraisemblable qu’il n’en existe aucun. Quand je dis « économistes réfléchissant à ces questions », je ne pense pas bien évidemment à ceux qui se sont contentés de recopier consciencieusement de génération en génération certaines explications comptables capables d’opérer ce que rien d’autre au monde ne peut faire, à savoir des miracles.

Or ces économistes qui ont réfléchi à la question existent, ils représentent le courant dit « structuraliste » de la « science économique monétariste » – je mets tout ça entre guillemets à toutes fins utiles. Ils ne paraissent pas nombreux, sont essentiellement britanniques, et ne représentent en tout cas pas un courant dominant en économie. Ceci dit, si l’envie vous prenait, vous les Julien Alexandre, Shiva, Christophe, Opossum – pour mentionner une recrue récente, et les autres, de vous prévaloir d’une affiliation en économie, la voilà !

Les « structuralistes » s’opposent essentiellement aux « horizontalistes » (je suis sûr que vous pensez déjà aux gros-boutistes et aux petits-boutistes des Voyages de Gulliver), en leur reprochant de ne s’intéresser pour la création monétaire qu’à la demande de crédit et aux taux d’intérêt à court terme, alors qu’eux veulent tenir compte de tas d’autres facteurs. Vous allez voir qu’on est en terrain connu mais avant d’aller plus avant, je précise que par « création monétaire », ils veulent dire « la manière dont la structure bancaire permet d’utiliser les dépôts comme monnaie (money) » (1) Ils insistent – et je trouve ça très intéressant – sur le fait que le système bancaire n’aurait pu exister sans un double assentiment du public : celui des déposants qui déposent de l’argent sur leurs comptes-courants tout en sachant qu’il sera très probablement prêté à d’autres, et celui des emprunteurs qui acceptent cet argent, tout en sachant qu’il s’agit d’argent dû par la banque à ses déposants (je sais : en général ils n’ont pas tellement le choix !).

Parmi les facteurs qui paraissent essentiels aux structuralistes et dont nous n’avons pas ou très peu parlé : la possibilité offerte aux banques d’emprunter sur le marché interbancaire leurs réserves obligatoires ainsi que celles qu’elles constituent dans un but de « relations publiques », voire même de les emprunter à leur banque centrale dans son rôle de prêteur de dernier recours. Essentiel aussi à leurs yeux, le rôle de la titrisation dans la réduction du montant des réserves en fonds propres, ainsi que le fait que la question des réserves s’est essentiellement déplacée du domaine des réserves obligatoires « fractionnaires » à celui des réserves en fonds propres. Autre élément : la capacité des banques à transformer grâce à l’innovation financière un nombre croissant d’« avoirs » en « avoirs monétaires » (monetary assets), c’est-à-dire, à donner à des biens quelconques (« tout ce qui a un prix ») une certaine « liquidité », autrement dit, la capacité à être échangés pour de l’argent « liquide » – après manipulations plus ou moins compliquées, chacune impliquant bien entendu un certain risque.

Ah ! pour finir, principal grief des structuralistes envers les économistes appartenant à d’autres courants : l’usage fait par ces derniers de l’expression « monnaie-crédit », suggérant que les deux pourraient être confondus. Si l’on fait cela, soulignent les structuralistes, on en vient nécessairement à penser que toute injection de monnaie centrale en excès sera utilisée par les emprunteurs pour rembourser leurs emprunts. « Si l’on confond monnaie et crédit, on confond ceux qui possèdent de l’argent (money) avec ceux qui ont obtenu du crédit » (2). Autrement dit, et dans les termes que nous utilisons ici d’habitude, si l’on confond monnaie et crédit, on évacue entièrement la question de la concentration des richesses. Et on considère en particulier le fait que ce soient les banquiers en détresse ou les consommateurs en détresse qui reçoivent de l’argent du gouvernement, comme indifférent.

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(1) Sheila C. Dow, Endogenous money : structuralist, in P. Arestis & M. Sawyer, A Handbook of Alternative Monetary Economics, Edward Elgar, 2006 : 37

(2) Ibid. 44

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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76 réponses à “Monnaie et crédit : le point de vue structuraliste

  1. Avatar de Karluss
    Karluss

    quelle cuisine…
    et la ratio Cooke ?

  2. Avatar de citoyen lambda14
    citoyen lambda14

     » dépôt avec l’assentiment du public »

    Dans notre beau pays, pour percevoir des salaires le compte courant est obligatoire.

    Monnaie crédit: celui qui possède de l’ argent peut spéculer à  » crédit  » leur encours n’étant débité que de la moins value
    ( mauvais grattage ). Le plus souvent l’encours non débité et crédité du gain, gain sur gain bingo, sans mouvement de
    monnaie.

    J’aime bien, économie structurelle ça fait tout de suite plus riche, horizontaliste pépère dormeur petit rentier.

  3. Avatar de PascalC
    PascalC

    Bonjour, je lis depuis quelques semaines vos papiers : comment se fait-il que vos analyses de la crise annoncent une situation économique qui décline alors que dans le même temps les places financières empruntent une pente ascendante ? (je précise que je ne suis pas un expert). Merci d’une réponse au détour d’un prochain article. A vous lire…

  4. Avatar de JJJ
    JJJ

    le système bancaire n’aurait pu exister sans un double assentiment du public : celui des déposants qui déposent de l’argent sur leurs comptes-courants tout en sachant qu’il sera très probablement prêté à d’autres, et celui des emprunteurs qui acceptent cet argent, tout en sachant qu’il s’agit d’argent dû par la banque à ses déposants »
    Vous donnez là la définition d’une monnaie fidicuciaire, qui donc par construction suppose la confiance de ses utilisateurs. C’est l’adhésion à une convention (selon moi une fiction) qui permet (et oblige) de confondre… monnaie et crédit.
    Je ne suis pas sûr que les « structuralistes » aient appréhendé l’entièreté des conséquences résultant du renoncement au principe des réserves fractionnaires (donc à la martingale de Ponzi) sur les mécanismes de concentration du capital. Lesquelles (conséquences) pourraient bien être moins « démocratiques » que le système actuel, en dépit des bugs désormais évidents qu’il est facile (confortable ?) d’imputer aux défaillances réglementaires (politiques).

  5. Avatar de johannes finckh

    et les geselliens, vous les « classez » où? »
    jf

  6. Avatar de Oppossùm
    Oppossùm

    C’est plutôt qu’il y a ceux qui veulent faire avouer à la monnaie une idée préconcue et orientée qu’ils ont déjà. Et d’autres qui ne cherche qu’à valider une intuition. Ceux qui veulent la réduire à une seule chose et l’assèche, et ceux qui lui font porter trop d’interprétations et la noie.

    « Horizontalistes » ? J’ aurais dit « fonctionnalistes » : c’est dire expliquer les choses par leur fonctionnement . Le problème étant que le fonctionnement n’explique pas entièrement une chose. Un enchaînement de causes et d’effets dit plus le comment que le pourquoi.
    Dans le monde de la matière ou règnent les sciences dites ‘dures’ il y a la même confusion et le comment tient souvent lieu de réponse au pourquoi mais cela n’est en rien gênant.
    Mais dans ce qui touche à l ‘homme est au sens, la connaissance indispensable du strict fonctionnement d’une chose ne saurait suffire. D’ailleurs souvent le fonctionnement est quelque chose qui tourne en rond et s’auto-entretient de sorte qu’à un moment on ne sait plus à quel endroit se trouve le principe générateur : est-ce la poule qui fait les dépôts ou bien les crédits qui font l’oeuf ?

    Paul parle du double assentiment du déposant et de l’emprunteur pour que la banque existe. Je me dit que c’est prêter beaucoup de lucidité à nous tous , globalement. J’observe que beaucoup -et moi même- ont des idées bien erronées sur la réalité de ce qui se passe réellement, dans le fonctionnement des choses. Et pourtant cela fonctionne.
    Et les banquiers qui savent comment cela fonctionne … ne savent souvent pas pourquoi cela fonctionne ainsi .
    On fait fonctionner les choses sans les comprendre vraiment.

    Mais pour que cela fonctionne, que cela soit, on se batît une construction mêlant le symbole,l’intuition et la confiance, comme un primitif d’une société première. Au travers ce cette construction consciente s ‘excerce la force d’une ‘structure’ inconsciente. C’est pourquoi -j’y arrive enfin- j’aime bien le terme de structuraliste. Il suppose qu’on pense la monnaie dès son origine technique pour en saisir l’essence , et sous l’angle également d’un fait social : la monnaie casse le troc dans l’espace et le temps en devenant un contrat (fondement de la civilisation) mais le contrat est également un rapport de force, voire un vol et la monnaie porte également cela.
    La monnaie est un voile sur les biens et services mais aussi sur les rapports sociaux.

    Merci Paul de m’avoir classé chez les structuralistes, même liliputien.

  7. Avatar de Étienne Chouard

    Bonsoir,

    Un article assez épatant (c’est moi qui souligne) :

    Open Money : bientôt chacun créera sa propre monnaie

    Entretien avec Jean-François Noubel

    De la même façon que le micro-ordinateur a donné leur autonomie informatique à toutes les unités humaines (maisons, entreprises, écoles, institutions…) et que les technologies vertes promettent de leur donner une autonomie énergétique (solaire, éolien, géothermie, etc.), voilà qu’arrivent les monnaies libres (« open money »), censées donner à chacun son autonomie monétaire. En termes techniques, après la généralisation de l’html (protocole informatique qui permet à n’importe quel ordinateur de se brancher sur internet) et de l’http (langage universel du web) qui ont transformé chaque citoyen planétaire en émetteur/récepteur d’informations (au moins potentiel), préparez-vous au prochain protocole du world wide web : appellons-le provisoirement htxx. Grâce à lui, chacun pourra bientôt devenir émetteur/récepteur de monnaies – ce qui va métamorphoser l’économie et la société, mais aussi nos vies et nos esprits. Nous avons interrogé l’un des membres du petit groupe qui prépare cette révolution.

    Propos recueillis par Mélik N’Guédar

    Nouvelles Clés : Avant les années 70, personne n’avait vu venir le micro-ordinateur et les bouleversements qu’il allait apporter. Dans les années 80, qui nous parlait d’Internet ? Aujourd’hui, vous dites que nous sommes à la veille d’un choc aussi grand, concernant non plus l’information, mais la monnaie ?

    Jean-François Noubel : Finement comprendre la monnaie est une expérience incroyable, quelque chose de l’ordre du film Matrix. On se libère des conditionnements du système, pour le contempler du dehors, dans ses structures fines. La plupart des échanges sont aujourd’hui monétarisés. La monnaie imbibe tout, nos psychés, nos comportements, bien au-delà de ce que nous imaginons. L’ensemble du monde actuel est modelé par la monnaie. Réaliser cela est très secouant. C’est du même ordre que découvrir la rotondité de la terre. On passe par le déni, la colère, le marchandage, etc. Avant de pouvoir vous parler de l’arrivée des « monnaies libres » (open money), il est indispensable de comprendre deux ou trois choses sur notre système actuel.

    Vous avez déjà joué au Monopoly, n’est-ce pas, avec des joueurs et une banque ? Si la banque ne donne pas d’argent, le jeu s’arrête, même si vous possédez des maisons. On peut entrer en pauvreté, non par manque de richesse, mais par manque d’outil de transaction, de monnaie. Dans le monde d’aujourd’hui, 90% des personnes, des entreprises et même des États sont en manque de moyens d’échange, non qu’ils soient pauvres dans l’absolu (ils ont du temps, des compétences, souvent des matières premières), mais par absence de monnaie. Pourquoi ? Parce que, comme dans le Monopoly, leur seule monnaie dépend d’une source extérieure, qui va en injecter ou pas. Il n’y a pas autonomie monétaire des écosystèmes.

    Au Monopoly tout le monde commence à égalité. Puis, peu à peu, des déséquilibres s’introduisent. Si la banque décidait de faire payer la monnaie, avec taux d’intérêt, les déséquilibres s’accroîtraient encore plus vite, parce que, mathématiquement, l’intérêt évolue de façon exponentielle. Aujourd’hui, 95 % de la monnaie mondiale est payante. En moyenne, quand vous achetez un objet, le cumul des intérêts constitue 50% de son prix. Cette architecture fait que la moindre inégalité s’amplifie très vite : plus vous êtes riche, plus vous avez tendance à vous enrichir, plus vous êtes pauvre, plus vous avez tendance à vous appauvrir. Il y a un phénomène d’auto-attraction de la monnaie, quasiment comme la matière dans le cosmos. On parle de « loi de condensation », avec des boucles en feedback positif ou négatif.

    Le premier a en avoir parlé, au XIX° siècle, est l’économiste Vilfredo Pareto, qui avait beaucoup voyagé et constaté que, quel que soit le système, 20% de la population humaine possédait en moyenne 80% des richesses. Le « principe Pareto » a montré que notre système monétaire n’était pas viable à long terme – tout le monde est d’accord là-dessus, même les dirigeants de l’US Federal Bank. C’est par nature un système à cycle court, où l’on doit régulièrement remettre les compteurs à zéro, par une crise grave, un crack général, une guerre. Ce système encourage fondamentalement le court terme, la compétition, la propriétarisation d’un maximum de choses, ressources, mais aussi savoir, espèces vivantes, etc. Dans la métaphore du Monopoly, le décalage entre riches et pauvres s’accroît jusqu’à l’absurde, puisque finalement, le riche élimine les pauvres et, se retrouvant seul, ne peut plus jouer. Même s’il dit qu’il a « gagné », c’est un jeu à mort collective. Si vous faisiez jouer à ce jeu les dix sages les plus sages du monde, ils ne pourraient rien y changer, car tout dépend de la règle, c’est-à-dire de l’architecture intrinsèque du système, notamment en ceci : les joueurs dépendent d’une source extérieure qui leur fournit l’outil de leurs propres transactions et, ce faisant, leur dicte sa loi.

    .

    LES LETS ET LA REDÉCOUVERTE DE LA MONNAIE LIBRE

    N.C. : N’en a-t-il pas toujours été ainsi ?

    J.F.N. : Au cours de l’histoire, l’humanité s’est inventé une foule de moyens monétaires et nous nous trompons quand nous pensons que notre système est le fruit d’une longue évolution universelle : il est jeune, droit sorti de l’Angleterre victorienne, qui l’a taillé pour servir l’idéologie industrielle. Depuis, c’est devenu un processus planétaire, qui a énormément évolué, notamment depuis vingt ans, en devenant digital. Les conséquences de la digitalisation sont considérables : nous vivons de plus en plus sur des cartes de crédit, donc avec de l’argent payant, et les puissants peuvent désormais transférer des sommes colossales d’un bout à l’autre de la planète d’un simple clic d’ordinateur.

    La première monnaie libre remonte, elle, à environ un siècle. L’un de ses inventeurs, était un Autrichien qui, après un tour du monde, s’était retrouvé chez lui, une région économiquement sinistrée. Son idée fut de relancer l’activité en inventant une monnaie locale « fondante ». C’est une monnaie qui, non seulement ne rapporte pas d’intérêt, mais qui perd de la valeur si l’on ne s’en sert pas. Au bout d’un mois, par exemple, si vous ne l’avez pas utilisée, vous pouvez la jeter, car on imprime d’autres billets. Cette architecture décourage la thésaurisation monétaire et encourage la dépense, l’investissement et la thésaurisation de biens. Du coup les tendances inégalitaires décrites par Pareto se trouvent bloquées. Changeant la règle du jeu monétaire, vous changez les comportements et toute l’économie repart. Cet Autrichien a si bien réussi qu’on l’a… jeté en prison ! Il arrivait trop tôt. À cette époque, attaquer la centralisation étatique était un tabou.

    Avec la crise de 29, on va voir les habitants de certaines zones totalement ruinées et démonétarisées se remettre au troc et, s’apercevant que celui-ci ne peut pas mener loin, redécouvrir le principe de base de la monnaie, qui correspond à un processus naturel. Toutes sortes de monnaies locales sont ainsi apparues dans les années 30, en Europe et en Amérique. Là aussi, la question deviendra politique et la réponse sera le New Deal, puis, de façon radicale, la seconde guerre mondiale.

    N.C. : Pour notre génération, tout commence avec les fameux Lets canadiens…

    J.F.N. : Lets que l’on a traduit par « Local exchange tip system », alors que le sens originel était simplement « let’s do it » ! C’est parti vers 1982, d’un certain Michael Lynton, membre de notre groupe actuel, qui vivait à l’époque près de Vancouver, dans une vallée en crise, après que l’armée ait quitté la zone. Lynton eut l’idée géniale de créer un système de crédit mutuel sans banque du tout. Pas de source extérieure, on se fait confiance : chaque fois que j’achète quelque chose, c’est noté en moins ; chaque fois que je vends quelque chose, c’est noté en plus. Nul besoin d’avoir accumulé de l’argent au préalable, c’est l’échange qui crée spontanément la monnaie.

    Ces Canadiens qualifièrent leur nouvelle monnaie de « CC » (pour « Community Currencies »). Leur système fit tâche d’huile dans le monde entier. En France, on vit ainsi apparaître différents SEL (« système d’échange local »). On estime qu’il existe aujourd’hui dans le monde environ cinq mille monnaies locales de ce genre. Elles sont généralement restées en marge de la société, dans des réseaux de chômeurs, des quartiers défavorisés, chez des révolutionnaires de l’écologie, etc. Une version des Lets est indexée sur le temps. Le « time banking », qui fonctionne sur du « time dollar », est devenu une institution aux États-Unis. Dans les zones en crise, que la monnaie a désertées, les gens au chômage sont riches en temps ! Comme ils disposent aussi de savoirs faire, il suffit de mettre en place un système d’information et de comptabilité des échanges, pour que l’activité reparte.

    N.C. : Pourquoi ces systèmes sont-ils restés marginaux ?

    J.F.N. : D’abord parce que l’économie principale, hyper puissante, reste pour le moment opérationnelle. D’autre part, ces nouvelles monnaies supposent une participation très active, militante. Si vous avez du travail et que votre train de vie vous va, votre motivation restera molle. Il en est allé autrement dans certains cas, notamment en Argentine, où la monnaie s’est brusquement effondrée. Imaginez que tous vos euros ne vaillent plus rien du jour au lendemain, votre motivation va changer. D’abord, vous allez descendre dans la rue, pour chercher quoi échanger, afin de couvrir vos besoins fondamentaux. En moins d’une semaine, vous vous apercevrez que le troc pur ne marche pas, ou très mal, qu’il faut un système d’information derrière. Donc, pour pouvoir manger, vous allez devoir acquérir une culture de la monnaie. Celle-ci commence par un inventaire de vos richesses. Qu’avez-vous à offrir ? Enseigner l’anglais ? Les œufs de votre poulailler ? Transporter des personnes ou des marchandises dans votre voiture ? Tout le monde se livre à cette recherche. On découvre alors que des gens qui n’avaient aucune valeur dans le système étatique et bancaire, en trouvent soudain une. Par exemple des femmes illettrées, absentes des radars économiques « normaux », découvrent qu’elles ont de la valeur, parce qu’elles peuvent : cuisiner, jardiner, coudre, laver, garder des enfants, etc.

    N.C. : En pleine crise, on imagine en effet que sont revalorisées les savoirs faire pragmatiques, liés à la survie. Par contre, si je suis épistémologue ou neurochirurgien, je risque d’avoir du mal à monnayer ça.

    J.F.N. : Pas forcément. Certes, au moment d’un crack économique, les étages s’effondrent et on en revient à une base quasiment biologique. Mais le monde se reconstruit vite. On retrouve ce que les psychosociologues appellent la « pyramide de Maslow » : les premières semaines, vous avez besoin de boire, de manger, de vous chauffer, etc. ; au bout d’un mois, vous aurez peut-être envie de vous faire couper les cheveux ; puis de reprendre vos cours de yoga, ou de piano. La sophistication revient plus vite qu’on ne croit. Ce fut le cas des « réseaux de troc » argentins, qui ont rapidement adopté un modèle de « monnaie fondante ». Des spécialistes les ont rejoints, par exemple l’économiste Eloisa Primavera, qui fait partie de notre petit cercle…

    Cette histoire argentine a bien marché, touchant des millions de personnes. Et puis tout s’est effondré, en quelques semaines. Pourquoi ? D’abord parce que la monnaie officielle est revenue en force et que les vieilles habitudes ont repris. Ensuite, sur un point essentiel, ce système restait classique : il y avait toujours une banque, qui créait la monnaie, fondante ou pas, une source extérieure aux transactions. Dans le meilleur des cas, cette source est honnête et indexe bien la masse monétaire aux besoins, mais au bout du compte, il y eut assez d’erreurs et de malversations, pour que la majorité se rabatte sur le système étatique réparé. On pourrait citer de nombreux autres exemples, l’Australie, l’Afrique du Sud et des tas d’endroits dans le monde, avec parfois le soutien des États. Ici même, il y a le projet européen Sol, dans lequel Patrick Viveret est très investi. Mais sur un point essentiel, ça reste classique : la source monétaire est extérieure à l’« écosystème », alors que la monnaie du futur, dont je voudrais vous parler maintenant, émane des agents eux-mêmes.

    N.C. : Venons-en donc enfin à cette nouvelle vision !

    .

    DES MILLIONS DE MONNAIES SUR LE WEB !

    J.F.N. : C’est un processus monétaire révolutionnaire, comparable à ce qui s’est passé pour les médias. Revenez vingt ans en arrière, nous avions quelques dizaines de mass-médias, journaux, télés, radios, pour des dizaines de millions de citoyens. Ces médias étaient tous propriété d’États ou de grands groupes. En face, l’individu était isolé, démuni. Aujourd’hui, grâce à Internet, nous sommes des millions à avoir des blogs et des sites, qui diffusent toutes sortes d’informations, provenant de millions d’émetteurs. La source n’est plus extérieure à nous. Ce phénomène est en train de bouleverser les flux d’information, la gouvernance et donc la réalité du monde.

    La monnaie constitue la prochaine étape. Il n’y a plus aucune raison, ni économique, ni idéologique, ni technique, pour que la monnaie continue à émaner d’une source extérieure, prise dans une architecture centralisée et inégalitaire. Désormais, l’infrastructure technique, les connaissances, l’idéologie, tout est prêt pour que chacun puisse créer sa ou ses monnaies. Dans les années qui viennent, vous allez voir apparaître des millions de monnaies, comme vous avez aujourd’hui des millions de médias. Si je vous avais parlé de millions de médias il y a vingt ans, vous m’auriez ri au nez. En réalité, personne n’est relié à des millions de médias, chacun se relie plutôt aux vingt, dix, cinq ou trois médias dont il a besoin et qui lui correspondent. Pour la monnaie, nous allons assister à un phénomène similaire. Vous n’allez pas adhérer à des millions de monnaies, mais à quelques-unes, qui vous correspondront. Par exemple à la monnaie de votre quartier, avec laquelle vous allez pouvoir payer votre coiffeur, votre boulanger, votre épicier, etc. À l’autre extrême, admettons que vous soyez philatéliste spécialisé dans le papillon, vous allez adhérer à la communauté mondiale des collectionneurs de ces timbres-là, qui aura sa propre monnaie, le Butterfly, permettant de s’échanger des timbres sans passer par le dollar, l’euro ou le yen. Chacun va déterminer ses appartenances monétaires en fonction de ses besoins. Si vous vous apercevez que l’essentiel de vos achats provient de votre région, vous allez adhérer à une communauté monétaire régionale. Si vous voyagez beaucoup dans telle partie du monde, vous allez vous retrouver dans un réseau de gens comme vous, qui vont développer leur propre monnaie. Même votre immeuble peut avoir sa monnaie, pour acheter et vendre, par exemple du covoiturage, des cours particuliers, du baby-sitting, etc.

    Toutes ces monnaies se créeront aussi facilement que se crée aujourd’hui un groupe de discussion sur le web. Au début tous les comptes sont à zéro et puis on commence les échanges et les comptes se mettent à bouger, en plus ou en moins…

    N.C. : Admettons que je m’installe au fond de la campagne, et que je veuille adhérer à une monnaie locale pour payer ma nourriture. Mon compte va très vite se trouver dans le rouge, car je n’aurai rien à offrir en échange dans cette région, n’étant hélas ni artisan, ni jardinier, ni cuisinier, ni infirmier, ni même enseignant – seule une grande ville sophistiquée peut éventuellement avoir besoin des services d’un journaliste, non ?

    J.F.N. : Je poursuis ma description, vous allez voir comment tout cela se met en place. En allant du plus petit vers le plus grand, vous avez d’abord une monnaie de quartier utilisée par quelques dizaines de personnes ; puis une monnaie locale ou régionale comptant quelques centaines de milliers d’utilisateurs ; puis des monnaies nationales ou transnationales, qui auront des dizaines de millions, voire des centaines de millions de membres. Vous pouvez par exemple très bien imaginer une monnaie internationale « Créatifs Culturels », dont les tenants garantiront : « Tout ce qui circule chez nous est garanti durable, éthique, pacifique, clean, bio, etc. » À l’intérieur d’un cercle d’une telle ampleur, s’établiront une éthique, une gouvernance, une fiscalité interne… et là, on aura besoin de journalistes, vous trouverez votre place.

    N.C. : Quelqu’un comme moi ne peut donc fonctionner qu’avec la monnaie d’un gros réseau mondial ?

    J.F.N. : Même si c’était le cas, cela ne poserait pas de problème. Comme aujourd’hui, vous aurez des gens dont 80% des échanges continueront à se faire sur le plan local et qui n’utiliseront que des monnaies de la région. Mais même eux ont besoin de s’acheter, mettons, de l’essence, pour laquelle ils auront besoin d’une monnaie globale – cela représentera peut-être 10% ou 20% de leurs transactions. À l’inverse, d’autres fonctionneront majoritairement avec des monnaies internationales. Tout cela donnera toutes sortes d’échanges.

    N.C. : Concrètement, si j’arrive chez le boulanger, j’arrive avec quoi en poche : des pièces, des billets, un chéquier ?

    J.F.N. : Une carte magnétique, vraisemblablement. De ce point de vue, la carte de crédit bancaire a bien préparé le travail. Aujourd’hui, il peut arriver que vous entriez dans un magasin qui ne prend pas votre type de carte de crédit. Vous choisissez alors un autre mode de paiement, ce n’est pas plus compliqué que ça.

    N.C. : Mais ce système ne représente-t-il pas une sorte de régression hyper compliquée, comme au temps où chaque seigneurie frappait sa propre monnaie et où les gens passaient leur temps à changer une monnaie contre une autre ?

    J.F.N. : Internet aurait semblé horriblement compliqué si j’avais dû vous l’expliquer en théorie avant que ça n’existe. Nous allons vers un monde qui comportera des millions de monnaies et donc des millions de parités, et pourtant ça ne sera pas compliqué. L’immense différence avec l’époque que vous évoquez tient au fait que toutes ces « open moneys » (monnaies libres) seront créées par les gens eux-mêmes et non par les seigneurs locaux. Cela change tout.

    N.C. : Mais nous, Européens, qui sommes si contents d’avoir aujourd’hui le même euro, de Gibraltar à Varsovie, n’allons-nous pas juste à rebours de ce que vous dites ?

    J.F.N. : Ça n’est pas contradictoire. En gros, il s’agit de laisser chaque écosystème exprimer spontanément ses besoins. Le projet « Open Money » consiste à dire : « Voilà l’outil pour créer toutes les monnaies que vous voulez, avec les architectures, la gouvernance et les limites que vous voulez, indexée sur ce que vous voulez : des dollars, des heures, des kilowatts, rien… » C’est donc un métasystème que nous sommes en train de mettre en place. De la même façon qu’ont été établis le protocole http, avec interface utilisateur, qui permet à des machines très différentes de communiquer les unes avec les autres sur le réseau mondial, et aussi le système html, qui permet à toute personne de faire du contenu et de le communiquer sur ce réseau (cf encadré ci-contre), nous sommes en train de créer un nouveau protocole, appelons-le provisoirement htxx, qui permettra à tout collectif de se créer sa ou ses monnaies.

    N.C. : Des experts monétaires partagent-ils votre point de vue ?

    J.F.N. : Oui, par exemple Bernard Lietaer, cofondateur de l’euro, ancien de la banque centrale européenne, qui s’explique dans son best-seller « The future of money » et aussi sur The Future of Money… Il vient de produire pour le Club de Rome un document faisant le lien entre ce qu’il appelle les « monnaies complémentaires » et la durabilité. C’est un réformiste, très politique. Selon lui, la monnaie principale est yang, masculine, compétitive, dynamique, et les « monnaies complémentaires » sont yin, féminines, servant quand on n’a pas besoin d’être en compétition, mais en collaboration, avec partage de savoir, développement durable, etc. Il pense qu’un bon dosage entre monnaies yin et yang nous permettra de naviguer à long terme. Je ne partage pas tout à fait son point de vue, même si c’est un ami que j’estime beaucoup.

    N.C. : Le prospectiviste Mark Luyckx nous disait récemment que plusieurs milliers d’entreprises belges fonctionnaient déjà en partie avec leur propre monnaie… Mais pouvez-vous nous en dire plus sur ce nouveau protocole ?

    J.F.N. : Il permettra à chacun de se créer des comptes, à partir desquels il pourra émettre et recevoir autant de monnaies qu’il voudra. Aujourd’hui, vous avez par exemple un compte email, que vous pouvez communiquer, pour participer à des groupes de discussion ou à des réseaux de toutes sortes. À partir de ce compte, vous émettez et recevez des emails. Eh bien, de la même façon, vous aurez un compte CC (community currency) qui vous permettra de vous connecter à n’importe quelle monnaie en quelques clics et de pouvoir émettre et recevoir de ces monnaies-là.

    .

    UNE GOUVERNANCE ÉTHIQUE INTÉGRÉE DANS UN LOGICIEL

    N.C. : Il y a une différence de taille entre l’information et la monnaie : par définition, la première est illimitée – si j’utilise une information, je n’en prive personne -, alors que la monnaie symbolise une richesse qui, quelle qu’elle soit, ne peut malheureusement pas se démultiplier ! Qu’est-ce qui va ancrer ces monnaies libres dans le réel matériel de la rareté ?

    J.F.N. : Imaginez une partie de Monopoly où, à la place de la banque, chacun des joueurs achète et vend librement, avec des comptes, initialement égaux, qui montent et qui descendent en fonction des échanges. Les joueurs de ce collectif décident du type de produits ou de services échangés. Ils fixent aussi les limites du marché : jusqu’où peut-on descendre dans le débit et grimper dans le crédit ? Exemple simple pour faire comprendre, un groupe de personnes pratiquant le covoiturage peut décider de prendre comme règle de gouvernance que personne ne pourra descendre plus bas que -200 km, ni monter plus haut que +200 km. Si vous avez déjà donné 200 km, vous devez absolument vous faire covoiturer par les autres, tout ce que vous donnerez en plus ne sera pas comptabilisé. Inversement, si vous avez déjà pris 200 km, vous avez épuisé votre crédit et il vous faut covoiturer les autres si vous voulez continuer à fonctionner dans ce collectif. Autrement dit, un collectif peut décider que personne ne s’endettera ni ne s’enrichira au-delà d’un certain pourcentage de la masse monétaire globale de ce collectif.

    Cas de figure plus élaboré, qui va forcément se retrouver dans les grandes monnaies libres : un système de « réputation », comme sur e-bay. Imaginons par exemple que vous ayez cinq ans d’ancienneté dans tel système monétaire, avec 4000 transactions, dont 99 % tout à fait réussies, votre réputation sera très positive et votre ligne de crédit très large – vous pourrez même prétendre à un emprunt pour acheter votre maison. Si par contre vous avez été souvent dans le rouge, que plusieurs fois vous n’avez pas rempli vos engagements, votre marge de crédit sera plus étroite. Si vous vous comportez vraiment mal, vous allez même être repéré par tout le net et aucun groupe monétaire ne vous acceptera plus. Bien sûr, quand vous démarrez dans un nouveau réseau, vous avez une petite marge, qui s’élargira en fonction de votre plus ou moins bonne réputation. Tout cela est en fait de la gouvernance engrammée dans la technologie.

    N.C. : C’est automatique…

    J.F.N. : Mieux que ça. Réfléchissez à l’essence même de cette technologie : en soi, c’est de la conscience embarquée, ou engrammée. Pensez aux premières heures de e-bay. Combien de gens ont dit, à l’époque : « Ça ne marchera jamais ! On a déjà du mal à acheter la tondeuse du voisin, ou à la lui vendre par peur des chèques en bois, comment irais-je faire des enchères avec un type à l’autre bout du monde que je n’ai jamais vu ?! » La réponse, c’est que vous n’avez pas à faire confiance à cet inconnu, mais à la technologie, non pas parce qu’elle serait « automatique », mais parce qu’on y a engrammé une structure de gouvernance. L’accord tacite est intégré au mode opératoire. Les transactions en ligne sur la toile n’ont pas besoin d’une confiance explicite, le protocole mis en place règle ces problèmes-là.

    L’une des grandes erreurs de la plupart des économistes aujourd’hui, est de dire qu’il faut d’abord la confiance pour qu’une nouvelle monnaie soit possible. C’était vrai dans l’ancien paradigme, mais faux dans le nouveau. C’est ce qu’on voit aussi dans Wikipédia, dont on se moquait : « Ça ne peut pas marcher ! » Mais on a créé la gouvernance dans la technologie du Wiki. Eh bien, nous sommes en train de préparer la même chose pour la monnaie !

    N.C. : Une rumeur récente prétend que beaucoup d’articles de Wikipédia sont manipulées par les multinationales, les maffias, les services secrets, etc.

    J.F.N. : Soyons pratique : tout système se jauge à sa résilience, c’est-à-dire à sa capacité d’embrasser les forces en présence. Wikipédia peut-il continuer, malgré la pathologie humaine ? Jusqu’à preuve du contraire, la réponse est oui. Bien sûr que les lobbies, les grandes entreprises, les États, sans compter certains groupes extrémistes, tentent d’influencer certaines informations stratégiques. Malgré cela, Wikipédia est déjà la plus grande encyclopédie du monde.

    N.C. : Jusqu’à présent, la plupart des expériences de « monnaie locale » réussies – dans les années 30 à Wörgel (Autriche), les années 50 à Lignières-en-Berry, les années 90 à Buenos Aires – ont été finalement stoppées par l’État, jaloux de son supposé monopole monétaire. Vous pensez que les « monnaies libres » pourront tranquillement se développer sur le web, sans que les États ne les sabotent ?

    J.F.N. : Ça embête surtout les puissances financières qui contrôlent les États. Cela dit, toute grande innovation s’installe en deux temps : un premier temps d’activisme social, souvent idéologique, qui crée un contexte, où se coulent, dans un second temps, des inventions beaucoup plus pragmatiques. Celles-ci sont forcément confrontées à l’ancien ordre établi, menacé dans sa survie. C’est valable à toutes les époques. Au Moyen-âge, vous avez des gens qui disent : « Il faut traduire la Bible pour que tout le monde puisse la lire. » Cette idée révolutionnaire révulse l’Église, qui voit le monde s’effondrer et s’abrite derrière le fait que c’est techniquement impossible. Mais voilà que Güttenberg résout la question en inventant l’imprimerie, qui va métamorphoser la culture et fonder une nouvelle civilisation ! La même chose est en train de se passer aujourd’hui avec la monnaie. La première phase est accomplie, le contexte est là, creusé par toutes sortes d’expériences, dans une situation de crise économique larvée. L’étape suivante ? D’un côté, les activistes sociaux des forums alter-mondialistes réclament que l’on passe par la voie politique, en légiférant, interdisant, fiscalisant, bref en utilisant le système présent. De l’autre côté, vous avez les inventeurs, parmi lesquels je situe notre petit groupe. Nous ne sommes pas dans une logique de combat, même si nous voyons bien les défauts du système. Nous sommes juste en train d’inventer le système suivant !

    N.C. : Qui appartient à votre groupe ?

    J.F.N. : Une dizaine de personnes, dont Eric Harrys Brown, Ernie Jacob ou le fameux Michael Lynton, l’inventeur des Lets qui, en vingt-cinq ans, a vraiment connu la traversée du désert du visionnaire. Aujourd’hui, nous avons quasiment achevé, l’architecture du protocole – c’est le plus complexe -, la gouvernance, les modèles économiques sous-jacents, la stratégie de lancement, puis de déploiement… Mon propre rôle a été de diffuser la nouvelle. De plus en plus de gens dans le monde veulent en être ! Prochaine étape, début février 2008, nous nous réunissons une semaine au Mexique, pour mettre quelques dizaines de personnes au diapason, puis nous répartir en groupes de travail sur les modèles économiques, ou les vecteurs de diffusion, ou encore la levée de fonds… car ce qui nous sépare désormais du lancement, ce sont les quelques millions de vieux dollars ou d’euros nécessaires aux deux années de travail à plein temps qui le précèderont – il s’agira forcément de fonds éthiques, reposant sur une stratégie à long terme, et je n’hésite pas à dire : sur une vision spirituelle.

    N.C. : De quelle façon ?

    J.F.N. : La réponse est multiple. Toutes les grandes inventions humaines, depuis la maîtrise du feu ou de la roue, ont contribué à l’évolution spirituelle de l’humanité. Quand un rêve réussit à s’incarner dans la matière, la conscience se déploie. Il y a plus de conscience dans un monde qui contient des livres que dans un monde qui n’en contient pas. Mais ça va plus profond. Des êtres qui auraient toujours vécu en prison, se verraient eux-mêmes comme naturellement limités. Transposés dans une nature fleurie, quelque chose se déploie en eux. La vie moderne actuelle rogne une grande partie de notre éventail de possibilités. Tout ce qui n’est pas monnayable a du mal à prouver sa valeur. Connaissez-vous le « Wealth Aknowlegment System » (WAS) ou « système de reconnaissance de la richesse » ? C’est une façon d’interroger la personne sur sa richesse intrinsèque, son identité profonde, son âme. Le système monétaire actuel permet des échanges globaux, entre humains qui ne se connaissent pas, mais seulement pour une toute petite partie de leurs vraies richesses. Que deviennent les autres richesses ? Une partie d’entre elles n’a pas besoin d’être comptabilisée, ne concernant que la sphère intime. La plupart des autres sont niées, ou dégradées. Alors que dans des systèmes d’échanges différents, comme ceux que permettront les monnaies libres, tout un pan de la richesse, donc de la conscience humaine pourra se révéler. Mais pour vraiment vous parler du WAS, il faudra que vous reveniez nous voir. C’est l’autre moitié de notre programme.

    Source : Nouvelles clés http://www.nouvellescles.com/article.php3?id_article=1366.

    Je trouve que ça remue 😉

    Amicalement.

    Étienne.

    ______________

    « L’utopie, c’est proprement ce qui n’est nulle part ; c’est un édifice d’idées dans une tête ; et cela n’est pas peu de chose. Je respecte l’utopie. » ALAIN, Propos (21 juin 1906).
    ______________

  8. Avatar de Oppossùm
    Oppossùm

    @ JJJ
    Je me permets juste une petite remarque : le principe de réserve fractionnaire n’est pas une martingale de Ponzi.
    Lorsque vous dites cela aussi sommairement vous vous offrez le plaisir de vous montrer critique envers le système bancaire (c’est à la mode et justifié) au risque de n’en pas comprendre les vraies tares.

    L’analogie tient uniquement au fait que si tout le monde se présente à la banque, bien évidemment, elle ne pourra pas rembourser en monnaie fiduciaire, la somme des valeurs déposées , mais cela ne signifie pas que ces valeurs n’existent pas ou ne vont pas exister dès que les créanciers rembourseront. Il y a un problème de conversion de monnaie d’une part et de temporalité d’autre part.

    Alors que dans la chaine de Ponzi les choses ne tiennent pas du tout quelle que soit la façon de procéder.

    La concentration de richesse, à mon avis passe toujours de façon pépère et tranquille par deux mécanismes: le prix des choses et le taux d’intéret.
    Les bulle et la spéculation s’apparenteraient bien plus à la chaîne de Ponzi, encore que certaines bulles ou spéculations puissent correspondre à des valorisations d’actifs durables et fondées.

    La spéculation financière , elle, est toujours une chaîne de Ponzi , système qui se caractérise par le fait que les derniers rentrés paieront pour le premier et tous les autres … sauf quand la chaine de Ponzi est globalisé et mondialisé , car alors même les non-joueurs sont invités à financer les pertes des derniers , puisque ce petit monde jouaient avec nos billes.

  9. Avatar de barbe-toute-bleue
    barbe-toute-bleue

    @Etienne,

    Jolie pièce avancée !

    Ceci ressemble à un avenir probable des monnaies, je vous rejoins sur ce point.

    J’avais déjà lu sur des systèmes bancaires internet commençant à se mettre en place. Personne sur le blog n’avait l’air renseigné : prêteurs et emprunteurs se retrouvant sur le site d’une banque en ligne, commission au banquier pour l’évaluation des risques et couverture assurance.
    Donc une optique de service aux particuliers pouvant juger un système simple, transparent, ne cherchant pas à concurrencer le grand casino, autant dire un système pour attirer toutes les petites épargnes qui auront compris ce que valent les boniments du banquier opaque.

    Concurrence entre les monnaies pour leur fonction, ceci fait bien perdre la guerre aux émetteurs à monopole, augmente la diversité, ce qui va dans le sens de l’évolution sur le long terme.

    De plus Noubel n’a pas de naïveté à ne pas voir venir les problèmes, il faudra s’attendre à une résolution ad hoc de ceux-ci.

  10. Avatar de tigue
    tigue

    @oppossum
    L’ intérêt d expliquer les choses par leur fonctionalité, c est de ne jamais croire la « théorie fonctionnelle » qui en decoule, celle ci est sans cesse remise en question, et modifiée pour mieux coller au réel.
    Le danger de la croyance en une cause profonde, dure, pour expliquer les choses, est la croyance elle même, que la cause ne dépend pas de nous, ne pourrait se modifier par notre propre accès a la connaissance.
    Comment expliquer l’ internet a Einstein autrement que par sa fonctionalité ?

  11. Avatar de lacrise
    lacrise

    Et si ça marchait l’énergie verte ? Ca pullule en tous cas, ce matin dans le Figaro un article sur la Jatropha, plante miracle destinée à remplacer le pétrole. Si on ajoute les panneaux solaires, les éolienes etc ça commence à devenir une vraie industrie. Rentable ? D’avenir ?

  12. Avatar de johannes finckh

    @ pour ma part, je maintiens que la définition de la monnaie elle-même pose un problème à la racine!
    La monnaie ne saurait être plus longtemps à la fois l’objet que l’on échange et VALEUR REFUGE ULTIME!
    Ces deux propriétés s’excluent mutuellement, et tant que nous aurons une telle monnaie (capitaliste), la cause même des crises systémiques, rien ne se pourra!
    D’où mon exigence insistante pour émettre tout de suite une monnaie anticrise (fondante!), et la crise de liquidités disparaîtrait aussitôt, et l’on pourrait, ensuite, s’occuper assez facilement de tous les problèmes de refinancement sans déclencher des obstructions massives à la circulation monétaire!
    Car, comme le signale DSK, la monnaie actuellement injectée est « gelée » et ne descend pas dans l’économie réelle!
    La monnaie anticrise serait l’antigel adéquat!
    jf

  13. Avatar de TARTAR
    TARTAR

    @ j.finchk

    Quid des liquidités ou « économies » actuellement nichées dans des comptes à terme,livrets et autres…?
    Ce sont les Thésaurisations de travailleurs économes pour enrichir leur retraite…
    Les économies de fourmis fondent-elles aussi pour les forcer à consommer et entretenir ainsi la fameuse croissance?

  14. Avatar de pierrot123
    pierrot123

    Le vrai problème de l’énergie verte (même si ce n’est pas vraiment le sujet de cet article), ce n’est pas de savoir si ça va marcher : c’est obligé.

    Pour les éoliennes aujourd’hui, outre qu’elles n’arrangent pas du tout (mais alors pas du tout!) le paysage, c’est qu’elles ne sont rentables que par d’importantes subventions (c’est-à-dire que ce sont les contribuables qui enrichissent les promoteurs de cette technologie, pour le moment.)
    Toujours pour les éoliennes, la productivité par « hélice » est vraiment très faible, et il faudra couvrir TOUT le territoire pour en arriver à produire que quelques fractions de l’énergie nécessaire (enfin, nécessaire aujourd’hui…)

    La question est de savoir par qui tout ça va être récupéré… Déjà, vous faites écho à un article paru dans …le Figaro (;-))… Monsanto serait sur les rangs que ça ne m’étonnerait pas outre mesure…

    Mais ce blog, quoique éclectique, n’est pas vraiment consacré aux questions écolos…(en quelque sorte, en échangeant ainsi, nous le « polluons », et Mr.Jorion va faire ce qu’il ne fait jamais dans ses déclarations vidéos: les gros yeux…)

  15. Avatar de scaringella
    scaringella

    Je lis:
    Au cours de l’histoire, l’humanité s’est inventé une foule de moyens monétaires et nous nous trompons quand nous pensons que notre système est le fruit d’une longue évolution universelle : il est jeune, droit sorti de l’Angleterre victorienne, qui l’a taillé pour servir l’idéologie industrielle.

    Qui est en contardiction complete avec:

    les joueurs dépendent d’une source extérieure qui leur fournit l’outil de leurs propres transactions et, ce faisant, leur dicte sa loi.

    Bon et ben ca evite de lire la suite des anneries.

  16. Avatar de JJJ
    JJJ

    @ Opposùm

    Mais le principe du crédit est toujours spéculatif : le prêteur spécule nécessairement, au sens éthymologique, sur la faculté et la volonté de l’emprunteur d’honorer les remboursements prévus. La loi règle assez efficacement la question de la volonté, avec quelques coulages dans les cas d’escroquerie. Mais la faculté de l’emprunteur, communément appréhendée sous la forme du risque, est une variable… très variable. Il ne suffit pas que le risque soit grossièrement apprécié au départ, comme dans le cas des subprime, pour s’exposer à la ruine du système; une crise économique un peu rude se charge de démontrer la caractère « Ponzi » de l’octroi de crédit bancaire, à savoir que se sont les dépôts des clients qui ont servi, contre le gré de ces derniers, à couvrir les prêts accordés.
    Ainsi, que ce soit du « Madoff » ou du crédit bancaire, le pari est le même : qu’aucun bug majeur ne vienne rendre visible le tour de passe-passe, consistant pour l’opérateur à s’octroyer des droits sur les biens d’autrui.
    Que ce soit du « Madoff » ou du crédit bancaire, le mécanisme ne peut survivre que dans la fuite en avant, qui conduit alors de façon exponentielle à un accroissement de la prise de risque, et donc à un rapprochement de la date d’explosion. Pour moi, ce qui caractérise la martingale de Ponzi, c’est la dépréciation croissante de la garantie, consubstancielle au système.

  17. Avatar de pierrot123
    pierrot123

    à Mr.johannes finckh,

    Certes, mais comment fait-on pour imposer une monnaie fondante ?
    Vous imaginez le chaos que ce genre d’initiative peut déclencher, ne serait-ce qu’au plan de la comptabilité des entreprises?
    Quelle serait alors la « bonne » monnaie, et quelle serait la « mauvaise », qui viendrait , comme chacun sait, la chasser ?

    La monnaie fondante, d’accord, mais au profit d’un seul (le plus puissant, of course)…N’est-ce pas ce qui a été formalisé à Bretton woods?

    Nos systèmes capitalistes ne peuvent envisager cette hypothèse sans fourbir quelques armes redoutables, vous l’imaginez bien…

  18. Avatar de JJJ
    JJJ

    @ Etienne Chouard

    Pour sûr que ça décoiffe ! Voilà une illustration assez paradoxale des bienfaits de l’économie de l’offre ! En créant une monnaie spécifique à chacun des échanges possibles, on favorise leur multiplication et donc le rapprochement des individus. La monnaie crée vraiment le lien social. C’est beau comme du Mozart…

  19. Avatar de Étienne Chouard

    @ scaringella,

    D’abord, une contradiction n’invalide pas en bloc tout un discours, et encore moins un auteur, heureusement (pour tout le monde).

    Ensuite, je ne vois pas de contradiction entre les deux fragments que vous rapprochez. Pourriez-vous préciser ?

    Enfin, l’utopie de l’Open Money est peut-être une erreur (ou des âneries, comme vous le dites gentiment), je n’en sais rien, mais c’est justement l’intérêt d’un échange de montrer clairement les forces et les faiblesses d’un raisonnement. À tout balayer après avoir lu trois lignes, je vous trouve un peu… expéditif.

    J’ai trouvé quelques idées originales dans cette réflexion qui pourraient bien être utiles dans notre propre débat, voilà tout.

    Pour ma part, je ne vois pas bien comment ces myriades de monnaies privées vont permettre de représenter une valeur fiable et, plus classiquement, je trouve que le fait de rendre publique et politiquement responsable l’activité bancaire devrait suffire à réconcilier l’idée d’une monnaie commune (unique) avec l’intérêt général : ce qui pose problème, à mon avis, ce n’est pas la centralisation (ou l’extériorité) de l’autorité monétaire, c’est la confiscation du pouvoir monétaire par des acteurs privés.

    C’est donc un problème de droit, et plus précisément de droit supérieur, au-dessus même de ceux qui écrivent le droit : c’est un problème institutionnel. Quand on cherche les racines, on en revient toujours à la Constitution, une des meilleures idées du monde, je pense, dont l’écriture est bêtement abandonnée (par nous tous) à ceux-là mêmes dont on devrait se méfier au plus haut point, par principe.

    On peut donc être intéressé, tout en étant plus que sceptique sur le projet Open Money, comme l’est AJH :

    Salut Étienne.

    C’est un article déjà ancien..

    RIEN À VOIR avec la monnaie écosociétale (qui n’est pas créée quand on en a besoin, mais quand on travaille et produit des richesses ou des services) ; mais surtout, il n’y a pas 36 sortes de monnaies…).

    Je connais bien J-F Noubel (il habite dans le coin) et je ne suis pas du tout d’accord avec ses idées d’open money, mais alors pas du tout, pour 3 raisons :

    – aucune garantie pour le détenteur de cette monnaie (il y aura des « pigeons ») car pas de garantie de valeur,

    – moyen d’échapper à la solidarité nationale,

    – merdier sans nom pour s’y retrouver dans les différentes monnaies (taux de change indémerdable ou monnaies réservées à un groupe de personnes ayant des modes de vie communs).

    Bref, c’est revenir au moyen âge où chaque hobereau avait sa propre monnaie…

    Bon, tu me dois « 200 AJH » pour cette intervention sur ton forum 🙂

    Amitiés

    AJ

    Étienne.

    _____________

    Il convient de ne pas violer l’un des principes fondamentaux de la méthodologie scientifique,
    à savoir de prendre les réfutations au sérieux. Paul Feyerabend, « Against Method », 1974, p.109.
    _____________

  20. Avatar de Oppossum
    Oppossum

    @Pierrot123
    Une petite remarque : attention au fait que l’histoire de  » la bonne monnaie qui chasse la mauvaise » est une observation fondée sur la monnaie métallique uniquement , et sur son grammage d’or : les personnes préféraient thésauriser les pièces dont ils savaient qu’elles étaient meilleures parce qu’elles n’étaient pas corrompues et altérées par un grammage inférieur à la valeur faciale. Et donc la monnaie de mauvaise qualité circulait mieux
    Ca a beaucoup moins de sens avec la monnaie fiduciaire, surtout non pleine.

    @ JJJ . Je ne suis pas d’accord avec vous car la différence est que la chaine de ponzi ne peut pas tenir logiquement , elle est condamné dès le départ sans question de bug ou pas bug.
    C’est très différent d’un système qui peut fonctionner logiquement au moins , plus ou moins bien en pratique certes, avec plus ou moins de risque , mais qui a une cohérence . Même s’il a, ce système, probablement une contradiction quelque part, comme tout les systèmes sociaux. Enfin à mon avis.

    @ Tigue
    Oui vous avez raison . Mais la remise en cause d’un système explicatif pour un autre plus performant est un peu une autre question. C’est une méthode qu’on peut pratiquer quelque soit le style de raisonnement. Et l’analyse purement fonctionnelle peut aussi se prétendre aboutie. Néanmoins c’est vrai que la croyance d’avoir atteint le coeur du principe des choses peut amener à un certain fatalisme.

    Mais l’idée qu’une conception structuro-essentialiste des choses nous empêcherait d’intervenir sur ces choses parce qu’on les auraient alors extériorisés à nous mêmes, je ne pense pas, même s’il est vrai que comprendre quelque chose , c’est aussi en connaitre les résistances. On peut même poser que connaître les résistances, les invariants, l’irréductible, d’une chose , peut permettre de mieux la contrôler et la domestiquer. Et s’imaginer que tout peut se plier devant notre volonté me parait dangereux.

    Vous allez me dire que la monnaie est un fait social et que donc , une volonté humaine , politique pourrait donc bien décider d’en changer le fonctionnement et la nature. Et je vous suivrais en gros, mais en faisant observer que la monnaie n’est pas l’expression d’une somme de comportements individuels , mais un comportement collectif qui s’impose à nous comme une contrainte et que ça c’est un truc qu’on ne change pas d’un claquement de doigt.
    Dans la monnaie il y a des résistances qui sont l’expression du collectif contre l’individuel : l’idée que la monnaie puisse fondre me parait à priori en contradiction totale avec la demande de sécurité et de visibilité de toute société. Déjà que la valeur des choses est une notion floue, si l’instrument de mesure bouge, rajoutant ainsi une incertitude dans le temps, ça me parait contrevenir avec la notion de contrat et de stabilité que les activités humaines supposent.

  21. Avatar de TARTAR
    TARTAR

    Est-ce que la vitese de fonte de la monnaie serait décidée quelque part?
    Cette vitesse serait-elle au contraire fixe?
    Quelle similitude avec une simple inflation?

  22. Avatar de Karluss
    Karluss

    Les déficits sont des trous, le ratio de solvabilité inspiré des normes Bâle2 détermine la nécessité des réserves et des fonds propres. Malheureusement la pratique semble ne pas donner raison aux normes Bâle2, les trous abyssaux sont-ils à imputer à Bâle2, les fameux « trous de Bâle »…
    Et la MIF ???
    Encore un fois, le respect d’une norme doit se situer à l’échelle du globe, et pas seulement dans son jardin.

  23. Avatar de antoine
    antoine

    @ Oppossum
    Entièrement d’accord avec vous.

    @ Scaringella:
    Pourriez vous développer vos critiques?
    Je partage votre premier point concernant les intérêts industriels britanniques.
    Celà dit je ne vois pas trop comment ceci rend tout le reste de l’analyse caduque…
    Auriez vous la gentillesse de bien vouloir préciser ce que contient la partie « annerie » du tissu? Ca nous ferait tous progresser plus vite.

    @ JF
    Peut-on cumuler les deux approches: « monnaie fondante » et « monnaie ouverte »?
    La monnaie ouverte ne change rien au problème des intérêts positifs n’est ce pas? Peut-être les deux perspectives croisées ajouteraient-elles sur le plan pratique quelque chose de nouveau, une propriété nouvelle, que n’auraient ni la monnaie fondante seule, ni la monnaie ouverte seules?
    Quelles sont dans l’un et l’autre cas les conséquences pour les banques telles qu’elles existent (encore) aujourd’hui? Et en cas d’approche cumulée?

    J’imagine au moins deux manières de cumuler les approches:
    – réserver la monnaie fondante à certains types d’échanges et la monnaie ouverte à d’autres types d’échanges (l’idée d’avoir plusieurs monnaies et de les enchâsser chacune dans différents contextes ayant été déjà émise sur ce blog, une des perspectives les plus intéressantes étant d’associer le contexte à la « durabilité » des biens, par exemple).
    – n’utiliser que la monnaie ouverte, en sachant que toute monnaie ouverte serait fondante.

    Le tout c’est d’arriver à imaginer un système monétaire (le rôle des agents impliqués doit être clairement déterminé: qui peut faire quoi et pour quelles raisons) qui soit « efficient » (encore que j’ai un dute ici: en quoi consiste l’efficiece d’une monnaie, ceci ne nous ramène t-il pas au « biais fonctionnaliste »?), et qui s’accorde avec nos intuitions politiques et morales sur ce qu’est une « société juste ». A un certain moment, sorti d’un certain niveau de généralité, nous ne serons plus d’accord (certains par exemple préfèreront la stabilité d’un modèle « plus simple » à la justce d’un modèle « plus complexe » », toutes choses égales par ailleurs, ou ne seront pas d’accord sur le type dec contexte pertinent à prenre en compte). C’est inévitable. Mais à ce moment là nous aurons déjà accompli un pas de géant. Et il est quasiment sûr que quelle que soit l’option choisie, cette dernière sera bien meilleure que celle qui nous gouverne actuellement, ne serait-ce que parce-que mûrement réfléchie.

  24. Avatar de Le Fan
    Le Fan

    J’ai rien compris a l’article.

    il faudrait un peu plus vulgariser Monsieur Jorion Svp

    Merci.

  25. Avatar de pierrot123
    pierrot123

    à Scaringella, qui dit:
    « Bon et ben ca evite de lire la suite des anneries. »

    Vous voulez sans doute écrire :  » âneries « ? ;-))

  26. Avatar de Bertrand
    Bertrand

    Anatomie de la banque :
    Première coupe de dissection :

    Je vois d’abord dans une banque une « usine à contrats » : Sans la production méthodique et ininterrompue de contrats, la banque n’est strictement rien. La production d’une grande banque n’est pas neutre sur l’environnement, on peut commencer à l’évaluer à partir de son volume d’impression journalier à destination du public soit environ 200 000 fichiers imprimés par jour (hors impression bureautique classique, pour une grande banque c’est la norme). Chaque fichier à destination du public ou documents juridiques à faire circuler entre services stipulent (sans exception) des mentions juridiques et surtout des cases à remplir avec le paraphe du client. Dans les faits, lorsque vous franchissez le seuil d’une agence bancaire, le banquier avant de vous faire crédit ou de recevoir l’argent de votre salaire, vous tendra un bout de papier avec ses mentions juridiques pour preuve de sa bonne foi. Vous, il ne vous viendrait même pas à l’idée de demander un crédit ou d’ouvrir un compte sans un papier de la banque avec votre signature : Alors la banque produit du juridique avant de multiplier ses moyens de paiement et de créer (éventuellement, on en est pas sûr) du « pognon ex-nihilo ».

    Vous êtes salarié et avez de l’argent à placer, ou une voiture à acheter, bref, vous devez faire affaire avec votre banquier, vous n’avez pas trop le choix : Il n’est pas recommandé de se balader avec des milliers d’euros en poche, vous êtes obligé de disposer d’un compte. Il vous reste cependant un degré de liberté : Les publicités à l’adresse des clients des banques Tirelire et PorteFeuille sont différentes par les taux proposés, les frais de compte, les avenants aux contrats ne sont pas les mêmes. Tirelire et PorteFeuille se font une guerre sans merci pour faire venir à elles votre argent, et vous noterez que si les contrats diffèrent dans les intérêts que vous aurez à payer ou à encaisser, les banques se créent automatiquement un droit venu de nulle part (ex-nihilo, parce que différent entre chaque institution bancaire ): Celui de vous persuader que l’intérêt que vous gagnerez ou que vous aurez à payer est légitime. Les contrats proposés par l’institution bancaire sont légaux, mais tous différents selon l’institution que l’on a choisi. Alors, en dernier recours c’est bien la banque commerciale qui se créé ex-nihilo le droit illégitime de donner un coût à l’argent suivant la tête du client : suivant votre pédigrée l’argent n’a pas la même valeur. Dès lors, en dépit de la conservation des quantités que la banque aura a cœur de maintenir pour ne pas exploser tout de suite l’économie réelle, on se demande comment ce qui est valable pour un client peut ne pas l’être pour l’autre ! Et du coup comment il pourrait y avoir « conservation des quantités » in fine quand la base juridique des contrats est différentes entre institutions. Alors, la quantité de moyens de paiements à terme ne peux être que fantaisiste par rapport à l’économie réelle puisque les contrats normés diffèrent dans leurs contenus. Ce sont les bases juridiques des contrats qui engendrent le schéma de Ponzi inhérent à l’institution bancaire, la banque a mûrie, elle est enfin devenue adulte : Elle multiplie ses moyens de paiements à volonté, le droit l’y autorise puisqu’elle le créé.

  27. Avatar de Oppossum
    Oppossum

    @ Etienne
    Oui, la monnaie libre est sexy. Mais enfin venant de vous , un des hérauts d’une monnaie recentrée dans la sphère de la Puissance Publique … voilà qui pourrait être surprenant 😉

    Sinon, pourquoi ne pas aller plus loin et avoir chacun SA propre monnaie individuelle ? Imaginez un serveur central mondial avec à chacun son compte. On va , avec sa carte magnétique, se servir dans le grand supermarché globalisé , on prend ce qu’on veut et on est débité en ‘moins’. A charge pour chacun de créditer son compte en ‘plus’.
    On est sa propre banque : on peut s’accorder un prêt à soi-même (un ‘gros’ moins) qu’on choisit de se rembourser par des mensualités de ‘petits’ plus sur une durée choisie raisonnable. Évidemment on met des seuils et des limites au delà desquels les choses ne seraient plus raisonnables.

    Les partisans du ex-nihilo pourraient pratiquer à qui mieux mieux en fabricant du ‘moins’ à tire larigot … et puis bosser ensuite pour équilibrer les choses sous l’ oeil sarcastique et fatigué des croyants en l’épargne préalable qui prendront régulièrement des bains dans leurs quantités de ‘plus’ amassés à la force du poignet.

    Bien sûr, interdiction de revendre vos ‘plus’ inutilisés … seul le prêt gratuit sera toléré … (mais rien n’empêche un petit cadeau amical, merde alors)

    Ca me rappelle qu’au temps de Charles-Quint, il existait, en Hollande des ateliers où était autorisée la frappe de pièces d’or ayant cours (à condition d’amener sa matière, bien sûr, et moyennant le prix du travail). Ce qui énervait au plus haut point ce souverain , qui , comme les autres , pouvaient assurer ce service à des personnes privées … moyennant une commission , bien sûr.
    Ces monnaies libres, en général de trop bonne qualité, n’arrivaient pas circuler, étant tout de suite thésaurisées.
    La mauvaise utopie chasse la bonne ?

  28. Avatar de Fab
    Fab

    @ Etienne Chouard,

    Belle idée que celle de Jean-François Noubel. Savez-vous comment il envisage le paiement des impôts et autres taxes nationales ?

    Merci

  29. Avatar de barbe-toute-bleue
    barbe-toute-bleue

    @Scaringella

    Ce qui peut être intéressant dans ce que Raconte Noubel, n’est pas son analyse du passé, où il cherche quelques arguments accrocheurs pour meubler l’entretien.

    Il ne dit pas ensuite : voici le système que j’ai inventé. Il dit, qu’une partie du futur pourrait ressembler à ceci, même sans lui. Il ne précise pas combien de % de l’économie pourrait tourner avec des monnaies parallèles, il parle de million de monnaies, il aurait pu se contenter de dire millier, des monnaies qui meurent, qui naissent en permanence, pas seulement locales, mais aussi par secteur d’activité ( locales par d’autres dimensions ), avec parfois des convertibilités.

    Et ceci, ne s’est pas produit avant, parce que le net peut permettre l’éclosion de ces systèmes avec une fréquence, et un renouvellement très rapide, systèmes qui n’ont été que locaux auparavant, avec plus ou moins de réussite.

    Regardez « Second life ». Vous avez une monnaie pour ce monde digital, avec échange d’activité, conversion possible de la monnaie « jeu », en vrais dollars sur lesquels on sera imposé dans le vrai monde.
    Peu importe la viabilité de « Second life », il peut se produire un type de développement similaire sur d’autres secteurs, ceux-ci n’ayant rien de comparable en première approche avec ce prototype.

    La monnaie centrale existe toujours, elle ne couvre plus tous les secteurs, et certaines personnes pourraient trouver le choix de ne pas y avoir affaire, ou le moins possible, ce qui ne veut pas dire que ça ne permettrait pas de leur donner de grands coups sur la tête parfois, si cette monnaie centrale reste ce qu’elle est aujourd’hui.

    La monnaie centrale va forcement continuer à exister, puisque le flux dense d’énergie utilisable ( Coucou vous en parlait hier à propos de la suite la plus probable à l’énergie pétrole ), ce flux est à distribution centrée depuis les lieux de production. L’énergie constituant ici de manière évidente la richesse, en partie par ce qu’elle permet de transformer, aussi en utilisation directe pour les transports, outils, vous pourrez compter directement une monnaie commune en unité « énergie », peu importe laquelle.

    Le danger étant bien là de voir cette production privatisée comme de nos jours, ou au contraire, devenir un bien commun avéré. Sa gestion en serait alors bien différente pour la collectivité n’est-ce pas ?

    C’est ce que je vois quand je lis cette interview de Noubel. Et je n’ai aucune idée des proportions que prendraient chacune de ces monnaies dans l’organisation des sociétés, mais je pense que le schéma est probable, sans avoir de cahier de référence à présenter pour justifier ce « je pense ».

  30. Avatar de coucou
    coucou

    C’est très intéressant.

    Cela permet de visualiser un système d’échange de valeurs prenant en compte bien d’autres qualités humaines et critères que le simple talent mercantile.

    Cependant, j’aimerais savoir comment on pourrait instaurer une « open money » dans l’Education ou la Santé par exemple…

    En outre, immanquablement, ce système créerait de fait deux groupes sur terre : ceux qui auraient Internet, et ceux qui ne l’auraient pas…Une faille propice aux prédateurs d’âmes faibles ou ignorantes…

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