« Eppur si muove ! »

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Christophe écrit à propos de l’un d’entre vous qui, convaincu il y a quelque temps que les banques commerciales ne créent pas d’argent ex nihilo, n’en est plus aussi sûr aujourd’hui :

C’est comme si on vous expliquait tous les jours que c’est la terre qui tourne autour du soleil avec toute la difficulté que cela suppose à vous l‘expliquer car il faut aller plus loin que les apparences et vous vous dites : « C’est compliqué mais c’est vrai : cela permet d’expliquer beaucoup de choses » mais dès que vous sortez dehors vous constatez que non : c’est bien le soleil qui tourne autour de la terre, c’est là devant vos yeux, le soleil tourne d’Est en Ouest et cela est bien la preuve que ces savants sont vraiment fous !

Je l’ai expliqué déjà : j’ai fait mon enquête pendant plusieurs mois, en votre compagnie et grâce à votre aide, pour voir si mes sens avaient pu être abusés durant la dizaine d’années où je travaillai pour des établissements de crédit parmi les plus grands de la planète. Voici la manière dont je présente les choses dans le manuscrit de mon livre « L’argent », à paraître en septembre chez Fayard :

Quelle ne fut pas ma surprise cependant de découvrir que le désaccord existe parmi les différents auteurs aussitôt que l’on aborde des questions pourtant aussi simples que de savoir si les banques commerciales, celles où nous déposons l’argent dont nous n’avons pas un usage immédiat, créent ou non de l’argent, ou bien si elles prêtent ou non l’argent que nous déposons sur un compte-courant auprès d’elles. La raison de tant de confusion est simple : nous disposons de plusieurs langages pour parler de l’argent et quand il s’agit de traduire de l’un vers l’un des autres, les problèmes de traduction peuvent rapidement devenir très sérieux. Ainsi nous parlons parfois de l’argent en termes purement économiques, et je veux dire par là en termes de flux monétaires : « Il court, il court, le furet : il est passé par ici, il repassera par là … ». Quand nous parlons de l’argent en tant que flux, rien ne se crée, rien ne se perd : quand je dépose de l’argent à la banque, que celle-ci le prête, qu’il lui revient augmenté d’intérêts qui lui ont été versés et qu’une fraction de ces intérêts me sont ristournés à moi, il ne faut pas qu’un seul centime s’en soit perdu : s’applique ici ce que j’appellerai tout au long de cet ouvrage un « principe de conservation des quantités ».

Ce langage économique aurait dû en toute bonne logique suffire à la tâche quand il s’agit de parler d’argent, à ceci près qu’on s’aperçut au fil des siècles que ce langage n’était pas suffisamment strict dans ses termes pour interdire que des sommes n’en soient aisément dérobées au passage par ceux que l’argent tente – à savoir par tout un chacun. On inventa alors ce qui s’appelle la « comptabilité en partie double », un nouveau langage qui présente la particularité que tout s’y équilibre toujours : que le passif y est par définition égal à l’actif mais qui enfreint à tout bout de champ le « principe de conservation des quantités » et qui, du coup, peut faire croire à celui qui ne maîtrise pas parfaitement ses subtilités que des sommes apparaissent, comme du chapeau du magicien, pour disparaître ensuite. Mais malgré les défauts de la langue comptable pour ce qui est de sa compréhension intuitive, elle présente l’avantage infiniment précieux qu’il y est beaucoup plus difficile de faire disparaître des sommes (de véritables « flux monétaires ») sans que rien n’y paraisse, et c’est pourquoi la comptabilité en partie double fut adoptée avec enthousiasme par ceux qui voyaient leurs bénéfices fondre comme neige au soleil au contact de certains de leurs employés industrieux sans doute mais aussi indélicats.

Répétons-le cependant : si le « principe de conservation des quantités » n’avait pas toujours été d’application stricte pour tout ce qui touche de près ou de loin à l’argent, le capitalisme serait mort au berceau et les Bourses ne seraient jamais nées car leur accès aurait été rendu impossible par les cohortes de plaignants encombrant les rues, massés devant les portes du tribunal de commerce.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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164 réponses à “« Eppur si muove ! »”

  1. Avatar de Paul Jorion

    Par ailleurs, dans le raisonnement des anticréationnistes, on fait toujours fi du fait que les fuites ne représentent pas 100 % de la création initiale. Oui, il y a compensation et oui au terme de cette compensation, la banque X conserve une certaine part de dépôt qu’elle n’a donc pas à refinancer.

    Je ne comprends pas l’utilisation du terme « compensation » dans ce contexte. Pouvez-vous expliquer ?

  2. Avatar de Shiva
    Shiva

    @Christophe

    En effet quel qu’en soit le support la valeur n’est pas inventée par les banques commerciales qui ne peuvent que l’échanger « comme tout le monde », là aussi, surtout là !; il y a conservation des quantités. Vous en faites la démonstration sérieuse.

    On aimerait une contre-argumentation mais j’ai bien peur que nos diablotins (amicalement) nous aient quittés la place…

  3. Avatar de MarcusH
    MarcusH

    oui scriptural fait référence au support. Mais la différence de support papier/scripturale n’est pas du tout anodine et a des implications importantes. L’une a cours légal, est monnaie fiduciaire, publique. L’autre n’a pas cours légal et est une monnaie privée, toutefois convertible en monnaie fiduciaire.
    Je dis juste que je n’ai jusqu’ici pas trouvé d’argument qui remette en cause l’enchaînement logique suivant :
    1/ la monnaie scripturale est un moyen de paiement émis par des intermédiaires principalement privés créant un pouvoir d’achat immédiat
    2/ les banques commerciales ont la faculté, si contraint soit le cadre dans lequel cette faculté s’exerce, de créer de la monnaie scripturale à partir de rien, et sous réserve évidemment qu’il y ait une demande.
    3/ cette création initiale doit être refinancée ex post dans une certaine mesure fonction des fuites.

    Mais dîtes moi, quelles sont les personnes célèbres pour être crédibles qui défendent votre posture ? Je ne demande que ça, des références !
    Par ailleurs, comment expliquer qu’un comité de la réglementation bancaire doive limiter les prises de participation des banques en raison de leur capacité à acquérir par simple jeu d’écritures ?
    Toutes ces références célèbres, des professeurs, des économistes à la banque de France se plantent-ils donc tous ? J’ai du mal le croire. Et il me paraît légitime que toux ceux qui ne maîtrisent pas parfaitement tous les rouages s’en remettent quelque peu, sans abandonner pour autant leur sens critique, à des références. C’est tout naturel. Donc donnez nous des références s’il vous plaît. Car j’ai vu beaucoup de référence d’une part, et aucune d’autre part. C’est un simple constat.
    Cependant, je n’ai aucune posture idéologique et suis prêt à évoluer si les arguments me convainquent.

    Sur le mot compensation, je l’ai utilisé il me semble dans son sens commun: celui du solde à la fin d’une période réglementaire (la journée, le mois…) des créances mutuelles entre intermédiaires financiers.

  4. Avatar de johannes finckh

    quoi qu’en disent le créationnistes, il n’y a pas de création monétaire par les banques via le crédit!
    Tout il n’y a pas eu, probablement, la création du monde selon la Bible, mais plutôt une évolution selon Darwin!
    non, les banquiers ne sont pas de magiciens!
    Comment de tels magiciens seraient menacés de faillite?
    Cela ne fait toujours pas sens!
    On peut écrire là-dessus des centaines d’ouvrages, cela ne changera pas le fait que l’empéreur est nu!
    (cf « les habits nouveaux de l’empereur » d’Anderson).
    N’importe quel enfant s’en aperçoit.
    la monnaie n’est pas crédit, et l’emprunteur peut emprunter quand la banque a effectivement les fonds, sinon, rien!
    jf

  5. Avatar de Étienne Chouard

    Pas de débat possible sans une langue commune.
    Quel sens donnez-vous au mot MONNAIE ?

    Bonsoir,

    Ce débat, sur le point de savoir qui a le droit, aujourd’hui, de créer de la monnaie, ne pourra pas déboucher sur un progrès tant que les parties ne conviendront pas d’une définition commune des mots, et très spécialement du mot monnaie : en effet, si chacun utilise le mot monnaie pour désigner une réalité différente (pour les uns, la monnaie est un signe généralement accepté en paiement dans les échanges, pour les autres, ce sont seulement les signes créés par la Banque centrale), il n’est pas étonnant qu’on assiste à un dialogue de sourds et à une succession de malentendus.

    De tout ce que j’ai lu sur ce (précieux) blog depuis plus d’un an, je n’ai jamais reçu ici de réponse simple à cette requête en définition commune, comme si c’était très compliqué.

    J’ai donc tâché de comprendre par la bande, indirectement, par déduction, le point de vue de ceux qui contestent le pouvoir des banques privées de créer (une partie de) la monnaie qu’elles prêtent : il me semble qu’ils considèrent tous que ce qu’on appelle d’habitude la « monnaie scripturale » n’est pas de la vraie monnaie, que la seule monnaie digne de ce nom est la monnaie centrale, un signe porteur de pouvoir d’achat garanti par l’État.

    Et, si c’est bien l’acception du mot monnaie qui a leur faveur, il me semble que nous pourrions tous tomber d’accord, puisque ceux qui constatent que les banques privées créent des signes privés porteurs de pouvoir d’achat sont aussi les premiers à déplorer cet état de fait, allant jusqu’à traiter cette monnaie scripturale de fausse monnaie et les banquiers de faux monnayeurs, pas très loin, donc, de ceux qui, eux, disent que la monnaie scripturale n’est même pas de la monnaie.

    Au moment de concevoir un nouveau système, moins dangereux et moins injuste, nous devrions donc tous être d’accord pour refuser aux banques privées ce privilège de créer des signes de pouvoir d’achat sur le seul fondement de la confiance (la confiance que les banques font à leurs emprunteurs et la confiance que la société fait aux banques).
    ________________

    J’aimerais que vous me disiez ce que vous pensez de la proposition d’Irving Fisher, « 100% money » : pertinente ou pas ?

    Je trouve notamment très intéressante cette idée que, en cas de crise comme en ce moment, les banques ne prêtent plus pour recomposer leurs réserves (après s’être beaucoup trop exposées sur d’autres secteurs de leur activité, le coin « casino ») alors que les remboursements continuent, ce qui leur donne un pouvoir (symétriquement inverse à celui qu’elles jouent pendant le boom) de contraction de la masse monétaire, d’asphyxie des échanges et de blocage de tout le système.

    C’est très plausible, non ?

    Et si non, pourquoi ?

    _________________

    @ Christophe,

    Vous avez dit plus haut (26/4, 17h32) : « Résumé :
    D’un coté le crédit accordé par la banque n’est pas compensé par un autre crédit d’une autre banque et la banque paye en monnaie centrale ce qu’elle doit et au final elle n’a plus de dette, simplement une créance sur son emprunteur.
    De l’autre coté les crédits se compensent, il n’y pas de monnaie centrale en jeu mais une DETTE apparaît pour la banque. Cette dette se matérialise comptablement en créditant le compte de son client en monnaie scripturale.
    Donc les banques qui émettent du crédit en se débrouillant pour marcher au même pas selon Keynes s’économisent de la monnaie centrale mais en contrepartie contractent une DETTE à hauteur de cette économie ce qui me semble-t-il démontre qu’il n’y a aucune création monétaire ex-nihilo. »

    Vous oubliez apparemment que la dette de la banque, C’EST la monnaie. Précisément.
    Une dette qui se transfère facilement.
    Et dans vos deux exemples, refinancée ou pas, une fois créée, la dette de la banque circule et c’est elle la monnaie.

    La monnaie est un signe qui inspire confiance au vendeur : comme il fait confiance à la dette de la banque, il accepte le paiement scriptural. La banque a ce pouvoir, ce privilège, de créer et de mettre circulation sa propre dette que tout le monde reconnait comme fiable.

    Il me semble que le quiproquo entre nous vient de ce que personne n’a jamais dit que les banquiers créaient la monnaie à partir de RIEN, sans contrainte (« par magie » comme le suggère Johannes).

    C’est vrai qu’on pourrait comprendre comme ça l’expression « ex nihilo », mais ce serait un malentendu car personne ne prétend une telle sottise : tout le monde sait que la monnaie est créée en contrepartie d’une engagement (fiable) de rembourser (une autre dette, qui équilibre la première au bilan) et qu’il faut bien que la banque trouve cet emprunteur ; la banque a besoin d’une DEMANDE de crédit pour exercer son privilège (et en toucher le revenu, les intérêts). Tout le monde admet que la contrepartie de la dette de la banque qui circule (la monnaie) peut être une autre dette qui ne circule pas, de l’autre côté du bilan, à l’actif.

    Mais ce que signifie l’expression pédagogique ex nihilo – et il faut quand même consentir la bonne volonté minimum de comprendre ce que l’autre a voulu dire pour que le dialogue soit possible, sinon, si l’on refuse de voir le sens que l’autre donne aux mots, on paralyse l’échange –, c’est une référence à un nihilo de monnaie, pas un nihilo absolu : AVANT le crédit, il n’y avait pas cette monnaie, et APRÈS le crédit, il y a cette nouvelle monnaie, il y a bien eu création de monnaie (de la monnaie TEMPORAIRE, d’ailleurs, qui disparaîtra bientôt, lors du remboursement).

    Et si le mot « ex nihilo » s’avère être une source de malentendus interminables, jetons-le, oublions-le, on s’en fiche, ce n’est pas cette expression qui compte : ce qui est important et contestable, c’est la légitimité du privilège légal des banques (légitimité économique et légitimité politique).

    Je ne vais pas reprendre ici les échanges sur les fuites et sur le refinancement partiel nécessaire qui limitent indubitablement le privilège des banques, mais je voudrais poser une question simple à ceux qui prétendent que les banques privées ne créent pas la monnaie, une question décisive :
    __________________

    Si les banques privées ne créent pas la monnaie, selon vous, QUI LA CRÉE ?
    D’où vient l’augmentation de la masse monétaire (11% par an sur la zone euro depuis sa création, c’est considérable) ?
    Des banques centrales ?

    Johannes : qui crée la monnaie ?

    Qu’est-ce que la monnaie ?

    ___________________

    Votre réponse sera, je le pense, pour moi, comme un rai de lumière.

    🙂

    Amitiés.

    Étienne.

    ______________

    La pensée facile consiste à choisir son camp, accumuler les savoirs et ignorer l’autre côté.
    Il s’ensuit une boiterie logique qui donne une image hémiplégique du psychisme humain.
    Boris Cyrulnik, De chair et d’âme.
    ______________

  6. Avatar de MarcusH
    MarcusH

    réponse de sourd dans ce dialogue de sourd 🙂 avec une citation d’une publication officielle de la banque de France reprise par A-J Holbecq reprenait dans « la dette, une affaire rentable ».

    « les particuliers – même paraît-il certains banquiers – ont du mal à comprendre que les banques ont le pouvoir de créer de la monnaie ! Pour eux, une banque est un endroit où on dépose de l’argent en compte et c’est ce dépôt qui permettrait à la banque de consentir un crédit à un autre client. Les dépôts permettraient les crédits. Or, cette vue n’est pas conforme à la réalité, car ce sont les crédits qui font les dépôts ».
    (banque de France, 1971)

    un extrait également d’une réponse d’un économiste de l’association « chômage et monnaie » lors d’un échange sur le documentaire de Paul Grignon. (je vous laisse consulter la composition du bureau de cette association qui d’ailleurs ne semble pas trouver anormale la création de monnaie par les banques. // http://www.chomage-et-monnaie.org/QuiNous2.html)

     » L’argent est créé à partir de rien. Lorsque le banquier vous prête 1000€, il inscrit à son passif 1000 € sur votre compte courant et à son actif une créance de 1000 € sur vous. Il est libre de le faire. Le problème est que lorsque vous allez dépenser cet argent vous allez remettre des titres de créances (chèques, prélèvements, etc.) sur la banque, créances que les autres banques vont lui présenter, sauf si le créancier est dans la même banque que vous. Vous allez également retirer de l’argent liquide d’un distributeur et la banque devra acheter ces billets à la banque centrale. De plus, la banque centrale impose des réserves proportionnelles au montant des comptes courants, donc la banque devra augmenter le montant de son compte courant improductif (car gelé) à la banque centrale. Ceci dit, les autres banques aussi font des prêts, et votre banque recevra aussi des créances sur les autres banques. Donc il y a une certaine forme de compensation, sauf pour les billets et les réserves obligatoires.

    EN MOYENNE (car les situations de chaque banque peuvent être très différentes, c’est pour ça qu’il y a un marché interbancaire pour qu’elles se prêtent les unes les autres) les banques si elles ont 1000 € de réserves disponibles en banque centrale, peuvent prêter (ici est donné la formule du multiplicateur que je ne reproduis pas) , ce qui avec un taux r de réserves de 2% et un taux b de billets de 10%, donne un multiplicateur de 8,5, soit assez proche du 9 de la vidéo. Mais où la vidéo a faux, c’est que cet argent créé ne peut être utilisé pour fa ire d’autres crédits. Pour faire d’autres crédits, il faut partir d’une nouvelle monnaie centrale. Celle-ci ne peut être créée que par la banque centrale, par ses prêts aux banques.

    J’ai omis le cas des devises, qui complique le problème. De nos jours, avec la liberté des changes, les banques empruntent non seulement à la banque centrale, mais aux banques étrangères. Les devises ainsi empruntées peuvent être converties à la banque centrale, avec le même effet qu’en emprunt direct. »

    En résumé, pour répondre à votre 1ère question, on peut effectivement prêter 10000$ à partir de 1111$ de monnaie centrale (ou de billets), mais cela s’arrête là.

  7. Avatar de Gérard P.
    Gérard P.

    Je répète la question posée ci-dessus : « Merci aux défenseurs de chacune des deux thèses de revoir leur analyse dans un système où il n’y aurait plus que de la monnaie scripturale, donc dans un système où il n’y aurait plus de billets ou pièces créés par la banque centrale ».

    Comment dans un tel système hypothétique les uns expliquent le mécanisme de la création monétaire (« ex-nihilo » ou pas) et comment les autres expliquent le mécanisme de la conservation des quantités.

    Je souhaiterais obtenir en réponse un exposé personnel et raisonné ou chacun s’exprime sur sa propre analyse.

  8. Avatar de Paul Jorion

    Les particuliers – même paraît-il certains banquiers – ont du mal à comprendre que les banques ont le pouvoir de créer de la monnaie ! Pour eux, une banque est un endroit où on dépose de l’argent en compte et c’est ce dépôt qui permettrait à la banque de consentir un crédit à un autre client. Les dépôts permettraient les crédits. Or, cette vue n’est pas conforme à la réalité, car ce sont les crédits qui font les dépôts.
    (Banque de France, 1971)

    … Il y a même certains banquiers qui ne comprennent rien à la création monétaire et celui qui a rédigé ce paragraphe appartient à ce groupe. Nous avons réfuté ces textes cent fois. Ils confondent opération financière et enregistrement comptable. En voici encore un exemple :

    L’argent est créé à partir de rien. Lorsque le banquier vous prête 1000€, il inscrit à son passif 1000 € sur votre compte courant et à son actif une créance de 1000 € sur vous. Il est libre de le faire.

    Bien sûr qu’il est libre de le faire, mais si aucun flux économique ne correspond à son inscription, elle est sans objet.

    Et ils confondent prêt (ferme) et ligne de crédit (potentiel). Je sais, ces choses ne sont pas simples, et les avoir pratiquées dans la vie quotidienne, comme le métier que vous faites – ou faisiez – vous procure un réel avantage – dont ceux qui n’ont entendu parler de ces choses-là que par les livres, sont malheureusement privés.

  9. Avatar de johannes finckh

    l’hypothèse de la « pure » monnaie scripturale est encore une hypothèse qui ne saurait se vérifier ni se réaliser!
    Si la part de la monnaie matérielle peut bien être réduite, car beaucoup de transactions se font par transfert de créances, la matérialité fiduciaire reste néanmoins absolument essentielle et impossible à éliminer, car cette monnaie-là, la seule VRAIE en definitive, est émise par l’institut d’émission en fonction d’un pouvoir d’achat qu’il cherche à maintenir le mieux qu’il peut.
    Et ce support matériel « a minima », si l’on se souvent des pièces d’or, est néanmoins indispensable, sans quoi le système bancaire ne tiendrait pas ni l’économie comme telle!
    Spéculer sur la disparition totale du numéraire est vraiment une abstraction dépourvue de tout sens!
    Nous voyons bien là que cette matérialité a minima est la clé de voûte qui prouve par elle-même que monnaieet crédit sont deux grandeurs in commensurables!
    jf

  10. Avatar de johannes finckh

    à étienne:
    je l’ai dit dans le précédent message sans vous avoir encore lu!
    Les billets sont fabriqués dans des imprimeries spéciales sur du papier spécial, en principe non falsifiables, c’est aussi bête que ça!
    La « valeur » est sans doute établie selon une tradition que l’on peut appeler pouvoir d’achat au départ;
    la politique monétaire vise à protéger ce pouvoir d’achat;
    l’ensemble de l’économie et ses performances soutiennent la valeur » (le prix) de cette monnaie;

    je refuse absolument de dire que la dette bancaire serait de la monnaie, cela n’a pas le moindre sens!
    si la banque a une dette, elle doit payer son créancier comme tout le monde, c’est tout!
    si elle ne le fait pas, elle fera faillite!
    en cas de « crise systémique » comme actuellement, la banque centrale est bien sûr forcée d’agir en arrosant copieusement avec de nouveaux milliards!
    et cela se passe ainsi parce que les spéculations aberrantes, faites par les banques pour le compte de leurs déposants ont foiré;
    mais le fait que les banques aient pris des risques aussi insensés a néanmoins une cause plus profonde:
    le capital des fortunés cherchait A TOUT PRIX des placements porteurs dans un contexte de moins en moins « porteur » depuis vingt ans pour au moins deux raisons (et d’autres):
    1) les fortunés ayant déjà largement concentré les richesses, les emprunteurs devenaient de moins en moins capables de rembourser leurs dettes, un peu comme à la fin d’une partie de monoply!
    2)le rendement productif déclinait à son tour du fait de la productivité forte et de la saturation croissante de la demande solvable; ce phénomène de la baisse tendancielle des taux de profit avait eté déjà vu par Marx et Keynes et, bien sûr, Gesell!

    Dans ce contexte, la « technologie financière et l’inventivité spécuative a quand même réussi à repousser le moment de vérité pendant toutes ces années (20 ans à peu près), tout simplement parce que les réserves des riches étaient à ce point colossales que l’on pouvait faire du casino pendant vingt ans sans devoir se justifier réellement!
    Les pertes et la crise de confiance qui en résultent sont proportionnelles à ces excès!

    Nous assistons de ce fait à une trappe aux liquidités comme nous n’avons pas connue souvent (la crise de 1929 est évoquée à juste titre!)
    Et les centaines de milliards en numéraire ne déclenchent même pas une inflation, évitent tout juste une déflation, tellement ces sommes sont retenues par les fotunés devenus méfiants!
    et qui attendent des opportunités nouvelles pour « se refaire »

    Si on se mettait à émettre la monnaie anticrise(fondante) tout de suite, tout ce cirque serait terminé en une nuit, et le monde retrouverait la raison!
    jf
    Pour Fisher: je l’ai imprimé et je vais le lire rapidement et vous répondrai

  11. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Paul, je risque (dangereusement) une question: si ceux qui confondent prêt (ferme) et ligne de crédit (potentiel) pour ne pas les avoir pratiqué professionnellement au quotidien, et sont donc privés de la compréhension de ces choses pas simples que les livres n’expliqueraient pas, qu’est-ce qui fait que professionnellement « ça marche » (bien sûr, ça marche, mais jusqu’à l’éclatement de la bulle devenue bien plus grande que ce qu’on peut rembourser…)

    D’un côté les livres expliqueraient doctement le fonctionnement des compétitions sportives, mais ils ne parleraient jamais du dopage, alors que toutes les compétitions sportives (alias financières) ne fonctionnent qu’au dopage, c’est bien ça?

  12. Avatar de Paul Jorion

    @ MarcusH

    Mais dîtes moi, quelles sont les personnes célèbres pour être crédibles qui défendent votre posture ? Je ne demande que ça, des références !

    Mon argumentation est juste ou elle est fausse. Il ne s’agit pas pour moi de trouver un emploi.

    Par ailleurs, comment expliquer qu’un comité de la réglementation bancaire doive limiter les prises de participation des banques en raison de leur capacité à acquérir par simple jeu d’écritures ?

    Est-il dit quelque part que c’est « en raison de leur capacité à acquérir par simple jeu d’écritures » que les banques doivent limiter les prises de participation ?

    Toutes ces références célèbres, des professeurs, des économistes à la banque de France se plantent-ils donc tous ?

    Oui. Ça vous étonne ? Vous n’avez pas entendu parler des économistes qui n’ont pas vu venir la crise ?

    Sur le mot compensation, je l’ai utilisé il me semble dans son sens commun: celui du solde à la fin d’une période réglementaire (la journée, le mois…) des créances mutuelles entre intermédiaires financiers.

    Une compensation a lieu entre deux parties qui réconcilient leurs positions l’une vis-à-vis de l’autre. La compensation porte sur le différentiel. Vous écrivez : « Par ailleurs, dans le raisonnement des anticréationnistes, on fait toujours fi du fait que les fuites ne représentent pas 100 % de la création initiale. Oui, il y a compensation et oui au terme de cette compensation, la banque X conserve une certaine part de dépôt qu’elle n’a donc pas à refinancer. » Qui sont les deux parties ? Vous parlez de X, quel est l’Y auquel vous pensez ?

  13. Avatar de A-J Holbecq

    Bien entendu ceux qui refusent le fait que leurs « comptes en banque » (Les « dépôts à vue ») , scripturaux, soient simplement de la monnaie (comme le comptabilisent TOUTES les banques centrales et TOUS les économistes du monde, n’utilisent donc jamais cette monnaie scripturale – par chèque, virement , carte bancaire – pour payer leurs fournisseurs, leurs impôts, leurs abonnements divers, leurs loyers, leurs charges, leurs ….. ) et se promènent avec des portefeuilles bien garnis 🙂

    Tiens, à propos de l’utilisation des moyen de paiement et de l’évolution ;: http://tinyurl.com/dzvfak … JF verra dans la statistique suivante que les billets sont peu utilisés (et qu’il arrivera un moment où il ne le seront plus):
    -cartes bancaires : 41,5 % des transactions réalisées en 2006
    -chèques : 25,5%
    -prélèvements : 17,9%
    -virements : 15,2%
    -espèces : 0,9%

    Alors appelons Mf la monnaie fiduciaire banque centrale et Ms les dettes – correspondantes aux Dépôts à Vue – des banques commerciales envers les différents agents non bancaires (les personnes, les entreprises, les collectivités) que les gens utilisent en guise de moyen de paiement.

    Mais il est vrai que beaucoup de problèmes seraient réglés et que notre débat (parenthèse: ça tourne au monologue de chacun les « non créationnistes » refusant manifestement de lire ce qu’ont écrit tous les plus grands ou plus petits spécialistes et ayant l’impression d’avoir découvert le fil à couper le beurre) n’aurait pas lieu d’être si toute la monnaie Ms+Mf était « centrale » , c’est à dire si les banques commerciales et établissements de crédit ne pouvaient simplement plus faire crédit sans se financer auprès de la Banque Centrale (ou auprès d’un marché financier lui même conséquence d’une épargne d’une monnaie centrale), et qu’elle ne puissent utiliser des prêts à court terme pour prêter à long terme.
    Toute la monnaie scripturale et fiduciaire serait dans ce cas centrale et la nécessité d’existence de monnaie fiduciaire (billets) disparaitrait même (son existence est liée au fait d’une confiance supérieure en elle et aussi qu’elle permet de financer « discrètement » un tas d’activités illicites ou de travail au noir: je défends pour ma part l’idée d’une « monnaie marquée » électronique.

  14. Avatar de Paul Jorion

    @ Gérard P.

    Je ne refuse pas le débat : votre question est excellente. Mais comme un préalable, pourriez-vous répondre à cette question-ci : « Comment un système monétaire pourrait-il fonctionner sans principe de conservation des quantités ? » Je vais être encore plus précis : « Comment une banque peut-elle faire une projection de ses activités sur cinq ans sans principe de conservation des quantités ? »

  15. Avatar de Stilgar

    Bien entendu ceux qui refusent le fait que leurs « comptes en banque » (Les « dépôts à vue ») , scripturaux, soient simplement de la monnaie (comme le comptabilisent TOUTES les banques centrales et TOUS les économistes du monde, n’utilisent donc jamais cette monnaie scripturale – par chèque, virement , carte bancaire – pour payer leurs fournisseurs, leurs impôts, leurs abonnements divers, leurs loyers, leurs charges, leurs ….. ) et se promènent avec des portefeuilles bien garnis 🙂

    Tiens, à propos de l’utilisation des moyen de paiement et de l’évolution… JF verra dans la statistique suivante d’utilisation des moyens de paiement que les billets sont peu utilisés (et qu’il arrivera un moment où il ne le seront plus):
    -cartes bancaires : 41,5 % des transactions réalisées en 2006
    -chèques : 25,5%
    -prélèvements : 17,9%
    -virements : 15,2%
    -espèces : 0,9%

    Alors appelons Mf la monnaie fiduciaire banque centrale et Ms les dettes – correspondantes aux « Dépôts à Vue » – des banques commerciales envers les différents agents non bancaires (les personnes, les entreprises, les collectivités) que les gens utilisent en guise de moyen de paiement.

    Mais il est vrai que beaucoup de problèmes seraient réglés et que notre débat (parenthèse: ça tourne au monologue de chacun les « non créationnistes » refusant manifestement de lire ce qu’ont écrit tous les plus grands ou plus petits spécialistes et ayant l’impression d’avoir découvert le fil à couper le beurre) n’aurait pas lieu d’être si toute la monnaie Ms+Mf était « centrale » , c’est à dire si les banques commerciales et établissements de crédit ne pouvaient simplement plus faire crédit sans se financer auprès de la Banque Centrale (ou auprès d’un marché financier lui même conséquence d’une épargne d’une monnaie centrale), et qu’elle ne puissent utiliser des prêts à court terme pour prêter à long terme.

    Toute la monnaie scripturale et fiduciaire serait dans ce cas centrale et la nécessité d’existence de monnaie fiduciaire (billets) disparaitrait même (son existence est liée au fait d’une confiance supérieure en elle et aussi qu’elle permet de financer « discrètement » un tas d’activités illicites ou de travail au noir: je défends pour ma part l’idée d’une « monnaie marquée » électronique.

    A-J Holbecq

  16. Avatar de Étienne Chouard

    La monnaie n’existe-t-elle donc que si l’on s’en sert ?!

    Cher Paul,

    Dans ton message du 27/4 à 0h26, tu dis :

    Bien sûr qu’il est libre de le faire, mais si aucun flux économique ne correspond à son inscription, elle est sans objet.

    Et ils confondent prêt (ferme) et ligne de crédit (potentiel).

    C’est étonnant : la monnaie n’existerait donc que quand on l’utilise ?

    Dirais-tu la même chose des billets ?! :
    « tant qu’il n’y a aucun flux économique qui correspond à leur inscription, ils sont sans objet » ??

    C’est étrange.
    Moi, j’aurais dit qu’il n’y a aucune différence de nature entre les billets (titre matérialisés de dette de l’État) et les DAV (titres dématérialisés de dette des banques privées). C’est du titre de dette, titre fiable qui circule entre les agents qui ont précisément besoin de symboles fiables pour échanger.

    La différence entre ferme et potentiel, que tu évoques comme une clef de compréhension, n’est-elle pas qu’une simple question de cuisine interne à la banque, pour subir le moins de charge possible (au compte de résultat), mais sans conséquence sur la dette de la banque (l’obligation de payer sur ordre) ? Cette dette (la provision du DAV) qui existe et circule indépendamment de la façon dont la banque se débrouille pour équilibrer ses comptes par ailleurs, non ?

    Et si la Banque Centrale, de fait, refinance sans limite – si la BC prête sans barguigner de sa monnaie centrale aux bc qui viennent lui en demander au fur et à mesure qu’elles consentent des crédits (la BC donne d’ailleurs cette mc en échange des titres mêmes que les bc avaient obtenus de leurs propres clients en leur faisant crédit… ça semble trop facile… quelle est la limite à cette montagne de dettes ?) –alors, on est fondé à dire que les banques créent leur propre dette à gogo, tant qu’il y a de la demande de crédit et tant qu’elles font confiance dans la solvabilité des demandeurs, non ?

    Et c’est bien ce mécanisme qui conduit les banques à s’endetter de plus en plus, et donc à prendre un risque de plus en plus grand pour tout le système, qui est mis en cause, qui est contesté, qui est incriminé, par les plus grands spécialistes de la monnaie depuis des siècles, non ?

    ________

    Tu ne nous as pas dit qui, d’après toi, crée la monnaie supplémentaire qui gonfle chaque année la masse monétaire.

    ________

    Johannes, tu n’as pas répondu non plus, je crois, à cettte question décisive.
    ________

    Merci pour votre patience.

    Étienne.
    _________________

    Ce n’est pas le doute qui rend fou, c’est la certitude. Nietzsche
    _________________

    .

    ==================

    PS : comme j’en ai l’habitude, je ne résiste pas à la tentation de vous signaler encore un tout petit texte – absolument lumineux – qui m’a beaucoup aidé comprendre, en termes simples, le côté fondamentalement conventionnel de la monnaie, signe fiable porteur de pouvoir d’achat (c’est la définition que je préfère) :

    Promenade d’un billet

    Une dame se présente à la réception l’hôtel du Lion d’Or et réserve une chambre. Elle verse 50 euros. Le boulanger du village observe la scène. Il attend que la cliente sorte, puis il se lève, se dirige vers l’accueil et s’adresse à l’hôtelier :

    « Ne range pas ton billet, Georges, souviens-toi que tu me dois la pièce montée que je t’ai faite l’autre jour ».

    De bonne grâce, l’aubergiste tend le billet de 50 euros au boulanger. Une fois dehors, ce dernier va payer son ami le menuisier qui a réparé son comptoir. Celui-ci s’acquitte alors des 50 euros qu’il devait au garagiste pour sa dernière vidange. En fin de compte le billet se retrouve dans la poche du représentant en savons industriels, qui, vue l’heure, décide de prendre une chambre à l’hôtel du Lyon d’or et paye l’hôtelier avec ce même billet.

    Quel est le « coût » de cette « promenade » ? Les 50 euros ont-ils disparu ? Non ils sont toujours là, dans la communauté villageoise. Ils sont dans la caisse de l’hôtel et repartiront demain pour un autre tour, peut-être plus éloigné cette fois. Mais dans tous les cas, l’argent n’a pas disparu, il a circulé. En revanche, tous les acteurs ont travaillé : l’hôtelier, le boulanger, le menuisier, le garagiste et le représentant ; ils ont tous consommé de la matière et/ou de l’énergie. Le travail à faire à été fait, quant aux matières et à l’énergie, elles ne sont plus disponibles. Bien sûr, pris individuellement, chacun a dépensé 50 euros et à ce titre peut dire que « l’autre » lui a « coûté » 50 euros puisqu’il ne les a plus en caisse. Mais si l’on considère les choses globalement, on ne peut que constater que la production n’a « coûté » que du travail, de la matière et de l’énergie, mais pas d’argent ! L’argent est passé d’une main dans une autre, chacun s’est enrichi du travail de l’autre et lui a donné 50 euros en échange pour ne pas rester en dette. Ce qui est à un moment recette, devient dépense à un autre ; c’est la dépense de l’un qui fait le revenu de l’autre. L’argent est transféré, pas consommé sauf peut être si, comme nous aimons à raconter cette histoire, la chute devient la suivante : La dame revient, annonce qu’elle a rencontré un vieil ami et annule donc sa réservation. L’hôtelier lui rend le billet que venait de lui tendre le représentant, le regarde, le reconnaît, sort alors un briquet de son sac et brûle le billet sous le regard effaré des observateurs de la scène… « il était faux », s’exclame-t-elle dans un éclat de rire !

    Source : une page littéralement passionnante : http://wiki.societal.org/tiki-index.php?page=Investissement+Public

    Paul, est-ce que cette dame étrangère au village n’a pas joué le rôle actuel du banquier ? En alimentant un système d’échange avec sa (fausse) monnaie (mais les échangeurs se fichent pas mal que la monnaie soit fausse ou pas, pourvu que tout le monde l’accepte dans les échanges, non ?), elle a rendu possibles ces échanges. Avec une simple dette, créée là, comme ça, et vouée à disparaître… mais ça fonctionne.

    D’ailleurs, Johannes, vous accordez une confiance étonnante aux billets que vous pensez infalsifiables, ce qui, d’après vous, ferait toute la différence avec la fausse monnaie scripturale des banques privées… Hum. À votre avis, Johannes, combien d’usines à faux dollars fonctionnent dans le monde ? Et combien de centaines de milliards de faux dollars, sans que cela gêne le moins du monde les échanges ? Vous semblez avoir une conception de la monnaie, disons, un peu datée, non ? Il n’y a pas que les billets qui vaillent, quand même, si ?

  17. Avatar de A-J Holbecq

    Juste une petite réflexion en passant..

    Il y a une certaine logique que la monnaie fiduciaire (la seule monnaie de la banque centrale circulant dans la sphère non bancaire) soit la seule monnaie proclamé « monnaie légale » depuis la loi du 12 août 1870.
    Tout le monde ici est d’accord pour dire que les dettes des banques commerciales (le montant de vos comptes à vue) représente une « monnaie/dette de banque commerciale » (il y a la monnaie SG, la monnaie CA, la monnaie Crédit coopératif, etc) et c’est le « bouclage » avec la monnaie centrale, et la confiance dans le système bancaire, qui fait que ces monnaies aient également cours ( les banques commerciales émettent un moyen de paiement , libellé en euro, qui est la monnaie ayant cours légal dans la Zone Euro depuis le 28 février 2002 …. allez y comprendre quelque chose 🙂 ), c’est à dire qu’elles sont généralement acceptée sous forme de « monnaie de banque » (oui, je sais, vous pouvez exiger d’être payés en billets de banque centrale, mais d’un autre coté vous ne pouvez pas l’imposer à votre patron pour vos salaires … donc pas la peine de re soulever ce point)

    Si demain la Banque Centrale ouvrait des agences bancaires où tout à chacun pourrait ouvrir un compte, il y a fort à parier qu’elle ne délivrerait pas que des « billets de banque centrale », mais gèrerait des comptes à vue (des dépôts) … cette monnaie là (scripturale, mais émise par la Banque Centrale) aurait elle plus de « confiance » que celle des banques commerciales, garanties jusqu’à 70000 euros ( en sachant de toute façon que ce qui est garanti c’est le chiffre du solde de votre relevé bancaire, c-à-d que si votre banque fait faillite, le montant que vous détenez – probablement après déduction de ce que vous devez à la banque en faillite – sera seulement inscrit quelque part comme un montant sur lequel vous pouvez régler vos fournisseurs)

  18. Avatar de Shiva
    Shiva

    @ johannes finckh & her professor « P. »

    Le système des paiement est double aujourd’hui, il y à le billet de banque centrale qui permet de régler un achat de bien ou service monnayable entre deux agents économiques sans intermédiaire. Les agents manipulant directement la monnaie de la transaction. Il y a aussi un système de paiement par « opérateur interposés » qui effectue les paiement pour les agents économiques. Là ces agents ne manipulent pas de monnaie et confient ce rôle aux banques.
    Il faut bien voir que lorsqu’une banque effectue un paiement au nom d’un de ses clients elle ne règle pas sa propre dette mais bien celle de son client. D’ailleurs si le client est insolvable, la dette n’est pas payée le règlement et refusé et la banque n’est pas en cause et n’est pas tenue de payer quoi que se soit. (la banque dans ce cas se substitue même au pouvoir judiciaire sanctionnant le client par la privation de ses moyens de paiement, un scandale !)

    La banque agit là, en tant que payeur pour le compte de ses client, et non pour son propre compte.

    Pour effectuer ces paiements la banque tient un état du solde de ses dettes vis à vis de son client, si elle ne lui doit rien elle refusera le paiement, sauf à effectuer la paiement pour son propre compte.
    Si elle est en dette vis à vis de son client elle acceptera le paiement et devra passer un ordre de déplacement de monnaie électronique, centrale, de base, appelons cela comme on veut, d’un de ses comptes en banque centrale vers un compte de la banque du créancier de son client. Ce n’est que lorsque ce déplacement (ou l’acquittement d’échange de valeurs monétaires égales) a eu lieu que le paiement est réalisé. Ce paiement entre banque peut-être réalisé en monnaie fiduciaire, ou autre valeur monétaire, qu’importe, ce n’est que lorsque les banque s’estiment quitte de la valeur monétaire transmise que le paiement est réalisé. Par la suite les comptes des agents économiques sont mis à jour, indépendamment.

    Donc on voit que les sommes inscrites comme solde sur les comptes des clients des banques commerciales ne permettent pas de réaliser des paiement entre agent économiques. Les paiements pour le compte d’agents économiques sont réalisés par les banques sur leurs propres comptes. Si une banque n’a pas de valeur monétaire à transférer elle ne peut réaliser les ordres de paiement de ses clients, même si les soldes de leurs comptes sont suffisants, c’est la faillite.

    La nature des comptes commerciaux et centraux et donc différente puisque les premiers font le compte d’une dette entre une banque et son client et le seconds contiennent, à l’image d’un coffre, de la monnaie électronique ou scripturale.
    Les compte centraux ne son la manifestation d’aucune dette entre la banque commerciale et la banque centrale, lorsque l’écriture sur un compte est diminuée d’une quantité de valeur monétaire au profit d’un autre compte, il y a effectivement déplacement monétaire.

    La monnaie est donc entièrement contenue dans M0, monnaie manuelle et monnaie électronique.

    Il y à même une hiérarchie entre ces deux types, et j’en viens à la question de Her Professor, la monnaie électronique est indispensable à la monnaie fiduciaire dans le système actuel, puisque pièces et billets sont préalablement achetés en monnaie électronique par les banques commerciales avant d’être diffusée dans l’économie.

    Donc, ma conclusion, c’est que le système pourrait très bien fonctionner, et sans doute à l’identique, sans monnaie fiduciaire. Cela accroitrait encore le pouvoir de contrôle des banques privées sur notre rapport à la monnaie puisque nous ne pourrions plus du tout la manipuler (idée Stilholgarabecqienne !).

    Sans avoir vraiment explorer cette idée et ses répercussions, j’ai un a-priori favorable pour, au contraire, permettre à tout un chacun de posséder un compte sans intermédiaire sur lequel la monnaie existe véritablement. Un compte type compte central. Cela à l’image de la révolution informatique et notamment sur internet qui supprime des pans entiers d’intermédiaires devenus inutiles…

    Bon,

    Alors Her professor Gérard P.

    J’ai droit à un bon point ou je rejoins Beber le Cancre au piquet ?

    La monnaie est transférée entre comptes de banque centrale appartient à la banque

  19. Avatar de Christophe
    Christophe

    A qui faut il s’adresser: Holbecq ou Stilgar?

    S’il s’agit de dire qu’on utilise cette monnaie-dette comme moyen de paiement, c’est une évidence puisqu’on le fait tous les jours, pas besoin de discuter 10 ans la dessus.
    Le but c’est de comprendre réellement l’ensemble du mécanisme pour pouvoir dans un premier temps donner les bonnes explications à la crise financière (ou tout simplement comprendre ceux qui nous l’expliquent!) et dans un deuxième temps faire des prévisions afin de déterminer ce qu’il faut changer dans le système pour qu’il fonctionne mieux pour le profit du plus grand nombre.

  20. Avatar de Ybabel
    Ybabel

    Pourquoi vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord sur la définition de ce qu’est la monnaie ???
    Parce que j’ai la forte impression qu’en dehors de cet axiome, tout le monde dit la même chose …
    Si l’on considère la dette comme de la monnaie (car elle permet l’échange) alors il y a création monétaire ex-nihilo… sinon il y a seulement jeu comptable sans création monétaire.

  21. Avatar de Christophe
    Christophe

    Bon boulot Shiva

  22. Avatar de Étienne Chouard

    Bonjour Shiva,

    D’après vous,
    QUI crée la monnaie supplémentaire
    qui s’ajoute chaque année à la masse monétaire
    (+10% par an sur la zone euro depuis sa création) ?

    Et quelle est, pour vous, la définition du mot MONNAIE ?

    Étienne.

  23. Avatar de johannes finckh

    à tous:
    il me semble que l’on peut avancer un peu, en tout cas j’avance sans (trop) me renier toutefois!
    Je lis actuellement le texte diffusé par étienne chouard qui expose les propositions d’irving fisher.
    Cela me plaît bien, j’en dirai plus quand j’aurai terminé.
    En tout cas, après avoir soutenu la monnaie estampillée selon Gesell, Fisher propose son 100% monnaie où il tente une « déconnection » entre le circuit des dettes et celui de la monnaie centrale.
    C’est astucieux, et il me semble que cette proposition rejoint bel et bien celle de Gesell et de la monnaie fondante, car la partcularité de la monnaie fondante serait justement de circuler en toute circonstance, et elle fonctionnerait invariablement, même si tout le système bancaire faisait faillite, donc bien indépendamment de l’état des dettes et créances!
    Il n’y aurait tout simplement plus de possibilité de crise de liquidité qui est, je l’admet tout à fait, bien en rapport avec la crise de la dette en tant que cause de la crise de confiance!
    Mais il faut que je termine la lecture pour en dire plus, en tout cas c’est peut-être un moyen de me concilier avec certains économistes vraiment importants. Et si leurs propositions, parmi le meilleures, n’ont pas pu s’imposer pour le moment, ce n’est pas nécessairement de leur fait mais de celui de l’aveuglement des décideurs politiques et finaciers.
    à suivre,
    jf

  24. Avatar de schizosophie
    schizosophie

    Le crédit est de l’argent qui n’existe pas. Je précise : le crédit est de la valeur qui n’existe pas encore. Elle existerait en temps T+ mais n’existe pas au temps T. Autrement dit, en état de confiance, pour ainsi dire à l’état liquide du sytème, lorsque le régime économique vit par anticipation, lorsqu’il vit le temps T comme s’il s’agissait déjà du temps T+, le crédit est « pris pour argent comptant ». Dans ce contexte capitalistiquement idéal, l’argent vaut et sa prise en compte n’affecte pas le système. Mais à l’inverse, en temps de crise, de défiance, pour ainsi dire à l’état solide du système, le système se base sur la situation en temps T puisqu’il est prudent de supposer que le crédit ne sera pas remboursé. Aussi la crise rapproche-t-elle le système de la réalité de ses avoirs et rappelle que le crédit est de l’argent qui n’existe pas, puisqu’il est sommé de vivre au plus prêt du temps T.

    Bien entendu la crise n’est jamais tout à fait absolue : certains secteurs, notamment ceux adossés à l’Etat et les too bigs to fail, peuvent considérer que le remboursement sera partiellement assuré par l’Etat – quitte à ce que celui-ci anticipe des rentrées fiscales ultérieures en s’endettant auprès des banques, par exemple à coups de garanties invocatoires, de prêts, de baisse des taux ou de mi-nationalisations comme il le fait actuellement. Mais que fait l’Etat ainsi sinon ajouter du + au T+, autrement dit gager l’ensemble de l’équilibre systémique sur un avenir qui lui-même implique une confiance ultérieure dans des rentrées fiscales supposant une reprise de la confiance et une productive paix sociale ?

    Il s’agit donc d’un pari encore plus ample et plus lointain sur l’avenir, donc plus incertain, et ce à partir d’un contexte déjà caractérisé par une incertitude telle que les banques ont été en position d’exiger que l’Etat assumme leur propre risque. Dans ce contexte de course à l’abîme, il est bien plus sage de considérer que la valeur n’existe pas. Je comprends que les capitalistes et ceux qui y croient envisagent cette considération comme une catastrophe, puisqu’elle en est une pour eux. Mais à se laisser hypnotiser par l’adjonction toujours plus risquée et artificielle de + au T+ systémique, ils ne font que de se mettre en position d’attendre une catastrophe plus grande et plus certaine.

    Que les capitalistes et ceux qui y croient pensent assez peu collectivement pour que chacun espère que, une fois sauvé de cette phase critique-là, il parviendra à sauter du train dans de meilleurs circonstances ultérieures, sinon à survivre en dépit d’autrui, relève bien entendu de leur tropisme. Mais cette considération sociopsychologique ne change rien au caractère nécessairement vertigineux du système, ni aux effets dévastateurs que la catastrophe contribue à générer sur le mode de production capitaliste, autrement dit, dans « l’économie réelle ». Et là, nous entrons sur un registre tout autre qu’économique, mais social et politique…

  25. Avatar de MarcusH
    MarcusH

    j’ajoute, pour que l’on comprenne mon dernier message, qu’il n’y a pas qu’un problème de définition apparemment. Je ne suis pas certain en effet que Paul Jorion reconnaisse la création ex nihilo de moyens de paiement privés scripturaux au vu de ce qu’il a pu écrire antérieurement.

  26. Avatar de Christophe
    Christophe

    @Etienne Chouard

    Vous dites: »Vous oubliez apparemment que la dette de la banque, C’EST la monnaie. Précisément. »

    Mais non je ne l’oublie pas! Le problème c’est que les banques en marchant au même pas en ont fabriqué beaucoup trop de cette monnaie-dette avec très peu de monnaie centrale. Ce qui n’est pas grave si tout le monde rembourse ce qu’il doit mais ce qui est catastrophique si les gens deviennent insolvables et ne peuvent plus rembourser leur crédit.
    Voyez-vous le fait que ce ne soit pas de l’argent mais un simple moyen de paiement correspondant à une dette qui se déplace, change radicalement la façon qu’à le système de se comporter. C’est pour cela que quand vous dites que les banques créent la monnaie vous faites sous-entendre aux gens que cela ne coûte rien aux banques, ce qui est faux parce que contrairement à de l’argent, une dette sous-entend qu’on la rembourse tôt ou tard et si on ne peut pas la rembourser, c’est la faillite.
    En temps normal les dettes des banques sont équilibrées avec les créances qu’elles ont accordé aux emprunteurs et au final, au fur et à mesure que les crédits sont remboursés les dettes des banques diminuent en proportion égale mais si les emprunteurs deviennent insolvables et ne remboursent plus leur crédit, les créances sont perdues et il ne reste plus que les dettes des banques.
    Si les banques créaient de l’argent, il ne resterait rien plutôt que des dettes et les banques n’auraient qu’à retrouver de nouveaux emprunteurs pour se refaire. Force est de constater que ce n’est pas cela qui se passe.
    Mais tout cela vous le savez.

  27. Avatar de Julien Alexandre
    Julien Alexandre

    Ce qui m’étonne toujours dans ce débat (sans fin), c’est que les radicaux ne sont pas là où l’on croit!

    Quand on dit que les reconnaissances de dettes des banques sont de la monnaie quand tout va bien, mais ne le sont plus quand tout va mal, il y a là une proposition sous-entendue révolutionnant (plus idéologiquement que techniquement) le paradigme (paradoxe?) monétaire largement accepté : peut-on admettre le morphisme des propriétés d’un objet financier en fonction de son environnement?

    Quand on dit que les reconnaissances de dettes sont toujours de la monnaie, quelles que soient les circonstances, on ne fait qu’apporter de l’eau au moulin de la théorie monétaire qui prévaut depuis bien (trop) longtemps : all is money and money is all.

    Pourtant, ce sont ceux qui épousent les conclusions du second exposé qui revendiquent de « changer le système ». Et c’est vrai, mais le souci alors et que l’on change le système pour de mauvaises raisons, et qu’on hypothèque dès le départ la probabilité de parvenir à une solution acceptable, les données du problème étant mal posées. La grande majorité des économistes partagent avec certains des intervenants ici cette vue. Je me risque à dire que lorsque l’on partage les mêmes vues que ces supposés adversaires, il est malvenu de dire que seul l’un des deux se trompe… 🙂

    Les premiers eux en sont encore à comprendre pourquoi c’est problématique de considérer qu’un objet défini peut revêtir 2 états (monnaie/reconnaissance de dette) simultanément, et à imaginer comment on sort par le haut de ce paradoxe. Surtout, ils abordent l’exercice dans le bon ordre, plutôt que de proposer une solution « révolutionnaire » et de « pousser » le problème jusqu’à ce qu’il rentre dans la case qu’on lui a alloué et qui a présidé à l’élaboration de la solution.

  28. Avatar de A-J Holbecq

    La monnaie fiduciaire (billets) est au passif de la Banque Centrale: c’est donc également une dette envers le secteur public et privé non bancaire, de la même manière que les dépôts sont au passif des banques commerciales et correspondent a une dette envers le secteur public et privé non bancaire.. kif, kif

  29. Avatar de Shiva
    Shiva

    Bonjour Étienne,

    L’agrégat M3 mesure le volume des comptes des clients des IFM et la monnaie fiduciaire en circulation.

    Le volume des comptes représente une quantité de dettes en valeur monétaire et non un volume de monnaie.

    L’augmentation de M3 est liée à l’augmentation de la masse de monnaie fiduciaire et à l’expansion du crédit.

    Je me lance dans une tentative de définition de la monnaie, contraint et forcé !

    La monnaie est l’ensemble des supports généralement reconnus comme porteurs d’une valeur définie, et échangeables contre des biens ou services de même valeur entre agents économiques.

    (je ne prétends pas que cette définition soit parfaite et non amendable loin de s’en faut !)

    Une étude ancienne (2001) mais très intéressante et documentée sur les monnaies électroniques privée et l’efficience de la politique monétaire :

    http://www.banque-france.fr/archipel/publications/bdf_bm/bdf_bm_2001/bdf_bm_91_etu_1.pdf

    Voir notamment le petit encart sur les LETS (Local Electronic Trading Systems) ou les particulier manipulent directement de la monnaie électronique (privée).

  30. Avatar de schizosophie
    schizosophie

    @ Julien Alexandre

    Vous posez très bien une très bonne question : « Peut-on admettre le morphisme des propriétés d’un objet financier en fonction de son environnement ? »

    Je réponds : oui, et je dirai même plus. Cette approche est probablement plus pertinente à propos d’un objet financier qu’à propos d’autres objets plus réellement consistants. Un objet financier n’a-t-il d’autre réalité que celle définie par son environnement ? Cet objet est un signe, une instance principalement formelle et conventionnelle valant pour ainsi dire exclusivement sans qu’il soit besoin de connaître par sa signification, un truc proprement insensé. A la limite, l’objet financier est un pur signe. C’est d’ailleurs pourquoi l’histoire de la monnaie est celle d’une dématérialisation de manière à échapper aux crises partiellement liées à sa matérialité, comme il arriva à l’or espagnol du temps de l’Invincible Armada. D’abord la marchandise-valeur par nécessité, le sel permettant la conservation alimentaire par exemple, puis la pièce de métal selon sa rareté, l’estampille garantie par le seigneur puis l’Etat, l’ordre papier infalsifiable, enfin le signe simplement quantitativement énoncé émis entre banquiers et Etats dans des réseaux de communication privés et quasiment instantanés des Bourses. Que raconte cette histoire sinon celle d’une liquéfaction technologique sans cesse rattrappée par des modes de défiance amplifiés à mesure que le système s’amplifie ?

    Plus la valeur est liquide, plus il est possible de lui assurer des possibilités de plus-values spéculatives dans le temps court de sa suspension à l’égard de l’économie réelle. Le capitalisme est parvenu à un tel degré d’instantanéité des flux monétaires qu’une proportion gigantesque de valeurs détermine l’économie réelle, c’est-à-dire le mode de production par lequel se fabrique réellement la plus-value. Même les Etats et les banques s’en plaignent puisqu’ils prétendent réguler ou contrôler cette intense liquidité qu’ils appelent « volatilité ». Mais précisément en se substituant à l’environnement réel, en y faisant écran, ces administrateurs parasites constituent un environnement formel qui lui confère ce caractère volatile. Or cet environnement est celui du pouvoir, ce qui, à nouveau, nous éloigne des déterminants immédiats de l’économie mais relève du social, du politique, etc.

    Peut-être un objet est-il d’autant plus déterminé par son environnement qu’il est irréel et cependant utilisé.

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