Pourquoi nous disons en réalité la même chose, réponse à une critique de Jean-Claude Werrebrouck

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Lorsque je défends l’idée d’une « constitution pour l’économie », j’explique que quand la démocratie s’est mise en place, elle s’est arrêtée au bord de l’économie, laissant celle-ci dans un « état de nature » au sens hobbesien du terme, c’est-à-dire où l’homme est un loup pour l’homme. Les événements actuels soulignent la nécessité de sauver l’économie de la loi de la jungle qui y règne en la faisant rentrer dans le giron de la démocratie, ce qui ne peut se faire qu’en la dotant – elle et la finance qui constitue son système sanguin – d’une constitution.

Pourquoi une constitution distincte pour l’économie ? Parce que les marchés fonctionnent d’ores et déjà au niveau global et qu’une constitution pour l’économie qui se contenterait d’ajouter des articles « économiques » aux constitutions politiques nationales existantes se situerait au mauvais endroit et raterait nécessairement son but, le plus moral des États se voyant automatiquement pénalisé au plan économique (c’est ce qui explique que, comme on l’a vu récemment, le problème des paradis fiscaux étant en réalité insoluble dans les cadres nationaux, sa « solution » consista à en réécrire la définition jusqu’à ce qu’elle ne s’applique plus à aucun État). Quand Attali dit qu’il n’y a pas d’état de droit au niveau global, nous exprimons lui et moi la même idée.

Dans A propos du projet de Constitution pour l’Économie, Jean-Claude Werrebrouck présente une critique de mon approche. Werrebrouck lit dans l’histoire un mouvement en trois temps où ce qu’il appelle l’« extériorité » (une notion très proche de ce que les philosophes appellent le « transcendant ») fut successivement la religion, le politique et aujourd’hui l’économique. Au lieu de voir comme je le fais l’économie comme une enclave de brutalité au sein de la démocratie, il voit au contraire l’économique comme ayant pris le dessus sur le politique pour le dominer désormais. Et comme cet ordre économique se confond aujourd’hui avec l’« anarcho-capitalisme » rothbardien qui s’est imposé au cours des trente dernières années, ce que je lis comme une sauvagerie de l’économique au sein de la démocratie, serait en fait pour Werrebrouck, le phagocytage du politique par l’ordre économique « anarcho-capitaliste ». Il écrit :

… si l’économie est l’équivalent de la religion, en ce qu’elle est la forme nouvelle de l’irrépressible extériorité, les économistes sont-ils des clercs ou fonctionnaires de la religion des temps modernes ? Et la théorie économique est-elle l’équivalent de la théologie ?

Le cadre général décrit par Werrebrouck est donc différent du mien. Les événements récents aux États-Unis, où l’on voit les financiers que l’on pouvait penser en déroute en raison du désastre dont ils ont été la cause, prendre au contraire les rênes du pouvoir, semblent lui donner raison : il ne s’agit même pas d’un coup d’état et l’ordre économique avait bel et bien remplacé l’ordre politique, le subordonnant simplement à ses propres exigences : celles du marché, et ceci à l’échelle de la planète toute entière.

Mais cette différence dans l’analyse entre Werrebrouck et moi débouche-t-elle sur une conclusion différente ? En fait non : une constitution pour l’économie se révèle également nécessaire dans l’un et l’autre cas. Seule l’interprétation exacte de ce qu’elle représente diffère quelque peu. Pour moi une constitution pour l’économie comble un vide existant, celui que constitue l’existence d’une plage d’« état de nature » au sein de la démocratie et va se situer là où le « désordre » économique règne d’ores et déjà, à savoir au niveau supranational. Dans la perspective de Werrebrouck, une constitution pour l’économie porte nécessairement sur l’« extériorité », sur ce qui constitue actuellement un ordre transcendant et, le politique ayant été récemment subordonné à l’économique, il s’agit simplement avec une constitution pour l’économie d’une restauration du politique dans ses droits.

Mais réfléchissons-y, dans une analyse comme dans l’autre, l’économique était hors de portée du politique, soit, selon moi, parce que la démocratie l’avait abandonné à la loi de la jungle, soit, selon Werrebrouck, parce que c’est l’économique qui avait pris le pouvoir et, dans une analyse comme dans l’autre, une constitution pour l’économie parfait la démocratie, chez moi en en étendant le principe à l’économie, et chez Werrebrouck parce qu’elle rétablirait l’empire du politique sur l’économique.

Bien sûr une constitution pour l’économie ne peut se situer que là où le pouvoir économique a déjà pris ses aises : au niveau global. Les temps que nous vivons et notre capacité aujourd’hui à en analyser les tenants et les aboutissants nous font cependant comprendre à quel point nous avions pris pour la démocratie ce qui n’en était encore que les balbutiements et à quel point nous sommes encore éloignés de son idéal. Une constitution pour l’économie constituerait cependant un pas de géant dans sa direction.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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91 réponses à “Pourquoi nous disons en réalité la même chose, réponse à une critique de Jean-Claude Werrebrouck”

  1. Avatar de scaringella
    scaringella

    @Paul ,
    Mais la fraude fiscale n’est que l’un des aspects des paradis fiscaux, l’autre, plus essentiel c’est celui qui permet aux entreprises de se situer au-dessus des lois et cet aspect-là de la question, aucune solution locale ne pourra jamais le régler.

    Solution locale extremement simple: Ce qui est vendu dans un pays DOIT (loi a promulguer) etre fabrique dans ce meme pays.

  2. Avatar de antoine
    antoine

    @ Moi
    Typiquement les regles constitutionnelles sont mises à l’abri des tractactions politiques. Après on peut encore discuter sur les canons d’interprétation du Conseil Constitutionnel… (qui se paie le luxe de ne pas motiver ses avis!) mais je vois mal demain par exemple, en dehors d’un recours à l article 16, comment on pourrait remettre en question l’élection au suffrage universel par exemple o autoriser un partie à promouvoir, par exemple, l’idée d’une démocratie

    Je ne vois pas le rapport avec J. Rawls. Je parlais bien entendu du débat d’idées. Dans ce débat aux US les libertariens jouent leur partie mais ne sont pas majortaires (à côté d’eux y a les égalitaristes libéraux, les real-libertariens, les démocrates rawlsiens ou autre, les communautariens, les partisans de lagalité complexe, etc etc).
    (A moins que vous n’assimiliez Rawls à un libertarien, mais ca m’étonnerait que ce soit ça… Rawls faisant des structures de base de la société dont l’économie est une partie fondamentale le nouvel objet du « contrat social »). Dans les faits en revanche

    Mon propos est juste de dire que nous ne partons pas de zero dans un projet éventuel de « constitution pour ‘économie », que le terrain a déjà été en grande partie labouré (sauf en ce qui concerne la monnaie). Il existe au moins une dizaine de courants anti anarcho-capitalistes ou anti-minarchistes, qui n’ont souvent rien à voir les uns avec les autres. Si la Constitution se borne à interdie certaines pratiques associées au courant libertarien on n’a effectivement pas besoin de
    se justifier autant. Toutefois, s’il s’agit de promouvoir certaines règles effectives de coopération sociale, alrs il est du devoi de ceux qui veulent donner un statut constitutionnel à leurs prféences politiques qu’ils soient capables de les justifier non pas seulement contre les libertariens, mais aussi contre tous ces courants alternatifs eux ausi anti-libertariens. Et on ne peut pa aire ça sans engager le débat avec Rawls, Dworkin, ou Walzer pour ne citer qu’eux.

    Quant à ceux qui font du religieux une forme archaique du politique je répond que l’autonomisation des deux sphères s est faite en Europe selon des modalités propres, liées en grande partie aux croyances religieuses elles-mêmes. C’est d’ailleurs pour ça que le judaisme et l Islam décrivent le christianisme comme la religion de la sortie de la religion… et que tous nos concepts politiques sont des sécularisations de concepts théologiques (Etat, souveraineté, état de nature… etc). La thèse du religieux archaique implique une definition partiale du politique, un définition partiale de ce qui est religieux (de quel droit met-onsur le même plan, si ce n’est par commodité, le christianime et le paganisme antique, telle ou telle secte aec la religion Vaudou, d quel droit appelle t-on hindouisme « une » religion qui par définition exclut l’idée même de se qualifier par un terme générique tel que « hindouisme »?).
    Ou comment les européens essaient d imposer la supériorité en valeur de leurs « choix » politiques d’européens (dû non seulement au message du christanisme mais aussi aux guerres de religions) sur le « choix » fait par d’autres civilisations. La Religion et l’Etat sont deux modes de régulation des conflits. L’un n’est pas moins archaique que l’autre. Le politique y prend simplement des formes diverses.

  3. Avatar de antoine
    antoine

    je voulais dire ans le premier paragraphe, l’idée d’une République catholique ou islamique.

  4. Avatar de Moi
    Moi

    @antoine: « Typiquement les regles constitutionnelles sont mises à l’abri des tractactions politiques. Après on peut encore discuter sur les canons d’interprétation du Conseil Constitutionnel… »

    Nous divergeons dès le départ. Une contitution n’est pas a-politique, elle exprime l’état du rapport de forces politiques au moment où elle est édictée et ensuite on essaye de figer cette situation en la proclamant non-négociable. La constitution américaine, par exemple, est clairement libérale, elle n’est pas neutre. Si je suis islamiste, je peux la ressentir comme une oppression.
    Et elle n’est pas à l’abri des tractations politiques puisque outre les amendements, elle peut être abrogée. On ESSAYE juste de la mettre à l’abri des tractations politiques en la proclamant sacrée et intangible, de manière à figer la domination d’une position politique sur les autres.
    Je vous répondrai sur la suite lorsque j’aurai plus de temps, sinon je vais encore dire des bêtises. 🙂

  5. Avatar de Ybabel
    Ybabel

    Georges Stiglitz arrive à la même conclusion concernant l’extériorité. Il nomme cela le « déficit démocratique » pour parler de cette caste supra-nationale qui impose ses lois par delà les démocraties

  6. Avatar de Karluss (hervé)
    Karluss (hervé)

    Faut-il passer par un stade de dictature de l’économique pour permettre à celle-ci de se réaliser pleinement et globalement, puis ensuite l’apprivoiser par une Constitution. La horde barbare des financiers sera régulée par cette Constitution.

  7. Avatar de Ybabel
    Ybabel

    Citation chinoise (je ne sais plus politicien) : la démocratie, ca marche quand tout va bien !

  8. Avatar de Moi
    Moi

    @antoine : « La Religion et l’Etat sont deux modes de régulation des conflits. L’un n’est pas moins archaique que l’autre. Le politique y prend simplement des formes diverses. »

    Je relève juste ceci, pour le reste je n’ai rien à y redire.
    Certes le politique y prend des formes diverses, mais du point de vue démocratique la religion est plus archaïque car elle empêche le débat politique sur les dogmes, etc. Autrement dit, la religion fige un choix politique et le soustrait au débat public (tiens, ça me rappelle la constitution américaine). L’économie n’a pas d’autre but lui aussi: faire passer des choix politiques pour non-négociables, naturels, inéluctables.
    En résumé, la religion comme l’économie sont plus archaïques en ce qu’ils posent une transcendance en dehors du politique. Bien entendu, cette transcendance n’existe pas et aussi bien la religion que l’économie font en réalité de la politique.

  9. Avatar de MarcusH
    MarcusH

    billet d’humeur facile et gratifiant

    une constitution économique mondiale ? une gouvernance mondiale ? Les mauvaises langues conspirationnistes pourraient y voir quelque accointance avec le mondialisme Messieurs…

    Pour mémoire, and for fun, un petit extrait de l’autobiographie de M. David Rockefeller :
    « For more than a century ideological extremists at either end of the political spectrum have seized upon well-publicized incidents such as my encounter with Castro to attack the Rockefeller family for the inordinate influence they claim we wield over American political and economic institutions. Some even believe we are part of a secret cabal working against the best interests of the United States, characterizing my family and me as « internationalists » and of conspiring with others around the world to build a more integrated global political and economic structure – one world, if you will. If that’s the charge, I stand guilty, and I am proud of it. »

    Bon évidemment, on pourra riposter, et à juste titre, que ce n’est pas la même gouvernance mondiale qui est souhaitée par Rockefeller & Co. et certains intervenants de ce blog à qui je prête volontiers toutes les meilleures intentions du monde. [Néanmoins (petite digression), les références à Attali, pour connaître un peu les turpitudes du personnage (vous non ?), me laissent relativement circonspect…]

    Bon j’en viens à mon propos. Je trouve éminemment légère l’argumentation légitimant l’impératif de global dans les modes de sortie de crise et de régulation pour l’avenir. L’économie étant globalisée, seule une constitution économique mondiale serait à même de nous aider. Sophisme péremptoire ou évidence qui se passe de développement ? Je pencherais pour le sophisme dogmatique et paradigmatique. Ben oui, penser les concepts et principes d’un nouveau système constitutionnel économique qui règlerait tous nos problèmes et organiserait nos échanges à venir est intellectuellement stimulant et permet des projections théoriques séduisantes. Et puis, dans notre économie de marché, on voit mal comment il pourrait y avoir des solutions autres que globales. Etc., etc.

    Moi, je vois ici la marque d’une certaine étroitesse appelez ça comme vous voulez, à une incapacité ou une absence de volonté de penser en dehors des présupposés qu’on nous inflige. Restez sur les sentiers battus nous dit TINA…

    L’exercice proposé n’est pas dénué d’intérêt, ce n’est pas ce que je veux dire. C’est plutôt l’impasse qui est faite sur les écueils politiques d’une telle démarche qui m’interroge. L’avènement d’une technocratie hors de contrôle, en but aux intérêts peu recommandables n’est-elle pas une problématique dont le traitement s’impose dans ce genre de discussions ? A moins que vous ne soyez, vous aussi, pour la direction d’une élite économique et financière ? Comment penser globalisation de l’administration sans son corollaire pervers : l’accroissement de la distance entre administrants et administrés ? La démocratie ne serait-elle pour vous qu’une vue de l’esprit qui ne peut être à l’agenda des contingences ? N’y a-t-il aucune expérience qui vous donne envie d’y croire ? L’apathie serait-elle génétique ? La décision de principe collective impossible ?

  10. Avatar de Michel MARTIN

    @Moi,
    Que la transcendance soit une construction humaine, pas de doute là-dessus. Sur le fond, je n’ai pas de réponse.
    Si on continue à dévorer la planète et vivre au crédit de notre écosystème sur notre lancée, il me semble que le candidat à la prochaine transcendance pourraît être « le milieu », ou mieux l’écosystème, ou mieux, le Grand Manitou!

  11. Avatar de blackhole
    blackhole

    Démocratie, un peu d’humour, quoique:

    Bernard Pivot (émission Apostrophe) demande à Pierre Desproges s’il est démocrate:
    Il réponds: « Non…La démocratie c’est la loi du plus grand nombre. Et le plus grand nombre ce sont les gens qui regardent Sabatier. Que ces gens là votent je trouve cela scandaleux! »

  12. Avatar de logique
    logique

    Créer une constition mondial, c’est un peut comme créer une nouvelle organisation mondial. Hors nous avons deja une organisation mondial L’ONU qui a comme mission de protéger les droits de l’homme ainsi que sa sécurité. Il ne me semble pas que cette organisme est réussi quoi que se soit, sinon de permettre a certains privilègier de vivre confortablement au frais de la princesse. La constitution des droits de l’homme n’est deja pas appilqué alors qu’elle est sencé protéger les droits fondamentaux des êtres humains. Mrs Jorion croyer vous réellement qu’une constitution économique gerer par une organisation mondial de l’économie (production de bien et production financière) aura plus de chance d’être suivi a la lettre. Ont a daje l’OMC qui tente avec l’inssucés que l’on connais de mettre d’établir les regles du commerce mondial. Je pense que votre croyance dans l’efficacité des institutions depasse de beaucoup le constat réel de leur efficacité.

    Mais l’idée par elle même reste seduisante puisque son objectif serait de réglementer. Mais sachant que monsieur attali est aussi seduit par se genre de proposition, cela m’inquiète plus que cela me rassure. Puisqu’il n’a jamais vraiment été contre la déreglementation.

  13. Avatar de blackhole
    blackhole

    @MarcusH

    Assez bien d’accord avec vous!

    Et cette constitution mondiale serait bien sûr celle de la vision occidentale (voire anglo-saxonne) dans la même veine que l’ONU ou les Droits de l’Homme (blanc)

  14. Avatar de Bertrand
    Bertrand

    @Moi :

    « L’économie n’a pas d’autre but lui aussi: faire passer des choix politiques pour non-négociables, naturels, inéluctables. »

    C’est exactement ça, mais ça ne date pas d’il y’a 30 ans. Disons que la « sciences » économique (une science molle par excellence) rendra possible et diffusera l’idéologie de la mondialisation sans entrave. Marx dans les Grundiss posait le postulat comme suit, de la nécessité du Capital a élargir et à surmonter les barrières de la circulation et de l’échange :

    « La surproduction rappelle brusquement au capital que tous les éléments sont nécessaires à sa production, car c’est cet oubli qui a provoqué une dévalorisation générale du capital. Celui-ci est donc obligé de recommencer sa tentative, mais à partir d’un stade toujours plus élevé du développement des forces productives, et avec la perspective d’un effondrement toujours plus grand du capital. Il est donc clair que plus le capital est développé, plus il apparaît lui-même comme une entrave à la production, et donc aussi à la consommation, abstraction faite de toutes les contradictions qui le font apparaître comme entrave fâcheuse de la distribution et de la circulation. Tout le système du crédit ainsi que les excès du commerce et la surspéculation qui en découlent, proviennent de la nécessité d’élargir et de surmonter les barrières de la circulation et de l’échange… » ( Grundiss Tome I p 373-374)

    Il est alors logique que les promotteurs du Capital aient modelé la théorie économique à cette observation. Le Capital n’avait plus qu’à disposer à sa botte des démocraties libérales qui en plus d’ouvrir leurs frontières au « doux commerce » étaient le point d’ancrage de toute la philosophie libérale, et du libéralisme économique comme science molle. Cependant, cela n’a rien d’anarcho capitaliste en tant que tel : Il n’existe aucune nation dîte développée qui n’ait pas vue sa dette exploser. Il n’existe aucune nation capitaliste qui correspondrait aux canons « anarcho capitaliste », tout simplement parce que le Capital sans ETAT est une vue de l’esprit, ça ne peut pas exister, sauf dans les fables libertariennes du Von Mises Institute ! Et c’est justement parce que gouvernements et big business ne font plus qu’un, qu’on se retrouve à un point de l’histoire ou si une constitution pour l’économie est justifiable (pas de paris sur les prix) elle s’opposera à la démocratie libérale frontalement (la démocratie n’étant qu’un moyen pour que le Capital d’étendre son ombre).

  15. Avatar de Jean Louis Bars
    Jean Louis Bars

    Décidément ,je n’y comprends pas grand chose ou alors est-ce que les « casseurs » d’élan se mettent au travail de sape ,avant même la pose de la première pierre ?
    Cela me fait penser à la tour de Babel et sa confusion..

    Monsieur Jorion,j’epense que vous auriez tort de ne pas accélérer le mouvement initié.
    Nombre de semi sceptiques et qui ont raison de dire leurs opposition,questionnement,inquiétude….seraient,j’en suis convaincu,prêts à apporter leur pierre à l’édifice et heureusement.

  16. Avatar de Michel MARTIN

    Proposition de principe économique pour une économie durable et équitable.

    Les ressources en matière et en énergie sont limitées, c’est un fait indiscutable. L’économie actuelle se heurte à cette réalité puisqu’il lui faut continuer à gaspiller les ressources pour redonner de la croissance et redistribuer de l’emploi. Le principe usuel de cette économie est que plus un produit ou un service est produit en grande quantité et plus son prix sera faible. Ce principe est incompatible avec une gestion équitable et durable de ressources limitées.

    Enoncé du principe (malthusien par essence) d’une économie équitable et durable: Le prix des biens et des services intégrant des ressources en énergie et en matière qui sont limitées doit augmenter avec la quantité produite ou consommée.

    Ce principe est déjà appliqué pour un certains nombre de situations. Par exemple, certaines communes doivent gérer une ressource en eau limitée. Dans ce cas, au-delà d’une certaine quantité consommée par usager, le prix grimpe rapidement.

    L’idée de ce principe de régulation est de relocaliser et redistribuer l’activité afin de contrebalancer la voracité de notre modèle et son penchant pour l’hyperconcentration.

    Bien entendu, le marché comporte un effet régulateur lié à la rareté relative (tension actualisée entre offre et demande) qui fait que si on gaspille une ressource, son prix limitera son usage. Mais ce principe est incapable de résoudre efficacement un cas comme celui de la destruction de la forêt boréale du Canada, par exemple, où la régulation (mondiale) n’a qu’un effet limité et tardif sur cette destruction locale.

    Note: un principe social (économique dans ce cas) est issu de choix dont la cohérence n’est jamais complète, ce qui justifie l’existence d’exceptions à l’application de ce type de principe. Il demande donc à être manié avec souplesse.

  17. Avatar de antoine
    antoine

    @ Moi
    Il y a deux choses différente: le bloc de constitutionnlité des lois et l’institution « cours suprême ».
    Toutes les lois n’ont pas vocation à être intégrées au bloc de contitutionnalité (je crois qu’on peut facilement argumenter pour intégrer les lois sur la circulation des flux de capitaux à ce bloc, étant donné que tout ça est directement une question de « souveraineté »). Par ailleurs ces lois ne sont pas facilement modifiables!!!! Rien à voir avec les lois ordinaires. On peut certes les contourner, mais c’est là une autre question.

    Ce n’est pas un hasard si la théorie démocratique a éprouvé le besoin de créer une nouvelle instance: les cours suprêmes (on n’en trouve quasiment aucune trace au XVIIIe). Je renvoie à la théorie de la Constitution de C. Schmitt.
    Quand on dit « constitutionel », ca veut concrêtement dire que, en droit, quand bien même il y aurait 90 pourcents du peuple français en faveur de l’instauration d’une république islamique ou d’une monarchie absolue, ceci ne pourrait être fait. C’est un « atout » qui bat n’importe quoi (sauf le referendum… et je passe les détails tortueux de la doctrine sur ce point). C’est en cela que ce qui est constitutionnel n’est pas ouvert aux tractations entre les partis. Et comment pourrait-il en être autrement, puisque ce sont ces règles mêmes qui structurent la vie politique? (je parle donc seulement ici des règles procédurales, le débat portant sur la question de savoir si ces libertés positives priment ou pas les libertés négatives sur le plan constitutionnel, ou si les libertés négatives devraient même garder ce statut reste ouvert).

    Si vous êtes islamiste (ou neo nazi en Allemagne) vous ressentirez une gêne. Mais de toute façon dès le départ vous n êtes pas démocrates et revendiquez la non appartenance à la communauté politique dans son ensemble. Vous n’avez pas voix au chapître et c’est tout a fait normal. Ceux qui refusent certaines libertés à leurs adversaires ne peuvent pas exiger en droit qu’on respecte ces libertés pour eux mêmes… Au nomd e quoi? De ce qu’ils refusent? De ce qui pour eux ‘existe pas? Ceci nous ramène à l’idée de constitution: une constitution définit la forme politique de l’organisation d’un peuple. A proprement parler, les lois de la finance ne sont pas directement concernées et n’ont pas leur place au niveau constitutionnel car on peut très bien les rejeter tout en acceptant le cadre politique dans son ensemble. Or en théorie on ne devrait pas pouvoir renier ne serait-ce qu’une loi constitutionnelle sans être ipso facto dans le camps d’un royaliste/neo-nazi ou autre. Si c’est possible, c’est parce que nous avons fait n’importe quoi sur le plan juridique (au nom de la sacrosainte « hiérarchie des normes »… encore une belle c…)

    Le problème, c’est que ce qui est constitutionnel tend à devenir un refuge pour n’importe quoi. Une constitution définit l’armature d’un peuple, la façon dont il se constitue, son corps juridique et moral (au sens ou la constitution impose la figure morale du citoyen, vidée de sa substance dès qu’il n’y plus de devoirs mais seulement des droits à ceci ou à cela). En fait pour bien faire il faudrait distinguer la constitution comme politeia (comme idéal politique et moral d’organisation de la communauté politique) et la constitution comme constitutio (comme phénomène juridique).

    « Et elle n’est pas à l’abri des tractations politiques puisque outre les amendements, elle peut être abrogée. On ESSAYE juste de la mettre à l’abri des tractations politiques en la proclamant sacrée et intangible, de manière à figer la domination d’une position politique sur les autres »
    Je suis bien d accord, donc, qu’il y a un monde enre la théorie et la pratique. Reste que certaines choses doivent être mises à l’abri dans une démocratie. Et ceci non pour des raisons non pas liées à une quelonque entreprise de domination mais pour des raisons de cohérence ( la cohérence c’est le minimum que doit la majorité à la minorité). On ne fige pas « n’importe quoi » au niveau constitutionnel. Et on ne peut pas le figer « n’importe comment ». La frontière entre les deux c’est celle des bornes du « desaccord raisonnable, c’est à dire qui restent à l’intérieur du cadre démocratique de « respect mutuel entre égaux ».
    De toute façon y a pas cinquante solutions: ou bien les citoyens font passer ce rôle de citoyen AVANT tous les autres (époux, père, ami, croyance X ou Y pour les plus nobles, et pouvoir, argent pour les moins nobles par exemple, et on a une vision à peu près coopérative de la société parce qu’il existe de facto une « communauté politique », toute les revendications se faisant sur l’espace public au nom des valeurs partagées associées à cette communauté (et ca laisse suffisament de place pour le désaccord), ou bien on est d abord ouvrier ou d’abord rentier ou d’abord je ne sais pas quoi… medecin ou « classe moyenne » ou etc…, et à terme c’est la guerre civile larvée… ou ouverte. C’est là la différence entre une société juste reposant sur une théorie politique susceptible de faire l’objet d’un consensus par recoupement, et une théorie politique reposant sur un modus vivendi.
    Toutes les visions qui reposent sur une conception antagonistes de la société (marxistes weberiennes…) sont dangereuses et ne sont pas plus vraies que celles reposant sur une concetion plus coopérative ou consensuelle, bien qu’elles friment en se présentant comme « plus radicales » (Durkheim, les anthropologues, les penseurs « classiques »). Parce que l’homme est animal politique qui vit « en société », la coopération est première (ce n’est qu’au niveau du partage des fruits de la coopération qu’il y a desaccord)
    Disons que l’ordre constitutionnel devrait représenter la partie coopérative, et l’ordre de la loi ordinaire exprimer le désacord raisonnable entre les partis sur le partage des fruits de la coopération sociale, par exemple. Mais à moins de ne pas être démocrate, on ne peut pas dire du conseil constitutionnel qu’il n’est là er n’a été créé que pour entériner les décisions de tel ou tel groupe dominant…

    Tout comme est fausse la vieille « thèse » (pompée à Feuerbach, qui n’y comprenait pas grand chose en la matière) de la religion comme « opium du peuple » (alors que c’est l’Histoire, l’opium du peuple -le sang, la terre, les morts- … ou les Loisirs -les jeux romains, l’industrie de la diversion -du divertissement, le star system, la pub, les marques…), est fausse sur le plan descriptif et parfaitement stérile sur le plan normatif (on ne peut rien en tirer de constructif) la thèse caricaturale marxiste du droit comme « superstructure ».

    Ce que je dis là vaut du droit national. Pour ce qui est du droit international, c’est un pur rapport de force entre puissances… Je suis là parfaitement de votre avis. Ce sont toutes ces structures (FMI, OMC…) dont il est question dans le billet de Paul.
    Je propose qu’on commence par la question du… protectionnisme dans une constitution pour l’économie. Ses différentes formes, ses enjeux…

  18. Avatar de Dissonance
    Dissonance

    @Paul

    Sortons 5 minutes de l’exégèse de vos théories à vous et Werrebrouck 🙂 , et intéressons nous à leur mise en pratique:

    Deux questions me viennent en premier lieu:

    – Qui pour rédiger une telle constitution?

    – Qui pour contrôler son application?

  19. Avatar de MarcusH
    MarcusH

    @ Antoine

    « Quand on dit “constitutionel”, ca veut concrêtement dire que, en droit, quand bien même il y aurait 90 pourcents du peuple français en faveur de l’instauration d’une république islamique ou d’une monarchie absolue, ceci ne pourrait être fait »

    Sans m’attarder sur l’exemple pris, sujet à polémique et inutile ici, je trouve justement que cette proposition pose problème. Ce n’est pas une bonne chose du tout qu’une constitution bloque par exemple une certaine volonté citoyenne, d’ordre constitutionnel, et représentant 90 % des individus d’une population. La constitution elle-même devrait contenir une certaine ouverture rendant possible l’intégration de cette volonté dans la constitution. Pourquoi, la population n’aurait par exemple pas droit, sous conditions évidemment, à l’initiative d’un referendum ?

    « A proprement parler, les lois de la finance ne sont pas directement concernées et n’ont pas leur place au niveau constitutionnel car on peut très bien les rejeter tout en acceptant le cadre politique dans son ensemble »

    Si les lois de finance ne font pas partie du bloc de constitutionnalité, la LOLF, elle, en fait partie, et n’est pas neutre idéologiquement. Avec elle, on a constitutionnalisé le culte de la performance, qui dans bien des cas, se révèle particulièrement stupide.

    Je relèverai enfin, qu’il n’est pas si difficile que ça en France, pour un chef d’État de modifier la constitution. La majorité de 3/5 de parlementaires, dans un régime de bipartisme (avec 2 partis qui sur les fondamentaux de l’économie se rejoignent) où le Parlement est relativement aux ordres, n’est pas très difficile à obtenir. On l’a vu récemment.

  20. Avatar de bernard
    bernard

    @JYB

    Tout à fait d’accord!

    Sauf un bémol sur la phrase suivante que je conteste au niveau de son article 1

    « La constitution économique existe déjà (article 1: le respect du droit de propriété).  »

    Le droit de propriété ne fait pas partie de la vulgate politique, ni des « démocraties » du type «  »consensus oligarchique bipartisan » » occidental, ni des « dictatures » qu’on leur oppose classiquement.

    Bien sûr, on est (a été?) du bon côté du manche depuis longtemps, colonisateurs plutôt que colonisés.

    Mais quid de cette protection de la propriété, sur le terrain du bien commun environnemental (air, eau…) ou des moyens de production ??

  21. Avatar de Moi
    Moi

    @antoine :

    « Quand on dit “constitutionel”, ca veut concrêtement dire que, en droit, quand bien même il y aurait 90 pourcents du peuple français en faveur de l’instauration d’une république islamique ou d’une monarchie absolue, ceci ne pourrait être fait. »

    Exact, c’est bien ce que je disais aussi, et vous faites bien de préciser « en droit » car dans les faits nous aurions alors l’instauration d’une république islamique et d’une nouvelle règle qui se proclamerait elle aussi intangible. Mais peu importe ce qui arriverait dans les faits, ce que vous dites est bien la preuve que ce droit n’a rien de démocratique (tout comme un dogme religieux) car « quand bien même il y aurait 90 pourcents du peuple français en faveur »…

    « C’est en cela que ce qui est constitutionnel n’est pas ouvert aux tractations entre les partis. »

    Pour mieux dire, ce qui est constitutionnel (dans le sens où vous l’entendez, à la façon américaine) n’autorise que les positions politiques qui ne s’y opposent pas. Encore une preuve de la non pluralité de la constitution. Il s’agit de la domination sans contestation du parti libéral (avec ses nuances de droite ou de gauche).

    « Et comment pourrait-il en être autrement, puisque ce sont ces règles mêmes qui structurent la vie politique?  »

    Sont-ce des règles nécessaires à la vie politique? Non, nous pourrions en avoir d’autres sans que la vie politique disparaisse (même dans un régime islamique, il y a une vie politique, quoique structuré différemment). Donc ce sont des règles politiques et non des règles a-politiques qui conditionnent la possibilité de la politique.
    Autrement dit, ces règles libérales structurent la vie politique de manière à ce qu’elle ne sorte pas du cadre libéral.

    « Mais de toute façon dès le départ vous n êtes pas démocrates et revendiquez la non appartenance à la communauté politique dans son ensemble. Vous n’avez pas voix au chapître et c’est tout a fait normal. Ceux qui refusent certaines libertés à leurs adversaires ne peuvent pas exiger en droit qu’on respecte ces libertés pour eux mêmes… »

    Non, ce n’est pas normal. Une démocratie doit accepter les revendications non-démocratiques de ses membres ou alors elle n’est pas le régime de la majorité de ses membres. La seule chose qu’une véritable démocratie puisse interdire, c’est le recours à la violence dans le jeu politique, pas que son fondement soit contesté. Et cette interdiction de la violence se justifie aisément en démocratie (contrairement aux autres régimes) par le fait que le peuple peut changer de régime par la voie pacifique; nul besoin de recourir à la violence si le peuple veut passer à un régime théocratique par exemple.

    Pour résumer, votre position est je crois que la constitution est une règle neutre (ce qui vous permet d’évacuer d’un revers de main la critique marxiste). Je constate l’inverse. Je pense même qu’une constitution ne peut être neutre, par contre elle peut être démocratique, c’est-à-dire ouverte à l’évolution de la volonté de la majorité.

  22. Avatar de MarcusH
    MarcusH

    @ Moi

    « Exact, c’est bien ce que je disais aussi, et vous faites bien de préciser “en droit” car dans les faits nous aurions alors l’instauration d’une république islamique »

    j’ai l’impression de rêver ! le droit est donc selon vous une barrière anti démocratique nécessaire ? Il doit pouvoir s’opposer à une volonté ultra majoritaire jugée déraisonnable par une ultra minorité ?
    Si 90 % des Français voulait une République islamique (on nage en pleine science fiction et par les temps qui courent, j’ai peur que cet exemple n’altère la raison), et bien, je ne verrais pas d’argument moral pouvant s’y opposer, et ce même si je n’adhère pas.

    bref, drôle de conception du rôle assigné au droit fondamental.

    je redemande, vous êtes contre le principe du referendum d’initiative citoyenne ?

  23. Avatar de Pascal C.
    Pascal C.

    Ce qui est assez paradoxal dans cette discussion est que c’est l’économiste (Werrebrouck) qui fait de l’anthropologie.
    Mais il est vrai que l’anthropologie n’est pas une science.

  24. Avatar de Moi
    Moi

    @MarcusH :

    « le droit est donc selon vous une barrière anti démocratique nécessaire ?  »

    Marcus, relisez-moi, je dis exactement la même chose que vous. Je dis que selon la conception d’Antoine (et selon la pensée libérale américaine), le droit est une barrière anti démocratique nécessaire. Je ne dis pas qu’il doit en être ainsi. Je finis même par: « Je pense même qu’une constitution ne peut être neutre, par contre elle peut être démocratique, c’est-à-dire ouverte à l’évolution de la volonté de la majorité. »

  25. Avatar de MarcusH
    MarcusH

    @ Moi

    autant pour moi ! 🙂

  26. Avatar de antoine
    antoine

    @ Moi
    Je ne dis pas que c’est une barrière anti-démocratiqe nécessaire.
    Pour être honnete, je ne sais pas trop quoi en penser in fine. Je goute assez peu cette histoire de « hiérarchie des normes », qu renvoi à un droit purement formel.
    Je me borne juste à exposer succintement la justification historique de cet ordre constitutionnel qui s’est peu à peu imposé au XXe siècle dans les démocraties occidentales ( après les formes de césarismes ou de dictature post-constitutionnelles des années 30).
    Le droit contitutionnel est aussi et surtout une garantie de protection des gouvernés contre le risque d’arbitraire gouvernants/de propagande de masse. En cela il n’est pas non démocratique mais au contraire démocratique.

    Ceci implique il est vrai un conflit entre deux interprétations de la démocratie. La première qu’on appelle « procédurale » et la seconde qu’on appelle « aggrégative ». Pour moi la conception aggrégative n’est rien d’autre que la dictature de la majorité… elle n’a rien de « démocratique » ou « d’honorable » pour moi. La conception procédurale, purement formelle et dépourvue de contenu substantiel, vide la démocratie de son sens (Il ne suffit pas d’avoir des élections libres et une séparation des pouvoirs pour faire une démocratie; c’est une culture qui nécessite une « fonction publique » et en Irak les US ne vont rien créer d’autre qu’une dictature chiite camouflée derrière des institutions démocratiques puremen formelles). Au fond je n’apprécie ni l’une ni l’autre.

    Admettons que vous soyez juge, et que vous deviez rendre un avis:
    – Allez vous imposer votre opinion de juge à titre personnel)?
    – Allez vous considérer que chacun fait ce qu’il vaut tant qu’il ne viole pas les droits d’autrui?
    – Allez vous vous « caler » sur l’opinion de la majorité parce que c’est l’opinion de la majorité?
    (choisissons une question au hasard, qui n’implique pas directement la notion de « classe sociale »: le mariage gay/lesbien/trans ou la polygamie… ou n’importe quelle question de bioéthique)
    Vous êtes du côté procédural si vous choisissez 2/ et du côté aggrégatif/communautarien si vous choissez 3/ Vous n êtes pas démocrate si vous choisissez 1/
    Ce sont là des questions compliquées. Peut-être n’y a t-il pas de « bonne réponse » à ces questions.

    En tout cas en ce qui me concerne, je préfère une conception normative, substantielle, de la démocratie; c’est à dire un idéal politique et moral dans lequel les devoirs priment le reste (c’est un retour à la philosophie politique classique). La question fondamentale pertinente pour moi est: qu’est ce que nous nous devons mutuellement les uns les autres, en tant que citoyens/membres de la communauté politique? Quelle est la loi fondamentale de l’association politique? Que pouvons nous obliger le autre à faire, avec le recours à la violence comme ultima ratio? De ceci découle ce que nous nous devons en tant que banquiers/salariés/ect etc… C’est pourquoi les questions de déontologie ne sont pas pour moi des questions d’éthique mais des questions politiques au sens noble. Nous pouvons etre en desaccord sur le contenu de ces devoirs mutuels ou leur étendue (un libéral a tendance à les limiter alors qu’un républicain les étend assez loin: ex de la « non assistance à personne en danger »). Je crois que c’est dans cette perspective que nous devrions aborder le problème de la monnaie/credit, de la « com », de l’influence ou des paradis fiscaux par exemple.
    Pour moi l’ideal normatif est celui qui court de Machiavel à Rousseau (et certaines interprétations situées entre Walzer et Rawls): c’est une interpétation de la liberté comme « non-domination » (et non pas comme « libre choix » comme pensent les libéraux). Les citoyens sont libres quand ils ne sont pas dominés. Ni en externe par une puissance étrangère. Ni en interne par d’autres citoyens. On pourrait dire que cette conception fait de la « fraternité » le meilleur compromis entre liberté et égalité. C’est là le minimum qu’ils se doivent les uns les autres. Fondamentalement je pense que c’est pour cela, sans en être sur, que je suis assez hostile à la conception aggregative de la démocratie , qui institue la « dictature de la majorité » et ne constitue nullement une assurance contre la domination.

    Je espère avoir été plus clair… même si ca ne répond pas forcément à la question posée… Mais c’est vrai qu’il y a différentes conceptions de la démocratie. Les « démocraties populaires » en sont un autre exemple. La « démocratie participative » est encore quelque chose d’autre… Ce sont des conceptions substantielles concurrentes de celle à laquelle je sui attachée (qui peuvent la compléter sur certains points). Aucune de cesconceptions néanmoins n’est compatible avec la conception sociale-démocrate qui va là ou la guide le rapport de force dominant au moment t. A chaque fois l’ordre juridico-légal joue un rôle différent, et les canons de l’interprétation sont différents… ils dépendent donc moins de la place de la classe dominante au pouvoir que de la conception qu’on se fait de la « démocratie ».

  27. Avatar de antoine
    antoine

    Je n’ai rien contre le référendum d nitiative populaire. Simplement j’estime que ce n’est pas la procédure qui définit la nature démocratique ou non de la mesure adoptée, mais la conformité de cette dernière à un idéal politique et moral de respect mutuel entre égaux.
    A l ‘intérieur de ce cadre, si on doit arbitrer entre divrses options possibles reposant chacune sur une interprétation partculière du sensde l’association politique ou des fins que devrait poursuivre la communauté dans l’intérêt de chacun c’est une procédure tout à fait valable.
    S’il s’agit de discuter du cadre et d’imposer une dictature islamiste par exemple, et bien je dirais que de même que la licence est le degré zero de la liberté (comme dirait Descartes) la conception aggrégative est le degré zero de la démocratie (même un penseur musulman comme Al Farabi, critique de la démocratie l’élève plus haut que ça… il faut dire que pour eux la question du meilleur régime est encore une question de « sagesse » ou de « raison » et non pas comme ce le sera plus tard une question de « volonté » quelle qu’ele soit).La dictature islamiste – par définition – n’est pas un régime démocratique.
    C’est vrai qu’on a l habitude de dire/lire que « la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». C’est vrai, mais ca ne garantit en rien que la mesure referendaire adoptée remplit ces critères. Si dans le scret de l’ isoloir je me fonde sur ce que me prescrit ma religion en sachant trè bien que ce sur quoi je me fonde ne serait pas accepté comme base de discussion commune légitime par tous les citoyens (au contraire des ideaux constitutionnels), je trahis le sens des institutions et je viole le principe de respect mutuel entre egaux. Ce vote ne vaut rien, en ce qui me concerne, serait-il partagé par 99 pourcents de la population (il ne faut même plus parler de « peuple » mais seulemnt de communauté quand on en arrive là…).
    Celà dit je veux bien admettre dans ces conditions que la démocratie est un régime schizophrène reservé à un peuple de Dieux… qui donc n’en auraient pas besoin 😉

  28. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ antoine,

    D’accord avec toi sur la nécessaire distinction politeia/ constitutio, je te cite: « En fait pour bien faire il faudrait distinguer la constitution comme politeia (comme idéal politique et moral d’organisation de la communauté politique) et la constitution comme constitutio (comme phénomène juridique). »; mais la constitutio doit inclure la possibilité de s’améliorer en cours de route au lieu de sombrer ds l’economiscisme, donc tendre cette fois vers l’émergence de la politeia. Si cette possibilité n’est pas inclue et non négociable dans les constitutions, les dérives de sens contraire nous ramèneraient alors là où on en est.

    A l’inverse et si tel était le cas dans le principe, et chaque société-état faisant de même, la question de l’universalisation impossible d’une constitution pour l’économie n’aurait plus lieu d’être de chacunes garder les particularités propres à leurs cultures, dont la distinction-indistinction politique/religion!

  29. Avatar de antoine
    antoine

    @ Moi
    Pour résumer:
    La démocratie (qui n’est pas plus libérale que « non-libérale »… comme type de régime existant bien avant l’invention du libéralisme politique!) n’est donc pas pour moi un régime politiquement « neutre ». Elle n’est pas le gouvernement de la majorité mais la réalisation d’un certain idéal politique et moral de respect mutuel entre égaux (que voulez vous mettre à la place?). Ce faisant elle n’a pas, à ce titre!, à accepter les non-démocrates qui ne se considèrent pas comme des égaux mais qui se considèrent comme supérieurs à leurs semblables, car 1/ ne partageant pas cette conception de la liberté comme « non-domination » et 2/souhaitant se voir appliquer des règles qu’ils ne veulent pas voir appliquées aux autres. Cette conception n’est pas formelle et n’est pas aggrégative. Elle est même plutôt « dure », « intransigeante » pas « politiquement correcte » et ne craint pas l’usage du glaive(un fonctionnaire corrompu commet un crime de « haute trahison » qui devrait être puni de manière exemplaire, au même titre qu’un membre hostile à l’idéal politique et moral de respect mutuel entre egaux n a pas à être autorisé à mener une campagne électorale).
    Mais l’idéal démocratique est « par définition » neutre du point de vue des intérêts des différents groupes sociaux au sens ou ils n’ont même pas à intervenir sauf quand leurs revendications peuvent se prévaloir d’une interprétation du pacte démocratique (pour moi quand ils montrent que sans la réforme qu’ils soutiennent ils sont dominés). C’est ce réductionnisme là que je critique, reductionnisme typiquement « moderne » qui s’appuie sur le fait qu’on accorde une priorité à ce qui est « légitime » (lié à l idée de consentement) sur ce qui est « juste » (lié à l’idée de raisonnable ou de rationnel,indépendamment de toute expression de « volonté »), alors que les anciens faisaient le contraire. Dans l’idée de « respect mutuel entre egaux » et dans celle de « liberté come non domination », il n’y a rien stricto sensu qui vient soutenir telle ou telle classe sociale au détriment de telle autre.

    PS:
    La seule alternative cohérente qui laisse toute la place aux non-démocrates pour s’exprimer est l’alliance libertaro-communautarienne définie par Nozick dans Etat, Anarchie et Utopie par le terme de « Canevas d’Utopie » (dernier chapitre, autonome, du ivre), qui prétend être politiquement et moralement supérieure à toute forme d’Etat-Nation et de souveraineté qu’implique l’idéal démocratique (Et il argumente très bien là-dessus bien que ceci me semble irréalisable en pratique…). Ou on y voit que Nozick envisage tout à fait la possibilité qu’aucune communauté n’accepte le libertarianisme et qu’il n’y ait aucune place pour le capitalisme, sans que ceci soit nécessairement injuste, tant que tout se fait sur la base d’accords volontaires (en quoi il est cohérent, contrairement aux autre libertariens minarchistes ou anarcho-capitalistes qui n’envisagent pas que des communistes puissent librement s’associer entre eux pour vivre dans le modèle de communauté politique qui leur convient… bien sûr ils n’ont pas le droit de forcer les autres à « entrer » non plus que les capitalistes d’ailleurs). Reste que dans un tel contexte institutionnel (qui n’existe pas), il faudrait trouver une communauté assez bête pour autoriser une communauté hostile à prendre part aux décisions collectives alors que cette dernière peut à tout moment faire cessession et former une communauté autonome ou en rejoindre une autre plus « à son gout » (par exemple parce qu’elle punirait plus durement les tueurs en série).

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