Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Lorsque je défends l’idée d’une « constitution pour l’économie », j’explique que quand la démocratie s’est mise en place, elle s’est arrêtée au bord de l’économie, laissant celle-ci dans un « état de nature » au sens hobbesien du terme, c’est-à-dire où l’homme est un loup pour l’homme. Les événements actuels soulignent la nécessité de sauver l’économie de la loi de la jungle qui y règne en la faisant rentrer dans le giron de la démocratie, ce qui ne peut se faire qu’en la dotant – elle et la finance qui constitue son système sanguin – d’une constitution.
Pourquoi une constitution distincte pour l’économie ? Parce que les marchés fonctionnent d’ores et déjà au niveau global et qu’une constitution pour l’économie qui se contenterait d’ajouter des articles « économiques » aux constitutions politiques nationales existantes se situerait au mauvais endroit et raterait nécessairement son but, le plus moral des États se voyant automatiquement pénalisé au plan économique (c’est ce qui explique que, comme on l’a vu récemment, le problème des paradis fiscaux étant en réalité insoluble dans les cadres nationaux, sa « solution » consista à en réécrire la définition jusqu’à ce qu’elle ne s’applique plus à aucun État). Quand Attali dit qu’il n’y a pas d’état de droit au niveau global, nous exprimons lui et moi la même idée.
Dans A propos du projet de Constitution pour l’Économie, Jean-Claude Werrebrouck présente une critique de mon approche. Werrebrouck lit dans l’histoire un mouvement en trois temps où ce qu’il appelle l’« extériorité » (une notion très proche de ce que les philosophes appellent le « transcendant ») fut successivement la religion, le politique et aujourd’hui l’économique. Au lieu de voir comme je le fais l’économie comme une enclave de brutalité au sein de la démocratie, il voit au contraire l’économique comme ayant pris le dessus sur le politique pour le dominer désormais. Et comme cet ordre économique se confond aujourd’hui avec l’« anarcho-capitalisme » rothbardien qui s’est imposé au cours des trente dernières années, ce que je lis comme une sauvagerie de l’économique au sein de la démocratie, serait en fait pour Werrebrouck, le phagocytage du politique par l’ordre économique « anarcho-capitaliste ». Il écrit :
… si l’économie est l’équivalent de la religion, en ce qu’elle est la forme nouvelle de l’irrépressible extériorité, les économistes sont-ils des clercs ou fonctionnaires de la religion des temps modernes ? Et la théorie économique est-elle l’équivalent de la théologie ?
Le cadre général décrit par Werrebrouck est donc différent du mien. Les événements récents aux États-Unis, où l’on voit les financiers que l’on pouvait penser en déroute en raison du désastre dont ils ont été la cause, prendre au contraire les rênes du pouvoir, semblent lui donner raison : il ne s’agit même pas d’un coup d’état et l’ordre économique avait bel et bien remplacé l’ordre politique, le subordonnant simplement à ses propres exigences : celles du marché, et ceci à l’échelle de la planète toute entière.
Mais cette différence dans l’analyse entre Werrebrouck et moi débouche-t-elle sur une conclusion différente ? En fait non : une constitution pour l’économie se révèle également nécessaire dans l’un et l’autre cas. Seule l’interprétation exacte de ce qu’elle représente diffère quelque peu. Pour moi une constitution pour l’économie comble un vide existant, celui que constitue l’existence d’une plage d’« état de nature » au sein de la démocratie et va se situer là où le « désordre » économique règne d’ores et déjà, à savoir au niveau supranational. Dans la perspective de Werrebrouck, une constitution pour l’économie porte nécessairement sur l’« extériorité », sur ce qui constitue actuellement un ordre transcendant et, le politique ayant été récemment subordonné à l’économique, il s’agit simplement avec une constitution pour l’économie d’une restauration du politique dans ses droits.
Mais réfléchissons-y, dans une analyse comme dans l’autre, l’économique était hors de portée du politique, soit, selon moi, parce que la démocratie l’avait abandonné à la loi de la jungle, soit, selon Werrebrouck, parce que c’est l’économique qui avait pris le pouvoir et, dans une analyse comme dans l’autre, une constitution pour l’économie parfait la démocratie, chez moi en en étendant le principe à l’économie, et chez Werrebrouck parce qu’elle rétablirait l’empire du politique sur l’économique.
Bien sûr une constitution pour l’économie ne peut se situer que là où le pouvoir économique a déjà pris ses aises : au niveau global. Les temps que nous vivons et notre capacité aujourd’hui à en analyser les tenants et les aboutissants nous font cependant comprendre à quel point nous avions pris pour la démocratie ce qui n’en était encore que les balbutiements et à quel point nous sommes encore éloignés de son idéal. Une constitution pour l’économie constituerait cependant un pas de géant dans sa direction.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
91 réponses à “Pourquoi nous disons en réalité la même chose, réponse à une critique de Jean-Claude Werrebrouck”
L’économie ne serait-elle donc pas juste une échappatoire à nos instincts barbares ? Comme une « remplaçante » de la guerre, plutôt que comme une « remplaçante » de la religion. Une constitution serait donc bien une évolution. Reste une question : quelle forme prendrait l’échappatoire suivante ?
Ne serait-il pas plus simple de refaire un nouveau contrat social ? Dès lors, nous resterions dans le « Politique » sans risque de se perdre dans de nouveaux dédales « constitutionels ». Car, certaines constitutions sont tellement compliquées et interprétatives, que les points supposés être objectifs en deviennent carrément subjectifs. Libres d’interprétation donc ! A ce niveau, les millieux financiers (je dirais aussi des affaires) sont de véritables champions. Un nouveau contrat social suppose également l’existence d’un consensus. Je trouve votre idée excellente M. Jorion. Il n’y a aucun doute que l’existence d’une constitution a sa pertinence et assurément sa place. Sauf que le consensus nécessaire à ses bases risque d’être rébarbatif à trouver et surtout très long (je dirais plus d’une génération). Ne croyez-vous pas dans ces conditions, qu’il nous faille ce coup-ci un second siècle des Lumières pour asseoir le raisonnement nécessaire ainsi que les réflexions adéquates ?
Un terrain de discussion intéressant, si vous voulez absolument démocratiser l’économie :
il y a une préparation psychologique et constitutionnelle de masse à assurer avant l’arrivée d’un joli bébé qui n’est encore que trop discret : LA FUSION NUCLEAIRE.
Ce serait une belle chose de cadrer le bébé avant sa naissance, car l’espèce humaine ne sera plus jamais la même après ça.
http://www.enerzine.com/2/7333+le-nif-testera-la-fusion-nucleaire-en-2010+.html
et un autre pour la route
http://www.euroinvestor.fr/news/story.aspx?id=10312349
Bonjour à tous,
Légèrement hors sujet par rapport à ce post, mais en résonance avec les discussions sur ce blog en général, je voudrais pour faire partager un passage d’un transcript d’une table ronde du CFR (concil on foreign relations) datant de mai 2007, à laquelle étaient invités Lawrence Summers et Paul Volcker. Le sujet était le système monétaire international et la place du dollar.
A un moment, un intervenant dans la salle pose la question suivante
QUESTIONER: — relating to it. I don’t know if there’s any engineers or scientists in the room, but every engineer and scientist knows that any system that doesn’t have a negative feedback loop blows up. And today, carrying on with your quote, there is no market-based self-correcting mechanism on increasing financial leverage.
So I’d like to ask Dr. Summers and Mr. Volcker, what contingency plan do you have, does the government have, does anybody have, when the dollar finally blows up? (Laughter.)
VOLCKER: I never had to face that contingency, so we’ll turn it over — (laughter) —
SUMMERS: I’m — I think the history of the extrapolation of engineering lessons to economics — (laughter) — is at a minimum mixed. So I would resist rather strongly the basic implication of your question that we’re automatically headed for doom.
La totalité du transcript est là :
http://www.cfr.org/publication/13468/bretton_woods_ii.html
Quand je suis tombée sur ce passage j’en suis restée bouche béé de tant de suffisance et d’aveuglement.
Quand je pense que ce sont ces zigotos qui mènent le monde, cela fait peur.
Sinon, bon courage pour votre constitution pour l’économie !
J’espère qu’elle va grandir et fructifier.
Juste un ajout rapide. J’adorerais voir ce passage affiché en énorme à Times Square …
@Paul :
« Et comme cet ordre économique se confond aujourd’hui avec l’« anarcho-capitalisme » rothbardien qui s’est imposé au cours des trente dernières années »
Je trouve que vous allez bien vite en besogne en qualifiant la civilisation libérale « d’anarcho-capitaliste. ». J’ai toujours trouvé curieux cet argument chez les « anarcaps » d’imaginer que la vie décente puisse se réaliser dans un monde sans l’oppression des hommes de l’Etat (« homme de l’Etat » : expression consacrée dans toute la littérature libertarienne, jusqu’ici tout va bien, on veut bien les croire), MAIS où les corporations, les multinationales, les cartels disposeraient de plus de droits que le souverain !
Il faut donc avaler cette première couleuvre en ‘Anarcapie’ : Une raison sociale peut disposer de plus de droits que le Souverain honni … C’est vrai que les capitalistes essayent d’appliquer cette doctrine.
Mais, l’ordre économique ne se confond pas avec l’« anarcho-capitalisme » rothbardien » ! C’est une confusion entre la religion des économistes libéraux et la réalité du pouvoir qui est l’Etat. Les banquiers n’ont–ils pas besoin de l’Etat en dernier recours ? Marx avait raison sur un point, l’époque moderne se différencie de toutes les autres par l’aliénation de l’Etat au Capital, mais la leçon du XXème siècle et de ce début du XXIème siècle n’est-elle pas que la relation d’aliénation va dans les deux sens ? Un banquier pour émettre une monnaie de confiance a besoin de l’alternance démocratique. Un directeur d’une grande banque a sa carte au parti (c’est vérifiable pour les grandes banques françaises) . Ce n’est pas l’anarchocapitalisme contre les citoyens, parce que l’anarchocapitalisme est une religion de charlatans qui confond l’être humain avec un ‘agent économique’.
C’est quoi la grande crise ? C’est la démocratie-libérale et son argent dette contre le peuple, parce qu’en dernier recours ce sont les CRS qui charge contre la classe moyenne qu’on a spolié.
Ps : Je soutiens votre initiative sur la constitution économique mais pour l’appliquer il va falloir vous battre contre la démocratie libérale, parce qu’elle n’offre pas d’alternative.
Le durcissement de l’emprise économique sur la société, depuis quelques années, ne traduit-il pas la prise de conscience par les plus nantis (en gros: »les riches »), de ce qui suit :
1)-La croissance continue est un mythe, une utopie qui se meurt, et nous devons en prendre acte.
2)-Comme nous n’avons pas la moindre idée de ce que pourrait être une « décroissance » ( forcément continue? )…Et que ça nous colle une trouille bleue…Hé bien: « Il faut en profiter un maximum, avant qu’il ne soit trop tard »…
Nos riches ont « senti » ça…(malins les riches…c’est même pour ça qu’ils le sont…)
Et voilà pourquoi on peut lire ça et là que: « l’économie fonce dans le mur, et en klaxonnant »…Elle ne peut tout simplement rien faire d’autre !
(C’était la minute d’un béotien complet de l’économie.)
J’ai du mal à entendre le concept d’anarcho-capitalisme, car si effectivement à l’échelle macro c’est bien ce vers quoi tend l’économie, à l’échelle de l’entreprise en revanche, l’anarchie n’est pas de mise. On a à faire au contraire à une très stricte hiérarchie, parfois proche de l’organisation militaire. Placez ceci sous le régime de la concurrence, et vous obtenez plutôt un conflit permanent entre entités totalitaires, comparable à ceux qu’on pouvait observer au moyen-age.
Le probème de Werrebrouck c’est qu’il emploie des mots compliqués pour raconter… n’importe quoi (et pour « faire bien »). Sa théorie de « l’extériorité », du « transcendant »… esquisse surtout les traits d’une méconnaissance profonde… qui ramènerait toute ces « extériorités », et ce de façon complètement artificielle, sur le même « plan » (si j’ose dire).
L’intégration de l’économie à la théorie politique c’est le fait majeur de l’oeuvre de Rawls (qui fonde, par opposition au contractualisme du gouvernement le contractualisme de la justice (ou de l’économie). Depuis 30 ans la recherche en philosophie politique ne porte que sur ça dans le pays anglo-saxons… Pourquoi constitutionnaiser tel courant plutôt que tel autre? En vertu de quoi telle ou telle doctrine plutôt que telle autre devrait-elle être mise à l’abri des tractations politiques?
Attali ne fait que reprendre Hobbes: les Etats sont les uns par rapport aux autres dans l’Etat de Nature. Hobbes a tout de suite vu que le corrélaire de l’ordre intra-étatique c’est le désordre extra-étatique. Il n’y a pas de super-Leviathan. A moins de casser la structure politique Etat et la théorie classique de la souveraineté qui la fonde, une constitution internationale pour l’économie est impossible, les Etats étant les uns pour les autres des betes sauvages.
La seule mesure technique consisterait à neutraliser les sources de la puissance:
– maitrise collecive des flux de capitaux
– possession en commun des ressources naturelles de la planète
Ceci, sauf à s’engager dans une guerre nucleaire mondiale, n’arrivera pas. Quand on voit qu’on n’est pas foutu de juger tel ou tel criminel bien à l’abri chez lui… A moins d’un ultimatum la Suisse et Bruxelles ne lâcheront rien. Idem pour Singapour…
Va falloir ruser: la question serait: quel dispositif rendrait les paradis fiscaux ininteressants ou stériles? Il faudrait peut-être davantage penser « guerre des étoiles (même si c’était bidon) » plutôt que « traité contre la prolifération des armes nucléaires ». Une meilleure compréhension des flux de « liquidité » est inspensable à la mise en place d’une stratégie de ce type, de toute façon.
@ oufti
et le virtuel ?
faut bien que ça serve a quelque chose
Faut il relancer un débat sur l’obscurantisme religieux du « libre » échange?
On pourrait peut être encore se référer à Marx (discours sur la question du libre échange)
http://www.marxists.org/francais/marx/works/1848/01/km18480107.htm
limpide!
A mon goût, il faut déjà distinguer « libéralisme » et « capitalisme »!
Les soi-disant libéralisme actuel est soumis à des contraintes capitalistes initiées par la monnaie en tant qu’elle est à la fois réserve de valeur et moyen de transaction, ce qui est un paradoxe absolu!
Dans cette situation, le libéralisme disparaît peu à peu pour laisser place à un système de plus en plus contraignant et de moins en moins libéral.
L’introduction d’une monnaie anticrise (fondante) est la condition sine qua non pour fonder une « constitution » économique basée sur la liberté d’entreprendre!
jf
Je ne vois pas très bien, dès lors qu’on veut influer concrètement sur le fonctionnement de nos sociétés, comment on peut dissocier le politique de l’économie, ou l’économie du politique, si ce n’est pour en brouiller la perception.
A propos de l’anarchocapitalisme, c’est à cette observation qu’aboutit l’observation du résultat de l’économie telle qu’elle existe : finalement que des hommes soient dans la famine et d’autres ultra riches ne dépend que du seul et simple hasard, c’est parfaitement injuste ; c’est important de voir ce versant. L’idéal du début était, par la libre entreprise, qu’un homme intelligent qui sert sa société devienne riche « naturellement » et par conséquence, qu’on puisse critiquer les pauvres d’être des inutiles. Cela est resté utopique finalement.
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L’observation de Werrebrouck selon laquelle le politique prend naissance dans le religieux, puis le religieux (premières formes « anarchiques » – ou primitives – de la politique) se mute en une religion « un peu handicapante » pour la politique, puis enfin éliminée totalement et clairement dissociée, est une notion de prime importance pour justifier l’idée d’une constitution pour l’économie, car c’est une loi des systèmes.
Ce qui dérange dans cette idée de constitution évidemment, c’est qu’il faut au préalable avoir conçu un système social juste, et ne pas risquer de bloquer les mutations nécessaires y compris les plus imprévisibles ; C’est pour ça que ça doit être fait sur le modèle des droits de l’Homme, qui fonde l’état de droit, qui tend à s’encombrer de loi trop nombreuses et de moins en moins bien justifiables, c’est à dire, que seules les grandes lignes soient écrites et non la méthode pour y arriver.
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D’où une question qui me brûle les lèvres, quelles sont les premières préconisations d’une constitution pour l’économie ?
On peut aussi plancher sur le lien entre politique et économie c’est très intéressant : normalement la politique se fait avec un système économique déjà écrit, or, une des plus importantes préconisations, également présente dans les droits de l’Homme, est sa capacité à évoluer (les peuples ont l’obligation de se révolter contre une politique qui tend naturellement à devenir injuste en n’évoluant pas).
Je veux ajouter une autre préconisation pour une constitution pour l’économie, qui découle de ce qu’enseigne l’étude des systèmes : 1 ce sont des choses qui « fonctionnent » ça veut dire que 1.1 leur fonctionnement engendre les moyens de son propre fonctionnement, et 1.2 le résultat de son fonctionnement doit corroborer les objectifs évolutifs communs que l’humanité doit se fixer au préalable, parmi lesquels 1 les Droits de l’Homme (ce vers quoi le résultat du système qui fonctionne normalement doit tendre) et 2 le principe renouvelé dans sa signification de « croissance »… du niveau de vie moyen.
Il y a beaucoup d’autres choses à préconiser.
Le libéralisme n’est pas libéral, on le voit à l’usage.
La démocratie est-elle démocratique? Il semblerait qu’elle soit l’effet d’un simple « démocratisme » pour employer un néologisme. La démocratie qu’on invoque ad nauseam « veut-bien » être démocratique dans la mesure où cela reste « bien cantonné » dans un juridisme politicien sans portée, où les montagnes de discours parlementaires accouchent d’une souris… tandis que, inoxérablement, l’écart entre riches et pauvres s’agrandit.
Pour ne plus être les victimes chlorophormées des mômeries démocratiques, il faut toujours prendre au mot les attitudes qui noient le poisson pour éloigner les « sujets redoutables ». Le sujet redoutable, c’est ce qui est le plus contraire au capitalisme et à la finance. C’est à dire la Démocratie Économique qu’on introduirait dans le capitalisme et la finance. Seulement cela, semble effrayer et paralyser nos très brillants imaginatifs politiciens qui nous saoulent et nous abrutissent d’ennui.
Nous oublions que la sacro-sainte démocratie « appliquée » « oublie » les droits démocratiques et économiques. Elle devient ce qu’elle est de nos jours, complètement insipide. Cette démocratie, favorisant l’accumulation illimitée d’argent mais sans les revenus minima correspondants pour ceux qui travaillent et produisent et qui n’ont ni capital ni patrimoine, n’est aucunement démocratique.
Rien n’est moins démocratique que l’argent!
Que signifie la démocratie pour les pauvres parmis les habitants des pays riches et pour les pauvres parmis les habitants des pays pauvres? Que signifie la démocratie politique quand on est toujours fauchés?
@Antoine: « L’intégration de l’économie à la théorie politique c’est le fait majeur de l’oeuvre de Rawls (qui fonde, par opposition au contractualisme du gouvernement le contractualisme de la justice (ou de l’économie). Depuis 30 ans la recherche en philosophie politique ne porte que sur ça dans le pays anglo-saxons… Pourquoi constitutionnaiser tel courant plutôt que tel autre? En vertu de quoi telle ou telle doctrine plutôt que telle autre devrait-elle être mise à l’abri des tractations politiques? »
C’est bien ce qu’on dit, ça fait 30 ans que c’est l’anarcho-capitalisme. Pendant qu’on discute de savoir pourquoi telle ou telle option politique devrait être constitutionnalisée et encadrer l’économique, l’économique poursuit sa route sans constitution ni encadrement politique, ce qui est déjà un choix politique (l’anarcho-capitalisme).
Cela n’existe pas une mise à l’abri des tractations politiques. Une constitution permettrait au contraire de clarifier les choix politiques en les formalisant plutôt que de laisser un choix politique s’imposer de lui-même face à ce vide constitutionnel. Les tractations politiques continueront ensuite, ne vous inquiétez pas, car on n’en sort jamais du politique; cela prend juste parfois l’aspect de la religion ou de l’économie, ce qui évite de discuter des choix politiques.
@ Paul (banzaï !)
« Le politique » « L’économique » « le supra national » « le global » « L’extériorité » Tout cela est toujours aussi général et fait penser à un schéma en coupe des diverses couches de l’atmosphère terrestre, la stratosphère économique (en bleu pâle sur la carte) ayant pris de manière tout aussi évidente le pas sur la troposphère politique (en bleu foncé sur la carte).
Ce que vous appelez « L’économique » est un ordre de pouvoir, représentant des structures humaines de pouvoir bien précises, comme « Le politique » est un autre ordre de pouvoir représentant d’autres structures humaines de pouvoir bien précises. Vous faites le lien entre les deux ordres par une autre généralité, « La démocratie », qui procède effectivement de l’ordre politique et que ce dernier, par distraction (« Le politique » est parti à la chasse au papillon ?) ou autre ( ?) aurait omis d’appliquer à l’ordre économique, lequel serait ainsi resté « A l’état de nature ».
Je crois moi que « l’état de nature » n’a rien à voir là dedans et que les rapports de production qui procèdent de l’ordre économique et qui ont permis à l’humanité, entre autre, de s’affranchir de l’état de nature, n’ont fondamentalement rien à voir non plus avec la démocratie. Aucun système économique n’est soluble dans la démocratie, et celle-ci ne procède pas plus du gosplan que de la main invisible. M…. ! On dirait que ne s’expriment ici que des gens qui n’ont jamais f… les pieds dans une entreprise (je sais que cela n’est pas le cas ce qui est d’autant plus inquiétant). Moi, dans toutes celles que j’ai traversées, je n’ai jamais eu l’impression d’être dans un parlement, et encore moins que l’endroit était fait pour ça !
L’idée démocratique et l’ordre économique ont suivi des chemins parallèles tout au long de l’histoire (l’histoire de l’homme affranchi de la nature), et je ne vois pas comment il aurait pu en être autrement. Le seul lien possible entre les deux est un lien de subordination de l’un à l’autre qui est de nature politique, le lien politique ayant toujours exprimé, qu’il y ait eu démocratie ou pas, la loi du plus fort ou celle du plus grand nombre, et les moyens de coercition qui les rendent exécutoires. Le problème actuel, qui se pose à la civilisation depuis le début de notre crise financière, n’est donc pas de faire découvrir didactiquement la démocratie à l’ordre économique, comme l’évangile aux barbares, mais de redonner au pouvoir politique son ascendant sur le pouvoir économique.
On nous martèle, ici comme ailleurs, que ce retour du politique ne pourrait se faire que « globalement ». Je constate moi que « le global » a toujours été, au moins dans les pays occidentaux, l’alibi de l’abdication du pouvoir politique, et je ne vois pas d’autres raisons que sociologiques à cet état de fait. Il s’est trouvé, à un moment donné et dans tous les pays concernés, une majorité des populations pour estimer que le jeu de l’abdication (appelons le « consensus démocratique sur les lois éternelles de l’économie » on a lu pire) en valait la chandelle. Je ne crains pas non plus d’affirmer que cette véritable foi dans le vent irrésistible du global a été un signe de reconnaissance idéologique qui a permis à certaines couches sociales de se démarquer d’autres couches sociales, pour mieux courtcircuiter le poids politique jugé gênant de celles-ci.
La religion du global a trouvé plus récemment un relais irrésistible dans la sensibilité écologique, par la présomption que l’urgence était elle aussi forcément globale, soit le danger « évident » de l’augmentation exponentielle des gaz dits à effets de serre, lesquels condamneraient l’humanité à rôtir brutalement sous son chaudron (la liturgie de « contre info » excellent sur d’autres sujets). Je conteste cette « thèse généralement admise », pour moi une gigantesque manœuvre d’intox (je vous présenterai un texte en temps voulu sur mes recherches à ce sujet). Les bouleversements climatiques auxquels nous assistons aujourd’hui ressemblent à d’autres, encore plus spectaculaires et brutaux, qui se sont produits à d’autres périodes de l’histoire de la planète. Je ne vois pas pourquoi l’absence de responsabilité collective humaine à ce niveau devrait déboucher obligatoirement sur un règlement global des problèmes, plus qu’à des règlements particuliers adaptés aux géographies locales et contrôlés par des pouvoirs locaux. Il en va tout autant de la préservation des ressources naturelles et des problèmes de pollution environnementale (il est essentiel d’évaluer le poids de la globalité libre échangiste dans celle-ci). Des millions d’enfants africains meurent chaque année de maladies respiratoires dues aux fumées de chauffage d’habitation sans électricité. Au nom de quoi les problèmes d’énergie liés à de telles situations ne devraient pas être réglées par les seules populations concernées, plutôt que par ces gigantesques vespasiennes à fonctionnaires internationaux que sont l’ONU ou le GIEC. La globalité est une religion anesthésiante. A la stérilité politique de l’homo oeconomicus, particule élémentaire du système économique global, répond la stérilité tout autant politique de l’homo écologicus dans sa version idéale, qui n’a d’autre alternative pour « sauver sa planète » qu’entre la providence experte des solutions globales et la gestuelle magique de son quotidien individuel (trier ses déchets, recueillir sa flotte, regarder la télé dans le noir etc.).
Le pouvoir politique issu de l’ordre démocratique des nations s’est effacé devant le pouvoir économique uniquement parce qu’il en a intériorisé la règle globale, et sans doute pour des raisons anthropologiques, liées à la volonté de l’homme moderne d’échapper à la violence de l’histoire. Mais l’affrontement pourra-t-il être éludé encore longtemps ? Je vais répéter une question que j’ai déjà maintes fois posée ici : « Les multinationales combien de divisions ? » Et jusqu’à quel point les états, dans les profondeurs des peuples qu’ils incarnent (et durement secoués ces temps-ci), se confondent avec les multinationales ? Tenez, concernant les paradis fiscaux, je vais formuler une hypothèse horrible, inconcevable, quel coup terrible pour la démocratie ! (Je ne parle pas d’Abadie, s’il rode encore dans le coin) Imaginez qu’un état quelconque décident de fermer la porte une bonne fois pour toute dans le dos des évadés fiscaux trop voyants. N’y aura-t-il aucune solution en ce cas pour remplacer une telle perte des forces vives de cette nation ? Vous êtes sûr, Paul, qu’il ne s’est pas passé des choses similaires dans l’histoire ? Et des choses bien pires ? L’histoire nous départagera, mais face à la docte et évanescente globalité qui s’exprime généralement ici, en bon tocard hargneux je tiens le pari !
La situation que l’on peut decrire aujourd’hui et qui amenent certains a proposer une constitution pour l’economie ou un gouvernement mondial, ce qui revient au meme, n’est pas necessairement dans un « etat de nature’ ou de chaos. L’economie actuelle n’a plus besoin des classes moyennes pour fonctionner. Et c’est bien le probleme.
Des le milieu des annes 1950, Jacques Ellul a utilise les idees de Toynbee pour theoriser un « systeme technicien ». Illitch avait lui aussi bien percu les dangers a venir tout comme en France Charbonneau a lance l’ecologie avant de tout laisser tomber des que l’ecologie est devenue un moyen pour certains de faire carriere. Tout ce qui arrive aujourd’hui a ete donc decrit et theorise il y a bien longtemps.
Aujourd’hui les super riches et les vrais riches se sont partout delocalises laissant des pans entiers de leurs societes d’origine a l’abandon. Le phenomene a ete observe des 1965 aux USA avec les emeutes de Newark ou de Watts, les zones urbaines furent ravagees par le ‘white fly’. Il s’est passe la meme chose en Europe entre 1990 et aujourd’hui, la speculation immobiliere n’est rien d’autre qu’un moyen de segmenter ethniquement les territoires.
Tout est donc bien organise malgre les apparences. Un gouvernement mondial ou une constitution pourraient ils changer les comportements « irrationels » des humains? On peut en douter.
L’Europe n’est pas capable de s’organiser. L’UE actuelle ne fonctionne plus et on peut la considerer comme presque detruite puisqu’elle n’est qu’une addition de statuts, zone euro, zone Schengen, ou pas de statut du tout. Sans oublier des pays comme la Belgique qui en cas de demembrement lancerait la mode des regionalismes nationalistes tres agressifs.
Les USA, eux, font face a un probleme d’un autre ordre, il ne sont plus qu’une franchise a l’image des grandes entreprises. Au sein de cette franchise de multiples populations qui souvent ne partagent meme plus la meme langue vivent separees.
Pire, les pays comme la France a forte tradition de services publics virent de bord sans le dire. Plus les services sont publics et gratuits et plus les services rendus sont mauvais voire inexistants. Il faut avoir ete aux urgences d’un grand hopital parisien pour se rendre compte que c’est comme pour l’ecole ou l’universite publiques: inutile de s’y rendre.
On a tellement fait marcher la planche a billets depuis plusieurs mois que l’on peut redouter que s’installe une forte inflation associee a de fortes hausses d’impots, tout cela achevant de ruiner toutes les classes moyennes du monde entier, les vrais riches, eux, etant a l’abri depuis longtemps.
Certains pensent que l’on peut s’en sortir en verdissant les economies et en provoquant des changements de technologies. Encore faudrait-il que les technologies existent. Nous vivons encore avec l’heritage des technologies nees de la conquete spatiale, depuis rien du tout et surtout pas la voiture electrique que l’on jamais reussi a faire fonctionner, on ne sait toujours pas comment recharger des batteries en 10 minutes. En privilegiant le carburant diesel l’Europe s’est meme tire une balle dans le pied.
Alors, faut-il desesperer de tout? Quand on verra les ecologistes denoncer l’elevage et l’abattage industriels quelque chose aura surement change. Parceque nous vivons encore avec l’heritage d’Auschwitz ou les moyens sont plus importants que la fin et ou l’extermination est la norme. Tant que les classes moyennes exigeront de vivre comme les super riches qui ne pensent qu’a vivre repliees sur elles memes rien ne changera. Les societes occidentales sont tres fragiles, confrontees a 3 milliards de chinois et d’indiens, elles risquent de disparaitre corps et biens.
@ Daniel Dresse
La fraude fiscale n’est que l’une des dimensions des paradis fiscaux, et l’on peut effectivement dire : « Bon débarras ! » à ceux qui jouent au chantage de leur départ si l’État ne se plie pas à leurs exigences particulières en matière de fiscalité – pour qui se prennent-ils ? Comme dirait l’autre, le jour où ils seront tous rassemblés sur la même – bien-nommée Île Caïman – on sait ce qu’il restera à faire.
Mais la fraude fiscale n’est que l’un des aspects des paradis fiscaux, l’autre, plus essentiel c’est celui qui permet aux entreprises de se situer au-dessus des lois et cet aspect-là de la question, aucune solution locale ne pourra jamais le régler.
De manière plus générale, j’ai l’impression que l’on s’achemine sur ce blog vers une division sociale du travail bien commode pour les commentateurs où le blogueur reste chargé de la responsabilité de proposer des solutions globales, raisonnables, universelles, chi…tes, alors que les commentateurs se spécialisent eux dans le coup de cœur, le mouvement d’humeur et le jugement à l’emporte-pièce. Cette dernière attitude étant sans aucun doute plus gratifiante, prenez garde que je ne m’y convertisse moi aussi un jour, vous laissant le soin de me rappeler à la raison… pour le bien général, bien entendu !
C’est bel et bien la généralisation d’un libre-échangisme sans nuances qui est responsable de la naissance des désordres financiers actuels et de leur propagation à la planète entière. A entendre le G20 ânonner la nécessité de ne pas céder aux tentations protectionnistes, on croit retrouver le discours récurrent des autorités de l’ex-bloc soviétique lorsque la situation était catastrophique : c’est que l’on n’était pas allé assez loin dans le communisme. Et l’on rajoutait une louche d’oppression….
Sur de telles bases, la seule « solution démocratique » qui s’impose rationnellement requiert l’avènement d’un gouvernement mondial – c’est du reste la thèse d’Attali, que Paul cite souvent ; une « constitution pour l’économie », visant (en particulier) à humaniser les rapports marchands, condamne au suicide le pays qui d’adopterait dans un environnement international complètement ouvert.
A en en juger à la victoire éclatante sur le « politique » (même s’il ne s’agit que d’une bataille) du gros business américain (principalement la finance, seule véritable « industrie » aux Etats-Unis), on peut en déduire avec Werrebrouck que « l’économique » a déjà écrit sa propre constitution. Plus que la sanctification d’un ordre transcendantal, cet état de fait corroborerait plutôt la « théorie du complot » mondialiste. Lorsque fut mise en place la « Commission Trilatérale » en 1973, Brzezinski (cheville ouvrière du club) pronostiquait en substance qu’à la fin du siècle (le XXème, donc), une centaine de multinationales se partagerait l’essentiel de la production de la planète. Le calendrier n’est pas complètement respecté, mais la concentration prévisible, au travers de la crise en cours, pourrait bien valider sa prophétie.
En ayant imposé la libre-circulation des biens et des capitaux, en ayant affaibli les ressources étatiques (abaissement de la fiscalité, recours systématique aux paradis fiscaux), « l’économique » a pris le pouvoir et entend le conserver sous l’argument du risque systémique : « nous ou la chienlit ».
Dans le système que nous vivons, ce sont les prémisses qui sont douteuses : en dépit des qualités avérées du « marché », le libre-échange intégriste ne peut pas constituer un optimum entre Etats à ce point hétérogènes sur le plan politique et social, et sous la domination d’une monnaie nationale favorisant le tribut impérial.
Autant dire que les jours sombres promis par le LEAP deviennent de plus en plus probables.
@ Paul
… et que l’approche modérée, raisonnable, chi…te soit finalement hors sujet -:)
Paul Jorion : « Bien sûr une constitution pour l’économie ne peut se situer que là où le pouvoir économique a déjà pris ses aises : au niveau global. »
Je suis sur ce point un peu en désaccord avec vous, Paul. Je ne pense pas que la solution se trouve au niveau global. Car tout simplement cette globalisation va voler en éclats sous la violence du naufrage en cours. C’est le syndrome du Titanic.
Vous avez raison lorsque vous dites que « les financiers que l’on pouvait penser en déroute en raison du désastre dont ils ont été la cause, [ont pris] au contraire les rênes du pouvoir. » Mais c’est juste reculer pour mieux sauter. Ils n’échapperont pas, eux non plus, au naufrage. Ils sont dans la cabine de pilotage, mais ne maitrisent en réalité plus grand chose.
Je ne sais quelle forme prendra la catastrophe. Je note avec effroi que le monde est désormais entré dans une logique de guerre. Cela s’est nettement vérifié lors de la dernière conférence onusienne sur le racisme. L’équipage occidental a déserté le navire des Nations-Unies. Et les propos qui se sont tenus dans les travées, sous les acclamations des « passagers » restants n’avaient rien de pacifique ; pas plus que les réactions du clan occidental le lendemain.
Voilà pourquoi je ne crois guère à la possibilité d’une constitution de l’économie au niveau global. Non seulement pour les raisons que je viens d’évoquer. Mais pour la fait même que, précisément, ce sont les prédateurs financiers qui détiennent aujourd’hui le pouvoir. Et que je ne les vois vraiment pas EN ÉTAT de négocier une telle charte déontologique.
Pour ma part, dans le petit programme économique que j’essaie actuellement de mettre sur pied, je me place à un niveau post-crise, c’est-à-dire au moment où chaque pays devra reconstruire sur les ruines du système global actuel. Dans le plus médiocre des cas, cela se fera individuellement au niveau de chaque État. Ou, je l’espère de tout cœur, en collaboration étroite avec les pays voisins.
Cela se déroulera au pire après la tragédie. Ou, si les hommes parviennent à surmonter leurs démons, avant une nouvelle plongée dans l’horreur. (Quoiqu’on puisse penser de certains de ses leaders, on note aujourd’hui quelques réactions d’envergure en Amérique latine).
C’est à cette solution que je crois indispensable aujourd’hui de devoir travailler.
(PS : je vais également publier ce commentaire sur mon blog, http://yetiblog.org)
Si la religion a bien joué le rôle d’externalité transcendante, l’église s’appuyait sur cette ferveur pour imposer sa domination sociale et même les tribunaux étaient sous l’emprise écclésiastique. Le clergé pouvait bénir les armes (la force) sans craindre les effets de contradiction avec ses principes pacifiques. Je ne vois pas en quoi la politique a pu jouer ce rôle d’externalité, pas plus que l’économie, quand bien même le marché libéral en a quelques accents. A mon sens, la seule valeur transcendante, sur un plan social, demeure le progrès. Nous avons foi dans l’amélioration de notre condition pour peu que nous nous en donnions la peine. Cette foi est en train de s’éroder pour des raisons écologiques et pour des raisons d’équité. Nous ne sommes plus aussi certains que la vie de nos enfants sera meilleure que la nôtre. Nous sommes encore convaincus que nous devons poursuivre nos efforts de recherche et d’éducation, mais pour combien de temps? La domination économique actuelle est en train de miner notre valeur transcendante principale, le progrès, mais elle est bien incapable d’en prendre la place parcequ’elle joue l’individu contre la société.
Il n’y a jamais eu de fatalité, il n’y a jamais eu de dérive. Le politique a toujours été au pouvoir, et il l’est encore.
La constitution économique existe déjà (article 1: le respect du droit de propriété). Toutes les erreurs, les fatalités, les dérives, les « extériorités », etc, du passé, dont on prend conscience aujourd’hui, correspondent à des décisions politiques précises qui ont été prises à des moments précis par des Etats précis. Ces décisions ont la plupart du temps (pas toujours) pris la forme de lois. Elles ont été quelquefois aussi présentées sous forme de traités (Europe), lesquels ont une valeur juridique supérieure aux constitutions.
L’autonomisation des marchés est le résultat de décisions politiques précises, datées, inscrites dans des lois (détaxation des mouvements de capitaux, extériorité de la banque publique, etc), et des traités (l’OMC, les brevets, la propriété intellectuelle, etc). Le pouvoir dans l’entreprise, multinationales inclus, dépend entièrement de la législation de l’entreprise, du commerce, et de la législation sociale.
Si tu veux supprimer les ghettos en banlieue, tu abroges la loi votée sous Giscard qui remplace l’aide à la pierre par l’aide à la personne, comme on faisait avant. Si tu veux éviter le surendettement, tu fixes le taux d’usure pour le crédit revolving au même taux que les autres, comme on faisait avant (pas besoin de loi, un décret suffit). Si tu veux éviter que Johnny ne paye en Suisse des impôts pour ses revenus en France, tu l’interdis de séjour en France (même pas besoin d’un jugement pour ça, la législation anti-terroriste te le permet, comme elle te permet de garder Julien Coupat en taule depuis des mois). Si tu veux éviter la faillite des banques, tu les nationalises, comme avant. Si tu veux limiter l’anarchie capitaliste, tu refais le commissariat au plan, comme avant.
Corriger les dérives du passé consiste simplement à changer les décisions politiques passées qui les ont engendrées. Ces décisions, au lieu d’être soumises au débat démocratique, étaient présentées sous la forme fataliste des rapports d’experts, de la « nécessaire modernisation » et du « il n’y a pas d’alternative ». C’était un mensonge.
C’est uniquement une question de volonté, de volonté politique: il faut seulement savoir ce que l’on veut.
Geithner travaille pour sa pomme : il n’a que faire des dettes, de l’avenir des Etats Unis etc. Cela risque de poser un grave problème d’ici peu.
1-Ce qui surplombe ou peut surplomber l’économistique est bien le politico-moral!
2-Freud a montré que l’inconscient en l’homme joue un rôle fondamental dans ses décisions sans aller chercher ailleurs un transcendant ou une quelconque extériorité à lui-même!
On fait quoi maintenant de ces deux constats?
Deux stratégies possibles non exclusives:
1-une constitution pour l’économie? Un projet supra national?
2-l’institutionnalisation par la base et adaptée à chaque culture de projets convergents sur la légalisation de processus minimaux de légitimation permettant de distinguer avec qui exactement se font les échanges, ce qui revient à provoquer de la reclassification sociale indépendamment des patrimoines de départ?
Vous avez Paul choisi l’option 1, moi c’est 2;
Bon courage à vous.
@ Daniel Dresse
Juste quelques notes marginales sur votre excellent commentaire:
1/ « La religion du global a trouvé plus récemment un relais irrésistible dans la sensibilité écologique »: « plus récemment », non: 1968, fondation du Club de Rome. 1972, Halte à la croissance. 1973, la Trilatérale. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Club_de_Rome , http://fr.wikipedia.org/wiki/Commission_Trilat%C3%A9rale , http://www.trilateral.org/moreinfo/faqs.htm )
2/ « « le global » a toujours été, au moins dans les pays occidentaux, l’alibi de l’abdication du pouvoir politique »: « l’Europe » aussi.
3/ « Le problème actuel, qui se pose à la civilisation depuis le début de notre crise financière, n’est donc pas de faire découvrir didactiquement la démocratie à l’ordre économique, comme l’évangile aux barbares, mais de redonner au pouvoir politique son ascendant sur le pouvoir économique »:… et de redonner, à l’intérieur du pouvoir politique, une place effective à ceux qui en ont progressivement été exclus depuis les dates rappelées au point 1.
4/ Ce blog étant public, je suppose que je suis autorisé à citer votre texte urbi et orbi. Je souhaite le faire sous le titre « Les multinationales combien de divisions ? ». OK pour vous?
Wikipédia
-Economie:
L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία « administration d’un foyer », de οἶκος « maison, dans le sens de patrimoine » et νόμος « loi ») est l’activité humaine qui consiste à la production, la distribution, l’échange et la consommation de biens et services.
-Finance:
La finance désigne les méthodes et les institutions qui permettent d’obtenir les capitaux nécessaires dont on ne dispose pas et de placer ceux dont on a la disposition sans emploi immédiat ou que l’on compte utiliser plus tard. Les acteurs de la finance sont tous les agents économiques qui recherchent des capitaux ou qui souhaitent les placer. Ils agissent par l’achat et la vente de produits financiers soit de gré à gré soit sur des marchés spécialisés.
Une constitution pour l’économie ou la finance?
@JYB: tout à fait d’accord. Mais c’est ici qu’une constitution pour l’économie est utile, comme programme politique et comme moyen de rassembler les forces anti-capitalistes (le marxisme est périmé). Je ne pense pas qu’il s’agisse de discuter des moyens techniques d’atteindre tel ou tel objectif.
Pour en revenir au concret du plancher des vaches a lait de classes moyennes dont je suis : On va bientot me pomper des impôts d une manière ou d une autre (je ne suis pas delocalisable), on m explique qu on va autoriser l’ argent pourri (fraude fiscale offshore) a rentrer dans le circuit national, moyennant (amende-taxe) et » écoute au cas par cas » en ce qui concerne les pénalités financières.
On m explique que c est bon pour l’ économie du pays qui manque de « liquidités ».
En pratique, on peut comprendre et accepter cette attitude pour « un particulier qui a deconné », mais cela me semble incomprehensible pour les « machins-sociétés-écrans » qui elles sont responsables de la crise en tant qu outil de contruction de la fraude (dont les individus ont a des degrés divers de conscience pris leur part).
Il faut être confiscatoire sûr les outils et indulgent avec les humains.
Si on laisse les machins entrer dans le circuit national, même avec une taxe, il vont avoir une capacité considérable de manipulation des prix a leur avantage (acaparement de pans entiers de l’ industrie).
Cette résistance doit se faire ici et maintenant, la déflation doit commencer par eux, pas par la valeur de la propriété des humains, et surtout des humains qui ont respecté les règles et dont le poids financier ne vaudra rien face a ces machins si on les laisse enter pour de fausses bonnes raisons.
Le gouvernement semble reculer pour les dépassements d honoraires…ce n’ est pas qu il nous a entendus, c est qu il a plus urgent comme grosse pilule a faire passer…il s’ occupera de nous les vaches a lait, des que les copains auront rapatrié le butin offshore du casse du siècle.