Billet invité.
METHODE COUE : EXERCICE APPLIQUE
Si l’on délaisse pour un instant Wall Street, les annonces de brillants résultats en façade provenant des plus grands banques américaines, et le feuilleton toujours sans fin de l’annonce des résultats des « stress tests » menés par le Trésor dans les comptes de ces mêmes banques, on peut porter un regard tout aussi sceptique sur les pronostiques relatifs à l’amélioration de la situation économique qui continuent de fleurir chez les hommes politiques.
Avant d’y venir, on peut aussi remarquer, qu’à en croire les visages avenants présentés aux investisseurs par les banques, dans une sorte de danse de la séduction un peu impudique vue la crise économique, qu’il y a décidemment deux mondes avec de moins en moins de choses à voir entre eux. Celui de la finance, qui prospérerait donc dans la crise, envers et contre tout, et celui de l’économie, dont les jours sombres s’accumulent sans fin, en dépit des tentatives de faire croire le contraire.
Lawrence Summers, le principal conseiller économique de Barack Obama, s’est fait ces derniers temps une réputation d’optimiste invétéré, encore alimentée par ses dernières déclarations du 14 avril à la chaîne d’informations économiques et financières CNBC. Il a exprimé à cette occasion la ferme conviction que la situation actuelle était « plus contrastée » qu’il y a deux mois, quand on ne pouvait « rien trouver de positif ». En ajoutant, pour faire contraste, « ce qui donnait l’impression que l’économie était en chute libre. Cette assertion laisse songeur, quand on lit les raisons qui le conduisent à penser ainsi: « le marché du logement est toujours faible, mais il y a un certain nombre de choses qui sont plus positives », a-t-il assené sans trop s’étendre, s’appuyant également sur la fin du processus de déstockage des entreprises, « qui peut être source de force » dans l’avenir, et des dépenses de consommations, « qui ne sont pas en chute libre ».
Pour ne pas être en reste, Ben Bernanke, le président de la Fed, a affirmé le même jour, devant des étudiants d’Atlanta, percevoir des signes que la chute de l’activité économique aux Etats-Unis s’affaiblissait. En d’autres termes, on chute toujours, mais un peu moins vite. N’ayant pas eu le temps, sans doute, de consulter le communiqué du département du Commerce, indiquant au même moment que les ventes de détail aux Etats-Unis avaient baissé en mars (1,1% par rapport à février), alors que les analystes anticipaient la poursuite de leur hausse des deux mois précédents. « Une stabilisation de l’activité économique est le premier pas vers la reprise », a-t-il poursuivi, passant allégrement dans sa présentation de l’affaiblissant de la chute à la stabilisation, comme si elle était déjà acquise et pour demain matin.
Afin de couper court à toutes les interrogations malvenues, le président de la Fed a également affirmé que « le dollar restait à ses yeux la monnaie de référence mondiale», tout en poursuivant : « cette situation n’a pas changé et je ne vois vraiment aucune perspective de changement dans un avenir proche ». Il semblerait qu’aucun étudiant n’ait profité de la séance de questions-réponses qui a suivi l’exposé pour lui demander : « et dans un avenir moins proche ? »
Dans un discours prononcé toujours le même mardi à l’université Georgetown de Washington, Barack Obama a été plus prudent en déclarant apercevoir « une lueur d’espoir», avant de présenter « sa vision ». Affirmant avec clairvoyance et d’entrée de jeu qu’« une économie dans laquelle 40 % des bénéfices sont issus du secteur financier tandis que le revenu familial régresse n’est pas durable ». Annonçant les têtes de chapitre d’une « refondation », qui ne sera pas réalisée en plusieurs années a-t-il martelé, pour ne pas faire de fausses promesses. Tout en faisant le grand écart avec le présent, après s’être s’efforcé de justifier les capitaux publics apportés aux banques par l’effet multiplicateur qu’ils auront en faveur de cet avenir plus radieux.
Pendant ce temps, les affaires continuaient sans attendre, exprimant une autre vision. Permettant de mieux comprendre comment les banques pouvaient afficher de tels résultats, dans l’attente de ceux qui sont espérés pour le prochain trimestre. JP Morgan Chase et Wells Fargo, ainsi que Fannie Mae et Freddie Mac, parmi d’autres, viennent d’informer avoir relancé leurs saisies immobilières, après les avoir suspendues durant plusieurs semaines. L’activité de « carry trade », quant à elle, repart de plus belle, après avoir été quasi paralysée ces derniers temps. L’agence de presse Bloomberg donne ainsi l’exemple d’achats en dollars, en euros ou en yen de devises Brésiliennes, Hongroises, Indonésiennes ou Sud Africaines, produisant de forts beaux rendements, en raison des forts différentiels des taux d’intérêts dans ces pays. A l’occasion d’une conférence téléphonique à propos de ses résultats, David Viniar, le directeur financier de Goldman Sachs, reconnaissait avoir activement racheté des actifs sur le marché , « car il y avait beaucoup de bonnes opportunités » (de la part de vendeurs comme les hedge funds, à la recherche désespérée de liquidités). D’autres s’annoncent, comme on l’a abondamment relevé, grâce au financement public de l’achat des actifs toxiques, ou par le biais du « big bang » des CDS dont la mise en place a été annoncée.
Un fort déphasage peut être constaté entre la santé retrouvée des grandes banques, à coup de cosmétiques et à force de bonnes affaires, et la crise économique dans laquelle le pays baigne tout entier. Il semble que le rôle attribué à Barack Obama soit de crédibiliser l’idée que « l’industrie financière » est le fer de lance de l’aggiornamento qu’il annonce. Rude tâche.
43 réponses à “L’actualité de la crise : Méthode Coué : exercice appliqué, par François Leclerc”
Oui,on connaît le refrain depuis le 2 avril et la guérison miraculeuse( grâce aux plans ad hoc ) des institutions financiéres US.
En France également les plus indécrottables jouent des mêmes airs dans la plus vraisemblable incohérence et creusant encore plus le goufre abyssal entre nous,les spoliés,et « eux »,quelque milliers de nantis selon les infos données.
Lesquels trouvent des chantres de cour pour les plateaux télévisés trés suivis de 17 heures 45.
Non,malheureusement il n’en est rien. Pis : cela ne fait qu’aggraver le fossé social déjà bien établi.
Et, semble-t-il, le message passe bien.
Selon cet article du « New Republic » (faisant référence à un sondage récent New York Times/CBS), la popularité n’a jamais été aussi élevée: 66 % d’approbation.
Mais, surtout, si 58 % des américains continuent de désapprouver sa proposition de « bail out des banques », le pourcentage de ceux qui pensent que, malgré tout, cette proposition se révèlerait favorable à tous les américains (plutôt qu’uniquement aux banques) est passée, elle, de 29 % (février), à 47 % (mars).
Indice qui montre que, effectivement, on est parvenu à associer les « lueurs d’espoir » et autres professions de foi, au sauvetage des banques elle-mêmes dans l’esprit du public US.
Quelques fois, il m’arrive de penser que les « lemmings », non seulement méritent bien leur destin funeste. Mais, oh, shocking, que j’ai presque parfois envie de leur envoyer un bon coup de pied au derrière, histoire qu’ils y aillent plus vite.
Parenthèse, à Champignac
Walt Disney avait réalisé votre phantasme (de coup de pied aux fesses de Lemming) en jetant des animaux du haut d’une falaise pour les besoins d’un film dans les années cinquante. Il s’avère en fait que ce petit animal n’a pas plus de penchant suicidaire que vous (je l’espère) et moi (en tous cas), mais que dans la bousculade de la migration, de faux pas se produisent…..
On peut garder l’espoir que les sondages mentent autant qu’un documentaire de Walt Disney….
Que va-t-il se passer si l’économie US ne repart pas et si les étatsuniens découvrent brutalement que tout cet argent dépensé ne l’a été que pour assurer les arrières des 5 grandes banques US et rien d’autre et en pure perte ?
Obama sera-t-il assez charismatique pour bloquer la vague ou le tsunami de la révolte populaire ?
@ thomas
Parenthèse: c’est bien pour cette raison que j’avais mis « lemmings » entre parenthèse. Je n’avais pas oublié, rassurez-vous, la discussion précédente à ce sujet.
@ JeanNimes
L’économie US va, disons avec une bonne probabilité, « repartir ». On y a injecté suffisamment d’illusions financières, pardon, de « confiance », pour qu’elle connaisse, au moins, un sursis temporaire.
Évidemment, elle va « repartir » sur des bases… inchangées. C’est à dire, pourries, comme les actifs qui ont provoqué celle-ci. La seule ambition de ceux qui décident, et d’une bonne partie des citoyens US (voire Européens), se résumant à très peu de choses « on veut que tout redevienne comme avant ».
Et, donc, nous voici revenus dans notre rôle traditionnels d’empêcheurs d’euphoriser en rond. Nous allons, pour la énième fois, nous égosiller à lancer des signaux d’alarme. A dire « on rebâtit sur du sable », « ca ne va pas tenir », etc…
Comme les fois précédentes, ces voix là se perdront rapidement dans le brouhaha de la « prospérité revenue », de la « croissance », de la cupidité redevenue « moteur du monde ». On nous dira « vous voyez bien que tout cela n’était qu’un incident de parcours. Certes, un peu plus grave que les précédents ». Les oiseaux de mauvais augure seront, une fois de plus, ignorés.
Et puis, c’est bien la seule certitude que nous ayons, tout le bazar se… recrashera. Oh, dans une configuration légèrement différente. Que l’on puisse, à nouveau, dire « mais ça avait l’air si solide? ». Affirmer que l’on ne comprend pas. Que rien ne pouvait laisser penser que…
D’ici là, bah, prenez bien vos petites pilules euphorisantes, si vous en avez. Ça devrait vous aider à passer les quelques années d’aveuglement collectif organisé qui se profilent à l’horizon. Juste un mauvais moment à passer, quoi.
Une réponse à l’interrogation de Paul, il y a peu, sur la duration du portefeuille de Tbonds américains de la Banque centrale chinoise :
« Pour ce qui est des Bons du Trésor des Etats-Unis, la Chine, qui n’en achète plus beaucoup désormais (le montant des achats a baissé de 146 milliards USD au premier trimestre 2009 par rapport à la même période l’année dernière, représentant un accroissement de seulement 7,7 milliards USD30 !), n’achète dorénavant plus que des Bons à court terme (trois mois)31 ! »
30 et 31 : source ChinaDaily in GAB n° 34 (LEAP) du 15/04/2009
Saura, Saura pas ? Les résultats des « stress tests » des principales banques américaines ressemblent à une arlésienne. On en parle tout le temps, on ne les voit jamais. Le Trésor, sous l’égide de qui ils ont été réalisés, envisageait dans un premier temps de garder leur résultat secret, mais cette attitude n’était pas tenable. D’autant que la publication des résultats et des bénéfices plantureux des banques ne pouvait s’y substituer, sauf à accepter que les banques s’accordent à elles-mêmes une sorte de blanc seing. Alors que l’idée était que celui-ci soit officiel.
D’un autre côté, annoncer que certaines banques allaient moins bien que d’autres (puisqu’il semble acquis que toutes passeront le test sans trop d’encombres) faisait également problème : ne risquait-on pas d’accentuer leurs difficultés en suscitant le retrait des investisseurs des moins bien portantes ?
Ces pas de deux auront eu le mérite de mettre en évidence que les résultats de ces tests sont en réalité plus politiques que financiers, on s’en serait douté. L’idée était que les investisseurs allaient venir renforcer les banques comme Goldman Sachs en a donné le signal en levant des capitaux en éclaireur, jouant en réalité cavalier seul.
Honneur aux gagnants ! C’est précisément le problème que le Trésor a devant lui, risquant de se retrouver avec les perdants sur les bras.
Que les banques passent ou non leur stress test n’a franchement aucune importance. On sait d’ores et déjà que les chiffres sont falsifiés, que les actifs sont surévalués. Mais il y a pire. Outre les prêts hypothécaires Alt-A et OAR signalés par Paul dans une rubrique précédente, il y a les crédits à la consommation (les cartes de crédits) et tous les produits sophistiqués qui y sont accrochés, qui foirent actuellement. Les défaillances dans ce domaine dépassent le taux de chômage, constate Capital One Financial, l’un des principaux pourvoyeurs en la matière. Les économistes avaient précédemment affirmé que la détérioration des remboursements de ces crédit était directement liée au chômage dans le pays. Il s’avère qu’ils se sont trompés une fois de plus ;o) [source : Financial Times d’aujourd’hui]
@ Jean-Pierre
Eh bien, oui et non ! Oui parce que c’est une façade, un habillage, cette histoire de stress tests. Non, parce que cela va être le signal de la suite des opérations de sauvetage des banques.
Il est en effet bien peu probable que de nouvelles injections de fonds publics ne soient pas nécessaires, alors que les fonds du TARP s’épuisent. Impliquant de repasser devant le Congrès pour demander une rallonge, dont l’éventualité n’avait d’ailleurs pas été totalement écartée.
Selon Alphonse Allais, « on n’attrape pas deux fois la même mouche avec le même vinaigre ».
Je viens de lire dans Contreinfo que Goldman Sachs a « oublié » le mois de décembre dans ses comptes, en changeant opportunément leur année fiscale, pour pouvoir afficher des bénéfices. Ils sont trop forts les comptables dans les banques… 🙂
Pour faire un lien entre les deux derniers sujets de François Leclerc et Paul Jorion, « La méthode Coué » et « Le temps de l’adolescence », il faut peut-être souligner deux choses, à savoir que le temps de l’adolescence passe vite, et d’autre part, qu’en politique la mue est le système défensif immunitaire le plus répandu.
Si ces deux observations sont tenables, elles peuvent nous faire comprendre que d’une part Mr Obama vient de quitter son adolescence et ses convictions de campagne (tout ce à quoi l’on a pu croire…ou auquel on croit encore) et qu’il est en train de faire tout doucement sa mue.
Quelle forme va-t-il prendre, et au travers de sa personne l’image de l’Amérique et l’avenir des américains, là est toute la question, toute l’Histoire qui se joue en direct sous nos yeux.
Plaisantons deux secondes pour illustrer le propos : il ne faudrait pas qu’il se transforme en Eddie Murphy jouant « La professeur foldingue », transformant la Maison Blanche en Comic Strip.
Evidemment ça ne sera pas le cas.
On qualifie d’experts les comptables quand ils savent présenter les comptes d’une entreprise au mieux des souhaits de leurs clients. Je ne fais injure ni à leur savoir-faire, ni à leur déontologie en disant cela.
@ François
Il ne se peut que ces tests donnent des résultats négatifs. Ce serait une catastrophe, les Bourses chuteraient, le peu de confiance qui règne actuellement disparaîtrait d’emblée et les problèmes (surtout des fonds de pension) accroîtraient de plus belle. Pour faire bonne figure, le résultat divulguera des lacunes auprès d’une banque ou deux de moindre envergure, mais certainement sur aucune des grandes.
Quant aux nouvelles injections indispensables, il est peu probable que les banques en reçoivent. Elles affichent actuellement une telle assurance, sont soi-disant de nouveau profitables et envisagent de rembourser le Trésor des fonds reçus. Comment pourraient-elles par après demander de nouvelles assistances ? Cela signifierait que ces stress test n’auraient servi à rien, n’auraient rien trouvé, donc que ceux qui les ont élaborés et exécutés sont incompétents. C’est impossible. Non, je crains davantage que le gouvernement et le Congrès rendent encore moins fiables ce qui subsiste de règles en matière comptable et favorisent les camouflages en tout genre. Comme par exemple ce qui a été décidé l’année dernière pour Fannie Mae et Freddie Mac de pouvoir enregistrer comme acquis une créance non versée et ceci durant deux années pleines !
@ Jean-Pierre
Nous sommes d’accord sur l’idée que les stress tests vont enjoliver les comptes, et qu’il est attendu pour en donner un résultat officiel de connaître les réactions des investisseurs à la publication des résultats, de voir si les financières vont repartir à la hausse. Afin d’ajuster le résultat des tests.
En attendant, il va y avoir un tir groupé de résultats des banques aujourd’hui et demain.
Le Trésor souhaite effectivement n’intervenir que par défaut, si les investisseurs ne renflouent pas les banques. Voilà pourquoi il est en situation d’attente.
On dit aussi que JP Morgan voudrait suivre les traces de Goldman Sachs et augmenter son capital.
La résultante de tout ce processus ? Je ne crois pas que des renflouements publics pourront être évités, vu les nouvelles de l’économie, et en particulier des marchés de l’endettement immobilier et des cartes de crédit. Tout cela va peser à la baisse de la valeur des actifs dans les bilans des banques.
@ Tous
votre fascination pour ce monde de la finance m’inquiète….je ne pensais pas nos sociétés globalement si « dépressives » , et , donc , aussi peu en état de se défendre face à la violente tempète qui se prépare.
tout semble se passer comme si vous guéttiez encore le moindre signe d’une solution de type réformiste…..
mais le roi est nu..
les pauvres types (le personnel politique et financier de nos pays occidentaux , en gros) , emportés par leurs désirs d’un monde enfantin ,dans lequel tout manque vient se combler (il suffit de trouver la bonne formule mathématique pour trafiquer un débit en profit) se sont racontés des mensonges qu’ils nous servent à présent qu’ils ne peuvent plus cacher leur nudité….
nous avons tous à assumer la responsabilité de les avoirs laissés faire ……surement parce que nous y avions trouvé un intéret personnel..
si nous restons dans cet état de sidération (arret brutal des échanges , par exemple) , ils vont nous entrainer dans leur délire hypochondriaque , voire suicidaire….
le GEAB no34 me semble poser le problème de façon interessante ,évoquant l’ambivalence des pays européens
il va falloir que nous puissions nous affranchir quelque peu de nos liens affectifs avec nos amis américains et britanniques……ou les sublimer….(à l’image du sauveteur qui est obligé de « neutraliser » un noyé qui se débat , afin de pouvoir le sauver)
@françois78
Selon Alphonse Allais, “on n’attrape pas deux fois la même mouche avec le même vinaigre”.
Oui en tous cas, la mouche que j’ai pu observé ce week end de Paques chez moi, je sais pas si elle venait d’Alphonse Allais mais en tous cas j’ai pu observé qu’elle tournait toujours en rond sous mon lustre alors qu’il n’y avait plus d’ampoules, il n’est pas non plus certain que si j’avais mis spécialement une ampoule pour elle, elle en aurait mieux retrouver le chemin de la sortie, de la fenêtre qui était pourtant bien ouverte, à méditer également …
à a113
extrait pour (sur) question de « déprime » ( les victimes, souffrance … au regard du Monde)
http://www.acrimed.org/article3000.html
« Depuis le mois de septembre, Le Monde a consacré en moyenne une dizaine de pages à la crise dont la moitié sur-titrée « la crise financière » et, à partir du 28 octobre, « la crise économique » [1]. Une masse d’informations et d’analyses : de l’origine de la crise, de son déroulement… et des remèdes qu’elle appelle pour un quotidien qui, comme nous le rappelions dans un article précédent « moralise et régule la spéculation »
Mais comment notre « quotidien de référence », depuis le mois de septembre (et jusqu’au 2 novembre) a-t-il rendu compte des conséquences sociales de la crise et des souffrances de ses victimes ? Force est de constater que, pendant cette période, dans Le Monde, les victimes extraordinaires qui vivaient et vivent de la spéculation ne pèsent pas du même poids que les victimes ordinaires qui en subissent massivement les effets.
Les « risques » pris par les chefs d’entreprises et les petits et grands boursicoteurs font l’objet d’une admiration dont ne bénéficient pas les « risques » pris pas ceux qui passent leur vie à essayer de la gagner. La crise actuelle vient de révéler qu’il y a ceux qui jouent avec le risque et peuvent faire fortune comme ils peuvent faire faillite (banquiers, spéculateurs, traders, courtiers,…), et ceux qui ne jouent pas mais sont assurés d’être les perdants et jamais les gagnants (la grande majorité de la population). La crise a frappé les preneurs de risques volontaires et les victimes involontaires du système économique que servent les premiers (et qui, généralement, les sert). Pour les uns comme pour les autres les pertes (qu’il s’agisse de fortunes ou de pécules, d’un train de vie luxueux ou d’un pouvoir d’achat misérable,) se traduisent par des souffrances. Mais il semblerait qu’il y ait des souffrances qui inspirent plus que d’autres.
Victimes extraordinaires…
Le choix des photographies semble témoigner d’un goût particulier pour « la solitude du coureur de fonds » ! Le 17 octobre, une grande photo montre, en première page, un homme, seul qui se cache le visage dans sa main, avec cette légende : « A la Bourse de New York, mercredi 15 octobre, la détresse d’un agent de change ». A cette détresse répond, mais reléguée en page 6, celle d’une enseignante américaine qui n’arrive plus à faire face au surendettement. Sans photo. Le 29 octobre, en page trois, autre grande photo d’un homme seul, une fois encore, sur son banc, dans le métro de Londres : c’est un homme d’affaires qui lui aussi se cache le visage dans les mains. A cette photo répond celle d’une vieille femme, au Pakistan, dans la foule de manifestants qui brandissent les factures d’électricité qu’ils ne peuvent plus payer. Elle montre la détresse d’un peuple et non de quelques privilégiés. Mais pourquoi est elle reléguée en page 16 au lieu de figurer à la « Une » ?
Les preneurs de risques volontaires lorsqu’ils deviennent des héros déchus inspirent à l’évidence l’œil et la plume des journalistes. Il était tentant de nous faire suivre les divers épisodes de la crise financière à la manière d’un roman-feuilleton. Le Monde n’a pas résisté au plaisir de jouer avec les mots, contribuant à personnifier des institutions, à les rendre humaines, alors qu’elles ont toujours fait passer la course aux profits avant toute autre considération, et à noyer les responsabilités, mettant sur le même plan dirigeants et employés.
autre point de vue ….. (c’est pour dire le décalage, …… )
extrait
http://www.legrandsoir.info/spip.php?article8393
13 avril 2009
La résistance ou le servage, il va falloir choisir.
Chris HEDGES
» Les Etats-Unis se transforment actuellement en pays du Tiers monde. Et si nous ne faisons pas cesser immédiatement le pillage sauvage des fonds publics auquel se livrent nos élites, nous allons nous retrouver avec une dette de milliers de milliards de dollars, qui ne seront jamais remboursés, et une masse énorme de gens dans une misère que nous ne pourrons jamais atténuer. Notre démocratie anémique sera remplacée par un état policier fort. Les élites s’enfermeront dans des quartiers exclusifs protégés par des vigiles où ils auront droit à la sécurité, aux biens de consommation et aux services auxquels le reste d’entre nous n’aura pas accès. Des dizaines de millions de gens, réprimés avec brutalité, connaîtront une pauvreté perpétuelle. C’est l’aboutissement inévitable du capitalisme au service des intérêts privés débridés. L’objectif des plans de relance et de sauvetage n’est pas de nous sauver. Ils ont pour but de les sauver. Nous pouvons soit résister, c’est-à-dire manifester, détraquer le système, soit finir en état de servitude.
…… «
Le fils d’un ami récupérait régulièrement ses relevés de notes à la boite aux lettres, avant ses parents qui rentraient tard, très occupés à leurs obligations professionelles. Avec la complicité de son ami qui se débrouillait bien en informatique et qui ,lui avait des résultats scolaires corrects, la magie du scan de ses relevés de notes et du photo montage a opérée, les impressions de qualité largement convaincantes, et il a été toute son année scolaire relativement tranquille, étant même récompensé pour ses améliorations.
La catastrophe arriva quand ses parents ont pris rendez vous avec le prof principal, ne comprenant pas pourquoi l’orientation de leur fils était refusée malgré ses biens meilleurs résultats scolaires. Le pot aux roses est tombé, et la correction bien pire que celle qu’il aurai eu en ne cachant rien. L’ami complice ayant été dénoncé, il n’a plus été du tout accepté chez eux par les parents bafoués.
Un fils filou puni pour une durée indéterminée… banques
Un complice dénoncé désormais indésirable… gouvernement
Des parents n’ayant plus du tout confiance ni en leur enfant, ni en son copain… le peuple
Toute la question que je me pose réside dans « quand aura lieu le refus d’orientation pour cause mauvais résultats ? » et « quelle sera la punition ? »
http://online.wsj.com/article/SB123984046627223159.html
@Reynald LETELLIER: votre métaphore serait plus juste si l’ami du petit filou était aussi l’employeur du père (et lourdement armé). On sent alors déjà un peu plus d’hésitation chez les parents quand aux mesures à prendre. 🙂
En effet il y a vraiment deux mondes, et ce qui frappe l’esprit c’est le désintérêt de ce micro monde de la finance représenté par MM. Summers ou Bernanke pour le reste du Monde. ROW était utilisé jusqu’à présent aux Etats Unis pour désigner ce qui n’est pas l’Amérique et qui n’a donc pas grande importance, ROW aujourd’hui c’est tout ce qui ne relève pas du petit univers des maîtres de la finance.
On touche là au stade ultime de la dégénérescence psychologique de la pensée de marché, irreliée, sûr de sa force, méprisante pour toute altérité. Nous avons là ce qu’on pourrait dénommé les serviteurs du mal. Le mal entendu non pas dans son acception moral traditionnelle, mais comme l’expression de la séparation, voire de la « séparitivé », puisque qu’il s’agit d’un processus dynamique et performatif initié par une vision du Monde fondée justement sur la séparation.
@cecile, et à tous les autres.
J’espère vraiment me tromper, mais je persiste et signe en disant que la crise s’installe pour durer, et que les mesures annoncées par Obama ou le G20, en dehors de sauver peut être certaines banques n’auront aucun impact sur les problèmes de l’économie réelle.
Je ne suis pas toujours d’accord sur certains points soulevés par Paul Jorion (même si son dernier livre sur le double bras de fer entre capitalistes et entrepreneurs, et entre entrepreneurs et salariés est tout à fait intéressant), mais je crois, hélas, que sans une réforme monétaire en profondeur, la catastrophe va encore s’approfondir, et on va jeter les entrepreneurs avec l’eau du bain capitaliste, si jamais la situation devient révolutionnaire.
Les banquiers jouent pas mal le coup, pour le moment ce sont les entrepreneurs que l’on séquestre, pas les banquiers.
Bruno L.
Les interventions sur ce blog financiero-economique sont passées en quelque jours sur la position « panic ».
Nous n’avons plus de modèle.
La globalisation sans adaptation des fiscalités et unification des avantages sociaux était un leurre, évident…
Nous pensons en majorité que les décisions prises au G20 sont bidon et généreront plutôt de la colère à terme.
Code orange foncé.
@BLemaire
un modeste avis :
la situation ne deviendra pas révolutionnaire, tant que la plupart des gens peut continuer
à se nourrir et à se soigner
( les séquestrations visent à obtenir plus d’avantages pour les licenciés,
et non pas à changer de société )
aux USA encore moins, chez eux il n’existe pas de tradition révolutionnaire,
leur archétype c’est le cow boy justicier
Pour en revenir au sujet de la méthode Coué cela ne semble pas marcher pour tout le monde surtout pour les plus durement touchés par la crise qui est maintenant installée et qui va surement perduré à la vue de tous ces gens de Wall Street ou ailleurs, se montrant incapables d’un réel repentir de conduite en société. Et ce n’est pas non plus en s’autosuggestionnant tous comme des singes, et en se disant que tout va bien comme tous ces grands nigauds du positivisme que tout va se régler comme par magie ou par enchantement, bien au contraire. L’événement très médiatisé du G20 n’a été qu’une plus grande mise en lumière de tout cela, je dirai même qu’ils ont bien davantage saper l’espoir d’un grand nombre, le clivage ne va donc pas cesser de se creuser…
Ce soir dans le journal le Monde on peut lire : la Bourse de Paris dopée par les chiffres de l’emploi aux Etats-Unis. L’article nous indique que les prévisions tablaient sur 658.000 suppressions d’emplois alors que les chiffres sont tombés à 610;000.
Vit-on dans un monde de fous…
Quant à une analyse plus poussée, à une critique approfondie ce sera pour un autre jour.
Pour aller dans le sens d’un intervenant sur le prisme utilisé par le Monde pour étudier la crise, il faut se demander qui apportent des capitaux au Monde pour le maintenir à flot financièrement en incluant également les annonceurs?
Lire la « face cachée du Monde » de Péan