Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Rien n’est simple parce qu’imaginons même que les autorités en place parviennent grâce à une série de coups de pouce diligemment appliqués à restaurer nos systèmes financier et économique dans leur gloire passée, je veux dire à les remettre dans l’état où ils étaient en 2006, qu’on se retrouverait de toute manière à nouveau face à face au gigantesque défi qui est le nôtre à échéance de, disons vingt ans pour avancer un chiffre, à savoir celui d’une humanité confrontée non seulement aux limitations propres à sa planète mais aussi aux dégâts qu’elle lui a occasionnés, dont certains sont irréversibles, peut–être pas à l’échelle géologique mais certainement à celle de l’espèce et a fortiori à celle de la vie humaine. Bien sûr, on pourrait repartir pour un tour, refaisant la même chose qu’avant mais en s’astreignant à le faire cette fois « dans une perspective verte ». Mais ceci est-il seulement envisageable ? Il faudrait au minimum pour y arriver reconfigurer entièrement la manière dont nous calculons le prix des choses, ce qui semble extrêmement difficile à concevoir à moins que l’on ne repense complètement à cette occasion la façon-même dont la monnaie fonctionne au sein de nos sociétés humaines.
Et quand je dis, « la manière dont nous calculons le prix des choses », je n’envisage encore que celle dont nous y intégrerions ce qu’on appelle les « externalités » : la gestion des déchets que nous générons immanquablement quand nous les produisons, le coût de la maintenance et de la remise en état de l’environnement, ainsi que le recyclage des matières premières que nous utilisons mais qui ne sont présentes sur la planète qu’en quantité finie, enfin le coût de l’énergie que nous consommons sous toutes ses formes, coût calculé d’une manière qui inclue sa gestion authentique, l’accent étant mis en particulier sur la nécessité d’une transition des énergies fossiles vers les énergies renouvelables.
Ceci ne touche encore que la composante des prix qu’il est relativement simple de maîtriser. Passons maintenant aux choses plus compliquées. Je pense aux implications de deux problèmes de physique élémentaire qui jouent un rôle ici et dont on parle ordinairement en les couvrant des termes « délocalisation » et « paradis fiscaux » qui font supposer qu’il n’existe aucun rapport entre eux, ce qui n’est pas le cas. Tous les deux sont en effet des illustrations du principe des vases communicants débouchant sur un nivellement par le bas très dommageable. Le principe est le même d’ailleurs que celui que l’on voit à l’œuvre dans la fameuse « Loi de Gresham » qui dit que si deux monnaies métalliques sont en concurrence dans le même environnement, la monnaie de mauvais aloi, celle dont la teneur en métal précieux est la plus faible, chasse l’autre.
Vu la manière dont le surplus, la richesse créée par le travail, se voit normalement partagée dans un système capitaliste, et si les travailleurs ne protestent pas contre cet état de fait, les salaires auront tendance à s’aligner à un niveau précis (chose que David Ricardo avait très bien notée en son temps) : celui de la simple subsistance du travailleur et de sa famille. Le XIXe siècle européen en particulier a expérimenté de manière très instructive sur ce que ce niveau pouvait être très précisément (relisez à ce propos David Copperfield (1850), Les Misérables (1862), etc.). Si les travailleurs se défendent collectivement, ils parviendront à faire décoller leur salaire de ce niveau-plancher. Si les frontières s’ouvrent et que les capitaux peuvent circuler librement, les salaires à l’échelle du globe entier tendront à se réajuster au niveau du salaire de subsistance le plus bas du travailleur le plus démuni au monde (niveau qui peut bien entendu être très bas). Comme ce niveau est inacceptable pour celui qui lui s’est organisé et a obtenu de gagner davantage que le minimum vital, les usines iront rechercher le champion du monde de l’exploitation et iront s’installer dans son pays. On dira alors que « tout le monde y a gagné » puisque d’une part le prix des produits sera le plus bas possible et que d’autre part, comme le salaire du travailleur atteint à la baisse un niveau incompressible – sans quoi lui et sa famille meurent de faim, les capitalistes et les entrepreneurs-patrons maximisent la part du surplus créée par les travailleurs qu’ils se partagent entre eux. Ce miracle de l’« allocation optimale des capitaux », je le classe plus volontiers dans la rubrique « nivellement par le bas ». Comment remédier à cette situation ? La réponse a été donnée en 1848 : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » Ce conseil ne porte encore malheureusement que sur un des aspects du problème : il le traite comme s’il s’agissait d’un élément isolé, existant en-dehors de son contexte global.
Deuxième illustration du principe des vases communicants, débouchant ici aussi sur un nivellement par le bas : les paradis fiscaux. Comme le système capitaliste est organisé de telle manière que (comme je viens de le rappeler) capitalistes et entrepreneurs-patrons prélèvent d’abord leur part du surplus créé par les travailleurs avant que ceux-ci n’y aient accès, la richesse se concentre entre leurs mains à un tel point qu’il vient un moment où le système cesse de fonctionner. Pour empêcher cela, les États instaurent un correctif minimal sous la forme d’un système d’impôt progressif. Comme, plus on a d’argent, plus on l’aime, ceux qui en disposent tentent d’échapper à l’impôt et se livrent à la fraude fiscale ou mieux encore, à l’évasion fiscale.
C’est ici qu’intervient le principe des vases communicants : toute fortune est attirée vers l’endroit au monde où elle est la moins taxée. Comme il s’agit d’un principe général, de l’ordre d’une loi physique portant sur les liquides, il n’est pas susceptible d’être contenu : c’est une Hydre de Lerne, coupez l’une de ses têtes et il lui en repousse deux à la place. Il ne resterait que deux pays au monde ayant des systèmes fiscaux différents, que les fortunes du pays le plus taxé tendront toujours à couler vers l’autre.
Je sais, le problème des paradis fiscaux a été résolu l’autre jour à Londres. Il n’en restait que quatre : l’Uruguay, le Costa Rica, les Philippines et la Malaisie, et ils ont cessé de l’être. Personnellement je croyais que c’était Cuba, le Venezuela, la Bolivie, l’Iran, le Corée du Nord et le Népal – comme quoi on ne peut pas tout savoir. Puisqu’il n’en existe plus, à quoi bon se faire encore du souci ?
De toute manière, et c’est pourquoi j’en parle dans l’ensemble très peu, les paradis fiscaux sont une conséquence du fait que les politiques fiscales sont différentes dans les différents pays et, mis à part le fait que les impôts servent à subvenir aux frais des états, le fait qu’elles soient progressives ne constitue lui qu’un palliatif au fait que le fonctionnement global du système capitaliste engendre comme une conséquence de son fonctionnement ordinaire la concentration de la richesse. Il ne s’agit donc avec les paradis fiscaux, comme avec, par exemple, les cartels de la drogue, que de l’un des symptômes d’un disfonctionnement beaucoup plus général.
Ayant évoqué les aspects accessoires du problème global, passons maintenant au plat de résistance : à la principale raison pourquoi rien n’est simple. J’ai évoqué la loi tendancielle des salaires à s’aligner sur le plus bas, le salaire de subsistance. Quand les frontières se sont ouvertes, les emplois industriels et les usines où on les trouve se sont donc déplacés là où les salaires sont les plus faibles. Ceci n’a cependant pas tué les pays où ces emplois existaient : les salariés se sont déplacés vers d’autres activités : les emplois se sont développés dans ce qu’on appelle le secteur tertiaire, celui des services, entre autres des services financiers. Ce sont là des emplois où dans bien des cas l’informatique a permis des gains de productivité considérables. Nous avons assisté à la disparition des dactylos dans les administrations : avec le traitement de texte chacun est devenu capable d’écrire son propre courrier. Cette productivité sans cesse croissante fait qu’un travailleur individuel crée de plus en plus de richesse, sans pourtant l’observer puisque son salaire est essentiellement resté le même et ceci pour la raison déjà indiquée : parce que le surplus est partagé avant même qu’il ait droit au chapitre, en intérêts qui vont aux investisseurs ( = capitalistes) et profit qui va aux entrepreneurs ( = dirigeants d’entreprises) à charge pour ces derniers de partager ce profit avec les salariés ( = travailleurs), selon le rapport de force existant entre eux.
Le fait que les travailleurs n’obtiennent leurs salaires que comme reste, une fois que capitalistes et patrons se sont servis, explique pourquoi leur productivité croissante ne débouche ni sur une diminution du nombre de leurs heures de travail, ni sur une diminution du nombre de ceux qui ont à travailler. La seule chose que cette productivité croissante engendre, c’est une accélération du retour des crises de surproduction. Et s’il faut toujours produire davantage, c’est parce que capitalistes et patrons en tirent bénéfice, et ceci, quel que soit l’état de délabrement dans lequel la planète finit par se retrouver à la suite de ça.
Voilà pourquoi rien n’est simple : parce qu’on est toujours ramené au même fait, que l’on parle de délocalisation, de sauvegarde de ce qui peut encore l’être sur notre planète, de paradis fiscaux ou de l’augmentation de la productivité qu’autorise le développement technologique : au fait que les travailleurs, ceux qui produisent la richesse, ne sont conviés à la table du banquet qu’une fois qu’elle a été desservie.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
86 réponses à “Rien n’est simple”
J’arrive un peu tard dans les commentaires de ce post…
Quelques remarques :
1/ Ce genre d’économie politique, je le comprends…
2/ Cela me rappelle, comme à d’autres, des analyses anciennes mais toujours valables…
3/ Le moteur de la baisse tendancielle des salaires est la baisse tendancielle du taux de profit : le capitaliste doit compenser cette baisse qui se produit quand il achète des machines pour produire davantage à moindre coût (c’est sa contradiction dramatique principale, thésauriser ou consommer ?).
Alors pour réduire les coûts de production, il a plusieurs solutions (qu’il ne se prive pas de faire jouer simultanément…) : en particulier réduire le coût de la force de travail et donc :
– allonger la journée de travail (faire travailler plus pour qu’il gagne plus) ;
– augmenter l’intensité du travail (suppression des pauses, pas de temps morts entre les opérations) ;
– remplacer « un Yankee par trois coolies chinois » (Le Capital, 1858, Marx)
– et enfin baisser les salaires directement, mais cela n’est vraiment possible qu’en profitant des crises cycliques de production et de l’augmentation de « l’armée de réserve » des privés de travail (chômeurs, dans la terminologie néolibérale, demandeurs d’emplois dans celle des managers).
4/ Avant de se demander ce que veulent les communistes, il serait peut-être bon de savoir quelle analyse ils font du capitalisme… Donc ce que Marx en a dit et d’autres après lui. Je suis à votre disposition, si vous souhaitez en savoir un peu plus !
@Cecile:
– Concernant votre « temps cyclique imaginaire », c’est de la poésie…
L’eau « vit » (existe au cours du temps) selon un cycle. Comme toute matière. Ça, ce n’est pas de la poésie, ce sont des faits. L’alternance des jours et des nuits en est un autre, tout aussi réel. Comme encore la succession des générations des êtres vivants. Le temps cyclique n’a rien d’imaginaire, il est une des composantes du réel. L’autre composante est linéaire, comme vous le rappelez. En géométrie, l’assemblage de ces deux composantes nous donnerait une hélice http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9lice_(g%C3%A9om%C3%A9trie). Comme la trajectoire d’un photon, dont la période d’oscillation permet de définir l’unité de temps… Ce n’est pas un hasard.
Comment interpréter philosophiquement ce résultat scientifique surprenant: La lumière des étoiles que nous pouvons observer nuit après nuit (dans le présent) fut émise loin, très loin, dans le passé… Je vous laisse le temps de vous faire quelques nœuds au cerveau avec ça… Discourir sur le temps est amusant, mais en fait perdre. 🙂
– La marche arrière, en quelques mots simples: Décroissance ou, au mieux, équilibre. Ceci n’étant qu’un exemple parmi tant d’autres. De manière générale, toute remise en question des acquis peut potentiellement conduire à une marche arrière, si l’analyse des faits conduit à cette conclusion. Par exemple, l’analyse du modèle de « la croissance infinie dans un environnement fini » – fini au sens de limité/borné – (modèle assimilable à la doctrine capitaliste-néolibérale-machin-chose), conduit à conclure à l’absurdité du modèle. Les conséquences coulent de source. S’il ne peut y avoir de croissance infinie dans un environnement fini, soit la croissance doit être finie (double sens: bornée/stoppée), soit il faut rendre l’environnement infini – cette seconde alternative est celle que je décrivais dans un autre billet comme faisant encore partie à ce jour de la science-fiction, je ne la retiens donc pas. D’où décroissance, ou au mieux, équilibre.
Pour en revenir à mon commentaire initial, la problématique est donc simple (opposition volontairement provocatrice et outrancière envers la proposition de l’auteur 😉 ). C’est celle d’un choix (binaire) à faire. Manifestement, les financiers (et leur excroissance étatsunienne notamment) choisissent de nier le raisonnement au profit de l’espoir – l’illusion est sans doute un terme plus adéquat, quoi que les deux puissent s’assimiler au même schéma mental.
Dans le cas présent, l’espoir ne suffira sans doute pas. Pour faire très imagé, il y a tout lieu de penser qu’en perdurant dans un tel modèle de fonctionnement, la nature aura été suffisamment dévastée pour conduire à l’extinction humaine avant que l’espèce n’ait pu coloniser Mars (ou autre, selon les goûts de chacun en matière de tourisme extra-terrestre). Le choix est aussi trivial que cela.
Il est simple car ce n’en est pas un à proprement parlé. Cela s’assimilerait plus, si on le plaçait dans le cadre d’une relation humaine, à un chantage. « Faites ceci, ou disparaissez ». Je comprends la frustration des financiers, qui ont été habitués à poser ce genre d’ultimatum plutôt qu’à les subir, par exemple en disant aux salariés: « Travaillez plus pour moins cher, sinon nous délocalisons. » C’est du même ordre. Sauf qu’ici, il n’est pas question d’une relation humaine, par essence sujette à discussion, mais de la relation entre l’humain et son environnement naturel. Je ne sais pas sur les bases de quel raisonnement Malraux avait déclaré que « le 21ème siècle sera spirituel ou ne sera pas ». En tout cas, on peut dire sans trop s’avancer que le 22ème sera écologique ou ne sera pas.
dissonance,
savoir que la combustion de pétrole, bois ou charbon génère du CO2 ne veut pas dire savoir que le CO2 produit de l’effet de serre. Tout juste on pouvait faire l’hypothèse, ce qu’on a fini par faire depuis peu quand les mesures montraient un réchauffement global.
De même l’agriculture est une forme de géo ingénierie pratiquée depuis des millénaires, le labour profond inventé il y a des siècles se révèle une pratique qui appauvrit les sols, on s’en rend compte maintenant bien après son invention.
L’idée de penser que tout ça a été fait par pure méchanceté est un peu légère.
Ca a même été fait au nom de la survie des populations, comme quoi la bonne volonté peut amener des problèmes. En résumé l’humain apprend, et le fait en se confrontant aux conséquences de ses actes. La pédagogie de la catastrophe, ça serait mieux de ne pas en passer par là, mais c’est comme ça souvent.
Il parait certain que c’est en comprenant mieux les cycles biologiques et ses boucles rétro actives qu’on aura une chance de changer le cours des choses. C’est bien ce qu’on appelle l’économie de la connaissance, il n’y a pas d’autre solution, pas de retour à une prétendue époque édénique où l’humanité aurait été sage et savait déjà tout, on voit bien que l’histoire nous dit et nous répète sans cesse tout le contraire de ce « summer night’s dream ». Donc pas de retour possible, ni même souhaitable, aux rivages riants du passé, seule une avancée dans les brumes diffuses du futur.
à fnur et dissonnance
puissance / maitrise (de surenchère en surenchère, stase, extase …. il faudrait en finir avec les prophètes de malheur et les prophètes de la délivrance, avec les deux visages prophétiques de la modernité, celui de la cité radieuse et celui de métropolis ? )
Cécile,
Je ne propose aucune extase ni aucune délivrance, simplement de voir comment continuer et les possibles approches le permettant. Mais vous avez tout à fait le droit de vous extasier de toutes sortes de choses et de mots.
Si vous me lisez, vous comprendrez probablement que je n’évoque pas de puissance mais plutôt des incertitudes, ce que n’apprécient généralement pas les fans de la puissance.
Vous voyez, comme dit P Jorion, rien n’est simple, surtout actuellement, et même les extasiés de l’argent commencent à s’en rendre compte.
Les extasiés du dénuement en tous genres seront éventuellement les derniers à rejoindre le club des incertains.
@fnur:
« On ne peut pas dire qu’on ne savait pas. On a choisi – délibérément ou par négligence, peu importe – de ne pas s’interroger sur l’un des produits de la réaction, ce n’est pas la même chose. »
« Tout juste on pouvait faire l’hypothèse ». Qu’on a pas fait préalablement. C’est précisément ce que je dis. Et comme vous pouvez le constater dans la citation ci-dessus, les raisons qui ont conduit à cela, méchanceté ou ignorance, m’importent peu.
Concernant l’agriculture, je pense fréquenter suffisamment ce milieu pour mettre un léger bémol à votre description. On ne s’est peut-être pas rendu compte de l’appauvrissement des sols généré par l’agriculture avant très récemment parce qu’il n’était que négligeable, avant qu’on ne passe à l’ère de l’agriculture intensive, avec son lot de tracteurs sillonnant plus profond qu’aucun soc ou qu’aucune bêche n’en serait capable, détruisant au passage les populations de vers, qui œuvrent pourtant activement dans la régénération des sols, avec son lot de remembrements fait sans la moindre réflexion, conduisant à l’érosion des sols (le bocage breton n’est pas apparu par hasard – en revanche il a été stupidement massacré pour permettre aux machines de travailler), avec son lot d’arrosages chimiques qui acidifient les sols – et qui le stérilisent donc – (épandage forcené + produits phytosanitaires).
Les méthodes d’ingénierie moderne ont cette tare manifeste de penser « pragmatique », autrement dit court terme. Les conséquences des actes peuvent être anticipées, au moins dans une certaine mesure, seulement il faut pour cela prendre le temps d’y réfléchir, luxe que lesdites méthodes n’offrent pas. Je vous renvoie au livre « la transmission des savoirs » de Paul Jorion et Genevièves Delbos, que je n’ai personnellement pas lu mais qui me semble traiter typiquement des mêmes questions. http://www.pauljorion.com/blog/?p=2486
Bien d’accord sur le fait que des savoirs anciens, ils existent incontestablement, ont été écrabouillés par la course au rendement court termiste. Le bocage breton et d’ailleurs en est l’illustration flagrante avec la destruction des haies et de son ingénierie écologique.
Dans le domaine industriel on fait des AMDECs, analyse des risques et des leurs conséquences, c’est parfois pas très bien fait et de façon bureaucratique, mais ça n’est pas inutile. Dans le domaine écologique, je ne sais pas si ça se fait, probablement pas vraiment.
Quoiqu’il en soit, nos ancêtres avaient ce type de démarche à un niveau pourtant local, et la transmission des savoirs fonctionnait même en l’absence d’internet.
L’époque actuelle est différente mais n’a rien à perdre à voir ce qui se pratiquait.
Sinon, de même que pour le labour profond, le réchauffement par émission de CO2 était négligeable aussi il y a 2 siècles. Donc de même on ne s’en est pas préoccupé.
Comme quoi la houle n’est pas court termiste mais sait s’imposer devant le court terme in fine.
On dira peut être un jour que le néolibéralisme était une crise d’hystérie collective de gens sans patience, voulant tout tout de suite pour cacher l’anéantissement qui les guette. Mai 68 était un peu le précurseur de ce mouvement, quand bien même il prônait tout et son contraire.
on en revient au temps
[ce court-terme, du tout pour moi, tout de suite, …
infantilisme, égocentrique, (moi, moi) exhibitioniste (regarde moi), protectionniste (maman, j’ai peur)… ]
à Dissonance
je ne cherche pas à te contredire, bien au contraire
Mai 68 était un mouvement de révolte populaire. On lit dans Wikipedia : une vaste révolte spontanée, de nature à la fois culturelle, sociale et politique, voire philosophique, dirigée contre la société traditionnelle, le capitalisme, l’impérialisme…
On se rappellera les débats sur ce mouvement aux dernières élections. Sarkozy voulant liquider « Mai 68 », liquider le relativisme intellectuel et moral. C’est plus probablement ces idées progressistes contre la société de consommation et contre le capitalisme que rejetais le candidat Sarkozy, car les idées de Mai 68 allaient contre sont projet si claire maintenant.
François Hollande avait déclaré dans un instant de lucidité: « Ce n’est pas la société de demain » que prépare Sarkozy, mais « la société d’hier ou d’avant hier ». Et Cohn-Bendit de dénoncer le « terme stalinien, bolchevique, de ‘liquidation’ »
Cette révolte spontanée, l’intuition d’un peuple au moment ou la température de l’eau commençait à peine à monter, était ces dernières années de plus en plus attaquée et critiquée. Une forme de consensus contre 68, comme il y avait un consensus se renforçant sur les avantages du modèle capitalisme, du libre échange, de la globalisation, contre la mauvaise graisse de l’état, contre les syndicats, etc.
Alors un retour aux fleures et drogues hallucinogènes ? Peut être pas. Mais le développement d’une conscience critique. L’existence et l’animation de ce blog en est la preuve.
Bravo Paul pour votre essai. Il rend vraiment plus nette certaines facettes du monde que l’on a abandonné aux banquiers et rentiers, leur laissant construire cette dictature capitaliste et pleine faillite.
Manifestement, un de mes coms a été bloqué, personne ne m’a expliqué pourquoi.
Paul met en liste noir certains nom. Par exemple Pierre H. auteur de La Décomposition des nations européennes. J’imagine qu’il y en a d’autre. Je pense que cette censure est regrettable et dommageable à une débat ouvert, cohérent apriori avec l’esprit du blog… Mais c’est le blog de Paul Jorion, c’est donc légitime que se soit lui qui fixe les règles. Peut être pourrions nous lui proposer un débat sur ce sujet ?…
dissonance!
Decroissance ,equilibre,ou fuite en avant choix binaire!! Faites ceci ou disparaissez ! Si les financiers au pouvoir actuellement preferent nous laisser l illusion de l espoir,j ai peur qu en ce qui les concerne,ils ne soient déjà passés à l etape suivante !!! En l occurence une troisieme voie ,qu il est humainement intolérable d évoquer,mais que le pragmatisme qui les characterise les pousse logiquement à envisager ! A savoir: disparaissez et nous pourrons continuer comme avant !!Voir à ce sujet la video de aaron Rousso si elle existe encore,ou « soleil vert »!!!
aprés la survie de l espece ;la survie de la caste!!!
@ Barbe toute bleue
Un ordinateur exige le chauffage l’hiver et la climatisation l’été dans bon nombres de grandes cités sur terre.
Cela entraine que les lieux de travail consomment 24 h sur 24 autant, voir plus que les habitations.
Maintenant, expliquez moi clairement que c’est un détail.
@ Jean Edouard le 10 avril à 20.09 (Je n’avais pas vu ça !)
Henri Guillemin a célébré autant le culte du paradoxe pour le paradoxe, soit son célèbre fond de commerce, que le respect de la vérité historique. Ses conclusions approximatives ont d’ailleurs été allègrement reprises au moment de la grande offensive révisionniste (menée entre autres par François Furet) qui a accompagné les « célébrations » du bicentenaire de 1989. La fable de la « guerre cupide » planifié par l’Assemblée Législative révolutionnaire faisait bien évidemment partie du te deum, car nous étions bien conviés à un enterrement.
Cette histoire (petite) ne tient pas tout d’abord devant la chronologie des faits. Les menées hostiles contre la révolution orchestrées par le prince Léopold d’Autriche après la fuite manquée du roi Louis XVI en juin, datent de l’été 1791. Elles aboutirent à la déclaration de Pillniz au mois d’août de la même année, qui était une mise en garde sévère des puissances aristocratiques contre les révolutionnaires constituants. En effet, l’assemblée française, qui n’était pas encore la Législative mais toujours la Constituante, n’en était alors qu’au stade des lénifiantes déclarations de paix universelle !
Les choses se sont envenimées à partir de l’automne 1791, et de manière évidente pour des motifs de politique intérieure. Une grande partie du personnel politique élu dans la nouvelle assemblée Législative, commençait à s’émouvoir de l’agitation des sociétés populaires qui réclamaient la déchéance du roi et la proclamation de la république. L’affaire s’était soldée par la Fusillade du Champ de Mars en juillet 1791 et la proclamation de la loi martiale par le maire de Paris Bailly. Cette fraction de l’assemblée –clairement ceux que l’on appela plus tard les « girondins » derrière le député Brissot, et qui entraînaient derrière eux la majorité des modérés du Club des Feuillants- voyait dans la fuite en avant de l’aventure militaire un moyen de stopper le processus révolutionnaire, lequel prenait une tournure inquiétante. Pour compléter malicieusement la pensée de Guillemin et Furet, je dirai qu’au début de l’année 1792, il était possible de considérer la révolution comme terminée… à condition de lui porter un coup d’arrêt par la guerre !
Je rappellerai aussi que le principal député à s’être opposé à la guerre qui venait, s’appelait… Robespierre, dans son célèbre discours du 18 décembre 1791. L’argumentaire de Robespierre tournait autour de trois idées fortes, dont vous apprécierez surtout la deuxième :
– La France n’était pas prête militairement à mener une telle guerre.
– Elle risquait d’être ruineuse pour le pays, et il valait mieux consacrer le budget de la nation à la consolidation des droits du peuple.
– En cas de victoire, elle risquait de perdre la révolution dans les ambitions d’un éventuel dictateur militaire (à noter que l’un des rares militaires justement à avoir approuvé le discours de Robespierre était un jeune officier méridional appelé Bonaparte !).
Nous savons tous à posteriori que les guerres révolutionnaires se sont achevées moins glorieusement dans les conquêtes impériales. Mais considérer qu’en 1791 l’appât du gain constitue la raison première de ces guerres, ne révèle rien d’autre que les fantasmes bizarres d’un historien de pacotille. Lisez plutôt Albert Mathiez ou Georges Lefebvre. Ils n’étaient pas au défilé carnavalesque de Jean Paul Goude…
@Fnur et Noviant
Vous n’êtes pas attentifs aux plaintes offusquées de vos prédécesseurs qui se sont heurtés à l’incompréhension de la machine électronique à découper les posts en rondelles.
Paul est parfois essoufflé à force de l’expliquer, chaque fois qu’un nouveau censuré s’insurge. Ceci empêche parfois les dialogues rapides si vous en aviez un, mais ce qui a été modéré automatiquement et injustement fini par ressortir … si vous avez une patience de plus de quelques demi-heures ( le temps de revenir d’une balade sur les rivages de Santa Monica )
@Thomas
Qui a dit détail ?
Les courbes de demande énergétique de l’humanité sont des exponentielles. Pour le moment, la plus large proportion de cette demande baigne dans le pétrole et sa combustion. Soyez sûr que le pétrole ne sera plus en quantité suffisante pour ce monde primitif dans lequel nous vivons, et cela très rapidement à l’échelle des temps géologiques.
La suite sera le tout électrique, et les centrales nucléaires de la Xème génération n’y suffiront pas non plus. Donc, les courbes de consommation d’énergie s’en vont aller suivre celles de inventions donnant des ruptures technologiques.
A propos de consommation électrique … par le matériel électronique, si pour ses ordinateurs, Google ( au hasard ), ceux-ci installent leurs nouveaux centres toujours à proximité d’un lieu de production électrique, il y a bien sûr une raison.
Par contre, pour la remarque, on consomme autant d’énergie pour loger confortablement les ordinateurs que les VIP , c’est lancé en l’air, youpi, et ça ne mange pas de pain. Je ne chauffe ni ne refroidis mes ordinateurs chez moi, mais il faut dire que je n’habite pas la Sibérie, ni n’héberge de centre de calcul sous la table de ma cuisine.
Si vous voulez faire le tour du monde en Jet, ou alors, en surfant avec votre navigateur, vous ne récupérerez certainement pas les mêmes sensations, mais d’un point de vu consommation, incluant aussi celles extérieures à chez vous pour alimenter le réseau, devinez ce qui disperse le plus ?
@ Barbe toute bleue
J’ai cru dans votre premier commentaire, que vous estimiez, comme beaucoup, que la société qui se dématérialise et s’informatise voit sa consommation d’énergie baisser, et je vois ici que nous sommes d’accord sur le contraire.
Par contre, pour le tour du monde, ce sera plutot à pieds et juste un petit bout.
@Thomas
Le tour du monde ? A priori, il devrait y avoir un retour sur le local, au hasard, en commençant par les fruits et légumes, en espérant que l’on commence enfin à prendre en considération le renouvellement naturel des sols, et que l’on travaille systématiquement pour cela.
Pour voyager, suivant l’état des routes, vous auriez toujours le vélo. La France en diagonale ça ne prend que 4 jours si vous évitez ce qui est trop raide ou tournoyant dans le massif central
Après quoi, on verra bien ce qu’on peut faire avec le carbone suivant toutes ses structures moléculaires, demandant certes de l’énergie pour être mis en forme, mais je me verrai bien rouler sur une route en diamant version anti-dérapant, dans un véhicule en nanotube de carbone. Enfin, peut-être pas nous … faut attendre les doses de haut flux électriques sorties d’usines adéquates, et si il faut aller ramener le tritium de Jupiter, faudra pas être trop pressé comme quand on commande un café en terrasse.
Je ne fais pas de commentaire sur les batteries, arrivera ce qui arrivera à un moment, mais si il y a du monde bien nourri qui peut penser là dessus, des solutions viendront.
En attendant, le flux instantané d’énergie dont nous disposons, c’est le soleil. Il y avait du stock de solaire dans les hydrocarbures ou jus de charbon, le radioactif, nous vient de notre dernière supernova, ou je ne sais que combien de générations se sont succédées pour nous livrer notre réserve en uranium essentiellement présente dans le noyau où on ne risque pas l’aller le chercher. Un peu ce qui en émane en creusant des petits trous partout, si ça ne coûte pas trop cher de creuser ces trous qui ne tarderont à se refroidir.
Comme disait récemment Mélenchon en France pour ménager un électorat écolo potentiel : « pour remplacer le nucléaire, c’est évident, il y a la géothermie » … mais je doute qu’il ait vraiment potassé la question …
Puisqu’aparemment nous sommes seuls, je poursuis :
Figurez vous que j’habite à plusieurs kilomètres d’un petit village, en pleine forêt. J’ai là un troupeau de brebis, un jardin, une petite scierie, un forage pour l’eau, pas de télévision etc etc…
Et bien ce soir, oui, ce soir, j’ai été content qu’il existe du pétrole, de l’internet, des routes, et tout un tas de ce genre de truc. Parce que, une fois vidé le deuxième extincteur, je n’avais plus rien pour éteindre ce feu qui ronflait dans la charpente, et j’ai donc appelé les pompiers.
« Revenir au local », c’est la fin de tout un tas de choses, dont certaines sont précieuses.
« revenir au local », façon de parler. Ceci veut dire revenir à son niveau pour toutes choses où il est plus efficace, et où la mondialisation permettait avant tout une confiscation aux profits de certains, en étant tout-à fait indifférent à la destruction de ce dont ils n’auraient pas pu bénéficier directement, au premier degré, dans l’immédiateté. Au hasard, le lien social humain avec ces voisins ( je n’ai pas précisé « voisine »). Le goût des produits cueillis frais pour les gastronomes …
Si la mondialisation se calme sur le modèle de développement actuel, cela ne veut pas dire que le reste du monde n’existe plus, qu’on ne peut plus voyager du tout, et que d’ici quelques années ( centaines et milliers ) une partie de ce qu’il reste de nous, ne va pas essayer de quitter la sphère terrestre pour aller de plus en plus loin, vu qu’on a que ça à faire et à penser, de toute manière, une fois les basiques un peu plus stabilisés ici ( bien que stabilité absolue n’existe pas, attendez un bon événement cosmique pour voir, du genre de ceux où les pompiers n’y peuvent rien )
L’avantage de la traine, sur ce blog, est, alors que Paul s’exaspérait presque des hors-sujets alourdissant les fils, et dont je suis volontiers coutumier, puisqu’ils offrent des bifurcations, et des échappatoires très aléatoires, générateur d’idées inattendues, cet avantage est qu’ils ne sont plus gênants lorsque le feu des lecteurs et intervenants est concentré sur les derniers billets, la flèche du focus.
Pour information technique et statistique. Pas encore d’accès ADSL je suppose ? Vous êtes dans quelle région ? Quels niveaux de pollution générale ? Appauvrissements des sols ? Informations entre voisins pour les techniques anciennes améliorées par les connaissances modernes comme biodiversité maximum des cultures simultanées ( exit le tracteur ) arrêt du labour pour renouvellement et entretien des sols par contrôle des espèces cultivées et complémentaires, végétales et animales, voire BRF, là où vous êtes …
Je ne vous demande pas de nouvelle de votre charpente, à priori, elle ne vous est pas encore tombée sur la tête bien qu’à la bonne santé de votre petit marteau frappeur pour la réparer. Au Japon où j’habite et où une majorité des structures petit bâtiment est encore en bois, les techniques d’artisans ( un peu sur le déclin le job ) pour rattraper les poutres de tout support, par des tailles de clé de bois plus ou moins complexes, est un art tout-à fait intéressant. Parfois incroyable.
C’est le mouvement du retour, qui pose problème. Redescendre quelques marches, dans le calme et une répartition à peu près stable, me parait le plus difficile. C’est ce qui me plait dans ce blog, le temps consacré à l’avenir.
Vu la violence de la dégringolade, je crains que disparaissent pêle-mêle des choses parfaitement futiles, et d’autres tout à fait précieuses.
Ici, les landes de gascogne, sol sableux de forêt de pins (dévastées par l’ouragan Klaus), petites vallée de ruisseaux au sol plus riche en matières organiques, boisées de chênes et d’aulnes, présence de tourbe, nombreuses sources, faune interressante (loutres, tortues, vison d’europe, chauves souris…), ADSL quand même, BRF bien sur, mais pas de tissus agricole originel : l’exploitation standard fait plus de 300 ha. Heureusement, pour l’instant, la forêt domine.
La charpente va bien, merci.
Ah ben tiens, vous avez une sorte de situation d’hyper-privilégier. Attendons que des pénuries se déclarent provoquant des famines par trop de stockage dans les villes. Uuuups, moi, au milieu de 15 millions d’habitants entassés, sans même avoir un faciès originel, ils vont me bouffer pour régler deux problèmes en un.
Ca n’est gagné pour personne.
Bonne traversée de tourmente à vous.
Trouvé dans http://www.energybulletin.net/primer au sujet de l’énergie, et surtout du lien entre énergie et crise économique, Je trouve cela éclairrant et comme les crises financières et économiques sont toutes deux traitées dans ce blog, il me semble intéressant d’en reproduire un extrait ici :
Financial collapse and oil peak
After several years of rapid growth, the global crude price began falling in lockstep with financial markets in 2008, a fact which may have both contributed to – and masked – a concurrent global oil production peak. The oil industry has been running on a treadmill since 2005 with production staying essentially flat. Capital for oil infrastructure investments, which might have seen new production continue to offset declines for a few more years yet, has withered.
Conversely, the financial collapse itself was triggered in part by the approach of peak oil: higher commuting costs due to soaring oil prices set off the ‘exurb’ house price collapse in the US and put stress on mortgage repayments, leading to the subsequent collapse of the mortgage backed securities bubble and further financial unraveling. But this was merely a trigger event. In the long run, peak oil poses far more fundamental challenges to our dominant economic systems which are predicated on perpetual growth.