Ici se trouvait notre traduction collective de l’entretien que Simon Johnson a accordé au magazine The Atlantic, publié dans son numéro du mois de mai.
J’avais demandé à The Atlantic, ainsi qu’à Johnson lui-même, le droit de publier cette traduction. Elle a été présentée ici jusqu’au 7 mai, date à laquelle j’ai reçu l’injonction de la retirer ou de payer 800 $.
Copyright The Atlantic.
49 réponses à “Le coup d’Etat feutré, par Simon Johnson (traduction française)”
Quelle magnifique illustration de la thèse qu’a toujours défendue Castoridis : nous ne vivons pas dans une démocratie mais dans une oligarchie libérale !
Bonjour,
Ce vieux Cornelius Castoriadis, qui disait dans les années 90 que la stratégie du PS mitterandien vis à vis du FN et de son chef,
pourrait, dans un avenir pas si éloigné, propulser Le Pen devant les Socialistes aux éléctions…la tête de L.Jospin, après les résultats du 1er tour des présidentielles de 2002, le vide abyssal de son a-regard et sa réaction ultérieure, en disaient long.
A voir, entre autres, dans : Cornelius Castoriadis, Une société à la dérive – Entretiens et débats 1974-1997 – édition Seuil
Bonne journée
J’espère que M. Simon Johnson est un gentleman et qu’il a le goût du don
car je n’ai pas le temps de lire cette extraordinaire traduction-feuilleton à suspens.
Ce qui fait dresser les cheveux sur la tête, c’est de penser que cette « caste » oligarchique libérale (formée de l’union des classes possédantes et des classes dominantes) conserve un pouvoir de résistance et de nuisance inouï … du moins pour l’instant. Un petit signe d’espoir, tout de même : la « repentance » d’un Johnson et de quelques autres. Ceci étant dit, la « repentance » de Johnson me parait ambigüe, comme si la politique du FMI n’avait pas contribué à ruiner nombre de pays qui ont fait appel à son aide.
Bravo a tous ceux qui ont fait aussi rapidement la traduction de ce texte important!
Merci à Paul Jorion, également, de se « taper » la gestion de son blog!
@ André
les références d’un livre qui pourrait vous intéresser si vous ne le connaissez déjà: Résister en politique, résister en philosophie: avec Arendt, Castoriadis et Ivekovic
Le groupe animé par Castoriadis, depuis Paris, issu du mouvement trotskyste, s’appellait « socialisme ou barbarie », reprenant une expression utilisée par Rosa Luxembourg. Tout un programme, qu’a notamment et brillamment illustré Guy debord, qui en faisait partie, ainsi que de l’Internationale situationniste. Il était notamment partisan des « conseils ouvriers », par opposition à la théorie léniniste de « l’avant garde révolutionnaire ». Une tranche d’histoire, mais une pensée très cohérente et ouverte dans la multiplicité de ses approches.
Socialisme ou Barbarie est certes issu du courant trotskyste,
mais il est surtout en rupture avec lui :
pour Trotsky,
l’Urss est un « Etat ouvrier dégénéré » quand
Lefort et Castoriadis se sont efforcés de montrer que la bureaucratie
était en fait une nouvelle classe dominante.
A l’époque, cela faisait scandale (voir la réaction de Sartre).
Ce fut donc, du point de vue théorique, une critique marxienne du prétendu marxisme soviétique.
Une façon savante de dire tout haut : non, ce n’est pas cela, le socialisme. Il y eut aussi dans la revue
des reportages sur les luttes pratiques des ouvriers contre ce qui les opprimait, à l’Est comme à l’Ouest.
Casto a fini par remettre en cause les présupposés mêmes de Marx,
notamment en faisant de l’imaginaire social une force essentielle,
en rompant avec la vision déterministe-matérialiste tant de la société que des luttes pour la changer .
En ce sens, sa vision me semble plus ouverte que celle de Debord, qui est toujours resté « classiquement » marxiste,
même s’il a bien cerné la nouvelle organisation sociale en la qualifiant de « société du spectacle ».
La critique de Casto est allée plus en profondeur, justement parce que sa critique s’attaque à l’imaginaire capitaliste,
et pas seulement à son fonctionnement ou à ses structures. Un extrait :
« … avec cette société c’est l’humanité qui risque de subir une catastrophe irréversible. Il ne pourra y avoir d’issue que si les hommes et les femmes partout se réveillent et décident de prendre leur sort entre leurs mains. C’est cela même qu’est le projet d’autonomie ; rien ne garantit qu’ils le feront, mais rien ne garantit qu’ils ne le feront pas non plus. Nous ne pouvons rien faire d’autre que de travailler pour qu’ils se réveillent. Qu’ils se réveillent de l’apathie et de l’abrutissement, des supermarchés et de la télévision. Et s’ils se réveillent je crois que l’on peut être certain qu’ils auront décidé de détrôner l’économie et la production de la place souveraine où les ont mis le capitalisme et le marxisme, et de les remettre à leur juste place qui est que l’économie et la production sont de simples moyens de la vie humaine et non pas des fins. Car depuis que l’humanité existe, de toutes les fins que les sociétés se sont proposées, l’expansion sans fin de la production et de la consommation est sans doute la plus dérisoire et la plus ignoble.
Nous devons nous proposer comme une fin la constitution de collectivités libres formées par des individus libres, responsables et capables de donner un autre sens à leur vie que l’acquisition de quelques camelotes supplémentaires.
Quel sera ce sens ? Nul ne peut le dire à leur place mais je terminerai en disant ce que, moi, je vois comme un tel sens : la création d’êtres humains qui aiment la sagesse, qui aiment la beauté et qui aiment le bien commun. »
(Porto-Alègre, 1991)
On peut écouter deux conférences de Cornélius CASTORIADIS en mp3 sur le site duMAUSS :
http://www.journaldumauss.net/spip.php?article112
On peut y lire aussi une présentation de Castoriadis extraite de l’ouvrage de Jean-Louis PRAT « Introduction à Castoriadis ».
Parmi l’oeuvre vaste et multiforme de « Casto », on signalera tout particulièrement aux lecteurs du Blog de Paul JORION le texte intitulé
La « rationalité » du capitalisme, publié dans « Figures du pensable, Les Carrefours du labyrinthe VI ».
@ André
La repentance de Johnson n’est pas ambiguë : il critique les dégâts de l’oligarchie financière avec les critères qui ont permis la création d’oligarchies dans tous les pays émergents ! Et la sortie de crise qu’il envisage et de socialiser les pertes (nationalisations-nettoyage des banques à nos frais et privatisations au bénéfice d’une néooligarchie quand elles seront propres !). Rien de bien nouveau.
La critique du comportement de l’oligarchie US est bien vraie mais là encore il est bien en dessous de la réalité !
Je sais en tout cas que l’intervention du FMI en Indonésie a laissé un gout très amers et une haine profonde, du FMI, de l’occident donneur de leçon.
Je me souvient de la haine envers les « spin doctor » du FMI, perçue dans les discours de victimes.
Ce qui est intéressant dans cette vision c’est que la souffrance des peuples semble avoir pour cause, non pas l’intervention du FMI, mais le faite que l’oligarchie a tenté de reporter le cout des réformes sur les petites gens.
de là à analyse que que la haine contre le FMI soit une manière pour l’oligarchie de détourner la haine d’eux-même…
je comprend aussi pourquoi le FMI aujourd’hui propose des prêts aux pays émergents, sans mesures préliminaires… tout simplement parec qu’il n’y a pas d’oligarchie à nettoyer, ou plutot qu’il faut nettoyer avant tout en occident et surtout aux USA.
Désolé, encore une fois, je ne sais pas ou mettre ce post :
Pourtant il me semble que la panique de 1907 ressemble beaucoup à notre crise.
On parle souvent de 1929, mais il me semble que 1907 est négligé à tort.
Au début de 1907, le banquier Jacob Schiff de Kuhn, Loeb & Co. avait prononcé un discours devant la chambre de commerce de New York qui contenait cet avertissement : « Si nous n’avons pas de banque centrale disposant d’un contrôle suffisant des ressources nécessaires au crédit, ce pays se retrouvera face à la crise financière la plus brutale et la plus grave de son histoire »
Morgan apparut d’abord comme un héros, mais bien vite cette image se ternit avec les craintes de voir émerger une ploutocratie et la concentration des richesses entre les mains d’une minorité.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Panique_bancaire_am%C3%A9ricaine_de_1907
Bonjour à tous.
Je suis surpris qu’un tel billet n’ait pas été suivi par plus de commentaires.
2 remarques :
1- J’ai l’impression, mais je me trompre peut-être, que la grille de lecture de ce blog est essentiellement conflictuelle. On a l’impression en lisant les billets qu’un groupe social est parvenu à une hégémonie politique indirecte, sociale. Notre grille de lecture prend parti, plus ou moins implicitement, pour une historiographie de la crise faisant du changement de mode de régulation des pays ocidentaux le déterminant majeur des évènements que nous traversons.
2- Je n’ai pas trouvé, mais peut-être ai-je mal cherché, de billet portant sur les croyances de ce groupe social devenu hégémonique. Quelle est leur vision du monde, quelles sont les soubassements idéologiques qui ont pu leur laisser croire que leurs instruments leur permettait de contrôler l’économie ?
Bonjour,
@A.
allez voir du côté de la société du mont pélerin pour la théorisation du néolibéralisme. Ont fait partie de cette société des gens comme Barre et Pompidou…
Cette société a enfanter dans chaque pays un tas de groupes de réflexions de tous bords politiques (essentiellemnt de droite mais pas seulement…), parmi celles-ci : l’institut Montaigne, institut Turgot, Terra Nova (de gauche mais pro-mondialisation).
Vous avez aussi une autre forme de rassemblement de l’oligarchie qui va mixer un peu tous les groupes et toutes les tendances : le Siècle (on y retrouve aussi bien Aubry que S@rko, des journalistes, industriels, etc.).
A l’échelle internationale on arrive vite au groupe Bilderberg, la trinationale, etc.
Cette oligarchie à mis une trentaine d’années à prendre quasiment tous les pouvoirs en France (impossible sous De Gaulle qui doit faire la toupie dans sa tombe).
Il faudra un effort soutenu, une forte cohésion de la population pour créer un VRAI contre-pouvoir et les déloger…
@A.
voir aussi billets précédents : ici et là.
@ Hari S et Igor
Merci pour vos réponses.
Plus proche de nous, il y avait la Fondation Saint Simon.
Je pense que cette olligarchie, à laquelle je faisais référence, avait des convictions, de nature quasi-religieuses, bien qu’elle ne fussent pas perçues comme telles.
J’ai une anecdote qui vous fera comprendre le sens de ma question. Je discutais avec une ancienne candidate à la députation du PS. Elle est passée de la gauche du parti à sa droite. Je lui ai demandé ce qui avait motivé une telle évolution. La formulation de sa réponse m’a marqué. Selon elle, c’était le sens de l’Histoire.
A l’instar des pays de l’est qui avaient fait du marxisme-léninisme leur idéologie officielle, reposant sur un matérialisme dialectique, ces olligarques devaient avoir un même système de croyance. Quel sens donnent-ils à l’histoire, pourquoi la croyance de l’autorégulation a-t-elle été si présente chez eux ?
Francis Fukuyama avait écrit sur la fin de l’histoire. Selon lui, la chute de l’URSS et la victoire d’un système politico-social constituait cette fin de l’histoire. Le libéralisme et le socialisme sont empreint d’un très fort positivisme ( à la Auguste Comte). Je pense que le désenchantement du monde ne s’est pas produit. Une autre vision métaphysique et eschatologique s’est substituée aux religions.
@A
les commentaires sont sur les deux papiers précédents.
Une remarque à propos du « groupe ». Ils ne sont pas un groupe social et ayant été organisé pour, sans faille, arriver où ils en sont. L’opportunité a fait que des individus jouant toutes leurs cartes, y compris celles de leur ascendance, ce sont retrouvés ici, et fassent alors tout leur possible pour conserver le plus longtemps possible la situation en l’état. celle-ci n’est pas définitive, comment le pourrait-elle ?
Il est impssible de revenir à l’ancien régime. Comme pour les espèces, le destin est de s’adapter, ou de disparaitre. Et, je me repète, il n’y a pas de fin de l’histoire, il n’y a pas de position fixe, et ce qui a disparu ne se reproduit plus.
inertie dans les caches navigateurs, c’est amusant qu’on écrive sur la fin de l’Histoire en même temps @A dont je n »avais pas le dernier post avant d’envoyer
A A., ah ha ! Nous y voilà ! 2 points importants que vous soulevez-là. Simples mais importants.
Non ce n’est pas une hégémonie politique indirecte dont il s’agit présentement. C’est une hégémonie. Ce sont les rois du jeu. Ils maîtrisent actuellement le jeu. Les différents groupent qu’ils forment sont à l’image de nos fédérations sportives ou associatives. Rien de plus. Ils mènent le jeu mais ont néanmoins besoin de divertissement…nous, nous lisons bien les journaux !
Alors oui, certes, la grille de lecture se déplace doucement de l’analyse technique économique à l’observation des « régulations » (?). Pouvait-il en être autrement ? Imaginer la suite rejoint votre deuxième point, qui sont ces gens.
Ah Ah ! Attendons la suite, observons et parlons-en autour de nous : que pouvons-nous faire de plus ?
Bien à vous.
Les risques excessifs pris par les institutions financières pour les compte de l’élite de milliardaires ont au mieux, retardé la crisesystémique!
La confiance perdue de la haute finance dans les capacités de se faire « rembourser » par les spoliés fait que le système restera bloqué pour longtemps, QUELS QUE soient les milliards injectés « en haut »!
Seule issue: injecter une monnaie anticrse de type monie fondante, immédiatement et pleinement efficace dans l’économie réele.
Accessoirement, cela va dégeler l’ensembmle des réserves actuellement gelées!
D’où so nom: monnaie antigel ou monnae fondante!
Grand corps malade
Mr Johnson me fait penser à un médecin au chevet d’un malade ressemblant à Frankenstein. La mondialisation n’est-elle pas un peu à l’image de Frankenstein non ?
Mr Johnson a une pratique courante du type de problème de santé pouvant affecter ce genre de créature monstrueuse car il fait partie des équipes qui ont »construit » le monstre.
Le monstre a eu une croissance rapide mais laborieuse. Il est sujet aux hoquets, aux flatulences et aux brusques inflamations. La bulle est pour lui un problème récurent.
Heureusement le FMI écrase les bulles.
Lorsque surgit une inflammation, une poussée de fièvre, un bouton, une infection, une tumeur, Mr Johnson et ses équipes interviennent. Scalpel, électrochocs, cautérisation au fer rouge, le tout avec ou sans anesthésie, ce n’est pas le matériel qui manque, la trousse du FMI est toujours bien garnie.
Mais cette fois ci c’est le coeur ou le cerveau, peut-être les deux à la fois, qui sont atteints.
Le médecin qui a pris du recul, mais qui connaît (ou croit connaître) sur le bout des doigts l’architecture et la psychologie du monstre nous dit donc crument où il faut manier le scalpel et appliquer le fer rouge.
Mais ses anciens amis ont quelques doutes. Hola disent-ils, il s’agit d’organes vitaux ! Et intervenir de la sorte ne risque t-il pas de remettre en cause l’idée même du monstre ?
Car le monstre sert à alimenter le rêve de la foule spectatrice. Il a été créé pour cela. C’est pourquoi il est si important pour ses »géniteurs » à qui il assure la rente, qu’il continue à vivre. Quel qu’en soit le prix à payer, il faut que le spectacle et le rêve continuent.
Mr Johnson confond un peu la partie et le tout.
Quelle importance en effet, s’il faut amputer un doigt, un bras, une jambe, le monstre survivra et le spectacle qui aura pris de l’épaisseur continuera.
D’ailleurs le monstre a été fait comme cela, en taillant dans le vif.
Mais suggérer, ou risquer de lui couper la tête est plus hasardeux. Car alors il n’y aurait plus de spectacle d’un coup. Et la foule brutalement réveillée et frustrée de son rêve, deviendrait très vite enragée, crierait »Remboursez », casserait les fauteuils…
En quelque sorte, et c’est là son grand mérite, Mr Johnson nous montre que le roi est nu.
Et pour éviter que tout le monde s’en aperçoive et se retourne contre elles, nos élites n’ont qu’un leitmotiv : jouer les prolongations. Vite une photo d’un G20, un frémissement de bourse, des indicateurs de reprise qui frétillent…
Merci aux auteurs de ce blog et à l’effort des traducteurs, la séance d’effeuillage du roi est une réussite.
Bonsoir
je suis arrivé sur ce blog à partir d’un site que j’aime bien : http://1libertaire.free.fr/LaCriseSJonhson.html
J’aurai juste une petite question qui me taraude depuis un moment : on nous dit que les états s’endettent pour sauver entre autre les banques. ALORS QUI PRETENT AUX BANQUES ?
sinon concernant ce texte d’un ex ponte du FMI : quelques confirmations ( en particulier que la crise ne fait que commencer … ) sinon rien à attendre d’un économiste. Nous ne vivons pas qu’une crise financière et économique : nous vivons une crise globale et nous cherchons quelle autre voie prendre qui ne soit ni la capitalisme privé (dans sa forme démocratique et plus surement totalitaire vu l’approfondissement de la crise ) ni la capitalisme d’état ( dans sa forme soviétoide ou chinoise)
la question était ALORS QUI PRETENT AUX ETATS ?
qui donnent aux banques ? on le sait tous !
@ François Leclerc
Précision : Guy Debord n’a pas fait parti de « S ou B », il a cotoyé quelques mois le groupe, trois ou quatre rencontres achevées par une rupture du fait de Debord. Il n’a jamais contribué à leur production, leurs projets communs ayant rapidement avorté. Cet éphémère voisinage improductif fut solitaire et n’impliqua en rien l’Internationale situationniste.
@ shizosophie, @ François Leclerc, et à tous ceux qui s’intéressent à la genèse d’une réflexion, en l’occurrence celle des ces deux principaux contributeurs en France, au XXème siècle, à la double critique du capitalisme libéral et du capitalisme étatique russe que furent l’Internationale situationniste et Socialisme ou Barbarie.
D’abord pardonnez un peu d’érudition philologique (!) avec ces quelques précisions-compléments à ce qui a été signalé sur les rapports entretenus par Guy Debord, l’Internationale Situationniste, et Cornélius Castoriadis, le groupe Socialisme et Barbarie.
Guy Debord a adhéré tout-à-fait formellement à SouB, comme on a pu l’apprendre pour la première fois dans l’étude de Philippe Gottraux (« Socialisme ou Barbarie ». Un engagement politique et intellectuel dans la France de l’après-guerre. Payot, Lausanne, 1997). Cette information, pas secrète mais largement méconnue et en tout cas absente jusqu’alors de toutes les publications sur Debord ou l’I.S., a été largement confirmée depuis par divers témoignages ainsi que la publication de la correspondance de Guy Debord, mais on pouvait sans doute déjà aussi l’induire à la lecture des publications de l’IS. D’ailleurs, au moins deux autres membres de l’IS étaient aussi adhérents (André Frankin, Attila Kotanyi, et peut-être Raoul Vaneigem?).
Guy Debord participait aux réunions du groupe et à ses activités, comme en témoigne sa correspondance, et ce depuis l’automne 1960 (selon le témoignage de Daniel Blanchard: Dans le bruit de la cataracte du temps, Sens et Tonka, Paris, 2000) jusqu’au 5 mai 1961 (lettre de démission lisible dans la Correspondance, vol 2). Il a ainsi mené des actions avec SouB mais aussi signé un texte important avec Daniel Blanchard avec pour objectif l’établissement d’une plate-forme commune entre SouB et l’IS (Préliminaires pour une définition de l’unité du programme révolutionnaire, 20 juillet 1960).
Debord explique ainsi sa participation à André Frankin, le 19 février 1961
* Le philosophe Claude Lefort a aussi participé à SouB et l’a quittée en 1958 avec d’autres à cause de désaccords sur la question de l’organisation: selon Debord, cette tendance était tellement ‘anti-organisationnelle’ qu’elle ne voulait ni ne pouvait en constituer aucune et se condamnait donc à ne rien faire.
** Pseudonyme de Daniel Blanchard.
***André Frankin résidait en Belgique où venait d’avoir lieu de très importantes grèves.
L’influence réciproque de ce rapprochement-participation est notable d’un côté chez Castoriadis (cf. par exemple « Le mouvement révolutionnaire sous le capitalisme moderne » , Capitalisme moderne et révolution, t. II, Paris, U.G.E., 10/18, 1979, p. 168-169, où il est question de spectacle, comme rupture de la communication et de rétablissement de la communication dans la communauté et la fête, deux « concepts » proprement situationnistes).
Chez les situationnistes, la critique de la bureaucratie totalitaire « soviétique » (notamment dans La Société du spectacle de Debord ou Le traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations de Vaneigem) est un prolongement de toute la réflexion de SouB qui s’était précisément constitué sur cette base de rupture totale avec les partis communistes existants et surtout d’avec les différents mouvements trotskystes qui restaient aveugles et muets sur le pouvoir de la bureaucratie.
Par ailleurs, la lecture des sociologues américains critiques, qui nourrissent les thèses situationnistes (Riesman, Whyte, Boorstin, Packard, etc.), n’était pas une évidence en France dans les années 50-60, les membres de SouB ont été les premiers a en faire largement état.
Les situationnistes ont donc été des « héritiers » de la double critique inaugurée par SouB, à la fois du capitalisme étatique « russe » et du capitalisme libéral « américain ».
Ce très long point fait, j’en tire personnellement deux remarques. Tout d’abord, aucune pensée ne naît abstraitement dans l’isolement. C’est par influence, reprise d’une part, et confrontation, critique d’autre part que se forge une réflexion, dont on est seul ensuite à assumer ensuite la responsabilité finale au moment où on la signe (en temps que personne ou groupe). Il ne s’agit donc pas d’attribuer des bons points ou des brevets de première invention. SouB a eu des prédecesseurs et contemporains, l’IS aussi.
L’IS est célèbre pour sa dureté, avec ses membres (douloureuses exclusions), et aussi les penseurs qui lui furent contemporains (cinglantes critiques). On se rend compte qu’elle ne l’a jamais été, et d’autant plus, qu’avec des gens qui lui furent proches ou qui auraient pu être proches (Henri Lefebvre, Lucien Goldmann, Cornelius Castoriadis (qui signait à l’époque notamment sous le pseudonyme de Paul Cardan), et aussi Edgar Morin entre autres). A un moment, les routes divergent, les conclusions diffèrent, et par honnêteté, il faut signaler et marquer la rupture: où et comment elle a lieu. (Cela étant, j’aurai des réserves sur le ton et la manière employés par l’IS.)
Sur le fond, la double critique mentionnée au début et qui pourrait nous intéresser tout particulièrement au jour d’aujourd’hui, il y en aurait bien à en dire… Une autre fois peut-être…
Bien cordialement.
@ Nikademus
Merci de ces précisions que j’ignorais. Je voudrais ajouter, de mon point de vue, que l’intransigeance (pour ne pas dire le sectarisme, difficile parfois à distinguer) qui pouvait régner dans ce courant n’était pas sans rappeller des épisodes douloureux du mouvement surréaliste. Vous y faites référence, en rappellant les noms d’une cohorte de penseurs, tels Goldmann, Lefevre et Morin, qui participaient d’une appréhension très commune des choses de ce monde. La suite a été plus marquée par les ravages intellectuels occasionnés par Althusser et ceux qui s’en sont réclamés, qui selon moi ont représenté, d’une certaine manière, le retour et la revanche d’une pensée scolastique et arride.
La clef de la porte de notre prison politique est par terre et personne ne la regarde.
Bonjour à tous,
Merci à Paul et aux habitués de ce blog pour la richesse et la générosité de votre pensée.
Ce lieu est important.
Le document de Simon Johnson est fort.
Merci de l’avoir traduit !
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Mais je suis étonné que personne –ici comme ailleurs– ne voie la clef de la porte de notre prison politique, alors qu’elle est là, par terre, à la vue de tous, pendant que nous tapons sur les murs et regardons tous vers les fenêtres, à travers les barreaux…
Chacun reconnaîtra avec moi que nos gouvernements ne servent pas prioritairement l’intérêt général, mais bien plutôt l’intérêt des seuls ultrariches (ceux-là mêmes qui leur permettent d’être élus). En ce moment, c’est un festival, une caricature : même en plein naufrage, nos « représentants » servent aux très riches des milliards supplémentaires, et aux pauvres du chômage et des dettes à vie.
Et les privilégiés qui ont acheté le pouvoir en achetant les élus sont assez peu nombreux, finalement : voyez « Le terrible secret de Tim Geithner … Quand la solution à la crise financière en devient la cause » par William Engdahl, sur Mondialisation.ca.
Mais d’où vient que nous soyons tous CONDAMNÉS À REGARDER FAIRE ces faux « représentants », sans pouvoir les empêcher de nuire ?
Je l’ai déjà dit ici, mais je reste seul et ça m’étonne : le contrôle des pouvoirs (ou l’absence de contrôle des pouvoirs !) est programmé, dans un texte stratégique (dont tout le monde se désintéresse bizarrement) : LA CONSTITUTION.
Les acteurs politiques sont devenus les marionnettes serviles des ultrariches grâce à l’institution de L’ÉLECTION comme unique mode de désignation de nos représentants.
Manifestement, l’élection n’a tenu (presque) aucune de ses promesses d’émancipation et l’analyse de cette illusion est sûrement la meilleure voie pour changer les choses en profondeur (avant que la terre ne soit complètement vandalisée par les plus riches).
Le seul moyen de rendre à nouveau responsables (et révocables) les acteurs politiques, c’est d’utiliser LE TIRAGE AU SORT au lieu de l’élection :
• tirage au sort de l’Assemblée constituante, d’abord et surtout,
• et tirage au sort pour désigner au moins une des deux chambres parlementaires, ensuite éventuellement.
Si ce sujet vous intéresse, voyez :
– Élection ou tirage au sort ? Aristocratie ou démocratie ? Qui est légitime pour décider cela ?
– Résumé en vidéo : Pour une Assemblée constituante tirée au sort.
Mais tout le monde ignore ou méprise aujourd’hui cette grande clef de la démocratie.
En négligeant cette issue pourtant facile, nous sommes comme des rats affolés et impuissants dans un piège politicien pourtant évitable : les partis ne servent qu’à gagner les élections et les politiciens de métier, on le voit, servent tout à fait prioritairement ceux qui les font élire. Nous n’avons pas besoin de partis pour faire de la politique, au contraire. C’est le processus de l’élection qui porte en lui la supériorité donnée aux partis ; le régime des partis n’est pas une fatalité.
Cette idée n’est pas du tout en opposition aux vôtres, elle en est le complément,
elle en est même le complément indispensable, il me semble, la suite logique en quelque sorte.
Décidément, je m’étonne que les simples citoyens ne s’emparent pas de cette idée fondamentalement révolutionnaire : nous devrions être des millions à exiger une Assemblée constituante tirée au sort, pour enfin sortir des griffes de nos propres élus (de l’emprise des partis et surtout de leurs chefs), pour sortir du droit des élus à disposer des peuples et pour imposer enfin le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Ça ne sert à rien de réfléchir et de tempêter contre nos gouvernements qui agissent mal dans cette tempête économique et financière si on ne s’en prend pas aux fers qui sont à nos pieds, au plus haut niveau du droit, et qui permettent aux « représentants » de faire exactement ce qu’ils veulent sans opposition véritable, sans risquer quoi que ce soit de la multitude des citoyens maltraités.
Tant qu’on n’aura pas imposé un processus constituant honnête (une assemblée dont les membres soient désintéresssés), nous serons condamnés à gesticuler vainement, pendant que les goulus se goinfrent (d’ailleurs, ils l’ont bien compris, les goulus : eux, ils l’écrivent, la constitution européenne : Jean Monnet, Pompidou, Philippe Lamy, et bien d’autres acteurs décisifs de l’UE ont été des banquiers ou des industriels)…
Bref, nous devrions nous en prendre à nous-mêmes :
LE POUVOIR VA JUSQU’À CE QU’IL TROUVE UNE LIMITE (Montesquieu)
et nous ne lui fixons quasiment aucune limite…
Bien fait pour nous, donc.
Quand on sortira de chez nous, tout cela changera.
Comme en 1936.
Merci pour tout ce que vous faites.
Étienne.
« Ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir. »
_________________
PS : je vous conseille la lecture d’un livre passionnant qui récapitule les expériences humaines en matière de tirage au sort, avec les différents argumentaires en présence, et qui témoigne de la prolifération actuelle des essais de « démocratie participative » (pléonasme à la mode) partout sur terre : Yves Sintomer, « Le pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative » (La Découverte, 2007).
Déception : comme chez Pierre Rosanvallon, toute cette riche et utile réflexion historique passe complètement à côté du processus constituant : pas un mot là-dessus dans tout le livre…
Cette lacune m’étonne au plus haut point.
Si j’ai bien lu…
N’y aurait-il pas 3 zéro de trop par « billion » ? … mais non, quand on regarde l’article original en anglais…
Monsieur Leclerc ou Monsieur Jorion … expliquez nous que cet article nous trompe…
@ Anne J.
En ce qui concerne les expositions de ces cinq banques, je n’ai pas été vérifié, mais l’auteur donne ses sources, qui sont officielles.
A propos du rôle prépondérant qu’elles jouent, cela semble incontestable et établi. Il y a desblogs entièrement consacrés à la dénonciation de Goldman Sachs, symbole de cette situation :
http://www.goldmansachs666.com/search/label/A%20Goldman%20Sachs%20Conspiracy
La banque s’efforce d’ailleurs d’obtenir que celui-ci cesse d’utiliser la marque « goldman sachs », à laquelle est accolée le chiffre du diable, 666, via un cabinet d’avocats. L’auteur du blog n’en est pas son coup d’essai.
@ Anne J.
Un « billion », c’est un milliard : 1 000 000 000.
Un « trillion », c’est mille millards : 1 000 000 000 000.
Oui, il y a trois zéros de trop.
Oui, oui , sauf que l’article en anglais … ( http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=12953 )
🙂