Billet invité.
DERRIERE LES SOUBRESAUTS DE L’ARGENT-MONNAIE, UNE CATASTROPHE ANNONCEE
Les mesures annoncées par le G20 n’y changeront rien. La monnaie n’est pas neutre, ni économiquement, ni idéologiquement, et il ne faut pas laisser aux intérêts spéculatifs et privés le soin d’émettre cette monnaie, potentiellement si perturbatrice.
Quatre questions se posent à toute personne voulant comprendre et éventuellement réformer le système monétaire actuel :
1) Qui émet (ou « crée ») cette monnaie-argent ?
2) Combien (quelle quantité) faut-il émettre ?
3) Pourquoi (et pour qui) émet-on cette monnaie ?
4) Qui contrôle (et régule) cette émission ?
Je ne vais pas revenir sur la première question, car chacun sait, plus ou moins bien, que le système monétaire fait intervenir à la fois la banque centrale (pour la monnaie fiduciaire – les billets – proprement dits) et les institutions financières, banques (de second rang) ou intermédiaires financiers. Les banques émettent essentiellement de la monnaie scripturale (au-delà de leurs propres réserves en monnaie fiduciaire) – dans le cadre de certaines règles prudentielles peu contraignantes. Les autres institutions agissent comme de simples intermédiaires financiers, en prêtant à certains agents économiques l’épargne – de plus ou moins long terme – réalisée par d’autres agents.
Je vais plutôt m’interroger ici sur les raisons des variations de la monnaie, en me limitant ici à ce qui est appelé agrégat monétaire M1, qui inclut billets (et pièces) en circulation et dépôts à vue (définition Banque de France, 1999). Cette question contient donc les points 2 (Combien) et 3 (Pourquoi). Le point 4, celui du contrôle et de la régulation, n’est pas vraiment traité par le G20, faute de s’être attaqué clairement – et non idéologiquement – aux questions « Combien » et « Pourquoi ».
Pourquoi des variations monétaires ?
Cette question, souvent effleurée, mais rarement approfondie, peut s’écrire ainsi : pourquoi la masse monétaire en circulation a-t-elle besoin d’être augmentée (ou diminuée) d’une période à l’autre ? Dit encore autrement, pourquoi le système économique pris dans sa globalité a-t-il besoin de plus (ou de moins) de monnaie-argent que précédemment ?
Ces questions sont évidemment indépendantes de l’agrégat monétaire choisi pour le raisonnement. J’ai pris ici M1, considéré traditionnellement comme correspondant à l’ensemble des moyens de paiement (fiduciaire et scripturaux) ; on aurait pu, dans un système où il n’y aurait que de la monnaie fiduciaire, se poser les mêmes questions.
L’augmentation monétaire a servi essentiellement au secteur financier
L’augmentation de la masse monétaire constatée en Europe – et en France – depuis une douzaine d’années (avant et après le passage à l’euro), et on pourrait faire le même raisonnement au niveau mondial même si les chiffres sont plus délicats à commenter, est liée au phénomène suivant.
Les « rentiers » et les « spéculateurs » se sont enrichis au détriment des producteurs
Indépendamment de tout problème lié à l’inflation, l’essentiel de cette augmentation monétaire (en moyenne, inflation décomptée, de 7 à 9%, pour une croissance moyenne de 2,5%) est dû aux besoins de financement d’actifs financiers, en d’autres termes aux spéculations boursières. Plus précisément, au lieu que la masse monétaire, censée être un simple « voile monétaire » au service de l’économie dans son ensemble, joue ce rôle ‘normal’, cette augmentation a essentiellement profité au secteur financier, au détriment de la sphère de l’économie réelle. Les « rentiers » et les « spéculateurs » se sont enrichis au détriment des producteurs (entrepreneurs et « travailleurs »).
Des chiffres éloquents
Deux chiffres montrent bien cette « spoliation » de l’économie « réelle » au profit de ce qu’il convient d’appeler les « capitalistes », les hommes aux écus dépeints par Karl Marx dans le livre 1 du Capital.
L’agrégat monétaire M1 (l’ensemble des moyens de paiement ‘à vue’) est passé en France, en 10 ans, de 1997 à 2006, de 26% à 44% du PIB. Si M1 était un simple voile monétaire, cet agrégat aurait dû conserver les mêmes proportions par rapport à la production nationale. A moins, bien sûr, de supposer que la vitesse de circulation de la monnaie ait baissé dans les mêmes proportions, ce qui, jusqu’en début 2008 au moins, n’a pas été constaté.
L’évolution du cours de la Bourse (supposé résumée par l’évolution du CAC 40) a crû sur les 15 dernières années deux fois plus vite que le PIB, avec de fortes évolutions il est vrai, après l’écroulement de la bulle Internet, puis les attentats du 11 septembre, puis d’autres crises encore. Mais si on regarde le niveau atteint le 2 mai 2007, 6000 points, cette remarque reste vraie en tendance.
Il n’est donc pas surprenant que le CAC 40 évolue actuellement entre 2600 et 3000 points, qui représentent une correction « normale » si l’on estime, du moins, que la valeur boursière des entreprises devrait correspondre à leur valeur économique, telle qu’elle est représentée par l’évolution du PIB et des profits « normaux » réalisés à cette occasion – profits « normaux » censés pouvoir financer les investissements futurs. Sans croissance, aucun profit n’est « normal », il ne devrait y en avoir aucun.
Il n’est pas surprenant non plus que ceux qui s’étaient enrichis indûment, en captant à leur profit l’essentiel de la masse monétaire émise (ou « créée ») par le système bancaire – en contrepartie de leurs actifs « financiers » (créances douteuses reposant en partie sur des actifs « toxiques ») – réclament à corps et à cris une rallonge monétaire à leur seul profit, cette rallonge ne pouvant passer, évidemment, que par les banques.
Deux solutions se présentent : récompenser les voleurs ou aider les producteurs
Face au hold-up commis sur 15 ans – plus sans doute – par les spéculateurs dont la part dans la richesse nationale (revenus non gagnés pourtant) n’est pas loin d’avoir doublé, on peut décider de valider cet hold-up. C’est apparemment ce que le G20 a décidé.
Rappelons au sujet du « hold-up » des spéculateurs que cette bascule de l’augmentation monétaire à leur seul bénéfice a amené une quasi stagnation du pouvoir d’achat des « travailleurs » sur les dernières années, et à un surendettement de l’ensemble de l’économie (surendettement de la part des « capitalistes » qui n’est apparu tel qu’après le début de la crise des subprimes, et de la part des travailleurs, qui gageaient cet endettement sur des revenus futurs, qu’ils n’auront sans doute pas du fait de la dépression actuelle).
Une autre solution, la seule socialement correcte, serait bien sûr de considérer que les pertes (virtuelles) des capitalistes doivent rester des pertes, et de décréter que les créances douteuses accordées par les banques ne valent plus rien.
Comme mesure complémentaire, en dehors de la « nationalisation de la monnaie » (pas des banques), c’est-à-dire de la reprise en main directe par l’Etat de toute émission monétaire (ce n’est évidemment pas la « planche à billets » qui a causé – au moins pour la plus grande part – cette augmentation monétaire favorisant les spéculateurs, par l’intermédiaire d’un système financier où chacun, petit ou grand, croyait pouvoir devenir riche indument) il apparaît essentiel de transformer l’ensemble des dépôts à vue en monnaie fiduciaire, tout en interdisant dorénavant aux banques d’accorder des crédits non entièrement couverts par cette nouvelle monnaie fiduciaire.
Cela ne changerait pas la masse monétaire actuelle M1, mais cela interdirait dorénavant aux banques commerciales – redevenues de simples intermédiaires financiers – d’émettre sans contrôle de la nouvelle monnaie, indépendamment des besoins réels de l’économie réelle. Et s’il faut créer de la monnaie nouvelle, cette monnaie doit aller directement aux entreprises et aux ménages, en aucun cas aux spéculateurs et aux banques (en dehors de la restriction précédente : les banques peuvent et doivent agir en tant qu’intermédiaires financiers, en prêtant à des agents économiques l’épargne déjà réalisée par d’autres agents).
Mais, encore une fois, je ne crois pas, hélas, que le G20 prenne ce type de décisions. Il préfère sans doute amuser la galerie en faisant la chasse aux paradis fiscaux. C’est sans doute une bonne chose, mais très marginale par rapport à ce qu’il faut faire. L’argent doit aller à l’économie réelle, pas à l’économie financière, ce n’est pas en taxant un peu plus les spéculateurs que le problème de fond sera traité.
40 réponses à “Derrière les soubresauts de l’argent-monnaie, une catastrophe annoncée, par Bruno Lemaire”
extrait:
L’argent doit aller à l’économie réelle, pas à l’économie financière, ce n’est pas en taxant un peu plus les spéculateurs que le problème de fond sera traité.
Pourquoi ne pas commencer par des taxes temporaires et des règlements ciblés et évolutifs ?
Vouloir traiter le pb de fonds, c’est se condamner à l’impuissance.
Le ploblème de fonds n’est pas prioritaire dans le déroulement temporel.
Il nécessite une réflexion, un consensus et une volonté politique. C’est à dire trop tard.
En fait ‘l’économie réelle’ et ‘les spéculateurs’ sont antinomiques;
Assècher les flux et les sources alimentant ‘les spéculateurs’ en favorisant ‘l’économie réelle’
doit être possible. C’est une affaire de volonté politique; elle est absente. Tout est dit ou preque!
Je suis arrivé à la même conclusion : http://creationmonetaire.blogspot.com/2009/02/systeme-monetaire-30.html
On ne crée de la monnaie réelle de base « M1 » qu’en direction des hommes (ménages).
Et Argent Dette < M1 (a < 1). Les Banques ne prêtent pas plus que leurs dépôts, et prennent une grosse claque direction la prison sans passer par la case départ et sans toucher de bonus en cas de dépassement.
Le G20, c’est surtout le : j’ai 20 sur 20 et c’est moi le premier de la classe !
et s’il part à la chasse, même s’il feint,
il perd sa place.
Serait-ce même à la chasse aux paradis,
ils ne contribueront pas moins
à nous resservir
tiède ou réchauffé,
un tout nouveau,
et flambant neuf,
bon vieil enfer.
A propos de Goldman Sachs, appelée « La Firme » :
« Le 21 septembre 2008, en raison des pertes considérables subies par leurs implications dans la crise des subprimes, le groupe demande et reçoit l’approbation de la Réserve Fédérale (FeD) pour un changement de statut : de banque d’investissement (investment bank) elle devient la quatrième holding company du pays. Le groupe peut alors bénéficier des nouvelles liquidités de la Réserve Fédérale (FeD) débloquées par le plan Paulson. Henry Paulson étant ancien président et directeur de la banque Goldman Sachs, des critiques s’émeuvent de ces conflits d’intérêts possibles stipulant que la firme tire bon partie du plan Paulson (cela la sauve) et certainement meilleur partie que les autres compagnies. » (wikipedia)
Ah, ils sont vraiment très forts…
A propos de l’article de Bruno : la reprise en main directe par l’Etat de toute émission monétaire est tout à fait louable en considérant un Etat parfaitement républicain soucieux du bien-être de la population, pas en considérant un état capitaliste dont les intérêts convergent avec ceux de l’oligarchie du Monde Merveilleux de la Finance. Sachant que les Etats américains et européens sont également des actionnaires, et pas des moindres – vous avez dit BNP ? – on peut comprendre leur désir ne rien changer au système actuel.
Que l’on arrête avec les comparaisons entre monnaie fiduciaire et scripturale.
Les instances américaines ont délibérément cessé la publication de M3 début 2006 ce qui signifie la connaissance de la bulle et la volonté de ne pas y mettre fin.
Le « Dr es dépression » ne s’est donc pas non plus retrouvé à son poste en 2006 « par hasard », bref il faut en plus de la kleptocratie actuelle retenir la préméditation.
Quel comédien ce Greenspan dans son numéro d’enfant qui croyait aux marchés il était boulversant. Si ce n’était si grave, sûr qu’Hollywood lui ferait un pont d’or. J’ai dis enfant ? Sauf de retenir la sénilité, cet acteur mérite le haut de l’affiche à Broadway dans ascenseur pour l’échafaud avec beaucoup d’autres.
M1, M2, M3… Mais qu’est-ce que c’est que cette blague ?
2 Guerres à financer, un choc pétrolier à absorber et 3% de croissance moyenne. Je peux concevoir que les mathématiciens la tête dans le mouvement Brownien géométrique voir la volatilité stochastique à calibrer n’ait rien vu venir mais les banquiers centraux ?? La seule guerre du Vietnam avait signé la fin de l’étalon or.
La monnaie est avant toute chose une histoire de confiance et je ne veux croire ce que j’ai vu.
Weimar, Zimbabwe et consorts appellations exotiques ont bon dos car elles permettent d’éviter ce mot qui rime si mal avec confiance et si dur à entendre, la trahison.
Cette incroyable trahison des élites, je dois me pincer pour ne pas vomir…
Bravo pour l’article, je suis d’accord avec les arguments. Mais c’est méconnaitre la nature humain. Chaque humain désire une amélioration de sa condition de vie(ne pas confondre avec l’existencialisme) dans se cas il doit acquérir les moyen de se procurer cette amélioration. Donc si tout travail mérite salaire, il faut bien un instrument pratique pour réconpenser le travail et favoriser les échanges. Pas de chance ont n’as trouvé que la monnaie( le retour a l’or étant imposible a notre niveau d’échange).
M’enfin une augmentaion de 18% de M1 en 12 ans, c’est 3% par ans. Mais cela veux surtout dire que soit il y a plus d’échanges, soit que les prix aient augmentés. Je penche pour la seconde solution.
Le système par lui même me semble assé efficace, le seul problème c’est qu’il n’est plus ni réglementé ni controlé c’est un une sorte de partouze ou tout le monde baise tout le monde. Mais a part cela le capitalisme reste valable a condition que la condition humaine n’en fasse pas les frais. Il est sencé améliorer la production donc la production de richesse. Le problème intervient uniquement lorsquel’on veux produire de l’argent a partir de l’argent. Comme si les pains pouvaient se multiplier a l’infini, il se sont pris pour de christ nos financoer ou quoi ?
« Les “rentiers” et les “spéculateurs” se sont enrichis au détriment des producteurs »
Ben, je crois que non. Non.
Ce n’est pas ainsi qu’il faut présenter les choses, même si cela plaîra au lecteur habituel de Paul.
Il est fort possible , et même certain que le partage des profits s’est mal fait ces dernières années.
Mais, Bruno, refléchissez, (si le vermisseau que je suis, peut se permettre cette insolence amicale), lorque l’un s’enrichit aux dépends de l’autre, le système peut souffrir mais il n’y aura pas de crise d’essence financière ou monétaire : le bilan est équilibré !
Mais l’endettement massif de ces dernières années est un autre phénomène.
La création monétaire, débarrassée de son arrimage à la valeur suprême de l’or, et donc, en principe théoriquement entièrement au service des besoins de l’économie, est devenue en fait , de par la pression keynésienne des esprits , un « bon » perpétuel à tirer sur l’avenir.
L’argent se crée dans un mouvement de déséquilibre avant. L’argent a été de plus en plus une anticipation d’ une richesse à venir, c’est dynamique, c’est moderne : à dose raisonnable et sans trop charger le futur, cela peut probablement se concevoir.
Mais on est tous passés à une culture du crédit. C’est à dire qu’une grosse partie de la masse monétaire a de plus en plus constituée une promesse à payer dans le futur. Probablement qu’une meilleure répartition des revenus/profits etc … aurait atténué ce mouvement, toujours est-il qu’on a pensé le contourner par des crédits à la consommation, et des déficits budgétaires qui ne sont qu’une façon de différer temporairemnt le coût de dépenses des uns sur les autres …
Là dessus, tout naturellement, le système financier se met à absorber une partie de cet argent pas cher que la structure US déverse -pas encore en hélicoptère, mais à grand flots- : c’est à dire qu’en plus des classique bulle d’actifs (M.P. , Immo, bourse) qui créent artificiellement de la valeur et finissent par destructurer la vrai richesse en faussant les valeurs, puis en se dégonflant, là donc, ce système financier va lui même devenir une gigantesque bulle spéculative, s’inventant des produits sophistiqués générant des rentabilités à 2 chiffres elles mêmes alimentées par la monnaie fraîche rentrant dans le système : comme n’importe quelle bulle banale.
Et donc, le spéculateur (qui n’est pas seulement le ‘Kerviel’ américain mais aussi l’avocat socialiste franchouillard qui place et déplace ses petits avoir patrimoniaux sur les les actifs les plus rentables), ne s’est pas enrichi, au départ, au détriment du producteur ou de la sphère réelle de l’économie. La pyramide de Ponzi savait très bien fonctionner en vase clos.
Néanmoins je veux bien admettre que, d’une part, ces profits mirifiques ont permis à certains de se servir en biens et services sans contrepartie véritable, et que d’autre part, les rendements colossaux de ces placements ont obligé l’économie réelle à dégager des profits démentiels aux bénéfices des détenteurs de capitaux investis, et ce, en exerçant une pression sur les salaires et en poussant aux délocalisations.
Mais au delà de ces phénomèmes déjà dommageables , le pire est dans la pyramide d’argent créée qui n’ a comme contrepartie que des créances plus ou moins insensées, dont la résorption ordonnée n’est plus envisageable dans un futur à temporalité humaine et va donc se produire, fatalement, dans un chaos précipité , provoqué par quelques grains de sable.
Allais parlait d’une pyramide de dettes, mais en fait c’est à la liquidation d’une pyramide de bulles , à laquelle on assiste.
En acceptant de spéculer en bourse ou de jouer sur l’immobilier, ou de s’endetter sur la base d’actifs surévalués, en poussant nos états à un endettement cumulatif en permanence pour des dépenses de fonctionnement et de confort, nous avons également, nous même , rogné toutes nos marge de manoeuvre de réaction face à cette crise dont il est vrai que nous sommes plus complices que responsables.
Si bien qu’ à présent les « gigantesques » plans de relance , même triplés si l’on suivaient nos amis les keynésiens, financent uniquement les secteurs spéculatifs coupables et disparaissent dans le puit sans fond du désendettement, sans relancer l’économie – « mais il faut bien faire quelque chose » annone le choeur de la tragédie grecque- , tout en préparant une insolvabilité des Etats , prélude à une hyper inflation probable (J’ai bien lu mon Jean-Claude W.) , qui réorganisera le monde de façon bien pire que la vilaine déflation.
Et rendra nos aimables spéculations très vite caduques. C’est presque déjà fait.
Bon allez , il est tard et je dois aller au lit.
Excellent billet, qui clarifie bien le débat quant au rôle de la monnaie et met réellement les pieds dans le plat.
A vrai dire lorsque j’ai commencé à fréquenter ce blog, j’avais des idées très vagues sur le rôle de la monnaie, sur les politiques keynésiennes. Grâce aux efforts continus de Paul, et des autres auteurs de billets, sans oublier tous les commentateurs, j’ai avancé dans ma compréhension, la crise « aidant » aussi, celle-ci, comme il a été remarqué par certains, remplissant son office de révélateur de mécanismes autrement mal appréhendés. Il faut dire qu’avec cette crise défilent comme en accéléré bien des mesures et leurs effets qui « en temps normal » s’étalaient sur des périodes beaucoup plus longues. Et nous n’en sommes qu’au début. Beaucoup de choses vont encore se produire.
Les rois de la finance et ceux qui les soutiennent à bouts de bras sont nus. Toutes les illusions concernant les plans de relance et les renflouages des banques se dissipent. Maintenant il apparaît nettement qu’une période de décantation intellectuelle s’amorce et apporte avec elle son lot de solutions de plus en plus évidentes. Bref, une étape importante est en train d’être franchie, c’est un premier pas avant que les politiques, du moins les plus lucides et ouverts d’entre eux, embrayent sur des contre-propositions qui gagnent en audience intellectuelle, et peu à peu, en audience médiatique.
Vous dites :
.
L’idée, simple, mais essentielle, revenait de façon sporadique ou en filigrane dans les billets et au fil des commentaires.
C’est très important qu’à ce stade du développement de la crise, cela soit maintenant affirmé haut et fort.
On les a tellement entendus, ces capitalistes, lorsqu’il s’agissait de vanter leurs facultés mirobolantes à prendre des risques.
Maintenant que leurs actifs ne valent plus rien, sous prétexte de relancer l’économie ils se livrent à un gigantesque — kolossal — détournement de fonds. La plaisanterie a assez duré.
Les plans de relance keynésiens sans réels projets de société à la clé, sans projection dans un avenir viable et désirable, vont colmater les brèches le temps d’éviter la destruction de quelques emplois. Mais combien plus encore de chômeurs viendront s’ajouter bientôt si ce n’est pas le modèle économique et de société en tant quel tel qui n’est pas l’objet de tous les soins ?
Car les chantres de la mondialisation néo-libérale courent toujours les rues et annoncent la bonne nouvelle : les délocalisations vont se poursuivre !! Telle est la loi divine, pardon, la loi de l’économie !! Il faut sans tarder leur couper l’herbe sous les pieds, et votre billet est un magistral contre-argument lancé à tous les chantages au désastre.
Oui l’argent doit aller là où il fait le plus cruellement défaut.
Dans les poches des pauvres, des classes moyennes, vers des sociétés, associations, individus qui ont des projets économiques à dimension sociale et compatible du point de vue écologique. Essentielle est aussi la question de l’appropriation du temps.
Pour toute activité économique il faudrait désormais poser la question : permet-elle l’appropriation du temps par ceux qui y participent. Ce temps est-il réglé sur le temps mondial, fragmenté, et qui renvoie à des espaces interchangeables (lire l’excellent dernier billet de Daniel Dresse à ce sujet) de la circulation des marchandises et des capitaux, ou bien est-ce le temps nécessaire à la maturation de l’individu, lequel temps n’a sa vraie dimension qu’à l’échelle de la durée de vie humaine.
J’ajoute, cette question n’a bien entendu de sens que si l’économie est désormais envisagée en termes de complémentarités plutôt qu’en termes de conquêtes de marchés. Continuer à raisonner dans les termes de l’économie axée sur l’idéologie capitaliste ne peut qu’amener de nouvelles déconvenues et autres illusions.
La solution, forcément politique, est simple : assécher les sources de financement de ceux qui s’adonnent à la sinistre activité qui consiste à faire de l’argent avec de l’argent.
Ce qu’Aristote dénonçait déjà dans l’antiquité et qui se justifie moins que jamais quand on voit ce que la course aux profits génère de dégâts sociaux et de dégradations des éco-systèmes.
Il m’apparaît clairement que votre proposition qui consiste à redonner aux banques leur mission économique et sociale en coupant le robinet qui alimente les rentes rejoint celle de Paul qui consiste elle à interdire les paris sur les prix : les spéculateurs spéculent la plupart du temps avec de l’argent qu’ils n’ont pas et qu’ils doivent donc emprunter.
Bravo Oppossùm, je suis moins pessimiste que vous. Mais j’avoue que franchement c’est vraiment difficile de voir. Les cartes sont vraiment toute faussées. Mais je pense qu’il y a quand même une solution, qui consisterait a se que les gouvernement reprennent doucement les reines. D’ailleurs le G20 est normalement constitué des ministres des finances. Hors se coup ci, il me semble que les présidents se soient rencontré et non pas de simple ministre.
Ca passe inapercu, mais vue le calme actuel, il me semble qu’il ait peut être décidé de serrer la lésse de leur olgigarques.
M’enfin c’est un point de vue perso.
Bravo Bruno !
Vous ré-ouvrez le débat sur la monnaie alors que toute l’attention était concentrée sur la régulation des banques, sur les salaires excessifs, sur les parachutes dorés, sur les paradis fiscaux, en fait des artéfacts d’un système coupable d’un véritable hold-up par les rentiers et spéculateurs encouragés et protégé par la puissante oligarchie financière. La critique, et le procès du système est entamé, passons aux solutions pour sauver le patient, la monnaie.
Grâce à l’opiniâtreté et la patience de Paul, le débat sur la monnaie est maintenant libéré des divergences d’interprétations. Les malentendus, se sont finalement dissipés pour permettre d’ouvrir de nouvelles voies avec sérénité. Un débat sur la création monétaire, sur le rôle des banques centrales et de son système de réserve fractionnaire, sur la nature de la monnaie (sans intérêts, fondante, etc.…), sur le rôle des acteurs, sur le fonctionnement d’un nouveau modèle économique pour une nouveau monde…
Continuez !
Bonjour à tous, et merci pour vos commentaires.
Je ne vais répondre ici qu’à Opposum, puisqu’il écrit, très gentiment, qu’il n’est pas d’accord avec mes arguments, ce qui es évidement tout à fait son droit.
Avant cela, je voudrais remercier Paul, qui a hébergé mon dernier billet, ce qui lui permet d’être plus commenté que sur mon site habituel, ‘contre-feux’. L’important étant évidemment de débattre au fond de la crise, et plus particulièrement d’un sujet essentiel – même s’il m’a fallu longtemps pour m’en rendre compte moi-même – celui de la monnaie (sachant que nous n’avons pour le moment qu’effleurer un des points importants, à savoir quelle monnaie voulons-nous : monnaie ‘classique’ – pilotée par des états censés être au service de la collectivité – monnaie ‘one shot’ – émise au moment de la production, et détruite au moment du ‘marché’ – c’est à dire de la consommation ou de l’investissement – monnaie ‘fondante’ …)
Cela étant dit, je vais donc essayer de répondre à l’argument de l’ami Opposum :
« Mais, Bruno, réfléchissez, (si le vermisseau que je suis, peut se permettre cette insolence amicale), lorsque l’un s’enrichit aux dépens de l’autre, le système peut souffrir mais il n’y aura pas de crise d’essence financière ou monétaire : le bilan est équilibré ! »
La forme de l’argument est pleine d’humour, le fonds paraît plein de bon sens. Et pourtant…
L’argent monnaie, quelque soit son support (physique ou virtuel) est ‘assis’ sur des contre-parties. Ce que j’ai suggéré dans mon billet, c’est qu’une partie de plus en plus grande de la masse monétaire (restons à M1 : grosso modo billets plus monnaie scripturale ‘à vue’, si vous le voulez bienà) s’appuyait sur des marchés spéculatifs, essentiellement le marché financier (actions et ‘futures’). Je crois que personne ne remet cela en cause.
Lss chiffres sont sans doute inexacts, mais j’en prends seulement pour illustrer mon propos : on est ainsi passé d’une part de 10% de M1 appuyée, ou garantie – peu importe le terme – sur de l’immatériel (ou des espérances de gains) à 20%. Dit autrement, 90% de l’argent-monnaie destinée à acheter des biens ou des services (en vue de consommation ou d’investissement) n’ont plus représenté que 75%. Mais après tout, pourquoi pas. La richesse ‘virtuelle’ des riches (les ‘spéculateurs-capitalistes’) avait augmenté, ils pouvaient aussi utiliser l’argent ‘garanti’ par cette richesse virtuelle (représentée majoritairement par la hausse des marchés boursiers) aussi bien que les tenants des ‘revenus (réellement) gagnés’, l’argent n’ayant ni odeur ni caractéristique particulière indiquant sa provenance.
Ce n’est que lorsque les banques ont commencé à se demander si elles pouvaient réellement continuer à ‘garantir’ de telles masses d’argent – le déclencheur ayant été la crise des sub-primes , sans doute non encore totalement épurée, que l’on s’est interrogé sur la valeur des garanties apportées à cette spéculation qui avait vu la fortune des uns, et la stagnation du pouvoir d’achat des autres. D’où ce que l’on peut résumer ainsi : « où sont passés les milliards les ‘nôtres’ comme les ‘leurs’ ».
M1 agit un peu comme dans des vases communicants (vases très vaseux ;-).
Lorsque la bourse perd 50% de sa valeur, on se pose des questions sur la valeur de l’argent (d’où parfois des réflexes de thésaurisation, qui agravent les problèmes de confiance). ET, bien sûr, même si l’on ne veut jamais mutualiser les gains, les spéculateurs (il est vrai qu’il y a aussi des petits épargnants : ce qui permet de faire pleurer dans les chaumières, comme pour les paradis fiscaux, et ainsi de tenter de sauver les ‘gros poissons’, les ‘requins’).
D’où le dilemme : si on ne fait rien, même si le niveau des richesses ‘réelles’ n’a pas vraiment changé, le système bancaire se retrouve avec des garanties (les fameux actifs ‘pourris’, appelés pudiquement maintenant ‘actifs toxiques’) qui ne valent plus rien. D’où non seulement leur appel au secours, mais la crainte ‘populaire’ qu’une grande partie des dépôts à vue (qui représentent 8 fois la monnaie fiduciaire) ne vaille plus grand chose.
Pour justifier l’appel au ‘sauvetage des banques’, il n’y a pas mieux. Mais, dans ce cas là, le système reste inchangé, et l’on justifie ainsi le ‘hold-up’ dont je parle dans mon billet. Ainsi, en faisant ce qui a semblé ‘normal’ au gouvernement français (la garantie de 380 milliards d’euros au système bancaire, plus les 30 ou 40 milliards injectés directement, plus des tas d’autres ‘gâteries’ encore) on sauve les ‘voleurs’.
Quelques voix relativement connues se sont certes élevées contre cela, mais – en dehors de ce blog ( 😉 ), peu sont allés jusqu’au bout de l’explication. Ainsi Robertson, ( http://diablogtime.free.fr/?p=834 ) à la suite de Maurice Allais, souhaite une reprise en main totale par la collectivité de l’émission monétaire.
Cela rejoint en partie mon propos, qui est d’éviter de redonner aux ‘boursicoteurs’, en monnaie garantie par l’état, ce qu’ils ont perdu en pensant que leur argent pouvait faire des petits, indépendamment de la croissance de l’économie réelle, et aux dépens des véritables ‘revenus gagnés’, c’est à dire des travailleurs (entrepreneurs et salariés).
En espérant avoir été un peu plus clair, au moins aux yeux d’Opposum.
Bien à vous, Bruno Lemaire.
Une question ethique se pose alors.
« d’éviter de redonner aux ‘boursicoteurs’, en monnaie garantie par l’état, ce qu’ils ont perdu en pensant que leur argent pouvait faire des petits, indépendamment de la croissance de l’économie réelle, et aux dépens des véritables ‘revenus gagnés’, c’est à dire des travailleurs (entrepreneurs et salariés). »
Le cordonnier économe à la retraite après 50 ans de vie de père de famille, titulaire d’un compte en assurance vie, est-il un boursicoteur?
Un détestable bourgeois rentier?
Le boursicoteur c’est le gestionnaire de la partie risque du compte qui lui ne risque rien à risquer l’argent du cordonnier.
Le futur punira-t-il le cordonnier de s’être montré fourmi?
Sans doute!
!!! CREUSER L’HISTOIRE QUI FUT RICHE D’ALTERNATIVES AU CANPITBALISME !!!
De nombreuses alternatives économiques locales ont ponctué l’Histoire (au sens large):
– L’ échange, le POTLATCH, le TROC des peuples premiers;
– Etudier les CITéS ANTIQUES;
– Guildes PAYSANNES du Moyen-Âge;
– FELLOWS SOLIDAIRES des premiers états américains, notamment les « 4 tribus dites blanches » que sont les
AMISHES, QUAKERS, MENNONITES, UTéRITES…
– Notamment « Fondationes » JESUITES au BRESIL;
– Les » ANARCHO-UTOPISTE » du XIXè s. (Compagnons de ROCHDALE, Paul LAFARGUE, MARX, ETC…)
– En AUTRICHE vers 1900 « monnaies de vallées » (?)
– Dès 1910, l’économiste « non orthodoxe » Wilson DOUGLAS prônait la monnaie fondante émise par une Caisse Nationale de Compensation, rééquilibrant le pouvoir de consommation (utile) par rapport à la production moderne débridée…
Distribuant un DIVIDENDE SOCIAL non thésaurisable (ALLOCATION UNIVERSELLE FUSIBLE) aux citoyen-consommateurs afin de re-nourrir l’économie à la base(*) (créé ex-nihilo mais calculé sur le potentiel économique réel des nations. Nb.:Actuellement T.V.A./TOBIN/I.S.F. pourraient intervenir dans l’assiette).
Soit, au fil de l’existence, les héritiers du progrès technique reçoivent un potentiel d’achat inconditionnel (le même pour tous) complémentaire aux revenus du travail (+/- 10 à 40% du salaire moyen selon conjoncture) dans un système d’économie libre, instaurant une véritable DéMOCRATIE ECONOMIQUE, potentiellement mutagène pour le capitalisme classique…
(*)autre chose que le tonneau des danaïdes banquaires).
– A son tour Sylvio GESELL abordait ces thèses, modifiées, en Argentine.
– Durant la décennie’50, l’état céréalier du MANITOBA ne tenta-t-il pas pendant quelques années de mettre en place ce système social ? … qui fut cassé par le pouvoir central sous la pression des banquiers nord américains…
– Actuellement , l’ALASKA n’est-il pas considéré comme l’état le plus socialiste au monde (gratuité), paradoxalement ?
– Etudier également toutes les alternatives de type « SOCIALISTES/SOLIDARISTES/COLLECTIVISTES » qui n’ont pas eu que des excès… (CUBA, SUèDE, MONDRAGON, GRAMHEEN, MICROCRéDIT, S.E.L.s actuels, etc…
Aucune piste n’est à négliger, il va falloir tout repenser pour construire un monde vivable…
Retrouvons le fil rouge du « SAVOIR VIVRE ECONOMIQUEMENT ENSEMBLE »
débarassés de la DICTATURE DU PROFITARIAT.
@Tartar sur les ‘boursicoteurs’.
Cher Tartar, vous avez évidemment raison de soulever ce problème, celui des petits épargnants. Tous ceux qui ont pris un plan d’assurance vie sont sans doute partiellement dans ce cas: ainsi, à la Caisse d’Epargne, pour ne pas la nommer, sur 10000 euros déposés pour les 2/3 en bons du trésor, et pour 1/3 en actions, j’ai perdu 1500 à 2000 euros. Il est vrai que je ne suis ni un nécessiteux, ni un spéculateur, j’ai fait confiance à ma Caisse d’Epargen: dans mon cas, ce n’est pas trop grave.
Pour tous les petits commerçants et artisans, je pense que c’est à la collectivité, donc aussi à l’Etat, de traiter ce cas comme un cas particulier. Mais je pense que 95% des sommes ‘spéculées’ n’ont rien à voir avec ces petits épargnants, même si experts et conseillers spéciaux sont prêts à tout faire pour nous faire croire qu’une mesure continuant à valoriser à zéro les actifs toxiques serait une spoliation des ‘petits’, alors que c’est simplement rendre justice à l’économie réelle.
Merci d’avoir soulevé ce problème néammoins, car c’est sûrement une mesure d’accompagnement à prendre
B.L.
SUITE à WILSON DOUGLAS.
Pour être plus explicite: bien évidemment la monnaie fondante serait à parité et aurais cours SIMULTANéMENT à la monnaie officielle en vigueur; chez nous une sorte d’EURO 2.0 avec date de péremption ou N valeurs d’échange, que les entreprises rentreraient ensuite à la caisse de compensation d’état, comme une sorte de T.V.A. à créditer.
Précision utile.
N’étant pas économiste, merci d’avance à tout qui pourrait clarifier ces principes…
C’est un peu simpliste comme raisonnement, car il n’y a pas les capitalistes d’un coté et les travailleurs de l’autre. Le capitaliste et le travailleur sont en chacun de nous dans des proportions différentes qui varient au fil du temps.
L’employé qui place une partie de son épargne dans une assurance vie en partie indexé sur la bourse est lui même un capitaliste. Les +8% qu’il demande a la bourse, c’est à lui qu’il le demande.
Evidement on peut reprocher a des organismes d’avoir exacerbé ces cotés chez les gens, on peut reprocher à certains d’être devenu 100% capitalistes et de s’en être mis plein les poches, mais globalement, nous sommes tous concernés, parce que nous voulons au pire être des rentier pendant nos retraites !!! nous l’avons décidé ainsi socialement.
Alors je trouve que proposer des mesures sur la base d’une réflexion aussi manichéenne ne peut pas résoudre les vrais problèmes qui se posent. De même qu’à l’inverse le G20 qui se situe à l’autre opposé du spectre ne peut pas fonctionner non plus.
Remplacer un déséquilibre par un autre ne fait que renforcer l’entropie globale du système alors que nous devrions viser l’inverse qui porte le nom d’harmonie 😉
A l’origine était le privilège exorbitant du dollar, sans ce dernier les financiers de WS n’auraient jamais pu devenir ce qu’ils sont devenus. C’est là l’origine de tout les dérapages dans le monde et l’origine des dettes qui n’ont aucun fondement réel mais proviennent de la captation de la richesse par la finance au lieu et place de la réalité économique.
@Ybabel et aux autres.
Tout projet fondamental de réforme est un peu simpliste, certes, de là à dire que nous sommes tous plus ou moins capitalistes me semble quand même exagéré.
Certes, il ne s’agit pas de fermer les yeux et de nier que la nature humaine est complexe, et qu’il y a évidemment de l’avidité et de l’égoîsme en cchacun de nous. On peut d’ailleurs se reporter à mon blog personnel pour une discussion plus approfondie de ce thème.
Même sans faire appel au ‘côté sombre’ de chacun d’entre nous, qui n’a pas rêvé un moment, soit de gagner au loto, soit simplement d’avoir un placement ‘qui rapporte vraiment’ – en oubliant (ou en évitant de penser) que les gains exorbitants, ou les retraites futures, ne peuvent être financés que par la production réelle, pas par les ‘placements pharamineux’.
Je prétend donc – mais je ne suis pas omniscient – que la majeure partie des pertes – et les montants pharaoniques qui sont annoncés pour tenter de les compenser – correspond à des pertes subies par les ‘gros’, les ‘vrais’ capitalistes, pas par les ‘petits épargnants’.
On peut sans doute trouver une solution pour ceux-ci (Renflouer les caisses de retraite – jusqu’à un certain niveau, à décider collectivement – les plans d’assurance vie – là aussi jusqu’à un certain niveau), , les ‘petits’ – même s’ils sont en partie responsables.
Mais je pense qu’il faut être ‘sans pitié’ pour les gros, d’abord parce qu’ils peuvent se le permettre, et parce, en plus, ils avaient les moyens d’être plus ‘avertis’ des choses de la Finance. Je n’arrive pas à croire que toutes les victimes de Madoff soient réellement ‘victimes’. S’ils n’avaient pas compris qu’il y avait forcément une arnaque devant des rendements de 13 à 15%, tant pis pour eux.
Ce n’est pas du manichéisme, c’est du réalisme, du moins je crois. Si l’on veut éviter les erreurs du passé, évitons de sauver le système entier, où les revenus non gagnés des ‘gros’ ont conduit à la faillite de l’économie réelle, et plus encore des ‘petits’.
Oui, je pense que malheureusement, nous sommes tous « capitalistes », mais heureusement, nous n’en avons pas tous les moyens !!! lol
Mais la encore, séparer entre « gros » et « petit » risque d’être difficile, surtout quand certains « gros » sont des Hedge Fund ou un fond souverain. On va faire quoi quand on s’adresse a mes milliers de « petits » regroupés dans un hedge fund ou à des états via les fond souverains… Et même les banques représente souvent les placements de milliers d’épargnants.
Ceux qui sont « gros » ne font en réalité que ponctionner un petit peu de ces fleuves, qui sont eux, battis sur les goutes d’eaux individuelles.
D’ou la séparation « gros » « petit » qui me semble difficile dans la pratique. C’est bien d’ailleurs pour cela que le « too big to fail » est si important, c’est parce que, dans la pratique, mettre AIG en faillite, c’est avoir un impact sur des millions d’individus et non pas sur une poignée de riches…
Ceci dit, les Madof représentent bien des « hernies » du système qui nous montrent à la loupe, ce qui se passe ailleurs de manière plus subtile.
En dehors de ça, il est clair que, qu’on le veuille ou non, nous allons revenir vers le « local », après ces excès de « global ». Ca ne voudra pas forcément dire moins d’échange et moins de bonheur comme les chantres du mondialisme voudraient nous le faire croire. Et de ce point de vue, je rejoint vos arguments, mais je pense que la nuance à son importance.
Il faut aussi revenir à moins de complexité, car cette dernière permet autant d’arnaque et d’abus qu’elle n’a de circonvolutions. Clarté = simplicité. Et la, on est loin des plan Geithner et compagnie !!!
@Ybabel
Je n’ai pas vraiment d’arguments certains à vous opposer, puisqu’il est vrai que les petits ruisseaux font les grandes rivières (dans lesquelles se cachent les vrais gros poissons, qui en usent et en abusent).
Je ne suis pas sûr effectivement que l’on puisse, dans le maquis des titrisations, des hedge-funds et autres gracieusetés financières, séparerle bon grain de l’ivraie.
C’est pour cela que je propose de « tout couper », puis de venir en aide, au cas par cas, aux ‘petits épargnants malheureux’, sous certaines limites de revenus (limite à décider collectivement: chambre des députés?) puisque c’est l’état qui remboursera ces ‘petits épargnants’. Je reste persuadé que c’est beaucoup moins coûteux, et beaucoup plus ‘éthique’, de faire cela, plutôt que de commencer par sauver les banques (et les riches), ou d’essayer de se ‘dépatouiller’ des ‘actifs toxiques’.
On peut aussi utiliser pour cela le Revenu Minimum de Dignité, que je défend par ailleurs.
Donc, venir en aide aux petits, c’est possible, il suffit de le vouloir politiquement.
En ce qui concerne la transparence et la simplicité que vous appelez de vos voeux, je suis évidemment d’accord.
Très cordialement, Bruno Lemaire.
Oui je comprends,
sans être aussi tranché que vous, je pense aussi que le « Revenu Vital » sans condition pour tous pourrait être un bon moyen de niveler un peu tout ça et remettre de l’ordre. D’une manière ou d’une autre, je crois qu’on n’aura pas le choix de toute manière, car si nous ne le faisons pas de notre bon grès, les catastrophes économiques qui s’annoncent vont le faire à notre place, par le biais de « l’appel de pied extra-parlementaire » comme dirais notre cher hôte !
Il est clair que devant l’incompétence et la roublardise des autorités (quelles soient politiques, financières ou les 2, on ne sait plus trop au final) le ton monte !
Il y a aussi une solution : changer de banque ! et passer à une banque éthique, ou investir dans une coopérative, ou bien, un bon placement sous matelas en attendant que ces messieurs veulent bien se soucier de nouveau de notre confiance
@ Bruno
Merci de votre commentaire
Entendons nous : au final, il semble bien que « rentiers et spéculateurs » s’en sortiront peut-être mieux que l’économie réelle et je conçois qu’il y ait là matière à indignation et même plus …
… mais ce qu’il me semble c’est que cette spéculation -lorsqu’elle fonctionnait- s’est opérée , comme toute les bulles, par une auto-alimentation purement financière et pas sur le dos, directement, de l’économie réelle.
Je comprends bien votre exemple , mais la partie de M1 qui , en proportion croissante se détourne de l’économie réelle pour des secteurs plus rentables, ne manque pas fondamentalement à l’activité éco. (Il n’y a jamais eu manque de liquidité) … par contre cela crée une concurrence supplémentaire obligeant l’entreprise à tenter de mieux remunérer le capital investi … pas plus -même si c’est déjà , en temps normal, beaucoup-.
Si vous voulez, l’économie réelle va être la victime, énorme et objective mais collatérale, de la destruction de valeur qui s’opère dans tous les secteurs , destruction qui n’est que l’ envers du fait qu’une partie des dettes ne peut plus être raisonnablement remboursée : le ‘système’ cherche aveuglément les cocus qui , de force, « paieront » ou plutôt « perdront » et ‘financeront’ .
Le problème étant que le joujou des spectulateurs était notre monnaie , que les casinos n’étaient que nos banques, et que les spéculateurs , plus ou moins inconscients, n’étaient autres que … les boursicoteurs, les épargnants, les gestionnaires, les banques, les collecteurs de fonds, les caisses de retraites , etc … etc …
Nous allons tous être la victime collatérale de ce mirage consistant à croire à la valeur , en oubliant que la richesse c’est d’abord de la sueur.
D’accord avec vous pour ne pas donner de prime aux principaux responsables …. et même pour punir …. pour punir …qui exactement, au fait ? … ah oui … les banques … oui … mais attention à ne pas nous tirer une balle dans le pied …
Effectivement, une sanction astucieuse serait que la collectivité reprenne en main la création monétaire …
… mais concrètement … cela signifie quoi ? Et surtout serait-il bien prudent de concentrer le pouvoir monétaire au main de l’état ? …
Ne pourrait-on pas ‘inventer’ un 4eme pouvoir, à la fois indépendant des dérives, respectueux d’un paradigme et de règles prudentielles à élaborer, mais également au service d’une politique (car ne nous leurrons pas, la monnaie est aussi une arme dans la compétition entre les pays) ?
Bon c’est un peu vaso-vaseux, ok.
@opposum,
arguments très intéressants, il faut que j’y réfléchisse. Je ne me défausse pas, mais j’ai vraiment besoin de creuser la question.
En tout cas, merci pour vos divers commentaires.
B.L.
@svenmarq
je me suis aperçu que j’avais sauté vos commentaires, très intéressants, en particulier quand vous parlez du véritable instigateur du Crédit Social, Douglas, ainsi que de Silvio Gesell.
J’aime bien aussi votre slogan ‘non à la dictature du profitariat’.
En fait la difficulté est d’avoir une économie relativement effiace – disons le plus efficace possible – à l’intérieur de certaines contraintes éthiques et ‘solidaires’.
Je crois toujours que l alibre-entreprise est fondamentale, mais qu’il faut éviter à tout prix les ‘revenus non gagnés’ des ‘profiteurs’. Il y en aura sans doute toujours, mais on peut essayer de réduire leur (mauvaise) influence.
J’ai mis du temps (64 ans, donc une trentaine d’années de réflexions managériales et économiques) à comprendre que cela ne pouvait se faire sans une réforme monétaire qui, parmi d’autres objectifs, devait éviter que l’argent aille à l’argent. C’est l’économie qui doit être ‘productive’, pas la monnaie.
A force de traiter la monnaie comme un voile, on finit par le croire.
Sur votre idée d’avoir deux monnaies, une monnaie ‘normale’ et une monnaie ‘fondante’, je ne sais pas si l’idée est stupide (j’espère que non, car j’ai eu aussi cette idée, qui ne m’apparaît toujours pas absurde) mais on pourrait imaginer de tester cette idée dans une région ou un bassin d’emploi (ou de chomage) particulièrement touché par la crise.
Je lance donc un appel aux présidents de région qui aimeraient:
1) être au service de leurs concitoyens en émettant cette monnaie fondante (ce peut être en finançant le Revenu Minimum de Dignité)
2) montrer à notre président que le P.S. peut avoir des idées, et agir en ce sens.
Bruno Lemaire.
@opposum,
c’est vrai, évitons de nous tirer une balle dans le pied (voire plus haut 😉 en voulant ‘pendre’ (symboliquement, je ne suis violent qu’en paroles) nos banquiers.
Un certain Reobertson, reprenant les idées de M. Allais et d’autres précurseurs (pas très nombreux) a tenteé de mettre sur pied un projet de réforme monétaire qui correspond un peu à ce que vous appelez cinquième pouvoir.
La question qui reste cruciale reste cependant le problème du contrôle de l’émission monétaire (car, au niveau technique, ce ne sont pas des difficultés insurmontables). Ce peut être la commission des finances des deux assemblées, avec une transparence la plus grande possible, par exemple parution des variations des agrégats monétaires aussi souvent que possible, avec explications des décisions ayant conduit à émettre ou à réduire l’agrégat de base, M1.
Mais j’ai aussi d’autres idées, plus innovantes, on en reparlera sans doute
Bien à vous, B.L.
D’intéressantes réflexions de BLemaire et de plusieurs intervenants.
On peut noter « sur les dix dernières années une très forte augmentation des masses monétaires. La valeur de M1 passe de 26 % à 44 % du PIB, M2 de 61 % à 80 %, et M3 de 71 % à 93 %. Une telle évolution n’est pas particulière à la zone Euro, mais se retrouve dans tous les pays développés. » (Michel Lasserre)
Il est à mon sens difficile d’en déduire les raisons et il faut noter qu’on peut également présenter les choses dans un terme de variation de la vitesse de rotation de la monnaie (c’est l’inverse de M/PIB)
Pour seulement prendre la vitesse de rotation de l’agrégat M1 (qui comporte le numéraire + les dépôts à vue … et pas M0, qui n’a rien à voir) il est donc actuellement d’environ 2,25 alors qu’il était resté dans la fourchette 3,4 à 4,2 entre 1965 et 2000…
Bien sur, comme la quantité globale de monnaie a augmenté beaucoup plus que le PIB depuis l’introduction de l’euro (sur une pente de plus de 10% par an alors que le PIB n’augmentait que de l’ordre de 2,5%), il semble « naturel » qu’il y ait « stationnement » de la monnaie … mais pourquoi sur M1 qui ne rapporte pas d’intérêts dans la majorité des cas, alors que le transfert vers les placements à court terme ne pose guère de problèmes? J’avoue que je n’ai pas de réponse: peut être que les taux de rémunération étant bas, ça ne vaut pas le coup pour la majorité des gens qui n’ont que peu de disponibilités de faire des transferts réguliers, car malgré tout, M1 (4087 Md€ en janvier 2009), divisé par le nombre d’habitants de la zone euro ne représente « que » 13000 euros par habitant … bon, je plaisantais…?.
Harribey réponds seulement en ce qui concerne l’augmentation globale de la masse monétaire M3 (http://tinyurl.com/c379m4 ) en donnant cette explication:
Ahh, la proposition Robertson dont parle BLemaire dans son dernier commentaire est ici http://tinyurl.com/dkwhgn . . c’est aussi la conclusion à laquelle notre groupe est arrivé (un peu après lui 😉 ) : pour résumer, toute la monnaie doit être émise par la Banque Centrale qui détermine les taux, les banques commerciales devenant de simples établissements financiers ne pouvant prêter (sans intérêt supplémentaire, juste des honoraires d’intermédiaires) que ce qui leur est confié d’épargne ou qu’elles se procurent sur le marché financier. Les propositions de Paul Jorion rejoignent ici les nôtres semble t-il.
Merci à AJH d’avoir précisé un certain nombre de points, tout en indiquant les interrogations qui demeurent – qui ne valident ni mon point de vue, ni l’inverse heureusement ;-).
Quoique…,
la citation qu’il fait d’Harribey – co-président d’Attac et prof d’économie à Bordeaux, me conforterait presque dans mes positions sur la ‘spoliation’ de la sphère économique par la sphère financière (de fait, un euro est un euro, et, au final, difficile de savoir d’où vient cet argent: si la masse monétaire est immobilisée – voir ma théorie des vases communicants – si elle est remise en circulation vers la sphère réelle (toujours à l’avantage des plus riches) cela peut faire très mal (aux plus pauvres). C’est pour cela que je propose de valoriser à zéro les actifs toxiques, et de traiter ensuite au cas pas cas les comptes des petits épargnants. Ce sera moins couteux, etplus ethique, que de chercher à se dépatouiller, je l’ai déjà dit, des actifs pourris.
Je reprends donc la citation d’Harribey (du moins la partie qui va dans mon sens 😉 ):
Ainsi, en alimentant les circuits financiers en liquidité fraîche pour couvrir les besoins du capital financier (restructurations, fusions, LBO, marché immobilier, etc.), les banques centrales, et particulièrement la BCE, ont choisi : pas d’inflation tolérée sur les biens et services, mais la bride sur le cou pour l’inflation sur les actifs financiers. » Cela indique bien, d’après moi, que l’augmentation de la masse monétaire s’est faite essentiellement pour financer la sphère financière et la spéculation.
Très cordialement, B.L.
L’adresse de l’article complet d’Harribey n’est pas passée en URL .. c’est http://tinyurl.com/c379m4 ou http://harribey.blogsudouest.com/2007/08/12/a-quoi-jouent-les-banques-centrales/
@B L
Je suis tout à fait d’accord avec toi que « l’augmentation de la masse monétaire s’est faite essentiellement pour financer la sphère financière et la spéculation. ». Un autre article de François De Witt du 13 juillet 2007 que nous citons intégralement dans notre livre » La dette publique, une affaire rentable « (P. 107) va d’ailleurs dans le même sens en parlant de l’inflation des actifs.
Mais je n’ai toujours pas d’explication concernant le ralentissement de la vitesse de rotation de tous les agrégats… 🙁
@ A-J Holbecq
Je suis d’accord avec votre réflexion : la titrisation des actifs financiers aurait dû les rendres plus simples à vendre et donc plus liquides, ce qui aurait dû faire augmenter la vitesse de rotation et non l’inverse.
C’est comme si les lois du marchés n’avaient pas été respectées dans la vente de ces titres et que les prix auraient été fixés…