Ce texte est un « article presslib’ » (*)
L’un d’entre vous m’écrit et il évoque ce qu’il appelle « mon lapsus » et, comme je n’ai pas le souvenir d’avoir commis un lapsus, je l’interroge, et il me dit : « Tu as dit : ‘Ne désespérez pas !’ à propos du fait que le système ne s’écroulerait peut–être pas ». Et je lui explique qu’il s’agit d’un malentendu : « Ne désespérez pas… la raison prévaudra ! »
C’est très différent. Parce que je n’espère pas du tout que le système s’écroule bientôt. Nous n’avons encore rien compris de la manière dont il fonctionne et, du coup, nous n’avons encore rien à proposer à la place. Aussi, s’il devait s’écrouler dans les semaines qui viennent, soyez bien sûr qu’on ira puiser dans la boîte des solutions existantes : fascisme, communisme, dictature militaire ou démocratie agrémentée d’une bonne guerre. Merci, tout ça on a déjà donné et on n’est pas près de vouloir en reprendre !
Mais comme le système pourrait s’écrouler quand même, il faut aller vite. D’où mon « Gesell (III) ». Voici où nous en sommes selon moi.
Les subprimes, ce n’est qu’une toute petite chose mais cela a quand même déclenché la catastrophe. Ce n’est qu’un grain de sable, mais un grain de sable significatif. Une société où il n’y a plus que du crédit finit par s’effondrer parce que c’est une énorme machine de Ponzi qui ne fonctionne que si elle peut continuer de recruter de nouveaux participants et qu’une fois qu’on a embrigadé les pauvres, il n’y a plus personne à recruter après eux.
Pourquoi est-ce que tout devient du crédit ? Parce que la richesse s’est concentrée et que l’argent ayant cessé d’être là où on en a besoin, doit être emprunté.
Comment empêche-t-on la richesse de se concentrer ? Ici, bref résumé de Gesel (II) : 1) on supprime la propriété privée des moyens de production et on établit une dictature de la classe jusqu’ici privée d’accès à la richesse, à savoir le prolétariat – solution Marx, 2) on fige la répartition de la richesse dans son état présent, en l’empêchant de faire des petits par la perception d’intérêts – solution islamique et chrétienne traditionnelle, 3) on redéfinit la monnaie de telle manière que son fonctionnement ordinaire empêchera la richesse de se concentrer – solution Gesell.
Mais tout ça, ce ne sont encore que des solutions « en extériorité » du problème, qui essaient de contrer la concentration de richesse mais sans s’attaquer véritablement à la source du problème. Je fais une analogie grossière . Il faut résoudre le problème du rhume de cerveau. Solution Marx : on coupe la tête. Solution Islam / Christianisme : on donne des anti-histamines, le nez ne coule plus, on se sent aussi mal qu’avant mais au moins les autres ne voient pas que vous êtes enrhumé. Solution Gesell : on redéfinit le rhume comme une manière d’être en bonne santé. Je caricature évidemment, mais pas tant que ça : comment Marx a-t-il pu imaginer qu’une dictature – quelconque – puisse être une forme de solution ?
Ceci dit, il y a une chose que Gesell a lui très bien vu (et Johanness Finckh nous l’a rappelé), c’est que la monnaie joue deux rôles : celui de moyen d’échange – pour lequel elle a été conçue – et celui de réserve de valeur – qui en est une conséquence dérivée. Son rôle de moyen d’échange oblige – si l’on veut qu’il existe une certaine stabilité des prix – à tout ce que l’argent disponible circule en permanence. Or le rôle de réserve de valeur encourage lui à la thésaurisation, ce qui au contraire grippe le système et rend les prix instables. Il faut donc neutraliser la fonction de réserve de valeur de l’argent, ce qui peut se faire en rendant la monnaie « fondante » (qu’elle se déprécie par le simple écoulement du temps), comme le préconise Gesell ou en taxant la thésaurisation, comme le recommande de nos jours Helmut Creutz.
À ça, il y a quand même deux objections à faire. La première, la plus importante à mon avis, c’est que la monnaie fondante, c’est le cauchemar du décroissant. Je ne suis pas partisan de la décroissance, je l’ai déjà dit mais je ne suis pas partisan non plus, dans un monde qui rencontre en ce moment ses limites, de la production à tout crin : d’une monnaie qui exige d’être dépensée, et qui risque du coup d’être dépensée à tout et à n’importe quoi. Si c’est à ça qu’on en est réduit, s’il faut nécessairement « neutraliser » une monnaie quelle qu’elle soit, ma tentation est de dire carrément : « Alors inventons autre chose ! ».
La deuxième objection à Gesell, c’est celle-ci : si le problème est de faire circuler la monnaie et d’empêcher qu’elle ne s’arrête, alors le capitalisme avait déjà trouvé la solution : que les entrepreneurs et les capitalistes ne paient aux salariés qu’un salaire au-dessous de la subsistance et leur permettent d’emprunter la différence. L’argent circulera ! Les salaires seront – faites-moi confiance – entièrement dépensés, tandis que les capitaux seront prêtés et rapporteront de beaux et bien gras intérêts et tournez manège !
Et je crois que c’est là que se situe le problème en réalité – et du coup, le début de la solution. Je sais que la fonction d’échange appartient constitutivement à l’argent : c’est pour ça qu’il fut inventé. Mais je ne sais pas si la fonction de « réserve de valeur » lui est aussi constitutive. Je vois bien que l’argent a cette fonction dans le système capitaliste où l’on a trois classes : capitalistes, entrepreneurs et travailleurs, et où le surplus produit par les travailleurs est, dans un premier temps partagé entre capitalistes et entrepreneurs, qui reçoivent les premiers les intérêts et les seconds le profit et, dans un deuxième temps entre les entrepreneurs et les travailleurs qui se partagent alors le profit, les proportions exactes se décidant selon les rapports de force existant entre ces trois classes.
Ce qui veut dire la chose suivante : il existe une « harmonie préétablie » entre le fait-même de la monnaie et ce que Marx appelle l’« exploitation » : dans le fait que le surplus est généré par les travailleurs mais qu’il n’en reçoivent une part qu’après que les autres se sont servis. Et ici, une petite parenthèse : quand je parle des entrepreneurs, et en général je mets les points sur les « i », je précise bien = dirigeants d’entreprise = patrons, parce que certains d’entre vous m’objectent : « Quoi, l’entrepreneur, c’est le petit gars tout seul, c’est un héros ! », mais ce n’est pas de lui que je parle : je parle des entrepreneurs qui ne travaillent pas, des « inspecteurs des travaux finis », qui se contentent de surveiller le travail des autres, pas de l’« entrepreneur » auquel vous pensez, qui est un travailleur comme les autres, si ce n’est qu’il bénéficie du « luxe » supplémentaire de s’auto-exploiter !
La monnaie et l’exploitation, la spoliation du travailleur de la richesse qu’il crée, vont la main dans la main. « Neutraliser » tel ou tel aspect, ou résoudre le tout par une dictature quelconque – y compris des travailleurs – ce ne sont jamais que des emplâtres sur des jambes de bois.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
114 réponses à “Gesell (III)”
J’ai lu maintes fois ce Gesell III sans être certain de la voie vers lequel il pointe
Est-ce la nécessité de lier les monnaies fondantes à de nouvelles structures de production ? Coopératives ?
Oui pour faire écho à Alain Vézina, je pense que la voie coopérative n’a a pas été suffisamment explorée.
Je pense par exemple à l’expérience Mondragon (Fagor).
Il n’y a aucune limite dans la quantité de monnaie (scripturale)… on l’a bien vu cette dernière année…. puisqu’elle est créée par le crédit. Vouloir empêcher le rôle de « réserve de valeur » à la monnaie n’aurait aucun effet si ce n’est celui d’augmenter le prix des actifs (l’immobilier par exemple sur lequels vont se précipiter tous ceux qui craignent d’être pénalisés) et de pénaliser les « petits » sans pénaliser les « gros ». Et je ne parle pas des effets sur la consommation effrénée très néfaste pour la planète!
Il vaut mieux, de loin, augmenter la taxation progressive des revenus du capital et fiche la paix à l’épargnant (au petit épargnant) qui a besoin d’une sécurité dans son existence.
Bref, pour moi, la monnaie gésellienne n’a qu’un intérêt négatif (et c’est le cas de le dire)
A Ken Avo,
Le problème pratique des coopératives qui semblent une bonne idée, c’est qu’au bout d’un temps, la vitalité s’essouffle parce que les possibilités de distinction y sont faibles. Le moins-faisant l’emporte alors.
Si l’on considère que le Capital est la quantité de monnaie (en valeur) nécessaire à la création puis au fonctionnement (en moyen d’échange) d’une entreprise qui va créer de la richesse qu’elle va redistribuer, alors ne se pose QUE le problème de savoir comment, d’où, de quoi cette valeur donc cette monnaie, est issue.
C’est son origine qui va justifier que le détenteur du capital, l’entrepreneur (ou créateur d’entreprise) et les travailleurs vont justement en récupérer le fruit.
L’utilisation de moyens dévoyés pour subtiliser, créer et exploiter de la monnaie pour créer, exploiter et subtiliser des entreprises, des entrepreneurs et des travailleurs constitue donc le contre sens d’une activité économique basée sur des principes moraux.
Et c’est là que le bât blesse !
On peut tourner le problème dans n’importe quel sens, quel que soit le système, quels que soient ses utilisateurs, il sera noir ou blanc au bout d’un certain temps!
Les hommes sont ainsi.
Capitalisme, communisme, socialisme, etc., ne sont que ce que les hommes en font.
C’est de morale, d’éthique, de droiture, de déontologie qu’il faut.
Bref de la bonne éducation.
Pas de celle des curés, des ayatollahs ou autres moinillons himalayens mais de celles d’honnêtes femmes et hommes qui ne s’en laissent pas compter.
Socrate, au secours !
N’y a-t-il pas une difficulté ou une faille dans le raisonnement qui consiste à penser que la monnaie ou telle monnaie puisse être « réserve de valeur » de façon intrinsèque, que telle autre monnaie ne le serait pas ? Or elle ne l’est que parce que l’homme est potentiellement un thésaurisateur. Il faut être un peu lacanien ici. Que paie la monnaie ? De la jouissance. Que permet-elle de « réserver » ? De la jouissance. Le risque d’ailleurs est de jouir de la monnaie elle-même et la clinique nous montre que cela arrive. Marx disait déjà des choses assez fines là-dessus au chap. III du livre 1 du Capital. Ce que je veux dire (pas simple en quelques mots) c’est que même si la monnaie ne donne pas prise à la thésaurisation (système de Gesell), il y aura thésaurisation sur autre chose. Après, je distinguerais :
1° – la problématique de la thésaurisation, qui renvoie à la question de la jouissance et de la capacité de chacun à contrôler cette jouissance (on peut être « accro » à l’argent ou aux jouissances que cet argent paie, ou au contraire être libre, et encore une fois la clinique nous montre que tout cela existe, ce n’est pas seulement de la philo),
2° – et la problématique de la capitalisation, qui est celle des classes et des inégalités sociales. La monnaie y est moins concernée comme « réserve de valeur » que comme emblème de statut. C’est la dimension agonistique dont parle Mauss à propos du potlatch, « où l’on assiste avant tout à une lutte des nobles pour assurer entre eux une hiérarchie dont ultérieurement profite leur clan ». Mais là aussi, si la richesse ne se capitalise pas sous forme de monnaie, elle risque bien de se capitaliser sous une autre forme. Nous capitalisons tous d’une façon où d’une autre : les uns des valeurs mobilières, des actifs en tous genres, les autres des « acquis sociaux »…
Afin de remplir les trois petits points, en ce qui me concerne, j’essaye de capitaliser en connaissances, expériences ou autre compétences. Je n’ai pas encore lu le livre Toffler « la richessse révolutionnaire », mais je pense que cela ne va pas tarder
Il faudrait forcer les entreprises à adopter un régime démocratique en interne (élection des dirigeants) pour rétablir les rapports de force entre travailleurs et dirigeant…
Objection n°1 à Gesell:
Elle correspond à peu près à l’avant-dernier paragraphe de ce commentaire:
http://www.pauljorion.com/blog/?p=2641#comment-22542
Remarque: Globalement, la question de la pertinence d’envisager la croissance/décroissance de la production/consommation d’un bien peut se résumer au rendement de son processus de recyclage. Par exemple, le recyclage de matières premières type métaux courants (aluminium, fer) présente le rendement idéal de 100%. Autrement dit, à l’issue de l’extraction de la totalité d’un minerai présent sur Terre, on pourrait envisager – au mieux – l’équilibre de sa production/consommation.
A moins d’envisager un futur fait d’exploitations de mines sur Mars ou ailleurs (avis aux amateurs de S-F), la thèse de la croissance infinie n’est de ce fait pas réaliste. Qui plus est, tous les matériaux ne présentent pas un rendement de recyclage aussi remarquable, ce qui me fait penser que même l’équilibre de la production/consommation ne soit pas envisageable.
Objection n°2 à Gesell:
« dans le fait que le surplus est généré par les travailleurs mais qu’il n’en reçoivent une part qu’après que les autres se sont servis. »
Je sens qu’une des clés du problème se situe dans cette phrase, sans pour autant parvenir à situer la solution… Peut-être dans la piste évoquée par Alain Vézina? Peut-être encore autre chose?
Un petit mot concernant votre article et plus particulièrement sur la monnaie fondante, effectivement elle ne doit pas être très appréciée par les partisans de la décroissance et cela à juste titre: s’il faut produire pour nos besoins, il serait intéressant de réfléchir sur nos « réels besoins »
La monnaie fondante pour la grande majorité d’entre nous « ouvriers, employés » n’est pas utile, elle est déjà Ces peurs suffisamment « fondue » pour ne pas en rajouter « une louche…
La décroissance est dans une certaine mesure du bon sens, si l’on veut vivre mieux ne peut-on imaginer de mutualiser des biens et des services ? Est-il nécessaire d’être propriétaire de tout ?
Imposer la thésaurisation à partir d’un certain seuil pourquoi pas !
Quoique là encore, il faut s’interroger sur les raisons de ceux qui économisent ?
Pour certains n’est-ce pas par peur des lendemains ?
Ces peurs existeraient-elles si les services publics restaient au service du public…
Ces peurs existeraient-elles si après une vie de travail, elle donnait droit à une retraite convenable…
Ces peurs existeraient-elles si la vie durant on avait la garantie de pouvoir se soigner…
Ces peurs existeraient-elles si la vie de millions de petites gens n’était pas menacée par des multinationales, d’états et de fonds de pension qui s’accaparent de leurs moyens de subsistance leurs terres
etc.
Ne faut-il pas profiter de cette crise pour changer tout simplement de société?
Bon excusez moi je m’emballe je ne suis pas économiste, mais je vois quand même que les plus touchés par la crise se sont mes frères, mes amis, pas les banquiers qui au vue du G20 ont encore de beaux jours devant eux.
@ GRAVES Jacques
« Capitalisme, communisme, socialisme, etc., ne sont que ce que les hommes en font.
C’est de morale, d’éthique, de droiture, de déontologie qu’[on a besoin], » écrivez-vous.
Ce recours à la MORALE (fût-elle socratique) me laisse vraiment sceptique.
Il y a longtemps que les grandes entreprises, en France et ailleurs, se sont fièrement dotées d’un « comité d’éthique » ou d’un « service des questions éthiques ». Dont le principal souci, il va de soi, est de ne jamais faire obstacle aux volontés des dirigeants et à fournir à ces derniers, chaque fois que c’est nécessaire, une opportune caution morale. En d’autres termes, leur boulot est de fermer les yeux et, surtout, de se taire.
En fait, le problème qui se pose, c’est celui du contrôle. Lequel contrôle ne peut être efficacement effectué que par l’État. Il s’agit donc d’un problème POLITIQUE, dont je n’ai évidemment pas la solution – mais c’est apparemment de ce côté-là qu’il faut chercher.
Deux remarques, pour terminer :
• L’objection classique des « libéraux », c’est que les contrôles (invariablement qualifiés de « bureaucratiques ») coûtent du temps et de l’énergie, bref sont nuisibles à la création de richesse. Cet argument ne tient que dans le contexte actuel, où la rapidité (pour ne pas dire la hâte) est érigée en vertu cardinale et où on confond volontairement activité et mouvement brownien. Il faudrait relire le beau livre que Kundera, il y a une douzaine d’années, a consacré à la lenteur…
• Un pouvoir qui est systématiquement mis sous tutelle par l’exécutif, c’est le pouvoir judiciaire (voyez l’actuel projet de supprimer le juge d’instruction). Son renforcement et son autonomisation véritable auraient sans doute des conséquences bénéfiques, du point de vue qui nous occupe ici.
@ AJ Holbecq
Vous semblez dire que le principe de Gesell n’a aucune valeur, mais dans la monnaie complémentaire SOL ce même principe de monnaie fondante est appliqué http://www.sol-reseau.coop/
La fonte de cette monnaie n’est pas perdue puisqu’elle peut être utilisée par d’autres.
En tant que modeste travailleur, je préfère voir mon avoir fondre légèrement si je ne l’utilise pas que de voir le système entier s’écrouler avec les conséquences qui en résulteront.
A mes yeux, je pense que la monnaie idéale serait une monnaie fondante si elle n’est pas utilisée dans l’amélioration du bien être en consommant moins de ressources planétaires, il me semble que le SOL va dans cette direction.
L’intérêt étant l’économie de ressources planétaires, avec lesquelles on pourra construire autre chose.
Les seules ressources dans les quelles on puisse encore puiser sont dans ce cas les connaissances l’immagination , la créativité…
La crise que nous connaissons est extrèmement profonde et ce n’est pas en racommodant le système qu’on arrivera à construire queque chose de durable, il est ,je pense, nécessaire de penser autrement et surtout globalement.
@Dissonance
Peut-être fait il creuser dans le contre-système que propose Jean Zin
http://jeanzin.fr/index.php?post/2006/10/18/68-revenu-garanti-cooperatives-municipales-et-monnaies-locales
Territorialiser la monnaie et la production/consommation dans un espace où le contrôle politique est possible et partagé.
Et ce texte ci aussi, de Jean Zin toujours
http://jeanzin.fr/index.php?post/2007/05/24/94-les-monnaies-locales-un-outil-pour-la-relocalisation-de-l-economie
@ Paul
Une société qui produit juste ce qu’il faut pour assurer la satisfaction de tous ses membres, suffisamment solidaire pour que l’individu n’ait pas à capitaliser pour garantir sa sécurité, suffisamment sage pour rendre futile la quête de pouvoir, suppose… une autre espèce humaine que la nôtre !
Une solution circonstanciée figure dans Le meilleur des mondes : pilotage des naissances en éprouvettes pour concevoir les « profils » dont la société a exactement besoin, et distribution de Soma, une drogue euphorisante, pour calmer les angoisses métaphysiques. Comme dictature, c’est un peu plus sophistiqué que celle du prolétariat, et le problème central que vous soulevez – l’accumulation comme premier mobile chez l’individu – est bien résolu…
1) Je ne peux répondre beaucoup de choses à Monsieur Holbecq, hélas, car il ne semble pas vouloir entendre que les banques, en distribuant du crédit, ne créent pas de la monnaie, car cela est simplemet le moyen pour les emprunteurs de dépenser ce que les prêteurs ne dépensent pas!
2) Par contre, j’essaie de répondre davantage à Monsieur Paul Jorion, et j’espère que Monsieur Holbecq, en lisant cette réponse, finira par se ranger à notre point de vue!
3) En ce qui concerne la croissance économique, la monnaie fondante est dans une position totalement neutre. La monnaie fondante fonctionne efficacement en régime de croissance tout aussi bien qu’en régime décroissant ou en régime à croissance nulle. Comment expliquer cela?
4) Revenons à notre régime capitaliste. Le jeu des intérêts et des intérêts composés génère une croissance exponentielle des fortunes monétaires et, par symmétrie, celle de l’endettement. Ces deux grandeurs sont strictement concomittantes, car le prêteur a forcément des débiteurs,et, a contrario, une supposée annulation des dettes implique que l’on ne doit plus rien à personne. Je n’imagine pas que cela soit contestable!
5) Or, le jeu de la croissance exponentielle des richesses monétaires concentrées en peu de mains a pour effet de prélever toujours davantage de richesses aux autres, aux débiteurs d’abord et ensuite à tous ceux qui vivent de leur travail. Ainsi, la part revenu du capital augmente tous les ans au détriment de la part revenu du travail.
6) Or, le revenu du capital est, en fait, aussi un revenu du travail, ce qui est illustré par le fait que sa proportion augmente dans les revenus dstribués en même temps que diminue la part revenu du travail.
En clair, il n’existe qu’une source de richesse (hormis la nature), c’est bien le travail. Mas la répartition du revenu évolue toujours plus en faveur de la rente du capital.
7) Maintenant, à supposer une croissance nulle,il est évident que la part du revenu du travail diminue sensiblement avec le temps jusqu’au point où les problèmes sociaux deviennent massifs.
8)En favorisant une croissance économique, le gâteau grossit, et il reste possible de maintenir, pour un temps, la paix sociale, malgré l’enrichissement exponentielle de la minorité, tout simplement parce que, en valeur absolue, la part redistribuée aux travailleurs reste à peu près constante.
Alors, tant que nous aurons une croissance économique, les conflits de redistribution peuvent trouver une solution.
Il est donc clair que le capitalisme ne peut se maintenir d’une façon paisible qu’en régime de croissance constante.
9) Or, la croissance économique n’est pas toujours au rendez-vous, et cela non seulement (cela aussi mais pas seulement) parce que la nature ne peut donner plus, mais surtout pour des raisons internes à l’économie marchande. En effet, le développement même d’une production efficace génère plus ou moins rapidement des phénomèes de saturation du marché. En construisant une usine à côté d’un autre produisant la même chose a pour effet de limiter les profits pour les deux. Keynes appelait cela la baisse de l’efficacité marginale du capital et Marx parlait de la baisse tendancielle du taux de profit.
En clair, le moment où l’augmentaion des capacités de production n’est plus utile ni possible interviendra toujours, et même de plus en plus souvent avec l’amélioration technologique constante.
10) Mais la rente du capital reste la même, car elle est liée au taux monétaire (qui EST la rente du capital!), le moment viendra où le gain productif n’est plus au rendez-vous et passe sous la rente monétaire.
Alors, la croissance fléchit inexorablement comme nous l’avons vu. Il suffit aussi de comparer les taux de croissance des années 50 avec ceux d’après pour constater que ce phénomène est visiblement inexorable.
Et, à cemoment là, pour dégager coûte que coûte de la croissance, on exploite toujours davantage les ressources naturelles qui conduisent à l’impasse aussi. Faire travailler les chinois à 20 euros par mois est aussi un moyen.
Mais tout cela ne suffit pas pour rétablir les marges productives, du fait même de l’abondance des capacités de production.
11) Nous assistons dès lors à un mouvement de retrait des capitaux du secteur industriel d’abord, des services ensuite, et des phénomènes de chomage de plus en plus massifs apparaissent.
Le meilleur « placement » pour le capitaliste devient le « non » placement, car cela raréfie ce même capital et lui garantit sa rente.
12) Mais le circuit des capitaux à placer doit être bouclé pour éviter la crise systémique! C’est pourquoi les banques et les gouvernements ont té amenés à déréguler toujours davantage afin d’obtenir coûte que coûte les placements des capitaux abondants et que leur détenteurs n’avaient plus envie de placer dans la production.
Ce petit jeu a sans doute duré une bonne vingtaine d’années, car les capitaux disponibles étaient à ce point importants que leurs détenteurs ne se sont guère aperçus que c’était du vent. Les risques devenaient assez insensés, et (voir les subprimes) ils se sont finalement matérialisés. Il y avait sans doute aussi le goût du jeu à l’oeuvre dans ce casino où les investisseurs spéculateurs comptaient se retirer à temps avec profit…
Et la crise systémique est là quand même!
13) Il en va autrement en régime de monnaie fondante! La baisse de l’efficacité marginale du capital serait évidemment la même qu’actuellement. Mais alors, les capitaux financiers ne pourraient pas, comme actuellement, se retirer du jeu, car ils seront confrontés à la baisse de la rente monétaire, neutralisée par la « fonte ».
Les taux monétaires seraient orientés à la baisse sans que la trappe aux liquidité ne puisse s’ouvrir du fait de la « fonte »!
14) Evidemment, l’investissement ne suivra pas pour autant automatiquement, hormis l’investissment lié aux amortissements, mais il n’y aurait pas forcément de croissance de capital fixe.
Nous assisterions donc, là comme en régime capitaliste, à une stabilisation de la croissance un moment donné.
L’économie se contentera d’écouler les biens et services grâce à la monnaie fondante qui fera constamment demande sans jamais faire défaut, à la différence de la monnaie actuelle, simplement parce qu’elle ne peut faire autre chose, notamment, elle ne pourra être thésaurisée. Le temps de travail nécessaire pour reproduire les mêmes richesses pour une population constante diminue inexorablement du fait de l’évolution technologique, et il en résulte alors, quand les ouvriers n’auront plus à supporter le poids de la rente monétaire, qu’ils pourront maintenir leur niveau de vie en travaillant de moins en moins, car leur productivité s’élève.
15) Une réduction continue du temps de travail pour tous sera la conséqence la plus plausible.
Alors, la croissance ne sera absolument plus nécessaire pour organiser une reistribuion convenabe des richesses.
16) En ce qui concerne le problème du chomage:
Puisque toute la production sera écoulée du fait que la monnaie fondante ne fait jamais défaut, il est clair que les usines pourront toujours payer les ouvriers.
17) Le chomage va-t-il reculer?
Sans doute oui, car les revenus redistribués aux travailleurs ayant un travail va très rapidement augmenter, ou alors, pour « échapper » à cette augmentation du salaire, les entrepreneurs chercheront à mettre les chomeurs au travail pour limiter la hausse du salaire horaire. Et ce jusqu’à ce que tous soient embauchés.
Une fois le plein-emploi obtenu (un des effets rapides de la monnaie fondante!), les salaires augmenteront jusqu’au point où la totalité de la dite « plus-value » de Marx soit redistribuée aux salariés.
18) Ensuite, l’épargne change de main progressivement, et ceux qui vivaient de leur rente devront y renoncer peu à peu complètement et retourner vivre de leur travail comme tout le monde et non pas de celui des autres.
A ce moment-là, s’enrichir sur le dos des autres sera devenu techniquement impossible, et beaucoup se demanderont si cela vaut le coup et ralentiront d’eux-même la cadence, moyennant quoi nous nous dirigerions vers un équilibre écologiquement soutenable!
Rêvons!
jf
@JJJ
Ce n’est pas une question d’espèce humaine, c’est une question de dispositifs sociaux.
L’espèce semble être ce que les dispositifs nous font…bien qu’il y ait effectivement des forces régressives qui nous animent.
Ce sont elles que les dispositifs doivent désamorcer intelligemment, en nous prenons pour ce que nous sommes
@Dissonance et les autres
Ce texte encore de Zin
http://jeanzin.fr/index.php?post/2009/01/16/165-monnaie-societe-et-individuation
un ami m’a signalé l’existence de la traduction française de l’ordre économique naturel en ligne:
http://www.silvio.gesell.de/html/l_ordre_economique_naturel.html
Hypothèse de travail: La prise de contrôle totale de la finance américaine par l’Etat est le préalable inévitable au rétablissement de l’économie US.
Pourquoi n’y va-t-on pas ?
1/ Wall Street ne le veut évidemment surtout pas. Pour deux raisons: la première est évidente, la deuxième d’importance secondaire est la volonté coûte que coûte de conserver le système (posture B de Granier) antécédent.
2/ Obama ne sait pas au juste où il veut aller, ni peut-être même n’est encore convaincu lui-même de l’absolue nécessité de cette nationalisation.
3/ Obama se fait enfumer par Wall Steet.
4/ Tout en êtant conscient que Wall Street ferait tout pour le discréditer et le faire tomber s’il faisait mine de s’engager sur cette voie.
Conclusions: la nationalisation se fera de toute façon pusque inévitable (par hypothèse). Mais à quel prix pour les populations…
Ca laisse du temps à Paul Jorion, et François Leclerc pour nous pondre un système viable, plus équitable et clé en main ! (en espérant qu’ils veuillent bien me pardonner cette petite provocation 🙂 )
La question essentielle me sembleraient plutôt être à quoi on s’occupe ?
(et là, c’est bien la question de notre liberté dont il s’agit, soit la case vide -dans l’anticipation de Rrose c’est la vie-, la page blanche à écrire -dans l’anticipation des matins qui chantent-, …. sinon c’est l’autoritarisme)
La monnaie fondante, n’empêchera pas la manipulation, la récupération, faux-semblant et co…
Peut-être qu’une redistribution de la donne,
« Les secours indispensables à celui qui manque du nécessaire sont une dette de celui qui dispose du superflu : il appartient à la loi de déterminer la manière dont cette dette doit être acquittée »
demanderait aussi à être réfléchie
Le risque pour tous qu’entraîne l’entêtement non-négociable de Wall Street pour la posture B n’est-il pas d’aboutir à la posture D au lieu de C ?
D êtant la posture la plus probablement génératrice du grand n’importe quoi, le fascisme par exemple, la guerre etc.
à GRAVES Jacques
Il me semble que toute production n’est pas création de richesse, elle peut être cause de destruction
(les armes n’ont jamais servi surtout qu’à détruire et tuer , il y a les effets secondaires de l’amiante, les effets secondaires des pesticides…. )
Dans ma logique à moi, nous ne savons pas tout, (d’où la recherche, puisqu’il reste toujours quelque chose à chercher, c’est la finalité sans fin des lumières, une espérance à jamais inachevée, toujours à naître)
Lorsque nous travaillons, nous produisons, …
ils nous arrivent de produire de la merde, laborieusement ou vivement, volontairement ou involontairement…
cela parce que nous ne sommes que des hommes, que donc, de ce fait entre autres choses nous ne savons pas tout…
je ne vois aucune raison de définir toute production comme s’il en était, il en avait toujours été , il devait toujours en être considérer comme production de richesse
(Là comme on est partit, l’oeuvre de l’humanité, le travail des hommes semble assez particulièrement irresponsablement engagé à la destruction de la planète et de l’humanité, est-on vraiment forcé de considérer tout ce travail, toute cette production comme création de richesse ?
Bonsoir,
Je discutais de ce débat sur les monnaies fondantes avec ma copine et elle m’a posé une question toute bête à laquelle je n’ai pas pu répondre :
« Ca a l’air sympa… Mais comment tu fais pour acheter une maison avec une monnaie comme ca ? »
Donc je pense qu’elle doit faire référence à la thésaurisation.
N’est-elle pas indispensable pour ce genre d’achat même avec une monnaie fondante ?
Il y a comme un paradoxe…
Quitte à inventer autre chose, je me rappelle d’un billet invité (que je n’ai pas réussi à retrouver malgré la fonction recherche) qui évoquait plutôt un système basé sur des droits d’accès plutôt qu’une monnaie…
A creuser peut-être !
à Johannes Finckh
Quid du prix des loyers ?
En 1930, il représentait 10% d’un bon salaire, salaire moyen, pour loger une famille, deux adultes, deux enfants, un seule salaire,
Aujourd’hui on en est plutôt vers les 50%, sinon plus, d’un bon salaire, le budget logement est un budget captif, monnaie fondante ou pas il faut règler des loyers exhorbitants, sinon c’est oust dehors, … et après les factures -EDF taxé de 20% TVA + 10% de taxes locales, une taxation démesurée car là aussi budget captif, …
D’ailleurs, les prélèvements automatiques et gnagna, monnaie fondante ou pas, qu’en on-t-il donc à braire,
-essayez d’imaginer si par hasard vous déménagez, comment vous allez dire à France Télécom, Orange, Free et co et co, et bien non, je ne veux pas de prélèvement automatique, après vous me raconterez- …
Il y a quelque chose de pas fini, de mal ficelé dans cette idée de monnaie fondante, sur lequel il faut continuer à travailler …
à Vizina
Soit du « sol », mais quid du droit du travail en cas d’accidents et co , ou quid des services de la loi pour les règlements de comptes et co ?
@Johannes Finckh
Désolé, le lien ne marche pas – avez-vous une référence pour le livre de Gesell en Allemand en ligne ?
@Mike
J’ai un petit doute concernant le fait que le SOL serait fondant. Mais de toute façon on n’est pas du tout dans le même cas de figure qu’une « monnaie officielle ».
@J. Finckh
Puisque contrairement à vous je considère que les banques, en distribuant du crédit, créent bien de la monnaie (monnaie scripturale de crédit) et même que toute la monnaie scripturale est une dette qui un moment ou un autre, au terme du crédit, est « effacée » (détruite), il n’y a pour moi aucune limite à la création monétaire si ce n’est la demande des emprunteurs et les obligations diverses (le pourcentage nécessaire de monnaie centrale pour assurer les demandes d’espèces, les réserves obligatoires et les soldes de compensation, les ratios déterminant les pourcentages de fonds propres, l’équilibre de bilan…) auxquelles les banques doivent se plier (parfois!) , je ne puis évidemment me ranger à votre point de vue.
De plus, même lorsque les banques prêtent aux emprunteurs ce que les prêteurs ne dépensent pas, cette « monnaie » (qui n’est évidemment pas des espèces issues de la Banque Centrale mais scripturale et qui comprends in fine, comme pour toute monnaie scripturale, un pourcentage de « monnaie centrale » correspondant aux « fuites » citées ci dessus), cete monnaie résiduelle que les prêteurs peuvent prêter a du être empruntée (et donc « créée) par le système bancaire en amont.
Votre message d’hier à 20:55 me semble faire une part belle à la méthode Coué … bon courage pour faire passer l’idée de la monnaie fondante, mais nous verrons probablement néanmoins « fondre la monnaie » dans les temps qui viennent sous forme d’inflation forte: pas la peine de rajouter une pénalité supplémentaire en termes de pouvoir d’achat.
Bonjour,
La monnaie a été créée pour jouer le rôle de moyen d’échange, elle a acquis en plus le rôle de réserve de valeur. Soit.
Où est passé le rôle d’occupation de l’homme ? Nous avons peu à peu abandonné la religion, nous nous sommes aperçus et convaincus que les guerres n’étaient pas bonnes et n’étaient pas une fin en elles-mêmes…que nous reste-t-il sinon la course à l’argent ? Ca occupe. Point. La seule solution pour que l’homme cesse de s’occuper avec l’argent est qu’il se trouve une autre occupation. C’est tellement simple et évident que l’on a du mal à y penser, surtout quand on joue à l’argent depuis des années…
L’argent est un moyen d’échange. Point. A nous de trouver une autre occupation où l’accumulation de ce moyen d’échange ne sera plus utile ou sera néfaste…
Le rôle des politiques est bien évidemment d’assurer au moins la survie des peuples, dans les meilleures conditions possibles. Comment pourraient-ils sciemment s’engager dans une nouvelle voie sans assurance de qualité ? Les idées doivent venir d’ailleurs, et j’ai bien l’impression que ce sera le peuple lui-même qui choisira cette nouvelle direction, les élites, intellectuelles et autres étant trop imprégnées du système en place : elles ont croqué la pomme, matériellement ou intellectuellement…L’autruche se cache la tête dans le sable, jamais dans l’eau !
A bon entendeur…
Ou alors on vous autorise à accumuler et à amasser sans cesse mais au delà d’un certain seuil tout devient progressivement un « Capital Fondant » ce qui reviendrait à mettre un plafond à l’envie d’acquérir continuellement de la richesse uniquement pour soi, comme cela tout ce qui déborderait serait immédiatement reversé dans une cagnotte commune exemple pour un revenu minimum universel, est-ce possible je m’y connais pas trop en matière d’économie, est-ce qu’on en reviendrait pareillement au système de l’imposition, pardonnez mon ignorance merci de me répondre…