Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Je sais : je vous connais et vous aimeriez bien, vous mes lecteurs, qu’en toute circonstance, ce soit Mr. Obama – parce qu’il a une tête sympathique – qui ait raison et Mr. Sarkozy qui ait tort. Alors, pour déblayer le terrain d’entrée de jeu, oui : a priori Mr. Obama n’est pas partisan d’une politique intérieure sécuritaire et c’est un très bon point pour lui. Un rapport d’Amnesty International évoque au contraire une dérive en France dans les tactiques policières où des brutalités seraient travesties en rébellion à agent et ceux qui voudraient se plaindre seraient poursuivis pour calomnie. C’est plus que préoccupant : cela exige une enquête décidée au plus haut niveau.
Voilà, c’est dit sans équivoque, passons maintenant au G20. La finance ne sauvera pas le monde des problèmes créés par elle. Les hedge funds, les fonds d’investissement spéculatifs, le plus souvent domiciliés dans un paradis fiscal, font partie du problème, pas de la solution. Dans le contexte d’un dollar affaibli par une politique de la planche à billet, la question d’une monnaie de référence est prioritaire. La qualité des notes attribuées par les agences de notation pose un problème de fond qui doit être rapidement analysé et résolu. La titrisation contient des vices cachés qui doivent être éradiqués avant qu’on ne la relance en grand. Ceux qui affirment cela, comme Mme Merkel et Mr. Sarkozy, ont raison. Ceux qui prétendent le contraire, comme Mr. Obama, ont tort. Si Mr. Brown est aux côtés de celui-ci pour ce qui touche à la finance comme faisant partie de la solution, il ne l’est pas sur la question de la monnaie de référence : lui aussi réclame un nouveau Bretton Woods.
On connaît la vieille plaisanterie du journal anglais qui aurait titré un jour : « Brouillard épais sur la Manche : le Continent est isolé ». Mrs. Obama, Geithner et Summers raisonnent au sein de cette même logique où le monde serait « isolé » s’il ne se conformait pas aux exigences des États–Unis – confondues en l’occasion avec celles de Wall Street – mais ils se trompent : l’Amérique a entraîné le monde dans un gouffre d’insolvabilité, ce qui vient s’ajouter à la politique étrangère calamiteuse qu’elle a menée au cours des huit dernières années, elle en est gravement affaiblie et doit d’urgence apprendre à écouter.
Nous étions prévenus : il y aurait un déjeuner, un dîner et des signatures apposées au bas d’un document final où l’on remplirait les pointillés de phrases creuses rédigées la semaine dernière. Mme Merkel et Mr. Sarkozy ont fait qu’il en serait autrement : ils savaient que les citoyens de leurs pays respectifs, et les Européens en général, auraient les yeux fixés sur eux le 2 avril et exigeraient des résultats concrets. Jusqu’ici, et pour ce que j’ai pu en voir et en entendre, leur parcours a été sans faute.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
51 réponses à “G20 : Au-delà des phrases creuses”
Exactement Cécile! Ils ont résumé en 3 min toute cette mascarade…
@ LeClownBlanc
Pourriez vous donner 1 exemple de prise de contrôle de cette sorte, avec les étapes juridico-économiques du processus, pour une PME? Ceci ne serait-il pas trop « voyant »?
(renseignements pris, et hors crime organisé, il semble que le montant des avoirs offshore soit sensiblement égal au montant des avoirs onshore. Vous confirmez?)
Je précise que je ne suis pas Antoine avec un A majuscule (qu’on s’y retrouve)
Finalement le non évènement du G20 aura peut être servi à quelque chose. A masquer le changement de réglementation annoncé ce jour par l’organisme régulateur des banques US le FASB (Financial Accounting Standards Board). Ce n’est plus le marché qui définira la valeur des placements non liquides, c’est les banques elles même qui vont l’estimer, et qui pourront l’utiliser dans la publication de leurs résultats!!! Ils appellent cela le “fair value” accounting… Alors qu’il y a nécessité de réguler, qu’on ne parle que de cela, on dérégule encore plus tout en prétendant réguler. Je n’arrive pas croire ce que je lis ce soir !
Article du Financial Times de ce jour :
http://www.ft.com/cms/s/0/339b6e8c-1f8c-11de-a7a5-00144feabdc0.html
Du coup les actions des Banques explosent puisque leurs livres comptables vont être autrement plus favorables. C’est de la folie, le marché va ultimement perdre la confiance qui lui restait dans la solvabilité des banques. Ils sont fous !
Obama disait comme DSK:
les circuits financiers internationaux sont gelés!
Que vont faire les 1000 milliards pour le FMI?
Eh bien, dans le meilleur des cas, ils seront gelés à leur tour!
Cela veut dire ce que cela veut dire!
La monnaie ne « descend » plus dans l’économie réelle ou trop peu!
Je ne peux que renouveler ma proposition d’un monnaie anticris qui ne coûterait quasiment rien, et pas 1000 milliards de dollars!
On rirait si tout cela n’était pas si tragique.
C’es la monnaie fondante selon l’idéee de Silvio Gesell qui nous faut et qui résoudrait le poblème en une nuit!
@ L’auguste clown blanc
Quid offshore des Indiens Delaware et des topbanques francaises à Singapour ?
@ Johannes
1000 milliards de $ de crédits pour asservir les pays déjà exsangues. Un asservissement par les conditions des prêts, mais aussi et plus encore par les intérêts composés. Car rembourser le principal de ses prêts est souvent impossible. Et finalement pas souhaitable par les prêteurs qui préfèrent jouir de flux des intérêts composés…
C’est dont de la dette supplémentaire, 1000 milliards de $ de dette, plus que du crédit pure. Qu’ils osent seulement le prêter sans intérêts !
Bossuet au G20:
« Le ciel se rit des prières qu´on lui fait pour éloigner de soi les maux dont on persiste à vouloir les causes »
@ Paul
Si peu de phrases pour tant de clairvoyance et d’élégance tout ensemble!
Il n’y a que le dessert dont vous ne parliez. Mais chaque jour qui passe a fini par rendre l’attente si infantile.
Ecce homo. Au bord du gouffre ou au fond, l’homo sapiens étudie la nature de la roche ainsi que les facteurs liés à sa chute. Et pourtant il a noté que la farce avait fait long feu ! Nous manquons de travail. Par manque d’imagination et de motivation. La farce a fait long feu. Les prospections vers l’écologique n’y ferons rien. Vers quelle activité nous orientons-nous ? Il faut changer les numéros du cirque. Et vite. Et à 192 si l’on veut éviter de rejouer à la guerre et de se trouver dans une situation identique à 1984.
C’était un message prévu pour un autre billet et que j’ai oublié de poster. Mais il est tout aussi bien ici ! Rien ne change… On continue à nous servir du réchauffé, mais au fond rien ne change, et je serais surpris cette fois-ci que les opposants, les vrais, au système du travail à crédit se laissent embarquer une nouvelle fois dans cette valse diabolique. M’enfin, après tout, chacun ses goûts. Ceux qui ont signé et fait leurs preuves dans cette logique de l’asservissement de l’individu par un travail ayant pour seul sens la création monétaire qui permettra à d’autres de continuer à jouer à s’asservir et à asservir son prochain, ceux-là donc doivent effectivement avoir du mal à avouer « leurs fautes » et admettre qu’ils se sont laissés bernés aussi facilement ; alors ils admettent ce système comme un postulat et s’appliquent à son analyse et à son amélioration ! Vaste programme en vérité !
Enfin…Certains consacrent leur vie au foot, à suivre les matchs, à les analyser et à lire les différentes analyses et critiques…Pour d’autres c’est le cinéma…Et d’autres encore c’est l’économie, persuadés qu’ils sont comme les autres que c’est la seule chose qui puisse les occuper réellement et satisfaire leur goût de l’analyse. Chacun ses goûts. Il y en a même qui vont jusqu’à prendre au sérieux les acteurs de ces cinémas ! Elle est pas belle la vie !
[…] Original post by Paul Jorion […]
la monnaie fondante, c’est de l’inflation maîtrisée, c’est le beurre sans l’argent du beurre, du beurre qui fond avant de toucher le fond. Demandez à la laitière !
Pendant la séance du G20, je lisais les nouvelles en continu qu’affichait Le Monde. J’ai lu à un moment quelque chose du genre : « Les Socialistes demandent au gouvernement français d’aligner sa position sur celle d’Obama ». Qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? « Socialistes – Wall Street, même combat ! », peut–être ? Non, je suppose qu’il s’agissait d’une allusion bien intentionnée au plan de relance du président américain. Mais quelle cécité ! Quelle extraordinaire incapacité à lire au-delà de la surface des choses, c’est-à-dire à comprendre son temps !
@Paul Jorion: « Mais quelle cécité ! Quelle extraordinaire incapacité à lire au-delà de la surface des choses, c’est-à-dire à comprendre son temps ! »
Si vous parlez des socialistes français, je ne crois pas à leur cécité. Cela fait bien longtemps qu’ils n’ont de socialiste que le nom. Il suffit de jeter un oeil sur la biographie de la plupart d’entre eux.
@Moi
La classe politique française nous invite aujourd’hui, tous bords confondus, à choisir de la considérer comme malhonnête ou incompétente. Pour avoir observé la teneur des débats concernant la loi création et internet, je suis dubitatif… D’un côté, l’incompétence est manifeste: Des débats complètement surréalistes – n’avaient-ils donc aucun expert technique sous la main? – Dixit la ministre en charge du dossier, les connaisseurs apprécierons, par exemple: « Il y a un pare-feu dans open office »… Dans une analogie automobile, ça reviendrait à peu de choses près à situer l’ouverture centralisée dans l’autoradio… De l’autre, une loi qui est votée par 16 parlementaires sur 577… Voilà qui laisse songeur sur la nature du régime sous lequel nous évoluons…
@ Yves de Bressy (2 avril 2009 à 18:51)
Concernant la position des Russes et des Chinois (et aussi celle de Merkel et Sarkozy, évoquée par Paul Jorion dans le billet correspondant au présent fil de discussion), je me permets de signaler un excellent article de l’historien et économiste Édouard Husson, spécialiste de l’Allemagne (pour ceux qui ne le sauraient pas). Husson attaque bille en tête :
« Le sommet de Londres aurait pu être historique mais Nicolas Sarkozy et Angela Merkel sont sans doute les deux responsables qui auront le plus contribué à son échec. Ils ont opté ensemble pour l’insignifiance. Ils ont laissé à la Chine et à la Russie le soin de poser la seule question intéressante, celle de la refondation du système monétaire international et de la fin de l’étalon-dollar. Ils ont préféré dénoncer les symptômes de la maladie économique mondiale que s’attaquer aux racines du mal. Les paradis fiscaux, les dérèglements de la finance internationale, le crédit incontrôlé ont la même origine: la fabrication monétaire inconsidérée rendue possible depuis des années par le système de l’étalon-dollar. »
Mais le plus intéressant (et le plus inquiétant) vient ensuite :
« Nul besoin de s’étendre sur l’incorrigible futilité du président français, uniquement obsédé par la popularité de Barack Obama. La fausse Gründlichkeit (un mot bien plus fort que le «sérieux» français) de Madame Merkel est, si l’on y réfléchit bien, plus inquiétante encore. Le chancelier allemand expliquait doctement, en début de semaine, au Financial Times que trop de liquidités ont tué la confiance dans le crédit. Bravo Madame! Mais ne pas en tirer publiquement la conclusion qu’il faut refonder le système monétaire international et se contenter de prôner plus de rigueur monétaire revient à peu près au même que de prêcher la fidélité dans un club échangiste.
Seul un front uni des grands pays sur la question monétaire,contre les Etats-Unis, obligerait ceux-ci à mettre fin au dérèglement profond auquel ils se sont habitués: emprunter sans compter et consommer sans produire en se contentant d’entretenir un gigantesque réseau de service à la personne et de logistique de la division internationale du travail – en se réservant le droit de bombarder ceux qui ne veulent pas se couler dans cet ordre.
Il n’y va pas seulement de la prospérité, il y va de la paix du monde. C’est grâce au système de crédit illimité que leur a accordé le reste du monde que Washington et le complexe militaro-industriel américain ont pu développer l’arsenal militaire le plus coûteux de l’histoire. Les «alliés» des Etats-Unis ont financé ce système naguère au nom de la guerre froide, aujourd’hui de la lutte contre le terrorisme. Quel symbole terrible pour l’Europe, pour la France et l’Allemagne en particulier, que le sommet de l’OTAN se tienne immédiatement après celui du G20. Barack Obama est logique: il a obtenu le maintien, au moins provisoirement, du système de financement à crédit de l’économie américaine, il peut demander aux pays membres de l’OTAN de marcher en cadence dans son projet de guerre perpétuelle en Afghanistan. (Quelle naïveté, vous les Berlinois qui lui aviez fait un triomphe avant son élection en croyant qu’il serait l’homme de la paix!) »
D’où ma question à Paul Jorion (s’il a le temps d’y répondre) : que pensez-vous de l’analyse de Husson ?
(P.-S. : Au fait, comment diable faut-il procéder ici pour introduire des gras et des italiques ?)
@ hoprog
Si je peux m’imiscer, il me paraît clair que le moteur de l’évolution du système monétaire international est à chercher du côté des pays « émergents ». Je souhaite écrire un billet à ce propos, en rapprochant de nombreuses informations de ces derniers jours. Le temps que cela prendra, les étapes qui seront nécessaires pour aboutir à un changement d’ampleur, rien de tout cela n’est clair. Les USA sont décidés à ne marcher qu’à reculons, à ne céder que le strict nécessaire, à la poursuite de ce qui est leur véritable but: le financement de leur dette par tous les moyens.
@ Champignac
A ma connaissance, il y a eu uniquement deux documents issus du G20:
– Declaration on strenghtening the financial system.
– The global plan for recovery and reform.
Le deuxième document a été distribué plus tard à la presse, ce qui explique que les commentaires se soient appuyés sur le premier.
@ Champignac
Rectificatif : il y a eu un troisième document :
– DECLARATION ON DELIVERING RESOURCES THROUGH THE
INTERNATIONAL FINANCIAL INSTITUTIONS
En ligne, les trois documents issus du G20 (en anglais, pas de version française officielle)
http://www.g20.utoronto.ca/2009/2009-london-delivery-090402.html
Dans mon post de 12h 20, j’ai omis d’inclure le lien avec l’article de Husson.
Je répare cet oubli : http://www.marianne2.fr/Merkel-et-Sarkozy-ont-rate-le-rendez-vous-de-Londres_a177773.html