Ce texte est un « article presslib’ » (*)
L’institution de la propriété privée rend automatiquement la richesse inhomogène : certains en auront plus et certains en auront moins. Le prêt à intérêt contribue à la concentrer encore davantage : si celui qui dispose d’argent peut le prêter et en recevoir plus en retour du fait-même de le prêter, l’argent appellera l’argent et les fortunes existantes croîtront, aux dépens de ceux qui en sont démunis. L’héritage contribuera à accentuer encore cette concentration : la richesse apparue à une certaine génération se voyant offerte l’occasion de se prolonger aux suivantes.
Une telle disposition à la concentration fait augmenter de manière constante la proportion des prix due aux intérêts et ceci débouche à terme sur l’insolvabilité massive de ceux qui se trouvent à la base de la pyramide de la richesse. Si l’on entend contrer cette disposition à la concentration, plutôt que de la corriger après coup par des palliatifs comme l’impôt progressif, il existe divers moyens d’aborder le problème. Le plus simple consiste à s’attaquer aux causes-mêmes de la concentration de richesse. On voudra par exemple abolir la propriété privée, et les questions de son héritage et de la perception des intérêts ne se poseront automatiquement plus. On aura pris le problème « en entrée », l’héritage et les intérêts étant conditionnés par la propriété privée ; on aura bien entendu reconnu là la solution proposée par Marx. Une alternative consiste à maintenir en place la propriété privée et l’héritage et à neutraliser « en sortie » la seule perception d’intérêts. C’est l’approche de l’Islam et celle qui est traditionnelle au christianisme ; Thomas d’Aquin qui s’est intéressé à la question, a repris la problématique là où Aristote l’avait laissée.
Ces deux premières approches sont politiques au sens où elle supposent un système légal qui fasse respecter des interdictions spécifiques. Il existe cependant une troisième option : celle qui consiste à neutraliser la concentration de la richesse sans instaurer aucune prohibition explicite, ni de la propriété privée, ni de l’héritage, ni même des intérêts. Cette troisième voie est d’une très grande subtilité : elle consiste à définir la monnaie de telle manière qu’elle interdit automatiquement la concentration de richesse, comme une simple conséquence de ses propriétés intrinsèques.
Cette troisième voie a été adoptée historiquement par ceux qui entendent prévenir la concentration de richesse en raison de ses conséquences sociales nocives mais sans vouloir passer par la solution radicale consistant à supprimer la propriété privée. Ce sont essentiellement des mouvements socialistes antimarxistes qui ont préconisé ce type d’approche. Ce qui nous ramène en particulier à Silvio Gesell (1862 -1930) et à son projet de « monnaie fondante ».
La solution de Gesell consiste, je le rappelle, en une monnaie qui se déprécie avec l’écoulement du temps. Les expériences de monnaie fondante furent rares, et concernèrent toujours des monnaies de « complément » dans un environnement qui demeurait dominé par une monnaie légale émise par une banque centrale.
Le faible nombre d’applications historiques et le fait qu’elles intervinrent toujours dans un contexte de crise (1) rendent très malaisée une évaluation de l’effectivité de ces monnaies fondantes. Il est en effet difficile de dire, comme l’a souligné Thomas Greco (2), si leurs bénéfices apparents découlent de la nature fondante de la monnaie ou de certains éléments de contexte comme le fait qu’elles ne circulaient qu’en faible quantité en parallèle à une monnaie officielle, qu’elles offraient un moyen commode de payer les impôts locaux, qu’elles tiraient bénéfice du système global, parasitant en fait la monnaie émise par la banque centrale, qu’elles « captaient » à leur profit les intérêts accrus sur la monnaie légale déposée en garantie pour la monnaie fondante, voire encore que des quantités non-négligeables en étaient retirées du circuit par des collectionneurs, qui subventionnaient ainsi involontairement le système, etc.
Considérons comme acquis que la concentration des richesses est pernicieuse à long terme. En l’absence de confirmations empiriques de la possibilité de la contrer sans prohibitions portant ni sur la propriété privée, ni sur l’héritage, ni encore sur les intérêts mais uniquement en attribuant à la monnaie des qualités spécifiques, est-il possible de démontrer sur le plan théorique que cette manière d’aborder le problème est la meilleure ? Ou bien faut-il toujours envisager sérieusement ses deux concurrentes : une prohibition de la propriété privée comme le préconisait Marx, ou une prohibition de la perception d’intérêts, comme le préconisent le christianisme historique et l’Islam ?
––––––––––
(1) Irving Fisher, Stamp Scrip (1933).
(2) Thomas H. Greco, Comment on the Wörgl Experiment with Community Currency and Demurrage (2002).
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
148 réponses à “Gesell (II)”
@ François Leclerc
Je conviens avec vous de ce que Marx considérait que la propriété individuelle avait été liquidée par l’appropriation capitaliste et que donc, la seule propriété qu’il convenait de supprimer était la propriété bourgeoise, c’est-à-dire celle sur les moyens de production capitalistes
Merci pour la citation de 1844
Bien cordialement
@Archimondain (14.27) et @David (14.17)
L’existence de l’intérêt (je parle des taux bien sûr) n’est soutenu d’après moi par aucun argument objectivable. C’est juste une question de jugement de valeurs ou de morale (de l’argent tout de suite aurait plus de valeur que de l’argent demain…et pourquoi donc?). Ce n’est donc pas étrange que l’Islam et le Christianisme originel aient toujours défendu cette pratique.
@Tous :
Pourquoi lorsqu’on parle du droit de propriété, droit que l’on trouvera forcément légitime quand il s’agit de son habitation ou l’appropriation des fruits de son travail individuel, on ne précise pas que tous les problèmes découlent du droit de souveraineté absolu qu’exercent les capitalistes sur ce qu’ils appellent leurs « propriétés » ?
Exercer un droit «absolu » sur sa propriété n’est-il pas l’apanage du Souverain ou du Prince ?
N’est-ce pas une contradiction majeure du libéralisme, d’affirmer le droit de propriété comme inaliénable, tandis que l’exercice du libéralisme économique implique d’exercer les droits du souverain (si combattu par les libéraux) au nom de la « firme » ou de la « corporation » ?
Sachant que ces corporations sont toujours déclarées juridiquement comme des « sociétés à responsabilités limitées » mais dont la liberté réelle, comme dans le milieu bancaire, est presque sans entrave et ce jusqu’au désastre, quelle différence y’a-t-il avec le Souverain inconséquent qui manipulait taxes et monnaies à son propre profit, et la multinationale qui produit biens et services à la consommation et multiplie ses avoirs par ses placements financiers en exerçant une responsabilité « limitée » ? Aucune ! Le droit du souverain est enregistré au nom de la firme …
@Antoine,
bonne question (sur un recensement du pour et du contre), je vais m’y atteler. J’espère avoir une première synthèse sous 48h, que je mettrais soit en commentaire de ce blog, soit sur contre-feux (ou au moins un pointeur).
Juste une remarque cependant, qui me semble crucial pour comprendre la démarche de Gesell.
Gesell, comme A. Smith ou J.S. Mill, ne s’imaginait pas l’homme meilleur, ou pire, qu’il n’est. C’est donc en pensant à la nature humaine qu’il a essayé de s’attaquer au problème qui lui semblait fondamental, à savoir la circulation de la monnaie, sans mettre derrière une quelconque marchandise une quelconque ‘valeur intrinsèque’. C’est vrai pour la monnaie, c’est aussi vrai pour tout autre bien ou service. Anti-marxiste, anti-capitaliste, il croyait cependant à la loi de l’Offre et de la Demande, et a cherché à éviter le problème de thésaurisation de la monnaie afin qu’il y ait un juste équilibre entre les ‘producteurs’ (de biens ou de service), ‘obligés’ de vendre rapidement, et les détenteurs d’argent-monnaie, qui, eux, pouvaient faire les difficiles, étant moins pressés d’acheter.
A plus tard, cordialement, B.L.
@Bertrand
Le libéralisme ne manque pas de contradictions, surtout dans le domaine économique, quand par exemple il prône la libre concurrence (d’où ma question de tout à l’heure à BLemaire):
http://www.pauljorion.com/blog/?p=2535#comment-21519
@ Cfeard
Non ce n’est pas ce que je voulais dire:
Je vais reprendre l’argumentation de Parijs à ce sujet, qui me parait inattaquable.
(Il y a bien d’autres raisons purement morales d’être opposé à Marx cependant)
S
C’est un système original. Ça me fait penser à « Loterie à Babylone », la nouvelle de Borges dans laquelle toutes les transactions sont remplacées par des paris.
A-t-on mesuré les implications du système Gesell? Par exemple, j’imagine que les magasins seraient particulièrement bien achalandés en début de mois car la plupart des salariés touchent leur chèque à la fin du moins et ils ont intérêt à dépenser immédiatement leur argent. Les consommateurs ont intérêt à faire toutes leurs dépenses courantes au début de chaque de mois. Les commerces feraient leur mois en 2, 3 jours. Il y aurait engorgement mais d’autre part, ça permettrait aux commerçants de se reposer les autres jours. Etc
Avec les monnaies fondantes, on revient à l’obsession de décourager la thésaurisation, réflexe qui n’est observé que sous un système de monnaies métalliques, ou en cas de crise bancaire sous un système de monnaies fiduciaires. L’objectif est de favoriser l’activité en augmentant la vitesse de circulation de la monnaie.
Le recours à une telle monnaie me paraît incongru aujourd’hui :
– la non-dépense n’est pas de la thésaurisation : l’argent reste en banque (sur comptes-courants ou livrets divers). Il est donc recyclable dans le circuit habituel du crédit;
– la consommation frénétique n’est pas – à tout le moins n’est plus – la réponse appropriée dans un environnement où les ressources naturelles se raréfient;
– enfin, une monnaie qui se déprécie indéfiniment condamne le prêt d’argent, sauf à pratiquer des taux usuraires. Comment finance-t-on alors les investissements ?
Je ne crois pas, comme le laisse supposer Paul dans son billet, que la concentration de la fortune puisse provenir de la rente financière (c’est-à-dire de la détention de créances) dans une simple gestion passive (disons, de bon père de famille). Car sur les moyen et long termes, la dépréciation monétaire a toujours fortement écorné le capital : en France, d’un peu plus de 4% par an en moyenne sur les 30 dernières années; environ 5% par an sur cinquante ans; plus de 7.5% par an depuis 1901. Si l’on ajoute l’impôt sur les coupons, l’impôt éventuel sur le capital et celui sur la transmission, le rentier et ses successibles se sont appauvris.
Moralité (ou plutôt, absence de morale) : le prêt d’argent ne rapporte qu’à ceux qui prêtent… l’argent des autres, que la monnaie soit inaltérable ou fondante.
@Ton vieux copain Michel & JJJ:
Merci d’avoir répondu, indirectement, à cette question: http://www.pauljorion.com/blog/?p=2591#comment-21893
Je me posais la même question que JJJ: comment finance-t-on les investissements? Pour quelle raison investirait-on puisque le retour sur investissement est négatif? Comment ça se passe avec un emprunt hypothécaire? La banque a-t-elle encore intérêt à avancer l’argent?
Mentat dixit
Texte Mentat n°2 (dicto)
http://www.pauljorion.com/blog/?p=2575#comment-21911
Si on définit le capitalisme comme un système économique fondé sur la propriété privée des moyens de production et un marché du travail « libre », en quoi pareil système est-il injuste? Plus précisément, en quoi est-il « intrinsèquement » injuste? Est-il possible d’identifier un trait:
(i) qui soit nécessairement présent dans le capitalisme (il est impossible de concevoir une société capitaliste sans lui), et q
(ii) dont on puisse plausiblement affirmer qu’il est éthiquement inacceptable?
Afin que la réponse à cette question ait une pertinence critique il faut également ajouter une condition supplémentaire. Seul peut nous satisfaire, en effet, un trait
(iii) qui ne soit pas nécessairement présent dans tout autre système social concevable, en particulier dans le socialisme, ici défini comme un système économique fondé sur la propriété collective des moyens de production et la liberté formelle de chaque travailleur (par opposition au collectivisme, qui par opposition au capitalisme et au socialisme fait de la force de travail elle-même une propriété collective…)
Plusieurs traits du capitalisme méritent alors qu’on les mette à l’épreuve de ce triple filtre, mais « l’exploitation « est le premier qui vient çà l’esprit. Qu’est ce que l’exploitation?
« les travailleurs sont exploités si et seulement si les non travailleurs s’approprient une partie du produit net. Appelons surproduit cette partie du produit net et surtravail la partie du travail produisant le surproduit. L’exploitation, c’est l’extraction du surtravail.
On peut montrer qu’AUCUNE caractérisation de l’injustice de l’exploitation satisfait en même temps les points (i), (ii), (iii). Ou encore, qu’aucune ne passe le filtre avec succès. Je passe l’argumentation d’une dizaine de pages (il faudra lire Van Parijs, qui pourtant est « de gauche »).
Le dilemme est le suivant, au final:
Oubien l exploitaion est définie de telle sorte qu’elle se conforme à l’usage habituel et départage élégamment le socialisme et le capitalisme, mais alors elle n’est pas nécessairement injuste. Oubien nous définissons l’exploitation de manière à ce qu’elle soit nécessairement injuste, mais alors nous nous écartons de l’usage habituel, et l’absence d’exploitation cesse de constituer un avantage essentiel du socialisme sur le capitalisme.
Il y a des tonnes d’autres objections très dures (bien plus violentes que celle-là) à la prétendue valeur morale du marxisme. Ce n’était qu’un exemple. Il en existe bien d’autres.
@ Auguste
Rassurez-vous : vous ne savez pas tant de choses que ça… -;)
Nous avons bâti notre économie sur l’idée de « propriété » qui indique une forme de protection (de cette propriété) et de liberté (d’usage). Il faudrait peut-être rajouter ou même remplacer par une idée de responsabilité. C’est à dire qu’on est responsable de notre « propriété ». Parce que dans la pratique si on cherche à être libre, on n’en est pas moins reliés. Il faut un équilibre entre les 2. Équilibre brisé institutionnellement par la notion de « responsabilité limité » qui s’est immiscée dans l’esprit d’entreprise pour favoriser la prise de risque, mais qui a été détournée en paravent de la perversité.
@antoine
Propriété: n.f. Droit d’user et de disposer d’un bien d’une façon exclusive et absolue, sous certaines réserves définies par la loi. (Petit Larousse illustré 1987).
Je vois au minimum 3 notions dans cette définition qui pourraient être considérées comme injustes. Encore faut-il qu’on s’entende dans un premier temps sur ce qui est juste, bien entendu.
@ Ysabel
Non : la « responsabilité limitée » n’a qu’un sens économique. Les « détournements pervers » ne sont pas liés à la limitation de la responsabilité financière au capital social (en principe…)
@ JJJ
Je crois qu’il faut lire Gesell dans le texte en fait. Parce que nombre d’objections faites ici sont contredites par ses démonstrations empiriques sur l’origine de la crise argentine.
N’oublions pas non plus qu’il y a 2 volets:
– La critique des implications pratiques (avec les conséquences intéressantes du modèle de Gesell sur le plein emploi, lorsqu’il est cumulé avec d’autres mesures… qui à elles seules réduiraient peu-être à des broutilles les objections de détail au fond faites ici ou là). Quelles sont les implications de ce modèle sur le système bancaire (banques commerciales, banques centrales, contrôle des citoyens…)?
– La question de la supériorité démocratique de ce modèle sur le modèle inverse, quelles qu’en seraient les implications concrètes (et ceci est un gain décisif, non négligeable). A moins d’être un utilitariste acharné sur ces questions, et de faire fi de la façon dont Rawls explose dans un premier temps puis étouffe ans un second temps l’idée utilitariste selon laquelle la perspective normative correcte sur le plan démocratique pourrait être le seul souci de la maximisation de l’utilité.
@Blackole
Vous dites : ‘de l’argent tout de suite aurait plus de valeur que de l’argent demain…et pourquoi donc?’
Je ne prend pas comme hypothèse que de l’argent a plus de valeur aujourd’hui que demain.
Je prend comme hypothèse qu’un bien de manière général (mais qui n’est pas de l’argent justement) a plus de valeur tout de suite que demain. Par exemple, si j’ai faim et que je veux m’acheter a manger, cette nourriture a plus de valeur pour moi maintenant. (parce que c’est maintenant que j’ai faim). De même que si je veux m’acheter une maison, cela a plus de valeur pour moi de l’avoir maintenant plutot que dans 25 ans. (car c’est maintenant que j’ai besoin d’un toît). C’est là mon hypothèse et mon argument. Et je le crois assez objectif.
Comme les biens s’échangent avec de l’argent, il en résulte que le taux d’intérêt est ‘logiquement’ (mais uniquement au vue de l’hypothèses que j’ai posé, et qui est loin d’englober toutes les apspects du sujet) justifié. Car il représente cette plus value d’avoir son bien tout de suite plutôt que demain.
@ Dissonance.
Évidemment si on s’en tient au Larousse… le problème c’est:
(i) que le concept de droit ne veut rien dire (droit au sens de « claim? », « privilege » (pas au sens français), « power », « immunity »?).
(ii) que Larousse appelle « propriété » au sens générique un trait tout à fait particulier de la conceptualisation JURIDIQUE romaine du droit de propriété qui est incomplètement impropre à ne serait-ce que décrire le régime des droits de propriété actuel,
(iii) que le problème depuis 2500 ans est de définir ce qui est juste. Et en particulier la distinction de ce qui est juste de ce qui est bien. L’articulation du juste et du bien est ce qui oppose « communautariens », « démocrates », « libertariens » (et même libertariens entre eux), « utilitaristes » et « marxistes ». Et puis il y a la définition du domaine du Juste. Et celle de ce qui est juste « par nature »/ « par convention ». Toutes ces dimensions ont des implications pratiques très concrètes.
(iv) qu’on ne peut rien tirer d’intéressant d’une définition juridique de la propriété sur le plan normatif, ne serait-ce que parce que celle-ci est toujours un phénomène dérivé, et jamais originaire.
Mais admettons. qu’est ce qui vous gène dans cette définition, qui pour moi est tellement « aride » qu’on ne peut pour ainsi dire rien n’en dire, elle entend faire de « l’abusus » une dimension essentielle du droit de propriété elle est factuellement inexacte et incompatible, par exemple, sur le plan normatif, avec les thèses d’un Thomas d’Aquin.
Bonjour à tous,
Au risque de reposer une question, une interrogation me vient à l’esprit :
– L’inflation ne tend-elle pas déjà à faire fondre la valeur réelle de la monnaie ?
Avec 1€ d’anné n je peux acheter x chose. Avec 1 € en année n+2, je peux acheter que x choses- 2
– Comment rendre possible l’anticipation et le calcul économiques de la sorte ?
@ Antoine
Si ce sont des « démonstrations empiriques », il est à craindre que ce ne sont pas des… démonstrations ! 😉
Il faudrait un exemple chiffré :
1€ en n vaudrait 0,9€ en n+1 et 0,8€ en n+2 … et 0,1€ en n+10.
Mais, si j’achète un actif immobilier (appart.) à 0,5€, il n’est pas nécessaire que sa valeur vénale de marché diminue :
0,5 € en n, 0,5 € en n+1, … 0,5 € en n+10
Dans ce cas la valeur de mon actif augmenterait dans le temps en raison du caractère surliquide de la monnaie(je divide 0,5 par la valeur réelle de l’€ après sa dépréciation). Bien, sûr, je n’évoque pas la création monétaire :
en n+1 : 0,1 € est émis, il devient 0,09 € en n+2, 0,08€ en n+3
en n+2 : il faut compenser la perte de valeur de l’€ émis en n et du dixième d’€ émis en n+1…
S’il y a une épargne constituée d’année en année, alors mon actif aura encore plus de valeur si la masse monétaire ne parvient pas à être constante.
C’est une idée, ce n’est pas parfait, mais cela a le mérite d’exister.
@ JJJ (16h24)
« – la non-dépense n’est pas de la thésaurisation : l’argent reste en banque (sur comptes-courants ou livrets divers). Il est donc recyclable dans le circuit habituel du crédit; »
La non dépense, soit reporter son achat au lendemain, ne prends pas en compte toutes les dimensions du problème moral de l’argent « non fondant ». Je prends un exemple :
1/Vous êtes mandaté par une entreprise qui distribue de l’eau potable à ses clients. Les clients sont d’accords pour payer ce service puisqu’ ils disposent d’eau propre à la consommation chez eux plutôt que d’aller au puits.
2/ Avec cette activité vous gagnez donc de l’argent que vous placez sur votre livret, dans le circuit habituel du crédit.
3/ Il n’existe qu’une quantité limitée d’eau sur terre, c’est pour cela qu’on parle du « cycle de l’eau ». L’eau ne se recréé jamais, elle effectue son cycle.
4/ Si l’un de vos clients pollue l’eau qu’il rejette à grande échelle dans la nature, de quels droits conserveriez-vous l’argent que vous avez gagné avec une ressource limitée d’eau potable ?
5/ Pourquoi ne pas automatiquement détruire l’argent en fonction d’une ressource que l’on sait limitée et désormais consumée (que l’on ne peut pas recréer) ? A-t’on moralement le droit de conserver l’argent que l’on peut multiplier comme des petits pains dans une banque, quand par son activité rémunératrice on diminue inexorablement les ressources naturelles nécessaires à une vie décente ?
L’argent ne doit pas être automatiquement fondant, il doit l’être quand les énergies recyclables ne le sont plus du fait d’une activité économique inconséquente. Parce que l’argent et la ressource naturelle perdue doive être inscrite comme « perte sèche » dans les livres de comptes, pour que l’humanité comprenne.
@ JJJ
Bien vu.
Je voulais juste dire qu’il avait testé les hypothèses de Marx sur le terrain de la crise argentine, et que visiblement pour lui la théorie ne collait pas du tout avec ce qu’il observait.
PS: le concept de démonstration non empirique a t-il un sens? Le principe de non-contradiction lui-même repose sur une argumentation empirique, sans quoi il ne serait qu’une pétition de principe. Est-ce à dire alors qu’il n’est nullement démontré?
Et si au lieu de payer pour acquérir des biens nous payions pour les posséder ? Le coût d’un bien serait répartie de manière dégressive sur sa durée de vie, sous forme d’un loyer de possession redevable au constructeur du bien…
Première conséquence : il est impossible de spéculer. Posséder a forcément un coût, ça ne peut pas rapporter de l’argent.
Deuxième conséquence : le droit de restitution. Quand je souhaite ne plus posséder un objet, j’ai le droit de le restituer à celui qui me l’a vendu.
– Corollaire 1 : les entreprises gèrent les biens sur l’ensemble de leur durée de vie, puisqu’on peut leur restituer. Fini le gachi, le jetable, les biens doivent être durables et réutilisables pour pouvoir être rentables. Fini les déchets : qui mieux que les fabricants peuvent réparer ou recycler leurs produits ?
– Corollaire 2 : je peux accéder facilement à des biens sur une durée courte. Pourquoi chacun possède une tondeuse à gazon pour l’utiliser à peine une fois par mois ? Je peux emprunter les transports en commun et posséder une voiture le temps d’un week end.
– Corollaire 3 : l’investissement est une charge beaucoup moins importante car au lieu de payer l’intégralité de la valeur des biens, on ne paie que leur possession sur une certaine durée. La finance devient moins prépondérante.
Troisième conséquence : posséder a un coût, contrepartie de la jouissance. Une entreprise rapporte, contrepartie du travail. Personne d’autre ne peut donc posséder une entreprise que ceux qui y travaillent, et c’est à eux qu’en reviennent les bénéfices et l’organisation.
Quatrième conséquence : posséder la nature a un coût qui ne revient à personne, donc à tout le monde. La nature est gérée par la collectivité qui en fixe le coût en fonction de ses dépenses de manière transparente et démocratique.
@ Archimondain
Votre logique est erronée.
Faisons l’hypothèse que nous soyons dans une économie où les banquiers — (dim9, publics ou privés, peu importe) — soient honnêtes.
Si vous ne présentiez aucun risque, le taux d’intérêt serait nul. Vous pourriez choisir votre maison — après avoir fait le tour des Agences pendant un mois — et entrer dedans, sans même payer un acompte.
Votre banquier serait sûr que vous feriez face aux échéances;
il ne courirerait aucun risque de non-paiement aux dates de remboursement partiel.
Vous lui donneriez 100 sous pour ces frais de gestion.
Ce serait un comptable-de-quartier, agréé … plus un banquier.
@antoine:
Vous admettrez au moins qu’on ne puisse pas taxer un dictionnaire de verser dans une idéologie ou une autre. Il ne fait que retranscrire avec le plus d’exactitude possible le sens des mots que nous employons (à tort et à travers parfois). Cet outil merveilleux permet en outre de se débarrasser avantageusement de tous les fantasmes qu’on associe parfois à tel ou tel mot.
3615MaVie: Mon professeur de philosophie de terminale nous avait enseigné pour unique méthode de dissertation de s’en référer aux strictes définitions des mots composant le sujet, ce qui suffisait selon lui à pouvoir déterminer des axes d’étude pertinents. D’expérience j’avoue que cette méthode ne m’a jamais montré sa limite.
Fin de mon vibrant plaidoyer en faveurs des dictionnaires.
Ainsi donc:
i) Je vous suggère le droit au sens de Larousse (ou Robert, ou finalement n’importe quel éditeur du même type d’ouvrage).
ii) Larousse appelle propriété ce qu’est la propriété. C’est tout l’intérêt du document. Pas d’idéologie, pas de fantasme.
iii) Je vous renvoie au (i).
iv) je passe sur la première partie…
Dans la définition que j’ai cité, il réside donc selon moi au moins 3 vecteurs potentiels d’injustice, à savoir:
L’exclusivité. le droit exclusif peut être injuste. Pour rappel ce mot prend racine commune avec l’exclusion. N’est-ce pas, précisément, ce mot d’exclusion qu’on emploie pour parler des populations marginalisées au sein d’une société? Est-ce un hasard? Difficile de le prétendre quand précisément, les populations dites exclues sont notamment celles qui ne peuvent légalement exercer le droit de propriété sur quelque bien que ce soit. En conséquence de quoi la nature exclusive du droit de propriété peut être considéré comme étant à l’origine de l’exclusion sociale.
L’absolu. Le droit absolu peut être injuste. L’absolutisme en tant que régime politique fut considéré comme injuste, par exemple. En terme de droit, en définir qui soit absolu signifie littéralement qu’on ne puisse le restreindre. L’injustice, pour peu qu’on se soucie de la notion d’égalité des droits, peut se fondre précisément dans cette non-restriction. Un petit exemple: Deux personnes égales en droits font valoir leur droit absolu de propriété sur un bien. Comment les départager sans injustice? (Lire ou relire le premier livre des rois à l’occasion).
Cette caractéristique est heureusement tempérée par la suite de la définition (Donc par la même inactivée – il n’était cependant pas inutile d’en faire la critique).
Les réserves définies par la loi. Une loi peut être injuste. C’est vrai quel que soit le régime politique. C’est notamment l’un des fonds de commerce des partis politiques d’un régime démocratique que de démontrer à quel point les lois votées par leurs opposants sont injustes. Avec le lot de fausses vérités mais aussi d’analyses pertinentes dont ont peut les taxer, évidemment.
@antoine: « Le principe de non-contradiction lui-même repose sur une argumentation empirique, sans quoi il ne serait qu’une pétition de principe. Est-ce à dire alors qu’il n’est nullement démontré? »
Je pense qu’effectivement il ne s’agit que d’une pétition de principe (un axiome non-démontré). N’était-ce pas ce que démontraient les travaux de Goedel: l’impossibilité de démontrer des axiomes tels que le principe de non-contradiction? (excusez si je dis des bêtises, les maths c’est pas mon fort).
@ Quentin [ 17:57 ]
Vous pouvez absolument tout utiliser — tout — sans en être (jamais ou temporairement) propriétaire :
parc d’avions – usines – réseaux mondiaux de téléinformatiques – navires – camions – autos – ordinateurs – etc.
Pour réduire leur endettement apparent
des millions d’entreprises (transnationales, PME) procèdent ainsi :
[A] Leasing – [B] Location
Avec un leasing (formes multiples, assurées par une cie d’assurance)
le bénéficiaire-exploitant devient propriétaire lors de la dernière échéance.
Vous pouvez en trouver les noms dans les Annuaires (Kompass, Europages, Insee, PAP pages Pro, PagesJaunes, )
Les « providers » s’enregistrent au Registre-du-Commerce avec les codes ci-après :
702A : Location de logements
702B : Location de terrains
702C : Location d’autres biens immobioliers
711Z : Location dé véhicules auto
712A : Location d’autres matériels de transport terrestre
712C : Location de matériels de transport par eau
712E : Location de matériels de transport aérien
713A : Location de matériel agricole
713B : Location de machines et équipements pour la construction
713E : Location de machines de bureau et de matériel informatique
713G : Location de machines et équipements divers
714A : Location de linge
714B : Location d’autres biens personnels et domestiques
Exemple pour l’équipement de jardin (tondeuses, etc.) : Kiloutou
Ces milliers d’entreprises de l’Economie Réelle sont financées par des pools bancaires (souvent 4),
après des négociations incluant des cies d’assurances et divers autres intervenants (supports juridiques de gestion de patrimoine, fiscalistes, etc.)
Pensez-vous que ce soit à l’Etat de s’occuper de ces millions d’opérations ?
Sur le libéralisme et la libre-entreprise et la concurrence, avec une extension à mon ‘anti-capitalisme’
Je ne sais plus qui m’a posé la question, je le prie de m’excuser de cet oubli, pas facile de répondre sur un blog si trépidant d’énergie et très souvent de questions fort délicates, donc intéressantes.
Je vais répondre uniquement sur ce qui est vaguement de mon domaine, donc sur le côté ‘économique’ du libéralisme, même si, bien entendu, le libéralisme peut être défini et s’étendre à des contextes beaucoup plus vaste. Je voudrais cependant préciser, avant de me cantonner au secteur économique, que, pour moi, il ne peut y avoir de liberté sans contraintes, faut-il encore que ces contraintes soient connues et comprises de tous, et applicables à tous: d’où une nécessité de transparence rarement effective, hélas.
Cela étant dit, la libre-entreprise ne se conçoit pas, pour moi, sans concurrence. Qu’est ce que cela signifie pour les services publics. J’ai pas mal évolué à cet égard ces derniers mois, mais si je pense que certains services publics peuvent être développés par le secteur privé, je crois que d’autres services publics doivent être gratuits: ce qui pose sans doute un problème de contrôle du gaspillage et de l’efficacité des dits services, par exemple dans la santé ou la sécurité (pompiers, police, ….). De fait, dans ce cas là, la ‘sanction’ par le marché ne peut s’organiser, il faut donc trouver autre chose.
Enfin, je pense que certaines personnes, pour des tas de raisons, peuvent ne pas avoir une valeur marchande, alors qu’en tant qu’individus, elles ont nécessairement une valeur humaine, de par le seul fait qu’elles existent. C’est pour cela que j’ai proposé un Revenu Minimum de Dignité, allocation universelle accordée par la collectivité à chaque adulte. Mais ce n’est pas le lieu de m’étendre ici sur ce point.
Pour en revenir au problème de la monnaie, de Gesell et des taux d’intérêt, S. Gesell m’a fait comprendre – un peu tard sans doute – que la véritable ‘lutte’ n’était pas une lutte de classes entre ‘patrons’ et ‘prolétaires’ mais entre ‘prêteurs d’argent avec intérêt’ (comme si l’argent devait avoir un prix, et comme si sa possession avait un mérite certain, qu’il fallait ‘récompenser’) – les capitalistes pour faire bref – et tous les autres, entrepreneurs comme salariés, producteurs comme consommateurs. Voilà la vraie lutte de classes entre ‘revenus non gagnés’ (pour reprendre la terminologie de Maurice Allais) et ‘revenus gagnés’.
En résumé, quelque soit la ‘révolution monétaire’ qu’il faut soutenir, elle doit s’accompagner de la suppression des intérêts sur les prêts, ou, plus précisément, aucun taux d’intérêt ne devrait être supérieur (au taux de hausse des prix près) au taux de croissance de l’économie réelle dans son ensemble. Est-ce qu’il faut aller jusqu’à une monnaie fondante pour la monnaie ‘sociale’: that is the question …
Bien à vous, B.L.
mais qu’en général
tout d’abord, en préliminaire, il ne