Ce texte est un « article presslib’ » (*)
L’institution de la propriété privée rend automatiquement la richesse inhomogène : certains en auront plus et certains en auront moins. Le prêt à intérêt contribue à la concentrer encore davantage : si celui qui dispose d’argent peut le prêter et en recevoir plus en retour du fait-même de le prêter, l’argent appellera l’argent et les fortunes existantes croîtront, aux dépens de ceux qui en sont démunis. L’héritage contribuera à accentuer encore cette concentration : la richesse apparue à une certaine génération se voyant offerte l’occasion de se prolonger aux suivantes.
Une telle disposition à la concentration fait augmenter de manière constante la proportion des prix due aux intérêts et ceci débouche à terme sur l’insolvabilité massive de ceux qui se trouvent à la base de la pyramide de la richesse. Si l’on entend contrer cette disposition à la concentration, plutôt que de la corriger après coup par des palliatifs comme l’impôt progressif, il existe divers moyens d’aborder le problème. Le plus simple consiste à s’attaquer aux causes-mêmes de la concentration de richesse. On voudra par exemple abolir la propriété privée, et les questions de son héritage et de la perception des intérêts ne se poseront automatiquement plus. On aura pris le problème « en entrée », l’héritage et les intérêts étant conditionnés par la propriété privée ; on aura bien entendu reconnu là la solution proposée par Marx. Une alternative consiste à maintenir en place la propriété privée et l’héritage et à neutraliser « en sortie » la seule perception d’intérêts. C’est l’approche de l’Islam et celle qui est traditionnelle au christianisme ; Thomas d’Aquin qui s’est intéressé à la question, a repris la problématique là où Aristote l’avait laissée.
Ces deux premières approches sont politiques au sens où elle supposent un système légal qui fasse respecter des interdictions spécifiques. Il existe cependant une troisième option : celle qui consiste à neutraliser la concentration de la richesse sans instaurer aucune prohibition explicite, ni de la propriété privée, ni de l’héritage, ni même des intérêts. Cette troisième voie est d’une très grande subtilité : elle consiste à définir la monnaie de telle manière qu’elle interdit automatiquement la concentration de richesse, comme une simple conséquence de ses propriétés intrinsèques.
Cette troisième voie a été adoptée historiquement par ceux qui entendent prévenir la concentration de richesse en raison de ses conséquences sociales nocives mais sans vouloir passer par la solution radicale consistant à supprimer la propriété privée. Ce sont essentiellement des mouvements socialistes antimarxistes qui ont préconisé ce type d’approche. Ce qui nous ramène en particulier à Silvio Gesell (1862 -1930) et à son projet de « monnaie fondante ».
La solution de Gesell consiste, je le rappelle, en une monnaie qui se déprécie avec l’écoulement du temps. Les expériences de monnaie fondante furent rares, et concernèrent toujours des monnaies de « complément » dans un environnement qui demeurait dominé par une monnaie légale émise par une banque centrale.
Le faible nombre d’applications historiques et le fait qu’elles intervinrent toujours dans un contexte de crise (1) rendent très malaisée une évaluation de l’effectivité de ces monnaies fondantes. Il est en effet difficile de dire, comme l’a souligné Thomas Greco (2), si leurs bénéfices apparents découlent de la nature fondante de la monnaie ou de certains éléments de contexte comme le fait qu’elles ne circulaient qu’en faible quantité en parallèle à une monnaie officielle, qu’elles offraient un moyen commode de payer les impôts locaux, qu’elles tiraient bénéfice du système global, parasitant en fait la monnaie émise par la banque centrale, qu’elles « captaient » à leur profit les intérêts accrus sur la monnaie légale déposée en garantie pour la monnaie fondante, voire encore que des quantités non-négligeables en étaient retirées du circuit par des collectionneurs, qui subventionnaient ainsi involontairement le système, etc.
Considérons comme acquis que la concentration des richesses est pernicieuse à long terme. En l’absence de confirmations empiriques de la possibilité de la contrer sans prohibitions portant ni sur la propriété privée, ni sur l’héritage, ni encore sur les intérêts mais uniquement en attribuant à la monnaie des qualités spécifiques, est-il possible de démontrer sur le plan théorique que cette manière d’aborder le problème est la meilleure ? Ou bien faut-il toujours envisager sérieusement ses deux concurrentes : une prohibition de la propriété privée comme le préconisait Marx, ou une prohibition de la perception d’intérêts, comme le préconisent le christianisme historique et l’Islam ?
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(1) Irving Fisher, Stamp Scrip (1933).
(2) Thomas H. Greco, Comment on the Wörgl Experiment with Community Currency and Demurrage (2002).
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
148 réponses à “Gesell (II)”
Je verais bien un système ou l’intéret de préter de l’argent est que l’on puisse par la suite en empreinter.
On ne prèterais pas aux riches mais à ceux qui prètent.
Par exemple:
Actuelement, j’ai en ma possécion une somme dont je n’ai pas besoin pour une durée que je détermine.
Je le place donc à la banque pendant cette année, ce qui me donne à la fin le droit d’en empreinter autant sur la même période.
@Moi
Ce n’est pas vraiment ce que je veux dire. Je parle de revenue minimum d’existence. le RMI est touché par ceux qui ne peuvent pas faire autrement. Et il y a une certaine tendance à les stigmatiser. Il faut par exemple, s’engager ‘à participer aux actions d’insertions sociales’ : stages de formation ou de réadaptation au travail, activités contre l’illettrisme, contre l’alcoolisme, apprentissage de la gestion d’un budget familial.
Les RMIstes sont donc des deumeurés, paresseux et alcooliques, incapables de gérer leurs vies correctement. L’approche à laquelle je songeais est sensiblement différente 🙂
Il s’agit (comme dans le crédit sociale, effectivement) d’un dividende que chacun touche sans condition. Idéalement, celui-ci est suffisant pour permettre aux gens de vivre. (avec un RMI, on peut vivre tant qu’on a pas de loyer a payer. Avec un loyer, je ne vois franchement pas comment faire). Il en découlerait que plus personne n’est ‘obligé’ de travailler, mais je suis convaincu que ça ne conduira pas pour autant à une société de oisiveté. Les gens continueront à travailler, mais uniquement pour les choses soit vraiment utiles, soit vraiment intéressantes. Il est en revanche probable, une fois sortie d’un mode de compétition impitoyable, que ‘les choses’ (inventions, industries, science) avancent moins vite, et que les gens aillent moins aux bout d’eux-même.
Par exemple, dans un tel système, jamais je n’aurais été poussé à faire de longues études. Je serais probablement aller à mon rythme, beaucoup moins rapide que celui que j’ai du suivre à grand peine. J’aurais beaucoup moins de compétences, de connaissances (au demeurant fort utiles), que j’ai apprise bêtement dans le seul but de ne pas me retrouver ‘sur le carreau’ comme on dit. Je serais probablement moins intelligent, n’ayant pas passé cinq ans de ma vie à réfléchir le plus rapidement possible sur des problèmes complexes.
Il en serait sans doute de même pour beaucoup de gens. ‘Les choses’ avanceraient nécéssairement moins vites.
En revanche, il est probable que les gens soient plus épanouis. Il n’y a pas de travail mieux fait que celui qui est executé librement.
@ cfeard
Je n’avais pas répondu, cette question est présente dans une grande partie des ouvrages de Karl Marx, à commencer par celui qui est sans doute le plus court d’entre eux, le « Manifeste communiste ».
@ AJ Holbecq
Vos propositions me semblent tout à fait convenir à la situation actuelle
@ Pierre Canart
Certes, la propriété existe depuis la nuit des temps, mais pas le système capitaliste!
Et concernant les ‘self-made men’, toutes les études tendent à montrer que la mobilité sociale a plutôt tendance à diminuer.
Il y a bien accumulation des richesses de génération en génération – sauf bouleversement. A nous de jouer.
@ François Leclerc
Merci! Mais j’avais cru comprendre que Marx était pour la suppression de la propriété privée SUR LES MOYENS DE PRODUCTION et non de façon générale, comme l’extrait du Capital que je cite semble le montrer.
@Archimondain
Je vous renvoie à mon message de 11:13, suivez le lien il y a une théorie qui se rapproche sensiblement de ce dont vous parlez.
Blackole dit:
« Et dans nos systèmes économiques, ne pas répondre à cette question, ni comprendre pleinement la notion d’intérêt est la base de tout car tout en découle! »
J’y vois un problême de vocabulaire.
On apelle intéret aussi bien ce qui importe, ce qui convient, en quelque manière que ce soit, à l’utilité, à l’avantage d’une personne ou d’une collectivité, d’un individu ou d’une personne morale, en ce qui concerne soit leur bien physique et matériel, soit leur bien intellectuel et moral, soit leur considération et leur honneur.
Mais aussi:du Profit qu’on retire de l’argent prêté ou dû
Ce sont 2 choses bien distincte mais qui portent le même nom.
L’abolition de l’héritage implique en dernière alternative la prohibition de tout don (on ne peut que vendre son appartement à sa fille, et encore pas à prix d’ami, mais au prix du marché). C’est une option très difficilement défendable, et pas seulement pour des raisons de sentimentalité « populaires ».
Sur l’argument du patrimoine. Gesell en avait bien conscience et interdisait dans le même temps la propriété privée des terres si mes souvenirs sont bons. Il ne suffit pas de prouver que la monnaie fondante ne parvient pas à son but.
@ A.J Holbecq:
Le point 1 et le point 2 ne sont pas évidents en soi, du fait que le système de monnaie fondante est un élément parmi d’autres, qui fonctionne en synergie (par exemple avec les mesures préconisées par Paul sur la question de la spéculation). Vous parlez d’inflation…
Si les petits épargnants épargnent pour acquérir un logement, qu’est ce qui leur côute le plus, les taux d’intérêts usuriers ou « l’intérêt négatif »? Vous me direz: ca dépend du taux respectif des deux types d’intérêts. Mais si c’est bien le cas, alors la monnaie fondante n’est pas inférieure au système actuel de ce point de vue. Si, toute chose égale par ailleurs, elles est meilleure à d’autres niveaux (son lien avec le taux de chômage), ses perspectives sont meilleures.
Le point 3 pose un vrai problème. Celui de la souveraineté sur la monnaie (quelles conséquences dans un contexte intterétatique?)… et des devoirs associés au statut de citoyen.
Il va de soi qu’un citoyen qui s’amuserait à ce petit jeu, en dehors de conventions interétatiques, devrait être sérieusement sanctionné (Dans le même registre, je pense aux femmes qui ont les moyens de partir à l’étranger se livrer à des pratiques interdites en France par les lois de bioéthiques, faisant de la loi une loi « à deux vitesses ». La sanction, à mon sens, devrait être exemplaire). Je crois que le faux monnayage est ce qui est le plus sévèrement réprimé en France (à vérifier), et ce pour des raisons qui ont tout à voir avec le genre de pratiques auxquelles se livreraient les mieux lotis.
Ceci implique t-il la non-convertibilité des monnaies nationales, comme le yuan, ou un modèle plus sophistiqué? Quelle « monnaie de réserve » dans un système comme celui-ci? Le concept de « monnaie de réserve y a t-il encore un sens? »
Le problème c’est qu’on ne peut pas envisager la monnaie fondante « toute seule » (cf Gesell et la propriété des terres, ou la punition de ceux qui ne jouent pas le jeu), ni l’envisager à partir du fonctionnement des agents tels que nous le connaissons dans le système de monnaie qui est le nôtre. De plus si c’est bien une institution de base, alors évaluer la valeur d’une institution à ses conséquences pratiques plutôt qu’à sa manière de réaliser des principes politiques et moraux, c’est déjà, implicitement, accepter le biais « utilitariste » de l’économiste. Ce qui ne va pas de soi.
On pourrait la réserver aux entreprises pour leurs investissements (Banque Wir). Quid de cette option, qui fonctionne très bien?
@ cfeard
« Marx a montré que la propriété privée des moyens de production, base de l’appropriation de la plus-value, est à l’origine des dysfonctionnements de la société capitaliste. »
Sauf que pour Gesell Marx s’est trompé. Et son analyse découle d’une étude, qu’il veut rigoureuse, de la crise argentine. Gesell faisait tellement peur aux marxistes qu’il fut censuré en URSS (comme il le fut dans l’Angleterre capitaliste). Ce n’est pas la propriété privée des moyens de production le problème. Le problème c’est, comme l’a vu Aristote, le fait que la monnaie puisse s’accumuler sans limite. Sur le plan moral la propriété privée des moyens de production vous semble poser problème. Malheureusement, il est impossible de condamner celle-ci pour des raisons morales qui ne s’appliqueraient pas également au marxisme.
@Marc
Merci. Je vais la lire avec attention
@Blackole
Notez que je ne parle pas de risque, contrairement à scarinella. C’est un autre aspect des choses. Je parle d’achat et de vente de temps. L’argent que l’on vous prête doit être remboursé avec intérêt car celà a plus de valeur pour vous de le posséder tout de suite, plutôt que d’attendre d’avoir l’équivalent de ce que l’on vous a prêté.
Je n’arrive pas à montrer que ce que je dis est faux, même si j’ai le sentiment que c’est bel est bien faux, où au moins suffisement incomplet pour que ça finisse par se révéler faux.
Réfléchir aux conséquences d’une monnaie fondante, et notement à la lumière de ce que représente l’argent par rapport au temps devrait permettre de débrousailler ma confusion.
Ce qui est amusant, c’est qu’un libertarien devrait soutenir/ ne pourrait imposer l’interdiction de:
1/ une monnaie individuelle
2/ un intérêt qui pourrait être négatif ou positif (selon les termes des contrats librement passés par les agents entre eux).
Surtout qu’en plus un libertarien ne peut pas s’opposer, en toute logique, à la propriété commune des ressources naturelles.
Quelqu’un a une idée des implications d’un tel délire?
Bonjour à tous,
ayant été cité par le ‘visiteur du matin’ je lui répondrait tout à l’heure.
Je voudrais tout d’abord féliciter Paul – m^me si je ne suis pas toujours d’accord avec lui (mais ‘nobody is perfect’ – je parle de moi et pour moi bien sûr) – pour la clarté de son argumentation. Difficile de poser le problème plus distinctement.
Etant (relativement) libéral, et ayant pourtant fréquenté Marx (en lecture, pas en faisant tourner les tables) dans mon jeune temps, et Gesell beaucoup plus récemment, je dois dire que la monnaie ‘geselienne’, ou ‘franche’, ou ‘fondante’ me conviendrait parfaitement. Je pense aussi que le taux d’intérêt, une des causes du surendettement de la plupart des pauvres, ou des un peu moins pauvres, devrait être limité au taux de croissance de l’économie (corrigé de l’inflation éventuelle): en ce moment, il devrait donc être proche de zéro.
Les arguments pour ou contre la monnaie Geselienne sont nombreux: je vais simplement tenter de combattre rapidement 2 ou 3 arguments qui sont contre.
On dit parfois qu’une telle monnaie est comparable à l’inflation: c’est inexact, pour deux raisons. D’abord, ce qui est le plus gênant dans l’inflation, c’est qu’il y a des gagnants et des perdants, et que, de plus, le taux d’inflation est incertain, ce que les calculs économiques (ou plutôt ceux qui les font 😉 détestent. Les gagnants sont ceux qui sont en position de force pour s’en prémunir, les perdants sont les autres: pas vraiment juste tout cela. Avec une monnaie fondante, par exemple une dépréciation de 1% par trimestre, tout le monde semble être à la même enseigne, et, de plus, les calculs peuvent être faits facilement, il n’y a pas de ‘suspense’.
Autre argument: les riches pourront toujours placer leur argent autrement. Marché de l’art, immobilier, pierres précieuses, paradis fiscaux, que sais-je encore. Peut être. Mais si les pauvres, les moins pauvres, les pas tout à fait riches, qui représentent 90 à 95 % de la population mondiale peuvent vivre, produire, consommer, échanger normalement, où est le problème. Ce sera déjà beaucoup mieux que la situation présente. D’autant plus que, pour assurer le minimum vital à chacun, je soutiens toujours l’instauration du Revenu Minimum de dignité (le 1/4 du PIB mensuel moyen, 625 euros, vrais ou ‘fondants’, par mois).
Cordialement, B.L.
@ Archimondain: oui, la question des rapports entre monnaie, intérêt, et temps est centrale. C’est un axe prometteur en tout cas. C’est l’aspect le plus difficile, parce qu’au fond le plus flou, le moins technique (Des qu’on aborde la question du temps les choses deviennent difficiles en général, quelque soit le domaine).
@ Paul
Par contre je ne vois pas en quoi la perspective de Gesell est fondamentalement différente de celle de Thomas d’Aquin ou de l’Islam (même si en pratique la solution musulmane est très différente). Les raisons théologiques de Thomas d’Aquin sont, il faut le préciser, bien différentes de celles d’Aristote.
@ Blackhole:
Qu’est ce qui ne vous convient pas dans ces définitions de l’intérêt?
Sur Gesell,
S. Gesell a fait peur en son temps (et encore maintenant sans doute) à beaucoup de personnes. Il était anti-marxiste, anti-capitaliste, proudhonien, et pour la libre entreprise (car il ne voyait dans la nature humaine aucun argument pour élaborer un système meilleur). Je pense que de nombreux arguments contre ses idées restent encore liés aux idéologies implicites de leurs auteurs. Nous gagnerions tous pourtant à le lire ou à le relire: c’est pourtant un ‘spécialiste’ de Marx, ‘spécialiste’ qui a longtemps cru à la théorie de la valeur-travail qui parle.
B.L.
@ Blemaire
Entièrement d’accord.
Pourriez vous fournir une petite bibliographie de ce qui vous a semblé le plus intéressant?
Nous avons besoin, je crois, d’un panorama des différentes objections/contre objections déjà soulevées.
@BLemaire
Question: La libre entreprise implique-t-elle la concurrence selon vous?
@ Pierre Canart
Vous dîtes:
– « l’instauration de la propriété » qui faciliterait les inégalités « ne veut à mon sens rien dire »
Tout d’abord, il me semble que vous déformez quelque peu. Personnellement, je lis en substance: l’institution de la propriété privée favorise la concentration de richesse. Cela n’a pas de sens ? Le concept d’accumulation ne dérive-t-il pas lui-même du concept de propriété ? Oui, la propriété remonte à très loin, mais cela n’empêche qu’elle ait pu être institutionnalisée (oui c’est le bien terme employé à divers moment de l’histoire et selon diverses modalités. La déclaration des droit de l’homme de la révolution française en fait quelque chose de sacré par exemple (au passage c’est la seule réminiscence à connotation religieuse de notre bloc actuel de constitutionnalité).
– vous parlez de quoi ? de sélection naturelle ? C’est n’importe quoi, attention à ne pas mélanger les choux avec les carottes: le darwinisme est une chose; ce qu’on appelle le darwinisme social en est une autre totalement différente même si elle a été développée par le cousin de Darwin qui a transposé de façon tout à fait aberrante le modèle du cousin à des réalités sociales. C’est de là que part l’eugénisme moderne
– « Qu’il y ait accumulation de richesse par l’intérêt et l’héritage est à mon avis totalement erroné »
Dans le modèle actuel qui régit la création monétaire, l’expression « l’argent appelle l’argent » s’applique pourtant à merveille à la réalité de la création monétaire actuelle.
@ David
« Je verais bien un système ou l’intéret de préter de l’argent est que l’on puisse par la suite en emprunter. »
C est le système de la bank Wir
Je ne retrouve plus le lien, mais il me semble avoir lu dans courrier international (il y a qqs temps déjà) un article sur une monnaie fondante en allemagne.
Les 2 particulités de cette monnaies sont:
– son utilisation locale (cette monnaie n’est reconnue que dans la région qui l’émet)
– sa nature ‘fondante’ qui empeche la ‘capitalisation’
@ Pierre Canart toujours
« Qui sont les hommes les plus riches du monde? Des personnes qui se sont faites elles-même durant le siècle dernier et ont hérité de très peu sinon d’une bonne éducation »
il faut faire confiance à Forbes pour le croire.
Pourquoi des Billes Gates ou Carlos Slim seraient plus fortunés que les Rockefeller, Rothschild, Morgan & consort…qui, eux, s’adonnent eux au jeu de l’argent depuis très, très longtemps ???
La darwinisme social, ce serait plutôt la sélection artificielle 🙂
@Archimondain
Quel est l’intéret (plus de valeur) de posséder tout de suite?
Intéret financier? (cela me permet de gagner + d’argent)
Intéret « moral »? (j’en ai envie maintenant)
Intéret de besoin? (si je n’ai pas de nouriture je meurs)
Les intérets des préteurs devraient correspondre à ceux des empreinteurs
@ Paul
Concernant la répartition des richesses, vous semblez opposer des approches politiques (marxisme, religieux) à une troisième voie, la solution de la monnaie fondante élaborée par Gressel.
S’agissant d’un sujet fondamental, cette approche est évidemment politique. Pour être adoptée, elle nécessiterait un concensus politique.
Je ne vois cependant pas pourquoi cette question ne pourrait pas être réglée par la fiscalité. En fait, je ne suis pas convaincu par votre analyse sur le rôle de la politique monétaire dans la répartition de la valeur ajoutée.
A mon sens, la critique essentielle du système devrait surtout porter sur le statut du Dollar comme monnaie de réserve, qui a permis d’alimenter la bulle sur la richesse supposée de l’économie américaine.
Il est cependant exact que mon propos demande à être modéré : la politique monétaire américaine a eu des effets dépressifs sur les salaires au début des années 80 quand il s’est agi de casser l’inflation née de la politique expansive monétaire américaine pour solder le coût de la guerre du Vietnam et des chocs pétroliers (bis repetitas en plus fort aujourd’hui). Il en a été de même, lorsque la France a décidé d’arrimer le Franc sur le Deutsch Mark pour faire l’Euro afin de résister à la volatilité du Dollar et créer une deuxième monnaie de réserve.
Toutefois, le libre échange avec les pays émergents a eu des effets bien plus coercitifs sur l’évolution des salaires et sur la demande globale. Les taux d’intérêts sont d’ailleurs restés historiquement bas pendant au moins 15 ans ; le problème de l’inflation étant réglé par la pression sur les prix (et les salaires) des importations de Chine.
Faire le choix de politiques sociales égalitaires, faire le choix de normes environnementales élevées passe obligatoirement par la protection de nos marchés. Le choix politique d’une plus grande ouverture des marchés avec des pays n’adoptant pas les mêmes règles du jeu que les nôtres, ne peut se comprendre que par la possibilité offerte aux actionnaires et une partie des cadres des entreprises d’une captation plus importante de la valeur ajoutée.
Une des toutes premières mesures des démocraties est de taxer les héritages. Il est significatif qu’aux Etats-Unis et en France, des mesures aient récemment fortement amoindri cet impôt.
Le problème de rémunération des patrons et autres TopManagement peut très simplement se régler avec un taux marginal sur le revenu très élevé. Notez qu’après Roosevelt, il était à 95% au Etats-Unis. Dans ce cadre, personne n’avait alors plus intérêt à se verser des super salaires. Et l’économie américaine après guerre ne s’en est plutôt pas trop mal sortie.
Concernant l’imposition sur les patrimoines… Dans ce cas, il conviendrait de ne pas confondre rentiers improductifs et entrepreneurs.
Pour que ces mesures marchent, la suppression des paradis fiscaux est un juste préalable.
@ Pierre Canart
Le problème est purement technique. Si l’on peut montrer que les conséquences sociales d’une monnaie fondante sont meilleures que les conséquences sociales d’une monnaie à intérêt négatif, dans la mesure ou la liberté d’entreprendre et l’économie de marché sont préservées, un libéral stricto sensu n’a rien à objecter par principe. Les banquiers vont pleurer c’est sûr. Mais il n’appartient pas aux citoyens de garantir une situation de rente à une institution, quelle qu’elle soit.
Pour votre argument sur la force je vous renvoie à Gauthier et au principe de « concession relative minimax » (pour une justification purement stratégique du passage de la violence à l’accord quand au mode de répartition des titres de propriété). Je note au passage que votre argument justifie de plein droit la révolution permanente, les plus forts physiquement méritant de facto les titres de propriété qu’ils peuvent acquérir par la violence: sélection naturelle. Je note aussi que ceci implique une conception de la démocratie particulièrement douteuse, non-coopérative. Et enfin qu’il s’agit d’une conception moderne fondée sur les intérêts des agents (passion froide), et non une conception plus classique fondée sur une certaine idée du « bien commun ».
Le ticket resto est il de la monnaie fondante d’une année sur l’autre?
J’ai retrouvé le lien sur cette monnaie:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Chiemgauer
@Archimondain : « Ce n’est pas vraiment ce que je veux dire. Je parle de revenue minimum d’existence. »
Oui, c’est ainsi que je l’avais compris. Par contre, c’est moi qui me suis mal exprimé. Je voulais dire que ce revenu miminum d’existence existe déjà. La preuve en est que loyer ou pas loyer à payer il n’y a presque personne qui meurt de faim en France, en Belgique, etc.
Pour ce qui est d’un revenu garanti pour tous, je reste sceptique. Je ne pense pas en ce qui me concerne qu’il améliorerait les conditions de vie de ceux qui ne dépendent que de ce revenu car les prix s’adapteraient en conséquence et de toutes façons la stigmatisation de ceux qui ne travaillent pas resterait identique (elle ne dépend pas du revenu absolu mais relatif). En Belgique, il existe depuis longtemps un revenu minimum garanti inconditionnel ou presque (il faut juste faire la preuve de la nécessité d’avoir ce revenu garanti) que l’on appelle « minimex ». Le pauvre n’en est pas moins pauvre ni exclus de la société. Je ne vois pas en quoi offrir ce revenu aussi à ceux qui n’en ont pas besoin va changer, si ce n’est à faire monter les prix et rendre le pauvre encore plus pauvre.
La répartition des richesses (le problème de l’égalité) n’est pas un problème technique, c’est un problème politique. Il n’y a pas de solution miracle pour résoudre ce problème sans passer par un rapport de force et une discussion (au mieux pacifique) publique.
@ cfeard
Certes, Karl Marx parle en général de la propriété des moyens de production, mais il a aussi écrit : «La propriété privée nous a rendus si stupides et si bornés qu’un objet n’est nôtre que lorsque nous le possédons.» (Manuscrits de 1844). Cela dit, ce n’est pas une bible, il suffit pour s’en convaincre de lire ce qu’il a écrit sur la religion ! Cordialement à vous.
Une question me vient à l’esprit:
La monnaie fondante n’implique-t-elle pas, au delà seul du cumul chez les plus riches, une remise en cause TOTALE de l’idée d’épargne? Et à ce titre, n’est-elle pas aussi, voir encore plus dommageable pour les « plus petits » que pour les « plus gros »?
@ antoine
Une petite vie passée à travailler dans différentes entreprises du secteur privé, grandes et petites, m’a conforté plus d’une fois dans ce que j’estimais être une juste analyse (celle de Marx). Mais je dois avouer mon inculture : je n’ai pas (encore) lu Gesell et l’injonction de Blemaire m’a convaincu … de le lire. Sur la justesse de sa thèse, reste à voir.
Concernant votre remarque sur la morale, je ne la comprends pas très bien. Voulez-vous dire que je devrais condamner les régimes ‘marxistes’ et par là-même Marx ? A la première proposition, je souscris sans problème
Je vais me contenter de fournir ce lien au passage. Portez un intérêt sur les courbes de Ulanowicz que présente Lietaer.
Il me semble qu’elles peuvent intégrer une approche marxienne ou très certainement polanyienne.
Toutefois, Lietaer ne va pas aussi loin
http://www.lietaer.com/images/Livre_Blanc_Sur_la_crise_bancaire_syst_mique.pdf
Je propose quant à moi, que les monnaies fondantes doivent être envisagées pour affermir des dispositifs de coordination sociales d’échelle locale ou régionale comme à Totnes en Angleterre par exemple. Il ne faut pas leur accorder de prétention à valoir à toute échelle.
La libre entreprise dont l’horizon de production est local me semble pouvoir être généralement écologique. C’est encore mieux si cela est le fait de coopératives, car là on pose moins d’obstacles à la coopération, on pose moins d’intérêts contradictoires dans l’entreprise.
Je pense que tout l’intérêt de ces monnaies vient de leur territorialisation de la totalité sociale, dans la composition du vivre-ensemble. C’est juste qu’il faudrait les voir en toutes localités pour faire contre-système, pour créer des cellules poreuses d’autonomie dans un corps plus vaste. Pensons communauté et géographie avec ces monnaies.