Une thérapie génique pour humaniser le capitalisme, par Hervé de Bressy

Billet invité. Ce que nous écrivons n’est en général pas très révolutionnaire, ceci l’est. Aussi, soyons poppériens : réfléchissons aux conséquences positives d’une telle réforme mais aussi, et peut-être surtout, à ses éventuelles conséquences négatives.

L’Homme et le chimpanzé partagent 99% de leur code génétique respectif, mais savez-vous que nous avons également 70% de notre génome en commun avec… l’oursin violet ? Nous ressemblons physiquement au chimpanzé et avons avec lui de nombreux traits de comportement en commun. Les réalisations humaines – tant culturelles que technologiques – sont cependant extraordinairement plus réfléchies, complexes et abouties que celles de notre plus proche cousin, sans parler de l’oursin violet… Cela pour souligner que le génome définit les modalités de construction et d’ordonnancement d’un individu, et que de très légères transformations de ce code peuvent induire des changements considérables entre les êtres vivants.

Un système économique peut par certains aspects être comparé à un organisme vivant, dont le génome serait représenté par ses normes comptables, lesquelles ne sont rien d’autre que des modalités de calcul et d’ordonnancement de la valeur des choses. D’infimes modifications dans ces modalités de calcul peuvent induire des changements considérables dans la philosophie du système économique qu’elles définissent. Quel que soit le système qui verra le jour après la grande crise de transition où nous nous trouvons, il sera lui aussi doté de normes comptables, lesquelles ne diffèreront en apparence que fort peu de celles que nous utilisons aujourd’hui.

Je vais donc vous proposer aujourd’hui d’appliquer une thérapie génique au capitalisme, légère en apparence, mais en réalité si profonde qu’elle devrait conduire à donner un autre nom au nouveau système économique qui en résultera.

Notre actualité socio-économique des 30 dernières années a été remplie par les annonces de plans sociaux, de « licenciements boursiers » attribués au « capitalisme sauvage » . Nous avons vécu la compression de la masse salariale érigée en vertu, et les salariés en surnombre qualifiés de « mauvaise graisse », merci pour eux…

Nous sommes humainement révoltés de voir le peu de cas qui est fait des salariés dans les entreprises où l’actionnariat a acquis un poids trop grand. Pourtant les actionnaires qui poussent à licencier ne sont pas des monstres : ils aiment leurs enfants, sont appréciés de leur voisins, participent à des œuvres charitables… comme vous et moi. Pourquoi donc sont-ils conduits à se comporter de la sorte, dès lors qu’il s’agit de parler de l’entreprise ? Non pas parce que c’est dans leur nature, mais parce que c’est inscrit dans les gènes du capitalisme.

Réduire la masse salariale est le moyen le plus rapide d’améliorer la valeur comptable d’une entreprise, tout simplement parce que les salariés n’y ont pas de valeur, au sens qu’ils ne sont pas comptabilisés autrement que comme une charge. Si vous prenez les comptes publiés de n’importe quelle société, cherchez-y les salariés. Vous ne les trouverez pas à l’actif ou au passif du bilan, mais uniquement en tant que salaires dans le compte de résultats, parmi les charges, aux côtés des achats de matières premières et des fournitures de bureau.

En licenciant des salariés on réduit aussitôt les charges tandis que les recettes, au moins dans un premier temps, se maintiennent. Le résultat brut et donc le bénéfice a alors été amélioré, sans impact sur la valeur des actifs. L’actionnaire est alors satisfait, puisque son capital n’a pas été entamé d’une part, la rentabilité de celui-ci accrue d’autre part.

Naturellement, nous savons bien que la richesse d’une entreprise, ce sont avant tout les hommes et les femmes qui la composent avec leur savoir-faire, que les salariés sont avant tout une source de profit, car leur travail est supposé rapporter plus que le coût de leur salaire. Nous savons également qu’une politique perpétuelle de réduction des coûts salariaux mène, en général, à la faillite, la baisse de qualité du service faisant fuir les clients.

Il m’est donc venu une idée relativement simple destinée à corriger cette part défectueuse du génome capitaliste :

Donnons une valeur comptable à chaque contrat de travail passé entre l’employeur et son salarié, et inscrivons cette valeur à l’actif du bilan.

La valeur d’un contrat de travail pourrait être déterminée sur la base du salaire annuel, du niveau de formation acquis dans et hors de l’entreprise, de l’âge du salarié et de son ancienneté professionnelle, du niveau de responsabilités exercées… toutes règles restant naturellement encore à définir.

Sans pour l’instant s’attarder sur ces modalités de calcul, quelles seraient les conséquences de l’introduction d’une telle mesure ?

1) juridiquement, le contrat de travail deviendrait la propriété de l’employeur :

– l’employeur aurait la faculté de le céder à un tiers moyennant finance ;
– le salarié conserverait la faculté de rompre (il ne s’agit pas de restaurer l’esclavage !), et il faudrait prévoir des protections à son égard afin que l’employeur ne puisse exiger d’être indemnisé, hors cas très particuliers ;

2) comptablement, les fonds propres des entreprises se trouveraient renforcés :

– nous avons là une manière de recapitaliser des entreprises mises à mal par les ponctions exercées ces dernières années par des exigences de rendement intenables ;
– perdre un salarié par démission, licenciement ou décès, reviendrait à perdre une valeur d’actif et affaiblir les fonds propres ;

3) moralement, la relation salarié / employeur serait bouleversée :

– le contrat de travail devenant un patrimoine de l’entreprise, celle-ci serait encouragée à « en prendre soin » et à fidéliser ses salariés au moyen de salaires convenables, de formations valorisantes, d’un cadre de travail attractif, de responsabilités accrues …
– en cas de nécessité de réduire les effectifs, l’entreprise aurait la faculté de vendre une partie de ses contrats de travail à d’autres employeurs, à la manière d’une cession d’actifs. Le système d’assurance-chômage n’interviendrait que si le contrat de travail du salarié ne trouvait pas preneur.

Le diable est dans les détails et il est certainement un grand nombre de conséquences utiles ou nuisibles de cette proposition que je n’entrevois pas. Je vous la soumets néanmoins et attends vos commentaires avec appréhension. On ne s’improvise pas sans risque apprenti-sorcier de la génétique économique.

Puisque les mots ont un sens, mettre ainsi l’Homme au cœur de la valeur économique, au lieu du seul Capital, reviendrait à rebaptiser le Capitalisme en Humanisme.

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75 réponses à “Une thérapie génique pour humaniser le capitalisme, par Hervé de Bressy”

  1. Avatar de Arconus
    Arconus

    En fait, même si votre idée n’est qu’une partie de la solution, je crois (intuitivement, car je ne suis pas comptable) qu’elle est « dans la base » de la solution.
    En fait, si on regarde une bonne partie des problèmes que nous connaissons, on se rend compte qu’ils ont été possibles parceque la comptabilité « ne reflète plus la réalité ».
    – Enron: comptabilité truquée.
    – Kerviel: comptabilité ne donnant pas d’alertes.
    – Mark to market: comptabilité ne reflétant pas le risque.
    – Déficits des états: comptabilité sur de mauvaises bases de calcul (les déficits pour investissements sont bons, ceux de fonctionnement ne le sont pas).
    – Paradis fiscaux: comptabilité non surveillée.
    – Dollars comme monnaie mondiale: comptabilité sur une unité de compte faussée.
    – Rapport des entreprises à l’homme et à la nature: comptabilité ne prennant pas en compte le « futur ».
    – Etc …

    Donc, « la » réforme qui doit être entamée au niveau mondial, et qui est finalement « simple », c’est de refondre les normes comptables des entreprises et des états, pour que la comptabilité reflète plus efficacement le passé, le présent, et le futur.

  2. Avatar de Hervé de Bressy

    Vos commentaires et critiques permettent de réfléchir en temps réel aux implications de cette idée. C’est intellectuellement très stimulant. Continuez !

    @ Jef

    Dans « mon » systême, baisser les salaires pour réduire les charges revient aussi à réduire l’actif, puisque le salaire compte dans la valorisation du contrat de travail. Cela pousse donc à y réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une politique salariale restrictive, et à limiter ce genre d’action aux seuls cas où la pérennité de l’entreprise est en jeu.

    @ tigue

    Votre description est remarquable.

    @ Arconus

    J’abonde dans votre analyse que les normes comptables sont le coeur du problème, car elles ont pour mission d’établir et d’ordonner la valeur que nous donnons aux choses. Or cette crise est bel et bien une crise de la valeur. Il faut donc mettre à jour le logiciel.

    En classe de seconde, notre professeur d’économie nous avait initié aux mécanismes économiques à l’aide d’un manuel peu orthodoxe : la BD « Obélix et compagnie ». Lisez-là, relisez-là, elle est vraiment épatante pour le sujet qui nous concerne. « Le sesterce y’en a plus rien valoir du tout » était l’expression comique qui couronnait l’histoire. Autre ouvrage du même acabit et plein d’enseignements : « L’Archipel des Sanzunron », aventure d’Achille Talon (et Hilarion Lefuneste), par le regretté Greg (nb : il s’agissait d’un ouvrage de commande promotionnelle du Crédit Lyonnais, avant sa déconfiture).

  3. Avatar de JeanNimes
    JeanNimes

    @ Arconus

    Et l’on peut ajouter à la liste le calcul des PIB totalement obsolète.

    @ Hervé de Bressy

    Votre idée mérite d’être creusée même si c’est au risque d’être rejetée parce que présentant trop de risques ou d’inconvénients !

    Elle s’inscrit dans la valorisation de tout ce qui est immatériel, par exemple une SSII qui développe un logiciel original ne peut inscrire celui-ci à l’actif de son bilan. Toutes les SSII françaises (les autres pays je ne sais pas comment cela fonctionne) ont un bilan déséquilibré qui ne contient que des charges… les banquiers refusent en général de financer parce qu’il n’y a pas assez « d’actif » sans la garantie des collectivités territoriales ou Oséo maintenant.

    Pour en revenir à votre idée, le problème est difficile à traiter contrat par contrat parce qu’il introduit toute une série de biais que les commentaires ont commencé à souligner. En revanche c’est tout à fait possible de le traiter collectivement en considérant que ce qui fait la valeur du personnel, ce ne sont pas seulement des individualités les unes à côté des autres, mais bien leur articulation en une équipe dont l’efficacité vient des synergies entre ses membres et de la qualité de l’organisation.

    (Remarque 1 : on voit bien avec l’exemple du football, paradigmatique de ce point de vue, que le transfert d’un joueur d’une équipe à l’autre ne marche pas toujours ou au contraire qu’un joueur, peu efficace dans une, va se révéler dans une autre.
    Remarque 2 : pour traiter ces questions il faut sortir du « pur comptable » pour revenir à la représentation comptable correcte -qui n’est pas la même d’une période historique à l’autre. De ce point de vue, il est clair que le néolibéralisme est d’un archaïsme invraisemblable… je me demande comment des économistes s’en réclamant ont pu avoir des prix « Nobel » !)

    Pour être positif, je proposerais donc d’inclure dans l’actif du bilan une valorisation d’un coefficient donné par le rapport de la valeur ajoutée à la masse salariale puisqu’on aurait ainsi un coefficient de valeur collective des salariés et de leur synergie. La valorisation pourrait être établie annuellement par une statistique en fonction des types d’activité (éventuellement, car ce n’est pas sûr que cela soit nécessaire, il faudrait faire des simulations sur les divers agrégats et voir quelles activités sont avantagées ou non).

  4. Avatar de Japp
    Japp

    @Hervé de Bressy
    on valorise bien à juste titre les brevets à l’actif, pourquoi pas les contrats de travail ?

    C’est vrai que les brevets (et tous les actifs incorporels) sont depuis quelques années valorisables à leur « vraie » valeur, alors que précédemment c’était leur valeur d’acquisition qui entrait dans le bilan. Tout l’art est de déterminer la vraie valeur… et là les règles sont plutôt floues.
    Les brevets créent de la rareté, seul son propriétaire gèrent son exploitation. Pour les contrats de travail, ça pourrait fonctionner pour les personnels ayant des aptitudes rares (par exemple dans le sport ou chez les artisans très qualifiés). Malheureusement, dans la situation actuelle, la force de travail n’est pas rare (chômage) et les individus interchangeables, l’interchangeabilité étant bien entretenue par les politiques d’assurance qualité à l’œuvre dans les entreprises.

  5. Avatar de Hervé de Bressy

    @ le rôdeur

    Je n’avais pas saisi immédiatement le sens de votre intervention, qui souligne que le volet « transfert de contrat de travail » se pratique déjà. Par contre il ne me semble pas qu’il y ait valorisation à l’actif des contrats de travail en portefeuille. Cette analogie ne me semble exister – dans l’état actuel de mes connaissances – que pour les clubs de sport.

    Les agences d’interim placent des intérimaires contre la perception de commissions. Je n’ai pas connaissance qu’elles valorisent leur portefeuille d’intérimaires à l’actif, mais j’avoue ne pas connaitre les spécificités comptables des agences d’interim.

    Les sous-traitants prêtent ou détachent en effet couramment des personnels pour des périodes déterminées. Que je sache le salarié continue d’être rémunéré par son employeur d’origine, lequel est rémunéré d’après facture par l’entreprise hébergeante. La non plus le salarié n’est pas comptabilisé comme un actif, même s’il est traité comme tel.

  6. Avatar de maquis29
    maquis29

    La force de travail est devenu un bien fongible. Travaillez en équipe. Ayez le team sipirit.
    Il faut un revenu minimum garanti afin de pouvoir quitter l’entreprise quand bon nous semble. L’entreprise est au service de l’homme et non l’inverse. Il s’agit de mon entreprise car je lui donne mon travail. Elle m’est redevable. La peur doit changer de côté (c’est du Isabelle Stengers. Les salariés ont peur et les donneurs d’ordre font ce qu’ils veulent).
    Ces propos ne sont pas révolutionnaires. Je respecte les fondateurs de ma société. Mais quand ils deviennent stupides, je dois pouvoir les quitter.
    Je signe une reconnaissance de dettes à la FED et elle m’octroie un pécule me permettant de rechercher une employeur qui apprécient les salariés qui font vivre son entreprise.
    Bon apéro.

  7. Avatar de Scaringella
    Scaringella

    1) juridiquement, le contrat de travail deviendrait la propriété de l’employeur :

    – l’employeur aurait la faculté de le céder à un tiers moyennant finance ;
    – le salarié conserverait la faculté de rompre (il ne s’agit pas de restaurer l’esclavage !), et il faudrait prévoir des protections à son égard afin que l’employeur ne puisse exiger d’être indemnisé, hors cas très particuliers ;

    Ben si c’est bel et bien de l’esclavage. Esclave ou contrat c’est toujours un homme que le rentier peut achetrer et vendre. Le Modem un parti à éviter comme les autres, comme la peste ??? (Noire ??? Brune???)

    La faculté de rompre (wouaaaa super !!!!) le contrat est nulle quand tous les contrats sont à vendre.

    Prenez concscience de ce que vous dites, quittez la politique, ça sera tellement mieux pour tous les travailleurs (esclaves ??)

    Le parllele avec les footeux est exemplaire. Monsieur De Bressy a ete vendu et ira bosser des demain en chine. Et sa famille? Rien a foutre, qu’ils se demerdent. Il ne veut pas y aller? Il n’a plus de valeur sur le marché des contrats. Qu’ils crevent lui et toute sa famille. Voila ce que vous nous proposez. Les footeux ne rompent jamais leur contrat a moins d’etre racheté. C’est l’aboutissement du miberalisme anglo-saxon. Marchandiser l’homme en faisant passer cela comme une avancée.

    BRAVO le politique ou comment presenter comme une avancée, un recul de plusieurs siecles.

    Le plus effarant c’est que de telle idées soient possibles. Quelles soient sur ce blog. Que des lecteurs réfléchissent au comment les appliquer plutot que de les refuser en bloc et les dénoncer. Est-ce que Paul se rend compte???

  8. Avatar de Jef
    Jef

    @ Hervé.

    Ok pour la variable salaire intégrée à l’évaluation du ct de w, vous répondez effectivement à ce point important. Je licencie donc la valeur de mon entreprise dimnue.

    Maintenant deux questions sur la charge à l’actif :

    1) L’embauche. Comment ne pas freiner l’embauche puisque je dois en parallèle augmenter mes fonds propres ?

    2) La création. Comment ne pas freiner la création d’entreprise puisque mon apport en K devra tenir compte des salariés à la création ?

    Peut être une forme de K non libéré ?

  9. Avatar de tigue
    tigue

    @ scaringella,
    Vous nous avez habitué a une intelligence très vive mais tres tranchante.
    On peut encore penser, ce n est pas negligeable, non ?
    Les choses ne sont pas aussi évidentes que vous le dites.
    Il y a des choses intéressantes et utiles dans tout point de vue sincère, ne serais-ce que par le travail de réflexion que son enoncé provoque en nous, portant sur nous même et sur celui qui s’ exprime.
    Pourquoi pense t il ainsi ?
    Quelle parcelle de vérité puis je trouver dans ce propos sincère ?

  10. Avatar de Hervé de Bressy

    @ scaringella

    Mon appartenance politique est en adéquation avec la libre-pensée que j’essaie d’entretenir. Les idées que j’avance sont les miennes, pas celles du MoDem. Je ne fais pas de prosélytisme mais je n’avance pas masqué non plus. après c’est à chacun de juger en toute liberté.

    Pour ce qui est de marchandiser l’homme, je me permets de préciser les points suivants :

    i. le salarié conserve la liberté de rompre son contrat et de démissionner ;

    ii. le salarié, copropriétaire avec l’employeur(j’ai corrigé cette formulation au vu des réactions reçues) de son contrat, est partie prenante à toute négociation de transfert. Il peut ainsi en être le bénéficiaire financier via une « prime de transfert » versée par son nouvel employeur (voir l’exemple actuel du football) ;

    iii. en cas de démission, une protection doit interdire à l’employeur d’exiger d’être indemnisé, sauf cas exceptionnels. Ce dernier pourrait se prémunir de ce risque en le provisionnant, réduisant ainsi encore la part du résultat actuellement allouée aux dividendes.

    iv. en cas d’impossibilité d’accord sur le transfert proposé, et si l’employeur refuse de conserver le salarié, le licenciement avec indemnités continue d’exister.

    Je ne vois pas en quoi ce systême serait plus exploiteur que l’actuel.

  11. Avatar de JJJ
    JJJ

    @Hervé de Bressy

    1 – L’objectif du plein-emploi est omniprésent dans l’économie politique – bien que ne relevant pas de l’évidence d’un optimum social (tout le monde ne s’épanouit pas dans son travail). Mais le plein-emploi permet d’échapper à la question lancinante : que faire avec les chômeurs pour qu’ils n’emm… pas le monde ?

    2 – Le plein-emploi était constamment atteint dans les défuntes républiques soviétiques. Il était imposé par le système : le chômeur résiduel était nécessairement déclaré « délinquant » ou « asocial » et à ce titre indistinctement interné en hôpital psychiatrique ou en Sibérie. Bon, au final, le plein-emploi par coercition n’a pas trop bien fonctionné…

    3 – Votre proposition revient à rendre le plein-emploi désirable par les entreprises. Ce n’est pas compatible avec leur cahier des charges actuel : vendre biens et services sous la double contrainte de la concurrence et de la maximisation de leurs profits.
    Il faudrait donc éliminer la recherche du profit des fins poursuivies par l’entreprise : une révolution. Les contrats de travail ne pourraient être comptabilisés que dans un système de valeurs radicalement différent ; dans l’environnement actuel, cette valorisation serait totalement virtuelle et propice à la formation d’une nouvelle bulle.

    Pour modifier en profondeur notre système de valeurs, il faudra sans doute se montrer patient avec l’agonie du capitalisme. Mais il est très probable que votre arrièren-petits-enfants connaîtront une société ou l’accumulation de monnaie sera indésirable, et susceptible d’internement psychiatrique pour leurs auteurs, délinquants ou asociaux…

  12. Avatar de JJJ
    JJJ

    lire : vos arrière(puissance n)-petits-enfants

  13. Avatar de maquis29
    maquis29

    lire dans ma dernière boutade. « rechercher un employeur qui apprécie les salariés qui font vivre son entreprise. »
    Question: l’entreprise n’est-elle là que pour créer de la valeur au profit des rentiers et entrepreneurs? Si oui alors nous sommes dans l’impasse.
    Si non, elle doit contribuer par l’impôt à la richesse de l’état et par des salaires attractifs à celle de tous ses salariés. J’ai bien dit tous. Profits et licenciements ne doivent pas coexister.
    Il faut permettre aux salariés de peser sur les rétributions. Le topmanagement l’a bien réussi. Jetons de présence, golden hello etc.

  14. Avatar de Hervé de Bressy
    Hervé de Bressy

    @ Jef & JJJ

    Vous touchez des points essentiels, et des failles du système, qui ne semblent toutefois pas insurmontables.

    Dans l’absolu, l’entreprise qui embauche doit aussi débaucher chez un confrère, et donc acquitter auprès de ce dernier un rachat du contrat du salarié. La bonne affaire consiste alors à trouver un candidat libre d’engagements, tel un jeune diplômé ou un chômeur, lequel présente l’avantage de n’occasionner aucune dépense « d’acquisition », et donc une plus-value immédiate. Vous me faites entrevoir le mécanisme par lequel ce systême encourage en effet le plein emploi, puisque les employeurs seraient réticents à laisser partir leurs salariés d’une part, et que les recruteurs décupleraient leurs efforts pour puiser dans le volant de chômage ainsi que pour embaucher les jeunes d’autre part.

    Pour un créateur d’entreprise comme pour une entreprise existante, il y aurait donc effectivement frein à l’embauche dès lors que le vivier des jeunes diplômés et des chômeurs serait épuisé, puisque le recrutement l’obligerait à débourser un rachat de contrat, sauf à convaincre un salarié de démissionner pour le rejoindre. Il y aurait alors conflit avec l’ancien employeur qui exigerait d’être indemnisé par le recruteur. Peut-on alors imaginer des mécanismes de financement du recrutement par transfert, financés par la collectivité libérée du poids de l’indemnisation du chômage ? A creuser.

  15. Avatar de Hervé de Bressy
    Hervé de Bressy

    @ Jef & JJJ : erratum

    Une aide publique au recrutement par transfert, dont j’aurais dû préciser « ciblée vers les sociétés en création ».

    Si par extraordinaire nous étions aujourd’hui en plein emploi, les mêmes freins à l’embauche se présenteraient, en raison d’une inflation salariale génératrice d’un retournement de cycle économique.

  16. Avatar de Alain Soler
    Alain Soler

    L’idée n’est pas neuve elle s’est toujours heurtée à l’opposition des syndicats toutes catégories.
    Aujourd’hui toutes les entreprises, PMEs y compris pratiquent les évaluations multicritères au minimum annuelles qui débouchent sur toute une série d’évènements au sein de l’entreprise, en particulier: les augmentations, les promotions, les formations, les adaptations de poste et les mutations.
    Véritable outil de mesure professionnelle ces évaluations sont indispensables : aux salariés dans le cadre du dialogue social interne à un service ; indispensable au responsable du service et aux ressources humaines qui exploitent ses résultats afin d’améliorer : la connaissance des forces et des faiblesses de ses personnels, les performances des différentes unités de l’entreprise, le climat social et la cohésion du groupe.

    L’utilisation de ces informations issues des évaluations ont fait l’objet de nombreux conflits avec les syndicats et devant les prudhommes, listing des bons, des moins bons et des mauvais, les pré-listes de plans sociaux.
    Dans le cadre de ces conflits et celui de l’existence même d’appréciations personnelles quant à la valorisation d’un salarié, la CNIL a souvent été évoquée pour condamner des pratiques contraires à la notion de respect des libertés individuelles et de confidentialité.

    La pratique du good will, la connaissance des personnes clés dans l’entreprise, clés par leur expertise, leur capacité de fédérer les énergies, leur potentiel de développement ou par la clientèle ou les partenaires dont elles se sont attachées la confiance. Tout cela est déjà bien connu dans l’entreprise et au travers des notes aux actionnaires, ces critères sont déjà pris en compte par les auditeurs et commissaires aux comptes.

    Sur le marché boursier mais pas seulement, la valeur attribuée à une entreprise prend en compte la valorisation de son personnel au travers de très nombreux critères bien plus objectifs que ceux qu’elle pourrait s’auto attribuer : la personnalité de son dirigeant, le chiffre d’affaire et résultat, la part de marché, la gamme de produits et son renouvellement, la visibilité de la marque, les indices de satisfaction la fiabilité des produits, la capacité de renouvellement, les performances du service après-vente…

    PS : au moment où l’on apprend que Jean Todt quitte ses dernières attributions au sein de Ferrari, personne ne conteste que sa présence au sein du team aura largement contribué aux succès de Ferrari au cours de la dernière décennie.

  17. Avatar de ghost dog
    ghost dog

    @ Hervé de Bressy,

    j’ai lu attentivement votre billet ainsi que les réactions qui y sont associées. Je ne voudrais absolument pas faire preuve de mauvais esprit mais je trouve que votre idée de transformer les statut de salarié est déjà dépassée, hors-jeu, archaïque…

    Je m’explique : Je crois que la société salariale est obsolète, cette organisation sociale basée essentiellement sur une activité rémunérée appartient à l’ancien millénaire… et elle n’est absolument pas viable :

    La société du plein-emploi est impossible à retrouver : il y ‘a trop d’actifs pour une production insuffisante (ne sommes-nous d’ailleurs pas déjà en sur-production ?). Je rappelle qu’au début des années 90 un actif produisait autant de richesse que 3 actifs en 1960…Cette évolution est impossible à enrayer…on peut réduire le temps de travail à 4 jours /semaine ? mi-temps ? Cela ne sera toutefois pas suffisant. Le chômage de masse est une réalité cruelle, il n’ y a pas assez de travail pour tout le monde.

    So what ?

    Vous nous proposez de changer la nature du rapport salarié afin de restaurer un contre-pouvoir face à l’entrepreneur ou à l’actionnaire…

    Pour moi, cela ne fait qu’effleurer le problème, car si le rapport de force existe bien, il se déroule à présent sur un  » marché du travail » où de toute façon le nombre d’emploi drastiquement réduit favorise (par sa « rareté ») un rapport de force en faveur de l’employeur…

    Ne faut-il pas alors s’interroger sur une autre façon de développer notre activité ?

    Notre épanouissement individuel, la reconnaissance sociale doivent-ils forcément passer par une rémunération ?

    La question la plus pertinente en la matière ne serait-elle pas plutôt : comment sortir de la société salariale ?

    Les techniques managériales actuelles n’ont rien à envier à l’administration nazie, -150 unités par-ci, délocalisation de 300 unités par là (les unités en langage RH ce sont les salariés…).

    Je crois que les soucis d’efficacité et de rentabilité ont largement fait preuve de leur barbarie.

    Faut-il vraiment encore souligner le lien entre productivité et dépression ? Mes chers compatriotes français sont parmi les plus productifs du monde mais aussi…les plus grands consommateurs d’anti-dépresseurs…

    Combien de vies gâchées, de familles brisées, d’alcoolisme, de suicides doit-on encore constater pour ENVISAGER une autre façon de VIVRE ?

    N’est-il pas temps d’organiser notre temps non pas en fonction d’un travail rémunéré mais en fonction du sens que nous voulons donner à notre activité, à nos relations aux autres, à ce que nous pouvons apporter à la communauté ?

    Sommes-nous si peu imaginatifs que nous ne puissions envisager d’apporter à la collectivité autre chose qu’un impôt prélevé sur notre rémunération ou sur les biens que nous consommons ?

    Je reste persuadée que le revenu minimum de survie qu’évoque (je crois Fnur) fait partie d’un début de solution…

    Je crains que le risque majeur pour le capitalisme (et c’est certainement pourquoi on ne le mettra jamais en place) c’est qu’avec ce revenu minimum beaucoup de gens, au fil du temps, se réappropriront vraiment leurs vies, leurs êtres…et que constatant qu’il est préférable de vivre avec moins (sur le plan financier) mais mieux grâce au temps (de lire, d’échanger, de jouer d’un instrument, de jardiner, de dormir, de militer, etc…) ils ne soient plus du tout motivés pour travailler sous la forme salariée…

    Je vous laisse, en ce dimanche ensoleillé je m’en vais participer place de la Bourse au « carnaval contre la société de contrôle », j’ai déjà mon déguisement : tailleur strict noir et chemisier blanc, chaussures plates, chignon et sourire figée :  » je suis déguisée en cadre relation publique de chez Monsento » !

    Bonne fin de journée à tous !

  18. Avatar de tigue
    tigue

    Le problème central qui n’est pas résolu est « que produire ?  » ou ce qui est equivalent « que récompenser  »
    La tumeur aura un autre aspect et se développera dans un autre tissu que le tissu sanguin, si le  » pourquoi  » est laissé a l état de nature (développement anarchique résultant de la lutte individuelle pour la survie ).
    La modification du code doit être vue comme un moyen technique indispensable afin d agir a l échelle micro.
    Il faut évaluer quel type de rétro action se met en place , sa cinétique…
    L organisme doit pouvoir être informé rapidement des effets locaux et doit pouvoir agir rapidement et sélectivement sur les désordres locaux.
    Il ne faut pas croire a une solution toute faîte, mais il faut croire a la mise en place de systèmes de transmission d information, et a leur évaluation, optimisation dans le temps pour atteindre le « pourquoi », c est a dire la fonction de l’ homme: c est a dire fonctionner.

  19. Avatar de JJJ
    JJJ

    manque l’épi de maïs dans le chignon, ghost dog !

  20. Avatar de Paul Jorion

    @ Scaringella

    Calmez-vous mon vieux : vous ne voyez pas qu’il y a là une discussion intéressante ? Personnellement, ma première réaction a été : « Une part de la sclérose et des freins est effectivement dans les règles comptables », ma deuxième réaction a été : « Soyons poppériens : réfléchissons aux conséquences positives d’une telle réforme mais aussi, et peut-être surtout, à ses éventuelles conséquences négatives ».

    Faites avancer la discussion au lieu d’avoir un coup de sang : est-il normal que ceux qui produisent la richesse au sein d’une entreprise apparaissent dans son bilan sous la rubrique « Charges » ? Dans deux heures je ramasse votre copie.

  21. Avatar de AAA+
    AAA+

    L’argument principal est de donner une valeur à ce qui n’en a pas. Vous dites les salariés ne sont pas valorisés : valorisons les contrats de travail.
    Belle formule! Mais il s’agit bien d’un contrat définissant le lien de sujetion du salarié à son employeur, son entreprise, donc au final d’une personne. Ainsi, il faut selon vous valoriser la personne…sans parler directement d’esclavage . C’est tout de même bien avec lui, l’esclavage, que vous nous proposez de flirter.
    Apparaissant comme Ressource Humaine, vous voulez le transformer en Capital Humain, toutes notions qui existent déjà, mais vous ajoutez la valorisation.
    Vous le savez, et l’avez même écrit, l’effet premier sera de re-capitaliser les entreprises mises à mal par des prélèvements exagérés eu égard à la rentabilité réelle de celles-ci, (la veuve de Floride et son exigence de 15% par an!).
    Donc, par égalité formelle du passif et de l’actif, cette accroissement providentiel de valeur se retrouve où, selon vous?
    Vous nous expliquiez dans un post précédent que la valorisation abusive des actifs immobiliers avaient permis des prélèvements injustes…n’en serait-il pas de même avec toutes valorisations fictives des contrats de travail ?
    Je rejoins votre critique de la valorisation excessive et, pour moi abusive des actifs immobiliers, mais on doit admettre qu’ils peuvent perdurer au delà d’une vie humaine.
    Pour que votre système ait un début de raison, il faudrait valoriser les contrats des ouvriers à un niveau trés élevé. Ne dit-on pas que la résistance d’une chaîne se mesure à celle de son maillon le plus faible?
    Où voyez vous le début d’une prise en considération de l’élément le plus faible de la société, des sociétés???
    Vous dites qu’il faut tenir compte de la formation reçue en interne et de la formation externe du salarié…pour apprécier le contrat.
    Libre de « casser » le contrat ! Un footballeur professionnel ne s’y risquerait pas, à moins d’inconscience. Des chanteurs liés à leur maison de disque ont disparu dans les limbes aprés avoir « casser » leur contrat, idem pour les acteurs….
    Le contrat de travail n’est qu’une forme du rapport de force, entre le capital, et la capacité physique de faire.
    Vous imaginez un club de foot apprendre à ses joueurs à faire du tricot, au risque de perdre la valeur de son portefeuille de joueurs???
    Quid des métiers nouveaux, des compétences nouvelles ? Pro-cyclique votre truc !
    S’agit-il dans votre esprit de mettre en place une protection pour ceux que vous jugez injustement sacrifiés, pas les salariés dans leur ensemble, mais une caste, juste en dessous des cadres dirigeants, mais bien au dessus des autres salariés de l’entreprise?
    Pour finir, je rejoins GhostDog quant à son impératif de réflechir à des formes totalement nouvelles, pas à ces ravaudages.

  22. Avatar de Dissonance
    Dissonance

    Une réflexion légèrement h.s. (ou peut-être pas tant que ça) m’est venu pendant le repas familial dominical, concernant le marché de l’emploi:

    Comme tout marché, le marché de l’emploi est inféodé à l’offre et à la demande. Cependant, il me semble que sur ce marché particulier, les notions d’offre et de demande sont inversées par rapport à un marché classique.

    D’ordinaire, le demandeur paye contre bien ou service. L’offrant fournit bien ou service contre rémunération.

    Or, sur le marché de l’emploi, celui qui paye c’est l’entreprise, soit celui qui émet les offres d’emploi, tandis que celui qui veut fournir ses compétences à l’entreprise est nommé demandeur d’emploi.

    Pourquoi cette inversion de vocabulaire dans ce domaine précis?

  23. Avatar de BDphile
    BDphile

    Hervé,

    Je ne dis pas que nous sommes actuellement libre, au contraire.
    En fait vous percevez vous même le problème de fond quelque part (la porte 😉 ), mais vous l’évacuez aussitôt pour vous recentrer sur une solution de marché (bien que JJJ en ait soulevé les limites).

    Ainsi votre solution est excellente, je serai DRH je militerai pour 😉
    Excellente en terme de marché du travail, qui prendrai tout son sens capitalistique.
    Honnêtement j’y connais rien en compta et bilan, je suis certains qu’après passages prudhommales , recherche internationales et jurisprudences, tractations intersyndicales (les contrats gérés de paire avec les syndicats? ahaha) et étatiques et autre établissements de marché à réguler (un de plus), pour ne pas parler de finance (après tout on parle d’argent non ?) on arriverai à quelque chose.
    Car c’est mondialisé, il faut prendre en compte les repris de justices, les vieux, les handicapés, les accidentés, et ceux de toutes la planète…bref..

    Je passe les détails de fonctionnement, ici le but est bien de remettre le système à flot mais avec plus de « justice sociale », comme à chaque fois.
    Non le problème de fond, soulevé par 2casa, Scaringella puis Ghostdog, est ce que l’on veut faire de nos vie, la valeur qu’on leurs accorde.

    Ou est la frontière entre l’homme, sa vie, son contrat, le respect de soi et des autres ?
    Ou est l’ambition d’égalité ?

    Ici l’ homme accepte de devenir une fraction de valeur du tout capitalistique (enfin certains, au services d’autres qui eux n’ont pas de contrat, pas besoin , ils ont du capital)
    Le pire n’étant pas la valeur en elle même mais l’auto acceptation.
    (Un peu la même différence entre censure et auto censure).

    Ou donc est le respect de soi, des autres et l’humanisme la dedans ?
    Voyez vos superbes joueurs de foot avec leurs incommensurables salaires, pardon, « contrats »: quel bel exemple capitalistique de l’humanisme!

    Pour être parfaitement honnête (vicieux?) je serai prêt à soutenir votre proposition par stratégie:
    Elle serait l’étape de plus, la bulle ultime (on peut l’espérer) qui ferait définitivement chuter le système.
    C’est aussi un risque important, l’homme est près a subir et accepter tellement sous la propagande et le poids du système et qui causerai bien des souffrances encore.

    On est dans la même scission entre les hommes que posait Aristote avec l’argent du « père de famille » et celui du « marchands » (termes repris d’Aristote) et les mêmes soumissions, pour les même dérives à venir.

  24. Avatar de maquis29
    maquis29

    @ Ghostdog au retour de sa balade.
    Pourquoi y-a-t-il rareté du travail? Pouvez-vous détailler? Pourquoi remplacer une caissière par un self-scanning? Pourquoi ne pas travailler 15 heures par semaine (payées 40 bien entendu)? Et la culture ça vaut combien?
    @ Dissonance. Bonne remarque. J’offre mes compétences et les employeurs demandent des travailleurs. Tout faux, c’est l’inverse.
    Habile renversement des termes de l’échange. Le travailleur vient quémander un peu de travail.
    Il existe des théories très sympathiques comme celle des insiders. Les salaires ne peuvent aller à la baisse et donc le marché ne peut trouver d’optimum et permettre aux chômeurs de travailler car les insiders, ceux qui possèdent un emploi, bloquent les salaires à la baisse. Charmant n’est-il pas?
    @ Hervé de Bressy
    Il ne me semble pas que le mode de comptabilisation/valorisation change beaucoup la situation. C’est plus dans la nature du contrat et donc sur un plan juridique que des pistes sont à explorer afin de renverser le rapport de force.

  25. Avatar de maquis29
    maquis29

    @ Ghostdog
    Au sujet de la culture, je voulais vous demander si il y a sur-production. Pour moi, un théâtre 2 fois par semaine plus un cinéma par semaine plus un concert par mois c’est presque de la sous-consommation. Mais on se heurte à la contrainte budgétaire. Et la famille de 5 a-t-elle les sous? Pour acheter des cochonneries en plastique il est vrai qu’il y a sur-production.
    Et une mesure de relance comme la piscine dans toutes les maisons individuelles avec chauffage solaire et recyclage des eaux des WC. Non non tu délires. Il nous faut du malthusianisme. Maudit jouisseur tu as péché. Maintenant abstinence. Champagne bio et théâtre pour tous SVP. Tiens et un voilier pour tous les ouvriers. Il suffit d’écrire FED ma banque de proximité sur le spi. Cette mesure de justice sociale n’est pas très démagogique car les ouvriers cela n’existe presque plus.
    C’était comment le carnaval?

  26. Avatar de Arconus
    Arconus

    Travailler 15 heures par semaine payé 40 ? Oui, ça serait possible, si nous comprennions tout simplement que le but n’est pas le plein emploi, mais le « désemploi ». Si ce n’était plus les hommes qui fournissaient la valeur ajoutée, mais des machines et des robots, nous n’aurions plus à travailler (en partant du principe que les robots, fabriqués par des robots, utilisant de la matière première extraite par des robots, n’aurait plus de coût, donc plus de valeur).
    Je crois que dans 10 ans les robots commenceront à être capable de remplacer 90% des humains dans leurs taches (regardez les derniers progrès dans la matière, vous verrez, c’est vraiment étonnant). Mais en attendant il faut trouver d’autre solutions.

  27. Avatar de Hervé de Bressy

    Vous venez de m’offrir 24h trépidantes de remue-méninges pour lesquelles je vous remercie. Devant reprendre demain une nouvelle activité professionnelle dans un lieu éloigné de mon domicile, je suis dans l’incertitude quant à ma capacité de suivre vos commentaires d’ici au week-end prochain, vous voudrez bien me le pardonner.

    En attendant d’avoir à nouveau le temps de répondre à vos objections, voici une synthèse d’étape des points de vue exprimés et des commentaires que j’y apporte :

    Il est déjà un point de ma proposition initiale que vos remarques m’ont d’ores et déjà fait corriger : j’aurai du dès le départ écrire que l’employeur et le salarié devenaient co-propriétaires du contrat de travail (et non l’employeur comme seul propriétaire).

    1) Ceux qui évoquent des pratiques proches et existantes :

    Fnur / Alain Soler : le goodwill

    – le goodwill s’évalue ponctuellement à l’avantage du rentier ou à la rigueur des entrepreneurs, rarement à celui des salariés ; le goodwill demeure subjectif, car fruit d’une négociation.

    Alain Soler : les évaluations annuelles / les entretiens d’activité, lesquels font déjà l’objet de la réticence des syndicats

    – j’ai bien pratiqué le système des entretiens annuels d’activité. J’ai remarqué qu’en tant que salarié je n’ai jamais réalisé deux entretiens annuels consécutifs soit avec le même manager, soit selon la même grille d’analyse que l’année précédente. En clair, tout était repris à zéro à chaque fois : j’avais réalisé mes engagements, mais l’employeur se défaussait de ceux qu’il avait pris en retour à mon égard. En tant que manager, j’ai été placé en porte-à-faux vis-à-vis de mes subordonnés, car mis dans l’impossibilité de tenir mes engagements à leur égard alors que ceux-ci avaient été validés par l’entreprise. Le système a donc été dévoyé pour obtenir un maximum du salarié sans le récompenser.

    – Ceci étant dit, je ne pense pas – à l’image des syndicats – qu’il faille confier l’évaluation comptable de la valeur d’un contrat de travail au (seul) supérieur hiérarchique, car cette évaluation serait par trop subjective, d’où la nécessité de critères objectifs et de grilles de valorisation externes à l’entreprise.

    Pierre Canart / grizzly27 : le football

    – comparaison pertinente, dont je retiens que la compression des salaires ne s’est pas appliquée au secteur du football.
    – c’est aussi un bon exemple pour rechercher et illustrer les dérives possibles du système.

    Le rôdeur : interim et sous-traitance

    – oui pour le volet « transfert de contrat de travail », non pour ce qui est de comptabiliser ce dernier à l’actif.

    François Leclerc : primes de rétention, qu’il ne s’agirait que de généraliser

    – comparaison tout à fait pertinente, il n’y a pas de raison que les hauts dirigeants et les cadres supérieurs se valorisent pour se mettre seuls à l’abri de la pression qu’ils imposent à leurs subordonnés.

    2) Ceux qui mettent en avant des obstacles, ou des oppositions de principe :

    Ghost dog / AAA+ / BDphile / scaringella : la solution est dépassée car il faut envisager des solutions plus radicales, de « sortir de la société salariale »

    – Pourquoi pas mais c’est un autre débat, car cela suppose de vaincre tant de résistances en même temps que cela risque de ne se faire que dans une folle révolution utopique type Khmers Rouges ou Révolution Culturelle, qui ont été des impasses sanglantes car menant à l’éradication physique des objecteurs.

    – Le système capitaliste est en crise et en passe de s’effondrer, et le système économique aura besoin d’un nouveau cadre. Nous n’allons pas pour autant vivre tout nus et manger des fourmis grillés (ou crues). Si nous devions atteindre un état d’anarchie nous ramenant à l’âge de pierre, on pourrait ambitionner de bâtir de zéro un système radicalement neuf, mais je ne crois pas que les choses se passeront ainsi. Les échanges économiques vont continuer et auront comme aujourd’hui besoin de règles pour fonctionner. L’essentiel des règles existantes continueront d’être utilisées, car 2+2 feront toujours 4. Je suis de ceux qui pensent qu’une action forte sur des points névralgiques est capable de modifier en profondeur la philosophie d’un système tel que celui où, bon gré mal gré, nous vivons.

    Logique / Japp / Daniel Dresse / Dissonance / JeanNîmes : c’est généreux mais pas réaliste ; « Enthousiaste sur le fond, dubitatif sur l’application ».

    – dès lors qu’il ne s’agit que de difficultés et non d’impossibilités pratiques, la volonté et le « sens de l’histoire » ne devraient-elles pas permettre de les surmonter ? Nous avons déjà monté avec succès (techniquement parlant, mais pas forcément économiquement) une usine à gaz au moins aussi complexe avec les 35h et la RTT. Si le jeu en vaut la chandelle…

    Fnur / Dissonance / JeanNîmes / Japp : « très difficile à évaluer » ; les critères proposés sont-ils vraiment objectifs ? « Trop de biais pour traiter contrat par contrat »

    – on évalue bien un à un les autres actifs (machines, véhicules, locaux etc.). Je ne vois là rien d’insurmontable.

    Fnur / Logique : « pratiques dictatoriales des dirigeants » ; les responsables ne sont pas à même d’évaluer les compétences de leurs salariés ; « pas de réel dialogue social » ;

    – ça, c’est l’existant, qui résulte du déséquilibre de rapport de forces entre actionnaires, dirigeants et salariés. Cette mesure entend corriger ce déséquilibre, lequel prend sa source dans les normes comptables. Ma conception de l’évaluation cherche justement à exclure les appréciations subjectives, en se référant autant que faire se peut à des critères objectifs.

    Logique : c’est la conscience de l’être humain qu’il faut changer

    – vaste programme, qui ne se déroulera qu’au rythme lent de l’évolution de l’espèce. Pour atteindre un résultat de mon vivant, je préfère porter l’effort sur les instruments à portée de main, pour encadrer le comportement humain à défaut de le modifier.

    Dissonance : la valeur donnée aux formations prodiguées par le système éducatif est surévaluée, voire aléatoire

    – elle l’est aujourd’hui, elle le sera encore demain. Ceci étant, dès lors que celle-ci a un impact sur les actifs des entreprises, les acteurs économiques et politiques n’auront-ils pas à cœur de se pencher sur le sujet ?

    Japp : changement du rapport à la propriété

    – à mon sens ce rapport ne changerait que sur le contrat de travail, lequel deviendrait la co-propriété de l’employeur et du salarié. Les règles encadrant la propriété du capital (et du reste) resteraient inchangées.

    Japp : réalisable seulement pour les salariés ayant des aptitudes rares

    – les aptitudes rares seraient plus valorisées, tandis que les aptitudes abondantes le seraient moins. C’est une question de gradation. Si certains salariés ont plus de valeurs que les autres, aucun n’a une valeur nulle.

    Jef : les salaires restent une variable d’ajustement

    – oui, mais cette variable d’ajustement est tempérée par le fait qu’une compression salariale s’accompagnerait aussi d’une réduction des actifs, obligeant à afficher une moins-value. L’actionnaire n’a aucun intérêt à augmenter à court terme le rendement de son capital, si la conséquence est de réduire celui-ci de manière immédiate et durable. La compression salariale serait donc limitée aux seuls cas engageant la survie de l’entreprise.

    3) Ceux qui dénoncent les conséquences négatives :

    Logique / Pierre Canart / Bdphile / Ken Avo / 2casa / Dissonance / AAA+: risque de « l’esclavage » ou de l’exploitation, que le salarié soit vendu comme un bien meuble, « reprise du capitalisme puissance X » ; risque de faire du salarié un objet spéculatif.

    – le risque de spéculation et d’exploitation est en effet le plus à craindre, mais n’existe-t-il pas déjà ? De multiples garde-fous existent ou peuvent être développés pour les contenir :

    i. le salarié conserve la liberté de rompre son contrat et de démissionner ;
    ii. le salarié, copropriétaire de son contrat, est partie prenante à toute négociation de transfert. Il peut ainsi en être le bénéficiaire financier via une « prime de transfert » versée par son nouvel employeur (voir l’exemple actuel du football) ;
    iii. en cas de démission, une protection doit interdire à l’employeur d’exiger d’être indemnisé, sauf cas exceptionnels. Ce dernier pourrait se prémunir de ce risque en le provisionnant, réduisant ainsi encore la part du résultat actuellement allouée aux dividendes.
    iv. en cas d’impossibilité d’accord sur un transfert proposé, et si l’employeur refuse de conserver le salarié, le licenciement avec indemnités continue d’exister.

    Dissonance : sureffectifs et mise en péril de l’entreprise

    – le déséquilibre actuel entretient d’un côté des sous-effectifs et des charges de travail excessives, une exclusion du marché du travail pour un grand nombre d’autre part. Le nouvel équilibre espéré se situe à mi-chemin entre la situation actuelle et cet autre extrême que serait une charge salariale écrasante, car si la valeur d’actif aura augmenté, il faudra toujours que l’entreprise dégage un résultat d’exploitation positif. Elle ne peut donc se permettre d’accumuler des actifs via une masse salariale trop grande, à l’image d’un transporteur routier qui ne peut pas se contenter d’accumuler des camions : il lui faut en parallèle une politique commerciale, des marchés accessibles et profitables etc. Le niveau d’activité continuera de réguler les effectifs qu’une entreprise peut se permettre d’embaucher. Comme dans tout système il y aura des excès, qu’une bonne régulation devra contenir.

    Jef : risque de créer un frein à l’embauche

    – risque réel, mais inhérent aux sociétés de plein-emploi. Il faudrait alors envisager des aides au financement du recrutement par transfert, ciblée vers les entreprises en création ou les secteurs jugés stratégiques? L’allègement de la charge d’indemnisation du chômage pourrait y pourvoir.

    Dissonance : risque de créer ou de confirmer de nouvelles trappes à discrimination et exclusion (âge, niveau de formation, expérience etc.)

    – Le jeune diplômé avec une faible valeur acquise présenterait le triple avantage d’être libre d’engagements d’une part, d’offrir une plus-value faible mais immédiate, et une forte perspective de plus-value à long terme liée à la progression de sa carrière.

    – Le « senior » offrirait une forte valeur d’actif, tempérée cependant par la perspective de la fin proche de sa carrière, qui se traduirait par une moins-value si elle n’était pas provisionnée.

    AAA+ : le gain en capital ainsi artificiellement créé ne va-t-il pas requinquer le fonds de pension de la veuve de Floride ?

    – les fonds propres des entreprises, lesquelles sont les pourvoyeuses de nos emplois, ont été en effet pillés par ladite « veuve de Floride ». Si la vocation de l’entreprise demeure la réalisation de profits, la présence des salariés à l’actif interdirait que ce profit se réalise à leur détriment.

    – en revanche, la transition entre ancienne et nouvelle norme comptable doit obligatoirement faire l’objet d’une loi d’exception, car il est hors de question que le résultat exceptionnel (dans les deux sens du terme) généré par le changement de comptabilité soient prélevé aux travers de dividendes ou d’impôts indus.

    Tigue : la thérapie génique a pour inconvénient de transformer l’individu en un autre ;

    – c’est bien le but, à condition de ne pas créer de monstre…

    4) Ceux qui mettent en avant les avantages :

    Dissonance / JJJ / Arconus : retour au plein emploi ; « rendre le plein emploi désirable pour les entreprises »

    Jef : limitation apportée au dividende distribué et renforcement de l’entreprise ;

    – les occasions de provisionner les risques liés à une dépréciation imprévisible de cet actif seraient une opportunité supplémentaire de limiter les dividendes distribués.

    5) Ceux qui évoquent des propositions alternatives ou complémentaires (à développer par leurs auteurs ):

    Fnur / Japp : externalités selon Pareto

    – la prise en compte des externalités est la condition d’un développement durable. En l’occurrence nous proposons ici de transformer une externalité en « internalité », mais la notion de développement durable n’est pas loin.

    Fnur / maquis29 / ghost dog: revenu garanti, revenu minimum de survie

    – dégagée de lourdes charges sociales comme l’indemnisation du chômage ou le RMI (ou RSA, je ne sais plus), la société de plein-emploi pourrait peut-être dégager des moyens pour développer le revenu garanti que vous appelez de vos vœux, destinés à ceux qui ne souhaitent pas être prisonniers de la société marchande. Notre société de chômage de masse n’en aurait pas les moyens.

    Japp : salarié actionnaire

    – autogestion ?

    Daniel Dresse : clause de conscience du salarié

    – le sujet revient à discuter de l’indemnisation du chômage suite à une démission, puisque c’est le but recherché par les défenseurs de la clause de conscience.

    JeanNîmes : parallèle avec la valorisation actuellement impossible des logiciels pour les SSII

    JeanNîmes / maquis29 : traiter la question collectivement dans la logique de l’équipe plutôt que de l’agrégat d’individus ; « inclure dans l’actif du bilan une valorisation d’un coefficient donné par le rapport de la valeur ajoutée à la masse salariale puisqu’on aurait ainsi un coefficient de valeur collective des salariés et de leur synergie »

    – bien que subjectif, le « goodwill » demeurerait dans sa forme actuelle pour évaluer le coefficient de prime dont devraient bénéficier les équipes performantes.

  28. Avatar de Daniel Dresse
    Daniel Dresse

    @ Maquis 29 à 19h07

    Les pratiques culturelles vont au-delà des seules contraintes budgétaires. Hormis ces dernières, Elles deviennent parfois une affaire de génération (le cas du cinéma, qui me donne toujours l’impression d’être dans une file de restau U. quand je m’y rends) mais sont surtout redevenus largement un privilège de classe, ou plutôt de caste, celle des classes moyennes urbaines instruites, puisque la nouvelle bourgeoisie des très riches est redevenue vulgaire et inculte (celle-là a le président qu’elle mérite). Il m’arrive aussi parfois d’aller au théâtre, que j’adore, mais je fais toujours le même constat quand je jette furtivement un regard aux alentours : tous ces gens charmants ne sont pas de ma tribu ! J’ai eu la chance immense, grâce à l’école républicaine, d’avoir pu être vacciné très jeune contre la boulimie du tout plastique, comme vous dites, et je peux donc acheter des livres par envie. Mais j’ai bien conscience d’être un accident.

    Sinon je ne pense pas que l’alternative qui s’offre à nous soit entre le malthusianisme et la jouissance. Cela fait belle lurette que notre modernité en plastique est justement devenue malthusienne par esprit de jouissance. La titrisation au service de la retraite par capitalisation a même été inventée pour pallier aux petits inconvénients de la chose. Face à la situation actuelle, la seule alternative qui compte est plutôt comment perpétrer l’idée démocratique dans un monde plein et aux ressources limitées, ce qui serait peut-être le moyen de redonner justement de l’espace à ce dernier. La question sociale en général découle de cette interrogation, et en particulier la nouvelle question ouvrière, puisque, sans parler de nos anciens prolétaires que nous avons habilement ressuscités en chine et ailleurs, les ouvriers -même déguisés en employés ou en « opérateurs »- restent encore largement le secteur prédominant dans les économies occidentales. Il est vrai qu’ils sont devenus complètement invisibles dans le champ culturel.

    @ Hervé

    Non ! Non ! L’indemnisation des démissionnaires n’est pas du tout mon but en cette affaire ! Je suis persuadé qu’une clause morale de rupture du contrat de travail, juridiquement aussi bien cadrée que peuvent l’être les causes du licenciement, redonnerait un peu de pouvoir au salarié en lui apportant implicitement un droit de regard sur la gestion de l’entreprise, ce qui reste une question complètement taboue à l’heure actuelle.

    Merci bien sûr pour la petite synthèse.

  29. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    J’apprécie cette expérience de pensée. Un cas d’école. Il fallait y penser, bravo.

    L’idée part d’un désir de faire mieux que l’existant, cependant sa « philosophie » me semble finalement peu humaniste. J’aurais même la nette tendance à penser le contraire. Peut-être qu’en certains contextes bien spécifiques cela pourrait bénéficier aux salariés, mais comme principe global régissant l’organisation économique de la société, cette modification génétique pourrait engendrer de terribles mutations en renforçant l’uniformisation des comportements. Bref, à mon sens, ce serait une innovation qui ferait surtout les affaires de ceux qui pensent l’économie en termes de contrôle.
    Cette tendance était déjà à l’oeuvre dans le néo-libéralisme, elle serait alors ici exacerbée.

    C’est au fond une systématisation de l’idée pas si récente de capital humain, développée notamment par l’économiste américain Gary Becker. Si le capital humain devient une composante des actifs au bilan d’une entreprise, cela signifie clairement que l’on
    exige du salarié un don total de sa personne au service de l’entreprise. Et que par ailleurs ce don va être calibré, quantifié, car, pour qu’un capital humain soit un capital, et donc échangeable sur un marché des contrats de travail, il faudra que l’évaluation soit homogène, normalisée. On aura beau jeu se baser sur des critères plus qualitatifs, laisser même au salarié certains marges de manoeuvre pour organiser son travail — ce qui d’ailleurs risque d’être surtout vrai dans le cas des travaux à forte valeur créative — les contrats de travail capitalisés devront sur le marché avoir une certaine valeur défaut d’une valeur certaine.

    A l’inverse le contrat de travail classique, non capitalisable, traduit la relation objective qu’entretient le salarié avec son employeur.
    Le salarié s’engage à fournir une force de travail dans les conditions définies par le contrat, contrat qui, s’il implique bien deux parties, a en réalité été rédigé pour les besoins spécifiques de l’entreprise et du patron et/ou investisseur. Un salarié offre son travail, quand bien même il est officiellement qualifié demandeur ce qui est un travestissement de la réalité, comme l’a noté un commentaire.

    Dans le cas du contrat de travail génétiquement modifié ce ne sont plus les tâches qui sont en jeu dans le contrat, mais la valeur ajoutée qu’apporte et actualise — par anticipation — , lorsque la valeur ajoutée du salariée sera soumise à contrôles, évaluations régulières. Autant dire que le salarié devra s’identifier complètement aux valeurs et objectifs de l’entreprise, lesquelles renverront à celles plus générales encore du monde économique ambiant (l’ensemble des entreprises concurrentes) ce qui n’est pas totalement dans le cas pour le contrat « classique ».

    Avec le contrat classique le salarié travaille toujours avec une certaine marge de manoeuvre qui lui permet de garder une certaine distance, seule possibilité qui s’offre au salarié d’opposer une résistance, certes timide, lorsque les ordres qui lui sont signifiés lui semblent aller à l’encontre de certains principes. Il faut y insister, dans l’entreprise de type capitaliste, les buts et moyens de l’entreprise sont définis de façon hierarchique et ressortissent en dernier ressort à des critères de profitabilité, et le contrat de nouveau type de boucler la boucle qui enferme le salarié lequel n’aura alors pas d’autre choix que de faire corps avec l’entreprise.

    Plutôt que de mettre en confiance, ou de donner de réels espaces de liberté nécessaires au bien être du salarié, cela enfermera encore un peu plus celui-ci dans le temps de l’entreprise, lequel temps sera lui-même directement lié à celui du contrôle généralisé de l’économie globale. Il me semble d’autre part qu’un contrat affecté d’une valeur marchande (au marché ou à la cote ?) n’est plus vraiment un contrat puisqu’un contrat consiste par définition à lier deux parties sur des termes non révisables ou du moins révisables dans des limites très strictes. S’engager sur quelque chose qui pourra être révisé en tant que le contrat renvoie à une valeur capitalisable, c’est pour le salarié s’engager à tout et donc se dégager de tout pouvoir. Cela risque aussi de devenir une usine à gaz, car les parcours individuels sont si différents. Il faudrait commencer par le normaliser, ce qui supposerait une rééducation.

    D’un autre coté, l’idée est séduisante, car en apportant un degré de contrôle supplémentaire dans et hors les murs de l’entreprise, cela inciterait peut-être les salariés prendre conscience du rôle que leur fait jouer le capitalisme. Et peut-être enfin, introduire un peu de démocratie en son sein. A vouloir confondre intérêts du salariat et ceux des capitalistes, on exacerberait les contradictions.
    C’est un peu la thèse de Toni Négri : laisser se développer la logique capitaliste jusqu’au bout pour que finalement celui-ci touche ses limites. Pour ma part, je goûte peu à ce genre de politique du pire. Mais elle a tout de même le mérite de pointer du doigt la logique du système.

  30. Avatar de Cécile
    Cécile

    Désolée, je n’ai pas tout lu, …
    mais je voudrais ajouter que la question du travail , du marché du travail, telle qu’abordée ne peut-pas s’exclure de considérer le fait que soit les hommes travaillent, mais aussi des machines travaillent, alors,…
    ne faudrait-il pas songer de réfléchir d’intégrer aussi le travail des machines dans cette discution ?
    Après tout, pourquoi les machines ne cotiseraient pas ?

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