Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Le capitalisme est un système social caractérisé par l’existence de trois classes principales : celle des « rentiers », détenteurs de capital (= « investisseurs » = « capitalistes »), celle des « entrepreneurs » (= « chefs d’entreprises ») et celle des « travailleurs » (= « salariés »), et par la domination au sein de ce système de la classe des « capitalistes », d’où son nom.
Le rapport de force entre rentiers et entrepreneurs détermine le partage entre eux du surplus créé par le travail des travailleurs : les rentiers obtiennent les intérêts et ce qui reste du surplus revient aux entrepreneurs comme profit, à charge pour ces derniers de redistribuer à leur tour ce profit entre eux et les travailleurs dans une proportion que détermine le rapport de force existant entre ces deux classes.
L’introduction des stock options à la fin des années 1970 permit aux rentiers et aux entrepreneurs, dont les intérêts coïncidaient dorénavant, de s’allier contre les salariés, dont la part dans le partage du surplus ne cessa pas de diminuer depuis.
Les banques centrales, dirigées dès leur origine par les rentiers ou capitalistes (officiellement aux États–Unis et officieusement en Europe), ont toujours travaillé à leurs ordres et aujourd’hui plus que jamais. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, les nations ont délégué une part toujours grandissante de leurs pouvoirs à leurs banques centrales qui sont devenues soit un État dans l’État (comme aux États–Unis) soit un État par-dessus les États (comme en Europe).
Capitalistes et entrepreneurs, désormais alliés, encouragèrent la création d’un abysse de dettes contractées par les entreprises et par les travailleurs. Le processus était condamné à s’interrompre aussitôt qu’ils seraient tous insolvables, stade qui fut atteint en 2007. Plutôt que d’enrayer la crise de la seule manière possible, c’est–à–dire en redéfinissant la donne entre rentiers, entrepreneurs et travailleurs, les gouvernements ont choisi d’encourager entreprises et travailleurs à s’endetter encore davantage, produisant ainsi de nouveaux intérêts dont bénéficient les rentiers, tandis que les banques centrales se voient confier parallèlement la tâche de créer de toutes pièces la montagne d’argent qui sera déversée dans l’abysse toujours plus profond de la dette. Captif désormais d’une rétroaction positive, autrement dit auto-renforçante, le capitalisme est entré dans une phase d’autodestruction.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
130 réponses à “Qu’entend-on par « capitalisme », et pourquoi sa phase finale est-elle amorcée ?”
Et on sent déjà une lézarde entre entrepreneurs et capitalistes. Ce qui signifie que l’extrême-droite ou du moins une droite très dure, réactionnaire et nationaliste (souvent les deux formes d’expressions politiques de l’entreprenariat) va refaire à mon avis vigoureusement surface.
La démonstration est tellement simple que c’est imparable. Oui le capitalisme américain s’autodétruit et les conséquences sont innombrables. On verra certainement un retour aux nations et à un certain protectionnisme par grandes zones régionales/continentales. Sans doute tout cela n’est-il pas très bon pour la paix. Mais finalement, n’est-ce pas plutôt le retour annoncé d’autres formes de capitalisme plus étatiques, plus colbertistes sur le modèle chinois ou russe…ou français (type 30 Glorieuses)? En fait, ce que vous annoncez, n’est-ce pas plutôt la fin de la mondialisation néolibérale?
Cette mise au point me permet de mieux comprendre votre affirmation d’une « crise finale » du capitalisme. Si je comprends bien, c’est l’alliance entre rentiers (capitalistes) et entrepreneurs qui serait en bout de course. Idée que je partage tout à fait. Mais le capitalisme, en un sens plus large, a connu des périodes ou prédominaient entrepreneurs ou plutôt « managers », comme le montrait Galbraith. A défaut d’une alternative sérieuse au capitalisme (au sens large), l’enjeu n’est-il pas de redéfinir un compromis historique entre salariés, managers et entrepreneurs, contre les rentiers ?
Votre constat de décès du caîtalisme me laisse perplêxe même si je crois comprendre votre diagnostic.
Depuis la remise en route de la bonne vieille planche à billets par Obama, je ne perçois plus la différence entre la crise actuelle et celle de 29 dont le capitalisme a pourtant fini par sortir. Quelque chose m’échappe et m’inspire une remarque, une grosse angoisse et une troublante interrogation…
Pourquoi dans un cas le capitalisme survivrait-il au prix d’une guerre mondiale certes et ce n’est pas rien, et pas l’autre cas ?
Ou comme la dernière fois, va-t-on en passer par une autodestruction du capital (et non du capitalisme) lui-même, autrement dit la guerre ?!
D’un point de vue sémantique, est-il possible de prononcer la mort du capitalisme sans pour autant avoir de solution alternative ?
@ Ken Avo
Oui, pourquoi pas : le jour où je serai mort, je n’aurai pas de solution alternative.
PS : Pourquoi dire au revoir, alors que vous venez d’arriver ?
Je suis un peu perplexe sur votre distinction entre « capitalistes » et « entrepreneurs ». Historiquement, cette distinction ne me paraît pas avérée. Même si elle peut caractériser le stade actuel.
Quant à la fin prochaine du capitalisme, je la crois nécessaire pour la survie de la planète. Mais je crains hélas que ce ne soit pas pour demain.
@Paul Jorion,
Oui le choix de ce pseudo doit être l’effet d’un pessimisme modéré, je suppose. 🙁
Je me demandais le pourquoi de ce p.s… Et pourtant je suis breton… ^^’
Humour psy :
http://www.humour-psy.com/spip.php?article1261
@Ken Avo
Paul connait le breton.
Avant d’etre sur les rivages du Pacifique, il a été sur ceux de l’Atlantique à l’Ile de Houat au large du Morbihan.
Mais bon, moi aussi je suis du 56, mais coté Argoat.
Il a écrit d’ailleurs un livre suite à son séjour sur cette ile :
Les pêcheurs de Houat (Hermann : 1983)
Au sein des capitalistes, il y a plusieurs sous groupes ( bon pères de familles, boursicoteurs, institutions, holding familiaux ou pas, états, banques, banques d’affaires, hedges funds,…) Ne croyez vous pas qu’une partie seulement est menacée, ceux qui avaient moyen de créer du capital ex-nihilo, de jouer avec les règles mêmes? Pourquoi croire que tout va disparaitre?
La situation me semble comparable à la piraterie au XVIéme. Ce sont les mêmes îles dans les caraïbes qui servent de refuge. Les états, par intérêts et pour se faire une guerre indirecte, ont laissé se dévellopper une marine corsaire tellement importante qu’elle menace l’ensemble du commerce maritime voir les états même. Pour y mettre fin, les états vont pourchasser les flibustiers dans leurs repêres leur en interdisant l’accès. Privés de ports d’attache, ils n’ont plus d’autres choix que de se rendre, payer l’impôt et accepter les nouvelles règles.
Les pêcheurs de Houat, c’est vrai que c’est tout un roman !
Cela dit, qui a dit que j’étais breton ? Je ne le suis pas ! Ce qui n’empêche pas l’amour toutefois…
(Montparnassien de la région de Tours à l’origine)
Cela dit, le bon vin de Chinon présent à toutes les bonnes tables est surnommé affectueusement « breton » ou plutôt « berton » par les autochtones, d’aussi loin que les Nantais ont sû remonter la Loire pour s’en délecter. 🙂
Buvez toujours ne mourrez jamais comme aurait dit Rabelais
Voilà pour de rapides présentations… ^^
Ne faut-il pas ajouter les hommes politiques à la classe des « entrepreneurs » que l’on pourrait appeler plus généralement « les dirigeants » ? Objectivement, les hommes politiques au pouvoir depuis des décennies sont au service des capitalistes, au même titre que les entrepreneurs (surtout les gros).
Ce qui est en train de s’autodétruire, c’est la notion que le capital est au coeur du systême. Le capital restera présent et probablement indispensable, mais son rôle sera pondéré par autre chose : l’humanisme, ou alors et en cela je suis en phase avec Jean François Kahn, la nation, la religion, la race… L’Allemagne nazie restait un systême capitaliste, mais ce n’était pas le capital qui guidait ses actions.
Dans les trois articles consacrés à la fin du capitalisme revient souvent la question « Mais que mettre à la place ? ». Tentative de début de piste de réponse possible 🙂 .
1) D’abord, faut-il un modèle théorique tout ficelé pour se mettre en route ? Non selon moi.
2) S’il importe de remettre la finance mondialisée (variété dominante de l’économisme) à sa place (donc subordonnée et plus dictatoriale), il faut la réencastrer dans ce qui la contient : les écosystèmes (naturels et artificialisés) et l’Humanité (sociétés). Ecologie politique et socialisme devraient pourvoir confluer pour proposer des solutions concrètes.
3) Les échanges commerciaux n’étant plus l’alpha et l’oméga, la relocalisation de l’économie doit permettre de satisfaire les besoins locaux en partant des potentialités (humaines et écosystémiques) locales (voir ce qu’en esquisse Champignac, dans « L’annonce de la mort du capitalisme est-elle prématurée » le 21/3 à 00:14).
4) Si l’on ne veut pas revenir à des capitalismes nationaux, genre XIXème siècle, mettre impérativement fin à l’accumulation d’argent par l’intérêt : la « Constitution pour une Economie » doit donc limiter l’intérêt au risque de défaut et faire gérer l’attribution de crédit par des institutions socialisées (caisses d’épargne contrôlées par et au services des collectivités).
Je jure que je n’ai rien bu ni fumé ce soir et pourtant il me semble qu’un avenir possible serait imaginable malgré l’atteinte des limites planétaires (énergie, eau, terres arables…) pour 9 milliards d’humains. Suis-je devenu irréaliste?
Mais évidemment, je sais aussi qu’il restera (yaka 🙁 ) convaincre les possédants cyniques et dominateurs de renoncer à leurs privilèges. M’est avis que ce ne sera pas simple…
Il fallait vraiment être aveugle ou prisonnier d’une idéologie pour ne pas se rendre à l’évidence : le capitalisme, cette idée récente dans l’histoire de l’humanité et le système qui en a résulté, ont fait leur temps.
La démonstration de Paul peut déconcerter par sa simplicité, et d’ailleurs elle ne reprend pas les arguments relatifs aux limites des physiques au delà desquelles le capitalisme ne peut plus poursuivre sa logique de colonisation inhérente à sa survie, mais, outre le fait que Paul en a déjà fait état dans de nombreux billets — complémentaires à celui-ci, cette démonstration se suffit à elle-même, et fait des argumentaires annexes les facteurs aggravants qui achèvent de lever tous les doutes quant à l’état de survie artificielle dans lequel est entré le système.
Personne ne peut dire combien de temps durera la phase d’autodestruction, mais une chose est certaine : elle est en marche !
Je note aussi que la démonstration intègre parfaitement les préoccupations de ceux qui s’inquiètent du pouvoir exorbitant qui a été accordé aux banques, et en premier lieu aux banques centrales, mais la démonstration va plus loin car elle montre en quoi précisément ces banques jouent un rôle nuisible, dévastateur même, dans notre société. Et la raison en est limpide : le capitalisme est un système SOCIAL. Paul ne s’apesantit pas sur cet aspect des choses. Rarement il fait état de la question des représentations, des valeurs, des idéologies, ou alors par petites touches incidentes.
Non pas qu’il trouve ces aspects négligeables. Et d’ailleurs il y a des billets invités sur ces questions importantes. Mais parce que le théoricien Paul Jorion nous entretient de la nature du capitalisme en nous en présentant d’abord ses acteurs et leurs agissements. Or une société c’est un ensemble structuré , organisé, finalisé, contradictoire, d’interactions individuelles qui constituent précisément ses différents acteurs.
Au moins une chose que les tenants de l’individualisme méthodologique ne pourront pas reprocher à notre auteur, celle de ne pas considérer l’économie comme la résultante d’actions bien humaines et individuelles. Paradoxalement ceux sont les « individualistes » libéraux, qui font des êtres humains de pures abstractions lorsqu’ils les intègrent dans des schémas économiques d’où ils ressortent en simples données de formules mathématiques oubliant au passage que ce sont ces mêmes êtres humains, dans des situations particulières — résultant donc d’interactions, qui ont élaboré ces schémas économiques.
L’approche du capitalisme est également systémique — il y a donc un haut niveau d’abstraction — mais elle ne perd pas de vue que ce sont des personnes, des groupes sociaux bien définis et concrets qui agissent. Il y a en effet deux façons de concevoir la notion de système. Une façon totalement objectiviste, qui fait des humains de simples rouages d’une mécanique qui les dépasse. Ce qui peut sembler avéré si l’on observe seulement ce qui se passe à l’intérieur des limites du système, c’est à dire sans se préoccuper de son origine et de sa fin. Et une autre façon, celle qu’intègre Paul Jorion, qui voit en tout système le résultat d’une modélisation ou invention humaine.
Dans cette dernière façon d’appréhender les systèmes, sous l’angle social, le système a une histoire : un être humain, puis un nouveau groupe social, entreprennent des actions inédites aux conséquences également inédites mais qu’ils ont en partie anticipées et associées à des représentations.
Au début, ces actions paraissent hasardeuses si l’on les observe à l’échelle de toute une société, de tout un monde, mais, ensuite, à la faveur de conditions favorables, elles finissent pas concerner la société toute entière : les agissements des acteurs finissent par faire système. Bien entendu les acteurs du système, à son origine, n’en ont pas appréhendé tous les aspects et toutes les implications sociales, économiques. Ainsi le système capitaliste n’a pas été conçu, crée ex nihilo par ceux qui l’ont initié un certain jour quelque part en Lombardie. Comme l’avait bien montré Karl Polanyi, les marchés avant de devenir une réalité incontournable pour tout le monde ont d’abord dû se constituer en institution. Bref, le capitalisme en tant que fait social s’inscrit dans la durée, une histoire ; il a un début, un développement, puis une fin. Cela signifie également que si la formule de départ qui comprend investisseurs, entrepreneurs et travailleurs, reste inchangée au cours du temps, le capitalisme en tant que fait social total se transforme avec la société, ses institutions, ses techniques, avec il fait corps. Ainsi la formule se recompose, plusieurs configurations du capitalisme se sont ainsi succédées. Certes le capitalisme est un système qui s’organise autour de la production, mais cette production elle-même ne tire sa signification que des représentations qui président à sa mise en oeuvre.
Puisqu’un système touche à sa fin, c’est qu’un autre peut prendre la relève dans l’espace mental et physique vacants qu’a produit le système en train de s’effondrer. Ses prémisses existent déjà, éparses, mais justement parce qu’encore peu développées, encore insignifiantes, ou non encore advenues, il n’a pas encore de figure.
Mouais, il ne faut pas oublier que les rentiers (dont je fais partie) ont ete par 2 fois ruines ces 10 dernieres annees, une fois en 2003 avec la bulle internet, et une seconde avec la double bulle Immobiliere/marches financiers, en 2007.
Ils sont maintenant rinces….
Stef / Singapour
@ Stéphane
Si vous venez ici, c’est peut-être qu’il y a une vie après la rente, et, pourquoi pas, un nouveau monde, tant qu’à faire 😉
Tout nait et meurt,le capitalisme comme l’esclavagisme et le féodalisme
Parce que le capitalisme qui a développé plus que tout autre système les forces productives n’est plus à même de par l’accaparement des fruits du travail par de moins en moins de personnes de maitriser ces forces productives
Parce que le développement de ces forces productives le développement des connaissances qu’elles exigent fait prendre conscience à des couches de plus en plus larges que le bonheur serait possible en organisant la société autrement
Parce que chacun se pose la question que devient le produit de mon travail,que l’on se rend compte que le capital en soi n’existe pas que ce n’est que du travail mort,et que son accumulation démesurée fait mourir la société
Parce que grandit l’idée que la démocratie économique est la clé pour sortir de la pré histoire et aboutir à un stade nouveau ,et qu’il faut que s’instaure un débat permanent que produire avec quels moyens,de quelle façon, tout le contraire de la fatalité des lois du marché,
C’est à dire le communisme
ou le développement de chacun sera la condition du développement de tous
Petite remarque sémantique : L’allusion de Pierre a la piraterie est intéressante car ce terme est effectivement approprié; on devrait parler de piraterie fiscale. Or quel est le terme consacré par les médias ? « Paradis fiscal ». Comment ne pas penser que ceux ci bénéficient, de la part des donneurs d’ordre, de « circonstances atténuantes » pour mériter une sémantique finalement positive ?
Qui seraient donc les pirates du « système » dans ce cas ? Il y a ceux qui ne veulent ou ne peuvent plus, faute de moyens, enrichir une industrie de rentiers refusant d’évoluer. De même, ceux qui « osent » manifester publiquement leur mécontentement vis a vis d’un système qui ne fonctionne plus pour eux, en « prenant en otage » les bons élèves.
Pour ce qui est de la fin du capitalisme, je pense qu’il faut d’abord l’envisager sereinement comme une possibilité avant d’en débattre. Il y eut d’autres systèmes, il y aura d’autres systèmes. Tout nait, vit et meurt.
Cette affirmation de Paul laisse toutefois songeur : pourquoi maintenant, alors que nous avons constaté la ténacité de ce système ?
La grande question qui est posée finalement c’est « qui paiera les pots cassés ? »
« Pas nous, bien entendu » répondent en coeur les différents responsables. Or l’injustice ne mène qu’a la révolte. Soit les joueurs floués quitteront gentiment la table de jeu pour aller jouer ailleurs ensemble ou seuls dans leur coin, soit ils seront tentés de la briser pour manifester leur colère.
Une autre question qui mérite d’être posée : qui paierait les pôts cassés en cas de catastrophe climatique, le nord ou le sud ? Ha, mais j’anticipe; goutons d’abord au hors d’œuvre avant d’attaquer le plat principal … A chaque jour suffit sa peine.
Entre un entrepreneur et un capitaliste, rentier, il y a une sacrée différence. Un entrepreneur crée, travaille et produit de la richesse en même temps que de l’emploi. Très important il a une vision à long terme pour l’avenir de sa société.Il ne licenciera pas pour limiter la masse salariale en vue de profit à court terme sans se soucier de l’avenir.Car sa « boîte » compte pour lui. Il ne la démentèlera pas pour la vendre en morceaux ni ne vendra ses parts ou actions lorsque la situation n’est pas bonne. Lui, il est constructif. De plus ce qu’il produit est en général physique, rarement une société de services, ça va bien 5 minutes les services mais on s’en passe plus facilement que des objets.
L’économiste Schumpeter l’explique mieux que moi :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Schumpeter
@ gaël
Pourquoi maintenant la mort du capitalisme alors qu’il a été très tenace, dites-vous.
Songez au centenaire qui a survécu à deux guerres mondiales.
Un jour avant la mort de cet homme ou de cette femme diriez-vous que puisqu’il ou elle a vécu tout ce temps, a traversé mille aléas avec une santé à toutes épreuves, bref, diriez-vous que cette personne va encore faire long feu ?
Pour le capitalisme c’est un peu la même chose. On peut le croire indestructible, mais c’est une illusion.
Je dis : c’est « un peu » la même chose. La différence c’est tout de même que le capitalisme n’est pas un organisme biologique.
Il y a en lui une part intellectuelle, il est le résultat d’une construction mentale qui a pu être très opérante pendant longtemps mais qui sous certaines conditions devient un obstacle pour sa survie. Le schéma mental de la maximisation des profits individuels qui font la richesse de tous est une formule qui n’est plus tenable. C’était tenable tant qu’il y avait une possibilité de relancer la « machine » à faire de l’argent quand survenaient de trop grandes inégalités.
Mais, avec la mondialisation, ses moyens techniques, son interdépendance, son intégration poussée, ses inégalités sources de crédits et dettes à un niveau inégalé, la machine s’est emballée, et il n’est plus possible de revenir en arrière, car il faut maintenant alimenter la machine avec toujours plus de combustible. Or les trillons que la Fed injecte ne sont gagés sur aucune richesse future.
Le futur possible où il y aurait les ressources disponibles (y compris naturelles) pour produire les biens dont la vente permettrait d’alimenter la machine financière et économique à la hauteur de son rendement actuel, n’existe tout simplement pas. Le système capitaliste de ces dernières décennies est devenu hyper court-termiste, mais sa logique de fonctionnement exigeait un temps plus long. Temps plus long sur lequel il ne peut plus se réajuster. D’où la crise et l’effondrement en cours du système.
A moins que j’ai loupé un épisode, l’entrepreneur, aussi travailleur, productif et socialement éthique qu’il soit, n’en demeure pas moins aussi capitaliste que le rentier. Leurs méthodes sont différentes, leur but est identique.
Quant à Schumpeter, il réalise un joli tour de passe passe avec sa théorie, car jusqu’à preuve du contraire l’innovation ne vient pas le plus souvent de l’entrepreneur à proprement parlé, mais de ses salariés. Où comme disait l’autre:
« L’ouvrier c’est celui qui sait comment on fait le travail, le patron [l’entrepreneur à l’ancienne mode] c’est celui qui sait pourquoi. » (Coluche)
Ou alors, autre possibilité, plus prosaïque, l’entrepreneur selon Schumpeter n’est pas l’entrepreneur selon Jorion… C’est finalement sans doute cette option là la plus probable.
Derrière le tumulte des voix de la pensée unique, une dissonance se fait entendre : celle de la pensée tragique.Nous tenons là un nostalgique du bolchévisme.
Une société idéale est une société sans patrons car ce sont tous d’abominables exploitateurs, ils ont tous les mêmes méthodes. Vive l’économie planifiée. Et encore faudrait-il supprimer les apparachiks sans quoi une hiérarchie persisterait.
L’idéal serait qu’il n’y en ait aucune . Ou alors pour que le travail soit moins monotone peut-être pourrait-on inverser les rôles, un jour je suis ouvrier, le lendemain responsable des ressources humaines et le surlendemain DG. Le communisme est un capitalisme d’état donc Dissonance ne doit pas être communiste. Surtout que comme disait son ami Coluche, en reprenant la maxime célèbre : » le capitalisme c’est l’exploitation de l’homme par l’homme, le communisme c’est l’inverse « . Non, à bien y réfléchir c’est moi qui dois avoir loupé un épisode, Dissonance est quoi ?
Pas prof de français ni intellectuel vu qu’il fait au minimum une faute par phrase, peut-être économiste, il semblerait qu’il ait conçu le système idéal. Ecoutons-le l’heure est grave, Dissonance, nous sommes tout ouïs.
Il disait aussi :
« Le monde est à ceux qui ont des ouvriers qui se lèvent tôt »
Dans cette crise, on observe que la dette privee est transformee en dette publique.
Dans la modelisation du systeme capitaliste proposé par Paul, l’ element de base du système (le generateur) est le trio investisseur-entrepreneur-salarié (on peut changer ces 3 mots si on veut inclure une dimension sociale par : rentier-patron-ouvrier).Q
Quelle conséquence a donc ce transfert « macroscopique » de dette privee en dette publique, sur le modèle de générateur (echelle micro) proposé par Paul ? Il y a disparition du constituant « rentier », l état ne pouvant fonctionnellement le remplacer. On obtient un autre generateur, donc un autre systeme. C’ est la modification de cette relation micro qui doit faire l objet de toute notre attention. C est là qu interviendrait une constitution pour l economie.
On peut très bien se réveiller demain avec, en chine par exemple, une mesure autoritaire d interdiction du rentier sans prendre en compte le risque que cette fonction perdure en etant assurée par un acteur centralisé autoritaire.
« Le capitalisme est entrée dans une phase d’auto destruction », conclut Paul Jorion au terme d’un exposé de sa définition. Phrase lourde de conséquences, qui a le mérite de permettre la compréhension de ce qui est en train de se passer sous nos yeux. Non pas déroulement d’un plan préparé à l’avance, mais l’enclenchement d’un processus, l’incapacité du capitalisme financier à trouver une solution au problème qu’il a lui-même crée. En effet, enclencher un processus ne le conclut pas. C’est le commencement de la fin, dit-on, sans que celle-ci soit nécessairement discernable. Sans qu’un clou identifié puisse avec certitude chasser l’autre.
Quel est ce processus ? Si l’on ne veut pas distribuer autrement les surplus d’une activité économique, dont les aspects destructeurs prennent des proportions problématiques, qui assimile émancipation à consommation, faisant des citoyens des consommateurs aliénés et soumis à un contrôle social rampant étendu, et qui rejette une partie de plus en plus importante de ces mêmes citoyens, qui en perdent jusqu’à leur statut pour certains, pour cause d’une insolvabilité qu’elles créent par ailleurs, nos sociétés s’enfoncent lentement dans ce que l’on pourrait appeler une « excursion financière », par analogie avec les « excursions nucléaires » si redoutées.
Elles fonctionnent selon la boucle rétroactive du financement artificiel d’un endettement sans fin. Avec une conséquence qui sape les fondements même de l’économie productive, puisque le payement des intérêts de la dette prend de plus en plus le pas sur la consommation des produits. L’activité économique devient de plus en plus une activité financière de production de l’argent, et de l’argent par l’argent, et non plus une activité productive de biens et de services associés au bien-être de ceux qui en sont les consommateurs enchaînés. Conséquence : la quantité de travail disponible se raréfie au fur et à mesure que celle d’argent augmente et se concentre. Les ressources qui peuvent être affectées à la consommation reposent de plus en plus sur l’endettement. La société devient, à tous points de vue, de plus en plus précaire. Les financements issus de la création monétaire sont de plus en plus attribués à la consommation de biens dont l’utilité sociale n’est mesurée qu’en termes de surplus financier. La cohésion sociale de l’ensemble tend à reposer sur de nouveaux ciments qui sont amalgamés sous nos yeux.
Le phénomène, qui trouve son illustration et son origine dans les pays les plus « développés », en particulier dans ceux qui ont le plus enclenché le mécanisme de l’endettement (USA et Grande-Bretagne), a encore du champ devant lui pour son expansion. C’est ce qui explique que si la phase d’autodestruction est engagée, elle n’est pas terminée pour autant. C’est aussi ce qui explique le changement d’axe qui est en train de s’opérer sur la planète. Ainsi que l’ajustement majeur qui s’opère actuellement au sein de celui-ci. L’endettement des pays développés ne va plus exclusivement reposer sur un financement provenant des surplus commerciaux de la partie du monde en expansion productive, il va s’appuyer sur un autre mécanisme, la création monétaire des banques centrales, tant que le système bancaire ne sera pas réparé, que ses pertes n’auront été épongées…par la création monétaire se substituant à la dette publique.
La crise actuelle étant désormais permanente, il va falloir s’installer dedans, afin de pouvoir dire qu’elle est dépassée. Les pays émergents, après avoir appuyé leur développement sur l’exportation de leur production vers les pays développés, vont partiellement recentrer celui-ci sur leur marché intérieur, sur la production de nouveaux consommateurs, qui à leur tour vont devoir s’endetter…
Parmi les phénomènes qui illustrent au mieux cette situation général de crise permanente, il y a la construction systématique de murs, de barrières, de protections de toutes natures, physiques et électroniques, qui visent à protéger ceux que l’on peut appeler les nantis, qui s’isolent et se replient sur eux-mêmes. Il y a le développement, impétueux, de l’informalité économique et sociale, qui ne touche pas seulement les pays émergeants, au fur et à mesure que le monde se globalise, consacrant l’avènement de sociétés dans lesquelles ceux qui ne sont ni rejetés ni reconduits dans des privilèges devenus inatteignables sont stoppés dans leur ascension sociale et menacés de précarisation. L’informalité (c’est à dire l’activité échappant à la sphère de l’Etat), après avoir été révélée en bas et en force dans les pays émergeants et à échelle bien plus réduite dans les pays développés, est aujourd’hui découverte en haut, du fait de la crise financière et de ce qu’elle permet de constater d’agissements, de comportements, de privilèges considérés comme des dus et dont la disparition est inacceptable pour ceux qui en bénéficient.
Les centres off-shore, qui sont les refuges ultimes de l’informalité du haut, sont dénommés « paradis ». On ne saurait mieux signifier à ceux qui en sont exclus ce qui leur est réservé.
Là, c’est quand même beaucoup trop simple. D’abord parce qu’il y a de très grandes différences entre les entrepreneurs. Pour prendre juste un exemple : entre Total et la petite entreprise d’ostréiculture du Sud Bretagne touchée en 1999 par la marée noire de l’Erika, il y a un monde. Et on pourrait évidemment multiplier les exemples comme ça. Il y a aussi une très grande différence entre salariés. Les ouvrières de l’agro-alimentaire quelque part du côté de Locminé ou de Josselin (pour rester dans le Morbihan 😉 sont des salariées. Les traders de Wall Street ou de la City (ou même de telle banque dont le siège est à Brest) sont des salariés aussi. Je ne vois pas qu’ils aient les mêmes intérêts.
Autre chose : les travaux de Piketty et Saez sur les hauts revenus en France et aux USA montrent bien une progression de ces hauts-revenus. Mais ils ne parviennent pas à distinguer entre entrepreneurs et capitalistes, car les deux « classes » sont souvent confondues dans le haut des revenus. http://jourdan.ens.fr/piketty/_mpublic/ipublic.php
Ce qu’ils montrent c’est qu’il faut vraiment monter dans les plus hauts fractiles (P 99,99-100, soit les 0.01% les plus riches) pour que les revenus des capitaux mobiliers deviennent majoritaires. Jusqu’à P95-99 les salaires sont de très loins majoritaires dans les revenus (plus de 90%). Entre P99-99,99, la part des revenus du capital augmente mais s’ajoute à des revenus mixtes (honoraires). Autre manière (moins rigoureuse) de poser la question : Ernest Antoine Seillères, ex Pdt du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) est-il entrepreneur ou capitaliste ?
Ensuite, que signifie « les salariés, dont la part dans le partage du surplus ne cessa pas de diminuer ». S’il s’agit d’une diminution de la part de salaires dans la valeur ajoutée, la réponse doit être beaucoup plus nuancée. http://www.optimum-blog.net/post/2007/03/27/Repartition-capital-travail-:-les-trois-erreurs-dOlivier-Besancenot.
Voir aussi ici (payant) : http://www.leconomiepolitique.fr/salaires-et-valeur-ajoutee_fr_art_819_41934.html
En gros, ce que dit ce dernier papier c’est qu’il y a bien eu une « bulle actionnariale » dans la période récente, mais qui s’est faite au détriment de l’investissement plutôt qu’au détriment des salaires. La question est moins celle du partage de la VA entre « travail » et « capital » que celle du partage des profits (après paiement des salaires donc) entre dividendes et investissements. Même des entreprises dont les profits n’étaient pas forcément mirobolants continuaient à verser des dividendes élevés à des actionnaires… dont les dirigeants faisaient eux-même partie (il fallait assurer les fameux 15% de rendement sur fonds propres). Pour assurer quand même le minimum d’investissement, les entreprises recouraient à l’emprunt engendrant ainsi une économie d’endettement. Au final, les salariés vont bien finir par payer (par le chômage, etc.) mais pas tellement parce que la part de leurs salaires dans le partage de la VA avait diminué, plutôt parce que les entreprises ont préféré la jouissance immédiate pour quelques uns (le « bling bling » d’une petite caste de dirigeants) plutôt que l’investissement (R& D…) assurant aussi les emplois de demain…
Une bonne petite guerre économique remettra tous ça en ordre de marche.
Au fait la Chine s’est déja allié aux USA depuis un bon moment, de vrais jumeaux inséparables.
Eclairage complémentaire
Les « surplus » financiers ont de plus en plus pour origine, c’était le principe même du « casino » qui est actuellement en faillite, non pas la production de biens et de services, mais les « services financiers » eux-mêmes. Tout étant bon à prendre, ils continuent néanmoins d’être dégagés de l’activité productrice.
Avec le paradoxe que leur montant virtuel est devenu si gigantesque qu’il ne peut plus être réalisé que marginalement. En d’autre terme que l’argent, conçu pour faciliter les échanges de biens et de produits, dans son processus d’accumulation virtuel actuel, est désormais à la recherche de son propre usage qu’il ne peut plus trouver. Ayant comme seule logique la reproduction du mécanisme qui le génère à grande échelle. Comme chacun sait, les « profitateurs » (ceux qui captent le profit), ne savent plus quoi faire de leur argent. Avec comme unique dilemme le risque de partiellement le perdre, ce qui ne les affecte que « virtuellement », ou d’en gagner encore plus, sans savoir à nouveau ce qu’ils vont en faire.
Une seule question centrale se pose logiquement à eux. Comment relancer le casino, avec quelles nouvelles règles, afin d’éviter de faire à nouveau sauter la banque ? Ainsi que deux questions subsidiaires : comment stabiliser le processus destructeur des ressources avant qu’il ne soit trop tard ? Quel ciment social faut-il utiliser pour assurer la cohésion sociale nécessaire à l’équilibre de l’édifice financier ?