L’actualité de la crise : Une « philosophie » régulatrice bien américaine, par François Leclerc

Billet invité.

UNE « PHILOSOPHIE » REGULATRICE BIEN AMERICAINE

Le journal Le Monde d’aujourd’hui vendredi a publié des informations à propos du G20, en provenance du site payant d’information économique et financière breakingnews.com, qui s’appuie sur un document de travail de préparation du sommet, dont il annonce avoir obtenu copie. En 24 points, ce document énumérerait le schéma des mesures de régulation que les chefs d’Etat pourraient décider le 2 avril prochain. Quatre têtes de chapitre permettent de les regrouper, selon le site d’information. Des mesures préventives de détection des bulles sur les marchés en premier lieu, des outils pour les faire éclater, le renforcement des fonds propres et des réserves des banques, une fois la crise terminée, enfin une meilleure gestion du risque et une modification des pratiques en matière de rémunération des dirigeants.

Dans l’attente de connaître ces mesures dans le détail, il est difficile de porter un jugement sur celles-ci et de suivre l’analyse de breakingnews.com, qui estime bien rapidement que « le schéma d’ensemble du plan semble tenir franchement la route », satisfaisant en tout cas ses démons habituels. On peut toutefois remarquer qu’elles semblent fortement s’inspirer de la « philosophie » américaine déjà exposée, prioritairement axée sur la prévention des risques systémiques et la surveillance des acteurs les plus importants du marchés. On est a priori dans le « plus jamais cela », mais tout à la surface des choses. Avec quelques mesures « éthiques » destinées au grand public en plus.

En réalité, sans pouvoir pronostiquer quoi que ce soit, d’autres projets sont dans les cartons. La création de chambres de compensation des CDS, par exemple. Le retour a d’anciennes réglementations de limitation des ventes à découvert, également, qui avaient été détournées avant d’être supprimées (et provisoirement réintroduites concernant les valeurs financières sur certaines places).

Des informations sont en effet parues aux USA, notamment sur l’agence Bloomberg, selon lesquelles la chute de Lehman Brothers aurait été précipitée par des ventes massives à découvert. Il faut dire que, selon un rapport de l’inspecteur général de la SEC, David Kotz, si quelque 5.000 plaintes ont été déposées entre janvier 2007 et juin 2008 à propos de ces pratiques, aucune n’a abouti à une quelconque action. Selon lui, la manière dont la SEC instruit ces plaintes y fait obstacle. « Les ventes à découvert abusives sont comme de l’essence versée sur le feu des actions et des marchés en détresse », a déclaré le sénateur démocrate Ted Kaufman, l’un de ceux qui soutiennent la réintroduction de l’« uptick rule » évoquée plus haut (pas de vente à un prix inférieur à celui précédemment pratiqué pour la même valeur). La SEC a quant à elle bien annoncé en septembre dernier qu’elle allait mener une enquête à propos de « possibles manipulations sur les valeurs de certaines institutions financières », mais rien n’en est à ce jour sorti.

L’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), qui regroupe les régulateurs des principales bourses dans le monde, a de son côté publié hier jeudi des recommandations générales à propos de la régulation des fonds spéculatifs. Kathleen Casey, présidente du comité technique ayant rédigé le document, s’est elle aussi inscrite dans cette même « philosophie », reconnaissant « le rôle que les fonds spéculatifs peuvent jouer dans l’amplification des crises », mais déclarant également reconnaître leur contribution à « la liquidité du marché », une vieille lune qui nous est resservie réchauffée.

La FSA, l’autorité britannique des marchés, ne pouvait être en reste vu la tenue à Londres du sommet et les suspicions qui pèsent sur la City, où sont basés de nombreux hedge funds. Elle a annoncé des mesures de régulation de ceux-ci présentées comme ambitieuses, mais attendons de voir. Nicolas Sarkozy vient d’ailleurs d’épingler le cas des Iles Caïmans et des Shetlands… et celui de Hong Kong et de Macao du côté chinois, histoire de reporter l’attention ailleurs.

Car du côté des paradis fiscaux, précisément, la baudruche se dégonfle comme prévu, avec la sortie de leur liste tenue par l’OCDE de l’Autriche, du Luxembourg et de la Belgique, membres de l’Union Européenne, rejoint dans un deuxième temps par la Suisse pour ne pas faire de jaloux. On est les pieds joints dans la glaise de la politique et pas dans les sphères de la haute finance. C’était pourtant la mesure phare des Allemands et des Français pour ce G20, de profundis.

Enfin, il y a à ma connaissance silence radio sur la question de la révision des normes comptables, après l’intervention en force des institutions financières américaines à ce propos sans doute parce que cette mesure faisait un peu trop tour de passe-passe et que le G20 est un haut-parleur trop puissant pour l’annoncer. C’est pourtant cette mesure que les financiers attendent le plus, et avec impatience comme ils l’ont fait savoir publiquement aux USA, pour marquer coup. On a quand même appris aujourd’hui que François Fillon, premier ministre français, se rendait aux USA dès dimanche, en vue de préparer le G20. Il défendra les thèmes généraux de la régulation des hedge funds, de la transparence des paradis fiscaux, de l’harmonisation internationale des rémunérations et… la « modernisation des normes comptables ». C’est décidemment une affaire à suivre.

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45 réponses à “L’actualité de la crise : Une « philosophie » régulatrice bien américaine, par François Leclerc”

  1. Avatar de Auguste
    Auguste


    http://www.treasurydirect.gov/govt/resources/faq/faq_publicdebt.htm

    What’s the difference between the Public Debt Outstanding and the Public Debt Subject to Limit?
    The Public Debt Outstanding represents the face amount or principal amount of marketable and non-marketable securities currently outstanding. The Public Debt Subject to Limit is the maximum amount of money the Government is allowed to borrow without receiving additional authority from Congress.
    Furthermore, the Public Debt Subject to Limit is the Public Debt Outstanding
    adjusted for Unamortized Discount on Treasury Bills and Zero Coupon Treasury Bonds, Miscellaneous debt (very old debt), Debt held by the Federal Financing Bank and Guaranteed Debt.

    Au prochain clic
    je poursuivrai l’investigation sur « Federal Financing Bank »

  2. Avatar de Auguste
    Auguste

    A premiere vue il s’agit d’obligations émises par des entités
    telles que U.S Postal Service (La Poste), des petites cies d’elec etc.
    avec la garantie de l’Etat

    FFB holdings of obligations issued, sold or guaranteed by other Federal agencies totaled $44.2 billion on January 31, 2009


    http://www.ustreas.gov/ffb/press_releases/2009/02-2009.shtml
    Cette voie est epuisee
    Elle ne présente plus d’interêt
    Il faut revenir en arriere
    Voir s’il n’y a pas d’autres pistes à suivre

  3. Avatar de Jef
    Jef

    Ah, ce n’est pas très grave, s’aimer soit même est déjà important.

    Pour le reste, seule compte la Debt held by the public, http://www.treasurydirect.gov/NP/BPDLogin?application=np , donc comme vous le voyez encore quelques T$ de dispo avant le grand saut, les autres engagements, surtout retraite, n’étant que moraux or il n’y a rien de moral dans toute cette histoire.

    Mais ne cherchez pas plus longtemps, Guillaume n’est déjà plus très blanc. Hé oui, il a contribué à vendre pour 30M$ de TB aux Chinois, qui n’ont pas voulu se bruler les doigts très longtemps avec ce vilain papier et ont donc racheté à vil prix des minières aux Australien, histoire d’organiser un peu le futur à leur avantage. Des minières et des énergétiques qui valaient des milliards rachetés avec du papier toilettes,

    Pauvre Guillaume…

    Pauvre Guillaume…

  4. Avatar de Auguste
    Auguste

    Déjà, sauf erreur de ma part,
    ce « Bureau Of The Public Debt »
    assure — un peu dans l’esprit INSEE (en France : Institut de la Statistique)
    une sorte de recencement complet de la Dette des Usa

    Complet ou pas … à vérifier
    J’ai lu $5 trillions

    Je fais un saut à Federal Reserve Bank of NewYork

  5. Avatar de Auguste
    Auguste

    @ Jef
    Je n’ai pas tout compris dans ce que vous écrivez aux blogueurs
    30M$ de Treasury Bonds … milliards ? … n’est-ce pas peanuts ?

    Précisément vous écrivez Guillaume (Obama) a contribué à « vendre » …
    Contribuer comment ? … et « vendre » n’auriez-vous pas une autre formulation ? …
    … via quel canal ?

  6. Avatar de Jef
    Jef

    Epargnez-vous cette peine, mon ami, tout est là : http://www.federalreserve.gov/releases/z1/Current/z1r-2.pdf

    Mise à jour T4 2008 svp.

  7. Avatar de Jef
    Jef

    Bon, à mon tour de m’occuper de mon mur, bonne soirée.

  8. Avatar de Auguste
    Auguste

    Je suis désolé,
    votre tableau de chiffres sans propriétaire ou détenteur de créances
    est sans objet par rapport à la question posée

    Sauf erreur de ma part, à ce stade
    (je suis prêt à réviser ma position s’il y a lieu)
    l’essentiel de ce qui se trouve être accessible onshore
    est ici

    en.wikipedia.org/wiki/Federal_Reserve_Bank_of_New_York

  9. Avatar de Auguste
    Auguste

    et voici son site officiel
    http://www.newyorkfed.org

    Le graphique des FedFunds en haut à droite.

    Un website d’une toute ampleur
    que celui des malheureux comptables du Bureau of the Public Debt au sein de la « Treasury@Washington »

  10. Avatar de Jef
    Jef

    Ok, sérieux, de toute façon j’ai du mal avec la peinture.

    Oui, ce site est top, en tout cas pour NY.

    Sinon ce bilan global FED réactualisé en permanence est plein d’infos aussi :
    http://www.federalreserve.gov/releases/h41/Current/

    Perso j’aime bien le synthétique Féderal Reserve pour la mise à jour des grands équilibres de la dette US. On peut d’ailleurs, en ne s’attachant pas trop aux détails, dégager des points importants sur la vue d’ensemble :

    Le point le plus important est le suivant : le désendettement ne s’opère pas.

    La dette sur les crédits immobiliers des particuliers, malgré un nombre de saisies records en 2008, ne bouge quasiment pas, 10.4 T$.
    Je pense que ça s’explique par leurs systèmes de crédits type in fine, et par les tentatives, importantes depuis quelques mois, de renégociation des crédits qui repoussent les dettes (la plus grosse activité de financement du moment…).

    Ensuite la dette sur les crédits à la consommation ne bouge pas non plus, ce qui parait logique compte tenu des taux monstrueux pratiqués sur ce type de crédit : 2.6T$.

    Donc les ménages sont toujours autant endettés !!! (ou insolvables comme on veut…)

    Ensuite les entreprises et le secteur financier : là aussi, malgré les faillites, leur dette respective n’a jamais été aussi haute : 11.1T$ et 17.2$

    Maintenant l’état : et là, c’est le pompon, la dette publique explose, 6.3T$, pour la partie de la dette qui compte vraiment.
    Et les choses ne s’arrangent pas depuis le début de l’année : http://www.treasurydirect.gov/NP/BPDLogin?application=np

    Pour conclure : on pouvait s’attendre à un transfert de la dette des ménages, des entreprises et du secteur financier vers la dette publique, mais pas du tout !!!

    Non seulement la dette dans tous les secteurs de l’économie US est soit stable soit en augmentation, mais en plus, la dette publique augmente à toute vitesse, avec tous les risques potentiels à horizon 2 ans dont on parle depuis un moment (désordres monétaires…).

    Résultat des courses : la dette globale s’élève à fin 2008 à 52.6T$, soit par rapport à un PIB de 14.2T$, 369% (moyenne long terme soutenable, environ 150%…)

    Avec un PIB US qui va diminuer cette année et une dette globale qui ne bouge pas, voir qui augmente, on imagine la suite.

    Pour les détenturs de créances, je me ballade dans les auction results (primay dealers, foreign…) qui m’interessent. Et en ce moment à raisons de plusieurs centaines de milliards par mois ce n’est pas ce qui manque (500 milliard rien qu’en mars : http://www.treasurydirect.gov/RT/RTGateway?page=institAuctFund , et il en manque.)

  11. Avatar de Auguste
    Auguste

    Eh bien ! Vous êtes un vrai champion !
    Je m’incline
    Merci pour vos precieuses evaluations et syntheses.
    Un seau de petales de roses !
    Cela vous irait-il ?

    Le biclown
    – – – – – – – –
    NewYork, pour moi, c’était il y a très très longtemps
    Mon premier enfant c’est en cette ville que je l’ai « reçu »
    @ Lenox Hill Hospital
    Je ne savais pas comment l’appeler.
    est restée 3 jours avec « babygirl » au poignet

  12. Avatar de LeClownBlanc
    LeClownBlanc

    @ Jef
    Désormais, quelle attitude avoir à l’égard de l’L’Economie en Questions sur France Culture ?
    Olivier Pastre !
    Depuis decembre j’ai fait ce que j’ai pu l’éclairer, d’abord par courrier personnel puis par courriels personnels.
    Maintenant trop c’est trop !
    Rhetorique … Retour à l’autorégulation des marchés … Suspendre certaines normes …
    Imaginitude pour faire comme si il y avait un début d’imagination dans son propos.
    C’est niveau Aubry-Juppé
    Ses vues et propositions sont à la fois contreperformantes, old-style, novlangue, néfastes
    Allez zou … avec Brice Couturier
    Eventuellement 5 minutes ici ou là pour suivre où en sont « les officiels de RadioVichy_PsUmp »
    faisant semblant de s’adapter ou croyant comprendre on ne sait trop quoi.

    Cette reflexion me vient fortuitement parce que je viens de lire l’URL que vous proposiez

    archives.lesechos.fr/archives/2008/lesechos.fr/09/17/300293558.htm

    Aurais-je trop souvent pas assez d’a priori ?
    Ce papier des Echos ne vaut rien. Que permet-il de comprendre ? d’apprendre ?
    l’existence d’une opération ? … et alors ?
    La dépêche de l’AFP suffit.
    Nul besoin des économistes-journalistes des medias dominants.
    Ils ne font qu’encombrer l’espace médiatique et rendre beaucoup plus lointaine la saisie des faits.
    Quelle attitude ?
    Hors des habitudes. En dehors des rails.

  13. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    J’ai relevé dans Le Monde daté du 21 mars 2009 ce commentaire de J.-P. Fitoussi,
    conseiller économique du président Sarkozy :

    « ..Contrairement aux années 30 les gouvernements font quelque chose alors
    il se passera quelque chose. »

    Ce monsieur Fitoussi a vraiment beaucoup d’humour.

    .

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