L’annonce de la mort du capitalisme est-elle prématurée ?

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Certains me demandent : « Fin du capitalisme ? Vous n’exagérez pas ? » La réponse est non : je ne fais jamais dans l’alarmisme. Et je suis très prudent quant à mes titres.

Souvenez-vous de mon premier blog intitulé Le déclenchement de la crise du capitalisme américain, il faisait suite à un courrier que j’avais envoyé à mes amis du MAUSS (Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales) quelques jours auparavant. Regardez bien la date : le 28 février 2007. Croyez-vous que j’aie eu à regretter depuis mon titre « tonitruant », voire « alarmiste », ou même la date que j’avais choisie ?

Le « quantitative easing » de 300 milliards $, accompagné d’un relèvement du plafond des achats de Residential Mortgage-Backed Securities (RMBS) émises par Freddie Mac et Fannie Mae de 500 milliards $ à 1.150 milliards $ et l’achat possible de 200 milliards de leur dette (tous produits dont les Chinois continuent de se délester rapidement dans un contexte où l’immobilier résidentiel américain poursuit sa plongée), c’est bien entendu la guerre ouverte avec ceux qui possèdent dans leurs coffres des quantités énormes de dollars : en particulier la Chine, le Japon, le Corée et Taiwan.

Mais ce n’est certainement pas une mesure prise de gaieté de cœur, car le moment n’est pas bien choisi – c’est le moins qu’on puisse dire ! – pour les États–Unis de déclarer la guerre à la Chine, c’est tout simplement parce qu’avec des taux courts déjà à zéro, on est bien obligé de passer de la très mauvaise arme qu’est la manipulation des taux d’intérêt à une arme pire encore : créer de l’argent non pas parce que de la richesse a été créée mais simplement parce qu’on en manque : parce que trop de reconnaissances de dettes étaient des serments d’ivrogne. C’est une mesure désespérée, et c’est pour cela que j’évoque la « fin du capitalisme » : on brûle la dernière cartouche. Une fois constaté que le « quantitative easing » n’a rien donné (ou a donné le contraire de ce qu’on espérait), il n’existe plus de stratégie de rechange.

Les États–Unis auraient pu emprunter la voie d’un New Deal, et l’on serait resté dans le cadre d’une « posture C », au sens de Granier : le système ancien se serait métamorphosé en un nouveau système. Au lieu de cela, l’Amérique tente en ce moment (merci Mrs. Geithner et Summers) de sauver le navire d’un capitalisme pur et dur, mais le bateau sombre à vive allure, et les premières mesures du Président Obama sont, il faut bien le constater, un cafouillage affligeant bien que d’un montant faramineux. En s’accrochant au rêve de la « posture B » (le système retrouvera, bien que difficilement, sa forme originelle) grâce au recours promis aux armes secrètes que sont la suppression de la « cote-au-marché » (on inventera désormais de toutes pièces les chiffres comptables) et l’interdiction de la vente à découvert (qui permettra aux prix de se contenter de grimper), l’administration Obama, capitulant devant le monde des affaires, assure le succès de la « posture D » : le système actuel est irrécupérable et sera remplacé par quelque chose d’entièrement neuf. Notez bien : ce n’est pas moi qui suis en train de changer d’opinion et de passer de C à D : c’est le monde, avec l’aide bienveillante – et j’en suis sûr, sonnante et trébuchante – de la US Chamber of Commerce.

La Chine laissera tomber le capitalisme quand ça lui chante (d’où les avertissements récents portant sur des velléités d’un nouveau Tien-An-Men) et reprendra d’un bon pas sa marche vers un collectivisme plus déterminé que jamais. L’Europe elle, contrainte et forcée, repart à cent à l’heure vers la social-démocratie… qui se fera sans les socialistes bien entendu, qui n’ont toujours pas compris ce qui est en train de se passer !

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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95 réponses à “L’annonce de la mort du capitalisme est-elle prématurée ?

  1. Avatar de JeanLuc
    JeanLuc

    Ceci dit, pour l’instant la situation est « stable », il n’est pas certain que le 18 mars soit la date que retiendra l’histoire mais plutôt le moment de l’effondrement visible.

  2. Avatar de Blob
    Blob

    Tout cela me rappelle la thèse défendue par Arno J Mayer dans La Persistance de l’Ancien Régime. L’Europe de 1848 à la Grande Guerre: pour lui, les élites Européennes avaient délibérament poussé à la Grande Guerre en 1914, afin de profiter du chaos pour conserver leur position dominante.

    Quand à la Chine, je ne pense pas que l’on puisse avoir vraiment un retour vers le communisme version maoiste: peut être par contre, en cas de crise sociale grave peut il y avoir une bascule vers une sorte de confusianisme élitiste, associant la technocratie communiste à la restauration sous une forme ou une autre de l’ancien ordre social chinois.

    Je suis frappé par le retour dans la culture populaire chinoise des oeuvres classiques, qui, souvent, avaient été écarté par le PCC comme autant de vieilleries réactionnaires.

  3. Avatar de Navarre
    Navarre

    Si vous devez choisir entre la guerre civile chez vous (modèle Gettysburg, pas Watts) et la même chez les autres, vous choisissez quoi?
    Pour un admirateur de Lincoln le choix est vite fait, (s’il pilote vraiment ce Titanic).

    La Chine, la Chine, plus probablement « les Chines » à moyen terme non?
    Je parierais pas sur le nombre de trois, et non, j’ai pas vu le film qui sort vraiment au moment opportun.

  4. Avatar de Blob
    Blob

    >Navarre

    Je ne crois pas à une explosion de la Chine: bien au contraire, jamais dans son histoire, ce pays n’a réussi à atteindre une telle unité.
    Dans l’imaginaire chinois, le PCC gardera sans doute une place importante, parce qu’il a réussi ce qu’aucun régime auparavant n’avait réussi: construire une nation chinoise ancrée dans le coeur des Chinois.

    Par contre, il n’est pas impossible que la Chine connaisse dans les années à venir des troubles très importants, peut être pouvant balayer le régime tel que nous le connaissons.

    Je crains que dans ce cas, le successeur du PCC ne soit pire, selon les critères occidentaux.

  5. Avatar de barbe-toute-bleue
    barbe-toute-bleue

    Je n’étais pas sûr d’avoir bien lu le message dans le post précedent. J’ai cru qu’il manquait une donnée, que 300 milliards n’avait pas de sens tout seul, qu’il devait vraiment y avoir autre chose en dessous pour s’arranger.

    Non, c’est du frontal.

    Eh ben, c’est vraiment de la bonne prise de responsabilité au sommet du pouvoir US. Ils sont magnifiques. Ils coulent le bateau.

  6. Avatar de FabCH
    FabCH

    Paul,

    peut être serait-il judicieux de présenter plus clairement votre définition du capitalisme en tant que système historique ?! Ainsi vos lecteurs (et donc moi-même) seront plus à même d’appréhender la portée de votre annonce mortuaire…

  7. Avatar de DTX
    DTX

    j’ai cru moi aussi un moment que les anglosaxons seraient assez raisonnables pour choisir C
    apparemment c’est D qui se profile à l’horizon…vous avez raison
    nous allons passés en effet, d’une mutation douce à une mutation bien plus brutale du capitalisme
    cette brutalité dépendra à mon avis des conséquences du QE sur le capitalisme actuel, à ce sujet pouvez vous clarifier votre pensée :
    « Une fois constaté que le « quantitative easing » n’a rien donné (ou a donné le contraire de ce qu’on espérait), il n’existe plus de stratégie de rechange. »
    puisque les conséquences de celui ci modèleront certainement notre futur,
    il serait interessant d’en débattre…
    @+

  8. Avatar de Mikael EON
    Mikael EON

    Peu assuré de bien comprendre les divers mécanismes évoqués dans vos posts j’aimerais que l’un de vous se dévoue et fasse œuvre de pédagogie basique.

    Comment peut-on passer du constat d’un rachat de la dette US par la FED, à la conclusion d’une mort du capitalisme?
    Comment démontrer que le remède de cheval va tuer la bête?

    A l’intention des « nuls » en la matière, dont je suis, merci d’expliquer pourquoi je dois abandonner ma contine du matin:
    « Your Mammon still loves you ! » (lol)

  9. Avatar de J. Halpern

    Comme le relève FabCH il faudrait préciser de quel « capitalisme » vous dressez l’acte mortuaire. Pour le moment, je ne comprends pas (mais j’y viendrais peut-être après plus de réflexion) pourquoi la monétisation ouverte de la dette publique représenterait un saut qualitatif dans la crise. Elle n’est d’ailleurs pas sans précédent, en temps de guerre en particulier. Elle présente même l’avantage de réduire le poids de la dette publique. Quant au retrait des capitaux chinois, il est inscrit depuis longtemps dans le processus de déflation des actifs américains – et cette perspective montre que nous n’avons encore assisté qu’aux prodromes de la crise. L’effondrement du dollar marquera effectivement l’entrée dans l’Acte II – d’autant plus que l’Europe joue la politique du pire. Sans jouer les augures, on peut imaginer que le bouleversement qui se prépare soit le laboratoire de nouvelles configurations socio-économiques, comme dans les années 30 où se testaient le Nazisme, le Stalinisme , le Front populaire et le New Deal. Mais même dans ce cas de figure, nous en aurions pas fini avec le capitalisme (économie monétaire basée sur la propriété privée et l’accumulation du capital, pour faire vite), mais avec une forme particulière (un « mode de régulation ») de ce capitalisme.

  10. Avatar de dissy
    dissy

    Je ne crois pas que l’hyperinflation viendra jusqu’en Europe..même aux USA je n’y crois pas trop …si l’inflation augmente dans les disons ’10 pct’..ils vont augmenter fortement les taux d’intérèts pour la faire descendre et cela marchera..par contre je crains fort que cela n’empêche durablement toute vraie reprise réelle et solide…la croissance à 3 pct aux USA c’est fini pour dix ans…entre 0.1 et 1.5 maxi quand il y en aura…en Europe encore pire ,même 2 pct de croissance on ne verra plus jamais cela ou avant bien longtemps..et comme 2.5 pct est le seuil qui déclenche vraiment de sérieuses créations d’emplois,je crois que nous rentrons dans une décénnie au moins de chômage massif…le plein emploi en 2012 de Sarkozy..aux oubliettes ..le travailler plus pour gagner plus idem…sans parler des heures sup défiscalisées qui si une mini reprise venait à s’amorcer,la tuera dans l’oeuf..les patrons préférants faire travailler plus leurs employés que d’en engager d’autres encore moins en CDI…en résumé pas d’hyperinflation,pas d’émeutes,mais quasi plus de croissance créatrice d’emplois pendant très longtemps..et tous les (faux)plans de relance ne vont rien y faire (beaucoup trop à long terme)…par contre j’ai peur de l’OPEP et des spéculateurs sur les commodities car ils vont essayer à la moindre lueur de croissance de s’en remettre plein les poches sur notre dos et nous replonger dans une nouvelle crise encore pire que l’actuelle..l’énergie verte tout cela c’est de la désinformation cela va créer très peu de job de plus le réchauffement n’est pas du tout prouvé…
    Une question Mr Jorion:si une banque majeure fait faillite par ‘hasard’ et qu’il est trop tard pour l’en empécher,quelles peuvent être les conséquences sur le système?Pas forcément une banque US…merci

  11. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    « Le système actuel est irrécupérable et sera remplacé par quelque chose d’entièrement neuf », dit à juste titre Paul Jorion. Il devient clair, en effet, que la tentative de faire tout repartir comme avant, en un peu mieux, échappe actuellement des doigts de ses artisans américains. C’est la seule manière de comprendre l’incapacité dans laquelle se trouve Tim Geithner de produire son plan de sauvetage des institutions financières et qu’il fonctionne.

    L’administration Obama s’enfonce dans ce que j’ai déjà eu l’occasion d’appeler la « crise permanente », ne sachant pas le qualifier autrement. Certains, de plus en plus nombreux, se réfèrent à la « trappe à liquidité » de Keynes et au Japon qui en est l’illustration, encore aujourd’hui, pour trouver un point d’appui intellectuel et raisonné. Un séminaire du FMI vient de se tenir à Washington sur le thème de la « décennie perdue », entièrement consacré à ce thème. Mais ce que nous vivons a désormais une dimension mondiale, qui nous emmène dans l’inconnu. Sans compter que l’économie Japonaise et américaine étaient et restent fort différentes.

    Dans la phrase de Paul Jorion, qui sonne comme une sentence mais dont il a raison de faire remarquer que ce n’est pas lui qui la prononce, c’est le « entièrement neuf » qui m’interroge. L’idée d’un système qui ne serait plus capitaliste, puisque sa fin est en train d’arriver, et qui serait donc autre chose, mais quoi ?

    Une autre hypothèse ne me paraît pas pouvoir être à ce stade écartée. Qui s’appuie sur le même constat de la même impasse. Considérant que nous allons nous installer inconfortablement dans cette crise, qui va encore s’approfondir et demander des interventions incessantes et répétitives des Etats, sur le mode du sauvetage d’un côté et de la relance de l’autre. Et que cela va durer ainsi, sans que le capitalisme financier d’hier puisse retrouver ses couleurs, durablement replié sur des positions qui n’étaient pas préparées à l’avance, mais qui sont tenables dans la durée. Le capitalisme va marcher en crabe, sur trois pattes disent les garagistes diagnostiquant un défaut d’allumage. Sans qu’émerge pour ce temps-là, à l’échelle mondiale s’il vous plait, un nouveau monde, ou plutôt une nouvelle manière de le faire fonctionner. Avec une issue qui reste imprévisible, mais qui ne tombera pas nécessairement du bon côté. « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde », a écrit Bertolt Brecht dans un tout autre contexte.

    J’observe pour ma part dans nos sociétés, en creux souvent, se dessiner à la fois des sorties par le haut et par le bas de la crise (de mon point de vue). Par le bas, ce n’est pas très attractif. En attendant , l’Etat va continuer d’intervenir, puisant dans ses grands coffres vides du bout des doigts pour ne pas déranger les « topRéseaux » (©ï¡¿ LeClownBlanc). Etendant autant que faire se peut son contrôle de la société, ultime garant d’un ordre que l’argent ne parvient plus à ordonner à convenance, de même manière qu’il se révèle le dernier garant du fonctionnement de l’économie.

  12. Avatar de dissy
    dissy

    Mr Jorion croyez vous qu’une guerre (régionale ou ..)puisse ètre utilisée comme ultime sortie pour faire accepter tout ceci au peuple et détourner l’attention de celui ci?Et si oui contre qui et pour quel motif?La configuration actuelle avec netanyanou au pouvoir en Israel n’est elle pas dangereuse?Ne pensez vous pas que les US vont essayer de foutre les chinois dehors d’Afrique ,continent qu’ils sont entrain d’acheter pour les matières premières dont ils ont tant besoin?
    Ne faudrait il pas mieux rediaboliser soit la Russie soit la Chine soit les deux afin de retrouver une configuration d’avant chute du mur de Berlin?Ne serait ce pas la raison de l’entrée de la France dans l’Otan subitement ?

  13. Avatar de Philippe Deltombe
    Philippe Deltombe

    Scenario B, C, ou D?
    Giuseppe Tomasi di Lampedusa et son cher Principe Fabrizio Salina (Guépard) les ont évoqués sans les connaître mais semblent exclure le C, comme Paul Jorion.

    « Se vogliamo che tutto rimanga com’è, bisogna che tutto cambi » (Prince Salina)
    “Si nous voulons que tout reste en l’état, il faut tout changer”.

    Affirmation cynique et désanchantée (type B a priori) préalable à une autre, moins citée, celle de l’immutabilité des rapports de force dans le coeur de la Sicile éternelle.
    “Ils empireront”, estime même Lampedusa/Salina (terrifiant mélange de B + D).

    «Tutto questo non dovrebbe poter durare; peró durerà, sempre; il sempre umano, beninteso, un secolo, due secoli…; e dopo sarà diverso, ma peggiore. Noi fummo i Gattopardi, i Leoni; quelli che ci sostituiranno saranno gli sciacalletti, le iene; e tutti quanti Gattopardi, sciacalli e pecore continueremo a crederci il sale della terra».
    “Tout ceci (l’expédition Garibaldi et ses suites) ne devrait pas pouvoir durer; mais cela durera, toujours; un toujours humain, cela va sans dire, un siècle ou deux…; après ce sera différent mais pire. Nous étions les Guépards, les Lions; ceux qui nous remplaceront seront les chacals, les hyènes; et tous, guépards, chacals et moutons, nous continuerons à croire que nous sommes le sel de la terre.”

    @Paul Jorion et @tous

    Je crois que vous pourriez poursuivre, transposée dans notre monde si différent et si semblable, la conversation désabusée de Salina – que rien, ou si peu, n’est encore venu contredire

  14. Avatar de scaringella
    scaringella

    La question interessante devient donc: Quel est le futur systeme qui permettra comme les precedents a une minorite de spolier la majorite? Car tous les systemes sociaux evoluent vers cet etat de princes et de serfs. Ce n’ est qu a ce stade qu’ un nouveau paradigme apparait, ce met en place en deux a trois generations et …. commence a imploser. Quel est ce systeme POLITIQUE de demain qui permettra de creer la nouvelle elite royale de demain? Il me semble que les systeme europeen ou le pouvoir est hors de controle des citoyens a de l’ avenir. Bien relaye par des etats qui ne sont plus que des courroies de transmission de la « realite » fabriquee a Bruxelle. Je conseille aux jeunes de faire du droit europeen et international car c’ est la que seront les bonnes places de demain. Pas dans les sciences submergees par les armees d’ ingenieurs et scienteux asiatiques.

  15. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    @ Philippe Deltombe

    Très joli rappel.

  16. Avatar de bob
    bob

    C’est sur qu’il va y avoir du changment car le capitalisme a toujours su s’adapter à son environnement,
    il possède une capacité d’adaptation incroyable. Même si Obama n’a pas réussi en 2 mois a remettre
    l’économie US sur le bon chemin, je ne pense pas que ce soit la fin du capitalisme.
    Les démocraties capitalistes occidentales ont affronté beaucoup de crises depuis 2 siècles et
    elles se sont adaptées face à l’adversité.

    Mais je suis certainement d’accord avec vous quand vous remettez en cause la bêtise et l’incompétence
    de nos dirigeants politiques et économiques face à cette nécessaire mutation du capitalisme.

    Dans le classement de cette incompétence, je placerais volontier le couple Juncker-Barroso
    qui défendent des intêret corporatistes.

    Par contre, Obama me semble suffisament intelligent et bien conseillé pour sortir progressivement les USA
    de l’ornière même si lui aussi est soumis à la pression des lobbys.

    Dans tous les cas si les choses n’avancent pas il faudra bien que la collectivité face évoluer le capitalisme
    vers plus de cohérence et d’efficacité.

  17. Avatar de bob
    bob

    @blob:
    c’est vrai ce que vous dites, si la Chine ne relance pas ça consommation intérieure et si elle n’améliore pas les conditions sanitaires et sociales rapidement, ça risque de mal se passer pour ce pays cocopitalistes.

  18. Avatar de Hervé de Bressy

    J’ai dénoncé en mon temps (dans les cercles auxquels j’appartiens, et je dois l’admettre sans réaction d’intérêt détectable de mon auditoire), le mark-to-market comme un système de racket mis en place pour piller les entreprises au profit des fonds de pension anglo-saxons. Par le biais de la revalorisation de leurs actifs immobiliers, les entreprises se voyaient contraintes de constater des bénéfices virtuels, pour lesquels elles devaient verser des dividendes bien réels à leurs actionnaires. Ce faisant elles ont mis à mal leur fonds propres, masquant ce détournement de fonds par l’artifice comptable du mark-to-market, comme l’époux alcoolique qui remet de l’eau dans sa bouteille de vodka pour faire croire à son épouse qu’il n’y a pas touché…

    Pour moi, le mark-to-market et la bulle immobilière étaient intrinsèquement liés, l’un alimentant l’autre. C’était toute l’économie qui se retrouvait indexée sur le secteur immobilier, lequel ne représentait pourtant que 7 à 10% de l’activité… Un constructeur automobile avec de mauvaises ventes pouvait afficher d’excellents résultats, simplement parce que l’immobilier avait monté. Nous constatons aujourd’hui la mécanique inverse, où la mark-to-market contraint les sociétés à constater des pertes virtuelles tout aussi déconnectées de leur activité. La société propriétaire de son siège social de toute éternité a pu afficher des bénéfices durant la décennie écoulée de ce seul fait, et maintenant des pertes, sans qu’à aucun moment elle n’aie procédé à la moindre transaction immobilière : elle a gagné puis perdu de l’argent sans faire commerce…

    Le mark-to-market est donc une aberration qu’il faut abolir : la valeur d’un bien ne se calcule qu’en regard de la volonté de son propriétaire de le vendre et d’un acheteur potentiel de l’acquérir. En dehors d’un tel cas de figure, tout calcul de la valeur d’un bien est virtuelle et futile. On ne peut donner à un actif illiquide l’apparence de la liquidité. Autant comme par le passé laisser dans les comptes la valeur effectivement enregistrée lors de la dernière transaction, et ne constater la plus ou moins-value que lors de la transaction suivante.

    Seulement voilà, depuis l’instauration du mark-to-market dans la décennie 2000, les entreprises ont, souvent à leur corps défendant, utilisé cette règle comptable pour enfler démesurément (et virtuellement) leurs actifs. Nous sommes donc maintenant face à un choix cornélien : suspendre aujourd’hui le mark-to-market (ce dont nous semblons prendre le chemin) et laisser les sociétés afficher des bilans fantaisistes peu propices au retour à la confiance, ou bien maintenir cette règle et constater comptablement et juridiquement la faillite de la plupart des grands groupes, laquelle conduirait à leur liquidation et à la mise au chômage de leurs salariés.

    Dans la transition vers un nouveau système, nous devons donc réfléchir à un mécanisme permettant aux entreprises – dès lors que les actifs concernés sont détachés de leur activité première – de revenir comptablement à la dernière valeur de transaction effective de leurs actifs immobiliers, sans pour autant les contraindre à se déclarer en faillite. En ce qui concerne les valeurs mobilières (les « actifs toxiques »), il n’y aura malheureusement pas d’autre choix que de constater tôt ou tard les pertes.

    L’actionnariat ayant été éhontément bénéficiaire du systême, il doit aujourd’hui assumer les conséquences des risques qu’il a engendré. Pour les recapitaliser après avoir constaté les pertes comptables, la loi devra donc fortement encadrer et restreindre (comptablement et fiscalement) la distribution des dividendes par les entreprises, le temps de reconstituer les fonds propres et, pour reprendre mon image, que la bouteille de vodka retrouve son contenu d’origine.

  19. Avatar de Giraudon
    Giraudon

    « Echec et mat ? » auriez-vous pu dire sur un ton (il est vrai) plus radical malgré l’interrogation.
    La comparaison avec le jeu d’échecs me semble juste car la situation est comparable à un bras de fer pour faire plier l’adversaire, bras de fer dans lequel les combattants représentent eux-mêmes un faisceau de pressions provenant de différents secteurs, regroupant différents acteurs, l’échiquier étant le cadre de cet affrontement, pions et figures étant l’action et la règle.
    Votre blog a le mérite de nous permettre de suivre cette partie en X épisodes, commencée (vous donnez un ordre de grandeur en évoquant la date du 27/02/2007) il y a fort longtemps, et vos commentaires le grand mérite de nous montrer avec quelques coups d’avance, les issues possibles de la partie.
    Personnellement je trouve à ce jeu toutes les qualités, et bien sûr, c’est plus qu’un jeu. C’est dans ce petit plus qu’il y a une incertitude, l’incertain, ce qui n’est pas, ou pas encore, ce qui ne peut que grandir notre attention et notre intérêt pour cet espace de discussion. Sincèrement merci pour ce blog.

  20. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    @ Mikael EON

    Le rachat de la dette US par la Fed, massif, enclenche un premier processus irrésistible. Si l’on compare les politiques des grandes banques centrales, la BCE refusant seule d’encore s’engager sur la même voie, on comprend qu’elle sera tôt ou tard forcée de suivre dans un monde financier totalement mondialisé. A partir de ce moment-là, nous pénétrerons en pays inconnu.

    Mais voir la création monétaire sous le seul angle du rachat de la dette, avec comme sous-entendu qu’elle va créer une hyperinflation permettant de le faire, c’est décrire incomplètement le phénomène. Cette création a pour principal objet, tout du moins dans l’immédiat, de lutter contre le danger de la déflation, dont les économistes considèrent souvent qu’il est encore plus redoutable que l’inflation, et difficile à combattre une fois installé. C’est d’ailleurs ce que l’exemple du Japon, à sa seule échelle, montre. La question se posera, mais plus tard, de comment récupérer les liquidités injectées tout azimut sur les marchés financiers et dans l’économie. Que le Tout Puissant nous en donne les moyens, car il est probable que les manipulations des taux par les centrales ne fonctionneront pas plus, dans ce futur contexte, qu’elles ne le font actuellement. Voilà ce que l’on appelle un pari sur l’avenir, certes, mais y-t-il une voie alternative concevable pour ceux qui ont pour tâche de gérer la crise, dans le contexte de rapport de forces et de pouvoir qui est le leur ?

    Comme j’ai essayé de le montrer au fil des mes suivis de l’actualité, la Fed, intervient dorénavant financièrement dans quasiment tous les secteurs du crédit, pour les inciter à relancer leur activité, afin que l’économie continue de fonctionner. Il n’y a pas de meilleure comparaison que celle des soins intensifs pour en donner une image. L’économie américaine continue de fonctionner mais ne peut plus être « débranchée ». Voilà le constat. D’autant que l’on sait le rôle majeur qu’y joue le crédit, son véritable moteur. Pour continuer sur le terrain hasardeux des métaphores, et en changer, la Fed est en train de remplir le réservoir de celui-ci avec la monnaie qu’elle crée, en s’appuyant sur des contreparties dont la qualité est de plus en plus sujette à caution. Ne cherchez pas à l’évaluer, c’est bien caché, et ce n’est pas plus valorisable que les « toxic assets » (les actifs pourris). Elle fait appel, avec le « quantitative easing », à sa dernière ressource et n’a derrière elle aucun garant en dernier ressort de possible.

    Sommes-nous devant un précipice ? Non, mais nous pouvons discerner les prodromes de très forts bouleversements dans le domaine monétaire. Il va falloir inventer de nouvelles manières de créer de la monnaie et de stabiliser les marchés des changes, faute de quoi le système économique mondial, reposant de plus en plus sur des échanges transfrontaliers et entre zones monétaires, sera à son tour de plus en plus grippé. Pour le coup, nous ne serions plus dans la tentation protectionniste, tant dénoncée mais si mal identifiée.

    Telle que la discussion s’engage désormais, il me semble que nous allons avoir collectivement l’occasion de réfléchir à voix haute et de débattre sur le très décisif thème de « où allons-nous ? »

  21. Avatar de Bertrand
    Bertrand

    Le plus inquiétant avec cette annonce faite par la FED, ce sont les répercussions en cascade sur l’architecture même du capitalisme. Chaque salarié américain a sa place dans l’ordre « naturel et juste » institué par les hommes de l’Etat et le Capital. Selon cette vulgate libérale, si vous êtes col blanc issu d’une grande université et que vous manipulez sur un ordinateur des promesses d’argent correspondants à autant d’ouvriers délocalisés qui travaillent durement à votre place, votre profit doit augmenter proportionnellement à cet effet de levier.

    Or en rachetant sa dette avec sa monnaie de singe, c’est toute la pyramide des métiers du « Capital » qui voit ses fondations rongées par la vermine. Comment mettre à l’ouvrage les ouvriers qui produisent nos chaussettes, nos vêtements, nos voitures, si tous les entremetteurs des capitalistes se trouvent floués par leur propre banque, avec quelle monnaie payer ceux qui produisent vraiment ? Qui fera le relai entre les prolétaires (qui ne peuvent faire vivre que leur propre lignée), les entremetteurs (qui imaginaient ne plus devoir travailler, c’est le haut de la classe moyenne) et les Capitalistes (qui ont amassé des milliards en monnaie de singe) pour produire les biens et services d’une nation dite « moderne » ?

    Je vais dans le même sens que Paul : Nous allons peut-être vivre une époque ou l’idéologie mortifère de notre civilisation (le libéralisme politique du XVIIIeme siècle dévoyé en libéralisme économique sans entrave) ne peut se révéler que fausse, nulle et non avenue. Et ce sont les métiers dévolus à la classe moyenne que l’on disait méritante (les entremetteurs du Capitalisme, les bons petits soldats) qui verront leur « boulots » imploser un à un, simple effet logique, imparable, des décisions prises par des politiciens inconséquents qui manipulent crédits et monnaie. L’histoire du serpent qui se mord la queue n’est pas un jeu à somme nulle. Dommage qu’une partie de la classe moyenne ait été élevée avec cet ailleurs improbable qu’est le crédit facile et les promesses de fausses richesses, leurs lendemains seront difficiles.

  22. Avatar de Philippe Deltombe
    Philippe Deltombe

    @Hervé de Bressy

    une question:
    maintien du mark-to-market, la faillite sera souvent inéluctable, avec chômage etc
    abandon du mark-to-market, les équilibres comptables explosent également, non?

    n’êtes-vous pas optimiste en visant simplement des « bilans fantaisistes peu propices au retour à la confiance »?
    je ne vois pas comment sauvegarder l’emploi dans ce cas…

    votre suggestion de réfléchir à un mécanisme correcteur est en tous cas bienvenue:

    une mise entre parenthèse limitée dans le temps (2-3 ans) des postes les plus « déstabilisants » des bilans cependant que l’entreprise n’est, pendant cette période, tenue qu’à produire son résultat – instantané ou presque – et l’état de sa trésorerie dégagée par l’activité commerciale réelle.
    cela suppose un renoncement au dividende, bien sûr, mais surtout un concordat solide avec des créanciers qui vivent tous les mêmes difficultés… sans oublier des aménagements « raisonnés » sur l’emploi.
    d’où la nécessité de conserver des moyens de financement décents – par qui?

  23. Avatar de Marc Peltier
    Marc Peltier

    Sur le blog de Paul Jorion, annonce de la fin du capitalisme.
    Sur les grands médias nationaux, RIEN.

    Les seuls échos à la décision de la FED sont relevés dans des rubriques économiques spécialisées (les Echos, le Monde…), et sont commentées, généralement favorablement (!), comme des mesures techniques.

    Ca restera pour moi l’un des principaux enseignements de cette crise : l’inaptitude évidente du système médiatique « classique » à nourrir un débat démocratique pertinent, dans ce contexte.

    Je remarque en revanche l’efficacité, très nouvelle et très encourageante, de ce fonctionnement par blog pour la propagation des idées, l’alerte, et le débat.

    Quand même, il va être difficile de nous faire rentrer dans notre boîte, après, de nous dire « circulez, y’a rien à voir » – « on s’occupe de tout » – « c’est trop compliqué pour vous » – « vous n’avez pas les vraies informations », etc…

    Le maintien d’un Internet incontrôlable par quiconque est donc un enjeu majeur!

  24. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    @ bob

    Il est vrai que jusqu’ici le capitalisme a toujours su s’adapter à son environnement.
    Mais cette proposition n’est vraie que si « capitalisme » et « environnement du capitalisme » sont vues comme deux choses
    bien distinctes. C’est pourtant loin d’être le cas. Les doutes qu’ont certains quant à la fin du capitalisme viennent du fait
    que beaucoup n’en ont qu’une définition très restreinte. Il est ainsi le plus souvent défini par plusieurs de ses aspects :
    le marché, ou plutôt les marchés, la propriété privée des moyens de production, un principe d’accumulation du capital
    qui permet sa reproduction et son expansion. Or le capitalisme c’est bien plus que cela.

    Cette définition est simpliste car elle assimile le capitalisme à un simple système de systèmes, et encore, selon une compréhension très figée de ce que doit être le rapporte entre le système global et les sous-systèmes..
    AInsi les systèmes techniques, culturels, éducatifs … les écosystèmes …, seraient de simples systèmes, certes fondamentaux pour nos sociétés humaines mais dont les évolutions ne seraient pas susceptibles de modifier la nature du capitalisme, et, le cas échéant, de mettre en danger son existence même. Au contraire, pense-t-on, ils sauraient offrir tous les éléments nécessaire à la constitution d’une énième mouture ce celui-ci.

    En est-on bien certain ?

    IL s’avère de plus en plus que certains des sous-systèmes opposent une limite au développement même du capitalisme.
    parce que précisément ils ne sont pas de simples sous-systèmes adaptables et corvéables, tout à la merci du capitalisme !
    En réalité tous les systèmes qui participent à la dynamique du système capitaliste ne sont sous-systèmes qu’en tant qu’éléments du système capitaliste, car d’un autre point de vue, ils fournissent le cadre qui contient le capitalisme et donc le dépasse.
    Or il semble de plus en plus évident que le cadre se rebiffe, qu’il oppose une force d’inertie de plus en plus grande au développement continu du système capitaliste. Le principe de la propriété privée inaliénable et cumulable sans limites, toujours en vigueur, pierre de touche des sociétés dites libérales, s’oppose frontalement à la nécessité d’un bien commun et sans lequel l’espèce est en danger.

    N’oublions pas que des sociétés humaines ont vécu des centaines de milliers d’années sans capitalisme.
    Et que certaines, malgré les assauts de la « civilisation » moderne survivent, résistent, et donc vivent encore, en quelques point — certes devenus rares — de la surface de notre terre, ce qui montre qu’il n’existe aucune loi historique selon laquelle l’humanité devrait emprunter un chemin linéaire. Nous sommes très certainement déjà arrivés à un point au delà duquel la mutation du capitalisme n’est plus possible. Le processus de désintégration sera court ou long, je n’en sais rien, mais l’autodestruction de ce système est en marche.

  25. Avatar de logique
    logique

    M’enfin, c’est bien de parler de la mort du capitalisme. Mais pour y mettre quoi a la place ?
    Vous pensez que l’on change d’habitude en claquant des doigts. Moi je ne le pense pas. Les grands changements n’ont jamais été pris sur des décisions ou des consensus, mais pour des evenements violents. Hors pour le momment tout semble indiqué que nous en somme toujours a des discussions. Donc pas de guerre pas de changement. Et tant mieux a vrai dire.

  26. Avatar de iGor milhit

    @ Marc Peltier

    mais à quoi faut-il renoncer pour dépasser la surface?
    mais à quoi faut-il renoncer pour trouver des rêves concrets au-delà des fantasmes à courte vue?
    mais à quoi faut-il renoncer pour entretenir le feu d’une conversation enrichissante
    qui dure et évolue sur le fil du temps?

    ou plutôt
    comment nous encourager les uns les autres
    à ce genre de renoncements?

    il m’arrive d’être mauvais perdant
    il m’arrive de me laisser prendre à croire dans les apparentes victoires des autres
    et ainsi je tombe dans mes propres pièges…

    est-ce vraiment: « circulez, y’a rien à voir »?
    ou plutôt venez voir, oui voir, mais la vitrine
    mais la publicité
    mais les désirs
    mais… les faits divers?

  27. Avatar de Candide
    Candide

    Tiens, je me permets d’ajouter un autre exemple – français, celui-là – de l’absurdité perverse du système « mark-to-market » : les paysans de l’île de Ré – en exercice, s’il vous plaît – qui gagnent trois fois rien mais sont obligés de payer l’ISF car la valeur potentielle de leur lopin de terre a explosé en raison de la spéculation financière, cette charmante île étant devenue la coqueluche des people et autres Jospin…

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