Aristote et l’argent

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Dans les écrits que je vais consulter en marge de notre débat sur la monnaie, il est souvent fait mention du fait qu’Aristote condamne les intérêts. J’ai voulu en savoir un peu plus et je suis allé lire le passage du Politique où est mentionnée cette condamnation. Il s’agit en fait de la conclusion assez lapidaire d’une discussion plus générale sur l’argent. Le texte dont nous disposons ne paraît pas de première main et on devine pas mal d’interpolations faites par des commentateurs de bonne volonté qui, dans leurs efforts de clarifier les choses font plus de tort que de bien, mais un peu de familiarité avec les écrits du philosophe permet de s’y retrouver sans trop de peine. Je vous fais part du fruit de ma lecture.

Quand on va voir ce que pensait Aristote sur une question particulière, on est rarement déçu. D’abord parce que le philosophe grec avait sur toutes une opinion. Ensuite, parce que celles-ci ayant rarement été retenues, elles nous apparaissent du coup souvent encore originales, voire même extraordinairement neuves.

Sur l’argent, Aristote commence par dire que sa destination naturelle, dans des conditions ordinaires, est d’être un moyen d’échange. Pour expliquer ce qu’il entend par destination naturelle, il prend l’exemple d’une paire de chaussures, dont l’usage évident est d’être porté aux pieds, et il ajoute que certains fabriqueront des souliers pour un autre usage que celui de les porter : celui d’en disposer. On constate du coup deux usages à des souliers : les utiliser ou les échanger, contre un autre objet dans le troc et contre de l’argent dans la vente, et l’usage naturel est celui de les porter.

Or, quand il s’agit de l’argent, son usage naturel est de l’échanger. Autrement dit, et à l’inverse des chaussures, pour qui l’usage naturel est de les garder pour soi, pour l’argent, l’utiliser comme il convient, c’est s’en défaire : l’échanger contre autre chose. D’où l’on comprend aussi que pour l’argent, le garder pour soi est un usage qui n’est pas naturel. Ce qui n’empêche pas, ajoute-t-il que cela soit précisément ce qu’en font certains : ils sont à la recherche de l’argent pour l’argent, ce qu’il appelle l’« art de faire fortune ». En langage moderne on pourrait traduire cela en disant qu’il existe pour l’argent deux usages : l’utiliser comme un moyen, ce qui est effectivement sa destination naturelle, et l’utiliser comme une fin, ce qui n’est pas sa destination naturelle. Et il attribue ces deux usages à deux grandes catégories de citoyens, respectivement les chefs de famille, pour qui l’argent est un moyen dans la gestion de leur ménage, et les marchands pour qui il est une fin dans leur activité de négoce.

Ayant ainsi distingué ces deux usages de l’argent et les ayant attribués à deux catégories de citoyens, Aristote note que celui qui utilise uniquement l’argent pour l’échanger, c’est–à–dire celui qui recherche le bien-être de sa famille, n’en aura jamais besoin que d’une quantité limitée, alors que celui qui le recherche pour soi dans l’art de faire fortune, n’en a pas un besoin limité mais potentiellement infini :

La forme d’obtention d’argent associée à la gestion d’une famille possède une limite ; l’acquisition illimitée de la fortune n’est pas son affaire » (Aristote, Le Politique, IX).

Jusqu’ici, Aristote s’en est donc tenu à ce que l’on pourrait considérer comme une simple description. Il va alors un peu plus loin, en introduisant maintenant un jugement moral.

Du fait que ce sont les mêmes pièces de monnaie qui servent à la fois à assurer le bien-être d’une famille en étant échangées et l’objectif du marchand en étant accumulées, il existe, dit-il, dans l’esprit de certains chefs de famille, une erreur de jugement qui leur fait confondre les deux usages de l’argent, et qui leur fait croire que le bien-être des leurs consiste à s’assigner le but du marchand, c’est–à–dire à faire fortune. Cette confusion, il la condamne : il souligne que l’homme vertueux comprend que le désir illimité que l’on peut ressentir pour les choses ne reflète pas des besoins réels et qu’une quantité limitée d’argent peut en réalité satisfaire ceux-ci :

… certains sont conduits à penser que gagner une fortune est l’objectif du chef de famille, et que ce qui donne sens à leur vie est d’augmenter leur fortune de manière illimitée, ou en tout cas de ne pas la perdre. La source de cette manière de voir est qu’ils se préoccupent uniquement de vivre et non pas de vivre bien, et comme ils constatent que leurs désirs sont illimités, ils veulent aussi que les moyens dont ils disposent pour les satisfaire soient eux aussi illimités » (ibid.).

Aristote termine alors sur la question de l’argent en notant que les intérêts que certains collectent en prêtant l’argent qu’ils possèdent résultent d’un usage non naturel de celui-ci : c’est utiliser l’argent qui a pour destination naturelle d’être un moyen d’échange, d’une manière que je qualifierais personnellement d’« incestueuse » (bien qu’Aristote n’utilise pas ce terme), à savoir en faisant produire de l’argent par de l’argent. Ce qui, à ses yeux, constitue un véritable détournement de l’usage pour lequel l’argent fut inventé.

Et donc, comme je le disais, lorsque l’on fait référence à la conception de l’argent chez Aristote, c’est en général pour mentionner cette simple notion : que le philosophe condamne la collecte d’intérêts, or, comme on vient de le voir, sa conception va en réalité beaucoup plus loin : elle condamne la recherche de l’argent pour l’argent et considère que l’art de faire fortune constitue un dévoiement, je dirais « prévisible », chez le marchand, mais une confusion parfaitement condamnable quand il s’agit du simple chef de famille.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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69 réponses à “Aristote et l’argent”

  1. Avatar de A.
    A.

    @ Tigue

    Il y a des biens qui ne doivent pas faire l’objet de paris au sens où ce qui est recherché est uniquement le gain. Je prends comme exemple les matières premières et plus particulièrement les matières premières alimentaires. Ceux qui les achètent sans intention d’en prendre possession mais à seule fin de les revendre plus tard pour en tirer profit font un usage illégitime de la spéculation.

  2. Avatar de Bertrand
    Bertrand

    @Loïc Abadie,

    Assez curieux votre raisonnement :
    1 / Nous avons tous besoin d’une maison, alors si je choisi d’attendre que les prix baissent, je suis un spéculateur et c’est normal. (Vous)

    2/ A vous de nous préciser les outils du spéculateur moderne : « il y a des paris de quelques minutes (scalp-trading de contrats sur indices), de quelques semaines (comme les swings à la baisse que je fais sur le CAC depuis 2007), de plusieurs années (comme des contrats d’assurance-vie multisupport), ou encore plus longs (maisons). »

    3/ Donc moi, si je spécule sur les prix du blé alors que je n’ai manifestement pas besoin de tonnes de blé pour mon bien être personnel, c’est aussi de la spéculation et c’est donc normal, vous êtes mon professeur.

    Cela ne vous dit rien ?

    Vous venez de défendre les paris sur les prix en mélangeant torchons et serviettes, alors j’achève votre « libéralisme » avec un syllogisme, et c’est « normal ». Le syllogisme est décidément l’outil réthorique parfait pour nous faire avaler une théorie en forme de couleuvre de plusieurs kilomètres.

  3. Avatar de Paul Jorion

    @ Loïc Abadie

    Je fais un choix qui sera gagnant ou perdant selon l’évolution à venir du marché immobilier, cela correspond exactement à la définition d’un pari.

    Non : un pari implique deux parties. « Parier avec soi-même » est une image.

    Pourquoi le spéculateur veut-il absolument nous convaincre qu’il ne spécule que parce que tous le font (quitte à mettre la définition de « spéculer » à toutes les sauces pour nous en convaincre) ? Pourquoi ne peut-il être spéculateur et fier de l’être ?

  4. Avatar de A.
    A.

    @ Pierre Yves D

    Votre post est brillant.

    On a du mal à comprendre Aristote car l’idée qu’une finalité objective s’impose aux individus nous est devenue totalement étrangère et même suspecte.

    Comme le montre Michéa, le marché n’est pas simplement qu’un moyen de pourvoir à nos besoins comme le pensait Aristote à propos de l’ échange. Il est une technique voulue comme neutre pour aboutir à une harmonisation des intérêt sans que prévale une finalité étrangère aux échangeurs.
    L’idée de marché repose sur la croyance que l’accès au réel est immédiat par la science. L’homme, vu comme un calculateur, se confronte aux autres par l’échange et le résultat aggloméré des différents échanges est neutre au sens où il n’atteint pas une finalité voulue par l’un des échangeurs mais une réalité potentielle que l’échange permet de réaliser.

  5. Avatar de A.
    A.

    Quelle est la définition de la spéculation ?
    En quoi elle diverge du simple pari ?
    Dans quelles conditions une assurance relève de la spéculation et non plus de la couverture de l’aléa ?

    1. Avatar de Peretz

      La spéculation est un projet, à court ou moyen ou long terme qui consiste à espérer un avantage quand il exsiste des incertitudes sur son occurrence. Le pari c’est la même chose avec un niveau d’incertitude plus important, mais en liaison avec l’avantage espéré.

      1. Avatar de Paul Jorion

        Très jolies ces définitions. Mais qui ne correspondent pas à l’usage courant.

  6. Avatar de logique
    logique

    Il y a quand même une grande différence entre spéculer et faire un pari. Même si le principe sous-jacent reste le même c’est à dire espérer un profit entre aujourd’hui et demain. Par contre il y a aussi une grande différence morale et éthique. Dans le pari on prend une position fixée au niveau du montant et du temps, alors que la spéculation implique que l’on puisse en fait piper les dés. Car si dans un pari il y a une notion de probabilité et de division des gains en fonction des risques pris, la spéculation elle est plutôt basée sur la quantité de pari et la possibilité de faire varier la probabilité. En quelque sorte le parieur prend une position ferme tandis que le spéculateur va tenter de modifier la cote des paris.

    Exemple concret boursier :

    Je me positionne sur une baisse, le parieur achète les actions et attend de voir s’il a gagné ou non. Tandis que le spéculateur n’hésitera pas à faire baisser le cours de l’actions qui a en vendre un grand nombre. Il faut faire toujours très attention aux manipulations des idées et de leur sens. Assimiler un parieur a un spéculateur c’est comme assimiler un chef d’entreprise et un financier. Le premier connaît le marché, les outils de production et les technologies, le second n’y connait rien mais peut influencer le cours de l’entreprise en réduisant de moitié le personnel. Certes cela fait monter le prix de l’entreprise mais cela n’améliore surement pas les produits fabriqués.

  7. Avatar de Loïc Abadie

    A Paul Jorion :

    « Non : un pari implique deux parties. « Parier avec soi-même » est une image. »

    A partir du moment où j’achète un actif patrimonial, quel qu’il soit et quelque soit l’horizon de temps, il y a un vendeur en face, donc nous sommes deux.
    Mon achat (ou ma vente) est bien un pari sur un prix.

    « Pourquoi le spéculateur veut-il absolument nous convaincre qu’il ne spécule que parce que tous le font (quitte à mettre la définition de « spéculer » à toutes les sauces pour nous en convaincre) ? Pourquoi ne peut-il être spéculateur et fier de l’être ? »

    Pour ma part, je ne cherche pas à convaincre que je spécule parce que tous le font. Ce n’était qu’une observation que je faisais. Je ne cherche en aucun cas à justifier ma démarche, elle est pour moi normale, n’a aucun besoin d’une quelconque justification, et je n’ai aucun état d’âme à faire tous les paris sur les prix qu’il faudra pour me défendre face à un environnement que je juge menaçant pour mon avenir et mon patrimoine.

    Je n’en suis ni « fier », ni « honteux ». Faire des paris sur les prix n’est pour moi ni « bien », ni « mal », il s’agit d’un droit, et si on me retire ce droit sous prétexte d’une quelconque « morale »…Disons que j’irai simplement voir ailleurs et beaucoup feront comme moi, laissant les « moralistes » refaire le monde entre eux. Mais il risque d’y avoir vraiment très peu d’habitants dans leur monde « idéal » 😉

  8. Avatar de antoine
    antoine

    @ logique
    C est exactement l’argument d’Aristote

    Si pour lui le commerce constitue l’activité humaine la plus dégradée/dégradante, c’est justement parce que le marchand n’a rien besoin de savoir faire. Il est incapable de fabriquer une paire de soulier ou quoique ce soit d’autre. Tout ce qu’il a besoin de connaître c’est le cours de la paire de soulier à un instant donné. Il n’a la maitrise d’aucun art (de fabrication). Il ne produit pas de biens utiles… ce qui ne veut pas dire que son activité ne soit pas nécessaire…
    A partir de maintenant j’interpole un peu, pour « rendre l’idée »:
    Mais l’activité du marchand est seconde, dérivée, au sens ou l’activité commerciale présuppose l’existence de toutes les autres (et ce en cas de paix, parce qu’en cas de guerre l’économie de guerre rend de toute façon nulle l’utilité du marchand). La dignité du marchand en tant que marchand (on ne parle pas de la personne, même si ce n’est pas sans conséquence) est ainsi inférieure à celle du technicien de surface en tant que technicien de surface. Un des critère de reconnaissance sociale dans ce cas, c’est donc la façon dont l’activité s’intègre dans l’économie des activités de la communauté, et non pas le niveau de maîtrise intellectuelle/manuelle nécessaire à l’éxécution de l’activité en question ou encore la rareté relative des personnes capables de la mener à bien.
    Aujourd hui le critère de la reconnaissance sociale du travailleur en tant que tel c’est non pas la manière dont il profite à la communauté mais la richesse qu’il acquiert avec le fruit de son « travail »… à quelques exceptions symboliques près (comme le pompier, le médecin, le chercheur, l’artiste… qui jouissent encore d’un capital symbolique)

    Cette perspective qui consiste à attribuer un statut moral à la richesse en fonction de son mode d’acquisition était encore très présente dans la France du XIXe, qui a opposé dans de grandes batailles doctrinales sur le droit de propriété les propriétaires terriens à la bourgeoisie industrielle. La question était alors de savoir laquelle des deux activités était moins noble que sa rivale.

    Cette façon de voir, réactualisée par les communautariens et la tradition républicaine, est clairement anti-libérale.
    Ce qui est intéressant, c’est qu’on fustige souvent les français pour leur « suspicion vis à vis de l’argent », de leur « haine de la réussite », mais en cela, ils ne font que témoigner de leur attachement à une conception de la vie bonne qui s’enracine tant dans la tradition judéo-chrétienne que dans la pensée classique, d’Aristote à Rousseau.

    L’argument d’Artistote n’est pas une simple pétition de principe. C’est juste que Paul, pour aller à l’essentiel, a présenté un élément frappant de l’analyse sous une forme rapide et facilement accessible. Outre son ouvrage Le prix, qui présente d’autres dimensions importantes de la question non reprises ici, je conseille la présentation qu’en fait M. Henaff dans « le prix de la vérité », la première partie du livre étant consacrée à Aristote, et traitant de ce point en particulier.

  9. Avatar de antoine
    antoine

    « Pourquoi ne peut-il pas être spéculateur et fier de l’être? »
    Vous avez la réponse juste au dessus. Parce que les autres membres de la communauté politique n’ont pas à être fièrs de lui 😉 (je vous rappelle que c’est un sentiment transitif, la fierté…)
    Du reste vous confondez manifestement l’ordre de ce qui est « nécessaire/expédient » avec celui de ce qui est « vil/noble ».

    Par ailleurs il n’a jamais été question d’interdire tous les paris sur l’évolution des prix. Je crois que vous faites expres de ne pas comprendre. Ce n’est pas ça le problème.

  10. Avatar de Jean-François
    Jean-François

    @ Loïc Abadie

    C’est incroyable comme vous ne voulez pas comprendre, ou à quel point vous êtes de mauvaise foi.

    – Si dans un marché baissier j’attends pour acheter quelque chose dont j’ai besoin (une maison par exemple), je ne spécule pas, je cherche seulement les meilleurs conditions pour avoir ce bien. Ce n’est pas de la spéculation, je suis le bon père de famille d’Aristote.

    – En revanche si dans un marché haussier j’achète un bien dans le but de le revendre avec plus-value, sans en avoir le besoin effectif, mon seul but par cette action est de m’enrichir. Je suis alors un spéculateur, le mauvais père de famille d’Aristote.

    C’est pourtant simple…

    D’autre part, vous dites que vos actes n’ont besoin d’aucune justification. Pourtant dans la même phrase, vous en donnez : nécessité de se défendre contre une « menace » (quelle menace au juste ?).

    Je remarque enfin que vous employez systématiquement, dans chaque post, le mot « patrimoine » plutôt que « fortune » ou « richesse ». Étymologiquement, le patrimoine est ce que l’on reçoit de ses parents pour le transmettre aux générations suivantes. Cela se rapporte à des biens durables, biens physiques construits ou acquis culturels, pas vraiment à l’argent, qui reste un moyen d’échange, pas un bien utilisable en tant que tel.

    Je persiste à penser que malgré vos affirmations, vous avez un problème de morale qui vous pousse à vous accrocher à l’idée que tous les hommes sont comme vous. D’où tous vos amalgames pour le croire et tenter de le faire croire.

  11. Avatar de Moi
    Moi

    La question n’est pas de savoir si tel ou tel est un spéculateur et a un problème de morale avec lui-même. Le problème est que nous sommes dans une société qui accepte et même encourage l’avidité et la cupidité. C’est absurde et c’est pourquoi il a fallut aux libéraux inventer la fable des abeilles et autres mains invisibles pour justifier l’injustifiable. Après qu’on aie appliqué la morale libérale, on découvre stupéfaits que la corruption règne en maître, que la société tombe en pièces et que même notre environnement se dégrade dangereusement. Si donc il n’y a pas de main invisible pour transformer cette cupidité en bien social, la cupidité est mauvaise par quelque bout qu’on la prenne et doit être réprimée comme autrefois. C’est cela ou voir notre civilisation s’écrouler.

  12. Avatar de Grégory
    Grégory

    Comme souvent quand je vois des déclarations d’Aristote, je trouve ça finalement assez creux. Aristote était mon philosophe préféré au Lycée (au moins parmis les grecs) et j’en ai un peu honte aujourd’hui.

    Ici c’est assez typique, le raisonnement tient sur des postulats parlant mais très éloignés du réel. Pourquoi les marchands et les pères de familles seraient-elles des personnes différentes ? Si ce n’est pas le cas, et qu’il faut entendre que les commerçants doivent faire de l’argent dans l’intérêt de la société (qui se développe dessus) et une fois chez eux et équipés de leurs pantoufles de pères de familles le reléguer à un role d’outil, qui achète les biens des commerçants au delà du simple nécessaire, rendant pertinent son intérêt pour le développement de son commerce ?

    A mon sens donc beaucoup de pose pour proférer une platitude philosophique, à savoir que l’argent n’est pas une fin en soit.

  13. Avatar de pitalugue
    pitalugue

    la vision d’Aristote me semble « saine ».
    la monnaie permet d’acquérir ce qui interesse dans un but de « réalisation de soi ».

    si ce qui interesse, c’est la monnaie, on devient collectionneur (numismate).
    si ce qui interesse est l’accumulation, on devient riche (ou on essaie).

    vous savez qu’il y a des gens qui mettent 10 ans à construire des tours eiffel avec trois cent cinquante mille allumettes ?

    confiez leur votre patrimoine !

  14. Avatar de Champignac
    Champignac

    @Loïc Abadie

    Bon, enfin, bref, vous êtes un spéculateur « pas honteux ». Ce que nous avions bien compris. Quoique…

    Par contre, je pense, comme un intervenant ci-dessus, que vous tentez, malgré tout, de justifier… moralement vos activités. En prétendant placer vos activités particulières dans le champ de la « morale ordinaire » et de la banalisation. Ne vous en déplaise, il y a une grosse différence entre la part « spéculative » inhérente à toute activité humaine, et le fait de participer activement, en pleine connaissance de cause, à un système sciemment organisé ayant comme activité, et objectif principal, la spéculation quotidienne sur ce qui n’est même plus la « valeur » des choses.

    Le fait que vous justifiez vos activités par la nécessité de vous « défendre » contre un « environnement menaçant » est, d’ailleurs, aussi… une justification morale. En gros, vous prônez la légitime défense. Qui est une justification juridique. Dans laquelle la manière dont vous demandez à la société de ne pas vous considérer comme « coupable ». Ce qui est à 100% dans le champ du jugement moral.

    La différence, elle est sans doute dans l’intensité, la part de l’activité y consacrée, et, surtout, d’exclure explicitement toute interférence de la « morale » dans son exercice.

    La plupart des gens ne spéculent que plutôt rarement. Quand ils le font, souvent, il n’en ont pas conscience. Enfin, les facteurs moraux peuvent très bien intervenir en tant que limitant, ou refus de, l’activité purement spéculative.

    Enfin, le fait de présenter votre spéculation, active, comme un « droit » est curieuse. Certes, pour l’instant, vous en avez le « droit ». Mais il ne s’agit certainement pas d’un droit fondamental. Ni imprescriptible. Certains droits ne sont pas absolus. La société a, elle aussi, le droit de les mettre en balance avec d’éventuelles nuisances qu’ils peuvent causer à autrui. Ou de les juger disproportionnés par rapport aux droit de la société à atteindre des objectifs communs. C’est précisément ce dont il est question actuellement.

    Je passe sur vos menaces de « délocalisation » individuelle. Un grand classique de la liturgie néo-libérale. Grand bien vous fasse de vous considérer, et vos activités spéculatives, comme à ce point indispensables que tout le monde doivent trembler de frayeur rien qu’à l’idée de perdre vos inestimables talents.

    Personnellement, je pense que se passer des adeptes de la spéculation, non seulement ne serait pas du tout un drame. Mais plutôt le contraire. La capacité de nuisance collective de ces activités ayant, depuis longtemps, dépassé les bénéfices que l’on pourrait en espérer.

    Par ailleurs, je serais bien curieux de voir à quoi ressemblerait votre propre monde « idéal », s’il n’était plus peuplé que de spéculateurs. Vous spéculeriez entre-vous? Et sur quoi? Dans l’hypothèse ou plus personne n’acceptait de se faire l’objet de vos « paris »?

  15. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    @ Loïc Abadie

    La spéculation est pour vous « normale » car elle ne se distingue pas des autres emplois relatifs à l’argent.
    Mais n’est-ce pas accorder à l’argent un statut purement instrumental sans fonction politique et sociale que de le situer par delà le bien et le mal, en dehors de toute moralité ?
    Je dis cela parce que la moralité est souvent associée au religieux, mais Aristote nous montre fort bien qu’il est possible de fonder rationnellement la moralité, en tant que celle-ci est un élément constitutif de la communauté politique. La moralité ce sont les humains qui assument seuls leur destinée historique en dehors de toute intervention divine et à l’horizon d’un avenir collectif où se discute, est tranché ce qui est juste et injuste, au sein d’institutions spécifiques, qui relèvent du processus démocratique. Les modernes, entre parenthèses, des siècles plus tard, reprendront le fil de la moralité non religieuse, certes à leur manière, parfois dans un sens utilitariste et individualiste que n’avait pas Aristote, mais sans lâcher le fil aristotélicien de la moralité.

    Or vous vous réclamez du droit, mais quel sens peut encore avoir ce dernier s’il évacue toute réflexion morale de son horizon de pensée, dès lors qu’il est question d’argent ? Si l’argent — et donc la spéculation qui en est un usage particulier — n’est pas du domaine de la moralité, au sens où la moralité c’est ce qui définit l’action des hommes dans une histoire dont ils sont les seuls maîtres quand auparavant l’histoire du monde était autant celle de Dieu que des hommes, et toujours à l’horizon d’une communauté politique, n’est-il pas alors le pur reflet du rapport entre individus qui n’ont alors plus pour seule politique que de se dégager du politique au sens de l’espace public et délibératif ?

    Vous vous réclamez du droit, d’un droit, mais n’est-ce pas un droit bien particulier, c’est à dire un droit qui se réfère en dernière analyse à la raison du plus fort ? Pour le juriste du XX ème siècle, Carl Schmitt, toute communauté politique n’a pas pour fondement une volonté commune de vivre ensemble, mais l’opposition à un ennemi duquel on doit se défendre et s’organiser. Partagez-vous cette conception ? D »autre part, n’êtes-vous pas en train de fondre le politique dans l’économique — au sens d’une raison purement instrumentale — en supposant que l’argent serait un instrument neutre ?

    Pour dire les choses crument ne vous situez-vous pas clairement dans l’optique de l’animal luttant pour sa survie, en somme de l’animal pré-politique au sens aristotélicien ? C’est évidemment votre droit le plus strict, cela n’exclue pas d’ailleurs qu’en de nombreux domaines vous puissiez distinguer le bien et le mal, vous l’avez même affirmé dans quelque autre commentaire. Mais alors pourquoi n’incluez-vous pas l’argent dans le domaine de la moralité ?

    Une dernière question : est-ce la gravité de la crise actuelle qui vous interdit d’attribuer à l’argent un autre rôle que celui consistant à se prémunir contre les aléas individuels de l’existence — ie l’argent pour la survie, ou bien est-ce une conviction philosophique valable pour vous en toutes circonstances ?

  16. Avatar de logique
    logique

    @loic,

    En fait je ne pense pas que vous spéculier, car pour cela il faut avoir la posibilité de manipuler les cours. Et je ne pense pas que vous ayez les moyens de la faire. Tout aux plus vous spéculer sur l’impact de vos idée sur le marché. Mais vous me semblez plutot être un parieur. M’enfin je reconnais que de nos jours la spéculation, c’est le pari bousier, immobiler ou du simple commerçant qui enticipe la demande. Alors que les pari ne concerne que les activité lié aux jeux, sport . Hors le fait d’asimiler la spéculation avec le pari montre bien que l’économie et devenu un sport ou un casino a part entière. M’enfin la spéculation n’as pas vraiment de conséquence grave, se qui est grave c’est lorsque l’on pipe les dés pour être gagnant. Lorsque l’on vend a des gens insolvable des biens hors de prix pour touché qu’elle misérable pourcentage. Lorsque l’on vends des paquet d’action pour influencer les cours ou lorsque l’on cré un monopole pour controler les prix. Ils y a donc deux type de spéculateur celui qui ne cherche qu’as tirer profit de son travail d’analyste et celui qui triche pour être sur de gagner.

  17. Avatar de yann
    yann

    @Pitalugue

    Pour faire une comparaison physique le travail c’est comme l’électricité çà se transforme, çà s’échange mais çà ne se stocke pas au contraire de l’argent. C’est cette différence de nature qui fait que le pouvoir d’achat de l’argent ne peut pas être constant entre le moment où l’on accumule celle-ci et le moment ou l’on essaie de la retransformer en travail. La capacité de travail d’une société dépendant de facteur sociaux, d’évolution démographique de la technique de l’énergie et des matières premières disponibles etc, il est impossible de conserver le même pouvoir d’achat à la monnaie à moins que la société cesse d’évoluer en tout point ce qui est impossible le temps s’écoule et change tout quoique nous fassions. Seule une monnaie dont la durée de vie serait courte permettrait de rapproché l’argent de la nature du travail. Mais de ce fait l’accumulation deviendrait impossible et les spéculateurs s’en retournerait à torturer leur voisins. Comme le disait Keynes mieux vont qu’une personne torture son portefeuille plutôt que son voisin, même s’il a oublié que certain se permette de torturer leur voisin grâce à leur porte-feuille.

    L’accumulation permet en partie de concentrer les fantasmes de certains, en évacuant leur trop plein de libido. Alors peut-être aurait elle été mieux utilisé ailleurs, mais cette énergie libidinale aurait tout aussi bien pu se transformer en horreur plus grande que l’accumulation capitaliste.

  18. Avatar de pitalugue
    pitalugue

    @ Yann

    alors faut faire des enfants, non ? 🙂

    *** la spéculation :

    du latin = voir, comtempler, observer.
    synonymes

    spéculation (n.f.)accaparement, affaire, affaires, affairisme, agio, agiotage, bourse, boursicotage, calcul, change, commerce, conjecture, contemplation, étude, imagination, jeu, méditation, observation, opération, pensée, projet, raisonnement, raréfaction, recherche, réflexion, rêve, rêverie, supputation, théorie, trafic, traficotage, transaction, tripotage.

    c’est clair, non ?

  19. Avatar de Omar Yagoubi
    Omar Yagoubi

    @Paul Jorion, @ Loïc Abadie
    Bonsoir Paul et tous les intervenants. Cher Aristote, quelle fraîcheur en 2009: Créer un objet pour son utilité objective ou.. pour en disposer et ainsi pouvoir en dispenser son utilité à d’autres moyennant finances (et toute ses déclinaisons, avantage, passe-droit, crédit etc). Je cherche toujours des personnes qui me donnerait des concepts vraiment novateurs, et je n’en trouve pour ainsi dire que chez les anciens, grecs notamment, bref « Rien de nouveau sous le soleil » (ça c’est encore plus vieux, Ancien Testament.. et c’est pas grec).
    L’éthymologie des mots crise et économie nous enseigne à quel point nous vivons une évolution fort logique. Si vous regardez bien, il s’agit simplement d’histoire de famille (de père de famille comme indiqué dans les contrats notariaux français pour les baux fermiers et commerciaux) qui évolue; une gestion de bon père de famille c’est quoi, une gestion mesurée, équilibrée, c’est simple non..
    La famille occidentale change?: l’économie occidentale de facto d’où transformation, « crisis ».
    Le père de famille veut spéculer en mettant en peril sa famille, sa maison, qu’il le fasse puisque c’est un droit d’après M.Abadie. Je ne sais pas ou il a été chercher que c’était un droit de mettre en peril sa famille, mais pour lui, c’est une méthode qui lui permettrait d’assurer l’avenir de son patrimoine, donc, « puisque tous le monde le fait », c’est un argument.
    Finalement, le vrai problème, M.Abadie, ce sont les autres, qui ne voient pas les choses comme vous. Mais puisque vous estimez pouvoir donner de l’eau dans le désert en spéculant, servez vous de votre carte de crédit c’est très hydratant.

    Non, ce n’est pas une honte de spéculer, c’est une faute stratégique. La gestion de la Maison Monde (économie) a été confié à des spéculateurs parce que l’on a pas eu le courage de faire ce délicat travail nous-même, L’avenir nous diras bientôt si l’on a appris quelque chose de nos lâchetés; nos enfants nous le dirons de toute façon.

  20. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    @ Antoine

    je viens seulement de lire votre commentaire, je suis d’accord avec votre analyse, sauf que le travail des femmes et des esclaves nous obligent à prendre en considération, outre l’aspect production, un autre élément dans l’analyse : la citoyenneté et le pouvoir de commandement qu’il implique.

    Dans le raisonnement d’Aristote, du moins tel que reconstitué par ses commentateurs, il y a un point difficilement compréhensible. Pourquoi en effet ce qui est valable pour les pères de famille ne l’est plus lorsqu’il s’agit des marchands ?
    Certes le propre du marchand est de se servir de l’argent dans un but d’échange, ce qui est sa fonction même. Mais alors selon quel principe le marchand échapperait-il à l’éthique ? N’y-t-il pas des marchands qui cherchent, eux aussi à faire fortune ? On peut comprendre que le dévoiement soit prévisible chez le marchand, mais alors pourquoi Aristote ne condamne-t-il pas son activité en tant que telle, mais tout au contraire inscrit l’activité du marchand dans l’ordre des choses.

    L’hypothèse la plus cohérente avec la philosophie d’Aristote est que le marchand se situe hors de la sphère politique. Le marchand n’est pas le citoyen à part entière qu’est le père de famille, responsable d qui détient et produit une richesse domestique liée à la terre de son domaine, terre à laquelle est d’ailleurs associée une forte connotation religieuse chez les grecs. Ou dit autrement, dans l’ordre cosmo-politique le marchand ne joue, pour Aristote, qu’un rôle périphérique, sa fonction sociale est subalterne car il ne possède ni produit pas physiquement ses moyens de subsistance. L’helleniste Edouard Will précise que l’homme qui exerce une autre occupation que l’occupation agricole, ou qui a perdu le moyen de vivre de son fonds, voire la possession de celui-ci, peut aller jusqu’à perdre tout ou partie de ses droits civiques. Inversement, pour n’avoir point de droits civiques, il peut ne pas avoir droit à une part du sol. (cf E. Will, Le monde grec et l’orient)

    Certes, les femmes et les esclaves, produisaient effectivement sans acquérir pour autant un statut, cependant, à la différence des marchands, ils ne possédaient et n’avaient aucun pouvoir de commandement, rôle dévolu au maître de maison.
    Est citoyen avant tout celui qui est capable de vivre plus ou moins en autarcie et commande lui-même la production dont il est l’origine en tant que propriétaire. Le marchand n’est pas un décideur car il ne pas commande la production, il n’est donc pas citoyen à part entière.

    Il faut préciser aussi que la part du troc était importante chez les marchands dans la cité athénienne. Bref, les marchands n’étaient sans doute pas non plus ceux qui s’enrichissaient le plus. Dépourvus de pouvoir politique il est difficilement concevable qu’ils aient pu devenir riches. Quant aux échanges extérieurs ils dépendaient beaucoup de l’Etat, notamment pour l’importation des matériaux nécessaires à la construction navale, activité stratégique, à cause des guerres.

  21. Avatar de philippe
    philippe

    Bonjour à tous,

    pour moi et comme disait mon père : quand tu gagnes un franc, dépense 80 centimes.

    s’il doit y avoir une morale en matière d’argent et d’enrichissement, car la morale est nécessaire à la paix et à la civilisation :

    – utiliser l’argent pour des choses qui sont nécessaires à la vie en s’inscrivant dans une perspective de laisser la terre à nos enfants et laisser vivres nos voisins sur cette planète, c’est à dire ne pas surconsommer, réfléchir nos achats, privilégier des circuits de distribution qui rémunèrent plus justement les différents acteurs de la chaine. « Quand tu manges une baguette, penses à celui qui a planté le blé, à celui qui l’a récolté, à celui qui l’a transporté, à celui qui a pétri et cuit ta baguette ».

    – économiser pour faire un matelas raisonnable pour pouvoir passer les moments difficiles de l’existence et protéger nos proches

    – mais se souvenir que nul n’est immortel et que nous allons tous mourir, et donc utiliser l’argent comme support, comme moyen au partage avec nos proches : j’achète l’agneau pour faire le mechoui avec les gens que j’aime.

    Qui est le plus heureux, l’homme qui possède un chateau de 200 pièces, 3 ferraris, 2 avions mais qui n’a pas d’amis ou uniquement des amis qui l’aiment pour son argent ou celui qui a peu mais qui a bon coeur, qui aime et qui est aimé ?

    En gros, il faut remettre l’humain au coeur de l’approche économique et pas le PIB, le CAC40 et l’argent. C’est cupide et stupide.

    Philippe

  22. Avatar de Alain A
    Alain A

    Il est vrai que les interventions de Loïc Abadie sont fort utiles en ce qu’elles font avancer la réflexion par nécessité (émotionnelle ?) de réaction. Aussi, je vais tenter d’introduire des nuances dans ce débat qui me paraît fort intéressant :
    – Aristote n’aimait guère les marchands de son temps et pourtant ils devaient être en grosse majorité des travailleurs qui allaient chercher les marchandises chez le producteur et les vendaient personnellement sur leur échoppes. Ils cherchaient l’accumulation d’argent mais étaient quand même en partie des « prolétaires » qui gagnaient cet argent à la sueur de leur front. Par contre,aujourd’hui, lors de l’achat des biens nécessaires (?) à notre vie quotidienne, combien de marchands de ce type rencontrons-nous ? La caissière du supermarché n’en est pas… Le réassortisseur de la supérette de quartier non plus… Le vendeur de voiture non plus. Parfois, sur un marché, on rencontre un gars qui a été au marché matinal et s’est levé à 3h00 du mat pour vous offrir ses poireaux ou ses pommes. Ce marchand là, j’éprouve beaucoup de sympathie pour lui mais ne crois pas, hélas pour lui, qu’il deviendra un jour riche.
    – Les vrais marchands aujourd’hui, ceux qui pratiquent la chrématistique (Wikipédia : chrématistique (de chrèmatistikos, qui concerne la gestion ou la négociation des affaires et plus particulièrement les affaires d’argent; ta chrèmata, les richesses ou deniers) est une notion créée par Aristote pour décrire la pratique visant à l’accumulation de moyens d’acquisition en général, plus particulièrement de celui qui accumule la monnaie pour elle même et non en vue d’une fin autre que son plaisir personnel. Aristote condamne cette attitude. ») nous ne les voyons plus jamais. Ils sont dans leurs bureaux, devant leur PC et jouent en bourse.
    Désolé Loïc, les frontières ne sont pas aussi floues que vous voudriez nous le faire croire : les consommateurs qui doivent acquérir des sandales pour marcher, des artichauts pour manger ou une maison pour s’abriter ne spéculent pas quand ils essaient de faire une « bonne affaire ». Les marchands qui vendent au meilleur prix leurs cageots ou leurs boîtes à chaussures ne sont pas des spéculateurs. Ne le sont que ceux qui acquièrent des biens (ou de l’argent ou… des hommes) non pas parce qu’ils en ont besoin pour lancer leur entreprise ou cueillir les pommes de leur verger (toutes mûres le même jour et qu’ils ne peuvent cueillir seul) mais simplement pour faire encore et toujours plus d’argent, concentré de pouvoir et dé réassurance. Je vous fait ce crédit -clin d’œil-)Loïc, vous me semblez faire partie de ces accumulateurs d’argent motivés surtout par la peur du lendemain. Mais vous rendez-vous compte qu’on a d’autant plus peur que l’on vit dans une société sans solidarités (familiales, de voisinage, de village, de sécurité sociale), solidarités que vous contribuez à détruire par votre vision d’une société du « Chacun pour soi- je ne fais que me défendre – la menace s’amplifie »).
    J’ai peur de ne pas vous convaincre mais pour en revenir à nos godillots, mis en exemple par notre philosophe d’il y a 2.300 ans, relisons voulez-vous un auteur d’il y a moins de 4 siècles, Jean de la Fontaine et sa fable du « Savetier et du Financier ».

  23. Avatar de Moi
    Moi

    Pierre-Yves D. : excellente analyse à mon avis. Le rapport « possession du sol-citoyenneté » était encore valide au Moyen-Age (la vente et achat de terres était d’ailleurs sévèrement réglementée).
    On en revient toujours au même, comment celui qui ne peut pas subsister de manière autonome (c’est-à-dire les salariés, marchands, etc) peut-il être libre et donc un citoyen?

  24. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    Une petite rectification : dans le paragraphe où je parles des femmes et des esclaves, je n’oppose pas femmes, esclaves et marchands, il fallait donc lire :

    Certes, les femmes et les esclaves, produisaient effectivement sans acquérir pour autant un statut, cependant, comme les marchands, ils ne possédaient et n’avaient aucun pouvoir de commandement, rôle qui était dévolu au maître de maison.

  25. Avatar de Fab
    Fab

    Ce qui risque de mal tourner, le point de vue d’un doux rêveur*.

    Notre système économico-financier est en crise. Chacun y va de ses propositions. Certaines sont plus réfléchies que d’autres et ont davantage de chances d’être efficaces. Mais j’ai le sentiment qu’à ainsi chercher des solutions pour améliorer notre système nous répétons les mêmes mécanismes qui ont été utilisés pour les religions par exemple. A savoir du rafistolage pour garder le maximum d’emprise sur le maximum de personnes. Je n’entends pas par là que la religion ou l’économie sont mauvaises pour l’homme, mais qu’elles ont refusé d’admettre le désintérêt croissant qui se manifestait à leur égard dans la population. Avec les risques que cela comporte, et qu’on a pu observer, tant pour la religion que pour l’économie. La religion est restée une motivation importante pour beaucoup de gens, et il peut en être de même pour l’économie, sans pour autant qu’elles ne demeurent au centre de la vie de chacun, qu’elles ne soient le sens de la vie de chacun. Chacun est libre de trouver le sens qu’il veut donner à sa vie ne manquera-t-on pas de répondre. Certes, mais malheureusement, le poids de l’économie est tellement important dans nos sociétés, nous sommes tellement immergés dans ce système de consommation, que s’en extraire tient de l’exploit, et vivre en marge au quotidien est un véritable chemin de croix. Comme cela a été le cas pour la religion. Alors, je me dis que nous risquons de rater là une chance de nous extraire collectivement de cette « nouvelle religion » qui pourtant montre de plus en plus ses limites de par le monde, chez nous comme dans les pays –non pour le moment occidentalisés-.
    Alors oui au « Permettons à ceux-ci [les « non-commerciaux »] de focaliser à nouveau leur attention sur ce que la société attend d’eux : enseigner, guérir et favoriser l’accès du public aux œuvres d’art en vue de diffuser la culture. », oui aux inventeurs…la porte est grande ouverte aux hommes de bonne volonté qui souhaitent remettre l’homme au centre de la vie.

    Par exemple.

  26. Avatar de A.
    A.

    @ Fab
    Je suis bien d’accord. Le travail occuppe une place trop importante. Comme l’avait pressenti Aristote, norez société et rongée par la démesure : le désir de possession est sans limites, ce qui nous pousse à nous soumettre aux choses au détriment d’activités plus nobles

  27. Avatar de Anne.J
    Anne.J

    @JJJ
    11 mars 2009 à 09:15

    @ Anne.J

    La monnaie comme concept; l’argent comme instrument (au sens commun)

    Et pourtant on parle de « masses monétaires » (y compris pour la monnaie fiduciaire) … et non de « masses argentières » 😉

  28. Avatar de Claudia
    Claudia

    Bon, une question qui n’a rien à voir mais votre avis m’intéresse

    « Faut-il arriver à l’heure au travail? »

    Merci d’avance

  29. Avatar de pitalugue
    pitalugue

    Faut-il arriver à l’heure au travail ?

    si on y est obligé, il vaut mieux.

  30. Avatar de Fab
    Fab

    Merci pour la présentation des vidéos.

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