Ma communication au colloque Fermons le casino : comment construire une économie réelle plus juste et plus forte ? organisé le 3 mars par le groupe socialiste du Parlement Européen.
Les sociétés modernes d’origine européenne se sont bâties sur le schéma d’une structure tripartite où l’on trouve guerriers-pillards, prêtres et gens du commun. Au moment où la démocratie apparaît, l’appropriation de la terre et des ressources qu’elle contient par les guerriers-pillards est en place de longue date. L’héritage avait facilité et renforcé une telle appropriation. Les révolutions bourgeoises du XVIIIe siècle complétèrent le pouvoir fondé sur la force par celui fondé sur l’argent. C’est l’argent qui soutint à partir de là les rapports de force que l’épée avait autrefois instaurés. Au XXe siècle, le colonialisme et, paradoxalement aussi le communisme, assurèrent la mondialisation de cet ordre social et économique d’origine européenne. On évoque aujourd’hui la nécessité d’un « aplanissement du terrain de jeu » ( leveling the playing field), on ignore hardiment ainsi que le terrain ne fut jamais plan.
1. Les stock options ou l’alliance sacrée entres investisseurs et dirigeants d’entreprises
Dans une citation qui ne passa pas inaperçue en 2006 et qu’avait pu extraire de lui Ben Stein du New York Times, le fameux investisseur Warren Buffett avait déclaré : « Oui, il y a bien une lutte des classes mais c’est ma propre classe, celle des riches, qui la mène et nous sommes en train de l’emporter ». La petite phrase marqua le retour en force d’une expression démodée. Il est vrai qu’avec la montée en puissance de l’École de Chicago en sciences économiques, l’expression de « lutte des classes » avait été frappée d’un tabou et les mots « capitalistes » (autrement dit « investisseurs »), « patrons » (ou « dirigeants d’entreprises ») et « travailleurs » (ou « employés », « associés », « membres de l’équipe », etc.) retirés du vocabulaire économique et remplacés par la notion fourre-tout de « masse monétaire », et ceci dans un grand mouvement qui vit les personnes remplacées dans les explications économiques par des « forces physiques ». Ce qui ne signifiait pas pour autant que la lutte des classes avait cessé, ni surtout qu’elle n’avait jamais eu lieu.
L’opération finale et la plus décisive de la lutte fut menée à la fin des années 1970 par le bureau d’études McKinsey qui mit au point les « stock options » grâce auxquelles « les intérêts des investisseurs et des dirigeants d’entreprises seraient une fois pour toutes alignés ». Leur plan réussit, et ceci au-delà de toute espérance.
La répartition des revenus : ce qu’il en advint
Avant que les stock options ne soient inventées, les salariés participaient à un grand jeu des trois nations où les investisseurs et les dirigeants d’entreprises jouaient chacun pour soi. Mais l’introduction des stock options mit fin à cette époque : une alliance sacrée était née et les salariés furent balayés. Leur part du gâteau s’amenuisa de plus en plus et toute tentative de leur part de l’augmenter fut brutalement contrée par les banques centrales soucieuses des masses monétaires, faisant grimper les taux d’intérêt – et du coup le taux de chômage – chaque fois que les salariés faisaient mine de broncher.
Leurs revenus se réduisant, les salariés furent forcés d’emprunter toujours davantage. Les banques commerciales, complaisantes, s’exécutèrent. Parallèlement les sociétés avaient cessé de réinvestir leurs bénéfices et tout le monde emprunta désormais. Les intérêts devinrent une composante de plus en plus lourde des prix. Le « capital » – à savoir l’argent dont on a besoin mais dont l’on ne dispose pas – poursuivit sa concentration dans un nombre de mains qui se réduisait encore. Bien entendu, plus le capital est concentré, moins il a de chances de se trouver là où il pourrait servir utilement.
La spéculation : la montée en puissance de la Société Spéculative
Que faire quand on ne dispose pas de l’argent dont on aurait besoin et que l’on sait pertinemment que travailler davantage ne ferait pas une grande différence ? Acheter un billet de loterie bien sûr. À la fin du XXe siècle chacun avait abouti à cette conclusion et les expressions « bulle financière » et « croissance » étaient devenues synonymes.
On avait cessé d’acheter des actions pour les dividendes qu’elles accordent (la part prosaïque du surplus que la compagnie a pu dégager grâce à votre investissement) mais pour leur plus-value. Pour que ceci devienne possible il fallait transformer la bourse en un casino et la cote de l’action Total ou BP devait se modifier toutes les cinq secondes. Bien entendu rien dans la manière dont Total ou BP mènent leurs affaires ne justifie que la cote de leurs actions se modifie toutes les cinq secondes – pas davantage que tous les cinq jours d’ailleurs. Mais la condition est indispensable pour que la bourse se transforme en un casino où des plus-values colossales seront encaissées. Quand ce beau plan cesse de fonctionner, c’est le krach, que l’on constate en effet tous les quatre-vingts ans environ.
Des émeutes de la faim fomentées par des musées et des hôpitaux
Si le commerce du blé se trouvait uniquement entre les mains de ceux qui ont du blé à livrer ou qui veulent en prendre livraison, son prix serait déterminé par la quantité qui en est produite et celle qui en est requise : ce que l’on appelle communément la loi de l’offre et de la demande. Mais ce n’est pas de cette façon que les choses fonctionnent de nos jours : le prix du blé est déterminé aujourd’hui par les paris que font les grands investisseurs institutionnels : les fonds de retraite, les fondations universitaires, les hôpitaux ou les musées. On pourrait s’attendre – au sein d’un monde rationnel – qu’ils focalisent leur attention sur les pensions à verser aux retraités, sur l’enseignement à dispenser aux étudiants, sur le soin à apporter aux patients ou sur la mise en valeur des œuvres artistiques, que non : ils portent toute leur attention à pousser à la hausse ou à la baisse le prix du blé et ceci pour protéger leurs avoirs, sans se soucier outre mesure du fait que des individus vivent ou meurent du fait de leur spéculation.
Les marchés au comptant ou à terme permettent à ceux qui sont exposés à un risque réel (dû au climat, à l’environnement économique général, etc.) de se couvrir, autrement dit de contribuer à réduire le risque global. Au contraire, ceux qui prennent des positions « nues » sur ces marchés, créent de toutes pièces un risque qui n’existait pas préalablement. La couverture procure une assurance alors que les positions « nues » ne sont rien d’autre que des paris créateurs de risque pour les parties impliquées et pour ceux qui dépendent d’elles. La fonction assurantielle de la finance protège l’économie alors que les paris la tuent. Les politiques adoptées en haut-lieu devraient en tenir compte. Le moyen de prohiber les paris sur la fluctuation des prix est simple et bien connu : il est expliqué dans la norme comptable américaine FASB 133 où il sert à déterminer deux traitements fiscaux distincts pour les positions de couverture et les positions nues. FASB 133 devrait être mise à jour et transformée en une interdiction pure et simple de la spéculation sur les marchés des matières premières.
Recommandations
Mettons fin à l’alliance sacrée entre investisseurs et dirigeants d’entreprises : elle détruit en ce moment-même le tissu social. Interdisons les stock options.
Débarrassons les banques centrales de l’idéologie monétariste : les sociétés humaines ne sont pas faites de masses monétaires mais d’êtres humains. Les banques centrales ont mieux à faire que de prendre systématiquement parti pour les investisseurs et les dirigeants d’entreprises contre les salariés.
Appliquons sans tarder une politique fiscale appropriée pour augmenter les chances que le capital se trouve là où il est effectivement utile.
Fermons le casino : interdisons la cotation continue sur les marchés au comptant et à terme.
Interdisons aux spéculateurs l’accès aux marchés des matières premières : interdisons les aux « non-négociants ». Permettons à ceux-ci de focaliser à nouveau leur attention sur ce que la société attend d’eux : enseigner, guérir et favoriser l’accès du public aux œuvres d’art en vue de diffuser la culture.
Encourageons les opérations d’assurance et interdisons les paris sur la fluctuation des prix.
74 réponses à “Ce qui a mal tourné. Le point de vue d’un anthropologue.”
Avez-vous eu des réactions « de ces décideurs » depuis votre intervention vous ont-ils recontacté pour approfondir le sujet ou bien le malaise d’avoir cru à l’idole de la finance est trop fort pour oser s’en détourner complètement ?
allez-vous vous engager politiquement ou pensez-vous simplement conseiller les politiques qui semblent enfin attacher de l’importance à « votre politique ». Un programme moderne doit s’inspirer de vos explications et de vos solutions. Mais ici, nous avons l’école Minc…
en aparté : je ne crois pas avoir vu cité le nom d’Emmanuel Todd sur ce blog, il fut lui aussi un précurseur en 2002 avec son livre : « Après l’empire ».
cordialement
Whaou !!!
Je comprends mieux les silences…
Un extrait d’un article du monde que je signale juste par malice :
« Le récent Prix Nobel entend « l’argument selon lequel notre culture n’aime pas les nationalisations », mais, dit-il, les temps changent : les Etats-Unis n’avaient pas plus de tradition de renflouement massif des secteurs sinistrés, mais ils s’y sont bien vite habitués, ironise-t-il »
N’importe quoi ce post !
L’auteur n’a jamais été entrepreneur, le coeur de l’économie, il ne connaît pas le prix du risque (qui vaut très cher).
Résoudre tous ces problèmes se ferait avec le Dividende Monétaire, et l’interdiction de prêter (créer de la monnaie temporaire), plus que la somme de ses dépôts et dans une proportion décente des actifs des prêteurs.
Le dividende monétaire permettrait la préconisation de Friedman = +5% / an d’augmentation de la masse monétaire
Le dividende monétaire permettrait de créer une monnaie positive incompressible (donc plus de Credit Crunch).
Le dividende monétaire participerait fondamentalement à la répartition des richesses entre tous les hommes sans aucun autre instrument bdion, laissant à chacun le choix d’investir, consommer, ou thésauriser.
Il faut passer au Système Monétaire 3.0 avec le Dividende Monétaire :
http://creationmonetaire.blogspot.com/2009/02/changeons-le-systeme.html
Ces recommandations sont incompatibles avec le matérialisme moniste (continuum du minéral à l’humain) puisqu’il est évident que vous introduisez ainsi une rupture ds le jeu des valeurs … entre ce qu’est une décision humaine d’être supposée morale, et les petits jeux de choix entre des valeurs en utilisant l’intelligence pour piper les cartes!
Bravo,beau coup de pied dans la fourmilière.
En 1966 Charles De Gaulle disait « la politique de la France ne se joue pas à la corbeille » hélas la corbeille a été mariée à Euronext puis NYSE » .
L’Europe ne dit pas ce qu’elle fait ; elle ne fait pas ce qu’elle dit. Elle dit ce qu’elle ne fait pas ; elle fait ce qu’elle ne dit pas. Cette Europe qu’on nous construit, c’est une Europe en trompe l’œil. » Pierre Bourdieu.
Certains élites nous ont trahis.
@ Paul
Je m’associe à la question de Sophie Leroy.
En ce temps de préparation des élections Européennes, quelle a été la réaction de nos braves députés socialistes ?
Y a t-il eu des commentaires ? ou des annonces d’action, de propositions à venir ?
Ces gens, très bien payés, vous ont ils paru décidés à bouger dans le bon sens……au moins quelques uns …..?
Très bonne analyse et en plus avec des propositions concrètent et de bon sens. Maintenant comment faire pour que de telles propositions soient entendues et puissent être mises en place. C’est là me semble-t-il le point le plus difficile. En effet, je ne crois pas que les élites soient d’accord pour changer de vie, perdre le pouvoir et profiter de la main d’oeuvre bon marché pour s’engraisser.
Nous sommes dans une société ou comme le dit Paul de moins en moins de personnes possèdent le capital, et ce sont ces personnes qui fixent les règles du jeu. En mettant en place leurs pions politiques (arrengueurs de foule et mystificateurs) , qui sont tellement sensibles aux lobbying, qu’ils en oublient leurs devoirs. En détenant, Les médias prestidigitateurs, qui transforment les informations pour qu’elles aillent dans le sens de ceux qui les paient et j’en passe et des meilleurs…
Alors, il va falloir retrousser nos manches pour arracher la mauvaise herbe:)
@ Laborde Stephane
Si l’entrepreneur est le cœur de l’économie
Si l’argent des investisseurs en est le sang, les salariés en sont les muscles
Vous pouvez éructer autant que vous voudrez, ces trois éléments sont interdépendants et indissociables.
Votre entrepreneur s’il est seul ne vaut pas mieux qu’un cœur chez mon boucher: pas grand chose et juste bon à se faire croquer.
Les remarques de ce post sont frappées au coin du bon sens et votre réaction n’augure rien de bon quant aux changement inéluctable à venir.
Il a fallu une révolution pour finir d’abattre la monarchie et malheureusement il en faudra sans doute une pour en finir avec ce système.
Cordialement
@Laborde Stéphane
J’ai bien lu votre Systeme Monétaire 3.0, et je m’excuse, mais malgré ses démonstrations mathématiques, il est pour le moins simpliste. S’il limite la création de monnaie virtuelle par le biais du crédit, il ne résoud pas celle, bien plus importante, qui se pratique sur les places boursières (7 à 8 fois le PIB mondial !).
D’autre part, s’il est vrai d’un entrepreneur de PME prend des risques importants, ce n’est généralement pas le cas des dirigeants de grands comptes, on ne l’a que trop constaté. Pourtant, le premier est bien moins rémunéré que le second…
Sans stock options, le modèle de base ne récompense donc pas le « risque » de l’entrepreneur, il ne récompense que celui de l’investisseur.
Avec stock options, les deux poursuivent leur propre intérêt au détriment -long terme- de celui de l’entreprise et -dès cours terme- celui des salariés.
Regardez l’exemple de Toyota : un actionnariat familial qui s’est mis à l’abri de cette logique. Résultat : 60 ans de bénéfices, une avance technologique enviée par tous sur les voitures de demain, et des fonds propres permettant d’affronter la crise -et son premier exercice déficitaire depuis 1950- avec une insolente sérénité.
Donc, pas si « n’importe quoi » ce post !
Peut-être un peu utopiste, mais les utopies d’aujourd’hui seront peut-être les évidences de demain…
Nous voila revenus en 1916, du temps du procès des frères Dodge contre H. Ford…
« Les sociétés modernes d’origine européenne se sont bâties sur le schéma d’une structure tripartite où l’on trouve guerriers-pillards, prêtres et gens du commun. »
Intéressant de relire la théorie trifonctionnelle dans le contexte d’aujourd’hui. Merci pour cet éclairage, Paul.
« Débarrassons les banques centrales de l’idéologie monétariste »… Et du système de réserve fractionnaire qu’elles imposent, gèrent, défendent et protègent ! Il est la source de toutes les crises financières, et donc des crises économiques ! Le reste en découlera, la spéculation, la cotation continue des actions, les devises flottantes, etc. Et renationalisons la création monétaire pas les états, système infiniment moins inflationniste que le système actuel – contrairement au dogme des livres d’économie, et du discours usé des banquiers centraux.
Une politique fiscale compensant les effets du prélèvement de richesse par les intérêts composés, et répartissant les richesses et la monnaie ou elle est nécessaire et utile.
Bref, remettons l’Homme au centre.
Forcément je suis plus radicale que vous Paul, mais c’est seulement parce que je suis moins visible et moins lié au système bancaire actuel. Bref, de bonnes recommandations et de bonnes idées pour le groupe socialiste du Parlement Européen. Beaucoup d’entres eux ont oublié le sens du préfix social dans Socialiste…
Bonne continuation,
Un idéaliste…
Enfin !
Comment faire pour que cette analyse et ses recommandations salutaires soient diffusées le plus largement possible ? Pétition ? Manifestation ?
Messieurs les dirigeants, il vaudrait mieux pour tout le monde une réforme par le haut qu’une révolution par le bas. La colère monte.
@Paul Jorion
Je vous demandais de quel côté vous étiez…j’ai un début de réponse.
Et maintenant, que fait-on? N’est-il pas urgent de se « mouiller », de se tremper tant il est évident que nous ne pouvons plus laisser faire.
Si nous devons faire des bêtises, au moins cela sera les nôtres, on pourra essayer d’en profiter un peu, (pour le plus grand nombre)…
Dumezil décrivait aussi cette approche des sociétés, mais il s’agissait de sociétés disparues!
Je ne voudrais pas être à la place de l’élite des socialistes européens : où trouveront-ils l’énergie pour remonter de quarante années de suivisme ?
Un temps de « lâchez tout on privatise au nom de la modernité », puis retournement, « on nationalise au nom du peuple ». Qui paiera la facture pour leur manque d’imagination sociologique ?
Comment se décrasseront-ils mentalement de quarante ans soumission à la croissance, comment leurs bureaucraties pourront-elles imaginer les modes de vivre ensemble laissant une chance aux hommes de survivre aux rééquilibrages gigantesques autant qu’imprévisibles de la biosphère engrainés dans la modification irrépressible du climat ? Je partage leur inquiétude devant l’avenir, leur « croissance verte » c’est comme le porteur de drapeaux obligatoire devant les premières automobiles. Attention danger ! Cent ans plus tard, nous y sommes ! (1)
Et puis c’est humain, ils ont connu les beaux hôtels, se sont sentis importants à la table des banquiers et des industriels, certains on vendu des ici, des hélicoptères, là des frégates, d’autres ont payé de leur vie et tandis que d’autres étaient payés. En Belgique nous en avons même en prison pour deux semaines avoir trop voyagé pendant vingt ans.
Allez demander maintenant à ces gens de se convertir à la simplicité volontaire. Certes, ils ont le talent pour nous en faire avaler le discours, en trois mois de gavage médiatique, puisque c’est nécessaire. Mais comment les fantassins socialistes, les municipalistes, les voltigeurs de « l’économie sociale » sauveront-ils leur âme ? Les voici pris au piège qu’ils ont préparé depuis si longtemps. Le mode capitaliste d’asservissement par l’argent virtuel s’achève, retour à l’économie réelle : l’asservissement par le travail, et surtout, sa morale garantie d’une échelle hiérarchique. « Retour à l’ancien régime » nous dit Paul. À chacun de tirer les petits avantages de sa place, et moi le premier tiens donc, passez- moi la bague de fiançailles !
Nous allons en avoir des congrès sur les thèmes associatifs, les monnaies locales et autres Pharmakon accouchant de Béhémot en rut ; ça va être terrible et bouffon, mais nous risquons tous ensemble d’avoir une fin de vie amusante… L’espèce humaine se rayant du cosmos dans un grand éclat de rire, c’est une belle fin.
Non je ne désespère pas de l’élite intellectuelle socialiste, mais devant toutes ces difficultés et ces pièges à venir, que pouvons-nous, eux et nous ; comment réussir à monter quelque chose qui ne soit pas une atrocité de plus ?
(1) J’ai lu mon premier article sur la destruction de l’ozone en 1962, dans une revue scientifique noir et blanc qui s’appelait « Atome », plaçant ce scoop dans une « rédaction », je pensais que les Lumières nous sauveraient des ténèbres, ZERO. Quinze ans plus tard, pour mon premier job sérieux, l’adjoint du Recteur – depuis un grand socialiste européen – me demande de participer au montage d’un dossier de subsides pour un centre d’analyse en toxicologie industrielle et précise, « naturellement JLM la fixation des normes de toxicité doit tenir compte des réalités économiques, tu comprends » ; je comprenais.
“Les sociétés modernes d’origine européenne se sont bâties sur le schéma d’une structure tripartite où l’on trouve guerriers-pillards, prêtres et gens du commun.”
Le silence et l’absence de réaction de vos interlocuteurs peut alors s’expliquer par leur appartenance à l’une des deux premières catégories, pour une part…
Ce qui ferait de vous, M. Jorion, et de nous les gens du commun, les « roulés dans la farine ».
Récemment j’ai eu des mots avec un chirurgien qui m’a « roulé dans la farine » en confondant volontairement la nature des actes médicaux et leur code de sécurité sociale, me laissant penser que je serais correctement remboursé, tout en remplissant rigoureusement les documents écrits. J’ai compris la manoeuvre en recevant le relevé de la mutuelle.
Quand j’ai raconté l’incident au médecin qui me l’avait recommandé, il est resté silencieux, souriant, mais gêné, et j’ai réalisé qu’il savait exactement ce dont je lui parlait, et qu’il n’était en aucun cas surpris…
Qu’avez-vous lu sur les visages des personnes auxquelles vous vous êtes adressé ? Votre intervention a-t-elle été filmée ?
Bonne journée là-bas.
Comment ont réagi les socialistes français ? Vous a-t-on fait des remarques ou posé des questions ?
@ JLM
Ovations nourries.
@2Casa et JLM
Mon socialiste français préféré c’est Delanoë : affirmer être socialiste et libéral en pleine déroute financière ! Quelle performance.
« Interdisons aux spéculateurs l’accès aux marchés des matières premières »
Et quand les spéculateurs sont des états puissants, capables à la fois, de créer la manque avec des embargos militaires et de monnayer la demande après avoir spolié les richesses d’un pays, on fait comment ?
(Cas de l’Irak et du fameux « pétrole contre nourriture »)
@ Paul Jorion :
J’approuve à peu près tout dans votre intervention, surtout la conclusion, avec enthousiasme. Je comprends aussi que le silence a du rapidement se faire au fur et à mesure de votre présentation. Avez-vous entendu grincer des dents, tout-de-même ?
Là où je bloque, c’est sur l’approche historico-anthropologique de l’origine de cette crise qui constitue votre introduction, bien sûr.
Dans ce système, une lutte pour la domination en remplace une autre, et vos propositions s’inscriraient donc dans la continuité de cette guerre perpétuelle, pour autant que je comprenne. Finalement, nous ne ferions que le lit de la prochaine crise, non ? Y-a-t-il une réalité à l’affirmation que les sociétés humaines sont finalement « organisées » par la guerre perpétuelle de tels contre tels, au delà des faits empiriques ?
Les solutions que doivent proposer nos dirigeants doivent-elles s’inscrire dans ce schéma, ou tenter de le dépasser ?
Mais où est le facteur d’harmonie sociale qui, malgré tous ces combats, a permis le progrès des sociétés humaines ?
Vous semblez faire l’impasse sur l’état-nation, né de la révolution de la Renaissance, dont l’autorité repose sur la défense et le progrès de l’intérêt général, et qui par conséquent a vocation à harmoniser les différentes puissances de la nation pour l’intérêt réel de tous ses membres. A moins que ce ne soit ce que vous appelez démocratie ?
Franklin Delano Roosevelt , dans l’introduction et le premier chapitre de son livre de 1933 intitulé « Looking Forward » (que je traduis en ce moment), propose un « état des lieux », qui sur certains points est similaire au votre, mais diffère quant à la méthode.
Et puis, bien sûr, sur l’état-nation, je suggère Emer de Vattel .
Hélas, mille fois hélas!
Avant que ces mesures puissent ne serait-ce qu’être envisagées, je pense qu’il faudra détruire des milliers d’emplois supplémentaires et jeter dans la misère et la famine d’autres milliers d’être humains dès les premiers signes de reprise sur ces marchés alimentaires qui tendent les bras aux spéculateurs.
Vous avez raison Paul, hier les spéculateurs étaient des « méchants financiers mal intentionnés », relativement minoritaires, aujourd’hui ils ont pris le visage de fonds de pension, d’institutions philanthropiques comme celle d’Elie Wiesel…
Et la sauvagerie n’est jamais loin, ne l’oublions pas…
Aujourd’hui se construit la 3ième phase de la Dépression: celle du recours au quantitative easing.
1) subprime: la mêche qui a mis le feu à la Saint Barbe
2) le monde se réveille et la finance contamine l’économie
3) les mesures prises contaminent le système monétaire
Et, lorsque nous inscrirons le
n) Reprise
Il sera toujours temps d’inscrire
n+1) crise alimentaire par appétit des fonds spéculatifs
n+2) crise de ressources énergétiques
Jusqu’où irons nous ?
L’anthropologue que vous êtes, Paul, ne voit-il pas, objectivement, une trajectoire d’effondrement des sociétés humaines dans leur ensemble ?
Personnellement je commence à y penser.
A MONSIEUR JORION
Bonjour Monsieur Paul Jorion.
d’abord je voudrais vous féliciter de jouer ce role de correspondant entre les dirigeants et le peuple,role qui nexiste plus a l’heure actuelle.
Après je me demandais si vous pensez vraiment que ce que vous proposez est viable ou si une nouvelle bulle n’est pas la seule solution (toute valeur gardée BIEN SUR),la fameuse bulle verte qui consiste a se répropprier les valeurs « durables » pour les refourguer aux consommateurs ?
N’étant pas économiste ni écologiste je ne pourrais dire comment la bulle verte se matérialise concrètement mais dans tout les cas cela semble etre l’une des seules solutions pour sortir relativement rapidement d’une récession en L et pour en meme temps modifier les comprortements destructeurs liés a la société consumériste.
le developpement durable implique forcément quelques une de vos propositions, les deux solutions sont elles liées ?
j’aimerais vraiment avoir votre opinion car vous devez forcément en avoir entendu parler et ausi car c’est premier post et que ça mérite bien un chtit cadeau.
@ Paul Jorion :
de toutes vos conclusions, c’est celle-ci, selon moi, qui est la plus révolutionnaire :
Elle renversera l’ordre économique mondial, sans aucun doute, et rendra aux nations déshéritées le contrôle de leurs sols et de leurs productions agricoles, et fera très certainement revenir les prix vers un niveau « naturel ».
Elle fait écho à l’alinéa 4 de la Charte de l’Atlantique, que Roosevelt fit signer à Churchill, bien malgré lui.
Sans la fin prématurée de FRD, cette charte – et cet alinéa – aurait signifiée la fin immédiate des empires coloniaux dès la fin de la guerre. C’est malheureusement le contraire qui a eu lieu, Truman se faisant dicter sa politique étrangère par Churchill (ce sont là les débuts de la « special relationship »)
Anecdote : l’un des premiers gestes de Barack Obama – dont un des grand-pères a souffert des anglais durant les répressions au Kenya – en rentrant dans le bureau ovale, a été de remplacer le buste de Winston Churchill par celui d’Abraham Lincoln. Je crois bien même que le buste a été rendu à l’ambassade d’Angleterre. Cela a provoqué un brouhaha terrible et paniqué dans la presse britannique.
Cordialement,
Jean-Gabriel Mahéo
Excellent article!
Clair, concis, rationnel et efficace!
@Paul
“Les sociétés modernes d’origine européenne se sont bâties sur le schéma d’une structure tripartite où l’on trouve guerriers-pillards, prêtres et gens du commun.”
Distinguons quand même, si vous le voulez bien Paul, le haut clergé du bas clergé…
Dans son immense majorité les PME (le bas clergé) qui représentent 80 % du PIB de la France souffrent autant que les gens du commun de la contrainte actionnariale et concurentielle qui leurs est imposée par l’alliance tacite des investisseurs et des grandes entreprises(le haut clergé).
Il est peut être un peu réducteur d’opposer entreprises dans leur ensemble et salariés mais cela dit, je trouve votre analyse pertinente et vos solutions tout autant. Bien avant que des solutions n’émergent dans l’immédiat, l’effondrement du système monétaire actuel et l’inflation remettront certainement les pendules à zéro, ce n’est qu’une question de temps et de planche à billets…
Une fois cela fait, à nous d’inventer le monde de demain basé sur une croissance durable et sur un capitalisme plus soucieux des gens du commun et du bas clergé mais ce n’est pas gagné d’avance…
Beaucoup de souffrances et de boulots en perspectives…
Bravo Paul, c’est ce que je pense aussi pour l’essentiel. Je crains que seul des moyens coercitifs soient efficaces pour obtenir cet assainissement, mais les armes sont dans le même camp, alors que faire si ce n’est au moins un changement à titre personnel (A-consommation). En ce qui me concerne je me borne à constater la décadence et la fin prochaine de l’hégémonie du mode occidentale, il était temps, les dégats sont considérables.