Télérama, le 4 mars 2009

Paul Jorion : remettre l’argent au service de l’économie, propos recueillis par Vincent Remy

Crise des subprimes, effondrement financier, Paul Jorion avait tout prédit. L’humanité ne s’en sortira que si nous pensons l’argent autrement.

L’argent en folie hante tous les esprits. Chaque jour qui passe engloutit des milliards. La destruction de valeur semble sans fin. Personne, nous dit-on, ne pouvait imaginer une crise d’une telle ampleur… Faux. Dans un livre visionnaire, Vers la crise du capitalisme américain ?, écrit entre 2003 et 2007, Paul Jorion avait tout prédit. Décortiqué les mécanismes qui conduiraient à la catastrophe actuelle. Anthropologue belge, devenu trader (1) en Californie, puis spécialiste de la formation des prix en matière de crédit, Paul Jorion – que les parlementaires européens veulent entendre ce mercredi 4 mars à Bruxelles – nous rappelle une évidence : l’argent est vital mais il faut le replacer au service de l’économie, d’une économie respectueuse de la Terre et des humains. Question de survie, nous dit-il…

Vous intitulez votre prochain ouvrage L’Argent, pourquoi ?

Le terme s’est imposé. J’avais perçu dès 2003 la crise en gestation, que j’ai ensuite chroniquée au jour le jour dans mes deux derniers ouvrages. Il faut maintenant aller plus loin. Sur mon blog, je constate que les gens sont en colère. Ils se rendent compte que la crise va les atteindre profondément dans leur vie quotidienne. Et ils constatent qu’on prend l’argent de l’Etat, c’est-à-dire celui des contribuables, pour le donner aux banquiers. Cela vient après toutes ces années qui ont conduit à la dégradation du pouvoir d’achat des salariés. Personne ne comprend le rôle joué par la finance dans nos économies, les mécanismes bancaires, la création de la monnaie…

“Il n’y a pas eu besoin de complot
pour nous amener là où nous sommes !”

Malgré l’avalanche d’informations sur le sujet, on ne comprend toujours pas ?

Non, et quand les gens ne comprennent pas, ils ont tendance à penser que quelqu’un « cache », qu’il y a un complot. Mais il n’y a pas eu besoin de complot pour nous amener là où nous sommes ! Ce qu’il y a eu, c’est une mise entre parenthèses du rôle que joue l’argent dans nos sociétés. L’institution financière a juste dit : c’est trop compliqué pour qu’on vous explique, ne vous occupez pas de ça, on sait faire…

Pas de complot, certes, mais êtes-vous d’accord avec Jacques Attali, qui parle dans son dernier ouvrage d’« initiés » ?

Pas exactement. Ayant une formation dans les sciences dures, avant d’incriminer les gens, j’incrimine les systèmes physiques. Nous avons mis en place un système économique qui a abouti à une concentration de l’argent entre les mêmes mains. N’oublions pas que nos sociétés étaient guerrières avant d’être démocratiques. Les guerriers se sont partagé le territoire. On a donc des propriétaires partout, et il faut ajouter nos systèmes d’héritage. Le tout aggravé par le fait qu’on peut aujourd’hui « faire » de l’argent, car le prêt appelle des intérêts. Résultat : aux Etats-Unis, 1 % de la population détient 38 % de la richesse. Il est urgent de redistribuer l’argent là où on en a besoin. Et on en a besoin pour produire et pour consommer.

“Le développement de la finance
a entraîné une activité parasitaire,
la spéculation, qui a fini par la tuer”

Devant le manque d’argent, lié à la baisse de la part des salaires dans le PIB, les salariés américains ont eu recours massivement à l’endettement…

Oui, aux Etats-Unis, c’est devenu naturel de penser que l’argent dont on a besoin pour vivre, il faut l’emprunter ! Et cet endettement croissant, utilisé à son tour par les possédants pour spéculer et faire des profits, a joué un grand rôle dans le déclenchement de la crise. Mais la vraie rupture idéologique, ce sont les stock-options, mises au point dans les années 70 par des disciples de l’école de Chicago, dans un but bien précis : faire basculer les dirigeants d’entreprise du côté des actionnaires. Depuis les origines du capitalisme, on avait un système tripartite : des gens qui avaient l’argent ; des gens qui avaient l’esprit d’initiative et créaient des entreprises ; et des gens qui faisaient le travail réel et produisaient les richesses. Ces trois groupes sociaux se disputaient le partage de la richesse produite. A partir du moment où on a délibérément aligné les intérêts des dirigeants d’entreprise sur ceux des capitalistes-investisseurs, les salariés étaient fichus. Ils se retrouvaient face à deux groupes très puissants. Le plus dramatique, c’est que les Etats qui auraient pu les défendre ont laissé les Banques centrales faire le jeu des capitalistes et des dirigeants d’entreprise.

L’argent est donc au cœur de la crise que nous traversons ?

L’hypertrophie de la finance a fait qu’elle a pris la place de l’économie. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne se sont spécialisés dans le service financier, c’est-à-dire dans la manipulation de l’argent. La principale marchandise-objet de commerce, aujourd’hui, c’est l’argent.

Peut-on dire que le rôle de l’argent a changé ?

Il reste un étalon de mesure. Et il mesure toujours la richesse, qui donne un double pouvoir : celui d’acheter des objets et celui d’avancer de l’argent à ceux qui en manquent en échange d’intérêts. Le problème, c’est que l’argent servait avant tout à obtenir des biens et des marchandises au sein de l’économie, et qu’il est devenu le moyen d’obtenir toujours plus d’argent au sein de la finance grâce à des paris sur les fluctuations des prix.

C’est-à-dire spéculer…

Oui. Le développement de la finance a permis de faire circuler l’argent des endroits où il y en avait trop vers les endroits où il n’y en avait pas assez. Mais ça a aussi entraîné une activité parasitaire, celle des spéculateurs. Les parasites peuvent vivre sur un système hôte, mais à partir du moment où ils sont trop nombreux, ils le tuent. Or, aucune mesure n’a été prise pour diminuer leur pouvoir de nuisance.

Est-ce parce que, dans une société d’échanges très sophistiqués, la frontière entre ce qui est nécessaire à la fluidité de l’économie et ce qui relève de la spéculation n’est pas nette ?

Elle est parfaitement nette ! Je ne sais pas s’il va pleuvoir demain, si ma moisson sera bonne. Ces aléas induisent des risques qui ne dépendent pas de moi, mais de la planète. Ces risques-là, je peux m’en protéger par des assurances. Quelqu’un prendra ce risque pour moi si je lui donne une fraction d’argent. Mais je peux aussi créer des risques. Je peux parier un million que la sécheresse aura ou n’aura pas lieu. Si vous acceptez mon pari, l’un de nous aura perdu un million à l’échéance. Nous aurons créé de toutes pièces un risque qui n’existait pas. 80 à 85 % des acteurs intervenant sur les marchés des matières premières créent ce risque artificiel. Ils n’ont ni de pétrole à délivrer, ni à prendre livraison de blé. Ils n’ont rien à faire là, juste faire de l’argent, et sont en train de tuer le système d’assurance des marchés. Ce serait très facile de les éliminer, les lois existent déjà aux Etats-Unis, mais elles distinguent les spéculateurs uniquement pour des raisons fiscales. Il suffirait de les transposer en lois de prohibition et le problème serait réglé.

“Les gens mélangent leurs châteaux
en Espagne et l’argent qu’ils
avaient dans leurs poches”

Quand on dit que la baisse de l’immobilier et des actifs financiers a déjà entraîné la perte de 40 000 milliards de dollars, c’est-à-dire quatre fois le PIB américain, ça a un sens ?

Non, parce qu’on additionne des pertes réelles – de l’argent que les gens avaient et n’auront plus – et des manques à gagner – c’est-à-dire des sommes que les gens imaginaient qu’ils allaient récupérer et qu’ils n’auront jamais. Ceux qui avaient, à crédit, acheté 100 000 dollars une maison dont le prix avait grimpé à 500 000 dollars se disaient : « J’ai 400 000 dollars dans les murs, ça me permettra de prendre ma retraite. » Ils s’aperçoivent aujourd’hui que ces 400 000 dollars n’ont en réalité jamais été là. Mais, pour eux, c’était l’argent de leur retraite, c’était « vrai », et ils considèrent avoir perdu tout l’argent de leur retraite. De la même façon, ceux qui avaient placé de l’argent chez Madoff se plaignent non seulement des sommes qu’ils lui ont données mais veulent aussi récupérer les sommes imaginaires que Madoff leur avait promises. Les gens mélangent leurs châteaux en Espagne et l’argent qu’ils avaient dans leurs poches. Il y a un problème de crédulité…

Que dit-on quand on dit que Bernard Madoff a fait disparaître 50 milliards de dollars ?

Ce n’est pas exact. Il a donné à A ce qu’il avait reçu de B. Mais il prétendait donner à A et à B de l’argent qu’il avait fait fructifier ailleurs, autrement dit qui avait été ponctionné sur le labeur de C. Il affirmait à A et B être en train de voler C, alors qu’il ne volait que B pour payer A. Il a probablement volé 30 milliards à B et prétendu à A que son argent avait fructifié de 20 milliards. Ceux qui se disent escroqués veulent faire passer un manque à gagner (un potentiel qui ne se réalisera pas) pour une perte (un réel qui a disparu). Même l’imagination a de la valeur…

S’il y avait trop d’argent en jeu, pourquoi les Etats en créent-ils encore ?

Aujourd’hui, A ne peut plus rembourser B, du coup B ne peut plus rembourser C, C ne peut plus rembourser D. La même somme circule, mais on additionne les pertes. Plus longue était la chaîne des gens qui s’étaient prêté les uns aux autres, plus les pertes sont élevées. Si cent personnes se sont prêté les mêmes 1 000 euros, on considère que 100 000 euros ont été perdus. Les Banques centrales disent : on va remplacer cet argent-là par du nouveau. Elles donnent de l’argent aux banques en disant : vous pouvez prêter à nouveau. Mais les banques s’aperçoivent que tous les gens qui leur demandent de l’argent sont en réalité insolvables et elles décident de ne pas prêter. Donc, l’Etat verse de l’argent dans un puits sans fond. Car plus la situation se dégrade, plus le nombre d’emprunteurs potentiels qui pourraient rembourser diminue.

Alors, qu’est-ce qu’il faut faire ?

Remettre tout le monde au travail ! La seule solution est de type New Deal, ou ce que la Chine est en train de faire. Mettre le maximum de personnes sur les énergies renouvelables, la recherche, l’industrie médicale. Réaliser de grands projets d’intérêt mondial dans le cadre d’une planète dont les ressources s’épuisent. Cette crise est tombée au bon moment. Il faut faire d’une pierre deux coups. Si on résout le problème à la manière ancienne, on n’échappera pas au fait que dans dix, vingt ans, on aura atteint le taux d’utilisation maximal des ressources naturelles, et on aura totalement empoisonné l’atmosphère. Il faut donc un changement de société.

“Les Etats-Unis dégringolent plus vite que ne
l’avait prévu la Chine, mais les Chinois sont prêts”

La Chine en prendrait le chemin ?

Les Etats-Unis dégringolent plus vite que ne l’avait prévu la Chine, qui aurait bien aimé que les Américains consomment encore un peu ses biens, mais les Chinois sont prêts, ils ont leur plan de rechange, s’occuper du pays lui-même, et pas seulement avec des gadgets, mais dans une perspective de développement durable. Ils le font avec leur passé communiste, centralisé, autoritaire, qui leur permet de prendre des décisions au quart de tour, sans avoir à tenir compte des actionnaires ou des banquiers.

Le fait que des pays comme les Etats-Unis et l’Angleterre aient consacré une grande part de leur énergie et de leurs talents à l’industrie financière les a-t-il irrémédiablement affaiblis ?

Non, parce qu’il y a plein de gens dynamiques. Les « quants », ces petits génies de la finance, peuvent aussi construire des ponts ou travailler sur les énergies nouvelles. Ce sont des gens de premier plan, peut-être pas sur le plan moral, mais du point de vue intellectuel. Ce ne sont pas des gens perdus, ils sont récupérables. Evidemment, les reconversions ne sont pas faciles parce qu’il faut créer ces secteurs.

Les Anciens, depuis Aristote, avaient une grande méfiance de l’argent. De totem, l’argent pourrait-il redevenir tabou ?

L’argent est un très bon outil, et on en aura encore besoin pour la production et la consommation. En revanche, toute la finance spéculative – les paris sur les cours futurs du blé, du pétrole, des changes, des taux d’intérêt, etc. – disparaît à grande vitesse. On est en train de retomber au niveau de ce dont l’économie a réellement besoin. Lorsque le processus sera achevé, la finance ne représentera plus que 10 ou 20 % de ce qu’elle était en 2006. Ça va aller très vite.
Aristote disait : le bonheur, c’est de faire fonctionner son cerveau. Oui, il y a un certain bonheur à cette crise. Il y a un défi d’une grandeur extraordinaire. On est à une période charnière de l’histoire de l’humanité. Si on parvient à survivre, nos descendants diront : ces gens ont découvert qu’ils vivaient dans un monde limité, ils ont dû faire quelque chose. Ils avaient trouvé un système pour faire marcher l’économie, ils se sont aperçus que ce système épuisait les ressources et ne pouvait plus fonctionner. Le défi pour notre espèce est considérable. Et je ne parierai pas sur le fait qu’on y arrivera ou qu’on n’y arrivera pas…

——
(1) J’ai été « trader – profil recherche » sur les instruments de dette à la Banque de l’Union Européenne (Groupe CIC) à Paris en 1990 -1991. J’écrivais des logiciels qui permettaient de passer des opérations et j’en évaluais les résultats. Je suis ensuite passé à la valorisation des instruments de dette, puis à la gestion de risque et à la validation des modèles financiers. Je n’ai jamais été trader aux États–Unis.

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117 réponses à “Télérama, le 4 mars 2009”

  1. […] vient d’être interviouvé par Télérama, et il reproduit l’entretien sur son blog (que j’ai passé des heures à lire quand je l’ai […]

  2. Avatar de emmanuel
    emmanuel

    sympa, votre article commun avec Aristote, Paul, très bien… Merci

  3. Avatar de De la réemployabilité vers les oeuvres utiles
    De la réemployabilité vers les oeuvres utiles

    « Le bonheur c’est de faire fonctionner son cerveau ».

    Je vous trouve un peu hypocrite dans vos vues, si la crise appelle
    à la reconversion des carrières de la finance, vous trouvez toujours
    une haute valeur intellectuelle à ses génies, capable aussi bien
    de construire des ponts que de formuler les retours sur investissement
    à deux chiffres des spéculateurs lorsqu’il s’agissait d’inventer
    des produits à double tranchant, où les pertes sont des abîmes.

    Evidemment, devraient-ils d’abord s’abstraire de leur notion de
    risque s’ils l’ont déjà compris, et comment croire qu’ils pourraient
    se réadapter ailleurs où leurs compétences ne sont décidemment pas
    de mise sinon dans la construction où justement l’on ne veut pas
    de châteaux de sable ? Ou alors dans l’automobile où l’on ferait
    l’économie des crash-tests ? Dans l’aéronautique en oubliant que
    les avions ont vocation d’abord à voler avant que de ne s’écraser ?
    Dans l’industrie agroalimentaire où l’on mettrait de côté les crises
    sanitaires pour supprimer la traçabilité (n’oublions pas les banques
    poubelles pour recevoir les actifs toxiques) ?

    Quant le bonheur est de faire fonctionner son cerveau, rien de
    mieux que de louer un régime dictatorial pour mener le monde
    avec son dirigisme et son affranchissement des banquiers, ces
    derniers d’ailleurs pourrant faire fonctionner le leur avec
    leurs collègues ingénieurs financiers chez Wall-Mart ou Mc Donalds.

    L’hypocrise de mise chez vous est qu’il restera toujours la
    possibilité de faire jouer les « animaux de la ferme » aux endettés
    à des taux usuraires, si un banquier trouve tout le monde
    finalement insolvable, il sait bien qu’il restera des gens
    empruntant pour vivre leur quotidien, comme cela se passe de
    plus en plus.

    Votre angélisme béat quant aux leçons de crise salutaire devrait
    réfléchir que l’on peut toujours améliorer un bilan carbone en laissant
    fleurir des éoliennes sur une terre de déshérités, mais que cela
    ne constitue pas par ailleurs un projet de société.

  4. Avatar de fincaparaiso
    fincaparaiso

    @ de la rémployabilité…
    l’angelisme béat de paul jorion est inquiétant:cet homme capable depuis 2003 d’avoir prévu le schisme dans lequel nous vivons, n’ose tout simplement plus dire la vérité sur les inéluctables conséquences économiques et sociales de ce marasme:il devient POLITIQUE, il nous débite de plus en plus de contes pour enfants….

  5. Avatar de herve33
    herve33

    @De la réemployabilité vers les oeuvres utiles

    Vous n’avez pas compris que si les personnes qui travaillent dans le milieu financier ( banquiers , traders etc … ) en sont arrivés au point actuel , c’est parce qu’on les a laissé faire , les politiques , les autorités de régulation , les banques centrales n’ont rien vu ou plutot fait semblant de rien voir venir . Ces banquiers , traders ont fait simplement leur métier dans un contexte d’euphorie généralisé alors que d’autres auraient dû faire le leur c’est à dire réguler le système et prévenir les risques , ce qu’ils ont été incapables de faire .

    Il est facile de désigner des bouc émissaires , cela permet de cacher les vrais coupables .

  6. Avatar de JLS
    JLS

    « Non, parce qu’il y a plein de gens dynamiques. Les « quants », ces petits génies de la finance, peuvent aussi construire des ponts ou travailler sur les énergies nouvelles. »
    Je n’y crois pas trop non plus.
    De plus aux USA et en GB beaucoup de ces individus ne sont ni américains ni britanniques. Les pays anglo-saxons ne forment pas assez de scientifiques ou de techniciens.
    Dans le monde de la « hight-tech » Depuis peu beaucoup d’indiens et de Chinois quittent les USA, que vont-ils faire avec tout leurs « génies » de financiers et de lawyers.
    Pour moi la plupart de ces gens sont incapables de bâtir quoi que ce soit : intellectuellement, moralement et même et ce n’est pas leur tempérament. Je pense qu’ils devriendront commerciaux (vendeurs de bagnoles de cuisine etc..) ils en faut.

  7. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    @ de la réemployabilité ….

    Vous isolez une remarque incidente de Paul Jorion et vous en déduisez un tas de conclusions qui n’ont rien à voir avec sa pensée.
    Lisez ses billets sur ce blog ainsi que ses livres et vous serez bien obligé de conclure qu’il est beaucoup plus radical que vous ne le pensiez au premier abord. Il est vrai, cette interview dans Télérama n’exprime pas tous les aspects de son point de vue, notamment sur la question écologique qu’il est en réalité loin de négliger.

    Tout de même, à propos de l’insolvabilité, Paul Jorion a été un des premiers à lier la crise des subprimes au problème de l’insolvabilité des ménages.
    S’il faut reprocher à une personne d’avoir sous -estimé ce problème, ce n’est pas à lui qu’il faut le faire. Vous vous trompez de cible.

    De façon plus générale, Paul Jorion n’a cessé de faire de l’économie politique. Il analyse l’économie comme un jeu de rapports de forces, lesquelles impliquent investisseurs, entrepreneurs et salariés, ces derniers se voyant ponctionner — et ce de plus en plus ces dernières décennies — par les deux premiers acteurs une partie de leurs revenus, créant ainsi les conditions de leur insolvabilité.
    Les banques auxquelles vous faites allusion ne sont évidemment pas en reste. Les crédits à la consommation, notamment, sont un prélèvement sur les salaires. Où est l’hypocrisie dans ces analyses ?

  8. Avatar de eilage
    eilage

    à propos des quants :
    ce que Paul voulait dire, je pense, c’est que ces petits génies de l’insouciance faisait et feront toujours partie de l’inteligentia et qu’avec leurs QI au dessus de la moyenne, leur dynamisme, il ne devraient pas avoir trop de problèmes de réinsertion … quelque soit la rancoeur que vous ayez à leur égard …

    @ fincaparaiso qui est assez virulent avec Paul Jorion en disant qu’il se « politise », les grands esprit ont souvent le mérite de savoir s’adapter à leurs interlocuteurs, et à ce sujet , j’aimerai bien voir ce fameux discours de Paul Jorion à Bruxelles…
    existe -t- il un média de celui-ci ?

    Merci Paul
    et les autres …

  9. Avatar de AAA+
    AAA+

    Il est impossible, semble-t-il, même pour les esprits ouverts, de ne pas réagir en logique de caste….

    Les quants, (pour analystes quantitatifs ), ne sont ni coupables, ni responsables. Les banquiers ne sont ni coupables ni responsables. Y-a-t-il eu jamais quelqu’un de coupable ou de responsable de tout ce bazar? Assurément non. Pas quelqu’un mais tout le monde, pas quelqu’un mais quelque chose. Quoi ? un truc, un machin, on ne sait pas!

    « Les « quants », ces petits génies de la finance, peuvent aussi construire des ponts ou travailler sur les énergies nouvelles. Ce sont des gens de premier plan, peut-être pas sur le plan moral, mais du point de vue intellectuel. Ce ne sont pas des gens perdus, ils sont récupérables.  »

    C’est sûr, avec une conception pareille du recyclage on va se retrouver dans l’Italie des années 50-60, où le ciment était si rare dans le béton, que les grains de sable se retrouvaient, trés vite, libre de faire ce qu’ils voulaient…Les victimes, elles, furent libre de mourir.

  10. Avatar de Jef
    Jef

    Comme il est simple d’être derrière son ordinateur, de lire, porter un point de vue, critiquer voir s’indigner.

    Le travail de Paul Jorion est remarquable. Ces derniers ouvrages sont pour certains visionnaires, pour d’autres de véritables bibles. En plus, ce monsieur a la grande chance, compte tenu d’un parcours très diversifié, d’avoir une approche plus complète que des Aglietta, Artus ou autre Pigasse sur ce qui se passe. Et si certains doutent de son engagement, qu’ils passent quelques heures sur ses écrits et ses nombreux billets sur ce blog.

    Pourtant, je ne suis pas toujours en phase, en particulier sur sa vision Keynésienne comme solution à ce bourbier, pour des raisons à la fois d’impasse monétaire mais aussi de moralité.

    Maintenant, il faut comprendre que lorsque l’auditoire devient plus « diversifié », lorsque l’on s’expose, essayer de faire passer des messages comme une mule n’offre jamais de bon résultats, même quand on en brûle d’envie. Ceci dit, comme Eilage, j’aurais aussi aimé avoir un topo plus précis de la réunion de Bruxelles.

  11. Avatar de Paul Jorion

    Compte-rendu plus complet sur la réunion de Bruxelles : ce sera le prochain billet. Mais il faut que je dorme d’abord un peu !

  12. Avatar de Paul Kaizerman
    Paul Kaizerman

    « …ces petits génies de la finance, peuvent aussi construire des ponts ou travailler sur les énergies nouvelles. Ce sont des gens de premier plan, peut-être pas sur le plan moral, mais du point de vue intellectuel…. »

    C’est absolument effrayant de dire de telles choses !
    En réalité, vous n’avez rien compris à cette crise (sauf peut être du point de vue technique).
    Je suis très déçu… A mes yeux, vous avez perdu tout crédit.

  13. Avatar de De la réemployabilité vers les oeuvres utiles
    De la réemployabilité vers les oeuvres utiles

    @Pierre-Yves
    Bien d’accord avec vous. Simplement on ne peut espérer avoir les mêmes
    revenus en assurant le back-office d’un grand établissement financier qu’à
    un travail d’ingénierie de ponts ou d’énergie renouvelable, surtout quand
    les outils et les savoirs n’ont rien à voir. Je ne nourris aucune rancoeur
    face au ingénieurs financiers, simplement il faudrait croire que leur
    expérience ne soit pas celle des plus grandes réussites professionnelle
    quelle que soit leur intelligence. Quant aux décotes sur salaire, ils n’ont
    que l’exemple de leur management pour un golden hello dans leur prochain
    emploi.

    Enfin si vous vous souciez vraiment de l’avenir et de la réemployabilité
    des salariés du secteur financier (plusieurs centaines de milliers de postes
    supprimés), pensez que les ingénieurs financiers en sont une part infime.

    Quant aux crédits à la consommation, prélèvement sur salaires, je crois
    avoir entendu sur ce blog qu’ils n’étaient à un certain point que l’horizon
    d’une cavalerie des ménages surendettés, avec l’assurance d’un nombre
    d’impayés de plus en plus importants.

  14. Avatar de J. Halpern

    Je suis coupable du CO2 que produit ma voiture, des embalages qui étouffent des dauphins ou intoxiquent les riverains des incinérateurs, de l’exploitation des enfants qui ont peut-être produit mes chaussures. En tant que fonctionnaire, je suis responsable des impôts et en tant qu’enseignant de l’échec scolaire ; en tant qu’électeur de ceux qui nous gouvernent même si je n’ai pas voté pour eux… heureusement ces crimes seront peut-être absous puisque je ne suis pas trader…
    Ne nous trompons pas de cible : si les plus brillants esprits de leur temps se sont engloutis dans la finance, ils n’ont fait que répondre à la convention sociale qui voulait que cette activité soit au coeur de la croissance et du progrès. ils s’y sont enrichis scandaleusement, mais en toute bonne conscience. Ce sont les lampistes. En faire des coupables, c’est négliger la logique du système, c’est propager l’idée que les maux qui nous assaillent ne résultent que de quelques pervers – et laisser la voie ouverte à la réédition du même scénario avec d’autres acteurs… Les responsables sont ceux qui ont pris les décisions de lancer cette machine infernale, ceux qui en 1979-80 ont décidé d’engager le monde sur la voie de la « réforme » néolibérale. Leur châtiment sera la poubelle de l’histoire ; ils resteront dans les manuels de nos enfants ou petits-enfants comme les fauteurs de la ruine…
    En attendant, le problème véritable est : comment s’en sortir – en grande partie avec les mêmes « élites » qu’il s’agit désormais d’aiguiller sur une nouvelle voie.

  15. Avatar de Paul Jorion

    @ Paul Kaizerman

    J’ai voulu dire : qu’on les pende, c’est un lapsus… ainsi que tous ceux qui possèdent des actions. Avez-vous noté que je laisse parler librement sur mon blog des gens qui défendent les actionnaires ?

    Observez ceux qui réclament que des têtes tombent, et avec de grands effets de manche. Allons, c’est un système : tous complices !

  16. Avatar de Daniel Dresse
    Daniel Dresse

    Excellent Paul ! Vous ébranlez les convictions les plus établies (les miennes entre autre).
    Pour le recyclage des « quants », pourquoi pas, les périodes de grands bouleversements sont généralement favorables, mais avec important déchet, à la porosité des castes.
    Après tout, les bolcheviques ont bien su utiliser nombre d’officiers issus du tsarisme… avant de les envoyer au goulag natürlich!
    Après pressage complet de leur génial citron, notre version de la Kolima sera douce et socialement productive : par exemple, conseiller en économie domestique en environnement urbain sensible (statut fonction publique cadre B pour débuter, cela les neutralisera jusqu’à la retraite).
    Nous ne sommes pas des sauvages, juste un peu revanchards, c’est tout.

  17. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    Le président de la House Financial Service Committe, le démocrate du Massachussetts BarneyFranck vient, d’après l’agence Bloomberg, de demander que soient poursuivis tous ceux qui ont été coupables de malversations financières au cours de cette crise.

    Dans le cadre des prochaines auditions qu’il organise le 20 mars prochain, il a précisé «Nous voulons que tous ceux qui en détiennent le pouvoir, au niveau de l’Etat ou Fédéral, exposent dans cette salle ce que sont leurs plans afin d’effectuer ces recouvrements. Nous voulons savoir ce qu’ils proposent pour récupérer des fonds de ceux qui ont fait perdre des dollars aux contribuables et aux investisseurs ».

  18. Avatar de Mikael EON
    Mikael EON

    « Ça va aller très vite…….Si on parvient à survivre,……..Et je ne parierai pas sur le fait qu’on y arrivera ou qu’on n’y arrivera pas… »

    L’accélération se constate dores et déjà, on peut sentir comme vous que « ça va aller très vite ».
    On se pose des questions sur l’ampleur des dégâts (cf GEAB32), et sur les capacités de résilience qui devront être mobilisées. Vous aussi, qui dites « si » on parvient à survivre.
    Et vous ne pariez pas……

    C’est responsable, mais avouez que pour tout ceux qui reconnaissent votre sagacité, la pénétration de votre jugement, la distance que vous savez prendre avec le sujet, le surcroît de pertinence que vous développez (vous et quelques autres dont Krugman…) c’est très signifiant.

    Bien sûr qu’on en sortira, (de là où on en sera quand le « système » actuel se sera effondré). Ce qui ne peut être énoncé c’est la distance qui reste à parcourir dans la chute jusqu’au sol, le timing précis, et le dessin de la nouvelle économie ou plutôt de la nouvelle civilisation qui croîtra sur la pourriture de l’ancienne.

    Et ce qui reste le plus difficile à percevoir (car nous partageons beaucoup de rêves similaires elle lui toi moi nous tous, mais les rêves ne définissent pas bien le détail) c’est comment chacun d’entre nous et de nos proches sera affecté par les effondrements et les refondations. (dans l’hypothèse C, encore valide)(dans la D !!!).

    « Ça va aller très vite…….Si on parvient à survivre,……..Et je ne parierai pas sur le fait qu’on y arrivera ou qu’on n’y arrivera pas… »

  19. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    @ Jean-Gabriel

    Je ne suis pas insensible à vos arguments.
    En effet, même si la qualification de « crime économique » est à ma connaissance, peu usitée, voire inexistante, dans le droit pénal,
    cela mérite réflexion, et des actions en ce sens. Mais pour l’heure, il manque une définition légale de ce qui serait une atteinte au bien commun. Le bien commun, social, écologique, existe certes dans les diverses déclarations des droits de l’homme inscrites dans les statuts des organisations internationales, ONU, BIT, UNESCO, tribunal international, etc …. mais elles n’ont pas force de loi, et c’est bien pourquoi il est difficile, voire impossible d’incriminer des individus. Vous me direz, dans le cas des crimes nazis, le crime contre l’humanité fut défini a posteriori.
    Il existe des cas de fraudes, de malhonnêteté caractérisée, mais ce dont vous parlez déborde manifestement ce cadre.

    Vous évoquez un autre aspect, celui du contrôle démocratique du fonctionnement de l’économie.
    A ce propos, il semblerait que les USA, avec tous leurs défauts, soient en avance sur nous, français, qui peinons à mettre en place des commissions d’enquête. Alan Greenspan fit tout de même son méa culpa (certes limité) devant le Congrès américain.

    Bref, il y a un immense chantier en perspective. Et je crois qu’il n’est pas sans lien avec la nécessité de l’élaboration d’une constitution pour l’économie, laquelle fournirait la cadre en dehors duquel l’économie deviendrait hors la loi, car nuisible à l’humanité.

  20. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    La justice luxembourgeoise a demandé à la sicav luxembourgeoise Luxalpha et à la banque suisse UBS, impliquées dans l’affaire Madoff, de rendre publics leurs documents comptables contrats à ce propos.

    Saisie en référé par Deminor, elle a également demandé que les rapports d’audit du cabinet Ernst & Young concernant Luxalpha soient rendus publics.

    Deminor a aussi fait aussi savoir qu’elle se prépare à entamer des poursuites contre une autre sicav, Herald, la banque britannique HSBC et Bank Medici.

  21. Avatar de iGor milhit

    « Londres (AWP/AFP) – La Banque d’Angleterre (Bank of England/BoE) a baissé jeudi ses taux à un nouveau plus bas, qui pourrait constituer un plancher, et sorti ses dernières munitions face à la crise qui frappe le Royaume-Uni: elle va créer de la monnaie pour stimuler l’économie et dégripper la machine du crédit. »

    Trouvé sur http://www.swissquote.ch

  22. Avatar de jacques
    jacques

    Les « ex-nihilo » reviennent travestis et hargneux sur ce blog.C’est l’époque des carnavals. On dirait l’entrée du Christ à Bruxelles,le tableau de James Ensor.

  23. Avatar de Crystal
    Crystal

    Bonsoir,

    Sur le recyclage des « quants », c’est quelque chose qu’il est aisé de concevoir parce que ce sont des personnes excellentes en mathématiques. Il est possible de s’investir dans de nombreuses sciences dures avec un bon bagage en maths.

    Donc ces personnes ont les moyens intellectuels de le faire.
    Ont-elles l’habitus qui permettrait de les y amener spontanément ?

    Non je ne pense pas (malgré que les mathématiques sont une partie de cette habitus).

    Mais les événements de cette période particulière peuvent infléchir nombre de trajectoires…

  24. Avatar de barbe-toute-bleue
    barbe-toute-bleue

    @Jean-Gabriel Mahéo
    Hop, permettez-moi de rebondir sur deux ou trois de vos propos.
    Vu dans le passé, un complot a tout pour ressembler à un complot planifié. Mais l’histoire, et aussi la vie, étant faites de complots, ce n’est pas l’excellence du plan qui jure que l’un aboutira plutôt que les autres.
    Il y a peu, on n’aurait jamais pu dire que City group allait disparaître, les complots JP Morgan, ou Goldman-Sachs étant meilleurs.
    De plus, devant une commission Pecora, pour l’exemple, vous pouvez faire comparaitre les instigateurs vainqueurs, pour leur meilleure perte, par un ironique retournement de situation obéissant tout-à fait aux règles d’un jeu, certainement un comme ceux élaborés avec discernement extrême-Oriental.
    Ceci pourrait déjà présenter un aspect pédagogique intéressant pour tous ceux qui préfèrent éviter de se pencher sur les questions économiques et politiques, voulant croire que des délégations idylliques pourraient les soulager de tant de soucis sans risque. Mais il serait impossible de juger chaque personne ayant eu un poste dans la finance, ayant contribué à l’affaiblissement de l’esprit de la civilité, sinon, c’est la terre entière qu’il faut juger, car tout le monde commet parfois un geste nuisible à la collectivité.
    L’accablement n’est pas constructif, on ne bâtit pas sur la haine, on apprend seulement à s’en servir, placée dans un coin de sa mémoire, pour ne plus risquer de créer de situation la suscitant de nouveau.

    Pour finir à propos de Vladimir Vernadski auquel votre lien renvoie, il s’agit d’un sage, sans doute visionnaire pour son époque, qui apporterait des nuances à son texte si il vivait aujourd’hui, mais qui n’est pas en contradiction flagrante avec ce qui peut se débattre sur ce blog. Le monsieur se berce aussi des mêmes illusions que ce que certains continuent à le faire de nos jours, sans encore savoir ce qui est possible ou pas. En particulier l’autonomie de l’être, et pour pousser vers l’ultime, peut-être réduit à sa fraction consciente, et découplé du matériel, en tout cas biologique. Marcher avec des piles, et le membre viril en titane, si vous préférez ?!
    En son temps, on ne savait sûrement pas avec précision ( on ne le sait toujours pas ) que notre corps est un vaisseau vivant en symbiose non pas tellement avec les chiens et les chats, mais avec des êtres beaucoup plus autonomes que nous, les mitochondries semblant avoir été beaucoup plus intégrées que les autres au cours de notre évolution.

    Il ne se dit pas sur ce blog qu’une sortie de crise est pour deux ou trois ans. Il se dit, à ce moment, qu’une opportunité se présente, qu’une conscience collective organisée serait capable de saisir, pour renverser les idées qui ont permis de faire accélérer le monde jusqu’à le saturer, mais qui deviennent génératrices de plus de destructions que de constructions, objectivement, depuis un point déjà dépassé.
    Obama et son discours croissance verte me gonfle aussi considérablement, mais que ceci soit intégré dans un champ plus vaste de tout ce qui reste à « chercher » ne me dérange pas. S’il n’y a que ça, c’est fichtrement fichu … pour un certain temps … jusqu’au prochain discours qui verra plus loin quand on sera un peu plus dans le trou. Non mais du trou il paraît qu’il y a des ascenseurs pour monter à la guérite à sentinelle anti-gross-splachs.

  25. Avatar de logique
    logique

    Le constat me semble trés correct. En fait tout dépends de la dynamique qui nous anniment. J’ais bein aimé la remarque sur la chine, parceque vue sous cette angle. Je me demande dans quelle direction ont va si pour être dynamique il faut être autoritaire ? Mais a part ça ca me semble plutot optimiste. Mais la survie de l’homme ne tient pas uniquement a sa santé financière.

  26. Avatar de JeanNimes
    JeanNimes

    Eh bien ! C’est curieux comme ces commentaires procèdent par flux et reflux… est-ce que cela construit une pensée ?

    Quelques remarques :

    1/ Le droit constant dit que la loi n’est pas rétroactive… les coupables justiciables d’une punition ne peuvent l’être que par rapport à des lois énoncées ;

    2/ Les personnes dans un système donné, lui-même légal, peuvent-elles être considérées comme coupables ? Voilà une question intéressante et en effet les vendeurs de subprimes qui contournaient la loi sont certainement coupables individuellement, ainsi que les cadres qui validaient leur prospection puisque la loi leur interdisait au moins dans certaines limites de contracter des prêts avec des personnes insolvables… Mais plus largement un vendeur de titre CDO est-il coupable de la même manière ? Cela dépend de son degré de connaissance de l’illégalité des prêts sous-jacents, etc. Cela va donner du travail aux juges pour des décennies !

    3/ Le problème de la crise n’est pas une question de droit, c’est une question d’économie politique organisée au profit du petit nombre et au détriment du grand nombre. Que nous soyons au point ultime des contradictions inéluctables autant que prévisibles ne transforme pas la question d’économie politique en question de droit… En clair cela veut dire que les néolibéraux qui ont proposé et fait voter des lois, des décrets, des directives, des traités internationaux (la liste en est longue depuis 1971 !) doivent être considérés comme disqualifiés, être chassés le plus vite possible des places de pouvoir qu’ils occupent en toutes incompétence et être remplacés par des démocrates qui feront respecter la justice sociale, la réduction des inégalités, le respect de la planète, etc. Les pendre n’est pas utile, s’ils acceptent de partir…

    4/ Question de vocabulaire qu’il est quand même utile de clarifier : l’Etat-providence est un concept inventé par les néolibéraux, la France par exemple a bénéficié pendant des décennies d’un Etat-social où ce sont les cotisations des salariés qui ont permis d’avoir sécurité sociale, retraites et indemnités de chômage (l’Etat n’est que le garant du fait que les cotisations sont bien versées et que les bénéficiaires reçoivent ce à quoi ils ont droit). Il est vrai qu’il y a eu au fil du temps quelques extensions de la solidarité à des catégories non salariées, mais cela reste marginal.

  27. Avatar de nosalito
    nosalito

    bravo. excellente interview clair et un peu plus optimiste que votre blog. J’ai apprécié votre façon de dire simplement des choses compliqué. Le PS vient de lancer une flèche contre l’activité offshore des banques « privatisable » Comment comprendre simplement le role de ses « iles » et peut etre de clearstream dans la crise finançière ?

  28. Avatar de nosalito
    nosalito

    Edit: Brown souleve la meme question devant le senat americain

  29. Avatar de Paul Jorion

    Allons ! Les coupables sont connus et archi-connus mais il suffit de mentionner leur nom pour savoir qu’ils ne seront jamais poursuivis. Comme je l’ai déjà expliqué longuement, la crise des subprimes a été créée délibérément par une association qui a investi des millions de dollars pour empêcher l’interdiction des pratiques qui ont causé la crise. J’en ai déjà parlé ici :

    En 1999, l’état de Caroline du Nord vota une législation qui – si elle avait été appliquée à l’échelle des États–Unis tout entiers – aurait empêché la crise des subprimes d’avoir lieu. Cette législation a été combattue par la Mortgage Bankers Association, l’association professionnelle des organismes de financement de prêts au logement. Elle a survécu à cet assaut et c’est ce qui nous permet de savoir aujourd’hui que cette loi constituait bien la solution du problème mais le harcèlement par la Mortgage Bankers Association et d’autres lobbys dans les autres états empêcha que ceux–ci n’adoptent le même type de législation.

    … La crise des subprimes et plus spécialement l’examen des mesures qui auraient pu empêcher que ses conditions ne soient réunies, soulignent les dangers que court un pays pris en otage par sa Chambre de Commerce.

    Les objectifs de la MBA sont les suivants :

    The Mortgage Bankers Association seeks to create an environment that enables its members to invest in communities and achieve their business objectives. The association creates this environment by developing innovative business tools, educating and training industry professionals, providing a gathering place for the sharing of ideas, acting as the industry’s voice on legislative and regulatory issues, and developing open and fair standards and practices for the industry.

  30. Avatar de Eric (Granville)
    Eric (Granville)

    @Paul Jorion

    Comme vous, je trouve cette crise la bienvenue en ce sens qu’elle nous amènera plus vite à la résolution de la suivante, celle des ressources et de l’écologie.

    Contrairement à vous, je ne reconnais pas de responsabilité particulière aux spéculateurs.
    Il est dans la nature humaine de spéculer et pas seulement sur l’argent.
    Prohiber la spéculation n’arrêtera pas la spéculation, mais la priver de carburant, oui.

    S’attaquer aux causes (crédit facile) sera plus probant que s’attaquer aux conséquences (spéculation).
    L’abondance de crédit nous a amené là où nous sommes.
    Nous avons également consommé les ressources de notre planète à crédit (sur le dos des générations futures).
    Il me semble même que la croissance démographique de l’humanité s’est faite à crédit.

    Pour arrêter d’hypothéquer le futur, il confiner le crédit à l’intérieur des richesses disponibles.
    Je propose :
    – Réserves monétaires pleines et étalonnées dès que possible sur les ressources renouvelables (énergies, biodiversité…).
    – Crédit libre (eh oui !) : les banques centrales ne fixent plus des taux artificiels. Ne peut être emprunté que ce qui existe sous forme d’épargne et le taux s’autorégule.

    Le POUVOIR des états est en jeu car le contrôle monétaire offre, via le crédit, cette capacité à mordre sur le futur qui donne un avantage compétitif sur l’état d’à côté.

    Toutefois, je suppute qu’aucun dirigeant n’abandonnera un jour son pouvoir monétaire tant qu’existeront des identités nationales.

    Et si vous abordiez ce sujet à Bruxelles, je vous souhaite bien du courage !

    Bien cordialement.

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