Billet invité.
LE TRAITEMENT INFINI DES DECHETS
Paul Jorion, j’ai toujours une vision impressionniste en lisant les différents papiers de votre blog car ils sont pour la plupart le fait de connaisseurs comme vous ou s’exposant comme tels. Ce qui n’est pas mon cas.
Vos lemmings et chat (ou chats ?) m’avaient donné à penser d’une certaine façon, mais j’ai envie de vous exposer une autre façon, pas si éloignée de la première.
Un petit matin toute cette histoire de crise, de solutions à mettre en œuvre, m’est apparue analogue à une problématique de traitement de déchets, problématique systémique. Comment se présente cette problématique ? Nous produisons des déchets et ils doivent disparaître. Pendant un certain temps, qui peut être très long, la première solution fonctionne. Nous sommes contents, nous avons trouvé une solution radicale. Cette solution ne demande pas plus d’intelligence que celle du chat ou du lemming (mais c’est déjà une intelligence assez complexe et rusée). Les déchets ont disparu de la vue de tous de manière définitive. Lorsque nous percevons des conséquences néfastes (l’adjectif n’est pas pris au hasard) à notre première action, nous cherchons une nouvelle solution tout aussi radicale que la première. En général elle s’accomplit en liant au premier dispositif un deuxième qui traite les extrants du premier pour en faire disparaître le côté néfaste. Pour concevoir cette deuxième solution, il nous a fallu augmenter nos connaissances par différents moyens et les appliquer au moins de deux façons : l’une pour construire le deuxième dispositif et le lier, l’autre pour faire quelque chose de l’extrant traité ainsi que du résidu de son traitement, un nouvel extrant supposé faste, donc ultime. Et ainsi de suite l’opération se renouvelle à chaque fois que l’extrant ultime laisse apparaître son côté néfaste.
Derrière ces opérations, on trouve un modèle qui n’est pas sans rappeler celui des alchimistes avec des opérations comme la dilution, la dessiccation, la filtration, qui font apparaître des éléments ultimes qui retrouveront leur place naturelle. On perçoit même la trace plus ou moins forte de la pierre philosophale, d’autant plus visible que nous avons un traitement écologique des déchets. Cette pierre philosophale fera que les déchets retrouveront leur place dans la nature, en harmonie avec elle, tout en étant transformés en n’importe quel matériau utile à l’homme.
Le déchet qui était mort manifeste ainsi ses vies possibles nous obligeant à augmenter nos connaissances et notre technicité.
Certains diront que c’est une perte de temps que de vouloir traiter les déchets, que c’est un travail sans fin. Les plus pessimistes préconisent la torche à plasma tandis que ceux qui ont quelque espoir encore votent pour la liquéfaction des déchets, récupérant l’excédent d’énergie qu’ils ont accumulé avant leur totale et définitive disparition.
Je ne sais pas où se trouve la bonne solution, mais je préfère celle du traitement infini des déchets parce que j’aime bien l’habileté humaine, sa façon de construire de nouvelles connaissances en se servant de l’occasion. Les solutions brutales me paraissant grossières. Personne ne parle de l’augmentation possible de nos connaissances, de notre technicité grâce à cette crise, excepté vous me semble-t-il, et en posant je crois la question de l’économie comme science et de la nature des modèles sous-jacents (physiques, biologiques, etc.).
13 réponses à “Le traitement infini des déchets, par Michel Filippi”
J’aime bien cet article.
A la fois, il ouvre la porte à une « trouvaille » (un progrès) qui permettra de résoudre le problème posé et il ouvre les yeux sur le fait que le problème existe depuis le début.
Parce qu’un système basé sur la néccéssité d’une croissance exponentielle (2% de croissance chaque année, c’est bien une exponentielle) est physiquement … impossible !! Et ce, depuis le début.
Bravo pour cet article !
C est bien pour cela que ce blog doit continuer d’ exister, il nous aide à approfondir notre connaissance du monde et de nous-même. Chaque nouveau point de vue étant modulé et affiné par la confrontation avec les autres points de vue, notre « interprétation du monde » est toujours en progrès, n emporte jamais l’ adhésion définitive, car comme en déflation « le prix va changer demain ».
C est ici que se construit « notre réel », qui n’est rien d’ autre que cette comprehension provisoire, juste avant qu elle ne change, et change avec elle, « le réel ».
@Michel Filippi
Les déchets n’existent pas. Il y a juste des formes chimiques ou physiques qui nous sont pathogènes. Ces formes peuvent être naturelles, mais sans risque pour nous si on ne va pas dormir à l’endroit où elles sont concentrées.
L’industrie humaine a su les éparpiller un peu partout, parfois transformer ou créer de molécules à des fins expérimentales, productrices ou accidentelles. Ce qui va d’ailleurs dans le sens de l’augmentation d’entropie ( homogénéisation de la répartition des éléments dans un milieu fermé ). On se retrouve parfois avec quelques effets secondaires inopportuns juste sous le nez, et dont la transformation afin d’en supprimer les effets nuisibles, n’est qu’une question de coût.
Soit vous revenez en arrière, en remontant le fil de l’entropie, et vous avez un gros budget énergétique à fournir. Soit vous allez dans le sens de l’entropie en cassant ou diluant davantage ce qui ne deviendra pas plus dangereux après cette nouvelle transformation, et toute la technique humaine sera bienvenue, vous avez raison, y compris avec des solutions les plus inattendues.
Un exemple concret :
Les PCB tapissant le fond de nos rivières ( encore un beau cadeau de la part de Monsanto qui a le don de fournir à bon marché, mais surtout sur le court terme ). Soit vous allez tout récupérer dans la vase. Soit vous vous faites aider, et les bactéries seront d’un grand secours, et vous cassez les molécules ( ce sont des cycles à 6 carbones je crois, la toxicité doit venir en partie d’un radical où on doit trouver du chlore ( confirmation de spécialiste souhaitée )), le risque est de génétiquement aider à promouvoir la mauvaise bactérie, qui casserait aussi des cycles carbone de l’organisme humain.
Si vous cassez la molécule vers des sous-produits moins agressifs pour les organismes vivants, vous allez dans le sens de l’entropie, donc ça vous coûte beaucoup moins cher que la récupération. Si ce sont des atomes de carbone, ou de chlore que vous contribuer à mélanger au reste de la nature, ce n’est pas une perte pour vos besoins industriels postérieurs, ce sont des corps relativement abondants sur terre. Avec des atomes plus rares, vous seriez éclairés d’aider à la diffusion de bactéries qui peuvent les concentrer, afin de vous permettre de les récupérer ( ailleurs que dans le foie, si c’est possible ).
A propos de ces machines organiques naturelles, l’homme n’est pas encore techniquement près à mettre sur le marché, un produit artificiel auto-reproductible, avec les mêmes rendements.
Au niveau atomique il n’y a pas de déchet, puisqu’on peut aussi utiliser l’arsenic à petites doses.
Reste à appliquer un modèle de bactérie à faire crever l’esprit avide animant un bon financier de base, si on veut continuer le parallèle avec l’économique. Bien sûr; je plaisante ! Quoique … ?
Bonjour,
Albert Einstein aurait dit que deux choses sont infinies : l’univers et la sottise humaine, et encore, émettant un léger doute concernant l’univers…une troisième chose pourrait être ajoutée : le génie ou l’ingéniosité humaine.
Merci et bonne journée.
Le crédit subprime se révélant aussi radioactif que du plutonium il fut jugé « astucieux » (et légal) de l’enfermer dans les innombrables futs de béton de titrisation.
Ces futs furent vendables à des recycleurs qui les enfouirent un peu partout..on ne sais d’ailleurs plus où.
Le problème est que la période du subprimium est inconnue mais proche des 1000 ans parait-il?
Pardon aux générations qui viennent…çà va muter.
il suffit de transformer les déchets en or, un alchimiste de base le fera, de l’art il en ressortira, de nouveaux joyaux pour de nouvelles couronnes ; et puis, on peut toujours les mettre en orbite, avec ceux qui n’ont pas terminé de tourner. Un jour, la Géante rouge scellera leur cruel destin.
Je vois, comme les commentateurs précédents, deux aspects à la question des déchets :
1/ celui du déchet dans le cycle de production. Jusqu’à présent l’industrie le considère comme une perte inévitable qu’il faut réduire et éventuellement recycler, en dernier ressort à stocker de manière « définitive » (on est en train de voir que les stockages définitifs ne le sont pas toujours autant que prévu…).
Cette façon de poser le problème n’est pas durable. La révolution (copernicienne ?) est de considérer le déchet comme une matière première qui a un coût d’extraction, de raffinage, etc. dont il faut rationaliser l’exploitation en l’intégrant dans le cycle de production. Le produit (auto, lave-vaisselle,…) est en fait un sous-produit de la production, c’est son usage qui le recycle (il ne doit pas non plus détériorer l’environnement) et il doit être recyclé quand il devient lui-même un déchet-matière première.
Dès lors, il faut se préoccuper du rendement des opérations de traitement du déchet-matière première à toutes les étapes et obtenir en sous-produit de ce cycle les produits que nous cherchons à fabriquer… En particulier, il est nécessaire pour optimiser le processus de faire attention de conserver le plus possible l’énergie dans les étapes du traitement, une dégradation brutale des déchets (torche plasma appliquée sur des composants de haut niveau par exemple) est un gaspillage puisqu’il coûte cher en énergie et qu’il ramène le déchet à une dissociation atomique, les atomes devant être à nouveau recombinés (ce qui coûte de l’énergie encore) pour le cycle suivant.
Les bilans énergétique et de production de GES (méthane et dioxyde de carbone) doivent être calculés à chaque étape du cycle de production-consommation. Nous savons faire des calculs au moins aussi complexes dans la modélisation du climat et de son évolution. Les résultats de l’étude des bilans de chaque opération serait un bien public, à partager mondialement : les acquis servant à l’amélioration de l’ensemble des processus de production-consommation.
2/ l’analogie avec le fonctionnement financier. Il est clair que les produits financiers toxiques répandus à travers la planète-finance ressemblent beaucoup aux nombreux déchets toxiques que produit l’industrie… Avec les mêmes effets sur le climat, météo et/ou des affaires !
Il y a bien un problème de recyclage de ces déchets financiers toxiques ! Mais les chiffres qui les valorisent dans les bilans ne sont pas recyclables : c’est du vent virtuel ! Je ne vois qu’un stockage dans leur ensemble au sein d’une structure de défaisance, avec une évaluation de leur valeur réelle seulement au moment des échéances prévues (les propriétaires qui ont déposés les titres devant alors payer si le bilan est négatif, ou recevoir le solde de la liquidation s’il est positif, moins les frais de gestion…). Et surtout avec l’interdiction de considérer qu’ils représentent, en attendant leur échéance, une valeur d’échange ou de garantie quelconque (leur titrisation ne serait qu’une fuite en avant catastrophique).
Néfaste, ou faste?
le premier n’était pas pris au hasard dites vous?
« per fas et nefas »:
http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/per_fas_et_nefas/55537
Vous devriez insister sur la distinction nécessaire du couplage moyen et fin d’un point de vue technique du même couplage moyen et fin sous l’angle moral de ce qu’on sacrifie en vue d’un bien supérieur. Les deux mécanismes ne sont pas superposables sauf ds l’économistique où tout ce qui est techniquement possible sera fatalement réalisé s’il rapporte à quelqu’un; alors que « fas » renvoie d’abord en latin à ce qui est permis par les dieux:
http://www.prima-elementa.fr/Dico-f01.html
De l’alchimie à la réassurance, l’imagination et l’ingénierie, y compris financière, nous évitent le poids de l’ennui et aussi des ennuis parfois.
Par mon choix de faste et néfaste il était bien question de désigner le fait que dans cette crise ce qui est de l’ordre des dieux me semblaient avoir été convoqué par les différents acteurs. Ce qu’il y a de terrible et qui se trouve dans l’invisible, du côté des dieux, a surgi et vient ravager nos contrées. Dans quelle mesure les solutions que chacun envisage vont-elles alors relever des rites appropriés, des images que l’on va devoir construire à la fois pour repousser ce qui est porteur de violence et pour le fixer dans son monde à lui (libre interprétation de Vernant, Figures, idoles, masques) ? Que se passe-t-il pour nous lorsqu’au technique nous lions le magique (terme que je préfère à moral) en recherchant une efficacité ?
Il n’y a pas de « toxiques » dans la finance, il n’y a que des indélicats qui font assumer leurs pertes aux autres.
Il y a aussi des mots hameçons très bien choisis.
C’est la faute au système quoi.
Pour ce qui est de la polu/produc-tion, le remède est connu de longue date, il s’agit de ne pas oublier de concevoir la finalité; production, usage, fin, dès le début.
Là aussi effectivement, ne pas planquer les réflexions anxiogènes sous le tapis volant du profit.
Tout un programme pour le New World.
@ Michel Filippi,
@ Shiva
Réponse: plus rien n’arrêterait alors le bras d’Abraham sur Isaac, parce qu’il y aurait eu erreur sur le bon dieu. (je laisse la saveur de l’ambiguïté)
La question devient « où faire passer la « machaira »? » ce qui rejoint le propos de Shiva dans son doux euphémisme d’ « indélicats » pour les distinguer avant qu’il ne nuisent donc ne leur confier aucun pouvoir, çàd oser trangresser l’interdit biblique concernant l’arbre de la connaissance du bien et du mal! Ni plus ni moins et c’est bien parce qu’on en est là que certains se posent la question d’une refondation de civilisation.
Oui, mais sur quoi de stable qd tout est relatif et négociable? Sur le sens du sacré pardi!
Sacrés déchets!
@ Michel Philippi
Merci pour cet article
@ Tigue
Bien aimé vos remarques