Billet invité.
PAROLES, PAROLES…
Le profond tiroir où sont enfouis toutes les solutions à la crise qui n’ont pas été retenues continue à se remplir. Après les bad banks et les good banks et les échanges dettes-actions, on y trouve également dans un petit coin les Droits de Tirage Spéciaux (DTS), cette monnaie émise par le FMI, une faculté peu utilisée depuis sa création, dont George Soros a fait sans succès l’un de ses chevaux de bataille.
Il sera toujours temps, plus tard, de s’attarder sur les raisons qui valent à ces mesures d’être mises au rebut, pour mieux aujourd’hui constater que ceux qui décident, en particulier aux USA, continuent d’effectuer une sorte de grande marche mais à reculons, observés attentivement par des dirigeants chinois qui s’y connaissent et attendent de voir jusqu’où elle les mènera.
Cela continue donc de coincer fortement. Non seulement à cause du choc des intérêts nationaux, mais aussi de la discrète résistance, pied à pied, qui oppose représentants des intérêts financiers et décisionnaires politiques, parfois aussi en raison de la connivence non moins discrète qui les unit. Les deux niveaux de résistance peuvent se combiner, Gordon Brown l’exprime le mieux, défendant à la fois l’économie britannique, en raison de l’importance des services financiers dans son PIB, et les intérêts de ceux qui les détiennent.
Il y aura toujours le risque que, le dos au mur, ces braves gens ne se résolvent pas à l’inévitable et nous entraînent encore plus au fond dans leur aveuglement, incapables d’adopter de nouveaux repères. Cela s’est déjà vu. Mais la possibilité que la marche en arrière se poursuive plus avant, si j’ose dire, n’est pas davantage à exclure.
Le sort réservé au système bancaire américain va, mieux que tout, nous permettre de mieux comprendre où nous allons, si nous continuons de résolument nous diriger vers le précipice ou si un coup d’arrêt va être donné à cette fuite en avant. Le Wall Street Journal faisait état de discussions entre la Fed et Citigroup, au terme desquelles il serait question de transformer en actions ordinaires les actions préférentielles sans droit de vote que possède l’Etat. Le niveau qu’atteindrait la participation de l’Etat, de 25 à 40% ne serait pas encore tranché. Les actionnaires actuels en seraient dilués d’autant et voudraient en rester à 25% pour la part détenue par l’Etat. Bank of America ne serait pas concerné.
Un autre dossier, pour employer ce vocabulaire de technocrate ou de bureaucrate, va aussi être rapidement significatif. Il s’agit de celui des pays de l’Europe de l’Est, dont la crise secoue les banques de l’Europe de l’Ouest, très exposées, et paraît susceptible de les mettre plus en péril que la crise des subprimes, s’additionnant à elle de surcroît.
« Ce serait une immense tragédie si l’Europe était à nouveau divisée en deux » a déclaré le président de la Banque Mondiale, Robert Zoellick, dans une interview au Süddeutsche Zeitung, avec son inimitable manière de contourner les faits et de les travestir. Il a tout de même précisé, pour revenir au sujet, que les pays d’Europe de l’Est ont besoin de 120 milliards d’euros pour recapitaliser leurs banques en difficulté et que, sans aide extérieure, ils ne peuvent y arriver.
Il a proposé la création d’un fonds de solidarité avec les pays en voie de développement auquel les pays industrialisés contribueraient en lui consacrant 0,7% des sommes attribuées à leurs propres plans de relance. On observera avec intérêt l’enthousiasme que sa proposition va susciter.
Devant l’urgence, à Berlin, les pays européens du G20, et ceux qui avaient été invités à les rejoindre, ont dimanche appelé à la mise en place d’un fonds de 500 milliards de dollars pour donner des moyens au Fonds monétaire international. Pensant aux pays de l’Europe de l’Est comme destinataires premiers de cette aide financière.
Mais si c’est visiblement la seule mesure sur laquelle ils sont parvenus à se mettre d’accord, ils ne l’ont pas été sur la manière d’apporter ces moyens au FMI, un point qui n’est tout de même pas de détail et qui laisse circonspect sur la suite. Le Japon a déjà accordé un crédit pouvant aller jusqu’à 100 milliards de dollars au FMI, les Européens ne proposent rien pour l’instant. Tout le reste, en dépit de fermes déclarations, comme prévu sur les paradis fiscaux, et le rappel de la nécessité de prendre des mesures, qui a bien entendu fait l’unanimité puisqu’elles n’ont pas été détaillées, est reporté au G20, et même probablement au G8 de juillet, en Italie.
On ne tire pas de ce sommet, c’est le moins que l’on puisse dire, l’impression qu’il ait atteint son objectif, à savoir coordonner les positions des quatre pays européens membres du G20 avant sa prochaine réunion.
A Washington, la semaine va être intense. Au calendrier, un « sommet sur la responsabilité budgétaire » auquel Barack Obama assistera lundi, avant de prononcer mardi un discours devant les deux Chambres réunies du Congrès. Jeudi, il dévoilera les grandes lignes de son projet de budget pour 2010.
Il s’apprête à dévoiler un plan de réduction de moitié du déficit américain, en quatre ans. A noter que selon les dernières prévisions du Bureau du budget du Congrès (CBO), le déficit pour 2008-2009 devrait se monter, avant même prise en compte du dernier plan de relance de 787 milliards de dollars, à 1.200 milliards de dollars, soit 8,3% du produit intérieur brut.
Nous serons nombreux devant nos écrans pour apprendre les mesures qu’il envisage de prendre afin de parvenir à une telle réduction du déficit en si peu de temps.
21 réponses à “L’actualité de la crise : Paroles, paroles…, par François Leclerc”
L’anarchie s’installe.
La République agonise.
Le Pétainisme s’installe au sommet de l’Etat.
L’Histoire se répète inéluctablement malgré tous.
Dramatique ce que nous vivons de mois en mois!
On va assister un quelque chose dans ce genre mais en plus moderne ? :
« Prenant les cinq pains et les deux poissons et levant les yeux au ciel, il prononça les grâces et rompit les pains. Puis il les donna à ses disciples pour les présenter au peuple. Il partagea aussi les deux poissons entre eux tous. (Marc 6 : 41) »
L’Allemagne réféchit à créer une « banque pour l’économie »…, Partout ailleurs, plus aucune banques ne semblent participer au financement de l’économie. Les banques n’ont réssucité le refinancement inter-bancaire qu’avec la signature des Etats. Les coquilles vides bancaires tiennent encore grâce aux injections massives des Etats.
Le monde bancaire et plus généralement financier est peuplé aujourd’hui de zombies.
Pourquoi, nous embarrassons nous encore de ces cadavres en putréfactions au risque de gangréner toute l’Economie ?
A cause d’intérêts catégoriels, de corporatisme, de ceux qui ont gagné la lutte des classes et de leurs valets.
Je comprends mieux votre thèse du rapiécage, et pour rester dans la métaphore couturière, que vaudra ledit rapièçage dans l’autre tempête qui approche : la monétaire ?
Jacques Rueff, le très orthodoxe conseiller économique de de Gaulle, qualifiait les DTS de « néant habillé en monnaie ». La parabole de la multiplication des pains, évoquée par Sophie Leroy, est une juste métaphore du retour des DTS sur le devant de la scène… On est bien partis vers une euthanasie keynésienne de la dette par le sacrifice des monnaies.
Ce billet, dont François Leclerc soit remercié, tout comme le précédent billet sur l’affaire Enron (et ce que cette affaire révèle, préfigure, symbolise et signifie), conduisent à constater l’attitude de très nombreux « citoyens lambda » qui croient par réflexe que les dirigeants sont justes et équitables renoncent implicitement à la prise et à l’effet qu’ils pourraient avoir dans leur propre environnement économique, politique et social. Il y a quand même quelques dirigeants honnêtes et il y a à craindre quand on met tout le monde ans le « même panier ». Car des forces économiques combinées à la politique veillent au grain, à leur « grain », et ces dirigeants honnêtes sont, pour la plupart écartés.
À méditer :
« La plupart de gens préfèrent croire que leurs dirigeants sont justes et équitables même en face de preuves du contraire, puisque lorsqu’un citoyen reconnait que le gouvernement sous lequel il vit ment et est corrumpu, il doit décider de ce qu’il compte faire.
Poser des actions face à un gouvernement corrompu représente des risques d’atteintes à sa vie ou à celle d’êtres chers. D’un autre coté, choisir de ne rien faire implique de trahir toute idéologie personnelle de « défense de ses principes ».
La majorité des gens n’ont pas le courage de faire face à ce dilemme.
Par conséquent, le plus souvent, la propagande n’est pas conçue pour tromper l’esprit critique, mais simplement pour donner aux lâches d’esprit, une excuse pour ne pas penser du tout. »
Il ne reste plus qu’une solution mondiale.
Un FMI-thon.
Télé mondiale toutes chaines publiques et privées confondue même programme en prime time.Michael Jackson en sera au top de sa forme.
Les dons privés sont acceptés et déductibles des impôts en principal.
Pas de limite.
Je fais comme Obama, une promesse de don pour …euh ? allez dix sept millions d’euros, je suis pas crésus.
Le FMI me remboursera d’ailleurs avec 0% d’intérêts dans plus tard.
N’est-ce pas ce qu’a fait la Corée du sud pour sortir de la crise il y a quelques années ?
Un appel au don de bijoux pour renflouer le Trésor national ?
Peut-être que ce FMI-thon mondial serait le moyen le plus sûr de protéger l’épargne populaire en vraies valeurs : chaque donateur aurait un droit de tirage sur la richesse créée dans le futur…
Ce serait mieux que de la, cette épargne réelle, voir disparaître dans les trous noirs de la finance internationale, non ?
http://img249.imageshack.us/my.php?image=lacnelq1.png
à sophie.
quelque chose comme ça .
Il pleut des milliard, mais toujours pas de contrat de plan pour l’Europe.
Qu’est ce qu’on va déguster!
à au fait Paul Jorion, c’est combien la Green Card?
http://fr.biz.yahoo.com/23022009/202/bruxelles-plaide-pour-renforcer-l-aide-financiere-aux-pays-de.html
Solidarnosc.
@JB:
de bien belles images qu’on aimerait voir plus souvent.
@bob:
Bientôt on dira que ce sont les Français qui sont responsables du chômage et pourtant ils ont la meilleurs productivité horaire des pays de l’OCDE?
Un expert peut il expliquer la différence entre ces 2 modalités de nationalisations « tout capital de l’Etat sera sous forme d’actions préférentielles obligatoirement convertibles » par rapport à « jusque-là, l’Etat s’était contenté d’actions préférentielles non convertibles ».
d’après l’article du Monde, il semblerait que ce soit assez important:
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2009/02/23/washington-pose-le-cadre-d-une-nationalisation-des-banques_1159404_3222.html
En France, quelle est le choix par rapport à ces 2 modalités quand l’Etat investi dans 20% du capital de BNP/Natixis?
http://fr.news.yahoo.com/76/20090223/tbs-le-mariage-forc-descaisses-d-pargne-27ce910.html
merci.
errata: « Caisses d’épargne et Banques populaires »
@Bob
Convertible en action ordinaire avec DROIT DE VOTE, là est toute la différence.
actions ordinaires
Marianne , ne vois tu rien venir ?
http://www.dailymotion.com/video/x8grs0_jeanfrancois-kahn-france-inter_news?from=rss
Copernic, Galilé, Darwin, Freud, Einstein…des révolutionnaires, mais pacifiques. Le seul chemin qui vaille.
Le progrès scientifique et philosophique est révolutionnaire et ceux qui l’ont défendu l’on parfois payé cher, mais le progrès avance contre vents et marées. Une loi universelle.
AIG AURAIT ENCORE BESOIN DE 60 MILLIARDS DE DOLLARS POUR NE PAS FAIRE FAILLITE! ! C EST SUR AIG, EST UN TROU NOIR! PEUT ETRE AURONT NOUS BESOIN FINALEMENT DE CONNAISSANCES EN PHYSIQUE QUANTIQUE POUR RESOUDRE CETTE CRISE FINANCIERE!!!
Un trou noir… Voilà qui est intéressant… Rappelez-vous, l’été dernier, certains prédisaient que la mise en route du LHC, ce nouvel accélérateur de particules géant construit dans les Alpes, risquait de créer un micro trou noir et de provoquer la fin du monde. Le jour dit, rien de tel ne se produisit et on nous apprit alors que des problèmes techniques avaient empêché la mise en route d’avoir lieu…
Et si on nous avait menti ???!!! Et si le LHC avait bel et bien fonctionné et créé un trou noir… financier, de l’autre côté de l’Atlantique !
😉
@JB
oui 🙂
Sans guerres une civilisation peut s’écrouler sur elle-même.
Dans un trou noir.
Les historiens qui surgissent des millénaires plus tard s’interrogent sur le destin des ces brillantes constructions et inventent des épidémies ravageuses.
Les financiers sont la vérole de la société.
Mais ettention nous sommes tous financiers par retraites ou assurance vie interposées.
Pour info,
Une rumeur non démentie enfle depuis une quinzaine à propos d’une banqueroute de la Suisse
http://www.tagesanzeiger.ch/wirtschaft/konjunktur/Der-Schweiz-droht-der-Bankrott/story/20175185