Extrait d’un article à paraître dans le numéro du mois de mars de l’ENA hors les murs, intitulé « Les enjeux historiques de la crise »
L’économie sous sa forme naturelle n’est pas seulement darwinienne, elle reflète aussi la nature propre de l’homme en tant qu’espèce. Elle est, pour utiliser le terme qu’emploient les biologistes pour les populations animales qui manifestent ce type d’attitude : « colonisatrice ». Le comportement « colonisateur » conduit à envahir de manière très efficace un espace et à prendre contrôle de ses ressources. Il ne connaît malheureusement pas de frein : lorsque cet espace a été complètement envahi, l’environnement se dégrade en raison de sa surexploitation et l’espèce est forcée d’en trouver un autre, qu’elle envahira à son tour, si elle le trouve ; nous partirons ainsi à la conquête des étoiles, les lemmings eux courent en masse droit devant eux et quand ils atteignent le rebord d’une falaise, ils en tombent et s’écrasent au fond du précipice. Nous en sommes là, nous aussi.
Nos entreprises commerciales, semblables aux lemmings, ne sont pas équipées de freins : elles savent bien comment grossir et devenir plus fortes mais ignorent comment se réguler : elles diminueront de taille éventuellement mais uniquement sous la contrainte : parce que leurs ressources se seront amenuisées (et c’est de cette manière que les banques centrales tentent d’influer sur leurs comportements : en renchérissant le loyer de l’argent qu’elles doivent emprunter pour se financer). Les firmes sont organisées en leur sein sous la forme hiérarchique du commandement militaire et n’ont qu’un seul objectif : l’objectif colonisateur d’envahir complètement leur environnement, cela s’appelle « accroître sa part de marché ». Ne connaissant pas de frein, les entreprises produisent toujours davantage et faute de pouvoir s’arrêter ou de réfréner leur appétit, elles encouragent les consommateurs à acheter leurs produits en quantités toujours croissantes, et ceci quelle que soit la quantité qu’elles en produisent. Pour soutenir cette croissance qui ne peut être endiguée, elles recourent à la publicité et ont encouragé une philosophie du consommer toujours plus appelée « consumérisme ».
Une fois l’environnement complètement envahi, il se dégrade d’être toujours exploité davantage : la stratégie « colonisatrice » a alors atteint ses limites. L’entreprise sans frein a assumé son rôle mais celui-ci a cessé d’être adapté au sein d’un monde désormais pleinement colonisé. En fait, ce qui motive le comportement colonisateur, c’est son présupposé qui n’apparaît en pleine lumière que lorsque son objectif a été atteint : qu’une colonisation complète ne sera jamais accomplie. Ce que les faits démentent bien sûr.
Une telle absence d’anticipation des conséquences à long terme caractérise la nature laissée à elle-même dans ses aspects les plus « physiques » (par opposition à chimiques ou biologiques) : dans les processus purement physiques en effet les particules lancées l’une vers l’autre s’entrechoquent sans pouvoir s’éviter. Dans sa dimension « biologique » la nature fait preuve d’anticipation, et ceci de plus en plus à mesure que l’on envisage des animaux plus avancés. Et c’est ce qui permet de dire que la démocratie que l’homme s’est offert à lui-même comme une institution inédite relève du biologique alors que l’économie qu’il s’est contenté d’hériter d’un stade antérieur de son organisation relève du physique seulement. La démocratie est adaptative mais le capitalisme qui caractérise son économie, n’est pas lui adaptatif. Les événements qui se déroulent depuis l’été 2007 le confirment si l’on devait encore en douter.
64 réponses à “Les lemmings”
Faut-il regretter que la branche pithécanthrope se soit éteinte ? Selon certains spécialistes, le prédécesseur du sapiens aurait été beaucoup plus raffiné que ce que l’on prétend ordinairement. La thèse est finalement plausible : le guerrier sapiens aurait trucidé ses frères (ou cousins) poètes pour imposer son ordre guerrier. Lequel perdure aujourd’hui jusque dans l’entreprise, où les salariés sont supposés « s’épanouir »… Comme les limites de cette démarche colonisatrice sont perceptibles depuis longtemps, comment se fait-il que les élites managériales soient aussi peu nombreuses à en dénoncer l’absurdité ?
Il existe d’autres entités biologiques, moins sympathiques que les lemmings, qui croissent jusqu’à détérioration complète de leur environnement: Les virus… Cela dit j’admets que cette analogie là soit plus difficile à entendre pour les acteurs du monde économique.
Finalement, la firme serait-elle le plus froid des monstres froids ?
« La démocratie est adaptative mais le capitalisme qui caractérise son économie, n’est pas lui adaptatif »
Pourtant les démocraties ce sont bien laissés corrompre et infiltrer par l’économie puisqu’elles n’ont pas su resister aux lobbies financiers et elles n’ont pas su faire des lois régulatrices.
Bravo pour l’image des « lemmings » (qui n’y a pas joué des heures) c’est tellement ça 🙂
L’économie sous sa forme naturelle
Désolé, mais votre paradigme est faux. Ce qui transforme la suite de la démonstration en sophisme puisqu’une des prémisses est bancale.
L’économie n’est pas naturelle, ni dans le fond ni dans la forme. On peut trouver des analogies entre les activités humaines et la nature (règne animal ou végétal) et construire des fables, car l’histoire des hommes a inspiré les biologistes et le monde du vivant a fasciné* les économistes.
L’économie est un produit du comportement humain, donc artificiel, et même si l’homme neuronal est un produit de la nature, ses créations échappent aux lois naturelles.
* si on se trompe et qu’on appuie sur la touche [enter] le commentaire est publié.
@ all
C’est un point de vue théologique, qui n’est pas celui que j’adopte personnellement. Je me réfère plutôt au couple d’opposés nature – culture, communément utilisé dans ma discipline, l’anthropologie. Dans ce cadre-là, il est légitime de distinguer des processus naturels, qui ne sont pas propres aux hommes, et des processus culturels qui sont sui generis et de son invention, comme le langage articulé par exemple. La concurrence réglée par la loi du plus fort se rencontre ailleurs que dans l’espèce humaine et est donc, au sens de l’opposition nature – culture, un processus naturel.
Juste pour info (wikipedia)
« Mythe du suicide collectif
Contrairement à la croyance populaire, les lemmings ne se suicident pas en masse lors des migrations. Il est vrai cependant que des lemmings tombent des falaises ou dans des étangs simplement à cause de bousculades dues à leur grand nombre. Ce vieux mythe a été entretenu et popularisé par l’intermédiaire du documentaire Le Désert de l’Arctique (White Wilderness) de Walt Disney montrant des lemmings se jetant du haut de falaises. Les réalisateurs avaient en fait poussé quelques lemmings vers des falaises surplombant une rivière tout en les filmant sous différents angles.
Plusieurs éléments tendent pourtant à prouver le contraire, le phénomène étant répertorié depuis la première décennie du XXe siècle. Barjavel lui-même était étonné par les études faites à ce sujet. La légende n’en est pas tout à fait une, d’autant que d’autres espèces ont un comportement similaire. Chose étrange, les études montrent que le lemming a commencé à « réguler sa population » lorsque son prédateur, par la faute de l’homme, a disparu de sa zone géographique. »
Néanmoins, je ne suis pas trop étonnée d’apprendre que l’économie n’a aucune « conscience collective »: ça n’a rien d’un scoop…
Mais j’ai des doutes sur le fait que la démocratie soit adaptative; j’ai vraiment l’impression que c’est l’inverse!
Il n’y pas plus d’économie naturelle que de droit naturel, les règles de la richesse n’existent pas dans la nature. Les ressources limitées et la compétition apparente pour leur appropriation ne répondent pas aux normes de l’économie, qui, elle, est régie exclusivement et uniquement par le cerveau humain. Dans la nature ce sont des millions d’espèces qui interagissent entre-elles et avec leur environnement. Chacune avec un comportement ou une particularité biologique différente.
« La concurrence réglée par la loi du plus fort » : l’évolution n’est pas le bellum omnium contra omnes, ici vous rejoignez Hobbes (et donc une forme de théologie)
« La concurrence réglée par la loi du plus fort se rencontre ailleurs que dans l’espèce humaine et est donc, au sens de l’opposition nature – culture, un processus naturel. » et là vous rejoignez plutôt Clément Rosset (un avatar de Nietzsche)
Pour ceux qui aiment :
http://www.numerama.com/telecharger/6162-Lemmings-32k.html
Une proposition radicale pour la Constitution pour l’Economie :
Une entreprise ne peut pas être dotée de la personnalité juridique.
un peu moins radicale :
Une entreprise ne peut être dotée de la personnalité juridique que de manière très temporaire, le temps pour elle d’accomplir les objectifs/missions qu’elle s’assigne.
C’est intéressant comme point de vue, mais j’ai le sentiment que cet esprit colonisateur n’est qu’un aspect d’une compétition exacerbée, parce que sans limites raisonnables. J’entends pas raisonnable ce qui différencierai une guerre de joute rituelles. Cette colonisation excessive devient alors la seule manière de survivre.
@ JJJ
« Comme les limites de cette démarche colonisatrice sont perceptibles depuis longtemps, comment se fait-il que les élites managériales soient aussi peu nombreuses à en dénoncer l’absurdité ? »
Il me semble que la réponse est dans la question. Les élites managériales comme vous dites, sont dans notre société humaine ceux qui se sont fait une spécialité de conduire et gérer la démarche colonisatrice qui consiste à accroître des parts de marché. Ils ont même des écoles, qu’on dit grandes, pour cela. Certains, il est vrai, en dénoncent les absurdités, mais dans la quasi totalité des cas ce sont d’ex managers, des managers repentis. Les autres, quand ils ne sont pas à leurs affaires, écrivent des livres pour dénoncer, superficiellement, les tares d’y système qui les nourrit. L’entreprise est alors purement auto justificatrice.
Le corollaire de l’économie de marché est l’inévitable, indispensable … croissance.
Or la croissance nécessite le crédit.
Le crédit crée la monnaie…et enfante de …la banque.
Il faudrait trouver un moyen d’inhiber la croissance pour une vie harmonieuse et linéaire par gain de parts de marché ou croissance prédatrice externe.
Ce sont les prémisses civilisationnelles qui foirent.
@paul jorion :
« les banques centrales tentent d’influer sur leurs comportements ».
Elles ont tant d’autonomie et d’iniative politique?
A part ça, je ne sais pas si l’economie est naturelle ou pas.
Mais pour alimenter ce débat, je vous propose ceci :
Oui, René Barjavel : ‘La Faim du Tigre’
Henri Laborit aussi non? : ‘Eloge de la fuite’ – Pour la fuite en avant ça marche aussi.
Et puis, blog pour blog : http://www.lesmotsontunsens.com/sciences-homme-est-rat-homme-3185
@Paul Jorion: « Et c’est ce qui permet de dire que la démocratie que l’homme s’est offert à lui-même comme une institution inédite relève du biologique alors que l’économie qu’il s’est contenté d’hériter d’un stade antérieur de son organisation relève du physique seulement.
Si on parle du capitalisme, il relève certes du physique, mais il ne s’agit pas d’un stade antérieur, il s’agit d’une nouveauté délibérément mise en place. L’économie relevait du biologique avant le capitalisme (en gros avant 1789), elle était adaptative et non-colonisatrice. C’est délibérément qu’on a mis en place un système sensé être le plus « naturel » possible (au sens physique du terme, science très à la mode à l’époque, d’où la physique des passions).
Donc en même temps que l’homme s’offrait une institution politique biologique (la démocratie), on enlevait tout pouvoir aux institutions politiques et on instituait un nouveau lieu de lutte non-contrôlée permettant au plus fort de garder le pouvoir réel. Ce qui me fait dire que la révolution démocratique n’a pas eu lieu, ou plutôt que la contre-révolution l’a contrecarrée en changeant le lieu du pouvoir par la mise en place du marché auto-régulé.
C’est bien simple, à chaque fois qu’on est supposé laisser faire Dieu, la Providence, la Nature, le Destin, etc, on aliène sa liberté et c’est au plus fort que l’on donne en réalité le pouvoir. Le pouvoir qu’octroie la loi du marché c’est idem que le pouvoir de droit divin.
Très heureux de voir que l’analogie biologique enrichit le débat, je l’évoquai modestement il y a 3 mois (http://www.pauljorion.com/blog/?p=1013#comment-10516)
Mouai , mouai , mouai …..
La nature propre de l’homme ?
« La nature propre » de l’homme relève du savon!
L’homme agit grâce à son temps de vie, fait des erreurs, et les corrige .
Certes, certains types d’erreurs sont fatales , comme celles qui consistent à tomber d’une falaise .Cependant, l’issue à ce genre de problème vient du nombre et de l’espace.
Du nombre?
Il en est toujours quelques uns pour ne pas courrir avec le troupeau , pas toujours pour raison d’affirmation de soi, mais souvent par paresse, les flemmards en somme .
Qui associés à l’image des Lemmings nous donne les « Flemmings »…
Sans compter qu’ un falaise , çà se comble, surtout quand le nombre de lemmings finit par devenir montagne.
De l’espace ?
La terre est ronde .La nuit d’un côté, le jour de l’autre.
Ou autrement dit, le bonheur des uns peut faire le malheur des autres , et vice-verçà.
Ceci dit , tout environnement surexploité se dégrade éffectivement .
Mais ce n’est pas ni le nombre , ni l’espace qui SONT en cause .
C’est le jardinier du monde, à savoir l’homme .
Comme quoi, quand on ne range pas le purin à la bonne place…
PS :
« Les zhumains? Rien qu’une bande de pommes!
D’ailleurs vous avez qu’à en ouvrir une en deux. »
source « Dialogues angéliques , archives du futur dossier 29854ib « .
Il ne faut pas oublier quand on parle d’entreprise à l’heure actuelle 2 choses :
* la responsabilité limité
* l’externalisation
* et on peut rajouter : le vide juridique international.
responsabilité limité, ça signifie quand même, avec l’aide de quelques bon avocats qu’on peut faire un peu tout et n’importe quoi. Ca serait un lemming qui en plus de son comportement grégaire, serait myope (ou simplement cynique).
externalisation, c’est le principe même de l’entreprise : si je peux faire supporter une part du coup de production à quelqu’un d’autre, je gagne des sous. Exemple : je produit un objet quelquonque, et je déverse dans la rivière tout les déchets industriel. J’externalise une partie du coût de la production (sur le terrain du voisin, sur l’avenir de la planète), le tout sous caution de responsabilité limité.
Ce ne sont pas des épiphénomènes, c’est le coeur de notre système économique.
Du coup oui la proposition de Julien Alexandre prends tout son sens. La personnalité juridique octroie des droits anormaux à des personnes sous couvert d’entreprise.
Donc il n’y a pas que l’aspect « grossir » qui entre en compte, il y l’aspect « au détriment des autres »… sinon la croissance serait en fait une recherche permanente de qualité et non pas de quantité.
dans la continuité de cet article,
– une lecture « alternative » de la trilogie de MATRIX – notamment le 1er volet – nous ramène au contenu de l’article: le scénariste et les frères WATCHOWSKI serait ils des JULES VERNE?
-la comparaison avec les LEMMINGS, leurs ecosystèmes, n’est pas nouvelle…. Il est toutefois bon de reprendre ce type de comparaison ….
– l’economie, de même que l’anthropologie, la philosophie, bref… les « sciences » en général telles que pratiquées par une majorité de ces disciples ( même pour « la » reine des sciences, a savoir la physique) ne révèle que qu’une pensée mécaniste …. Elle ne sont que des sous-systèmes du système écosphérique… bien qu’elles revendiquent et affirment le contraire !!!
De ce fait, la pensée mécaniste , c’est l’entropie accélérée et assurée….
Heureusement que notre écosphère ne raisonne ainsi …. sans quoi…. nous ne serions pas là !
Maintenant, pour quel résultats ???? l’avenir nous le dira …
En attendant, nous pouvons toujours siffloter une p’tite chanson, jusqu’à la tombée de la nuit, et dansant autour du feu , nous tenant par la main…. nous présentons …près de la falaise… et poussons notre cri de ralliement et libérateur, pareil à celui des lemmings : » HUIN ! HUIN! » HUIN! HUIN! »
Bonne journée .
Signé : la tomate HUIN!HUIN!
@ Paul
Je suis d’accord avec votre double parallèle démocratie/biologique et capitalisme/physique. Toutefois la nature fait-elle réellement preuve d’anticipation ?
On sait que le processus évolutionniste du vivant est essentiellement sélectif – les plus forts survivent -, mais également adaptatif, réagissant aux propres évolutions de son environnement. Est-ce pour autant de l’anticipitation ? Quoi qu’il en soit, je voulais seulement faire remarquer que si le capitalisme n’est pas adaptatif c’est peut-être parce que contrairement au biologique il évolue selon ses désirs – colonialistes comme vous dites – sans tenir compte de son environnement au sens large, qu’il soit social ou autre (mauvaises répartition des richesses, changement comportemental des foules, épuisement des ressources naturelles, etc). C’était également le cas du communisme des soviets…
Alors, l’erreur fatale ? Probablement.
Bonjour à tous
la croissance! la croissance! la croissance! Orginet, Porginet!
C’est le leitmotiv des TUMEURS!
« les plus forts survivent » vieux présupposé d’orgueil et de vanité!
D’une population de grains de blé, de souris et de chats qui est le plus fort? lequel survit?
Cordiales salutations.
@Vince
Si depuis le temps que « seuls les plus forts survivent », il ne devrait rester que peu d’espèces sur Terre, non ?
Il ne faut pas oublier la coopération dans tout cela
Voir par exemple http://www.co-creation.net/weid/txt-weid/chap3.htm ( la guêpe et l’orchidée, en milieu de page)
bonjour,
l’image des lemmings me semble la mieux adaptée, alors que Bâle II a montré de manière fracassante son échec on continue à vouloir promouvoir sa version assurantielle Solvency II. Paul je vous assure chaque réunion est surréaliste, frappé d’autisme, on continue d’avancer sans tenir compte du monde qui s’écroule… desespérant
christophe
La chimiothérapie va t’elle être réellement efficace sur les métastases?
Difficile à dire car aucun traitement n’a encore été essayé sur ce genre de cancer.
@ Anne. J
Les plus forts, ou les plus adaptés si tu préfères. « Il ne devrait rester que peu d’espèces sur Terre, non ? » Seules les espèces qui ont la capacité de s’adapter survivent, les autres disparaissent. (Si tu voulais dire que l’homme est responsable de la disparation de nombreuses espèces à cause de ses activités modifiant négativement l’environnement, on est d’accord.)
@ Paul Jorion et all
De la même manière que all, je ne suis pas d’accord avec ça :
« L’économie sous sa forme naturelle n’est pas seulement darwinienne, elle reflète aussi la nature propre de l’homme en tant qu’espèce. »
La première chose qui me vient à l’esprit est de dire : « Pourquoi on se torturerait autant les méninges sur ce blog, si d’aventure il existe une nature de l’homme qui permettrait de légitimer le fonctionnement actuel de l’économie ? »
Si la nature de l’homme c’est de produire une domination totale sur les autres espèces et de créer des rapports de domination au sein même de son espèce, je ne vois pas pourquoi on se fatigue. Les dominants dominent, et les dominés subissent, c’est la nature des choses…
Non, sérieusement…
L’économie tombent dans la catégorie culture, car c’est un construit social. Je ne remets pas en cause le fait qu’elle est aujourd’hui le fruit de tout un système de rapports de domination. Certes… Mais, de là à dire que cela proviendrait d’une nature humaine et que l’on a que l’économie que l’on mérite.
Je pense que d’autres rapports de domination aurait donné une tout autre économie. Imaginons une société où des écolos serait dans une position dominante par rapport aux capitalistes…(C’est beau de rêver). Il me semble que la forme que l’économie prendrait serait tout autre et que cette aspect colonisateur que vous soulignez avec raison n’aurait pas droit de cité…
Non ?
@ Paul et All
J’ai suivi le premier message de All et la réponse de Paul que je trouve très intéressante et que je souhaiterais voir être plus développée.
1. Je partage l’avis de All car il est très aisé, à partir de l’affirmation selon laquelle la concurrence est un processus naturel d’un point de vue anthropologique, de passer à un énoncé impératif : la concurence est un processus naturel donc l’économie est un processus naturel dont les lois nous disent comment organiser nos sociétés. Cette thèse est désastreuse pour la démocratie car elle oppose la vérité revendiquée de ces lois au peuple.
2. En lisant ce qu’écrit Paul, je ne peux m’empêcher de ressentir une forte répulsion car je pense que ce genre de propos pourrait être tenus par Thatcher (There is no alternative) ou Hayek (vu le passé en IA de Paul, ce n’est pas étonnant). En même temps, je songe aux règles de la méthode sociologique de Durkheim. Est un fait sociologique ce qui s’impose à la volonté de l’individu. Si la sociologie est considérée comme une science (c’est le cas pour ma part), alors pour établir des énoncés ayant valeur scientifique il est nécessaire de dépasser ce qu’il considère comme de l’analyse idéologique ( Spencer et Compte) où le discours sociologique ne fait qu’analyser, au sens kantien, de manière philosophique, des notions.
3. Paul écrit que la démocratie est assimilable au bios et peut donc évoluer et que l’économie est assimilable à la phusis. J’ai envie de botter en toucher en disant, à l’instar de Dilthey et de Cristall, que d’un point de vue épistémologique, les sciences de la culture suivent des règles particulières. En économie comme en sociologie, une loi scientifique n’est valable que dans une époque et dans un espace donné.
4. Soit le scientisme, soit un scepticisme nihiliste. Existe-t-il quelque chose entre les deux ?
Très bon texte.
Moi qui ne comprends rien à rien (ne suis ni financier, ni philosophe…), cela me fait penser à une citation de Claude Lévi-Strauss :
« J’imagine que l’humanité n’est pas entièrement différente de ces vers de farine qui se développent à l’intérieur d’un sac et qui commencent à s’empoisonner par leur propres toxines bien avant que la nourriture ou même l’espace physique ne leur manque !
Nous sommes habitués par toutes nos traditions intellectuelles à une échelle de rapport entre l’humanité et la planète qui est en train de se transformer de manière radicale ; je ne suis pas du tout persuadé que nous soyons moralement, psychologiquement, peut-être même physiquement équipés pour y résister. »
Or, non seulement nous empoisonnons notre planète et nous même avec les conséquences délétères que l’on suppose aujourd’hui, émissions de GES entrainant une augmentation des températures moyennes, une acidification des océans, une montée du niveau des mers, une chute de la biodiversité… (ce dont le MEDEF n’a strictement rien à cirer, je caricature à peine), mais nous brûlons aussi à vitesse grand V les dernières ressources fossiles énergétiques qui nous ont permis le meilleur (civilisation matérielle extraordinaire) comme le pire (environnement) ! Mais n’est-ce pas, toute remarque à ce propos fait passer son annonceur pour un écolo, millénariste, alter quelque chose chevelu et encagoulé du fin fond du Chiapaz !
Pour donner à nouveau dans la parabole, je dirais que le vent faibli (les énergies), les hauts fonds et récifs se rapprochent (crise environnementale), mais nos chers économistes de tout poil discourent du réglage des voiles et de la taille du spi alors que nos embarcations n’ont pratiquement plus de coque (un type de société solidaire « à la française » avec assurances chômage et cie) et sont dotés des derniers hydrofoils (les saintes règles de l’ultralibéralisme : moins d’état, moins de taxes et d’impôts, moins de règles…) qui n’ont aucune portance par pétole (vent faible voire nul). Certains continuent à alléger le rafiot en virant rames, pare battes et dérives, en jetant par dessus bord les réserves d’eau douce, d’autres proposent de nouveaux spi en remplacement du génois (grand foc) et tout ce beau monde cause des écoutes (cordages permettant de régler les voiles), des taquets coinceurs et autres winches…
Quant à ceux qui voient le vent mollir, les courants contraires, les écueils proches et le rafiot prendre l’eau… le reste de l’équipage ne les écoutent pas ou se foutent de leur gueule.
Allez les gars ! causez , causez, causez…
Bonsoir à tous.
Bonjour monsieur Jorion,
votre article intitulé « Les lemmings » est discutable à plus d’un titre, essentiellement à cause des concepts apparemment auto-évidents sur lesquels il s’appuie.
La première phrase semble en définir le contexte, et pose un postulat sur la nature humaine, dont on déduit le caractère de l’économie – L’économie sous sa forme naturelle n’est pas seulement darwinienne, elle reflète aussi la nature propre de l’homme en tant qu’espèce. –
J’avoue que je ne comprends pas la pirouette. J’aurais tendance à penser que « l’économie sous sa forme naturelle » est nécessairement pré-humaine (pré-noosphérique, selon Vernadski), et que par ces termes vous faites référence à l’état et à l’activité de la biosphère avant que n’intervienne la cognition humaine. Mais alors, si c’est effectivement ce que vous entendez, comment pourrait-elle refléter « la nature propre de l’homme », même « en tant qu’espèce » ? N’est-ce pas « l’économie sous sa forme naturelle » qui devrait se refléter dans la nature humaine ?
De plus, si Darwin propose une théorie sur la cause de « l’économie sous sa forme naturelle » à travers sa théorie de l’évolution, en se fondant sur les hypothèses malthusiennes de ressources limitées et de survie du plus apte, cette théorie n’est pas la seule. D’autres chercheurs ont considéré que, si l’on constate empiriquement dans la biosphère les faits que Darwin décrits, sa théorie ne rend pas raison de l’orientation apparente de l’évolution de la biosphère pré-humaine, et ils proposent une notion de corridor évolutionnaire et de « feed-back » évolutionnaire, bref de « moindre action » au sens leibnizien.
La biosphère montre un souci d’économie et de recherche d’efficacité dans son évolution.
Je prétends que l’évolution de la biosphère pré-humaine s’est produite selon des « principes » non-malthusiens, et non-darwinien, et que l’économie de la biosphère pré-humaine reflète ces principes. Je crois aussi que l’économie humaine ne fonctionne que lorsqu’elle reconnaît ces principes, et non lorsqu’elle se contente des thèses de Malthus, de Darwin et de Smith, qui ne s’appliquent qu’aux empires, aux marchands et aux pirates, mais nullement aux créateurs, aux producteurs et aux transformateurs.
Voici ce qu’est l’économie :
L’économie est la science de la maîtrise croissante par l’homme des processus physiques et biosphériques.
Maîtrise ne signifie certainement pas dévastation. Les sociétés humaine organisées ont pour but de se conserver, mais plus encore de se perpétuer dans les meilleures conditions possibles, et c’est lorsque que l’économie était dirigée par ces principes que l’on a connu les grandes révolutions, politiques, culturelles et matérielles.
Au contraire, lorsque l’économie fut abandonné à des parasites (féodaux, marchands, spéculateurs, nomenklatura), les effondrements sanitaires, stratégiques, culturels ont été systématiques.
Nous sommes au bord de la falaise, comme vous dites, non pas à cause de notre nature, mais parce que les dernières cinquante années économiques, voire le vingtième siècle entier, ont vu les conceptions économiques impériales dominer sur les conceptions protectionnistes nationales, qui sont pourtant la seule source de la Révolution industrielle et du progrès humain(cf. Friedrich List).
Plus loin dans votre article, vous regrettez que les entreprises commerciales ignorent comment se réguler. Cela n’a pas de sens. Toute entreprise est fondée sur le principe de développement, et la loi protège ce principe. Une entreprise qui « maigrit » est une entreprise en difficulté. Les gouvernements régulant l’activité des entreprises se contentent de les orienter et de leur interdire autant qu’il est possible la tentation du crime.
L’opposition entre démocratie (biologique) et capitalisme (physique) est fallacieuse. Ce que vous appelez capitalisme n’est certainement pas la forme naturelle de l’économie, c’est la structure financière impériale de l’ex-empire britannique. Si cet empire s’est soi-disant dissous en 1945, il n’a par contre rien perdu de sa volonté hégémonique mondiale et de sa puissance.
Les états-nations démocratiques sont en eux-mêmes, par la définition implicite dans leurs constitutions, des projets économiques. Ils sont développeurs, organisateurs et créateurs. Ils n’ont qu’un ennemi, l’empire, dont l’action économique est le pillage et la destruction. Et c’est parce que cet empire essaie à tout prix de se maintenir aujourd’hui que nous sommes au bord de la falaise.
Finalement, je pense que votre article est soit réservé à une caste ésotérique qui comprend votre langage secret, soit le charabia d’un homme trop habitué aux flatteries institutionnelles. Il est anti-historique, en ce que vous remplacez la causalité historique qui est à l’origine de la situation contemporaine par des pseudo-principes « universels » et des analogies bancales.
Sur vos conceptions écologiques (les ressources, l’environnement, le rôle de l’homme), je vous propose de lire deux textes de Vladimir I. Vernadski, que j’ai déterré récemment :
« L’autotrophie de l’humanité », ici :
http://www.larecherchedubonheur.com/article-24980287.html
et
« Sur la différence énergéticomatérielle fondamentale entre les corps naturels vivants et non vivants dans la biosphère », ici :
http://www.larecherchedubonheur.com/article-27522427.html
@ Julien Alexandre
Je ne comprends pas la finalité de votre suggestion. Encore moins la seconde : l’entreprise ne cesse jamais de poursuivre la réalisation de son objet social (ses « missions et objectifs »)…