Billet invité.
POURQUOI LA CLOQUE N’EST-ELLE PAS PERCEE ?
Le terme consacré est bulle, pour bulle financière. Mais je préfère parler de cloque, par référence à ce qu’elle contient. Pourquoi, alors, constatons-nous que le moment où la cloque financière devra être d’une manière ou d’une autre percée est tellement retardé et éludé, d’une manière qui semble illusoire et même dangereuse ?
Une déclaration de Jean-Claude Trichet, président de la BCE, résonnait étrangement ce vendredi matin. Il avertissait que les liquidités apportées de façon exceptionnelle aux banques seraient « temporaires », que les procédures adoptées par la BCE étaient « tout à fait exceptionnelles » et que cette dernière « souhaite un retour au fonctionnement traditionnel des banques ». Rien que de bien naturel, pourrions-nous penser dans ces propos, pourquoi donc fallait-il les réaffirmer ? N’était-ce pas parce qu’un petit confort avait été finalement trouvé dans cette situation inédite d’assistance et de substitution, car elle évitait de devoir prendre certaines douloureuses décisions, et qu’il ne fallait pas s’y installer ?
Il est de fait que la crise crée des situations tout à fait surprenantes, et que de ce point de vue aussi elle ne peut pas durer éternellement. Le fisc américain, ne faisant en cela d’ailleurs que suivre l’exemple du fisc allemand, ne voulant pas lâcher sa proie, vient de déclencher la projection en Suisse d’une sorte de remake du film de Pedro Almodovar, qui pourrait s’appeler « banques au bord de la crise de nerfs ». La banque UBS a dû capituler et il va être difficile d’endiguer les flots qui vont s’engouffrer dans la brèche ouverte. Les Allemands poursuivent, eux, le Lichtenstein de leurs assiduités, mais ce dernier a réagi de manière plus politique que les Suisses. Le Premier ministre, Klaus Tschütscher, déclarant jeudi dernier : « Je peux imaginer une solution pour un accord avec l’UE, qui évite par la coopération la fraude fiscale… ». Avec un peu d’imagination, en effet… Il vaut mieux en avoir afin d’éviter la violence dont les Suisses ont fait preuve dans leur réaction, qui s’explique en effet par le fait que leur ligne de défense traditionnelle du secret bancaire et de ses affaires a été enfoncée par les exigences américaines de communication des noms de tous les détenteurs de comptes numérotés américains, afin de faire eux-mêmes le tri et de ne pas laisser ce soin à la banque. La distinction traditionnelle et casuistique entre évasion et fraude fiscale n’y résiste pas. Le secret bancaire volera en éclat si l’affaire se poursuit.
D’autres nuances qui arrangent tout le monde sont en train de s’estomper. La nouvelle affaire Stanford, après l’affaire Madoff – même si elle n’est semble-t-il pas de même nature, on verra ce qu’il en sera – accrédite l’idée que la frontière entre le casino financier légal et l’escroquerie financière illégale devient plus ténue. L’homme n’est pas arrêté, après avoir été localisé par le FBI et qu’il ait été informé des faits qui lui sont reprochés. Que va-t-on découvrir, ou que va-t-il nous être dissimulé, par souci des convenances et des arrangements ? Les scandales poussent comme des champignons aux USA, comme s’ils étaient partie prenante du monde des affaires, seule manière d’expliquer et de comprendre que ces escroqueries fassent autant de victimes, dont certaines ne sont pas toutes innocentes.
Il n’est pas nécessaire de revenir sur les échanges à fleuret moucheté auxquels nous avons assisté à propos des dividendes, après ceux des bonus qui ont défrayé en pure perte ou presque la chronique, pour écouter les fermes plaidoyers selon lesquels cette juste rétribution des actionnaires, qui ont tant perdu par ailleurs en raison de la chute en bourse de la valeur de leurs actifs, n’est qu’une compensation méritée. Et qu’il n’y a pas lieu d’en discuter. C’est en tout cas ce que l’on entend. Ni de s’appesantir sur les réactions épidermiques, également entendues en France, à propos du partage de la plus-value, une notion toute à fait inconvenante dans ses termes mêmes et qui va faire l’objet de commissions d’études chargée de régler les cérémonies de son enterrement de première classe.
On apprend par ailleurs que les autorités américaines étudieraient, selon le New York Times, un plan de relance de la titrisation. « Le département du Trésor et la Réserve fédérale projettent de dépenser pas moins de 1.000 milliards de dollars pour apporter des prêts à taux faible et des garanties aux fonds spéculatifs et aux sociétés de capital-risque qui achètent des titres adossés à des prêts aux particuliers et aux entreprises », écrit le quotidien. Ce plan, estime le NYT, serait l’aboutissement logique des différents plans de relance du crédit sous toutes se formes déjà lancés, la titrisation étant selon lui qualifiée de « mécanisme vital », reprenant des termes attribués sans plus de précision à « l’administration Obama ». Etonnante manière d’affronter le problème de la cloque financière.
Christine Lagarde, ministre de l’économie et des finances française, a aujourd’hui indiqué depuis Washington avoir engagé un dialogue « très productif et amical » avec Timothy Geithner, secrétaire d’Etat au Trésor, à propos du prochain G20. La France s’exprimera sur quatre questions: la réglementation des fonds spéculatifs, les relations avec les « paradis fiscaux », les rémunérations dans la finance et une meilleure prise en compte du risque dans les normes comptables. Christine Lagarde, aux premières loges pour constater que Citigroup et Bank of America continuaient de s’effondrer à Wall Street vendredi, et que leur nationalisation temporaire était de plus en plus inévitable, revenant sur la faillite de Lehman Brothers comme exemple de ce qu’il ne fallait plus faire, a voulu dédramatiser la situation à sa manière. La nationalisation n’est pas une « fatalité », a-t-elle dit, précisant qu’il fallait parfois en passer par là.
Mais même la part du feu, on ne la voit pas encore venir.
10 réponses à “L’actualité de la crise : Pourquoi la cloque n’est-elle pas percée ?, par François Leclerc”
[…] Blog de Paul Jorion wrote an interesting post today on L’actualité de la crise : Pourquoi la cloque n’est-elle pas percée ?, par François LeclercHere’s a quick excerptBillet invité. POURQUOI LA CLOQUE N’EST-ELLE PAS PERCEE ? Le terme consacré est bulle, pour bulle financière. Mais je préfère parler de cloque, par référence à ce qu’elle contient. Pourquoi, alors, constatons-nous que le moment où la cloque financière devra être d’une manière ou d’une autre percée est tellement retardé et éludé, d’une manière qui semble illusoire et même dangereuse ? Une déclaration de Jean-Claude Trichet, président de la BCE, résonnait étrangement ce vendredi matin. […]
Je vais répéter mon Delenda Cartago 🙂
Toujours le manque de transparence, et les secrets justement, les paradis fiscaux, les livre de compte hors bilan, je met tout cela dans le même panier. Manque de transparence, donc pas de vérité, pas de responsables et faute de connaître l’étendue de la situation difficile de prendre une décision rationnelle. Ainsi en gérant la crise du crédit et de la dette en voulant inonder l’économie par encore plus de crédit et de marché on prépare une bulle encore plus grosse, qui fera encore plus de dégat quand elle va exploser (ca va être très purulent là), on retarde surtout l’échéance oui pour tout un tas de mauvaises raisons sans doute, ainsi les politiciens évitent de prendre des décisions encore plus douloureuses et ils ne veulent surtout pas se mouiller en attendant la prochaine élection (certaines mauvaises langue disent que Bush a tout fait pour que la crise n’éclate pas avant la fin de son mandat, d’autres disent que Obama va tout faire pour retarder l’explosion finale après la prochaine élection). Au pire on refile le bébé et l’eau du bain au prochain si cela empire, ou alors ma foi on a un nouveau mandat et puis on verra bien. Quant aux banquiers et financiers, on peut supposer qu’ils pensent déjà aux prochains dividendes et bonus et préfèrent donc retarder l’explosion de leur sociétés surtout s’ils en savent plus qu’ils ne le disent et savent pertinemment qu’elles sont condamnées.
Les banques Suisses, UBS en tête, vont se faire éjecter des USA pour la simple raison que financièrement et économiquement UBS est un boulet pour l’Etat Fédéral et que de nombreuses banques américaines souhaitent récupérer les clients UBS.
Il ne s’agit rien de moins que du « Buy America » qui est un des 2 piliers de la relance américaine. Le 2d étant des nationalisations transitoires.
Les 2 nouvelles bio-prothèses des USA aujourd’hui sont
– nationalisation transitoires
– Buy America
On va s’en apercevoir trés vite et même sans doute trop vite pour une Europe qui reste à la remorque.
@ leduc
Heureusement, malgré les atermoiements officiels, l’explosion aura lieu avant la fin du mandat d’Obama.
Dans NOUVELOBS.COM | 21.02.2009 | 11:17
La Suisse aurait livré « quelque 250 » noms aux Etats-Unis
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La Justice américaine a porté plainte pour exiger que la banque suisse UBS livre des informations sur 52.000 comptes secrets identifiés par le fisc comme appartenant à des Américains.
L’Autorité de surveillance des marchés financiers (Finma) suisse a livré aux autorités américaines le nom de « quelque 250 » clients d’UBS soupçonnés par Washington d’évasion fiscale, selon la presse suisse du samedi 21 février.
Le quotidien Le Temps affirme que « quelque 250 noms ont déjà été transmis à Washington » par la Finma.
Selon un porte-parole de l’Autorité de surveillance cité par la Tribune de Genève samedi, « les données sont déjà à Washington ».
Ces données concernent notamment huit clients d’UBS qui avaient déposé mercredi à titre préventif une plainte collective contre la possible décision de la Finma de livrer leurs noms aux autorités américaines.
52.000 comptes demandés
Première institution bancaire du pays, UBS est depuis plusieurs mois sous la pression des autorités américaines pour avoir aidé de très nombreux contribuables américains à se soustraire au fisc.
En vertu d’un accord à l’amiable conclu mercredi, la banque s’est engagée à livrer les identités de clients en question.
L’accord entre UBS et les autorités américaines prévoit en outre le paiement par la banque de 780 millions de dollars (617,9 millions d’euros).
Mais cet accord a connu un rebondissement jeudi avec l’annonce, par le ministère américain de la Justice, qu’il avait porté plainte pour exiger qu’UBS livre des informations sur 52.000 comptes secrets identifiés par le fisc comme appartenant à des Américains, qui recèleraient près de 15 milliards de dollars d’actifs.
http://tinyurl.com/aqzfvo
Cloque? Mais c’est du belge, ça, François… Je crois que les Français disent ampoule. Mais peut-être que furoncle (beeerk!) pourrait nous réconcilier…
@ Alain A
J’ignorais que les belges affectionnaient le mot cloque, j’en était resté à septante et chicon. Mea culpa.
Les médecins disent aussi phylactène.
La phlyctène contient un liquide retenu par une très fine couche de peau (plyctène de brûlure par exemple).
L’ abcès se développe plus profondément et contient du pus, son traitement est chirurgical, surtout s’ il n’ arrive pas à s’ extérioriser ( il peut alors donner lieu à une septicémie).
@ Alain A, Tigue
J’ai télescopé phylactère et phlyctène, encore qu’il s’agisse d’une autre sorte de bulle…
@Tigue et François
Cloque, ampoule, phyctène, furoncle, abcès, clou (encore du belge!): tout cela ce sont des excroissances parasites à percer, exciser, éradique d’urgence si l’on ne veut pas que la gangrène ne gagne le reste du corps encore sain. 🙁 .