Billet invité.
Et pourquoi pas un plan général d’apurement des dettes bancaires ?
S’il existe une similitude à l’ensemble des plans de sauvetage des banques, c’est qu’ils ne demandent jamais de sacrifices aux créanciers. Sont évoqués soit la création de bad banks, soit des mesures de recapitalisation par les états, de nationalisation mais il ne me semble pas avoir jamais entendu évoquer des mesures de restructuration des passifs bancaires.
Pourtant demander (imposer) aux créanciers des banques de transformer une partie de leurs avoirs en quasi fonds propres présente l’intérêt majeur d’améliorer directement la solvabilité des banques sans socialiser encore plus les pertes. Le dilemme insoluble du prix de rachat des actifs toxiques n’est ainsi plus posé. Le défaut de vigilance des actionnaires (dilution du capital) et des créanciers est sanctionné. Une bonne part du problème posé par l’aléa moral s’en trouve résolu. Et surtout, dans ce cas de figure, on ne répond pas à une crise d’endettement par plus d’endettement.
Un article récent de François Meunier décrit cette approche :
… une dernière mesure, assez radicale, est à la disposition des autorités. Elle consiste à décréter qu’une banque en mal de solvabilité est dans un quasi-état de sauvegarde. Il est légitime alors d’obliger créanciers et actionnaires des banques à s’entendre pour une recapitalisation de la banque. Pour éviter les délais de négociation et la myriade de situations individuelles qui rendent cet accord impossible, on agit par la loi en obligeant à une conversion forcée des titres de dette en fonds propres. Pour fixer les idées, on obligerait tous les porteurs de dette financière des banques à convertir 20% de leurs dettes, à leur valeur nominale, en actions ; pour les porteurs de dette subordonnée ou hybride, la conversion se ferait à disons 40%. Les dépôts bancaires, à vue ou à terme, seraient bien évidemment exclus de cette conversion forcée.
Il s’agit évidemment d’une procédure d’exception, radicale, proche de l’expropriation et qui ouvre la porte à des contentieux internationaux. Evidemment, les investisseurs ne seraient pas fous de joie. La récente opération de transformation de la dette de GMAC pour éviter la faillite n’a été que partiellement suivie par les investisseurs qui risquaient pourtant de perdre 100% (sachant bien évidemment que l’Etat ne lâcherait pas un organisme aussi gros).
Les pouvoirs publics pourraient envisager d’imposer de telles opérations de restructuration de dette à l’ensemble de leurs banques par des procédures de type sauvegarde. Des mesures similaires ont semble-t-il été adoptées par Roosevelt et lors du sauvetage bancaire suédois dans les années 90 et les créanciers ne s’en sont pas trop mal sortis pour finir.
Les défis techniques seraient certes nombreux mais certainement pas indépassables avec de la volonté politique (quoique le mieux serait de trouver un consensus au niveau du G20, pas gagné !). Face à la gravité de la crise, ce type de mesure mériterait au moins d’être débattu (des groupes de pression dans la finance devraient certainement être contre, tant leur intérêt est que les opérations de sauvetage soient basées plutôt sur des dépenses publiques).
14 réponses à “Et pourquoi pas un plan général d’apurement des dettes bancaires ?, par Romain D.”
» Pour fixer les idées, on obligerait tous les porteurs de dette financière des banques à convertir 20% de leurs dettes, à leur valeur nominale, en actions ; pour les porteurs de dette subordonnée ou hybride, la conversion se ferait à disons 40%. Les dépôts bancaires, à vue ou à terme, seraient bien évidemment exclus de cette conversion forcée. »
par dette financiére des banques, faut il entendre « obligations » ?
a t on une idée du volume de capitaux que cela représente ?
a t on d’ailleurs une idée du volume necessaire de fonds propres pour les banques ?
On a comme l’impression que l’Europe réalise aujourd’hui même qu’elle ne pourra pas s’épargner un plan de relance d’envergure car les USA sont déterminés à sauver coute que coute leur sytème par des nationalisations assez larges et de plus le « Buy America » ne permettra pas cet fois de tirer l’Europe de la crise.
Les propos de Mme Lagarde ce jour et le plan de relance de Mme Merkel ( 50 milliards ce jour) fait penser à un éclair de lucidité in extremis.
http://fr.news.yahoo.com/4/20090220/tbs-crise-lagarde-7318940.html
De plus les USA exclus d’office les paradis fiscaux européens de leur système (UBS).
Il est grand temps que l’Europe montre l’exemple en matière de relance économique et de planification intelligente et coordonnée:
Un Contrat de Plan Européen apparait plus que jamais nécessaire pour mobiliser les forces vives de ce continent.
Cette mesure a été évoquée, de manière très minoritaire, par Martin Wolf dans le Financial Times, ainsi que par un professeur de l’Université de Chicago, Luigi Zingales, dans le Wall Street Journal.
L’échange de dettes contre des actions est un classique oublié dans cette affaire. Il ne faut pas chercher les causes de cet oubli dans les difficultés techniques ou juridiques d’application de cette mesure, réelles, ni même dans le fait que les créanciers partageraient, devenus actionaires, le même bain que les actionnaires actuels, en un peu moins brûlant tout au plus. Ce qui reviendrait à propager la crise d’une autre manière.
Le fonds de l’histoire est qu’une telle solution aboutirait à ce dont les dits actionnaires ne veulent absolument pas, leur dissolution au capital des banques. C’est pour cette même raison qu’ils cherchent à éviter toute intrusion au capital, même limitée, sans droit de vote, etc… En France, le système des obligations subordonnées à été trouvé pour l’éviter.
Il suffit d’observer la virulence des débats dès qu’il est question des dividendes, ou en général du partage des profits (le système des trois tiers), pour comprendre que l’on est là face à une résistance féroce et déterminée, devant laquelle les politiques ont jusqu’à maintenant capitulé.
La réaction violente d’Obama au mauvais accueil par Wall Street du plan Geithner est éloquente. La porte était ouverte à des arrangements discrets, faisant en fait porter l’essentiel du poids de l’évacuation des actifs toxiques à l’Etat, le plan étant une sorte d’habillage en fin de compte, mais même cela il n’en était pas question.
De la même manière, lorsque l’on évoque les réunions internationales à venir et les discussions sur les futures mesures de régulation, force est de constater que les USA et la Grande-Bretagne, les deux places-fortes de la finance internationale, ne sont pas aux avant-postes ! Même si l’on peut considérer les mesures proposée par les allemands et les français tièdes.
On touche, dans toutes ces affaires, aux tenants de la catégorie A de Jean Maxence Granier et à la réalité du pouvoir. Il n’en a pas été de trouvé de représentant, lors de l’étude qui a permis d’établir cette classification, et pour cause, ses représentants répugnent à toute forme d’expression publique et à l’expression de leurs idées (à leur pouvoir), qu’ils préfèrent défendre par d’autres moyens à leur disposition.
@François Leclerc
en france comme au etat unis , les classes dirigeantes ( public et privee ) sont composees des memes personnes , cf. breton , lauvergeon , idraque etc font des aller retour regulier entre des postes ministeriels et celui de pdg grassement paye . ils n est pas etonnant que ces memes personnnes qui devraient prendre la decision strategique dans un interet a long terme refuse la mutation de la societe car cela viendrait remettre en cause leur statut , etant au sommet de la pyramide alimentaire , ils preferent faire perdure un systeme a l agonie plutot que rejoindre les masses d indigents. on ne melange pas les torchons et les serviettes . il est donc clair que toute refonte de l economie ne peut etre separe d une refonte de la democratie .
« Le fonds de l’histoire est qu’une telle solution aboutirait à ce dont les dits actionnaires ne veulent absolument pas, leur dissolution au capital des banques. C’est pour cette même raison qu’ils cherchent à éviter toute intrusion au capital, même limitée, sans droit de vote, etc… En France, le système des obligations subordonnées à été trouvé pour l’éviter »
François Leclerc .
On peut imaginer que les actionnaires se posent des questions sur la possibilité de tout perdre.
cette possibilité pourrait être plus grande en cas de faillite que de nationalisation.
la nationalisation se fait normalement avec dédommagement des actionnaires privés.
un « droit de retour » , une clause de retour à meilleure fortune, des privés peut s’imaginer, après l’orage – le tsunami-.
il me semble que le terme de nationalisation qui court actuellement est galvaudé, qu’il correspond à ce que les gens veulent entendre pour être rassurés.
il me semble que les idées de nos responsables politiques tant européens que US ne vont pas dans le sens d’une prise de contôle de l’économie.
on peut imaginer que la « nationalisation » ne soit que la phase pendant laquelle les pertes peuvent s’accumuler sans trop de dégats – les entreprises publiques déficitaires au long cours sont un exemple – et sans passer par la case faillite.
dans ce scénario, une des question serait : quels objectifs fixer à ces entreprises « nationalisées » ?
retrouver le plus vite possible de la rentabilité ?
en dégraissant le mammouth ?
La solution proposée me semble de bon sens, et surtout plus juste socialement. En effet, ne sont-ce pas ces mêmes actionnaires qui depuis des années exigaient — ou engrangeaient sans sourciller — des rendements mirobolants, forçant ainsi les banques à une course effrénée au profit et donc à des montages financiers (le terme « cavalerie » est on ne peut plus approprié !) de plus en plus risqués ?…
@ pitularque
Qui dit nationalisation dit dénationalisation aussi, puisqu’elles sont décrites, par la plupart par ceux qui les préconisent comme transitoires. Ces deux changements d’état, privé-public et public-privé, peuvent donner lieu à des compensations. Mais il faut croire que même ainsi c’est trop douloureux. D’autant que la capitalisation des banques, impliquant une valeur des actifs au dessus de laquelle il n’est pas politiquement envisageable de procéder à des achats, a beaucoup souffert en bourse. Et que la cession de rattrapage que pourrait représenter la dénationalisation est, loin, incertaine, sans garantie. En quelque sorte, il manque la confiance…
Le problème c’est qu’il n’y a pas de responsabilités qui ont été établies. On a trouvé des boucs émissaires, on a dit que les banquiers étaient trop cupides, que ceux qui ont acheté avec un crédit subprime avaient commis une grave erreur, que les investisseurs avides de CDO, etc, etc… Bref on a généralisé, sans nommer réellement de responsables. Et aujourd’hui personne ne veut payer. Les banquiers ne veulent pas assumer, les actionnaires non plus, les investisseurs au sens le plus large du terme non plus. Même le contribuable devient réticent, pourquoi les honnêtes citoyens qui ont été prudent devraient ils payer pour des propriétaire qui ne pouvaient pas rembourser leur hypothèque dès le départ ou encore renflouer les banquer cupides, ou encore renflouer des constructeurs automobiles qui se sont montrés incompétents aux USA. Bref comme disait quelqu’un de plus avisé que moi autant étendre cette logique à tout ou presque, pourquoi aider la banque alimentaire, le don de sang, l’assurance chômage, la croix rouge, la recherche pour le cancer, etc, etc…
Évidemment il n’envisageait pas la notion d’erreur et de responsabilité qui incombe aux subprimes, aux banquiers, aux big three de Detroit. La fragile limite entre l’intérêt individuel et l’intérêt général. Et évidemment si certains comportements individuels étaient généralisés à l’ensemble de la population on aurait vite fait de courir à la catastrophe.
Pas de responsables, pas de coupables, personne ne veut payer qu’il soit coupable ou innocent. Et biensur la lumière n’est toujours pas faite sur l’étendue des dégats, et tant qu’il n’y aura pas de transparence absolue et de devis définitif, les frais risquent d’augmenter encore et encore.
Concernant plus particulièrement la transformation des dettes obligataires en capital actionnaire, est-ce que les dettes ne sont elles pas aujourd’hui bien plus importantes que le montant du capital des grandes entreprises en difficultés ? J’ai vu plusieurs fois que les montant prêté à certaines firmes étaient bien plus important que leur capitalisation boursière actuelle. Autant dire que cela présagerait de gigantesque OPA et que certains auraient tout avantage à avoir prêté de l’argent, de racheter les dettes afin de rafler le jackpot pour un montant dérisoire ou d’une manière totalement impossible lorsque ces sociétés avaient une santé d’acier il y a seulement deux ans ?
Bonjour, cette mesure est de bon sens, et bien meilleure que les nationalisations explicites ou implicites (le cas de figure actuel) qui consistent à prendre de l’argent au contribuable et aux générations futures pour récompenser les plus irresponsables (ceux qui ont acheté des créances hypothécaires à risque et des obligations de banques virtuellement insolvables, qui ont touché des intérêts plantureux pour cela et vont se voir entièrement couverts par les états). Ces nationalisations mettront en plus en péril la survie financière des états (qui n’ont absolument pas les moyens de couvrir le système bancaire dans son ensemble), et auront des effets pervers : Les déposants se réfugieront chez les banques nationalisées, ce qui « achèverait » les banques survivantes non nationalisées, qui devraient à leur tour être nationalisées.
Pour que cette solution de faire participer les créanciers soit efficace il faudrait qu’elle porte non seulement sur les obligations bancaires, mais aussi sur l’ensemble des créances titrisées. De façon générale, toute action de l’état allant dans le sens d’une réduction de la dette (« j’investis 1$ pour négocier une réduction de la dette de 10$ ») est bonne et va dans le sens d’une liquidation ordonnée de la bulle de crédit.
Le problème est qu’aujourd’hui, la politique des dirigeants est plutôt de faire exactement l’inverse (« j’investis 1$ pour essayer de relancer et d’augmenter le crédit de 5 ou 10$ »).
Une autre alternative consiste à garantir les comptes bancaires jusqu’à une certaine limite, et à autoriser la mise en faillite des banques : Cela permet aussi de « lessiver » les créanciers qui ont pris des risques et doivent payer, tout en évitant un bank run généralisé, et correspond à un processus de « faillite ordonnée ».
Les états ont entre leurs mains un moyen de pression considérable vis à vis des créanciers : « Vous acceptez ou vous perdez tout par faillite de la banque ». L’obstacle principal est que beaucoup de créanciers aujourd’hui (encouragés par les dirigeants et états qui répètent que le système bancaire est en excellente santé) n’ont pas réalisé que le système bancaire dans son ensemble va sans doute devenir insolvable (y compris en Europe) au fur et à mesure que la dépression se développera et espèrent encore pouvoir récupérer leur mise.
Il est en effet probable que dans un contexte de dépression économique l’ensemble des prêts (y compris les prêts traditionnels sur les marchés domestiques à des entreprises ou des ménages censés être « sans risque » et solvables) vont connaître une hausse exponentielle de leur taux de défaut, et qu’avec les niveaux de leverage ratio actuels (30 et plus pour la plupart des banques européennes), ça ne passera pas.
Gouverner c’est prévoir.
La démocratie libérale est coincée entre le mensonge politique sous évaluant le drame en cours pour ne pas « choquer les moyens porteurs »
et le mensonge lénifiant aux « pauvres » sans capital afin qu’ils ne descendent pas demain dans la rue.
On perd du temps!
Ce qui est terrible c’est cet espèce d’agrippement (néologisme) aux règles actuelles.
Bonaparte les aurait piètinées comme Sarko ou Obama avec le retour de Renault et le nouveau « buy american ».
De toutes façons il va falloir TRANSGRESSER!
Au fait qui baillonne l’OMC actuellement .. aucun cri d’orfraie libréchangiste n’a répondu aux termes protectionnistes notamment US?
Je suppose que les ministres qui retardent les décisions rêvent de survie miracle du système mais que certains pensent en douce s’exfiltrer vers un pays d’Amérique du sud comme le Chli-Patagonie (hype) en cas d’urgence sociale.
Au fait il reste les filières nazies…
Heu?
Et voilà, c’est reparti comme en 40.
En Belgique au sortir de la seconde guerre mondiale, il y a eu une opération de ce genre (selon d’autres modalités) l’opération GUTT.
Cette conversion de la dette en capital est en effet une option très pertinente : elle introduit la nécessaire recapitalisation des établissements de crédit, et, surtout, permet de donner une juste valeur (c’est-à-dire pas grand-chose…) aux créances de ceux qui les détiennent, lesquels prétendent ingénument retrouver l’intégralité de leurs billes.
@ Leduc
Vous avez raison, si les pertes des banques sont supérieures à leur capitalisation, une telle opération d’échange dettes-actions éjecterait les actionnaires actuels de leur tour de table !
On retombe toutefois sur le même problème, comment évaluer les actifs toxiques et donc les pertes des banques ?
Tout le calcul des actionnaires des banques est d’attendre que le marché reprenne ses couleurs et ils s’installent donc dans l’attente, sachant que personne n’osera les déclarer en faillite après l’épisode Lehman Brothers.
C’est un cercle vicieux que personne n’ose briser. Jean-Claude Trichet (voir mon billet sur la cloque) vient de manifester son impatience…et son impuissance.