Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Le titre de ce billet est emprunté à Fab, un commentateur habituel de ce blog, et la raison pour laquelle je le cite, c’est parce que je m’apprête à lire l’entretien d’Henri Guaino avec Françoise Fressoz et Arnaud Leparmentier dans Le Monde d’aujourd’hui : « La situation sociale est un terreau favorable à tous les extrêmes », dans la perspective que suggère Fab dans son intervention que voici :
En résumé, il me semble que sous-estimer nos dirigeants (ou son prochain…) n’est pas une position raisonnable, surtout quand on leur attribue par ailleurs de grandes capacités de contrôle : ils abordent « les problèmes » sous un autre angle, avec un autre regard, sans pour autant être incompétents.
J’avais fait la remarque suivante :
La compétence d’un dirigeant ne se détermine pas « sur le papier » mais selon le critère défini par Hegel :
« Comprend-il son temps ? »
Ma question « Comprend-il son temps ? » renvoie à la définition du grand homme politique, telle que Hegel la propose dans La raison dans l’histoire :
Ce sont des hommes politiques et à l’esprit pratique. Mais ils sont aussi des penseurs qui comprennent ce qui est requis et ce qui est à l’ordre du jour. Ils conçoivent ce qu’est la vérité profonde de leur temps et de leur monde, la forme de sa prochaine variété, si l’on peut dire, déjà conçue dans la matrice du temps. C’est à eux qu’il revient de connaître ce nouvel universel, la phase dans laquelle leur monde entre nécessairement, pour qu’ils en fassent leur objectif et y consacrent toute l’énergie dont ils disposent.
Ce rappel de la définition du grand homme politique par Hegel semble trouver un écho dans l’entretion que Guaino a accordé au Monde quand il dit :
Si les experts ont du mal à imaginer un autre monde que celui dans lequel ils ont vécu, les responsables politiques sont davantage conscients de la nécessité du changement. Pour refonder le capitalisme, ils doivent imposer des solutions non pas techniques mais politiques.
Aussi quand Guaino dit :
Il faut que les banques soient de nouveau incitées à faire leur métier qui est d’analyser le risque de crédit. Par conséquent, il faudra bien finir par répondre à certaines questions : quelle part de risques la banque doit-elle conserver dans son bilan quand elle titrise ses crédits ? Dans quelle mesure peut-elle être autorisée à financer de la spéculation en particulier les hedge funds ? Comment s’assurer de la transparence de leurs opérations à travers les paradis fiscaux ? Comment rémunérer les opérateurs pour qu’ils ne soient pas incités à prendre des risques excessifs ? Comment contrôler les agences de notation pour que personne ne puisse prendre de risques sans savoir lesquels ? Les activités de crédit et les activités de marché doivent-elles ou non être totalement séparées ?
la conclusion qui s’impose si l’on tient compte de ce qu’il a dit précédemment est que ces questions doivent trouver des solutions politiques et non purement techniques. Or il est clair que l’administration Obama, s’achemine elle de son côté vers des solutions purement techniques qui maintiennent le cadre dans lequel elles s’inscrivent intact – selon les conseils du Secrétaire au Trésor Timothy Geithner et du conseiller spécial Larry Summers, si l’on en croit Paul Krugman dans sa chronique publiée dans le New York Times le 1er février.
Le test pour la France sera triple : distinguer dans un premier temps ce que seraient des solutions politiques par opposition à des solutions qui se contenteraient d’être techniques, les appliquer ensuite, user enfin de son influence pour en faire des mesures qui seront instaurées à l’échelle européenne puis mondiale.
Il ne s’agit pas, comme on le voit, d’un mince défi. Si l’on parvient à le relever avec succès, la preuve aura été faite que oui, comme l’affirme Fab, « nos dirigeants »
…abordent « les problèmes » sous un autre angle, avec un autre regard, sans pour autant être incompétents.
Mais pas avant bien entendu.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
20 réponses à “« Nos dirigeants abordent “les problèmes” sous un autre angle »”
Ah ! Avec Paul Volcker comme conseiller économique, je crains que Mr Obama ne choisisse la voie du status quo… Cela étant, en admettant l’hypothèse que la crise financière est avant tout celle du crédit et de son expansion chaotique, se pose la question suivante : le crédit est-il politique …? Mais comme la question de la répartition des richesses semble aussi se poser – fort justement – en filigrane de la crise économique, je ne ferais pas l’affront de dire que nos dirigeants s’en moquent et qu’ils ne feront pas tout leur possible afin d’établir des bases solides à cette fameuse « refondation du capitalisme » – à laquelle Mr Bouygues, n’en doutons pas une seule seconde, sera ravi d’y apporter son savoir-faire.
Non ?
🙂
Nous retrouvons dans le propos de Hegel la thématique du souverain éclairé à même de percevoir ce dont la « matrice du temps » serait porteuse. Ce propos est très riche de sens mais il ne laisse pas de m’interroger. Si la « matrice du temps » est porteuse d’une telle forme universelle dont le politique — éclairé — au pouvoir aurait pour rôle de faire advenir effectivement, nous sommes loin de la vision d’un univers chaotique dont il pourrait accoucher des formes universelles diverses, et donc alternatives entre elles. Si l’avenir est déjà tendanciellement inscrit dans le présent quel rôle joue alors la démocratie ?
Je comprends bien que la forme suprême de la perspicacité est de déceler dans les forces antagonistes, y compris celles à l’oeuvre dans la vie démocratique, ce qui contribuera à faire advenir la nouvelle forme, mais alors cela suppose que le « souverain » est celui qui en dernier ressort manipule ou oriente au profit de son dessein universel les dites forces. Après tout, cela serait un moindre mal s’il était vraiment éclairé ! Mais peut-on compter uniquement sur la supposée perspicacité des politiques ? J’ai la faiblesse de penser que l’avenir n’est jamais écrit, et qu’il nous appartient, à nous citoyens, d’informer la matrice du temps de telle sorte que le « souverain » n’en fasse pas à sa guise.
Il n’est pas douteux que sont à l’oeuvre dans le réel des tendances lourdes dans les domaines politique, économique, social et techno-scientifique, mais au nom de quoi peut-on identifier une forme universelle particulière en puissance, autrement dit une nouvelle configuration, une recomposition des éléments fondamentaux qui donnent sa consistance au monde que nous connaissons aujourd’hui ?
Autre interrogation : a supposé que le politique comprenne son temps, la nouvelle forme qu’il contribuera à faire advenir, sera t-elle vraiment bonne ? Derrière le concept de forme universelle nous pouvons tout aussi bien trouver de nouvelles formes de tyrannie, qu’elles soient du marché ou autocratiques, que des formes décentrées. D’aucuns parlent de façonner un nouvel ordre mondial. Ce terme est très vague. Il peut renvoyer à des formes toutes viables mais très distinctes : par exemple un marché globalisé régulé, à « gouvernance renforcée », mais plus intégré que jamais avec ce que cela induirait par exemple de contrôle renforcé des populations, ceci par opposition à des économies plus nationales et/ou relocalisées et plus démocratiques. Ce n’est qu’un exemple, d’autres configurations sont imaginables.
Bref, ce n’est pas le tout d’imaginer un autre monde, encore faut-il savoir lequel. Tout nouveau monde comportera forcément, pour ainsi dire, par définition, sa nouvelle régulation, mais une régulation pour quels objectifs sociaux ?
Il me semble entendre parler de « grands » hommes, ici, et ce, au pluriel, en notant qu’en face, s’alignent des hommes au pouvoir, qui, s’il n’est qu’aussi balèze, c’est parce que les temps de crise les ont bien diminués.
Tout se résume encore à un rapport de force, sans parler de la dualité animant certaines âmes …
Le fait est que, si c’est l’ambition qui anime l’animal politique, certains opportunistes peuvent y voir, s’appuyant sur une dose de démagogie quand même, l’occasion d’utiliser le soutien populaire, pour leur gloire personnelle, mais tout en renvoyant quelques bénéfices à la masse d’en dessous, pendant l’ascension.
Vous voyez Pierre-Yves, avant l’espoir du despote éclairé, il y a celui des cyniques synchronisés.
Bonjour,
Des compétences, des compétences…chacun en a, des compétences, et en des domaines les plus divers, des manières les plus variées et surprenantes. Le monde est peuplé de compétences. La cigale, par exemple…
Pas vraiment de quoi avoir la grooosssse tête et se prendre pour Lechef et soumettre à ses délires des populations entières.
Le pouvoir, les fastes de la République, c’est bien mignon, mais à part ça et tout autour de Wadous, il y a un univers.
On a pu parler quelque part (ou quelqu’un de haut placé) de « rupture ».
Ou serait la rupture si les états se contentaient de regonfler les banques afin de proroger le système actuel.
Au bout d’une éventuelle réparation du système apparaitraient vite d’autres « exagérations » qui le feraient rechuter.
La RUPTURE
C’est un changement de paradigme qui ne s’imposera au niveau « global’ qu’après une révolution globale, car les possèdants actuels du monde ne sauraient partciper à la grande réforme que contraints et forcés après de ce qu’ils considèrent comme leurs actifs propres.
Je veux dire que pour aboutir à une refonte du système il faudra en passer par la suppression du pilier de la civilisation telle que nous la comprenons.
Ce pilier c’est le droit de propriété.
D’autre part
Je suis à 65 ans en quasi retraite.
Je « possède » sous diverses formes des actifs représentant à la louche 2.5 millions d’euros.
J’aurais donc un peu à « perdre » en cas de changement de paradigme (mot philosophique pour refonte du monde après révolution), et je m’inquiète car ces actifs conquis par le travail (c quoi? le droit au travail?) , ces actifs seront saisis ou explosés en cas de « rupture ».
Mon frère est dans une situation différente.
Sa profession lui procure plus de douze mille euros par mois.
Il est endetté.
Il voit l’avenir avec confiance et ne s’intéresse pas à la finance et moins encore à l’avenir économique.
Il me traite de cassandre et rompt toute conversation sur les sujets qui nous occupent ici.
La plupart des politiques sont je le crains dans le même état d’esprit que mon frère …à moins que depuis peu et au regard des événements de Guadeloupe, ils ne sentent que leur position les expose à des dangers physiques.
Si Guaino ne veut pas de l’émergence de quelque extrême que ce soit , qu’il distribue de l’aide à ceux qui en ont besoin : c’est pourtant simple ! Mais ils ont un blocage idéologique, ces gens, ou financier, allez savoir. Ceci dit, les régimes d’extrême droite ont toujours moins dérangé les banques que les républiques un peu trop socialisantes.
Que Guaino arrête de faire la morale et montre qu’un Etat existe à côté des sacro-saintes banques !
je fais référence à une autre interview récente où il met en garde contre un retour des extrêmes : http://www.liberation.fr/politiques/0101320061-pour-henri-guaino-la-situation-sociale-est-dangereuse
ah ben non, il s’agit de la même interview au Monde, mea culpa : http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/02/17/henri-guaino-la-situation-sociale-est-un-terreau-favorable-a-tous-les-extremes_1156535_1101386.html
Les questions posées par Guaino sont quasi-exclusivement d’ordre technique ; elles appellent à une réforme des modes opératoires relevant du monde des « experts » ; elles infèrent que de nouveaux réglages du moteur peuvent remettre la machine en route – ce dont il est légitimement permis de douter ; aucune trace visible d’un nouveau paradigme, d’un « autre regard », d’une « refondation » que chacun pressent pourtant comme nécessaire. Rien ne laisse donc supposer la proche présence d’un « grand homme politique » au sens hégélien, que l’on soit ou non séduit par la thèse de la rationalité de l’Histoire (ce qui n’est pas vraiment ma tasse de thé, je l’avoue).
Paul Jorion dit :
16 février 2009 à 15:26
@ Fab
Vous semblez très soucieux de ce que « nos dirigeants » devraient faire, ce qui me fait penser que vous êtes l’un d’eux. Comme vous le savez si vous me lisez ici, je conseille volontiers les princes, mais étant sans emploi depuis bien trop longtemps, uniquement contre rémunération
@Fab,
t’aurais pas un p’tit job de rab ?
Très drôle tout ça !
Comme dirait Jancovici dans sa parabole pascuane (mais il faut lire son dernier bouquin…), nos dirigeants ne s’intéressent toujours qu’aux coquillages et se foutent pas mal du bois et des poissons ! D’ailleurs, la majorité des intervenants de ce blog aussi, désolé pour eux. Le problème est que pendant ce temps « bois et poissons » ne cessent de s’étioler dans l’indifférence la plus totale.
Beaucoup doivent penser ici et ailleurs qu’il sera toujours temps de s’occuper du « bois et des poissons » quand ils auront réglé cette histoire de coquillages ! Cette inversion des priorités est affligeante !
C’est vraiment sans espoir !
Henri Guaino fut un des théoriciens de la « fracture sociale », thème qui fit en partie élire Jacques Chirac, lequel, une fois élu, s’empressa de jeter aux oubliettes la question de l’inégalité sociale.
Il est maintenant plume et conseiller spécial du président Sarkozy, lequel s’est fait élire sur une promesse de rupture, rupture d’avec le un « modèle français » qui empêchait pourtant un élargissement plus grand encore de la fracture sociale sus-mentionnée.
Henri Guaino c’est aussi le rédacteur du fameux discours de Dakar qui fut prononcé par le président Sarkozy, il y disait alors que « l’Afrique n’est pas encore entrée dans l’Histoire. », genre de discours qu’on avait cru oublié depuis l’indépendance des pays anciennement colonisés. Pas vraiment donc en phase avec l’Histoire !!
A l’actif de Guaino, tout de même, il faut dire que celui-ci est convaincu de la nécessité de l’intervention de l’Etat,
Guaino fut d’ailleurs commissaire au plan de 1995 à 1998, il est donc à l’aise pour prôner le retour du politique.
Reste à savoir, quel genre de politique ? J’ai bien peur que nous en restions au stade incantatoire, et dans le flou artistique des concepts généraux.
Je suis aussi tout à fait d’accord avec Lacrise, s’il voulait vraiment éviter l’apparition des extrémismes M. Guaino d’abord devrait commencer par dénoncer la politique économique et sociale inégalitaire du gouvernement Sarkozo-Umpiste ou pour le moins influencer son protecteur en ce sens.
Prôner une meilleur régulation à l’échelle mondiale sans changer de cap à l’échelle du pays, c’est tout à fait contradictoire.
Il faut bien comprendre que les hommes politiques n’ont pour seul objectif que leur élection. Lorsque le changement réel leur fera gagner des voix et les élections, ils le feront. En attendant, si 51% des électeurs sont contents et votent pour eux et que les 49% qui restent crèvent de faim, pour eux tout va bien. Même si cela entraîne à terme un mécontentement de tous.
Il faut donc attendre que la crise atteigne véritablement la classe moyenne.
C’est un de nos dirigeant Guaino ?
53% des français ont voté Sarkozy ou Guaino ?
Le (faux) retour du despotisme éclairé (au grand jour) ?
La gauche est à ce point vaporisée en des milliers de gouttelettes de résistances corporatistes qu’on en viendrait à croire que le false flag de la droite c’est ce site en fait ^^
(Leur dernière en datte au PS c’est de s’élever contre l’attribution de la 4ème licence de téléphonie tiens…on se demandera pas pourquoi surtout…)
Vive la démocratie.
@Pierre-Yves D.
Premièrement. Le souverain pour Hegel était une personne physique. Le souverain de notre époque est, du fait même de la démocratie, le peuple. En la matière, on pourrait s’interroger en quoi ce souverain là est-il éclairé de quelque manière que ce soit. Mais ce n’est pas vraiment la question ici. Le peuple souverain a élu des représentants, que pour leur part on espère éclairés. Comment alors définir ce qu’est un représentant éclairé? Il semble que le principe même de la démocratie réponde à cette question: Les représentants ont pour fonction de mettre en œuvre les aspirations du peuple, souverain. Ceux cherchant à mettre en avant l’intérêt général seraient donc les représentants éclairés.
La question qui vient à ce niveau est par conséquent celle de la représentation de nos élus. Ces derniers traduisent-ils aussi sincèrement que possible les attentes de ceux qui leur ont confié mandat? A ce point de la réflexion, sans poser un avis aussi tranché que «Moi», je serais tout de même au minimum dubitatif. Les intérêts personnels de chacun sont sans nul doute mis en balance avec un certain sens de l’intérêt général, un désir de reconnaissance, ou que sais-je encore qui relève de la psyché, le tout étant soutenu par une éducation, des valeurs morales. Chacun de ces élus, comme tout être humain, donne différents niveaux de priorités aux unes et aux autres de ces considérations.
Ici, je vous soumets une question qui fait écho aux évènements caribéens, et de façon plus atténuée aux manifestations récurrentes au sein de notre société depuis plusieurs décennies: Peut-on considérer que l’intérêt général est-il respecté si la pratique du pouvoir pousse une frange non négligeable de la population à la protestation?
Deuxièmement. Comme vous, je rechigne à admettre l’idée de fatalité, du moins dans une conception aussi unitaire que celle évoquée par «la matrice du temps». La physique quantique par exemple nous apprend qu’on ne peut appréhender le réel dans ses composantes fondamentales que par le jeu de probabilités. Si cette conception est applicable à la politique, alors c’est celle que je préfèrerais personnellement envisager.
Ainsi, la «matrice du temps» se constituerait d’un éventail de scénarios possibles, ceux que suggère Jean Maxence Granier dans un autre billet publié ici-même aujourd’hui, par exemple. Pour répondre à votre question sur le choix d’une solution pour les représentants, il me semble que Paul se soit déjà fait une opinion sur celui du gouvernement américain, de telle sorte qu’en admettant qu’il voit juste, la question se résume finalement à savoir, dans un premier temps si la France, ainsi que l’Europe, vont s’aligner sur l’orientation américaine, puis, dans l’hypothèse ou ce ne serait pas le cas, lequel des autres scénarios envisageraient-ils.
Même si personnellement j’estime que d’envisager le pire scénario soit la meilleure option pour affronter un problème, je doute sérieusement que ce soit le choix de nos dirigeants, car quand bien même ils seraient éclairés au sens ou je l’ai décrit plus haut, les acteurs économiques n’ont aucun impératif à ce niveau et sont même pour ainsi dire par définition voués à défendre leurs intérêts particuliers. Il s’agirait donc pour les politiques qui se voudraient éclairés, d’avoir le courage, voir simplement les moyens, de se délester de l’influence de ces acteurs économiques. Peu probable.
Dans de telles conditions, la conclusion ne peut qu’être pessimiste.
@Tartar.
J’aime votre point de vue, que je trouve pour tout dire assez courageux. Cela dit, je ne peux résister à l’envie de vous soumettre cette petite réflexion: Pour un scientifique «dur», la révolution est un mouvement aboutissant, à terme, à revenir dans les conditions initiales. Appliqué au domaine politique, cela reviendrait à dire qu’une révolution peut certes mener à une redistribution des possessions, mais finalement dans des conditions tout à fait similaires aux conditions initiales. Ainsi le système des privilèges en 1789 a conduit à une révolution… Les privilèges ont-ils disparus pour autant, même aujourd’hui?
Tartar,
Le droit de propriété est un sujet important à mettre sur le tapis.
A moins d’être anarchiste, il me semble impossible de s’en passer pour des hommes qui décident de vivre ensemble (càd qui mettent en commun et partagent à minima les biens, le temps, l’espace).
Bien sûr rien n’oblige à vivre ensemble mais à ce moment là aucun problème ne se pose au sens public, rien que de l’intériorité et de l’individu.
A mon sens il s’agit surtout de déterminer comment et dans quel cadre s’organise le droit de propriété.
Comme déjà dit ici je prône un monde de gratuité.
Le « pilier de la civilisation telle que nous la comprenons » dont il faut se débarrasser est la monnaie.
Et pour moi ce n’est pas incompatible avec la notion de propriété privée.
voilà comment combattre la crise :
http://www.france-info.com/spip.php?article254243&theme=22&sous_theme=184
le mot de la fin de M Pebereau est la clè pour vaincre cette crise 🙂
Dans le Renseignement, il existe une grande règle : ne cherchez pas a savoir que que veut faire l’adversaire (exercice impossible, surtout si celui-ci est un dictateur unique et imprévisible), mais ce qu’il peut faire.
On peut, à mon avis, transposer cet axiome dans le domaine politique. Si l’on est un dirigeant ouvert, honnête envers ceux qui lui ont donné leur confiance, il faut réfléchir, mettre par la pensée tout à plat en fonction du possible. L’ingéniérie est l’art du possible, il faut être un ingénieur qui utilise les matériaux existants, tous si nécessaire, et rien qu’eux. Des solutions s’ouvrent alors, à aborder avec prudence avant de les appliquer sans a priori autre qu’un existant culturel accepté au moins implicitement par 75% des citoyens, pour fixer les idées, soit largement au-dessus de la majorité dite « absolue », 50%.
La logique actuelle voudrait qu’on privilégie d’abord les ressources qui nous restent en énergie, en matières premières, en eau potable, en pollution à long terme, en potentiel humain dans des conditions acceptables, et que là-dessus on brode un comportement collectif nécessairement mondial, peut-être minimal, mais appliqué par tous. La pierre d’achoppement est ce « tous » qui interdit à ceux qui décident de se croire au-dessus des lois qu’ils ont promulguées, des décisions qu’ils ont prises.
C’est pourquoi la France ressemble maintenant à un bolide fou, dans une impasse, qui accélère de jour en jour afin de rencontrer le mur final dans les délais les plus brefs.
@Paul
La compétence d’un dirigeant ne se détermine pas « sur le papier » mais selon le critère défini par Hegel : « Comprend-il son temps ? »
Le problème avec cette citation d’Hegel, c’est que le philosophe n’avait pas encore pu étudier le modèle de démocratie représentative tel que nous le connaissons au XXIème siècle. En définitive, les « dirigeants » sont devenus les leaders « charismatiques » des deux partis en présence dans un système dédié au bipartisme. La question doit se poser autrement : « un parti politique peut-il comprendre son temps ? ». Si l’on s’en tient à la structure pyramidale du parti politique, à ses mandataires, à ses « ayants droits », à ses militants en bout de chaine, on retrouvera dans tous les partis indépendamment de leurs l’idéologies, les mêmes affres, les mêmes défauts de communication lorsque ceux-ci arrivent au pouvoir : La bureaucratie dans toute sa splendeur et la défense d’intérêts bien compris. Aussi, l’honnête homme qui pourrait conseiller les décideurs pour sortir de la crise doit, me semble-t-il, être vierge de toute appartenance à un parti. Ce serait d’ailleurs la grande noblesse de cet acte politique : disposer du recul et des connaissances économiques nécessaires à l’analyse de cette crise, et surtout ne pas être encarté comme la grande majorité des « nous le peuple ».
Alors je vous retourne cette question : Paul, pensez-vous qu’un homme providentiel puisse intervenir pour notre bien sur la scène internationale sans être encarté à un parti politique, donc hors système. Est-ce possible ? est-ce raisonnable ?
Pour ma part, je sous estime sciemment les compétences de nos dirigeants à cause de cette empreinte indélébile qu’est l’appartenance à un parti politique et aux réseaux de connivences qu’ils leur faudra ensuite respecter : Le moule idéologique n’est pas compatible avec l’honnêteté intellectuelle, même et surtout lorsque l’on se vante de « pragmatisme » (littéralement, pragmatisme signifie absence d’idées. Alors, je comprend mieux l’intérêt des puissants, lorsque ceux-ci s’affirment pragmatique !)
@ PJ,
Merci pour votre réponse (Beau temps pour la saison) que je n’ai malheureusement pas comprise. Et merci aussi pour le billet sur les dirigeants !
Voici à nouveau l’extrait du texte d’Harald Welzer publié dans Le Monde, auquel j’ai fait allusion dans mes précédents messages :
“C’est justement en temps de crise qu’on voit ce qui se passe, fatalement, quand une entité politique commune ne procède d’aucune idée de ce qu’elle veut vraiment être. Des sociétés qui se contentent de satisfaire leur besoin de sens par la consommation n’ont, au moment où, alors qu’elles se sont coupées de la possibilité d’acquérir une identité du sens et un sentiment de ce qu’est le bonheur quand l’économie fonctionnait encore, plus de filet pour retarder leur chute. Cela tombe au moment où les experts n’ont aucun plan à proposer. Peut-être leur vol à l’aveuglette est-il le signe d’une renaissance. Celle du politique. “
Comprend-il son temps ?
Les sociétés qui se sont contentées de satisfaire leur besoin de sens par la consommation se sont organisées autour de ce besoin, nous avons (créé ? obtenu ?) l’environnement qui a permis à la consommation de durer : nous avons des politiques qui jouent le jeu de la consommation, nous avons des médias, une école, une culture qui jouent le jeu de la consommation, notre travail a pour (seul, malheureusement la plupart du temps) but la consommation, les dérives financières, alimentaires et écologiques sont la conséquence logique de notre jeu.
Et dans ce jeu l’économie est indispensable. Or elle est passée du rôle d’outil à celui de pilier et la moindre modification “de sens“ sur ce pilier peut avoir des conséquences sur la stabilité de l’édifice soci(ét)al, sur le sens que les sociétés se sont trouvé : modifier une règle du jeu peut provoquer l’arrêt du jeu ! (Et on se pend un carton D)
Les manifestations du ras-le-bol de ce modèle, de ce jeu sont antérieures à l’expression actuelle de la crise.
Il ne faut donc ni les oublier ni les négliger : nous avons informé “la matrice du temps“. “Le souverain“ (cf PYD) c’est nous, les dérives c’est encore nous. Quant à la régulation…nous ne demandons pour le moment qu’à être menés et contrôlés : une fois que nous avons choisi le jeu il nous faut un arbitre !
Cependant nous n’avons plus le temps “d’acquérir une identité du sens et un sentiment de ce qu’est le bonheur“ en toute sérénité.
Donc : A, B ou C puis D (“Cette posture, plus radicalement politique, interroge le système de l’extérieur, et considère la crise non comme un accident, mais comme le révélateur de ses limites intrinsèques. “).
Il existe de nombreuses voies possibles pour D, et de nombreuses possibilités d’assurer alors une bonne gestion du quotidien : EC, AJH, JPL…
* Pour ce qui est de diffuser des informations qualitatives il me semble que vous y parvenez avec ce blog ! Alors où est le problème : La voie c’est la route (ou le but c’est le chemin, …) ?
* “En fait, plus j’apparais loin dans l’histoire, plus mon existence suppose – comme contrainte – une survie plus longue de l’espèce, dont la probabilité dépend de l’amenuisement des attitudes autodestructrices, et de l’émergence au contraire de comportements de plus en plus unifiés. Autrement dit, plus j’interviens tard dans l’histoire de mon monde plus mon existence suppose un progrès dans la réconciliation de l’espèce avec elle-même. On n’observe pas là l’exercice d’un principe évolutionniste, mais les implications d’une contrainte rationnelle. C’est-à-dire, plus loin j’apparais dans l’histoire de mon monde, plus mon existence suppose l’exercice de la raison dans l’histoire de ce monde. “
Je ne suis pas forcément d’accord, ou n’ai pas compris, le raisonnement qui vous amène à cette affirmation. Mais je suis totalement d’accord avec l’affirmation elle-même !
Puis quand vous notez “Notre présence nécessaire au sein d’un monde fait tout entier d’existences com-possibles propose les termes d’une réconciliation : comment œuvrer à maximiser cette com-possibilité en étendant la compatibilité et la complémentarité des consciences. “, je vois se dessiner un grand D…et l’atout majeur dont nous disposons est qu’il nous est impossible de nous tromper, sauf à considérer que le chat puisse mordre la queue de son cadavre.
PS : « Mr Ghandi, what do you think of Western Civilization ? »
« Oh, I think it would be a good idea ! »