La « relation d’incertitude » et son modèle

La mécanique quantique soulève des questions fascinantes quant au statut de l’explication et m’a toujours intéressé à ce titre. Certains d’entre vous souhaitent – ils le disent depuis quelques temps ici – engager un débat sur la mécanique quantique, alors pour leur offrir un lieu, je vous propose un bref extrait de Comment la vérité et la réalité furent inventées, mon livre à paraître chez Gallimard en septembre dans la Bibliothèque des Sciences Humaines.

En mécanique classique, on modélise la vitesse et la position d’un corps en déplacement à l’aide d’un « hamiltonien », un modèle algébrique où ces deux attributs sont représentés sous forme de vecteurs. En fait, on n’appréhende pas à proprement parler la vitesse, mais le « moment », c’est-à-dire la résultante de la vitesse et de la masse. Penrose souligne l’une des faiblesses de cette approche : « Avec la formulation hamiltonienne, il faut sélectionner les moments des particules plutôt que les vitesses […] la position et le moment de chaque particule doivent être traités comme s’ils étaient des quantités indépendantes […] On prétend donc, d’abord, que les moments des diverses particules n’ont rien à voir avec le taux de changement des variables de leur position respective mais ne sont qu’un ensemble séparé de variables, de sorte que l’on pourrait imaginer qu’ils « auraient pu » être relativement indépendants du mouvement de leur position » (Penrose 1990 [1989] : 226-227). Penrose attire l’attention sur le fait que le modèle de l’hamiltonien suppose que le « moment » et la position de la particule sont des variables indépendantes, ce qui n’est pas le cas. En effet, le moment est une vitesse instantanée multipliée par une masse, la vitesse est bien entendu une distance parcourue en un certain temps, cette distance est mesurée sur un espace, or la position de la particule fait partie de cet espace, c’est son « bord » le plus récent dans la durée.

À l’échelle macroscopique ce modèle produit des résultats non-problématiques, il permet d’assigner à un corps en mouvement, pour toute position, sa vitesse à cet endroit de sa trajectoire. La description fournie par l’hamiltonien est complète : on ne peut rien souhaiter de plus que l’information qu’il procure. À l’échelle microscopique des phénomènes quantiques, la modélisation par l’hamiltonien se révèle cependant problématique du fait qu’on ne peut plus considérer le mouvement comme véritablement continu : il existe en effet à cette échelle une unité minimale de déplacement, la constante de Planck ħ. Il n’y a pas de mouvement de plus faible amplitude que ħ, tout déplacement s’opère nécessairement par « sauts » dont la constante de Planck ħ fournit l’unité minimale (1).

Dans l’hamiltonien, la nécessité d’envisager des « moments » plutôt que des vitesses met en évidence une particularité du calcul matriciel liée à la représentation des variables comme des vecteurs (une matrice est constituée d’un ensemble de vecteurs) : la non-commutabilité de l’opération de multiplication pour les matrices. Contrairement à ce qui se passe par exemple pour les nombres réels sous la loi de la multiplication, à savoir a*b = b*a, pour les matrices, on a A*B différent de B*A. Il existe ici une différence entre le produit des deux matrices selon l’ordre de leur multiplication et en mécanique quantique, la différence entre le résultat des deux opérations est une fonction de ħ, la constante de Planck : on a en effet A*B – B*A = ħ/2Ï€.

Du coup, l’hamiltonien d’une particule au niveau quantique ne permet plus d’assigner une valeur précise à la fois à sa position et à sa vitesse (ici son « moment »), il faut choisir : soit l’on détermine avec précision sa position et l’on ne dispose pour le moment que d’une connaissance « affaiblie » : une distribution dans un espace de probabilité, soit à l’inverse, on détermine avec exactitude le moment et la position n’est plus connue que comme une distribution au sein d’un espace de probabilité. C’est ce choix qu’Heisenberg caractérisa de « relation d’incertitude » ou « d’indétermination ».

Quelques remarques à ce sujet, toutes attestées d’ailleurs comme des objections qui firent l’objet de débats historiques en mécanique quantique. On peut, et les profanes seront très tentés de le faire, avancer la chose suivante : « Cette prétendue “relation d’incertitude” n’a manifestement rien à voir avec le comportement objectif des particules au niveau quantique : il s’agit là clairement d’une conséquence du fait que l’on modélise position et vitesse – au niveau macroscopique – à l’aide d’un modèle spécifique, l’hamiltonien, qui fait intervenir des objets mathématiques particuliers – les matrices – qui présentent une bizarrerie comportementale si l’on s’avise de les multiplier entre elles. Une faiblesse intrinsèque du modèle (le fait qu’il suppose à tort que position et moment sont indépendants) qui n’introduit pas de distorsion notable au niveau macroscopique, se révèle au contraire rédhibitoire au niveau microscopique. Qu’on représente donc la position et la vitesse à l’aide d’un modèle mathématique plus performant que l’hamiltonien, et la prétendue « relation d’incertitude » disparaîtra d’elle-même ! ».

« Non », répondent les mécaniciens quantiques, « l’hamiltonien est parfaitement adapté à sa tâche : il fournit une information complète sur la position et la vitesse ; le fait qu’au niveau quantique la connaissance de l’une des deux doive nécessairement se contenter du flou d’une distribution dans un espace de probabilités, reflète ce qui doit être une propriété objective des entités existant à cette échelle ».

Le profane sera rassuré d’apprendre qu’il n’est pas seul à exprimer ici un certain scepticisme, un physicien – et non des moindres – a défendu une position similaire. Interpellant Niels Bohr qui assurait au contraire qu’en dépit de la relation d’incertitude, l’explication fournie en mécanique quantique était complète (2), Einstein affirma en effet, que la description du comportement d’une particule élémentaire qui n’attribue pas une valeur précise à sa position et à son moment est tout simplement incomplète. Selon lui, la distribution au sein d’un espace de probabilité qui s’offre à la place d’une valeur précise signale simplement la présence d’une « variable cachée » qu’il s’agit de faire apparaître en surface pour déterminer ensuite les valeurs précises qu’elle prend dans chaque cas particulier. (3) En 1935, Einstein défendit cette thèse dans un article célèbre écrit en collaboration avec Podolski et Rosen, où il présente un paradoxe, le plus souvent mentionné sous l’acronyme de leurs trois initiales : « le paradoxe EPR ». Dans ce texte, les auteurs introduisent un « critère de Réalité » qui, selon eux, ne peut être enfreint par aucune théorie physique : « Si, sans perturber en aucune manière un système, nous pouvons prédire avec certitude (c’est-à-dire avec une probabilité égale à un) la valeur d’une quantité physique, alors il existe un élément de la réalité physique correspondant à cette quantité physique » (MacKinnon 1982 : 341).

MacKinnon résume les positions des deux parties en présence dans la confrontation :

“(1) la description de la réalité offerte par la fonction d’onde en mécanique quantique n’est pas complète ; ou (2) quand les opérateurs correspondant à deux quantités physiques ne commutent pas, les deux quantités ne peuvent disposer d’une réalité simultanée.” La position (2), la version orthodoxe en mécanique quantique est généralement justifiée par l’argument que l’information que l’on peut obtenir de la fonction d’onde constitue une description complète de l’état d’un système parce qu’elle contient toute l’information que l’on peut obtenir sans altérer cet état. L’article EPR défend la position (1). Ce qu’il propose c’est une preuve par l’absurde dirigée contre la position (2). Dans un cas au moins, la position (2), associée au “Critère de Réalité”, conduit à une contradiction. Si le “Critère de Réalité” est accepté comme valide, alors la position (2) doit être jugée incorrecte. Si les positions (1) et (2) représentent les seules alternatives, alors la réfutation de la position (2) sert à confirmer la position (1) » (ibid. : 342).

Faute pour Einstein et ses associés d’avoir pu mettre en évidence la variable cachée dont il supposaient l’existence, c’est la position (2), dite « de Copenhague » qui l’emporta historiquement dans le débat en mécanique quantique. Dans les biographies consacrées au savant, sa conviction que la mécanique quantique offre une explication incomplète, trahissant la présence de « variables cachées », est généralement présentée comme la seule erreur majeure d’une carrière intellectuelle sinon irréprochable.

–––––––––––––––––––-
(1) Lochak dit à propos de Louis de Broglie qu’il « comprit que, lorsque Einstein imposait à l’action, le long d’une trajectoire fermée, d’être égale à un multiple de la constante de Planck, il ne faisait rien d’autre que d’imposer à l’onde associée à la particule d’être en résonance sur la trajectoire » (Lochak 1994 : 124).

(2) McKinnon écrit : « L’idée de [Bohr] est… qu’une explication scientifique est complète s’il s’agit d’une utilisation rationnelle et non-contradictoire de toutes les sources d’information disponibles. C’est ce que fait la mécanique quantique. Donc elle est complète » (MacKinnon 1982 : 345).

(3) René Thom explique cela dans un remarque déjà citée : un phénomène aléatoire, se déroulant apparemment au hasard, apparaît tel uniquement parce qu’il est envisagé au sein d’un espace d’une dimensionnalité insuffisante : «… quand un phénomène est apparemment indéterminé, on peut s’efforcer de réinstaurer le déterminisme en multipliant l’espace donné U par un espace (interne) S de variables cachées ; on considérera le phénomène initial dans U comme projection d’un système déterministe dans le produit U x S. La statistique, de ce point de vue, n’est pas autre chose qu’une herméneutique déterministe, visant à réinstaurer le déterminisme là où il tombe apparemment en défaut » (Thom 1990 : 76).

Références bibliographiques

Lochak, Georges 1994 La géométrisation de la physique, Nouvelle Bibliothèque Scientifique, Paris : Flammarion

MacKinnon, Edward M., 1982 Scientific Explanation and Atomic Physics, Chicago : Chicago University Press

Penrose, Roger, 1990 [1989] The Emperor’s New Mind. Concerning Computers, Minds and the Laws of Physics, London : Vintage

Thom, René, 1990 « Halte au hasard, silence au bruit », in La querelle du déterminisme, Paris : Gallimard, 61-78

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67 réponses à “La « relation d’incertitude » et son modèle”

  1. Avatar de quentin
    quentin

    @Paul Jorion
    Si vous me le permettez, je souhaiterai réagir à une question qui ne m’était pas adressée : Que pensez-vous de l’interprétation d’Everett en termes de mondes multiples ?

    Personnellement je vois dans l’interprétation d’Everett un simple refus d’accepter l’a-causalité que la nature nous offre à voir.

    Notre cerveau, formé à voir les causes et les effets en toute chose par des millénaires d’évolution (jusqu’à imaginer une influence des planètes sur les événements ici bas, c’est dire), a du mal à admettre que, si on observe minutieusement la matière, celle ci ne réagit pas du tout de manière causale. Pire : les réactions de causes à effet ne sont finalement que des approximations, une valeur moyenne sur un très grand nombre de particules, quand les fluctuations individuelles deviennent suffisamment négligeables pour dégager un mouvement d’ensemble… Même si des régularités existent derrière tout ça, la causalité stricte est finalement une illusion à grande échelle.
    C’est assez difficile à concevoir, nous préférons voir des choses déterminées, chaque effet ayant une cause (sinon pourquoi cet effet ?), mais la nature est bornée.

    L’interprétation d’Everett nous dit que cette a-causalité est en réalité elle même une illusion. Personnellement j’y vois l’ultime tentative d’évacuer l’a-causalité hors de nos modèles déterministe. C’est un peu ce que vous décriviez quand vous parliez des artefacts du modèle que l’on confond avec une réalité objective, avec ici le principe de causalité lui même jouant le rôle d’artefact du modèle. .

    Mais finalement cette interprétation ne résoud rien (et c’est en cela je pense qu’elle est économe 😉 ). Elle ne fait que déplacer le problème ailleurs, car l’a-causalité est observé lors des expériences sur le monde physique, et dans l’interprétation d’Everett rien ne m’explique que moi, être conscient, je puisse observer cette a-causalité, rien ne m’explique pourquoi j’observe un résultat et pas un autre, pourquoi je me déplace vers tel élément du multivers et pas un autre, si ce n’est par une tautologie : j’observe ceci parce que je suis celui qui observe ceci… Circulez, ya rien à voir.

    J’ai l’impression qu’il manque un bout dans le raisonnement pour vraiment expliquer totalement ce qu’on observe.

  2. Avatar de Paul Jorion

    @ quentin

    …dans l’interprétation d’Everett rien ne m’explique que moi, être conscient, je puisse observer cette a-causalité, rien ne m’explique pourquoi j’observe un résultat et pas un autre, pourquoi je me déplace vers tel élément du multivers et pas un autre, si ce n’est par une tautologie : j’observe ceci parce que je suis celui qui observe ceci…

    Il me semble que vous n’avez pas lu mon Pourquoi nous avons neuf vies comme les chats ?

    Wikipedia : Science et conscience

    La situation se complique lorsque l’on se place dans le cadre de la théorie d’Everett. Dans ce cadre, l’évolution du monde n’est pas linéaire mais arborescente. À chaque instant l’évolution emprunte simultanément toutes les possibilités prévues par la mécanique quantique, et on peut alors légitimement se poser la question de savoir ce qu’il advient de la conscience individuelle. Notre conscience se divise-t-elle aussi pour coexister simultanément dans des mondes parallèles ? Paul Jorion répond négativement à cette question. Selon lui, la conscience emprunterait le chemin d’évolution qui est le plus favorable pour elle.

  3. Avatar de quentin
    quentin

    Effectivement, j’avoue que je ne l’avais pas lu… Autant pour moi.
    L’idée d’une conscience parcourant les mondes multiples est assez intéressante. Mais si je comprends bien, vu la multiplicité des mondes, j’ai une chance infiniment faible que le moindre de mes congénère soit réel, puisque sa conscience à lui aura sans aucun doute emprunté un autre chemin ? D’ailleurs qui anime mon corps dans les mondes que ma conscience n’a pas suivit ? Autant de questions digne d’inspirer pas mal de scénarios de science fiction… 😉

  4. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Blob dit :
    @ 17 février 2009 à 17:11

    Entre autres, vous dites:

    «  »Il n’existe pas, en effet de valeurs pré-établies aux observables physiques, qui nous serait cachés, comme pourrait l’être le nombre de symboles décorant une carte retournée sur une table par exemple. Cette façon de voir les choses nous est interdit par le résultat d’Alain Aspect, confirmant l’absence de variables cachées.
    C’est du moins ce que dit l’interprétation de Copenhague, que l’on pourrait résumé par le Koan suivant:
    Les questions que l’on ne pose pas n’ont pas de réponses.

    Je dois dire avec un peu de mal avec cette notion, qui heurte quelque peu ma conception naïve du monde.

    Ma compagne, qui est chinoise ( et qui tout comme vous a une formation en finance et en sociologie), n’est pas contre pas du tout choqué par cela… » »

    Je vois avec intérêt que vous avez déjà ausculté longuement le champ quantique et « taté » de nombreux paramètres en la matière. La logique, notre logique occidentale, par ailleurs très efficace en maint domaines, ne freine-t-elle pas, à son corps défendant l’approche de la mécanique quantique?
    C’est l’épistémoloque Stéphane Lupasco, l’un des plus attentifs aux développements de la mécanique quantique et leurs conséquences possiblement déterminantes sur les modes cognitifs qui m’a le plus stimulé par l’interrogation qu’on est en droit d’avoir sur le type de logique qui préside à toute connaissance. Ça me semble d’une importance considérable pour risquer le moins possible de « passer à côté » d’avancées très fécondes dans toutes sortes de recherches et de connaissances.

    Stéphane Lupasco (1900-1988) n’a cessé de prendre comme référence les développements de la mécanique quantique d’où il tire le principe d’antagonisme. Ce principe d’antagonisme répond (mais en est la cause) à une logique qui s’en dégage et qui est celle-là même de l’énergie constitutive du monde depuis la physique subatomique jusqu’aux galaxies et systèmes de galaxies. L’énergie structure tout ce que nous connaissons de la matière et de l’univers, et ce, jusqu’aux structurations plus « élaborées » de la matière vivante, biologique, et jusqu’à notre psychisme. Ainsi, les révélations de l’expérience microphysique, biologique et neuropsychique amènent Stéphane Lupasco à modifier les notions en chaîne acquises par la pensée humaine.

    Ceci dit à part, je pense personnellement que les investigations de Stéphane Lupasco, épistémoloque occidental, qu’il l’ait su ou non, supposé ou non, retracent la logique chinoise, celle que recèle le Y King, le Livres des transformations. Il y aurait là, chez Stéphane Lupasco, l’explication méthodique et argumentée, donc l’essence de la logique, de la pensée chinoise.

    Ci-dessous, ces passages, ici comme des « échantillons » pris dans deux ouvrages de Stéphane Lupasco:
    les Trois Matières et la Tragédie de l’Énergie.

    tiré de: Les trois matières

    extrait du Chapitre IV: Les Dialectiques de l’Énergie

    Les présocratiques (Héraclites, Anaxagore, Empédocle, etc) ont conçu l’Univers en fonction des contraires; et les philosophes contemporains qui ont une connaissance superficielle et même inexacte de la microphysique ont cru y voir une géniale intuition prémonitoire. S’il en avait été ainsi, il n’y aurait pas de crise de la physique et de toute la pensée scientifique du XXème siècle. Le – quantum – de Plank, dont nous avons tant parlé, n’est pas fait de contraires, mais de contradictoires: continu et non-continu, valeur ondulatoire – v -, et – h – valeur non ondulatoire, c’est à dire corpusculaire; une chose ne peut être à la fois fois onde et corpuscule, selon la logique classique (et même toutes les logiques nouvelles en dehors de celle que j’ai tenté d’élaborer), et pourtant, c’est ce qu’est tout événement macrophysique expérimentalement; et, par voie de conséquence, les relations d’Heinsenberg montrent, comme nous l’avons vu, que lorsque certaines grandeurs s’affirment et se précisent de plus en plus, d’autres grandeurs, intimement associées à la définition même de tout être physique, sont niées par là-même et progressivement rejetées dans le possible. Plus encore, la coexistence, dans la même énerige d’un principe d’homogénéité et d’hétérogenèse, constitue une contradiction, car une chose ne peut être, en vertu de notre entendement usuel, à la fois identique et non identique, la même et une autre, pareille et différente. C’est pour quoi le Principe d’exclusion différenciatrice de Pauli, on s’en souvient, a aggravé une situation déjà assez scabreuse du fait du Deuxième Principe de la Thermodynamique, qui, bien qu’indiquant une homogénéisation progressive de l’énergie, n’en postulerait pas moins, de ce fait même, l’existence en son sein, d’une hétérogénéité contradictoire.

    tiré de: La Tragédie de l’Énergie,

    extrait du: Chapitre IV: Systèmes et Structures énergétiques

    Une loi qui n’est valable que stastistiquement et probabilitairement – j’ai plus d’une fois insisté là-dessus –, signifie que, logiquement, quelque chose l’empêche d’être rigoureuse, c’est à dire que quelque chose vient altérer minoritairement – et aussi petite que soit cette minorité – sa permanence, son identité, c’est-à-dire encore que quelque chose vient la contredire, l’empêcher d’être toujours elle-même, et c’est bien évidemment la contradiction quantique.

    Si donc il y a toujours un élément contradictoire dans un comportement stastitique et probabilitaire des phénomènes, puisqu’il ne peut être nié minoritairement – négation inscrite, avec l’affirmation majoritaire, dans les lois mêmes de cette nature statistique et probabilitaire des phénomènes –, si donc il y a toujours là un élément contradictoire, il y a également un élément de non-contradiction, un processus non contradictoire, qui se réalise statistiquement et probabilitairement. Si la contradiction est fondamentale, une non contradiction l’est également en tant que statistique et probabilitaire. Si un non peut intervenir dans le oui, si le oui et le non sont inscrits dans les mêmes données, le oui qui se réalise, qui est probable, constitue une contradiction, mais celle-ci n’est pas pure, n’est pas absolue, puisqu’on aurait pu et pourrait, de par la nature même de la chose, intervenir à son tour. Une loi statistique et probalitaire, qui est la règle du comportement des événements, signifie que cette règle implique l’actualisation, dans le plus grand nombre de cas, de l’une de ses éventualités contradictoires, par la potentialisation de l’autre.

    extrait du: Chapitre VI: Principe et logique d’antagonisme

    Le principe d’antagonisme, originellement induit, est simple et résume un fait physique indéniable, bien que passé inaperçu dans sa signification et sa portée. Ce fait est le suivant: pour que quelque chose arrive, se modifie dans le monde, une certaine énergie est non seulement indispensable, mais doit passer, d’un certain état de réserve énergétique, de capacité, de potentialité, à un certain état d’efficacité, d’actualisation – parce que si toute énergie, dans le monde était rigoureusement et définitivement actualisée et consommée, tout serait définitivement statique et comme mort. S’il n’y avait pas de possibilité d’états potentiels, il n’y aurait pas de possibilité d’actualisation, c’est-à-dire de dépense, de consommation de l’énergie; tout serait déjà consommé, épuisé depuis toujours – comme il adviendrait, du reste, si le principe de Clausius pouvait aboutir à son terme, installant une mort définitive de l’univers, et comme il adviendrait également si toute l’énergie atomique et nucléaire était dispersée, sans retour, dans une désintégration totale.
    (….)
    En bref, s’il y a de l’énergie dans le monde, et afin qu’il en existe, du moins qu’elle se manifeste à nous, il faut que tout état, tout élément, tout événement énergétique comportent un état, un élément, un événement antagoniste, et tels que l’actualisation relative de l’autre. Relatives seulement, parce qu’absolues, l’antagonisme disparaîtrait, et par là l’énergie elle-même, de par une potentialisation infinie, équivalant à son inexistence, permettant une actualisation définitive.
    Tel est le principe d’antagonisme dans son expression intuitive.

  5. Avatar de tos
    tos

    @barbe-toute-bleu: deux particules qui se croisent ne signifie pas intrication.
    Il n’y a intrication que si le vecteur d’etat du systeme particules A+B ne peut pas s’ecrire comme un produit de vecteurs dans chaque espace des etats qui decrit chacune des particules A et B.
    En français pour simplifier: si on ne peut plus decrire individuellement l’etat de chacune des particules A et B, elles sont intriquees.
    L’intrication implique la correlation d’observables, mais la reciproque est fausse (autrement la physique quantique serait classique)
    Exemple d’intrication: deux photons, dans le meme mode spatiotemporel et a la meme longueur d onde, qui se croisent sur un miroir semireflechissant.
    Exemple de non intrication: la meme situation mais les deux photons sont a deux longueurs d’onde franchement differentes.

    Il y a aujourd’hui des dizaines d’experiences qui mettent en evidence ce phenomene d’intrication.
    L’intrication quantique est « relativement facile » a produire experimentalement, en particulier en optique (avec de la lumiere).
    Elle est juste tres dure a proteger des interactions avec l’environnement (decoherence).

    A propos de la mesure de particules intriquees, celle-ci ne detruit pas forcement l’intrication ! Tout depend du type de mesure.
    En fait les ordinateurs quantiques usent et abusent de ce principe.
    Un tres bon exemple et le celui de la teleportation quantique:
    http://en.wikipedia.org/wiki/Quantum_teleportation
    L’astuce est grosso-modo de ne surtout pas mesurer directement l’etat d’une particule intriquee, mais seulement ses correlations avec autre chose.
    Comme dit Blob, tant qu’on n’a pas poser la question, la reponse n’est pas encore determinee.

    En mecanique quantique les concepts d’onde et de particule ne sont pas tranches definitivement.
    En effet la theorie quantique a ete construire, consciemment ou inconsciemment, pour pouvoir rendre compte des deux aspects a la fois.
    Bref on peut poser des questions type particule: par ou est passe le paquet d’onde ? et on peut poser des questions du type onde: comment l’amplitude de probabilite de presence de la particule interfere avec elle-meme ?
    On parle dans le jargon de « dualite onde-corpuscule ».

    Je suis d’accord avec Blob: la distinction entre monde quantique et classique est completement artificielle.
    En quelque sorte c’est un paradoxe car le probleme initial est mal pose (ce qui pourrait etre une definition du mot paradoxe)
    D’ailleurs, il existe un tas de manifestations macroscopiques de la mecanique quantique, la plupart en physique du solide:
    les metaux conducteurs, la supraconductivite, le magnetisme, la suprafluidite de l’helium, les naines blanches etc etc
    La quete d’un ordinateur quantique n’est rien d’autre que de construire un objet quantique macroscopique qui ne decohere pas (pas encore pour demain!).

    Au sujet des points de vue de Copenhague et de Einstein, la question a ete tranchee experimentalement comme le dit Blob:
    En 64 un certain Bell sort un theoreme qui explique qu’il existe une mesure physique qui sera differente si on predit le resultat avec une theorie a variable cachee locale ou une theorie quantique.
    Il permet de ramener le debat purement metaphysique entre Bohr et Einstein a un niveau scientifique et permet d’envisager une experience qui decidera qui a tord.
    L’experience a ete faite 20 plus tard, notamment par Alain Aspect, et ne laisse aucun doute quand au triomphe de la mecanique quantique sur cette question precise.
    http://en.wikipedia.org/wiki/Bell%27s_Theorem
    Il n’existe en general pas de prediction faite en mecanique quantique qui est ete contredite experimentalement.

    Si Einstein n’aimait pas la physique quantique c’est parce qu’il etait « deterministe ».
    Il ne supportait pas l’idee qu’on ne puisse prevoir en mecanique quantique que les distributions de probabilite et non les resultats d’evenements individuels.
    Ceci lui semblait etre un defaut de la mecanique quantique en tant que theorie physique.
    D’ou sa celebre phrase: « dieu ne joue pas aux des! »

    Enfin au sujet de la veracite d’une theorie physique, en dehors de toute consideration metaphysique, tout bon physicien vous dira qu’une theorie est vraie jusqu’a ce qu’elle soit fausse !
    Bref on ne peut pas dire qu’une theorie est vraie, on peut juste dire qu’elle n’est pas encore fausse.
    Et le moyen de le dire et justement de tester experimentalement ses predictions une a une.
    On peut prendre le « cas d’ecole » de l’electromagnetisme classique de Maxwell qui a fait triompher le model ondulatoire de la lumiere dans la seconde moitie du 19eme siecle.
    Jusqu’a ce que Planck puis Einstein au debut du 20eme siecle ne reinventent la notion de photon.

  6. Avatar de barbe-toute-bleue
    barbe-toute-bleue

    @tos

    Bonne synthèse, je crois.
    De plus vous rappelez qu’il ne s’agit pas d’être trop approximatif, ou simplificateur, lorsqu’on décrit un modèle pour représenter une réalité physique.

  7. Avatar de François78
    François78

    Je crois que l’on a le droit de citer cet article intéressant de Etienne Klein, extrait d’un ouvrage plus important et aisément accessible sur le net.

    « Pour citer cet article :
    – Klein E., La physique quantique et ses interprétations. A l’occasion d’un centenaire, Études 2001/5, Tome 394, p.
    629-639.
    Distribution électronique »

    Il m’apparaît en ligne avec les différents commentaires sur ce fil (surtout, mais sans exclusive, à partir de la page 636).

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