La mécanique quantique soulève des questions fascinantes quant au statut de l’explication et m’a toujours intéressé à ce titre. Certains d’entre vous souhaitent – ils le disent depuis quelques temps ici – engager un débat sur la mécanique quantique, alors pour leur offrir un lieu, je vous propose un bref extrait de Comment la vérité et la réalité furent inventées, mon livre à paraître chez Gallimard en septembre dans la Bibliothèque des Sciences Humaines.
En mécanique classique, on modélise la vitesse et la position d’un corps en déplacement à l’aide d’un « hamiltonien », un modèle algébrique où ces deux attributs sont représentés sous forme de vecteurs. En fait, on n’appréhende pas à proprement parler la vitesse, mais le « moment », c’est-à-dire la résultante de la vitesse et de la masse. Penrose souligne l’une des faiblesses de cette approche : « Avec la formulation hamiltonienne, il faut sélectionner les moments des particules plutôt que les vitesses […] la position et le moment de chaque particule doivent être traités comme s’ils étaient des quantités indépendantes […] On prétend donc, d’abord, que les moments des diverses particules n’ont rien à voir avec le taux de changement des variables de leur position respective mais ne sont qu’un ensemble séparé de variables, de sorte que l’on pourrait imaginer qu’ils « auraient pu » être relativement indépendants du mouvement de leur position » (Penrose 1990 [1989] : 226-227). Penrose attire l’attention sur le fait que le modèle de l’hamiltonien suppose que le « moment » et la position de la particule sont des variables indépendantes, ce qui n’est pas le cas. En effet, le moment est une vitesse instantanée multipliée par une masse, la vitesse est bien entendu une distance parcourue en un certain temps, cette distance est mesurée sur un espace, or la position de la particule fait partie de cet espace, c’est son « bord » le plus récent dans la durée.
À l’échelle macroscopique ce modèle produit des résultats non-problématiques, il permet d’assigner à un corps en mouvement, pour toute position, sa vitesse à cet endroit de sa trajectoire. La description fournie par l’hamiltonien est complète : on ne peut rien souhaiter de plus que l’information qu’il procure. À l’échelle microscopique des phénomènes quantiques, la modélisation par l’hamiltonien se révèle cependant problématique du fait qu’on ne peut plus considérer le mouvement comme véritablement continu : il existe en effet à cette échelle une unité minimale de déplacement, la constante de Planck ħ. Il n’y a pas de mouvement de plus faible amplitude que ħ, tout déplacement s’opère nécessairement par « sauts » dont la constante de Planck ħ fournit l’unité minimale (1).
Dans l’hamiltonien, la nécessité d’envisager des « moments » plutôt que des vitesses met en évidence une particularité du calcul matriciel liée à la représentation des variables comme des vecteurs (une matrice est constituée d’un ensemble de vecteurs) : la non-commutabilité de l’opération de multiplication pour les matrices. Contrairement à ce qui se passe par exemple pour les nombres réels sous la loi de la multiplication, à savoir a*b = b*a, pour les matrices, on a A*B différent de B*A. Il existe ici une différence entre le produit des deux matrices selon l’ordre de leur multiplication et en mécanique quantique, la différence entre le résultat des deux opérations est une fonction de ħ, la constante de Planck : on a en effet A*B – B*A = ħ/2Ï€.
Du coup, l’hamiltonien d’une particule au niveau quantique ne permet plus d’assigner une valeur précise à la fois à sa position et à sa vitesse (ici son « moment »), il faut choisir : soit l’on détermine avec précision sa position et l’on ne dispose pour le moment que d’une connaissance « affaiblie » : une distribution dans un espace de probabilité, soit à l’inverse, on détermine avec exactitude le moment et la position n’est plus connue que comme une distribution au sein d’un espace de probabilité. C’est ce choix qu’Heisenberg caractérisa de « relation d’incertitude » ou « d’indétermination ».
Quelques remarques à ce sujet, toutes attestées d’ailleurs comme des objections qui firent l’objet de débats historiques en mécanique quantique. On peut, et les profanes seront très tentés de le faire, avancer la chose suivante : « Cette prétendue “relation d’incertitude” n’a manifestement rien à voir avec le comportement objectif des particules au niveau quantique : il s’agit là clairement d’une conséquence du fait que l’on modélise position et vitesse – au niveau macroscopique – à l’aide d’un modèle spécifique, l’hamiltonien, qui fait intervenir des objets mathématiques particuliers – les matrices – qui présentent une bizarrerie comportementale si l’on s’avise de les multiplier entre elles. Une faiblesse intrinsèque du modèle (le fait qu’il suppose à tort que position et moment sont indépendants) qui n’introduit pas de distorsion notable au niveau macroscopique, se révèle au contraire rédhibitoire au niveau microscopique. Qu’on représente donc la position et la vitesse à l’aide d’un modèle mathématique plus performant que l’hamiltonien, et la prétendue « relation d’incertitude » disparaîtra d’elle-même ! ».
« Non », répondent les mécaniciens quantiques, « l’hamiltonien est parfaitement adapté à sa tâche : il fournit une information complète sur la position et la vitesse ; le fait qu’au niveau quantique la connaissance de l’une des deux doive nécessairement se contenter du flou d’une distribution dans un espace de probabilités, reflète ce qui doit être une propriété objective des entités existant à cette échelle ».
Le profane sera rassuré d’apprendre qu’il n’est pas seul à exprimer ici un certain scepticisme, un physicien – et non des moindres – a défendu une position similaire. Interpellant Niels Bohr qui assurait au contraire qu’en dépit de la relation d’incertitude, l’explication fournie en mécanique quantique était complète (2), Einstein affirma en effet, que la description du comportement d’une particule élémentaire qui n’attribue pas une valeur précise à sa position et à son moment est tout simplement incomplète. Selon lui, la distribution au sein d’un espace de probabilité qui s’offre à la place d’une valeur précise signale simplement la présence d’une « variable cachée » qu’il s’agit de faire apparaître en surface pour déterminer ensuite les valeurs précises qu’elle prend dans chaque cas particulier. (3) En 1935, Einstein défendit cette thèse dans un article célèbre écrit en collaboration avec Podolski et Rosen, où il présente un paradoxe, le plus souvent mentionné sous l’acronyme de leurs trois initiales : « le paradoxe EPR ». Dans ce texte, les auteurs introduisent un « critère de Réalité » qui, selon eux, ne peut être enfreint par aucune théorie physique : « Si, sans perturber en aucune manière un système, nous pouvons prédire avec certitude (c’est-à-dire avec une probabilité égale à un) la valeur d’une quantité physique, alors il existe un élément de la réalité physique correspondant à cette quantité physique » (MacKinnon 1982 : 341).
MacKinnon résume les positions des deux parties en présence dans la confrontation :
“(1) la description de la réalité offerte par la fonction d’onde en mécanique quantique n’est pas complète ; ou (2) quand les opérateurs correspondant à deux quantités physiques ne commutent pas, les deux quantités ne peuvent disposer d’une réalité simultanée.” La position (2), la version orthodoxe en mécanique quantique est généralement justifiée par l’argument que l’information que l’on peut obtenir de la fonction d’onde constitue une description complète de l’état d’un système parce qu’elle contient toute l’information que l’on peut obtenir sans altérer cet état. L’article EPR défend la position (1). Ce qu’il propose c’est une preuve par l’absurde dirigée contre la position (2). Dans un cas au moins, la position (2), associée au “Critère de Réalité”, conduit à une contradiction. Si le “Critère de Réalité” est accepté comme valide, alors la position (2) doit être jugée incorrecte. Si les positions (1) et (2) représentent les seules alternatives, alors la réfutation de la position (2) sert à confirmer la position (1) » (ibid. : 342).
Faute pour Einstein et ses associés d’avoir pu mettre en évidence la variable cachée dont il supposaient l’existence, c’est la position (2), dite « de Copenhague » qui l’emporta historiquement dans le débat en mécanique quantique. Dans les biographies consacrées au savant, sa conviction que la mécanique quantique offre une explication incomplète, trahissant la présence de « variables cachées », est généralement présentée comme la seule erreur majeure d’une carrière intellectuelle sinon irréprochable.
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(1) Lochak dit à propos de Louis de Broglie qu’il « comprit que, lorsque Einstein imposait à l’action, le long d’une trajectoire fermée, d’être égale à un multiple de la constante de Planck, il ne faisait rien d’autre que d’imposer à l’onde associée à la particule d’être en résonance sur la trajectoire » (Lochak 1994 : 124).
(2) McKinnon écrit : « L’idée de [Bohr] est… qu’une explication scientifique est complète s’il s’agit d’une utilisation rationnelle et non-contradictoire de toutes les sources d’information disponibles. C’est ce que fait la mécanique quantique. Donc elle est complète » (MacKinnon 1982 : 345).
(3) René Thom explique cela dans un remarque déjà citée : un phénomène aléatoire, se déroulant apparemment au hasard, apparaît tel uniquement parce qu’il est envisagé au sein d’un espace d’une dimensionnalité insuffisante : «… quand un phénomène est apparemment indéterminé, on peut s’efforcer de réinstaurer le déterminisme en multipliant l’espace donné U par un espace (interne) S de variables cachées ; on considérera le phénomène initial dans U comme projection d’un système déterministe dans le produit U x S. La statistique, de ce point de vue, n’est pas autre chose qu’une herméneutique déterministe, visant à réinstaurer le déterminisme là où il tombe apparemment en défaut » (Thom 1990 : 76).
Références bibliographiques
Lochak, Georges 1994 La géométrisation de la physique, Nouvelle Bibliothèque Scientifique, Paris : Flammarion
MacKinnon, Edward M., 1982 Scientific Explanation and Atomic Physics, Chicago : Chicago University Press
Penrose, Roger, 1990 [1989] The Emperor’s New Mind. Concerning Computers, Minds and the Laws of Physics, London : Vintage
Thom, René, 1990 « Halte au hasard, silence au bruit », in La querelle du déterminisme, Paris : Gallimard, 61-78
67 réponses à “La « relation d’incertitude » et son modèle”
Bah, v’ là t y pas un gros coup de tatanne dans les glands de la doguesse fantôme !
Alors, elle est de droite ou de gauche la mécanique quantique ?
Elle est statistique…
La mécanique quantique modélise les particules comme des ondes de probabilités. Si on admet la réalité de ces ondes (après tout elles peuvent même produire des interférences), on peut comprendre intuitivement qu’une particule n’ait ni position précise, ni vitesse précise, puisqu’une onde est par définition étendue dans l’espace.
Pour ceux qui la connaissent, la transformé de Fourier permet alors de comprendre intuitivement l’incertitude : une onde très localisée dans l’espace aura une fréquence spatiale imprécise (étendue dans le spectre), tandis qu’une onde ayant une fréquence spatiale précise sera étendue dans l’espace… Si on mesure sa fréquence de manière extrêmement précise, on force l’onde a adopter une fréquence précise et du coup elle n’aura plus de position précise. Si on mesure sa position, elle n’aura plus de fréquence précise.
Je trouve à titre personnel que si on considère les particules comme étant réellement des ondes, non pas des particules ponctuelles, tout ça choque beaucoup moins l’intuition. L’incertitude est reléguée au phénomène de la mesure, quand le fait d’observer « l’onde » modifie cette onde de manière imprévisible.
Bonsoir, bonjour M. Jorion,
Je ne connais rien à la mécanique quantique, mais ce domaine m’intéresse, disons, d’un point de vue simplement poétique : au même titre que toute autre discipline scientifique. De même, aussi peut-être concernant la finance, l’économie, la politique, où à mon avis, irrationnel, passions obsédantes, automatismes doctrinaires et ivresses diverses, pour l’instant règnent.
Mais pas partout et tout le temps, comme en témoignent la qualité des propos, la cohérence et aussi l’opiniâtreté à y voir clair de nombre de commentateurs(trices) intervenant sur votre blog.
Pour revenir au sujet : la « relation d’incertitude » ou « d’indétermination », cela a-t-il quelque chose à voir avec la notion « d’indécidable » ou « d’indécidabilité » dont parle quelquefois M. Albert Jacquard ; mais pas seulement lui, peut-être ?
Merci à vous et aux intervenants qui nous donnent à penser libre.
Le dernier numéro de Science et Vie aborde ces questions de la physique quantique qui heurtent le sens commun, et en effet, c’est assez dificille à avaler : dans certains cas, 2 particules, séparées d’une grande distance, auront un comportement identique, comme si elles se transmettait de l’information, immédiatement, donc plus vite que la lumière…
C’est passionnant et stimulant pour l’imagination. Mais pas plus, à mon avis, que les contemporains de la relativité générale, qui déclare que la vitesse de la lumière est constante, quel que soit le point d’observation…
@Tique,
me chaufffe pas trop les particules où je risque de me retrouver en même temps à deux endroits différents pour te foutre un coup de pied au c… et une quecla dans la g….
la magie de la mécanique quan-tique ?
ouarf,ouarf,ouarf !
Merci Paul d’ouvrir cette discussion sur la physique quantique autrement plus difficile que la monnaie , j’espère qu’il y aura des commentateurs pour cette matière passionnante.
Ce qui m’a toujours posé problème en mécanique quantique, c’est cette tentation au solipsisme liée au problème de la mesure. Il m’a toujours paru aberrant qu’au final cela soit la conscience humaine qui fasse émerger le monde physique. C’est la raison essentielle pour laquelle je n’ai jamais vraiment adhéré à l’interprétation de Copenhague.
D’ailleurs si on réfléchit à la stabilité de l’atome on voit bien que ce qui est en œuvre c’est le principe d’indiscernabilité c’est à dire le fait que l’on ait aucun moyen de connaître la trajectoire de l’électron autour du noyau, aucun moyen signifie que même la nature ne connaît pas la trajectoire et cette propriété étrange entraîne une superposition de toutes les trajectoires possibles qui interfèrent entre elles, certaines s’annulant ensemble alors que d’autres se renforçant entre elles et sous l‘influence des forces électrostatiques, ces trajectoires prennent une certaine forme, ce sont les fameuses orbitales atomiques.
Ce qui est étonnant c’est que dés que l’on a un moyen de connaître la trajectoire précise comme dans l’expérience des fentes de Young, l’effet quantique disparaît ce qui signifie que l’on a pas besoin de faire une mesure pour détruire la superposition, il suffit de savoir à l’avance qu’on a la possibilité si on le désire de déterminer la trajectoire de façon précise et la superposition n’aura pas lieu !
Certains disent que le système a laissé s’échapper une information dans l’environnement extérieur précisant sa position (ou un autre paramètre) qui détruit instantanément les propriétés quantiques.
Donc un système qui ne laisse s’échapper aucune information sur son état physique dans l’environnement extérieur se trouve dans un état de superposition quantique. Que l’objet soit microscopique ou macroscopique ne change rien à l’affaire. Ce qui change ce sont les modalités de manifestation du phénomène qui sont directement lié à la constante de planck
Il me semble que l’erreur serait de croire que la mécanique quantique ne serait que la description des objets microscopiques qui finalement seraient des ondes même vide qui accompagneraient les particules. Même les protéines qui sont pourtant des objets entre le microscopique et le macroscopique sont capable de superpositions quantiques.
Un objet macroscopique sous certaines conditions d’indiscernabilité impossible aujourd’hui à réaliser pourrait rentrer dans un état de superposition quantique. Compte tenu de la valeur numérique très faible de la constante de planck la fréquence associée à l’onde de probabilité serait énorme.
Le comportement quantique d’un objet n’est pas une propriété intrinsèque de l’objet, mais une relation entre lui et son environnement, c’est ce que je pense.
Mais pourquoi un tel comportement ? Mystère.
Si cette approche de type « paquet d’onde » semblait réservée au monde microscopique (avec pour implication directe l’inégalité d’Heisenberg), cette même approche a récemment élucidé, à l’échelle macroscopique, le « mystère » océanographique des vagues géantes (dites vagues scélérates), issues des aléas d’une fonction d’onde a la surface de l’eau.
http://www.ifremer.fr/metocean/vagues_scelerates.htm
Yves dit :
15 février 2009 à 23:47
Autre chose au sujet des ondes.
Ce n’est pas parce que je transmets ce site que « j’y crois » forcément.
Mais il « traite »(?) le versant ondulatoire. Cependant, je me méfie de ceux qui, comme ici Gabriel Lafrenière, paraissent avoir acquis « toute la certitude » sur une question décive, les corpuscules seraient finalement un concentré (qu’il explique) d’onde. Si cela permet d’autres développement théoriques non démentis par la suite, peut-être, mais il faudrait des vérifications et des confirmations. Enfin le site est bien fait, je n’y était pas retourné depuis 4 ou 5 ans.
http://www.glafreniere.com/matiere.htm
@ Ghostdog
Faut pas vous fâcher, je trouve profondement injustes les accusations de complaisance adressées à Paul, mais celles doivent bien entendu pouvoir s’ exprimer. Pierre Yves a exprimé dans cet autre billet, ce sentiment envers Paul, et vous y avez répondu très clairement, bien mieux qu’ en parlant de » mocassins a glands » comme vous l’ aviez fait.
Je pense aujourd’ hui a nos compatriotes des DOM, et j imagine les dégats que peuvent faire les propos moqueurs, dans les deux sens. « Un pas en arrière, Respect, et explications » devrait être une proposition acceptable pour tout le monde.
Pour ce qui est de la relation entre la conscience et l’ univers physique, il a été montré avec l imagerie IRM, qu’ une zone donnée du cerveau s’ active lors d’ un mouvement volontaire (ceci semble évident puisqu il faut commander les neurones moteurs puis les muscles). Ce qui est moins évident, est qu’ une telle zone s’ active, rien qu’ a l’ idée du mouvement, sans aucune influence physique. Il y a là, a mon sens, le même mystère, que celui decrit par l experience des fentes de Young.
Amicalement
Bravo et merci Paul, pour cette magnifique démonstration de l’utilité de la vulgarisation scientifique. Ramassant votre post en rentrant du restaurant où deux bouteilles de vin italien ont fini roulant sous la table, je n’ai aucun doute quant à la conversion irrépressible de tout économiste vers des sciences très très dures, expliquant enfin le « comment », après décryptage passionné du message.
Il me semblait avoir aperçu d’autres posts passant par là, évoquant les sciences cognitives.
Lorsqu’il s’agit de prouver une théorie, la physique, et encore plus fort, la physique quantique, n’est qu’une succession d’équation. Les mathématiques sont pour les profanes, l’équivalent d’une langue étrangère, dont il faut pouvoir dominer le vocabulaire avant de jouer avec les phrases. Comprendre la profondeur de la phrase plutôt que de se contenter de la répéter, est encore une étape supplémentaire accessible à un nombre plus restreint encore.
Puis, la théorie prouvée, vous pouvez utiliser d’autres images pour tenter de faire saisir, de représenter, ce qui doit bien s’être passé et traduit en équation. Celle du petit futé, fulgurante, et qui doit bien avoir une raison imperceptible de pas être passer à la gomme à décaper l’ardoise à matérialiser les tableaux des maitres.
Si on voulait amener plus de gens vers la physique quantique, elle devient plus abordable, en la présentant sous l’angle du principe de superposition, plutôt que de leur sortir du chapeau le « bidule Amiltonien » en espérant qu’il pourra être apprécié.
Le « principe de superposition » ramène aux ondes, et parce qu’on les a déjà observées à la surface d’un liquide, leur matérialisation par la pensée est plus facile. Paul voulait peut-être mettre le principe d’incertitude en avant, et il se trouve tout de suite plusieurs intervenants pour ramener vers l’illustration des vagues.
Je soupçonne d’ailleurs Shrödinger d’être passé par là pour attraper la « révélation » sur son équation, et ce qui n’est donc pas étonnant de la voir ressortir dans les calculs de probabilité d’apparition des vagues scélérates évoqués par Yves.
L’idée des vagues permet de facilité l’approche, pas de se persuader qu’on va tout subitement comprendre. L’intuition si elle reste collée à l’idée de la vague va vous jouer de mauvais tours.
Si on devait observer l’économie dans l’ensemble, c’est la logique identique à celle de la relativité générale qui va éclairée le terrain : l’espace temps est déjà déroulé, il n’y a pas de hasard car tous les événements découlent les uns des autres, et on les constate à l’évidence, au fur et à mesure que nous parcourons notre ligne de temps.
La quantique décrit le même monde, mais ses explications ne ressemblent pas aux expériences de notre vécu, entre cuisine et TV. Et donc, si vous éprouvez l’envie de vous y frotter, vous devez être vicieux quelque part.
L’approfondissement de la théorie est toujours en plein chantier, et l’outil mathématique permet d’éviter les approximations du langage descriptif, exprimant des réalités concrètes bien qu’à l’échelle microscopique, en sacrifiant de la précision par sa transformation en vocabulaire plus accessible.
J’ai d’ailleurs une question que je cherche à poser depuis longtemps à quelqu’un de compétent, celle-ci m’étant arrivée par une image certainement fausse, par laquelle je me représente les ondes.
Ma question : lorsque 2 particules quantiques se croisent, il y a intrication.
Il me semblait que l’équation d’onde de chaque particule avant leur rencontre pouvait s’écrire séparément. Après la rencontre, on ne doit considérer que l’équation d’onde de l’ensemble, d’où intrication. N’ayant rien inventé moi-même, je crois bien avoir assimilé cette idée d’équation d’onde avant et après, en la lisant quelque part, et impossible de me souvenir où ?? Peut-être un cours d’il y a une vingtaine d’années ??
Ma spéculation commence ici, et ma question s’adresse à quelqu’un qui aurait la gentillesse de me remettre à ma place car il a l’habitude de manipuler ces concepts sans se dire sans arrêt « mais dans quel bouquin avais-je vu ça ? »
Ma question est, si mon idée d’équation globale du système n’est pas erronée, lorsqu’une des 2 particules déjà intriquées rencontre une troisième particule, l’équation d’onde va s’écrire pour les 3 particules après la deuxième rencontre. La rencontre avec la troisième particule ne va pas défaire l’intrication avec la première particule ? ( Alain Aspect avançait le contraire dans une réponse fin de conférence )
Et donc, dans quelle mesure ne vivrions nous pas dans un monde partiellement intriqué ? Si j’ai mal compris l’équation en Psy avant et après, autant pour moi, mais sinon, pourquoi les intrications suivantes annihileraient les premières ?
C’était ma question. Je ne suis pas sûr d’être pardonnable si ma faute de raisonnement se situe dès le départ.
Pour les questions des autres commentateurs, je peux juste faire une remarque à Nadine :
Quand vous dites « … aucun moyen signifie que même la nature ne connaît pas la trajectoire… », la nature connait peut-être, vous donnez l’idée que vous vous placer d’un point de vue cartésien très arrêté, en parlant de la « nature ».
Justement, il est des projets de vouloir photographier l’électron autour de l’atome d’hydrogène. Ce ne sera pas de la photographie conventionnelle bien sûr. Méthode indirecte avec laser entre femto et atto seconde
Par exemple …
souriez, vous êtes filmé
Suite du Post :
une référence intéressante
http://editions.flammarion.com/Albums_Detail.cfm?ID=20204&levelCode=sciences
Le passage constituant le billet apparaît dans mon livre comme une illustration du danger qui existe de confondre les artefacts d’une modélisation mathématique avec la révélation d’objets existant dans le réel. Ce danger est apparu avec la conception « mystique » pythagoricienne qui s’imposa à la Renaissance, selon laquelle la réalité ultime est constituée non d’objets physiques mais de nombres. Il en résulta un auto-engendrement des modèles : les artefacts d’un modèle étant pris pour du réel et modélisés mathématiquement, engendrant à leur tour de nouveaux artefacts, dans un mouvement infini.
Pouvez-vous en dire plus sur cet ouvrage ?
@barbe-toute-bleue
« aucun moyen signifie que même la nature ne connaît pas la trajectoire… »,
Vous dites:« la nature connaît peut-être, vous donnez l’idée que vous vous placer d’un point de vue cartésien très arrêté, en parlant de la « nature ». »
Ce n’est pas moi qui le dit c’est Richard Feynman prix Nobel de physique véritable génie du 20 siècle du même niveau qu’Albert Eintein. Pour ceux qui ne le savent pas c’est l’inventeur de l’électrodynamique quantique théorie la mieux vérifiée aujourd’hui !
Pour répondre à votre question nous vivons peut être dans un monde intriqué mais nous avons aucune possibilité de le remarquer à cause de la constante de Planck qui est très petite, un simple exemple pourra peut être vous le faire comprendre.
Dans les fentes de Young pour des objets très petits comme les photons les interférences peuvent apparaître si les trajectoires sont indiscernables, par contre, faites la même expérience avec un objet d’une masse de 1 Kg se déplaçant à 1m/s et passant par les deux fentes si les conditions d’indiscernabilité sont respectées (ce qui n’est pas possible dans la pratique compte tenue de l’environnement extérieur mais supposons), la longueur d’onde associée à l’objet sera de 10p-34 bref vous ne voyez aucune interférence et pourtant elles existent mais elles sont imperceptibles à l‘œil nu (Formule pour un objet quantique se déplaçant: Quantité de mouvement = Constante de Planck x Fréquence )
Je ne connais pas ce Monsieur Gabriel Lafrenière mais si vous croyez que l’équation de Schrodinger est une onde réelle vous vous trompez lourdement, il y a bien longtemps que les physiciens ont laissé tombé cette approche qui ne permet aucunement de rendre compte de tout les aspects de la quantique.
Et puis surtout un objet constitué de centaines d’atomes peut rentrer dans un état de superposition quantiques alors qu’avant l’expérience c’était un objet tout à fait classique sans aucune onde associée.
Une précision quand je parle de nature, je parle de nature « empirique ».
@barbe-toute-bleue
Il me semble que pour expliquer pourquoi on n’observera pas une intrication de toutes les particules de l’univers entre elles, il faut faire intervenir à un moment donné la mesure qui supprime les intrications…
>Jorion
J’ai lu avec intérêt votre post, et j’ai cru y lire une imprécision à la fin. Il faut rappeler que ce qui était un différent d’ordre philosophique entre Einstein et Bohr a été tranché par l’expérience par Alain Aspect en 1983: le Critère de Réalité que vous évoquez dans ce texte est vérifiable expérimentalement, parce qu’on peut lui donner un sens quantitatif.
Cela étant dit, on peut bâtir des théories à variables cachées vérifiant ce Critère de Réalité: elles sont cependant non-locales, et présentent pas mal d’inconvénients techniques empêchant de les utiliser pour construire des théories de champs quantiques.
Ces dernières théories en effet décrivent le comportement de systèmes possédant une infinité de degrés de libertés. L’exemple classique de ce type de système est la corde oscillante, convenablement excité.
Les choses profondes en mécanique quantique sont:
– l’absence de variables cachées locales.
-l’appartenance au nombre complexe de la fonction d’onde, qui lui donne une phase. Ceci est responsable de la décohérence, qui est un phénomène d’interférences destructives des fonctions d’ondes des particules formant un objet macroscopique.
Par ailleurs, ceci est aussi à l’origine de la puissance théorique des ordinateurs quantiques, qui amène à changer notre théorie des classes de complexité informatique.
– la linéarité de la théorie, qui traduit la non violation du seconde principe de la thermodynamique et donc l’existence d’une flèche du temps (voir pour cela Quantum Theory: Concepts and Methods (Fundamental Theories of Physics) by A. Peres)
Par ailleurs, il reste le mystère de la mesure, qui pour l’instant est un mécanisme totalement incompris et rajouté à la théorie » à la main », responsable de l’actualisation…
>barbe-bleue
L’intrication n’est pas un simple croisement de particules: en fait, c’est une situation, vérifiée expérimentalement et à la base de la cryptographie quantique, dans laquelle une ou plusieurs particules se comportent comme un tout. Elles sont en effet décrite par une fonction d’onde unique, que l’on peut déduire des fonctions d’onde individuelles des particules intriquées.
En fait, cette intrication se traduit par une forte corrélation, de nature statistiques, entre des mesures faites sur les particules participant à ces paires de particules intriquées.
Un bon exposé de ces questions, bien qu’un peu technique, se trouve dans l’exposé d’Alain Aspect de:
Einstein aujourd’hui de de Claude Cohen-Tannoudji (Auteur), Alain Aspect (Auteur), Eric Brunet (Auteur), Jean Dalibard (Auteur) chez EDP.
Sur les theories à variables cachées mais aussi ses problèmes d’intrication, une excellente introduction est:
Sneaking a Look at God’s Cards: Unraveling the Mysteries of Quantum Mechanics de GianCarlo Ghirardi chez Princeton University Press.
@ Nadine
Je ne connais pas non plus ce Gabriel Lafrenière et ne suis pas compétent pour juger de la pertinence des travaux qu’il développe sur son blog. En revanche, sa prose demontre un côté, disons… caractériel et un peu… allumé ? Exemple :
« Le 21 Février 2008.
Vous aurez constaté que je n’ai pas fait la moindre modification à ces pages depuis longtemps. Vous en trouverez les raisons en date du 17 août 2007. Puisque ma théorie s’améliore sans cesse et que je peux difficilement tenir à jour les deux versions, je dois privilégier celle qui sera lue par le plus grand nombre, c’est à dire l’anglaise. Tôt ou tard, je devrai donc faire disparaître la version française.
J’ai dû prendre cette décision difficile à cause du peu d’intérêt que vous portez à mes recherches.
Votre attitude est inqualifiable. Je veux bien admettre que mes hypothèses sont souvent surprenantes (c’est le moins qu’on puisse dire), mais je présente par contre de nombreuses découvertes qui sont de la plus haute importance et qui ne sont pas discutables. C’est le cas en particulier de mon Scanner du Temps et des Transformations de Lorentz, qui ne sont finalement qu’un effet Doppler.
Il aurait donc fallu en prendre acte sans discuter.
Mettre en doute une hypothèse, c’est faire preuve de sagesse, mais encore faut-il ensuite se donner la peine de la vérifier. C’est là où l’intelligence intervient.
Par contre, si vous vous montrez sceptiques devant des évidences telles que ce Scanner du Temps, vous faites plutôt preuve de stupidité. »
Décapant, non ?
>Yves
Vous dites:
>Si cette approche de type “paquet d’onde” semblait réservée au monde microscopique (avec pour implication directe l’inégalité >d’Heisenberg), cette même approche a récemment élucidé, à l’échelle macroscopique, le “mystère” océanographique des vagues géantes >(dites vagues scélérates), issues des aléas d’une fonction d’onde a la surface de l’eau.
C’est une erreur: le paquet d’onde, qui est connu depuis longtemps, est l’objet physique que traite toute théorie ondulatoire classique et quantique, pour une raison bien précises: le paquet d’onde est une solution des équations de Schrodinger ou de d’Alembert, dont le module au carré est intégrable et donc ayant une amplitude décroissant à l’infini.
Le paquet d’onde est donc l’objet ayant réellement un sens physique dans un cadre ondulatoire: il n’existe pas d’onde monochromatique naturelle, tant à l’échelle macroscopique que microscopique, parce que ce type de solutions ne correspondant pas à la réalité de notre monde; nous ne trouvons en effet pas de grandeur infinie sur Terre. L’onde plane est donc une « pathologie » mathématique, importante, parce qu’à la base de l’analyse de Fourier, mais sans sens physique profond.
Au sens de la théorie des équations aux dérivées partielles, c’est une solution faible…
@Paul Jorion, et à tous bonjour,
Je me doute un peu que votre livre « Comment la vérité et la réalité furent inventées » n’est pas un cours ni une œuvre de vulgarisation sur la mécanique quantique et que son but est plus de donner un éclairage sur les mouvements d’idées, en ligne avec le titre de l’ouvrage. Le drame des incidents de mise en service du LHC ne devrait pas trop affecter le contenu de votre livre, quoi que …
Dans votre article, l’exclusion du continu, le déplacement par sauts, ressortent d’une interprétation mixte classique-quantique (notamment de la localité) qui pourrait ne pas avoir de sens en mécanique quantique, le débat reste ouvert. Mais il est vrai que ce parti pris s’inscrit dans le processus « pédagogique » visé (cf. votre commentaire).
La phrase de votre commentaire «confondre les artefacts d’une modélisation mathématique avec la révélation d’objets existant dans le réel», nous ramène à une complexité presque égale à celle du débat sur la monnaie (1) et sur le sens des mots (danger !), sachant que (si l’on vous prend au mot avant de vous lire) la vérité et la réalité sont des inventions …
Je prends cette phrase comme «confondre les artefacts d’une modélisation mathématique avec la révélation d’objets apparaissant dans notre monde sensible» ; par monde, ou univers sensible, j’entends accessible à nos sens, lesquels se développent et s’affinent au rythme de l’évolution des modélisations (conceptuelles, mathématiques …), un même objet ou phénomène acceptant (étant défini par ?) un grand nombre, voire une infinité de modèles dont nous ne voyons qu’une partie (ah ! Platon …).
Aujourd’hui un consensus semble s’établir pour dire que la vérité et la réalité absolues n’existent pas, et présentent plusieurs visages (j’allais dire projections), en tous cas sont relatives au(x) modèle(s) utilisé(s). De même on ne voit pas (ou on ne voit plus, je n’ai pas la perspective d’un historien) une explosion combinatoire sur base d’artefacts, mais plutôt leur acceptation et leur reconnaissance en tant que tels, ou leur intégration ou connexion dans des modèles élargis. Pris au pied de la lettre, un artefact peut éventuellement révéler une vérité ou une réalité (relative ! danger ! – disons plutôt prédire ou décrire le résultat d’une expérience).
1 – la lecture des échanges auxquels a donné lieu le débat sur la monnaie m’a ouvert un univers beaucoup plus vaste que je ne me le figurais, et d’un grand intérêt – merci.
@Tique,
Je vous concède que le ton et l’humour du commentaire auquel vous faites allusion n’étaient peut-être pas des plus subtiles…(schrompf).
Quant à mon petit coup de calcaire il s’explique aisément si l’on relit votre message…voyez-vous je ne mords jamais (excepté la main qui me nourrit) mais si l’on me marche sur la queue, je risque de montrer les dents…et comme vous l’avez judicieusement remarqué ma plume s’adapte au ton et aux propos de mon interlocuteur…
J’accepte bien volontiers de vous suivre sur le chemin de la paix des braves et vous retourne respectueusement votre calumet.
excellente fin de journée !
@Ghostdog
Hugh !
@Blob
A votre avis n’est ce pas le mariage de l’eau et du feu comme certains disent à savoir de la relativité restreinte et de la mécanique quantique qui au final nous bloque dans la compréhension profonde de la théorie même si ce mariage a permis de faire de grandes découvertes comme l’électrodynamique quantique par exemple.
Et que penser des nouvelles théories qui abordent le problème sous l’angle de l’information ?
@JJJ
Cette personne est vraiment bizarre !
@ Blob
Que pensez-vous de l’interprétation d’Everett en termes de mondes multiples (sans effondrement du train d’ondes mais avec divergence des mondes) ? J’en parle dans mon billet Ce que le chat de Schrödinger en pense, lui qui renvoie à mon article : Pourquoi nous avons neuf vies comme les chats (publié en 2000 par le Collège International de Philosophie).
@Blob
Personne n’imaginait en effet les vagues sous l’angle d’une onde monochromatique!! Pour autant, la solution de type paquet d’onde ne coulait pas de source!