L’actualité de la crise : Inconnues persistantes et questions impatientes, par François Leclerc

Billet invité.

INCONNUES PERSISTANTES ET QUESTIONS IMPATIENTES

Au fur et à mesure que le temps passe, de nouveaux gouffres s’ouvrent sous nos pieds. L’équation de la crise à résoudre n’a désormais pas moins que quatre grosses inconnues persistantes : comment relancer la machine à faire le crédit toujours grippée, comment passer le cap de la récession et de la dépression sans trop de dégâts sociaux, comment financer l’ensemble des mesures résolvant les deux inconnues précédentes, et comment ne pas recommencer tout cela, in fine ?

Toute une liste de questions supplémentaires nous attend plus ou moins patiemment. Je les formulerais provisoirement ainsi :

1/ A crise financière mondiale, solution nécessairement internationale. Comment y parvenir, chaque pays manifestant une tendance accrue à se protéger, si besoin au détriment des autres ?

2/ Une « déglobalisation » est-elle demain possible, même partielle, et comment ? Un autre modèle de globalisation peut-il lui être substitué et lequel ?

3/ Comment maintenir demain le niveau de vie des ménages, aujourd’hui très fortement endettés dans certains pays, sans revenir sur une répartition très inégalitaire des revenus ?

4/ Dans les pays émergents, comment substituer un modèle s’appuyant sur le développement du marché intérieur et du bien-être à celui qui prioritairement reposait sur les exportations ?

5/ Peut-on aussi revenir sur le phénomène de financiarisation effrénée que nous avons connu et dont nous voyons actuellement les premières conséquences désastreuses ? Ou au moins le cantonner ?

6/ Ne faut-il pas, au contraire, évacuer de la sphère marchande de nouveaux produits et services considérés comme socialement vitaux ? Lesquels ? Comment financer ce processus ?

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17 réponses à “L’actualité de la crise : Inconnues persistantes et questions impatientes, par François Leclerc”

  1. Avatar de Michel MARTIN

    En ce qui concerne la question 6, je propose une organisation ordianaire de l’activité créatrice de richesse en trois pôles (blog en lien): un pôle productif avec monnaie capitalisable, un pôle affectif (famille, groupe d’amis…) sans monnaie, et un pôle social doté d’une monnaie fondante. Seul ce troisième pôle est original et permet de découpler un peu plus l’activité sociale des aléas de la globalisation.

  2. Avatar de Crystal
    Crystal

    En somme, remettre l’économie à sa juste place.
    La considérer comme un moyen non comme une fin.

    Si l’économie a une finalité, n’est ce pas simplement la joie de vivre ?

    Toute réponse à l’une des questions que vous soulevez devrait être jugé à l’aune de ce principe.

  3. Avatar de JeanNimes
    JeanNimes

    Les 6 questions sont clairement de l’économie politique (je ne lis plus ceux qui ne traitent que de « l’économie », abstraction vide).

    J’ai envie de les commenter en commençant par la dernière !

    Oui, la tâche urgente est de sortir le plus possible de services et de productions de la marchandisation, avec une priorité à tous ceux ou toutes celles qui offrent « gratuitement » des rentes aux capitalistes à but lucratif (énergie, transports, tous les réseaux de manière générale, produits alimentaires, formation initiale et continue, soins, outils culturels, etc.).

    S’en tenir à la distinction des services/productions vitaux/vitales n’est pas pertinent, c’est la possibilité d’un marché captif, à rente, qui l’est : aucune raison d’offrir de tels marchés à l’appropriation privée alors qu’il n’y a aucun risque en contrepartie.

    Pour parvenir à l’extraction de ces services/productions de la sphère de l’appropriation à but lucratif, il nous faut trouver des moyens qui ne font pas appel aux capitaux financiers à but lucratif : les financements doivent être trouvés par le biais des collectivités territoriales concernées (avec une péréquation des ressources et une répartition des tarifs de façon à permettre un aménagement du territoire qui ne soit pas toujours une centralisation/concentration fatale).

    Le débat, la décision, le contrôle doivent être publics et démocratiquement organisés sur les objectifs, les moyens, les financements. Des plans incitatifs doivent être démocratiquement définis par territoire : incitatifs signifie que les actions concourant à la réalisation d’un plan sont financées en priorité par les fonds publics.

    A partir de là, il faut trouver les solutions pour répondre aux diverses questions posées.

    Je crois d’autre part qu’il nous faudrait faire l’effort d’anticiper ce qui peut survenir en élaborant plusieurs scénarios vraisemblables, que nous pourrions affiner et/ou abandonner en fonction des événements qui vont se produire.

    Je dois enfin dire que je ne comprends pas qu’une instance publique chargée de la lutte contre les effets et les causes de la crise ne soit pas en séance permanente et publique pour rassembler les bonnes idées et défendre pied à pied ce qui doit l’être avant que la fatalité des processus enclenchés ne se déroule en une cascade continue de mauvaises nouvelles dont il suffirait d’attendre qu’elles passent pour pouvoir enfin repartir du bon pied. Cette attitude me terrifie pour ses conséquences, dois-je le préciser ?

  4. Avatar de béber
    béber

    La crise est mondiale mais le malheur des uns peut faire le bonheur des autres.
    Personnellement, j’attend de voir à qui profite le crime.

    Nombre de gouvernements ont vécus la prise de pouvoir par des amis de lobbies puissants.
    Aux usa,je suppose que çà va bien du côté des vendeurs d’armes et de pétrole , tout comme en France , l’avenir semble radieux du côté du nucléaire .
    La crise est internationale mais il serait peut être bon de relire les premières lignes de la déclaration des droits de l’homme avant que ne se crée l’inévitable gouvernance mondiale….

    « DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN DE 1789

    Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, et au bonheur de tous. En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être Suprême, les droits suivants de l’homme et du citoyen. « 

  5. Avatar de emmanuel
    emmanuel

    Michel Husson sur son site répond en partie à 2 questions (cf conférence à Sci Po)
    http://hussonet.free.fr/

    5) On ne reviendra plus en arrière, l’endettement sans limite des ménages ne sera plus autorisé

    3) La remise en question des inégalités est impossible à admettre pour la classe sociale qui l’a
    systématiquement organisée depuis 30 ans, elle ne sera jamais effectuée « à froid » (gouvernements
    et lois) et nécessite des mouvements sociaux

  6. Avatar de Gilles Bonafi
    Gilles Bonafi

    @François Leclerc
    « A crise financière mondiale, solution nécessairement internationale ». En effet, la solution est politique et c’est pour cette raison que les économistes « pédalent dans la choucroute ». Il existe en effet un plan.
    Il faudra attendre la réunion du G20 pour en savoir un peu plus. Sache cependant que j’en révèlerai bientôt les grandes lignes.
    Il y aura ainsi une marche accélérée vers « un autre modèle de globalisation ».

  7. Avatar de bob
    bob

    Certes mais avant de se poser toutes ces questions, il faudrait déjà savoir si les institutions internationales ou continentales souhaitent ou non planifier les réponses aux problèmes que vous posez.

    Car ses questions soulèvent un problème prioritaire et primordial en ce temps de confusion et de désorganisation extrêmes:

    Peut on s’épargner d’une planification des actions collectives (au sens capitaliste du terme)?

  8. Avatar de louis delgres
    louis delgres

    1-2 pourquoi pas une reglobalisation vertueuse en cercle concentrique ou les economies ne seraient ouverte l une sur l autre en fonctions de leur degre de maturite sociale?
    4 relever le taux marginal d imposition sur les hauts revenus (disons 85% a patir de 200000 /an euros ) , c est vrai que ceci confine a de la spoliation , mais apres tout , c est deja suffisant!
    7 sortir du secteur marchant :
    l education (apprentissage de penser critique serait bien venue)
    la sante
    la securite (derive blackwater pas souhaitable)
    le logement
    les transports terrestre (et maritime) collectifs (favoriser le brasage culturel)
    les telecommunications
    l information (independante)
    and the last but not least: l alimentation et l acces a l eau.
    pour le reste le business peu regner en maitre !

    je rajouterais un voeux, refonte profonde de la democratie , avec une participation directe et quasi permanente de la population ( nous avons confie notre destine a une minorite d instruit qui nous a conduit dans le mur ;nous ne pourrrons pas faire pire et au moin cela limitera fortement le clientelisme!)

  9. Avatar de kerema29
    kerema29

    @ louis delgres
    Bien d’accord avec vous, mais en ce qui concerne l’alimentation, cela demande quelques précisions, pas de spéculation c’est certain, mais pas de kolkhozes non plus….
    Pour la refonte de la démocratie, je crains, que effectivement, votre proposition soit, pour encore quelque temps, un voeu pieux; mais si déjà notre constitution française interdisait le cumul des mandats, cela ferait de la place pour d’autres citoyens et apporterait, peut être des idées neuves….
    Je me demande comment ces Députés-Maires, Sénateurs-Maires ou encore Député-conseiller général, et même en plus président de conseil général pouvaient avoir le temps de faire correctement le travail pour lequel ils sont élus, je ne parle même pas d’avoir le temps de lire pour développer leur réflexion, car s’ils sont en général instruits, ils ne sont pas omniscients, loin de là.

  10. Avatar de Ybabel
    Ybabel

    Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, ancien chef économiste de la banque mondiale, qui a travaillé a Washington réponds a bon nombres de ces questions dans 6 heures de vidéos passionnantes : http://www.challenges.fr/video/
    Je ne saurais trop vous conseiller de les regarder.

  11. Avatar de Alain A
    Alain A

    J’aimerais proposer une réponse à la question 6 de François Leclerc.

    Depuis quelques temps je n’ai plus guère eu le temps de lire mon blog préféré car je collaborais à la préparation d’un colloque de deux jours nommé « Faire la Paix avec l’eau » prévu des 12 et 23 février 2009 au Parlement Européen, à Bruxelles*, coorganisé par l’Institut Européen de Politique de l’Eau présidé par Riccardo Petrella et le Wordl Political Forum présidé par Michael Gorbatchev.
    L’eau est, selon les organisateurs, l’élément le plus vital (au sens littéral du mot) dont la gestion doit être enlevée à la sphère marchande. Même si elle est toujours gérée par des autorité publiques sur 90% de la Planète (la France est une exception notable, ce qui a fait la fortune des Suez, Saur et Véolia sur la dos des Français…), elle attire de plus en plus certains mercantis qui, dans le Sud où tout est à construire, espèrent en faire une source de profits énormes. Mais dire que l’eau est un bien marchand, c’est aussi dire que ceux qui sont insolvables (et ils sont nombreux) sont condamnés à mort à plus ou moins brève échéance (comme 5,4 millions d’enfants chaque année en ce début de XXème siècle).
    Donc réponse à question 6 de François Leclerc : évacuons en premier lieu l’eau de la sphère machande.
    Et si l’on constate que cela va beaucoup mieux en aidant la communautés locales autogérées à la place des multinationales de l’eau, on pourra suivre la demande de plus en plus pressante d’Olivier De Schutter (mandaté par les Nations Unies) qui demande la même chose pour l’alimentation de base (mal nourris et affamés sont passés de 840 millions à près d’un milliard entre 2007 et fin 2008…) suite aux… spéculations boursières sur les matières premières agricoles.
    * Toutes infos sur http://www.ierpe.eu/

  12. Avatar de Les Fougerêts
    Les Fougerêts

    Ne manquez pas ce soir NS qui nous offrira un discours oecuménique en procédant à la multiplication des pains et au changement de l’eau en vin ; partagez sa foi et vivez la SCène, Juda le cosmopolite tient la bourse maintenant.
    NS pourra vivre sa Passion et louons son Ascension et bon vent !

    Il leur répondit: En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez, non parce que vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains et que vous avez été rassasiés.

    Vu des miracles ? Quant à être rassasiés…

  13. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    @ Alain A

    L’eau, dont tous les stratèges prédisent que son accès sera l’objet de nombreux conflits, et auquel l’accès est déjà tellement inégal, est un domaine qui va de soi, vous avez parfaitement raison.

    Vous connaissez certainement le modèle économique dont j’ai lu qu’il était appliqué dans certaines « townships » sud africaines : un cubage minimum gratuit pour tous et un tarif au mètre cube qui croît ensuite avec la consommation. Une redistribution des revenus grâce à la distribution de l’eau !

  14. Avatar de Alain A
    Alain A

    @ François L.
    La tarification progressive de l’eau est, de fait, une priorité pour limiter les gaspillages, pour redistribuer (un peu) la richesse et pour permettre l’accès au minimum vital d’eau même pour les plus démunis.
    Un détail : pas besoin d’aller en Afrique du Sud, en région bruxelloise, un tarif progressif (dit solidaire) en quatre tranches est appliqué pour l’eau depuis quelques années (en Flandre une tranche de 15 m³/an gratuite depuis 10 ans et en Wallonie des avancées sont en vue…).
    Dix ans de luttes opiniâtres pour y arriver mais maintenant que la pratique montre la faisabilité et l’intérêt, l’idée est adoptée et on se lance dans le même combat pour l’énergie (électricité et gaz). Dix ans de combats en vue ?

  15. Avatar de Diane Redless, Dalton, USA
    Diane Redless, Dalton, USA

    @ François Leclerc

    Il y a un gros non-dit dans votre énumération, comme dans à peu près tous vos billets (ce qui ne les empêche pas d’être passionnants) d’où sans doute quelques accès de dépression qui transparaissent ça et là… Vous me faites penser au diabétique qui n’a plus que le choix de dépérir à petit feu ou se mettre à l’insuline, mais voilà, il ne veut pas entendre parler d’insuline.

    Je reprends votre énumération :

    1) Ben oui ! Quelle stupidité que tous ces pays qui cherchent à se protéger au détriment des autres, au lieu de continuer à phagocyter des parts de marché au détriment des mêmes cités avec une seule variable d’ajustement –le coût du travail- comme cela a si miraculeusement fonctionné avant. Il faut vite trouver une solution mondiale à cette peste avant que les états ou les blocs d’états ne la mette de facto en œuvre !
    2) Je ne comprends pas l’articulation de vos deux propositions ! Tel que je vous lis, j’ai plutôt l’impression que vous vous voulez dire : « Comment échapper au cauchemar d’une déglobalisation opérée par les états ou les blocs d’états en inventant un autre modèle de globalisation, avec le feu au postérieur, soit faire rentrer un gros pied de chaise anguleux dans une tringle à rideau ?».
    3) Comment empêcher qu’un système global de libre échange mondial ne fixe d’autre horizon à nos ménages que d’aligner leurs revenus sur ceux du Bangladesh, ce qui n’est pas perdu pour toutes les poches, l’oligarchie qui a eu tout intérêt à instituer ce prometteur système par exemple ?
    4) Comment empêcher ces mal empotés de pays émergents de passer par les mêmes phases de développement que nos pays ont connu au cours de l’histoire, de connaître les mêmes glorieuses périodes de succès, et d’être ainsi en position de se demander si cela ne vaudrait pas le coup d’en rester là ?
    5) Comment transformer en système régulateur un système dont la raison d’être (je dirai même plus l’Essence) le fonctionnement implacable et le but ultime, a été précisément d’abolir et de piétiner toutes les règles ? Tel pourrait être en tout cas la définition de ce que vous appeler vous, et non sans déférence (« pardon de vous bousculer un peu Madame la Marquise mais nous aimerions poser quelques poteaux de sens interdit sur vos voies de chasse ! ») la financiarisation « effrénée », il est pourtant certain que même les pires bolides ont des freins.
    6) Je note que vous semblez considérez tout un tas de choses, d’ailleurs fort bien énumérées par Louis Delgrés (@), éducation, santé, sécurité, logement, transport collectifs, télécommunications, comme des « produits » et, de surcroît, « nouveaux ». Votre globalisation me rappelle les slogans du journal « Actuel » il y a trente ans. Tout y est « produit », « nouveau » (et sans doute intéressant), y compris tout un tas de vieux acquis collectifs, péniblement conquis dans le dialogue orageux qui a opposé les pouvoirs constitués et les citoyens dans le cadre des états nationaux au fil des siècles.

    Le non dit saute donc aux yeux dans votre catalogue, et je le résume moi ainsi : « Comment passer une corde au cou du mouton noir du PROTECTIONNISME, avec une grosse pierre à l’autre bout, afin d’aller le noyer à la nuit tombante dans le lac de nos illusions perdues ? ».

    J’irai jusqu’à rajouter un septième point à votre énumération : « Comment redonner à ceux qui ont pris leur place, les économistes, la même mémoire universelle du passé et de sa complexité qu’avaient jadis les grands intellectuels, ces radoteurs ringards. Comment éclairer par exemple un Loïc Abadie, qui est incapable de dépasser ses analyses quantitatives sans tout virer en vrac dans un concept fourre-tout baptisé « psychologie des foules » (sans doute la guerre, la paix, la science, la médecine, la révolution, l’imprimerie, la religion les incas, les grandes invasions, le fer, le bronze, la pierre polie, la pierre taillée etc. etc. on en apprend de belles au niveau des élites qui sortent des écoles étatiques de la république !).
    Quand d’aventure l’un de ces économistes est d’abord un intellectuel de poids -disons au hasard un Paul Jorion- et qu’il nous suggère dans ses livres d’introduire globalement dans le champ de l’économie se qui s’est déjà produit dans celui du politique, à savoir la démocratie, comment lever timidement l’index pour dire au maître (ça y est, mon oedipe me reprend !) qu’il fait dans le raccourci historique.
    La démocratie n’est pas tombée en effet globalement comme un nuage de poussière ardente autour de la planète à un instant t, suite à une réunion au sommet des démocrates du temps. Elle ne s’est construite que pas à pas au cours du temps et dans des sphères locales, en ayant recours à des béquilles aussi peu ragoûtante à la majorité des gens qui s’expriment ici (tant pis ! je vous remets du rab) que l’autorité de l’état, la fiscalité, sans parler de la police, de l’armée et de la guerre…

    Tiens ! J’ai même envie de déverser un peu de poil à gratter dans le pull de Fab (@) dont j’aime le jansénisme interstellaire (il en faut des comme lui). Dans la gigantesque partie de bluff et d’arnaque qu’avait si bien identifiée Jacques Attali (diagnostiqueur flamboyant, on lui reproche ce qu’on veut pour le reste) à l’automne dernier, à savoir l’OPA de toute la puissance publique des états au service de la sphère financière privée, c’est la question du bras armé qui décidera si le hold-up sera valide ou pas.
    Ce bras armé fait encore anatomiquement et charnellement partie intégrante des états qu’il sert. Rien ne prouve que ces corps constitués seraient prêt à se mettre au service de n’importe qui et de n’importe quoi, ce qui de plus poserait des problèmes pratiques redoutables. Pour l’instant et dans tous les pays du monde les forces de l’ordre et de l’armée sont des fonctionnaires comme les autres et j’ai envie paraphraser Staline à propos du Pape : « La globalisation totalitaire, combien de divisions ».
    Le retour des armées privées (Blackwater of course) ça et là n’est pas un hasard. Le problème avec ces grandes compagnies (ou ces Compagnies des Indes Orientales pour faire référence à une autre période) et ces milices privées, est qu’elles rentreront fatalement en conflit avec des forces d’état. L’histoire montre aussi que ces structures peuvent exceller dans l’extermination de civils armés de leurs bras, mais que, face à des forces armées informelles, mues par des convictions politiques ou/et religieuses, elles ne font guère le poids sur le long terme.
    Cette approche de la crise actuelle doit sans doute vous paraître étrange, mais vous n’avez, pour la plupart d’entre vous, sans soute pas été fils de militaire pendant la guerre d’Algérie. Je me souviens de l’ambiance sur la base un certain soir d’avril 1962 (j’avais dix ans). Je n’aurai pas donné cher de la peau d’un officier de para factieux s’il avait essayé de pénétrer dans les lieux. Et dans cette caserne, il s’agissait majoritairement d’engagés, pas d’appelés.

    Je finis sur un aparté culturel. Je viens de terminer « Par delà nature et culture » de Philippe Descola, un livre que j’ai découvert par hasard (comme celui de Paul jadis, le hasard fait parfois bien les choses). Les distinctions que pratique l’auteur entre « animisme » « totémisme » « naturalisme » et « analogisme » m’interpellent dans ma perception du phénomène de la globalisation. Le passage du nationalisme (qui relèverait du totémisme) au globalisme (affirmation globale de la singularité des êtres humains et de leur reconnaissance par analogisme, d’où fatalement hiérarchie de ceux-ci en castes ou en ordres transnationaux) sur fond d’écologisme (continuité et solidarité de l’ordre du vivant) et d’un zest inédit d’animisme (culte affectif de l’humain à travers l’objet technologique), ce passage là est-il soluble dans la démocratie ? Personnellement j’en doute, d’où mon attachement prudentiel aux vieux totems…

    Daniel Dresse

  16. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    @ Daniel Dresse

    La Marquise, comme vous dites, est peut être diabétique, mais son chateau, lui est en flamme. Et l’écurie avec. Ses formulations n’empruntent pas au registre de l’indignation, parfaitement légitime, sans doute contaminée par la lecture intensive des économistes, dont elle utilise le langage pour le démonter à l’occasion. C’est le seul non-dit qu’elle reconnaisse.

    Vos formulations valent les miennes. J’aurai toujours plaisir à vous lire. J’ai toutefois parlé en 6) de « produits » mais aussi de « services », une nomenclature bien triste, j’en conviens, pour parler de notre vie.

  17. Avatar de A.
    A.

    Le problème d’un nouveau mode de régulation se pose dans un contexte où l’ouverture des pays au commerce international est devenu plus important.

    Durant les Trente Glorieuses, l’efficacité du mode de production fordiste et des politiques keynésiennes s’expliquait par une relative fermeture des pays entre eux. La mise en oeuvre d’un compromis social inspiré par le fordisme sera plus compliqué dans un contexte globalisé.

    Néanmoins, on peut aussi interpréter les évènements actuels comme un excès de globalisation. N’y a-t-il pas eu un excédent d’offre de la part des pays émergents et un excédent de demande la part des pays occidentaux, notamment les E-U ? L’excédent de demande a pu être financé par l’endettement à l’égard des émergents dont les excédents de financement ont été tirés par des exportations. La mécanique a tenu par un processus auto-entretenu jusqu’à ce qu’il achoppe sur problème de base, i.e le manque de demande solvable, qui avait été contourné par l’endettement et la survalorisation des actifs.

    La solution d’une meilleure répartion des richesse est donc inséparable d’un recul du commerce international entre émergents, au premier rang desquels figure la Chine et les pays occidentaux, E-U en tête.

    Autre sujet intéressant qu’il faudrait traiter de manière plus approfondie : le risque de délitement de la construction européenne pour deux raisons :
    1- le caractère « égoîste » des Etats dans leur plan de relance : chacun redoute qu’un regain de consommation profite aux autres et du coup aucun Etat agit.
    2- le problème de financement de pays tels que l’Espagne, le Portugal, la Grèce, et dans un avenir sans doute proche l’Irelande. Ces pays doivent financer leur déficit à des taux plus importants que l’Allemagne ou la France. Il ne peuvent dévaluer leur monnaie et donc seront confrontés à un dilemme budgétaire : couper dans les dépenses afin de réduire leur besoin de financement dans un contexte où la demande privée est atone avec le risque d’entretenir davantage la crise, ou soutenir par des déficits importants et lourds à financer leurs éconmies nationales.

    Il existe une inconnue : l’attitude de la BCE. Sera-t-elle amenée à monétiser les déficits ? Cela irait à l’encontre de sa philosophie mais dans l’actuelle période, c’est une option qu’elle ne peut exclure.

    Par conséquent, deux solutions sont possibles :
    – soit un renforcement de l’Union Européenne par la mise en place d’un fédéralisme budgétaire : la mise en place d’une agence européenne de financement en serait le début accompagnée d’une plus grande solidarité entre les Etats au point de vue budgétaire. Les aides à destinations des pays en difficulté et des pays de l’Est seraient accrues et ces derniers cesseraient leur dumping social et fiscal.
    – soit un délitement de l’Union avec un blocage et une compétition renforcée entre Etats

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