On recherche : chien de garde financier international
Fri Jan 30, 2009 2:48pm EST
Par Mike Dolan and Stella Dawson
Davos, Suisse (Reuters) – L’Allemagne et la Grande-Bretagne ont appelé vendredi à la création d’un organisme de surveillance international aux pouvoirs accrus chargé de prévenir plutôt que de réagir passivement aux crises financières susceptibles de déboucher sur des récessions à l’échelle planétaire.
La chancelière allemand Angela Merkel a déclaré au Forum Economique Mondial réuni dans la station suisse que la coopération entre les institutions financières internationales avait échoué à prévenir la crise financière la plus dévastatrice qu’ait connu le monde depuis des dizaines d’années et qu’une nouvelle charte était nécessaire. « Ceci pourrait même déboucher sur un Conseil Economique des Nations-Unies, sur le modèle du Conseil de Sécurité créé après la Deuxième Guerre Mondiale », a-t-elle ajouté.
Le premier ministre britannique Gordon Brown a affirmé de son côté que des initiatives audacieuses étaient requises qui fassent que les banques accordent à nouveau des crédits : « Nous sommes prêts à envisager des options radicales. Les approches anciennes ont échoué. Il faut que nous rebâtissions le système financier ». Et il ajouta : « Ce dont nous avons besoin, c’est d’un organisme chargé de la prévention des crises plutôt que de leur résolution ».
27 réponses à “Constitution pour l’économie : un autre pas dans la bonne direction”
Un organisme de surveillance, un chien de garde en fait. Pour surveiller quoi. Un système en inadéquat en faillite récurrente ?
C’est un autre système monétaire qu’il faut ! Et c’est cela que ce blog nous permet de construire et d’entrevoir… Un système pour un développement plus harmonieux, humain et écologique.
Mais qui peut bien résister à ce changement ? Et pourquoi ?
Quand on voit comme le conseil de sécurité de l’ONU empêche les grandes nations et même des petites de faire ce qu’elles veulent on voit tout de suite que c’est un autre gouffre financier 😉 pour nos impots, un bon moyen de caser une partie des amis des dirigeants, un bon moyen de faire croire que l’on fait quelque chose pour les petites gens et une concentration de pouvoir dans quelques mains aux ordres, comme l’ONU. Un emplâtre sur une jambe de bois. Mais très cher, pour faire du mauvais théâtre. Un avatar de plus. Sans aucune légitimité comme les autres.
C’est sûr que ces dirigeants, à la solde des financiers , vont essayer de rouler le bon peuple dans la farine.
On reprend le même système comme avant avec juste la création d’un « machin », pourquoi pas consultatif en plus, dont on sait qu’il ne servira à rien.
Il va falloir être vigilant sur ce qui se trame et faire entendre nos voix…..
@ No pasaran!
Belles citations. Pour vous remercier :
When I was young, it seemed that life was so wonderful,
A miracle, oh it was beautiful, magical.
And all the birds in the trees, well theyd be singing so happily,
Joyfully, playfully watching me.
But then they send me away to teach me how to be sensible,
Logical, responsible, practical.
And they showed me a world where I could be so dependable,
Clinical, intellectual, cynical.
There are times when all the worlds asleep,
The questions run too deep
For such a simple man.
Wont you please, please tell me what weve learned
I know it sounds absurd
But please tell me who I am.
Now watch what you say or theyll be calling you a radical,
Liberal, fanatical, criminal.
Wont you sign up your name, wed like to feel youre
Acceptable, respecable, presentable, a vegtable!
At night, when all the worlds asleep,
The questions run so deep
For such a simple man.
Wont you please, please tell me what weve learned
I know it sounds absurd
But please tell me who I am.
Une traduction : http://www.greatsong.net/TRADUCTION-SUPERTRAMP,THE-LOGICAL-SONG,144622.html
@nopasaran:
la flem est un vilain défaut.
Et que ceux qui ne veulent pas travailler pour le progrès: un coup de pied au c :
Les rentiers comme les flemmards et certains planqués de profiteur du système social.
Car si chacun veut une sécurité sociale et des retraites alors il faut travailler.
marcher au pas, ça commence toujours par un pas, puis un autre…
Hello Paul
prof Steve Keen (Australia) has started with is promised view on money and how it works. I think it may be interesting.
http://www.debtdeflation.com/blogs/2009/01/31/therovingcavaliersofcredit/
His explanation gives not a hopefull picture for the events to come.
Kind Regards
Paul
Encore une « belle déclaration bidon » (et vaguement inquiétante)
La grande messe médiatique de Davos à tout de mème ceci d’interessant qu’elle révèle des états d’esprit des élites du jour. Les décisions se prennent de toutes les façons ailleurs, aux réunions du CFR, de Bildenberg, ou plus probablement dans des bureaux discrets..
Faut pas rèver; quand certains ont le pouvoir, ils vont tout faire pour le garder! Mieux vaut oublier l’angélisme (hélas!)
Noviant à raison de rappeler que ce qui est en cause, fondamentalement, c’est le système financier, et tout ce qui en découle.
Un Mike Shedlock ( http://globaleconomicanalysis.blogspot.com/) clame à qui veut l’entendre qu’il faut:
-abolir la FED
-supprimer le fractional reserve banking
Helmut Creutz bataille depuis des lustres pour une réforme monétaire fondamentale
Et tant d’autres militent dans ce sens!…
Les « politiques » réagiront sur la base de projets cohérents, donc au boulot!
(pour pouvoir profiter de la vie après!)
@ Stilgar : Taxer les hauts revenus, certes, et non leur faire des cadeaux à 15 milliards d’euros…
Mais il faudrait taxer aussi les énergies fossiles et les matières premières non renouvelables, minerais, matériaux de construction, de manière inversement proportionnelle à leurs réserves, et ce de manière exponentielle, ie de 10% par an.
Et détaxer le travail.
« des initiatives audacieuses étaient requises qui fassent que les banques accordent à nouveau des crédits »
Merci Mr Gordon Brown, quelle audace de votre part, quelle lucidité dans le constat de faillite du système, mais pourquoi n’expliquez-vous pas plutôt pourquoi elles n’accordent plus ces crédits?
Ce serait tellement plus simple, trop simple probablement !
?
Est ce que les gens aveugles?
Gordon Brown est l’architecte du systeme financier anglais, au lieu de donner des conseils sur le futur du systeme financier, il devarit plutot etre derriere les barreaux.
Gordon Brown, derriere les barreaux devrait etre rejoins par toutes ces « crapules » qui etait a la tete du systeme financier: dirigeant des banques qui ont plutot sacrifie l’interet de la communaute pour assouvir leur gout pour l’argent, le luxe et le superficiel en s’accrodant des salaires mirobolant, des bonus infondes…
Davos devrait se transformer en Guantanamo, puisqu’il sont la bas, ils y restent.
Il faut une condition préalable : une transparence totale dans tout ce qui se passe dans le domaine financier et économique. En lisant ici ou là divers article, on donne le sentiment que tous les indicateurs économiques qu’on donne dans les mass media sont totalement faussés, manipulés ; le terme MSM (mainstream media) donc les media qui alimentent les courants populaires, ordinaires seraient totalement biaisés. Trop de mystères, d’erreurs et d’approximation aussi concernant le fonctionnement des institutions financières qu’elles soient commerciales ou privées, trop de choses obscures et dissimulées, un décalage trop grand entre l’information officielle, les données qu’on donne en pature au public et ce qui reste bien sagement dissimulés et occultés par les hors bilan, les véhicules financiers complexes, les paradis fiscaux.
J’ai de plus en plus la ferme conviction que si le débat sur la monnaie tourne un peu en rond comme le disent certains, c’est parce qu’il nous manque des éléments essentiels au sujet des divers mécanismes concernant justement la création de la monnaie.
On peut essayer de faire toute les constitutions possibles, des organismes de supervision et d’observation, mais si tout ceci travaille avec des données faussés, incomplètes, s’il leur manque une visibilité essentielle, s’ils n’ont accès qu’à la partie visible de l’iceberg, alors c’est un projet vain.
Le jour où on pourra trouver d’une manière claire et précise les divers processus, le fonctionnement réel des banques commerciales, des banques centrales, les bilans officiels et ce qui est hors bilan, les expositions réelles au risque, des explications claires concernant les choses les plus obscures de la finance (les CDS et autres formes de dérivés), alors on aura fait un grand pas pour ensuite surveiller, prévenir et corriger les excès.
Mais tout ceci n’est peut-être pas dans l’intérêt des banquiers et autres financiers.
@ bob
notre ami est un situationniste. Il n’est pas contre le travail mais pour l’abolition du travail « en tant qu’aliénation et activité séparée de la vie qui va » (je cite debord). Il abhorre le salariat. Et le salariat ce n’est pas la même chose que le travail.
@ Bob,
?
Je ne connais pas Raoul VANEIGEM et Bob BLACK. J’ai entendu parler de Friedrich NIETZSCHE et de Boris Vian. Je connais Coluche. Pour ce que j’y comprends, je ne pense pas qu’ils aient quoique ce soit à envier aux auteurs fréquemment cités sur ce blog (Allais, les 2, Marx…). Essayez pendant un temps de retrouver votre « pureté » d’enfant (voir le PS plus bas) afin de savourer à sa juste valeur la citation de Vian citée plus haut…et de méditer ce que serait le monde si tout le monde faisait de même !
Vous dites :
« Et que ceux qui ne veulent pas travailler pour le progrès: un coup de pied au c :
Les rentiers comme les flemmards et certains planqués de profiteur du système social.
Car si chacun veut une sécurité sociale et des retraites alors il faut travailler. »
Qu’appelez-vous progrès ? Avez-vous des exemples (J’en ai donné pour ma part quelques-uns dans le billet Le temps qu’il fait, le 30 janvier 2009, 31/01 à 9h13…) ? Voici une illustration du progès :
http://www.dailymotion.com/video/x13fp_ile-aux-fleurs_creation
Est-ce le même progrès dont vous parlez ?
Cependant je comprends les mécanismes qui vous poussent à penser ainsi. Changeons-les !
Autre point, adulte, technique : ceux que vous appelez les profiteurs, sont-ce les rmistes et les chomistes qui ne pensent qu’à toucher leurs allocs ? Si tel est le cas , permettez-moi une remarque : de même que la dette est un moteur indispensable à l’économie, les inactifs sont indispensables au sytème social dont vous parlez ! En tant que main d’oeuvre disponible, à la demande, en tant que consommateurs en bout de chaîne et surtout en tant qu’exemple pour le travailleur et donc pour la survie du système social qui vous tient à coeur ! Si si ! Aussi bien la consommation est un graal que chacun poursuit sans jamais se demander pourquoi, et qui fait fonctionner la machine, autant le risque de la perte d’emploi doit-il être illustré pour garder son efficacité…et sauver la machine. D’un côté vous avez l’image de ce qu’il faut faire et de l’autre l’image de ce qui pourrait vous arriver si vous ne le faisiez pas ! Les deux sont indispensables : on appelle ça des garde-fous !
Sûrement la solution est-elle entre ces deux extrêmes, mais la description de Raoul VANEIGEM (message de no pasaran! à 10h32, 1er paragraphe) est tellement proche de la réalité que j’ai du mal à comprendre que l’on puisse détourner le ragard ! Vous imaginez-vous observant ce spectacle avec votre fils et lui dire, les yeux dans les yeux : voilà ce qui t’attend !? Moi pas.
PS : j’ai essayé cinq fois de poster un message pour no pasaran!…mais ça ne passe pas. C’était juste pour le remercier des citations et lui « offrir » (je ne mets plus le lien car je pense que c’est ça que le censeur n’aime pas) the Logical Song de Supertramp (vidéos et traductions via google par exemple, désolé).
@fab:
Chacun a des droits mais aussi des obligations: les grands comme les petits, les bleus comme les jaunes etc…
Raoul VANEIGEM est un situationniste. On recommandera un disque: « Pour en finir avec le travail » qui un exemple typique des détournements sonores de chansons fait par le situationnistes mais aussi de leur pensée sur le travail. On y découvre des textes de Raoul VANEIGEM et de Guy Debord.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pour_en_finir_avec_le_travail
pour le sonore, chacun se débrouillera
@ bob,
N’oubliez donc pas de le préciser à « votre fils » (cf mon précédent message) !
@ Olivier,
Et situationniste, c’est bien ? C’est mieux que fataliste ? Ou que défaitiste ?
Vous voulez parler de « travail aliéné »?
Je rentre d’un pays, le Brésil, où est distribué la « bolsa familia », une allocation distribuée aux plus démunis. Plus de 40 millions de brésiliens, sur 190 millions, la touchent actuellement. Lula a étendu le programme lancé par le précédent Président, Fernando Enrique Cardoso.
Un sénateur de Sao Paulo du PT (Partido dos Trabalhadores), Eduardo Suplicy, fait campagne pour une allocation pour tous et à vie couvrant les besoins essentiels. Il a déposé une loi, qui n’a toutefois jamais été inscrite à l’ordre du jour du Sénat .
@ Fab
Oui c’est beaucoup mieux et c’est très drôle.
@ olivier,
Par exemple, que pourriez-vous en dire ?
@ François Leclerc,
Merci pour cette précieuse information qui mérite d’être suivie, ainsi que pour vos confirmations silencieuses.
@ Fab
je trouve toujours touchant des gens qui veulent se réapproprier leur vie. Dans le situationnisme il y a ça. Se réapproprier sa vie. Echapper au capitalisme totalitaire. Sans doute le situationnisme est-il très critiquable par bien des égard mais il relève d’une attitude très saine d’insoumission. Il a la franchise de ne pas seulement analyser (beaucoup de penseurs anticapitaliste se borne à analyser et à dénoncer) mais de proposer le combat au quotidien contre l’Ordre. Avant d’en penser quoi que ce soit, sans doute faut-il lire de quoi il s’agit. . Un résumé excellent de la société du spectacle a déjà été fait sur ce blog (par Pierre-Yves D je crois), sinon il y a wikipedia. C’est marrant parce qu’hier j’étais dans une librairie en train de discuter de la même chose avec un homme d’une soixantaine d’années. Le situationnisme, lui aussi ça le dépassait. Et pourtant c’est lui qui voulait en parler. Là aussi c’est vous qui voulez en parler. Sans doute parce que tout ceux qui critique aujourd’hui le capitalisme et qui le font sous l’angle anthropologique tombe systématiquement sur Debord et ses copains. Et puis c’est très symbolique: ressortir aujourd’hui ce qui fut l’âme de mai 68 n’est pas sans provocation.
@ Olivier,
Merci. Plus que touchant je dirais que quelqu’un voulant se réapproprier sa vie, c’est à la fois porteur d’espoir et triste car cela devrait être un besoin général…
Je n’ai pas encore trouvé le message de PYD dont vous parlez mais je suis tombé sur http://www.pauljorion.com/blog/?p=320
A suivre et encore merci.
Bonjour
Je ne comprends en quoi on se dirige dans la bonne direction. Vraiment, j’essaye j’y arrive pas. Pourquoi? Parce que il me semble qu’il existe déjà pas mal de travaux qui ce sont attachés à montrer que la finance tel qu’on l’a connait aujourd’hui n’est qu’une conséquence d’un modèle à bout de souffle : le productivisme. N’ayant pas (malheureusement) l’aisance nécessaire pour étayer cette affirmation, je vous propose de lire ce que André Gorz à écrit là-dessus peu avant sa mort en septembre 2007. (Publié dans EcoRev)
La crise du système se manifeste au niveau macro-économique aussi bien qu’au niveau micro-économique. Elle s’explique principalement par un bouleversement technoscientifique qui introduit une rupture dans le développement du capitalisme et ruine, par ses répercussions la base de son pouvoir et sa capacité de se reproduire. J’essaierai d’analyser cette crise d’abord sous l’angle macro-économique [1], ensuite dans ses effets sur le fonctionnement et la gestion des entreprises [2].
[1] L’informatisation et la robotisation ont permis de produire des quantités croissantes de marchandises avec des quantités décroissantes de travail. Le coût du travail par unité de produit ne cesse de diminuer et le prix des produits tend à baisser. Or plus la quantité de travail pour une production donnée diminue, plus le valeur produite par travailleur – sa productivité – doit augmenter pour que la masse de profit réalisable ne diminue pas. On a donc cet apparent paradoxe que plus la productivité augmente, plus il faut qu’elle augmente encore pour éviter que le volume de profit ne diminue. La course à la productivité tend ainsi à s’accélérer, les effectifs employés à être réduits, la pression sur les personnels à se durcir, le niveau et la masse des salaires à diminuer. Le système évolue vers une limite interne où la production et l’investissement dans la production cessent d’être assez rentables.
Les chiffres attestent que cette limite est atteinte. L’accumulation productive du capital productif ne cesse de régresser. Aux États-Unis, les 500 firmes de l’indice Standard & Poor’s disposent de 631 milliards de réserves liquides ; la moitié des bénéfices des entreprises américaines provient d’opérations sur les marchés financiers. En France, l’investissement productif des entreprises du CAC 40 n’augmente pas même quand leurs bénéfices explosent.
La production n’étant plus capable de valoriser l’ensemble des capitaux accumulés, une partie croissante de ceux-ci conserve la forme de capital financier. Une industrie financière se constitue qui ne cesse d’affiner l’art de faire de l’argent en n’achetant et ne vendant rien d’autre que diverses formes d’argent. L’argent lui-même est la seule marchandise que l’industrie financière produit par des opérations de plus en plus hasardeuses et de moins en moins maîtrisables sur les marchés financiers. La masse de capital que l’industrie financière draine et gère dépasse de loin la masse de capital que valorise l’économie réelle (le total des actifs financiers représente 160 000 milliards de dollars, soit trois à quatre fois le PIB mondial). La « valeur » de ce capital est purement fictive : elle repose en grande partie sur l’endettement et le « good will », c’est-à-dire sur des anticipations : la Bourse capitalise la croissance future, les profits futurs des entreprises, la hausse future des prix de l’immobilier, les gains que pourront dégager les restructurations, fusions, concentrations, etc. Les cours de Bourse se gonflent de capitaux et de leurs plus-values futurs et les ménages se trouvent incités par les banques à acheter (entre autres) des actions et des certificats d’investissement immobilier, à accélérer ainsi la hausse des cours, à emprunter à leur banque des sommes croissantes à mesure qu’augmente leur capital fictif boursier.
La capitalisation des anticipations de profit et de croissance entretien l’endettement croissant, alimente l’économie en liquidités dues au recyclage bancaire de plus-value fictives, et permet aux États-Unis une « croissance économique » qui, fondée sur l’endettement intérieur et extérieur, est de loin le moteur principal de la croissance mondiale (y compris de la croissance chinoise). L’économie réelle devient un appendice des bulles spéculatives entretenues par l’industrie financière. Jusqu’au moment, inévitable, où les bulles éclatent, entraînent les banques dans des faillites en chaîne, menaçant le système mondial de crédit d’effondrement, l’économie réelle d’une dépression sévère et prolongée (la dépression japonaise dure depuis bientôt quinze ans) .
On a beau accuser le spéculation, les paradis fiscaux, l’opacité et le manque de contrôle de l’industrie financière (en particulier des hedge funds), la menace de dépression, voire d’effondrement qui pèse sur l’économie mondiale n’est pas due au manque de contrôle ; elle est due à l’incapacité du capitalisme de se reproduire. Il ne se perpétue et ne fonctionne que sur des bases fictives de plus en plus précaires. Prétendre redistribuer par voie d’imposition les plus-values fictives des bulles précipiterait cela même que l’industrie financière cherche à éviter : la dévalorisation de masses gigantesque d’actifs financiers et la faillite du système bancaire. La « restructuration écologique » ne peut qu’aggraver la crise du système. Il est impossible d’éviter une catastrophe climatique sans rompre radicalement avec les méthodes et la logique économique qui y mènent depuis 150 ans. Si on prolonge la tendance actuelle, le PIB mondial sera multiplié par un facteur 3 ou 4 d’ici à l’an 2050. Or selon le rapport du Conseil sur le climat de l’ONU, les émissions de CO2 devront diminuer de 85% jusqu’à cette date pour limiter le réchauffement climatique à 2°C au maximum. Au-delà de 2°, les conséquences seront irréversibles et non maîtrisables.
La décroissance est donc un impératif de survie. Mais elle suppose une autre économie, un autre style de vie, une autre civilisation, d’autres rapports sociaux. En leur absence, l’effondrement ne pourrait être évité qu’à force de restrictions, rationnements, allocations autoritaires de ressources caractéristiques d’une économie de guerre. La sortie du capitalisme aura donc lieu d’une façon ou d’une autre, civilisée ou barbare. La question porte seulement sur la forme que cette sortie prendra et sur la cadence à laquelle elle va s’opérer.
La forme barbare nous est déjà familière. Elle prévaut dans plusieurs régions d’Afrique, dominées par des chefs de guerre, par le pillage des ruines de la modernité, les massacres et trafics d’êtres humains, sur fond de famine. Les trois Mad Max étaient des récits d’anticipation.
Une forme civilisée de la sortie du capitalisme, en revanche, n’est que très rarement envisagée. L’évocation de la catastrophe climatique qui menace conduit généralement à envisager un nécessaire « changement de mentalité », mais la nature de ce changement, ses conditions de possibilité, les obstacles à écarter semblent défier l’imagination. Envisager une autre économie, d’autres rapports sociaux, d’autres modes et moyens de production et modes de vie passe pour « irréaliste », comme si la société de la marchandise, du salariat et de l’argent était indépassable. En réalité une foule d’indices convergents suggèrent que ce dépassement est déjà amorcé et que les chances d’une sortie civilisée du capitalisme dépendent avant tout de notre capacité à distinguer les tendances et les pratiques qui en annoncent la possibilité.
[2] Le capitalisme doit son expansion et sa domination au pouvoir qu’il a pris en l’espace d’un siècle sur la production et la consommation à la fois. En dépossédant d’abord les ouvriers de leurs moyens de travail et de leurs produits, il s’est assuré progressivement le monopole des moyens de production et la possibilité de subsumer le travail. En spécialisant, divisant et mécanisant le travail dans de grandes installations, il a fait des travailleurs les appendices des mégamachines du capital. Toute appropriation des moyens de production par les producteurs en devenait impossible. En éliminant le pouvoir de ceux-ci sur la nature et la destination des produits, il a assuré au capital le quasi-monopole de l’offre, donc le pouvoir de privilégier dans tous les domaines les productions et les consommations les plus rentables, ainsi que le pouvoir de façonner les goûts et désirs des consommateurs, la manière dont ils allaient satisfaire leurs besoins. C’est ce pouvoir que la révolution informationnelle commence de fissurer.
Dans un premier temps, l’informatisation a eu pour but de réduire les coûts de production. Pour éviter que cette réduction des coûts entraîne une baisse correspondante du prix des marchandises, il fallait, dans toute la mesure du possible, soustraire celles-ci aux lois du marché. Cette soustraction consiste à conférer aux marchandises des qualités incomparables grâce auxquelles elles paraissent sans équivalent et cessent par conséquent d’apparaître comme de simples marchandises.
La valeur commerciale (le prix) des produits devait donc dépendre davantage de leurs qualités immatérielles non mesurables que de leur utilité (valeur d’usage) substantielle. Ces qualités immatérielles – le style, la nouveauté le prestige de la marque, le rareté ou « exclusivité » – devaient conférer aux produits un statut comparable à celui des oeuvres d’art : celles-ci ont une valeur intrinsèque, il n’existe aucun étalon permettant d’établir entre elles un rapport d’équivalence ou « juste prix ». Ce ne sont donc pas de vraies marchandises. Leur prix dépend de leur rareté, de la réputation du créateur, du désir de l’acheteur éventuel. Les qualités immatérielles incomparables procurent à la firme productrice l’équivalent d’un monopole et la possibilité de s’assurer une rente de nouveauté, de rareté, d’exclusivité. Cette rente masque, compense et souvent surcompense la diminution de la valeur au sens économique que la baisse des coûts de production entraîne pour les produits en tant que marchandises par essence échangeable entre elles selon leur rapport d’équivalence. Du point de vue économique, l’innovation ne crée donc pas de valeur ; elle est le moyen de créer de la rareté source de rente et d’obtenir un surprix au détriment des produits concurrents. La part de la rente dans le prix d’une marchandise peut être dix, vingt ou cinquante fois plus grand que son coût de revient, et cela ne vaut pas seulement pour les articles de luxe ; cela vaut aussi bien pour des articles d’usage courant comme les baskets, T-shirts, portables, disques, jeans etc.
Or la rente n’est pas de même nature que le profit : elle ne correspond pas à la création d’un surcroît de valeur, d’une plus-value. Elle redistribue la masse totale de le valeur au profit des entreprises rentières et aux dépends des autres ; elle n’augmente pas cette masse [1].
Lorsque l’accroissement de la rente devient le but déterminent de la politique des firmes – plus important que le profit qui, lui, se heurte à le limite interne indiquée plus haut – la concurrence entre les firmes porte avant tout sur leur capacité et rapidité d’innovation. C’est d’elle que dépend avant tout la grandeur de leur rente. Elles cherchent donc a se surpasser dans le lancement de nouveaux produits ou modèles ou styles, par l’originalité du design, par l’inventivité de leurs campagnes de marketing, par la « personnalisation » des produits. L’accélération de l’obsolescence, qui va de pair avec la diminution de la durabilité des produits et de la possibilité de les réparer, devient le moyen décisif d’augmenter le volume des ventes. Elle oblige les firmes à inventer continuellement des besoins et des désirs nouveaux , à conférer aux marchandises une valeur symbolique, sociale, érotique, à diffuser une « culture de la consommation » qui mise sur l’individualisation, la singularisation, la rivalité, la jalousie, bref sur ce que j’ai appelé ailleurs la « socialisation antisociale ».
Tout s’oppose dans ce système à l’autonomie des individus ; à leur capacité de réfléchir ensemble à leurs fins communes et à leurs besoins communs ; de se concerter sur la meilleure manière d’éliminer les gaspillages, d’économiser les ressources, d’élaborer ensemble, en tant que producteurs et consommateurs, une norme commune du suffisant – de ce que Jacques Delors appelait une « abondance frugale ». De toute évidence, la rupture avec la tendance au « produire plus, consommer plus » et la redéfinition autonome d’un modèle de vie visant à faire plus et mieux avec moins, suppose la rupture avec une civilisation où on ne produit rien de ce qu’on consomme et ne consomme rien de ce qu’on produit ; où producteurs et consommateurs sont séparés et où chacun s’oppose à lui-même en tant qu’il est toujours l’un et l’autre à la fois ; où tous les besoins et tous les désirs sont rebattus sur le besoin de gagner de l’argent et le désir de gagner plus ; où la possibilité de l’autoproduction pour l’autoconsommation semble hors de portée et ridiculement archaïque – à tort.
Et pourtant : la « dictature sur les besoins » perd de sa force. L’emprise que les firmes exercent sur les consommateurs devient plus fragile en dépit de l’explosion des dépenses pour le marketing et la publicité. La tendance à l’autoproduction regagne du terrain en raison du poids croissant qu’ont les contenus immatériels dans la nature des marchandises. Le monopole de l’offre échappe petit à petit au capital.
Il n’était pas difficile de privatiser et de monopoliser des contenus immatériels aussi longtemps que connaissances, idées, concepts mis en oeuvre dans la production et dans la conception des marchandises étaient définis en fonction de machines et d’articles dans lesquels ils étaient incorporés en vue d’un usage précis. Machines et articles pouvaient être brevetés et la position de monopole protégée. La propriété privée de connaissances et de concepts était rendue possible par le fait qu’ils étaient inséparables des objets qui les matérialisaient. Ils étaient une composante du capital fixe.
Mais tout change quand les contenus immatériels ne sont plus inséparables des produits qui les contiennent ni même des personnes qui les détiennent ; quand ils accèdent a une existence indépendante de toute utilisation particulière et qu’ils sont susceptibles, traduits en logiciels, d’être reproduits en quantités illimitées pour un coût infime. Ils peuvent alors devenir un bien abondant qui, par sa disponibilité illimitée, perd toute valeur d’échange et tombe dans le domaine public comme bien commun gratuit – à moins qu’on ne réussisse à l’en empêcher en en interdisant l’accès et l’usage illimités auxquels il se prête.
Le problème auquel se heurte « l’économie de la connaissance » provient du fait que la dimension immatérielle dont dépend le rentabilité des marchandises n’est pas, à l’âge de l’informatique, de la même nature que ces dernières : elle n’est la propriété privée ni des entreprises ni des collaborateurs de celles-ci ; elle n’est pas de par sa nature privatisable et ne peut par conséquent devenir une vraie marchandise. Elle peut seulement être déguisée en propriété privée et marchandise en réservant son usage exclusif par des artifices juridiques ou techniques (codes d’accès secrets). Ce déguisement ne change cependant rien à la réalité de bien commun du bien ainsi déguisé : il reste une non-marchandise non vendable dont l’accès et l’usage libres sont interdits parce qu’ils demeurent toujours possibles, parce que le guettent les « copies illicites », les « imitations », les usages interdits. Le soi-disant propriétaire lui-même ne peut les vendre c’est-à-dire en transférer la propriété privée à un autre, comme il le ferait pour une vraie marchandise ; il ne peut vendre qu’un droit d’accès ou d’usage « sous licence ».
L’économie de la connaissance se donne ainsi pour base une richesse ayant vocation d’être un bien commun, et les brevets et copyrights censés le privatiser n’y changent rien ; l’aire de la gratuité s’étend irrésistiblement. L’informatique et internet minent le règne de la marchandise à sa base. Tout ce qui est traduisible en langage numérique et reproductible, communicable sans frais tend irrésistiblement à devenir un bien commun, voire un bien commun universel quand il est accessible à tous et utilisable par tous. N’importe qui peut reproduire avec son ordinateur des contenus immatériels comme le design, les plans de construction ou de montage, les formules et équations chimiques ; inventer ses propres styles et formes ; imprimer des textes, graver des disques, reproduire des tableaux. Plus de 200 millions de références sont actuellement accessibles sous licence « créative commons ». Au Brésil, où l’industrie du disque commercialise 15 nouveaux CD par an, les jeunes des favelas en gravent 80 par semaine et les diffusent dans la rue. Les trois quarts des ordinateurs produits en 2004 étaient autoproduits dans les favelas avec les composants de matériels mis au rebut. Le gouvernement soutient les coopératives et groupements informels d’autoproduction pour l’auto approvisionnement.
Claudio Prado, qui dirige le département de la culture numérique au ministère de la Culture du Brésil, disait récemment : « L’emploi est une espèce en voie d’extinction… Nous comptons sauter cette phase merdique du 20è siècle pour passer directement du 19è au 21è siècle ». L’autoproduction des ordinateurs par exemple a été officiellement soutenue : il s’agit de favoriser « l’appropriation des technologies par les usagers dans un but de transformation sociale ». La prochaine étape sera logiquement l’autoproduction de moyens de production. J’y reviendrai encore.
Ce qui importe pour le moment, c’est que la principale force productive et la principale source de rentes tombent progressivement dans le domaine public et tendent vers la gratuité ; que la propriété privée des moyens de production et donc le monopole de l’offre deviennent progressivement impossibles ; que par conséquent l’emprise du capital sur la consommation se relâche et que celle-ci peut tendre à s’émanciper de l’offre marchande. Il s’agit là d’une rupture qui mine le capitalisme à sa base. La lutte engagée entre les « logiciels propriétaires » et les « logiciels libres » (libre, « free », est aussi l’équivalent anglais de « gratuit ») a été Le coup d’envoi du conflit central de l’époque. Il s’étend et se prolonge dans la lutte contre la marchandisation de richesses premières – la terre, les semences, le génome, les biens culturels, les savoirs et compétences communs, constitutifs de la culture du quotidien et qui sont les préalables de l’existence d’une société. De la tournure que prendra cette lutte dépend la forme civilisée ou barbare que prendra la sortie du capitalisme.
Cette sortie implique nécessairement que nous nous émanciperons de l’emprise qu’exerce le capital sur la consommation et de son monopole des moyens de production. Elle signifie l’unité rétablie du sujet de la production et du sujet de la consommation et donc l’autonomie retrouvée dans la définition de nos besoins et de leur mode de satisfaction. L’obstacle insurmontable que le capitalisme avait dressé sur cette voie était la nature même des moyens de production qu’il avait mis en place : ils constituait une mégamachine dont tous étaient les serviteurs et qui nous dictait les fins à poursuivre et la vie a mener. Cette période tire à sa fin. Les moyens d’autoproduction high-tech rendent la mégamachine industrielle virtuellement obsolète. Claudio Prado invoque « l ’appropriation des technologies » parce que la clé commune de toutes, l’informatique, est appropriable par tous. Parce que, comme le demandait Ivan Illich, « chacun peut [l’]utiliser sans difficulté aussi souvent ou aussi rarement qu’il le désire… sans que l’usage qu’il en fait empiète sur le liberté d’autrui d’en faire autant » ; et parce que cet usage (il s’agit de la définition illichienne des outils conviviaux) « stimule l’accomplissement personnel » et élargit l’autonomie de tous. La définition que Pekka Himanen donne de l’Ethique Hacker est très voisine : un mode de vie qui met au premier rang « les joies de l’amitié, de l’amour, de la libre coopération et de la créativité personnelle ».
Les outils high-tech existants ou en cours de développement, généralement comparables à des périphériques d’ordinateur, pointent vers un avenir où pratiquement tout le nécessaire et le désirable pourra être produit dans des ateliers coopératifs ou communaux ; où les activités de production pourront être combinées avec l’apprentissage et l’enseignement, avec l’expérimentation et la recherche, avec la création de nouveaux goûts, parfums et matériaux, avec l’invention de nouvelles formes et techniques d’agriculture, de construction, de médecine etc. Les ateliers communaux d’autoproduction seront interconnectés à, l’échelle du globe, pourront échanger ou mettre en commun leurs expériences, inventions, idées, découvertes. Le travail sera producteur de culture, l’autoproduction un mode d’épanouissement.
Deux circonstances plaident en faveur de ce type de développement. La première est qu’il existe beaucoup plus de compétences, de talents et de créativité que l’économie capitaliste n’en peut utiliser. Cet excédent de ressources humaines ne peut devenir productif que dans une économie où la création de richesses n’est pas soumise aux critères de rentabilité. La seconde est que « l’emploi est une espèce en voie d’extinction ».
Je ne dis pas que ces transformations radicales se réaliseront. Je dis seulement que, pour la première fois, nous pouvons vouloir qu’elles se réalisent. Les moyens en existent ainsi que les gens qui s’y emploient méthodiquement. Il est probable que ce seront des Sud-Américains ou des Sud-Africains qui, les premiers, recréeront dans les banlieues déshéritées des villes européennes les ateliers d’autoproduction de leur favela ou de leur township d’origine.
André Gorz
@ Crystal,
Merci.