Billet invité.
LE VILAIN MOT COMMENCANT PAR « N »
Les meilleurs auteurs, puisque c’est une manière d’asseoir définitivement son propos, convergent dans leur analyse et, depuis peu, vers des solutions radicales à la crise financière. Des solutions, qui osent écrire en toutes lettes le vilain mot qui commence par un N.
Voici ces auteurs.
Paul Krugman, Prix (dit) Nobel d’économie, poursuit dans le New York Times du 18 janvier son assimilation des banques à des zombies, très pédagogiquement, pour ensuite estimer que l’éventuelle création d’une « banque de consolidation » (une bad bank plus honorablement dénommée), dont on parle beaucoup, impliquerait aussi, pour ne pas faire le travail à moitié, une utilisation de ce qu’il appelle ironiquement le mot en N. N pour nationalisation.
Nouriel Roubini, star montante de l’expertise de la crise, dont on sait qu’il ne mâche ni ses mots ni ses analyses, explique à l’occasion d’une conférence à Dubai tenue le 20 janvier, chiffres à l’appui, que le système bancaire américain est dans son ensemble virtuellement en faillite. En d’autre terme en banqueroute non déclarée.
Helmut Schmidt, ancien ministre des finances et chancelier allemand, vient de dresser dans l’édition du 15 janvier du Zeit le catalogue le plus contraignant et radical que je n’ai jamais lu des mesures qui devraient être prises pour que « plus jamais cela » ne soit pas une fois de plus proclamé en vain.
Willem Buiter, dans le Financial Times du 16 janvier, préconisait une nationalisation provisoire mais totale des banques rendant ensuite plus facile la création d’une bad bank pour y parquer leurs actif pourris.
Voilà ce qu’on appelle un tir groupé.
La collection d’experts qui précède est disparate, j’en conviens, mais les membres de cette dangereuse cellule invisible ont en commun d’être tous de dangereux révolutionnaires bien connus des services compétents. Des « services » comme on disait en URSS – l’appellation demeure en Russie – car on n’osait même pas les désigner par leur nom.
Tout cela n’a que trop duré, vive les solutions radicales ! Il faut en finir une fois pour toute ! Mais il faudrait tout de même que nos mêmes auteurs se penchent vite sur le détricotage des mesures qu’ils préconisent. Comment sans cela nous dépêtrerons-nous avec un système du crédit nationalisé ? Avec un monde financier atrophié, et donc impotent si l’on croît nos édiles ? Avec une poubelle de l’histoire remplie d’actifs pourris, que l’on ne pourra pas pour une fois décharger dans le Tiers Monde ?
Pour poser la question de fond, pouvons-nous vraiment reporter sur l’Etat la confiance qui fait aujourd’hui tant défaut entre financiers ? Cela serait bien la peine d’en arriver là, après avoir salué la chute du Mur et la ruée des camarades de l’Est dans notre monde de libre échange dont ils avaient tant rêvé.
« L’Etat c’est nous » a succédé à « l’Etat c’est moi ». Mais comment pourrait bien fonctionner cette appropriation ? Tout le problème est là.
52 réponses à “L’actualité de la crise : Le vilain mot commençant par « N », par François Leclerc”
« Pouvons-nous vraiment reporter sur l’Etat la confiance qui fait aujourd’hui tant défaut entre financiers ? » Je ne suis pas certain que ce soit véritablement un problème de confiance… Bank of America dit avoir un besoin urgent de 80 Mds$. Le problème n’est pas de savoir si oui ou non on peut avoir confiance dans cette banque, le problème c’est qu’elle est lessivée. Alors, qui va ouvrir son portefeuille ? Le Marché ? Pourquoi serait-il intéressé ? Quelles sont les perspectives en terme de profits à court ou moyen terme quand la déflation apparaît mois après mois comme un horizon économique fort probable pour les années à venir ? Si j’étais un investisseur, ça serait sans moi… Par ailleurs plane la menace – réelle ? – des fonds souverains qui pourraient être tenter de faire leurs emplettes. Bref, à part nationaliser tout ça, je ne vois pas trop comment s’en sortir.
Ce blog devient un nid de révolutionnaires! Si Helmund Schmidt s’y met aussi alors.. Mais j’y pense, les grands capitalistes ne seraient-ils devenus les plus virulents anarchistes, eux qui ont mis l’économie à feu et à sang…
Quand il faut nationaliser les pertes, les grands capitalistes deviennent tous des communistes ! Un phénomène bien étrange…
S’il s’avère que les banques sont insolvables, que leur passif est supérieur à leur actif et leur capital propre, alors qui pourrait empêcher la faillite à part les états. Aucune autre organisation aurait assez de temps et de moyens pour assumer les pertes, enlever les actifs toxiques, rétablir l’équilibre et puis ensuite revendre les banques redevenues saines et profitables, avec pour but principal l’intérêt commun et sans but lucratif particulier. Je ne vois pas comment et qui pourrait faire autrement.
L’important est de donner une bonne leçon aux dirigeants, conseils d’administration, gros actionnaires imprudents. Le bon sens conseille de ne pas récompenser les comportements imprudents, et s’il faut lessiver les actionnaires, effacer leur capital en action, NATIONALISER, alors qu’il en soit ainsi. Les prochains qui rachèteront les banques redevenues profitables seront avertis et ne commettrons pas les même erreurs. Certains optimistes iront même jusqu’à dire qu’au début ces opérations de renflouage seront couteuses, mais qui sait, avec le temps les banques pourraient se vendre à un très bon prix, voir même rapporter de l’argent lors de leur privatisation.
De toute façon on ne peut pas laisser tout simplement les banques aller à la faillite. On a vu ce que cela a failli donner avec Lehman Brothers (n’était ce pas Paul qui avait parlé d’arrêt cardiaque du système financier ?) , et c’était loin d’être la plus grosse banque. Si la faillite de Lehman était un test de stress du système pour voir s’il pouvait encaisser ce genre de dégâts, alors on connait la réponse, et on imagine ce que cela donnerait avec une liquidation de Citigroup, Bank of America, ça serait bien plus qu’un simple infarctus.
Maintenant il y a nationalisation et nationalisation,et s’il s’agit d’une simple intervention de l’état, avec des pertes peu importantes pour les banquiers et investisseurs, et l’essentiel supporté par les contribuables, on ne s’en sortira jamais.
C’est pas simple, certains disent que ce ne sont pas principalement les banquiers et investisseurs qui sont responsables, mais avant tout les politiciens, les législateurs qui ont permis une tel laxisme, qui ont tout dérégulé et qui en fait on bel est bien provoqué cette crise en changeant les règles, mais ceci est peut être un autre débat. Il faudra bien que quelqu’un paie les pots cassés, autant que ce soit les banquiers et les actionnaires en perdant le contrôle et les actions, et tant pis s’ils ne sont qu’un maillon de la chaine, un bouc émissaire, il serait illusoire de toute façon d’incriminer des responsables politiques j’imagine.
Ah, ils entendent donc finalement limiter leurs pertes en sacrifiant le contrôle « temporaire » des banques?
Qu’ils sont malins, ces fichus capitalistes dont les banques ne sont que des instruments dont ils peuvent se défaire temporellement pour ensuite les racheter assainis par le contribuable.
Je ne crois pas que la solution soit aussi simple!
Vous n’avez toujours pas lu « Emphyrio » de Jack Vance?
Ami Leduc, le problème, c’est que les bénéfices et les accumulations d’actifs fruits de l’abus du système de réserve fractionnaire pendant tant de temps ne se trouvent pas dans les entreprises du système financier… mais ailleurs. Et qu’on ne peut pas tolérer qu’ils les gardent et qu’ils rachètent les institutions financières une fois saines avec. Cela maintiendrait tout leur pouvoir dans les multinationales, tout en affaiblissant exclusivement les états qui seront dupes de la maneuvre…
J’ai comme l’impression que la plupart d’entre vous n’a pas envie de regarder en face toute la perspective de la situation… toute cette crise n’est depuis le début qu’une grande manœuvre orchestrée pour concentrer presque tout le pouvoir dans quelques grandes groupes multinationaux, tout en affaiblissant tous les états en alourdissant démentiellement leurs dettes.
La réponse est pour moi très simple : Si les états espèrent pouvoir devenir le « prêteur en dernier recours » de tout le système, en nationalisant les banques et pourquoi pas tout les opérateurs qui se trouveront en défaut de paiement (constructeurs automobiles, promoteurs…etc), ils feront tout simplement faillite à la place de ceux qui auraient du le faire, et nous en reviendrons à la case départ avec un problème encore plus grave (Cette fois les états seront devenus totalement impuissants ou inexistants et c’est la totalité du système qui sera en faillite).
Les réactions des ultras du keynésianisme style Krugman sont typiques de la psychologie des foules d’avant crise : Ils espèrent encore que les états seront capables de remettre l’économie à flot et de relancer le système absurde précédent basé sur la fuite en avant dans le crédit.
Pour cela, et vu que les ménages US ne sont plus du tout disposés à augmenter leur endettement il faudrait :
– Que l’état US compense le mouvement de reprise de l’épargne des ménages qui aura lieu. Un retour à un taux d’épargne normal de 6-7% correspondrait à 800 milliards de $ /an en moins pour la consommation chaque année.
– Que l’état compense le mouvement de désendettement des autres opérateurs (faillites compris). Il y a environ 30 000 milliards de dettes en excès dans le système US actuellement (pour en revenir à un ratio normal dette totale / PIB de 120-130%).
Répartis sur 15 ans, cela représente environ 2000 milliards / an
– Que l’état US déverse dans l’économie 3500 à 4000 milliards de $/an pour que le modèle de croissance précédent basé sur la fuite en avant dans le crédit puisse continuer. Ce chiffre correspond au montant de l’accroissement de la dette totale US observé entre 2005 et 2007, statistique Z1 de la FED…Dans le système délirant précédent (lui aussi un pur produit des « brillantes » idées keynésiennes), l’économie ne tenait le coup que grâce à une augmentation annuelle de la dette totale représentant plus de 25% du PIB.
Au total, cela représente plus de 6000 milliards / an (7 « plans Obama » ou 8 « plans Paulson » chaque année, ou encore un déficit public correspondant à 40% du PIB). Qui acceptera de financer un tel niveau de déficit ? Personne !
Et si l’état US s’avise de faire fonctionner la planche à billets pour remplacer ses créanciers qui ne voudront plus lui prêter de l’argent, le $ s’effondrera simplement, ce qui provoquera en retour un effondrement du pouvoir d’achat US.
Les théories keynésiennes à la Krugman sont dans le contexte actuel une impasse, et nous allons bien vite le constater !
« « L’Etat c’est nous » a succédé à « l’Etat c’est moi ». Mais comment pourrait bien fonctionner cette appropriation ? Tout le problème est là. »
La démocratie se situe sur la ligne de crête reliant les citoyens et leurs représentants; c’est un lien dynamique permettant de faire fonctionner « cette appropriation ». Ce lien fragile pour avoir quelques chances d’exister et de durer doit être le coeur organisé de la démocratie ;ainsi quand les parlementaires travaillent sur les grands thèmes touchant à l’avenir du pays et du monde ils doivent pouvoir travailler dans un cadre visible et participatif où experts et citoyens participent à ces travaux , cela à tous les échelons territoriaux; au lieu de cela ils nous offre le spectacle lamentable qu’on sait ; les grands médias (nous n’avons dans l’histoire jamais eu accès à de tels outils de communication) ne sont pas utilisés pour faire vivre ces travaux démocratiques ; l’appropriation de l’état par les citoyens c’est le débat public au coeur de la vie politique ; des milliers d’organismes , fondations, commissions, clubs de réflexion en France et ailleurs réfléchissent aux grands problèmes et font de la prospective …
Où est l’espace public permettant ce travail qui n’est autre que l’appropriation de l’état par les citoyens ?
Nous savons tous que nous vivons dans de vraies fausses démocraties qui sont des systèmes complexes pilotés mécaniquement par les serviteurs d’un paradigme de profit et au lieu de nous occuper de ce problème essentiel de la réappropriation politique, nous nous appliquons tous à proposer des solutions dans le cadre politique existant.
Une question essentielle et pour l’économie et pour la démocratie est la relation entre le local et le global ; actuellement la mondialisation se fait dans le sens de la domination du global au détriment du local ; c’est l’inverse qu’il faut faire : privilégier des entités locales ouvertes sur le monde.
Je ne vois pas d’autre chemin pour cette réappropriation.
En dehors des états personne ne se risquerait de mettre un centimes pour aider les banques .En conséquence c’est le seul moyen pour limiter la catastrophe .Toutefois ces deniers publics ne doivent être donnés que sous conditions.
1er :remplacement des dirigeants ,il me paraît inconcevable de laisser le soins de gérer ces établissements par des personnes qui sont à l’origine de la situation actuelle.Cela relève de la morale.
2ème :l’état devient actionnaire avec un droit de véto sur les décisons prises.Cela est tout à fait normal c’est l’argent des contribuables qui est investi .Désolé pour les ultras libéraux et anti état sauf s’ils sont en difficulté.
3ème : nomination des dirigeants par l’état avec des salaires raisonnables et sans commune mesure avec ce qui se passe actuellement
4ème suppression de toutes les primes parallèles versées aux salariés avec création de grilles se salaires transparentes dans chaque établissement.Ceci implique la suppression d’avantages en nature constituant un complément de salaire et suppression de la délivrance de stock-options
5ème :gel ou versement réduit de dividendes aux actionnaires tant que la situation n’est pas redevenu normal .Ce sont eux qui ont profités plus ou moins du système.on ne gagne pas à tous les coups.
6ème après redressement et revente par l’état de ses parts si un profit substantiel , à définir ,est réalisé .affectation de la plus value réalisée au remboursement de la dette publique.
Je pense que les Français accepteraient cette façon de faire au lieu de voire leur argent donné à des banquiers qui de toute façon recommenceront .C’est dans leur culture
@ Loïc Abadie
Votre solution ne semble guère, à court terme, tenable. Comment reconstituer un épargne sans alimenter davantage la déflation qui ôte à la monnaie son caractère de réserve de valeur, ce qui provoque en retour une diminution de la consommation et de l’investissement.
Le problème n’est pas le financement. L’inflation viendra diminuer les dettes publiques.
Selon vous, comment cette épargne que vous jugez nécessaire peut-elle être créee alors que, à mon avis, cette crise financière est une crise monétaire et une crise générale de la confiance ?
Facile!
prendre l’exemple de la stratégie d’Etat et de nationalisation de l’URSS
… et faire le contraire.
Garder la base de fonctionnement du capitalisme sauf pour des nationalisations transitoires.
Car le vrai problème sera comment engendrer un système nationalisé performant et productif en favorisant les motivations et les initiatives personnelles.
En fait la solution c’est d’avoir des systèmes nationalisés qui fonctionnent au niveau des ressources humaines comme un système libéral privatisé. Ceci permettra une flexibilité du travail indispensable, un contrôle de spéculation et une politique d’investissement coordonnée à l’échelle d’un pays où d’un continent.
Le risque c’est l’absence de concurrence (les situations monopolistiques d’Etat) et les aides indues pour certains secteurs.
D’où la nécessité que d’éventuelles nationalisations soient temporaires et sectorielles: uniquement le temps de réorganiser le système et de favoriser l’innovation.
Mais je suis opposée à des nationalisation uniquement pour éponger des dettes et si derrière il n’y a pas un code d’Ethique qui se pérennise sur le chemin d’une production innovante.
Tous ça bien sur en conservant (voir en améliorant) la démocratie qui est si chère aux Occidentaux: facile, prendre l’exemple de la Chine,
…et faire le contraire.
@A et à tous bonjour,
Ce n’est pas une crise financière ou économique, c’est une crise générale de tout notre mode de fonctionnement, que vous appelerez comme vous voulez : crise du capitalisme, crise de civilisation … (je ne trouve pas de mot qui recouvre ce que je perçois). Nous avons adoré le veau d’or, qui se révélé en plomb grosssièrement plaqué, au fur et à mesure qu’il fond.
Je n’ai pas compris que Loic Abadie proposait des solutions, mais présentait plutôt le dilemme (et les impasses) auquel les autorités, et nous mêmes sommes confrontés.
Pour ma part je suis convaicu que les nationalisations ne sont ou seront que le déplacement de pierres d’un jardin à un autre – les états se feront t’ils confiance ?
Pardon pour les fôtes d’orthographe, je ferai plus attention la prochaine fois.
la prise de participation de l’état dans le capital des banques ne constitue pas une nationalisaton mais l’entrée dans le capital d’une structure publique responsable devant la nation.La concurrenence entre les étabissements doit continuer et la gestion de ces établissements doit être privée.
L’entrée de l’état a pour but de moraliser le fonctionnement du système capitaliste qui doit être utilisé comme un outil et non comme une fin en soi.
@François 78
Je partage votre avis et il est dommage que ce blog ne se concentre que sur l’aspect économique.
@ Loïc Abadie,
Vous avez raison de mettre le doigt là où cela fait mal, les sommes gigantesques qu’il faudrait dépenser pour faire repartir un système à bout de souffle. Je suis estomaqué, en tant que simple citoyen, par cette valse des milliards qui semble entrainer dans sa frénésie tout les « décideurs », comme si le réflexe ancestral de dépenser parcimonieusement l’argent durement gagné à la sueur de son front était tombé depuis l’annonce des premiers plans de relance.
La société de surconsommation dont le moteur est le surendettement est à terre car les gens ne veulent plus ou ne peuvent plus dépenser à tout va et, ma foi,c’est une excellente nouvelle pour la planète et pour l’avenir. Laissons décanter, les vrais solutions alternatives arriveront en leur temps, si, bien sûr, elles existent…
Un optimiste
@ Loïc, Paul et Autres
Bonjour,
Nous avons bien compris vos messages à propos de l’impasse dans laquelle le monde se trouve. La réalité montre que vos analyses précédentes et vos prévisions à long terme se révèlent exactes. Cette réalité s’impose à de plus en plus d’analystes de divers horizons. Elles sont suffisamment justes à ce jour pour ne pas rentrer plus dans les détails. A ce stade, avoir tout juste à 90% au lieu de 85% n’est pas un plus, et il me semble qu’on tourne un peu en rond.
A côté de l’analyse des causes de la crise, de ce pourquoi les plans de relance actuels échouent (vont échouer) et de l’étude d’un modèle monétaire réformé, serait-il possible d’obtenir des pistes de réflexion et/ou un résumé clair de ce qui a déjà été dit, en ce qui concerne ceci :
Il me semble que c’est sur cela que notre cerveau collectif distribué doit plancher. Nous sommes devant un problème, relativement bien posé à ce jour. A ce stade, continuer à l’adresser en expliquant ses causes, ses conséquences et ce qu’on aurait dû faire pour ne pas en arriver là (et pointer les coupables du doigt), apporte-t-il encore beaucoup pour que le monde survivre à la crise en limitant les dégâts ?
PS : A noter qu’avant la relance, il y a une étape d’arrêt/stabilisation de la chute dont j’entends peu ou pas parler. Quand on est tombé en panne (1) on répare la machine avec les moyens du bord avant de (2) la remplacer par une plus fiable avec de nouveaux moyens. A mon avis, c’est un processus en 2 étapes.
Ce n’est pas les banques qu’il faut nationaliser, mais la monnaie
Comme le propose James Robertson dans « Monetary reform today » ( http://www.fauxmonnayeurs.org/articles.php?lng=fr&pg=57 )
Je rajouterais, comme le propose Maurice Allais : Tout financement d’investissement à un terme donné doit être assuré par des emprunts à des termes plus longs, ou tout au moins de même terme.
Pourquoi, en effet, ne pas élargir ?
Comment avons-nous bien pu nous mettre dans un tel pétrin a été la première question ? Comment allons-nous en sortir est celle qui domine actuellement, après que le diagnostic soit désormais à peu près établi ? Qu’allons-nous ensuite mettre en place comme mesures pour ne pas recommencer est naturellement la suivante ? Et ainsi de suite. Il n’est pas nécessaire de prendre les questions une par une, et on peut aussi passer à la dernière d’entre elles: et si on faisait autre chose, ce serait quoi ?
Dans le temps présent, en ce qui concerne la seconde question, les choses commencent à êtres entendues, un triptyque semble à grands traits se dessiner : bad bank (sous une forme ou sous une autre), nationalisations (plus ou moins étendues), création monétaire soutenue (pour résorber la dette). Le principal problème sera l’ajustement international de décisions nationales qui partent un peu dans tous les sens avant de devoir confluer. Cela se fera, car il n’y a pas d’autre solution.
Les déclarations générales fleurissent par aileurs, quand il reste du temps et du souffle pour les faire, certains voyant dans la crise la fin du capitalisme, déjà tant de fois annoncée et toujours réaffirmée, d’autres un assez mauvais moment à passer, fondant leurs vœux sur l’émergence d’une bonne régulation. Le prochain enjeu des discussions, à ne pas en douter, quand l’incendie sera enfin éteint, on ne sait pas trop bien ni quand ni comment.
Car c’est à ce moment-là que risquent de se révéler certaines contradictions d’intérêt. Les financiers vont faire valoir que leur contribution est indispensable pour la monnayer. Que les instruments financiers tant décriés seront désormais sous contrôle sans exagérément les brider, que sans eux rien n’est plus possible, que la confiance est revenue, sous-entendu que l’on peut à nouveau leur faire confiance. Ils partagent avec les Etats le contrôle de l’argent, mais la consanguinité est reine.
Personne encore, faute sans doute de pouvoir se représenter ce qui était il y encore si peu inimaginable, ne s’aventure à décrire le paysage qui sera le nôtre lorsque les canons se seront tus. Les uns voudraient pouvoir rêver à ce que soient pris en compte les exigences de justice sociale qui sont les leurs, assorties dorénavant d’une nouvelle réflexion sur celles de la planète. Une nouvelle approche, en gestation, de notre modèle de développement économique et de société. Les autres rêvent à ce que « tout redevienne comme avant », mais en mieux. Le paradoxe est que ce sont les plus rêveurs, les derniers, qui risquent d’avoir raison, notamment parce que la réflexion des seconds ne touche encore que des cercles trop restreints, bien qu’elle se diffuse. Et que les premiers ne l’entendent pas comme cela.
Les interrogations ne manquent donc pas, ce qui est tout de même un énorme pas en avant. Mais, pour détourner la célèbre phase de Bertolt Brecht, « le ventre est encore fécond d’où est sorti la bête immonde ».
Les mots en « isme », usés pour avoir été trop sollicités, ne sont plus de saison. Donc, pour ne pas encore les employer, rappelons que le philosophe a dit «de deux choses l’une, la troisième » et que cela peut toujours servir. Cette chose-là est-elle immanente, pour s’appuyer cette fois-ci sur Spinoza, le « prince des philosophes » selon Deleuze ?
Le vilain mot commençant par N ne me fait pas peur en tant que tel. Une entreprise N par çi ou par là, bof ça peut être
utile pour sauver de la valeur, de l’emploi.
Par contre ce qui est beaucoup plus inquiétant c’est lorsque cette pratique tend à se généraliser dans un contexte de crise.
On rentre ici de plein pied dans le domaine de la consolidation non pas de l’économie , mais du pouvoir.
Pouvoir qu’on justifiera de plus en plus étendu et incontestable en raison même de la crise.
Il ne sera plus loin alors le temps où certains voudront se faire proclamer (ou seront proclamés) « Homme Providentiel ».
Autre constatation, l’évidence de la crise est datée de juillet 2007 (même si les plus clairvoyants l’annoncaient depuis
un certain temps). Les grandes officines financières ont « résisté » environ 4 trimestres et en octobre 2008 ont dû passer la main aux états. Ces derniers ont commencé à vider leurs poches mais généralement moins riches que le privé ne
tiendront sans doute guère plus que 2 voire 3 trimestres. L’actuel appel de fonds (janvier 2009) est de fait beaucoup plus
douloureux, mais il reste encore pas mal de cochonneries à digérer, sans doute au moins jusqu’à octobre 2010 pour le plus bas (il faudra bien 3 ans pour nettoyer +/- 12 ans de gros excès) et octobre 2009 pour le plus intense (on va essayer de nettoyer vite).
aux états.
@ Francois Leclerc
Elargir en allant au fond des choses?
La solution est ds l’interférence de deux dialectiques permettant de légaliser, codifier des processus minimaux de légitimation, l’axiologie d’une part, et la sociologie d’autre part. Ceux qui sans pouvoir sur eux-mêmes de ne pouvoir supporter ces lois minimales ne pourraient prétendre à aucun pouvoir sur autrui quel qu’en soit le domaine. Ce ne sera pas simple je vous l’accorde, mais je vous assure que d’une part ce sera possible, d’autre part que je ne vois pas d’autre solution cohérente permettant à chacun de rester libre, mais d’une liberté resultant de ce processus dialectique axiologique.
Une porte d’entrée possible à cette façon de poser le pb: « http://pagespro-orange./fr/bcc/Axiologie.htm »
http://pagespro-orange.fr/bcc/Axiologie.htm
les états et banques centrales n’ont plus les moyens…
http://blog.crottaz-finance.ch/?p=943
la sériation naturelle P1=> P2=> P3=>………………………Pn n’a pas de limite ds le tjs plus de jouissance. le seul truc qui puisse en chacun l’autolimiter est sa propre faculté éthique.
le petit jeu social à reconstruire est donc de codifier le plus gd nbre possible de mises en situation (en tous domaines) permettant de de ‘voir’ opérer ce filtrage éthique implicite.
Lorsque les politiques – après formation – s’intéresseront à cette stratégie d’un vivre ensemble, alors, nous aurons changé de civilisation, et nous ne serons plus soumis au « bon vouloir » (!!!!) intéressé des petits speculateurs destructeurs, inhumains.
J’ai de plus en plus la nette impression que de toute façon, nous n’avons pas le choix. La nationalisation des entreprises essentielles à l’économie va s’avérer une évidence, et il me semble qu’il n’y aura aucune alternative, nous n’aurons absolument pas le choix. La forme de la nationalisation, de l’intervention de l’état pourra varier quelque peu sans doute d’un pays à l’autre, mais le principe est là.
De toute les fausses bonnes solutions à la crise, c’est sans doute la moins pire de toute.
Sauf bien sur, si on veut tenter une expérience économique et laisser les banques faire faillite les unes après les autres, juste pour rigoler un peu et voir quel sera l’impact sur le fonctionnement du reste de l’économie…
Évidemment, nationalisation ou autre solution, il y a fort à parier que c’est l’état qui va s’en occuper, et quand on dit l’état, en fait il s’agit de nous les contribuables qui allons payer. Alors autre question, est-ce qu’on va augmenter encore d’une manière significative les prélèvements avec un risque de faire ralentir encore plus une économie qui ralentit déjà faute de pouvoir d’achat, ou alors va t’on recourir à la presse à billet avec inflation à la clé.
Bonjour !
@tous
SVP, faites le PETIT effort de clavier de mettre une majuscule au mot « Etat ».
Plusieurs arguments pourraient être avancés (confort de la lecture, respect de la langue…).
L’essentiel semble pourtant résider dans le fait trivial que, sauf extraordinaire (extra-ordinaire), l’Etat abrite, dépasse, englobe, transcende les autres constructions humaines, sur les quatre plans des buts, des moyens, des perceptions et des actions, dans le temps et dans la visée. Il est, dans notre monde actuel, l’émanation reine du collectif. En langue française, il prend une majuscule.
Ceci rejoint plusieurs des commentaires précédents : l’économique, pour incontournable qu’il soit, est évidemment lié, entre autres et de diverses façons, au politique. Quoi que le droit ait permis aux multinationales (voire aux milliardaires) de devenir, l’Etat-nation est l’émanation du collectif. Les milliardaires sont enterrés, incinérés, formolisés ou cryogénisés (au choix du quidam) dans son espace, dans son sol.
Illustration de la problématique sous-jacente à ce modeste point d’orthographe (mais il y a là aussi et surtout du symbolique) : doit-on (peut-on ?) « gérer un pays comme une entreprise » ? Que vous soyez à titre personnel (ah, querelles de mots en perspective…) libéral ou progressiste, UMP ou PS (ou autres), « de gauche » ou « de droite » (ah, la belle querelle….), cette question intéresse les lecteurs de ce blog, n’est-ce pas, M. Jorion ?
L’Etat-nation est une organisation sociale d’une nature spécifique, irréductible aux structures familiale, économique ou idéologique. La notion d’intérêt général, entre autres, y est historiquement centrale, au moins dans le cas du droit français.
Longue vie et forte diffusion internationale à ce blog hautement chronophage !
Et Bonne année à toutes et à tous 🙂
Pour reprendre l’aphorisme du Prince des philosophes, c’est un peu court d’opposer un laisser-faire total à une administration centralisée.
Il y a bien d’autres possibilités intermédiaires ou de dépassement.
Oui, il est nécessaire de préserver la liberté de chacun des individus, à condition qu’il ne remette pas en question la liberté des autres.
Oui, il est nécessaire de maîtriser l’économie politique pour éviter qu’elle nous maîtrise et nous fasse perdre toute liberté (situation qui est la nôtre aujourd’hui : nous ne savons pas où nous allons, mais nous sommes sûrs d’y aller).
Le financement public des projets librement proposés par les individus doit s’inscrire dans un plan incitatif qui fixe les priorités que démocratiquement une collectivité se donne.
La maîtrise de l’économie politique (« l’économie » est une abstraction vide de sens) suppose un contrôle a posteriori des résultats des décisions d’investissement et des réalisations par rapport aux objectifs.
Chaque échelon territorial doit avoir son plan indicatif et son système de contrôle a posteriori. Et être maître de la gestion démocratique de son financement : sources, utilisation, résultats.
Ainsi, il est possible d’envisager autre chose que l’anarchie prédatrice du laisser-faire et l’autoritarisme de la bureaucratie centralisée. Aujourd’hui nous avons les deux en même temps : chaque acteur fait ce qu’il veut en fonction de ses intérêts immédiats et l’ensemble est sous le contrôle d’un petit nombre (de plus en plus petit) d’acteurs (multinationales, banques mondiales, états possédant des ressources particulières et/ou la puissance militaire…).
Remarque : Revente par l’état d’une entreprise ou d’une banque après renflouement public est le mécanisme central utilisé par le capitalisme depuis deux siècles, nous voyons qu’à chaque crise cyclique de celui-ci les sommes en jeu sont de plus en plus grandes. Il semble bien que cette fois elles atteignent quasiment le monde entier… et si on continue dans la même logique, on peut être sûrs que la prochaine fois il ne restera rien après la crise financière, économique, écologique, sociale, politique et anthropologique. Dix, douze ans ? devant nous ???
@Stilgar
Et sur quels critères les banques centrales décideront-elles dela quantité de monnaie à mettre en circulation ?
@ tout le monde
La main invisible du marché est morte. Nos élites ont cru à ce mythe que des scientifiques ont relayé. Nous nous apercevons du caractère mythique de ces récits. La question que je me pose maintenant est la suivante : qu’est-ce que la science en quelles sont les paroles, qui se prétendent scientifiques, qui peuvent être prises pour vraies ? Bref, je traverse une crise métaphysique et je me demande si nos experts ne sont pas in fine, des sorciers.
Ce que j’écris me fait rire mais c’est une interrogation sincère et sérieuse.
« « L’Etat c’est nous » a succédé à « l’Etat c’est moi » »
Je ne vois pas ce qui vous fait dire cela. L’État n’a jamais été que la somme de ce que nous avons abandonné en terme de vie collective. Que l’État soit une chose extérieure à nous, sur laquelle nous n’avons aucun poids et surtout à présent à laquelle nous n’avons rien à opposer, est une réalité tangible qui peut être ressentie par n’importe qui d’entre nous au quotidien.
Il serait ainsi bien illusoire de vouloir opposer l’État aux banques privées. Les deux sont des entités qui échappent à notre contrôle, pas seulement à cause de leur fonctionnement intrinsèque, mais parce que nous l’avons voulu et continuons de le vouloir. La division du travail (on peut même parler de parcellisation) n’est pas étrangère à ce phénomène, tout comme notre vision du monde qui la motive.
A. dit :
23 janvier 2009 à 12:43
@ tout le monde
« »Bref, je traverse une crise métaphysique et je me demande si nos experts ne sont pas in fine, des sorciers.
Ce que j’écris me fait rire mais c’est une interrogation sincère et sérieuse. » »
Mais alors, pourquoi les machines fonctionnenent-elles? Il faut se fier à ce qui fonctionne pour un usage de service et connaître le plus possible où en sont les – limites -.
Ce sont ces « oublis » qui font divaguer un certain nombre qui, hélas, ont de l’audience (!!). Outre des scientifiques, nombres d’économistes et de financiers sont dans ce lot.
Tous les commentaires convergent vers le fait que l’on va bien vers des nationalisations étendues, car il n’y a pas autre chose à faire. Sauf pour Gérard qui fait un distinguo qui m’échappe. Aucun d’entre vous, ou presque, ne se fait d’illusion sur le fait que ce sont les contribuables qui payeront à l’arrivée. Sauf Leduc qui évoque un « partage des dettes », sans en clarifier le mécanisme, qui serait incontestablement le bienvenu . Je rajouterai que l’inflation touche aussi, et beaucoup, les non imposables et que les « tax payers » ne seront pas les seuls sollicités.
Loïc Abadie évoque une possible faillite des Etats, il est sans doute préférable de s’en tenir à ce que certains puissent faire défaut et soient secourus (FMI, etc…). Dans sa respectable croisade contre le « keynesianisme », dont l’application serait à la source de cette faillite, il s’interroge sur ses conséquences.
Il me paraît plus probable, à l’éventualité d’une réduction drastique des revenus des ménages résultant de la reconstitution d’une épargne (forcée ?), que nous reviendrons à la bonne vieille «économie de la dette ». Avec d’un côté le risque d’une récession provenant d’une diminution de la consommation (70% de la croissance américaine), de l’autre les nouveaux délices de la fuite en avant. C’est comme si le choix était déjà fait. A. le souligne à juste titre, me semble-t-il.
Nationaliser la monnaie ? Pour aborder le sujet lancé par Stiglar, je dirais honnêtement que je ne suis familier qu’avec la nationalisation du crédit et que celle des banques, même provisoire, est en tout cas un bon début.
Que va–t-il sortir de cette crise, demande Leduc ? Une augmentation des prélèvements pesant sur la croissance ? Il me semble probable que quatre phénomènes vont se conjuguer : la poursuite de l’accroissement des inégalités dans la répartition des revenus, la relance du crédit pour la contrebalancer, des prélévements relativement alourdis dans les budgets des ménages, en raison de l’inflation, et de nouvelles aides sociales plus ou moins parcimonieuses, pour faire matelas. Ceux qui utilisent cexpression n’ont jamais dormi par terre.
Comment collectivement prendre en main notre propre sort ? Il serait certainement intéressant que ce débat puisse se poursuivre d’une manière ou d’une autre, vu les contributions qu’il suscite. Pour ma part, je suis tenté de rechercher dans nos sociétés les indices d’une alternative à ce qui nous régit actuellement, supposant qu’elle s’y trouve en gestation, ce qui ne signifie pas que son avènement soit réglé comme du papier à musique. Mais à chacun sa démarche. Que le capitalisme soit le « mode de production » ultime de l’histoire des sociétés humaines serait tout de même contraire à tout ce que nous pouvons observer en en remontant le temps.