magnum écrit :
A mes yeux, une bonne économie fixerait des valeurs « justes » à des biens/services/autres. Il est difficile de définir le mot ‘juste’ dans ce cadre mais on peut déjà imaginer certains axes :
1- à niveau de bien égal, valeur égale
2- valeur dans des proportions ‘raisonnables’ par rapport aux coûts de production
3- loi de l’offre et de la demande fonctionnant entre les « vrais » vendeurs et les « vrais » acheteurs (et pas une foultitude de men in the middle qui n’ont rien à voir ni avec la production, ni avec la consommation)
4- le résumé presque : le bon sens.Mais aujourd’hui, il est très difficile d’appréhender ces valeurs car non seulement la masse de bien/services/autres varie perpétuellement mais aussi la monnaie, et dans les deux cas, dans des proportions qu’il est difficile de mesurer. Aussi, la masse monétaire totale ne représente pas la masse de richesses totale. C’est une donnée en roue libre, alors que cela devrait être notre principal outil pour mesurer les variations de richesses (bien/services/autres). D’ailleurs nous n’avons pas d’autre outil et nous sommes dans le brouillard.
Voilà donc mon idée : à un moment T, nous créons une nouvelle monnaie (le mundo ?) mondiale dont la particularité serait que l’on figerait la masse de manière définitive. Par exemple, le 1er janvier 2015, nous créons 10^15 (10 puissance 15) mundos. Et cette masse ne varierait pas dans le temps. En 2030, il y aurait toujours 10^15 mundos sur terre. Ainsi, plutôt que d’avoir 2 variables qui fluctuent (valeurs et monnaie), nous n’en aurions plus qu’une. Un mundo serait ainsi, à n’importe quel instant, 1/(10^15) de l’ensemble des valeurs mondiales (faisant parties de l’économie, j’entends).
Oui, cela résoudrait un certain nombre de problèmes : cela tiendrait compte en particulier de la nature limitée de notre planète. L’unité monétaire qui serait divisée en plus petites unités serait 1 pour « une planète ». L’idée est apparentée à celle de « monnaie fondante ».
Figer la masse monétaire implique aussi de définir quelle masse monétaire : certainement pas M0 qui ne représente pas grand-chose, plutôt M3 – mais cela obligerait de résoudre la question des multiples « doubles emplois » que supposent M1, M2, M3 – ou mieux encore : une nouvelle définition de la masse monétaire dans la perspective précisément où le monde est limité et vise à un état stationnaire (sans dégradation) dans une cadre de développement durable.
À creuser certainement, ce qui explique pourquoi j’ai fait, cher magnum, de votre commentaire, un billet à part entière. Pour lui offrir son espace de discussion propre. Vous ne vous êtes en tout cas pas trompé de blog : vos méninges vont être mises à rude épreuve ! Bon courage !
47 réponses à “Une masse monétaire, pour une planète”
Bonsoir,
Une remarque qu’il me semble importante :
« dans la perspective précisément où le monde est limité » oui!!!!!
« et vise à un état stationnaire (sans dégradation) » Alors là pas du tout…
Il serait tant que l’on intègre enfin les travaux de Sadi Carnot (1796-1832) au système économique.
Et notamment le second principe de la thermodynamique :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Deuxi%C3%A8me_principe_de_la_thermodynamique
http://fr.wikipedia.org/wiki/Energie_libre
Comprendre ce principe, c’est comprendre que l’état stationnaire n’existe pas.
Au contraire toute transformation thermodynamique réelle (comme toutes celles opérées par tous les systèmes économique) conduit à une perte d’énergie que l’on appelle entropie. Cette forme d’énergie est irrécupérable.
Ce qui fait que le recyclage infini est un mythe, et par conséquent, concevoir une économie à l’état stationnaire n’a pas de sens. Non seulement la masse monétaire devrait évoluer au cours du temps mais même décroitre en fonction de la quantité d’entropie générée. Seul se pose la question de la pente.
Monnaie unique =
fin de la spéculation sur la parité, enrichissement totalement injustifié
suppression d’un étage de complexité dans les échanges
mise à un même niveau de départ des économies
fin de l’hégémonie du dollars et du système de fuite en avant du crédit (chacun doit travailler pour vivre)
J’y vois un très important vecteur d’égalité entre les nations.
L’idée n’est pas neuve et j’y souscris, mais adossé à un véritable pouvoir de gouvernance démocratique international et non livré à des groupes d’experts désignés, non représentatifs plus ou moins indépendants.
Par contre s’interdire d’augmenter ou de diminuer la masse monétaire revient à se priver d’entrée de la souplesse de moduler la capacité d’anticiper la création de richesses et donc l’investissement en fonction des besoins et contraintes socio-écologiques.
En première analyse 😉
@Shiva
J’aimerai bien savoir comment vous définissez « richesses » ?
cette monnaie existe déjà. c’est l’or !
le reste n’est que papier et vent !
“et vise à un état stationnaire… »
Ah, la vieille lune « statique »… A chaque fois, cela me fait irrémédiablement penser à Einstein et sa fichue constante cosmologique. Comment un scientifique, donc à priori rigoureux, a introduit un terme mathématique (Λ) dans le seul but de ne pas remettre en doute sa conception de l’univers « statique » (alors que lui-même, avec ses quantas, avait sans vergogne « bousculé » la science qui considérait que la lumière se propageait grâce à l’éhter). En 1929, quand Hubble découvre le décalage vers les grandes longueurs d’onde des raies spectrales (le Redshift), synonyme d’expansion de l’univers, Einstein mange son chapeau et déclare que l’introduction de cette constante cosmologique est l’erreur de sa vie.
Et l’histoire aurait pu s’arrêter là… Sauf que 60 ans plus tard, on s’aperçoit que non seulement l’univers est en expansion, mais que cette dernière s’accélère. Patatra, on remet la constante cosmologique au goût du jour! Elle permettrait dans le cadre d’une métrique FLRW (Friedmann-Lemaître-Robertson-Walker)de définir une fonction variable qui associe un seul nombre à chaque point de l’espace (un champ scalaire) pouvant s’opposer à la force gravitationnelle : l’énergie sombre est née, la constante cosmologique est réhabilitée.
Bref, quel est le lagrangien de notre système monétaire réformé?
@ Crystal, une idée?
Le développement durable ? 🙂
… en tant que principe de moindre action, ou de principe de conservation de l’énergie, oui. On pose l’équation de départ : Action = masse x vitesse x espace topologique.
« Lorsqu’il arrive quelque changement dans la Nature, la quantité d’action employée pour ce changement est toujours la plus petite qu’il soit possible ». (Maupertuis)
Quelqu’un à des briques et du mortier pour ériger un mur de Planck?
Il faut encore une administration pour gérer cette masse de sous et billets. Ce qui lui offre un pouvoir mondial, pour une monnaie mondiale.
Je suppute un risque de glissement de terrain sur cette faille. Il suffit d’instants d’inattention des non-spécialistes, et vous aurez offert le pouvoir aux personnes qui diront : c’est une affaire de spécialistes, continuer à regarder ailleurs.
De plus, on peut rebondir sur la remarque de @Julien Alexendre, et le prendre au pied de la lettre avec l’énergie du vide quantique. C’est une énergie ! Nous n’y comprenons encore rien, mais comme il existe des ingénieurs financiers qui disent : « il n’y a que des solutions ! », trouvez comment ça marche, et vous vous rappellerez, que, historiquement, il y eut une période charbon, se superposant avec une période pétrole … et la suite !
Aujourd’hui notre monde est clos, et il ne fait aucun mal de le développer en harmonie, puisque ceci à lieu au profit de tous, plutôt que de quelques-uns.
Mais savez-vous déjà le genre d’exploits techniques qu’on accomplit avec les tores pour la fusion nucléaire. Avec les lasers mégajoules. Tiens ! Ça ce sont les braves militaires, utiles sans le faire exprès. D’ailleurs Dick Cheney ne devait pas être au jus, sinon il aurait confisqué les clés et serait parti avec.
Le monde est fini à technologies constantes. Nous ne sommes pas à technologies constantes !!
Il y a d’autres moyens, pour que certains ne se fabriquent pas d’hégémonie en relation avec la monnaie. D’ailleurs, je ne vois pas ce qui en empêcherait l’accumulation dans les mains de certains. Ceux qui s’occupent du mouvement des flux et vérifient que la masse n’augmente pas, par exemple.
Une masse monétaire finie pour une monnaie universelle ? Là, l’idée est vraiment originale. Sa valeur d’échange ne devrait pas cesser de s’apprécier, ce qui provoquerait une tendance constante à la décroissance, tant que des monnaies de substitution n’auront pas émergé de l’ingéniosité humaine, et tant que l’espèce acceptera un mode de vie constamment frugal. Le dommage collatéral d’une monnaie qui ne s’érode pas, c’est la concentration de la richesse qui en résulte. Mais sans aller jusqu’à une masse monétaire constante, le pilotage « malthusien » de son évolution pourrait peut-être permettre de contenir la croissance économique dans des normes compatibles avec l’écologie de la planète. Evidemment, cela suppose des règles de vie assez strictes, et aussi l’appareil policier pour les faire respecter…
JJJ écrit » Sa valeur d’échange ne devrait pas cesser de s’apprécier, ce qui provoquerait une tendance constante à la décroissance, »
… je crois hélas qu’il n’y aurait aucune relation de cause à effet, puisque justement sa valeur d’échange va s’apprécier: c’est le seul effet qu’aura une monnaie en quantité fixée et invariable (il en serait de même pour l’or si on arrêtait d’en extraire).
Mais au dela de cela, pour moi cette idée de monnaie mondiale ne tient pas debout tant que les salaires, les règles fiscales et les régles sociales (et je dirais même la productivité), ajoutés à une « mondialisation » de toutes les ressources épuisables, n’est pas sensiblement similaire dans toutes les zones. Il suffit de voir comment, à l’heure actuelle , l’euro est fragile (sont « explosion » commence à être envisagé comme possible) , les pays les moins « performants » ne pouvant adapter la valeur de leur monnaie par rapport aux autres (exemple Grèce / Allemagne).
Peut être que si la valeur de la monnaie mondiale était une fonction de l’heure de travail ? et encore …
PS @Paul
Il n’y a pas de “doubles emplois” entre les différentes masses monétaires, aucune monnaie n’est comptabilisée deux fois: quand de la monnaie quitte un agrégat elle est soustraite… et ajoutée dans l’agrégat qu’elle rejoint.
je n’y connais rien en finance, ni en économie, ni en thermodynamique, etc (et je ne pense pas être un cas isolé sur cette planète), mais cette idée de monnaie unique me plait parce ce qu’elle constituerait un pas en avant vers la simplification d’un système trop difficile à appréhender par la majorité des humains. Je crois aussi que la simplicité ne s’obtient qu’ après moult réflexions (Il y a quelques semaines, Paul Jorion parlait de 5 ou 10 ans pour aboutir à une constitution de l’économie).
Oups,
Je n’avais pas compris que la valeur de cette monnaie était variable.
Dans ce cas je me pose cette question :
« Quelle est la différence entre une monnaie à valeur fixe et quantité décroissante, et une monnaie à valeur croissante et quantité fixe ? »
@barbe toute bleue
Ce qui me pose soucis avec ces technologies c’est le coté « centralisateur ».
Je m’explique : je crois de moins en moins à la capacité des structures verticales de s’occuper correctement du bas de l’échelle. Ce type d’organisation conduit à concentrer énormément de pouvoir entre peu de mains, avec les dérives que cela peut impliquer. En cela, je ne suis pas très chaud pour l’utilisation de ces technologies hétéronomes.
Je préfère les technologies, donc autonomes, qui permettent à chacun de produire son énergie et de se rendre indépendant de ces grandes structures. Cela participe un peu à la relocalisation de l’économie par la relocalisation de la production d’énergie.
Et de manière analogue, je suis très méfiant vis à vis de la création d’une monnaie mondiale qui je pense peut conduire aussi à de nombreuses dérives. Je ne crois pas du tout à la possibilité d’une régulation efficace. Pas que ce soit techniquement impossible ! Je suis pas du tout spécialiste, mais j’imagine qu’il doit bien y avoir moyen de trouver des règles du jeu qui rendent cette monnaie intéressante. Ce qui me rend très méfiant c’est plutôt que la finance a fait preuve jusqu’ici d’une inventivité folle pour contourner ces règles, faire pression sur les organismes de contrôle, etc… Le contrôle de cette monnaie unique risque de s’établir comme un objet de lutte de divers champs sociaux (pas que la finance). Est-ce qu’une monnaie unique pourra résister à ces attaques ?
Il me semble que des monnaies locales fondantes interconnectées entre elles (P2P quand tu nous tiens…) me semblent bien plus robuste. De la même façon une monnaie locale encourage à consommer ce qui est produit localement, minimise ainsi les flux de matières, l’entropie, etc…
Le concept de fixer la masse monetaire aux richesses tangibles/reelles semble être vraiment sensé. Partant du « cela tiendrait compte en particulier de la nature limitée de notre planète », et du « où le monde est limité et vise à un état stationnaire (sans dégradation) dans une cadre de développement durable »; ce qu’à mon avis n’est pas du tout encore quelque chose de certaine ou acquise (le cadre de développement durable) – et sachant qu’une bonne partie des richesses aujourd’hui comptabilisées comme reelles résident dans des resources naturelles à exploiter, et qu’une fois exploitées et consommées/brullées n’existeront plus, j’imagine même un système monetaire où la masse commence figée, mais sous le risque de diminuer dans la mesure de la consommation/dégradation de l’environnement. Dans ce cas la, ce serait un pays entier – le monde entier en fait – qui « payerait » (et du coup se sentirait directement concerné/responsable) pour la combustion des resources de notre planète. Et dans ce cas la, le gouvernement, l’industrie et la société civile auraient autant d’intérêt de trouver des solutions pour l’éviter. Un concept bien different du n’importe quoi de celui qui est aujourd’hui une tendance à fort croissance: les « carbon footprints », dans le sense où c’est le consommateur final seul qui prend toute responsabilité morale et financière pour toute dégradation/irresponsabilité environnementale, pendant que l’industrie et les gouvernements continuent à s’en ficher royalement, motivés par des intérêts que l’on connaît bien. Bref, on se ferait peut être moins avoir.
Merci à Paul Jorion d’avoir donné autant d’importance à cette idée. Je n’avais pas imaginé qu’elle susciterait autant d’égard.
J’avoue avoir une analyse un peu différente de cette idée et je suis surpris pas les conséquences que certains y voient.
L’avantage principal que j’y vois est de poser, dans la définition même de la monnaie, un axiome. Un « mundo » vaudrait, par définition, 1/(10^15) de l’ensemble des ‘valeurs mondiales’ (que je définirais par l’ensemble des biens/services/autres dont la vente passe par le système économique). Dans le débat sur la monnaie, j’ai retenu qu’il manquait justement ce genre de définition pour construire un raisonnement et une analyse solide. Et quelque part, c’est une alternative (comme le laisse entendre crofin plus haut) à la définition de la monnaie via l’étalon or. Je fais d’ailleurs remarquer que plusieurs analystes (de tête, il me vient Rocard) estiment que l’origine de cette gargantuesque crise actuelle vient de 1971, où, sous Nixon, les USA ont abandonné l’étalon or.
A mes yeux, cette idée permet juste de mettre un repère lors de la définition d’une mesure (je voie la monnaie essentiellement comme une mesure). C’est un peu comme pour les degrés Celsius, on met dans la définition de la mesure des repères (qui sont moins subjectifs que pour les degrés Fahrenheit) : passage à l’état solide et gazeux de l’eau, dans certaines conditions de pression. Ou encore mieux, un exemple plus proche, les moles qui ont permis de définir la quantité de matière en passant par une constante arbitraire, mais fixée précisément (http://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre_d'Avogadro).
J’ai donc l’impression que fixer la masse monétaire apporterait une stabilité encore meilleure que l’étalon or car elle en supprimerait certains inconvénients. La masse d’or mondiale fluctue, l’or est nécessaire pour réaliser certains biens et les grosses réserves fédérales d’or perturbent fortement ce marché : c’est donc un mauvais étalon. On attends d’un étalon ou point de repère, par définition, une constance parfaite. Je m’essaye encore à une métaphore : imaginez un phare mouvant, les marins apprécieraient guère.
D’autre part, je ne pense pas que cela irait nécessairement de pair avec une croissance nulle. Juste les conséquences de la croissance serait différentes. Plus les ‘valeurs mondiales’ augmenteraient, plus la valeur moyenne chuterait. On voit bien l’impact que cela aurait sur l’équation MV = PQ (http://fr.wikipedia.org/wiki/Masse_monétaire), si M devenait une constante.
Par contre, cela enlèverait aux états/unions le pouvoir de faire grossir la masse monétaire (« faire tourner la planche à billet »). A voir si cela est un pouvoir ou une contrainte. Sûrement les deux à la fois, ça ne me semble pas n’être qu’une solution.
@magnum
Alors je repose cette question, que j’avais déjà adressé à Shiva, pouvez définir « valeurs mondiales » ?
J’aimerai que l’on définisse précisément les termes que l’on utilise pour pouvoir débattre.
@Crystal
Je m’y essaye en début de commentaire : « que je définirais par l’ensemble des biens/services/autres dont la vente passe par le système économique »
Voilà on y est.
Pour moi cette monnaie ne doit surtout pas être indexée sur cette définition. Lorsque vous définissez la valeur de cette façon, vous adossez cette monnaie sur l’activité humaine. Alors qu’elle devrait être connecté à la physique !
En gros exit le PIB. Ce petit article pédagogique je pense vous convaincra :
http://www.manicore.com/documentation/serre/decroissance.html
Ce que propose Paul me semble donc bien plus approprié:
« Oui, cela résoudrait un certain nombre de problèmes : cela tiendrait compte en particulier de la nature limitée de notre planète. L’unité monétaire qui serait divisée en plus petites unités serait 1 pour « une planète ». »
@Crystal
Laissez le temps de la réflexion…
Hier je pensais à biens + services mais pas la monnaie
@Shiva
Excusez-moi…
J’ai suivi le débat sur la monnaie avec beaucoup d’intérêt.
Maintenant que l’on passe aux propositions et que j’ai du temps, je me passionne pour ce sujet.
Sur le PIB, morceau choisi de l’article de Jean-Marc JANCOVICI :
Le produit intérieur brut de l’humanité s’est élevé en 2007 à environ 40 000 milliards d’euros. Pour permettre cette production de biens et services de toute nature nous avons :
consommé (donc détruit) environ 3,9 milliards de tonnes de pétrole, à peu près 2,4 milliards de tonnes équivalent pétrole de gaz, et 6,3 milliards de tonnes de charbon (source : BP Statistical Review),
émis dans l’atmosphère environ 50 milliards de tonnes équivalent CO2 de gaz à effet de serre, dont une partie va y rester des milliers d’années,
utilisé (donc détruit) un milliard de tonnes de minerai de fer, et de quelques milliers de tonnes à quelques centaines de millions de tonnes pour les autres minerais (du cuivre à l’indium, en passant par à peu près tous les éléments du tableau de Mendeleïev),
déforesté entre 10 et 15 millions d’hectares de forêts (sur une superficie mondiale qui fait à peu près 3,6 milliards d’hectares),
et encore artificialisé quelques dizaines de milliers de km2, supprimé des espèces vivantes, acidifié un peu l’océan, réduit certains stocks de poisson, diminué la banquise, rendu obèse un peu plus de monde, et la liste des « moins » vous aura endormi(e) avant qu’elle ne soit terminée.
Question : à partir de quelles valeurs pour tout cela est-ce que nous nous fourrons le doigt dans l’oeil jusqu’au plexus en pensant que nous nous enrichissons ? Car le véritable enrichissement n’est acquis que si la valeur marginale des biens que nous avons créés en 2007 (c’est-à-dire le PIB de l’année) est supérieure à la valeur marginale des stocks « naturels » que nous avons détruits pour y parvenir. Si ce n’est pas le cas, nous nous sommes appauvris et non enrichis, malgré un chiffre d’affaires (un PIB) en hausse. Et une fois que nous avons franchi le seuil de la « vente à perte », cela signifie que les stocks sont significativement entamés et que les quantités résiduelles « valent cher », et donc que la consommation – croissante – que nous en ferons l’année suivante vaudra encore plus cher, et donc que nous vendrons encore plus à perte en les utilisant.
Ce raisonnement peut également s’appliquer aussi à l’échelle locale, avec par exemple une conséquence qui amusera (enfin c’est une manière de dire…) peut-être le lecteur : si toute entreprise qui émet des gaz à effet de serre (c’est à dire en fait toute entreprise, parce que rares sont celles qui n’ont pas au moins un bout de bureau chauffé, ou qui n’utilisent jamais – ne serait-ce que pour le déplacement des salariés – un moyen de transport) devait obligatoirement inclure dans ses comptes une « provision pour remise en état future du climat », dont la limite supérieure est infinie, il est facile de voir qu’avec un niveau approprié – et pas plus stupide qu’autre chose – de valorisation du risque futur, plus aucune entreprise ne fait de bénéfice. Le résultat de n’importe quelle entreprise est donc, aujourd’hui, conventionnel : il ne tient que dans l’ensemble actuel de règles, lois et usages que nous avons, mais en prenant d’autres conventions, encore une fois pas plus idiotes qu’autre chose, les résultats du CAC 40 deviennent nuls ou négatifs en permanence, et le PIB « corrigé » baisse d’année en année.
La conclusion de cette affaire est d’une simplicité biblique : une valorisation de la diminution des stocks naturels à un niveau non absurde change le paradigme, et désormais plus nous croyons nous enrichir, plus nous nous apauvrissons. Et comme cela fait désormais quelques décennies que nous piochons dans les stocks naturels de manière importante (excessive ?), une convention pas plus idiote qu’une autre amènerait probablement à la conclusion que la décroissance a commencé dans les années 1970.
Crystal je répondait par ailleurs à ton premier message, je suis d’accord aussi pour celui qui précède immédiatement, on peut y revenir. J’avais fait cette réponse par ailleurs, copiée collée ci-dessous.
Crystal dit :
22 janvier 2009 à 22:40
Bien dit Crystal. J’ai déjà fait, ici, plusieurs appels du pied sans succès relativement au modèle de la thermodynamique, j’espère que cette fois tu vas y arriver du premier coup?
Une remarque d’abord, je suis de l’avis de Stilgar ci-dessus. Il ne faut surtout pas partir d’une monnaie mondiale pour beaucoup de raisons, et commencer partout où c’est nécessaire, et c’est nécessaire! à balayer devant notre porte. Autrement c’est la mondialisation qui nous balaiera. C’est déjà commencé. Ça suffit largement. Stop!
Sans nécessairement se prendre la tête, on peut prendre comme modèle le second principe de la thermodynamique en matière économique et monétaire. Ce principe est, selon moi, fondamental. Le second principe de la thermodynamique, ou principe de Clausius, est un principe scientifique d’une importance capitale pour la connaissance de l’énergie, dans tous les systèmes que ce principe engendre. Ici un modèle pour la monnaie et les flux financiers. Car ce qu’il y a de bien, c’est que l’énergie est une force naturelle dont on peut parfaitement s’inspirer, car l’énergie ne triche pas, on ne peut la faire tricher. Ce qui n’est pas le cas de la monnaie, cette dernière étant un pur produit humain, rien de plus.
Dans l’exemple qui suit et qui relève d’une description scientifique, les mots entre parenthèses peuvent remplacer les mots qui les précèdent immédiatement.
Début de l’exemple.
Donc, dit rapidement, l’énergie (la monnaie), qui existe en toute chose, opère une transformation. Cette transformation fait passer l’énergie (la monnaie représentant un bien échangé) d’une forme (d’un compte) à l’autre par absorption ou émission d’énergie (de monnaie). Au bilan final des gains et des pertes, la quantité d’énergie (de monnaie) demeure la même, c’est là le premier principe de la conservation de l’énergie (de la monnaie): rien ne se perd, tout se transforme, selon la célèbre formule de Lavoisier. Mais dans cette transformation (la production des biens), si une source étrangère ne vient pas en permanence fournir une nouvelle quantité d’énergie (de monnaie), autrement dit si cette transformation se passe dans un système clos, il arrive quelque chose qui interloqua et perturba les physiciens, les scientifiques et jusqu’aux philosophes (mais, évidemment, pas les financiers!) qui se penchèrent sur le problème de l’énergie (alias la monaie). Problème est d’autant plus important que l’univers (alias le marché) s’avère (jusqu’à plus ample informé) être un système clos fait de pure énergie (la monnaie sensée couvrir exactement tout le marché). Dans cette transformation des énergies (la circulation monétaire) d’un sytème clos, l’énergie (la monnaie) se dégrade (dégradation = ponction des intérêts bancaires = entropie). Ce qui signifie qu’il y a toujours une certaine partie de l’énergie (de la monnaie) consommée qui se transforme en chaleur (perte due aux intérêts à payer), ou énergie dégradée (monnaie dégradée ne représentant plus son strict équivalent d’achat des biens, le marché est faussé) c’est là le phénomène de l’entropie (alias, donc, intérêts bancaires à payer) qui ne peut plus se retransformer en énergie « pure » ou « originelle » (ou monnaie crée), autrement dit en énergie mécanique, électrique, etc (pas de création monétaire pour couvrir les intérêts). Il y a là la manifestation d’un nivellement qui part d’états hétérogènes et allant vers une homogénéisation progressive.
S’il n’existait pas de différences d’états, de niveaux énergétiques, rien ne se passerait: calme plat (pas d’échanges, pas de monnaie en circulation). Ainsi, on imagine bien que cette « vie de l’énergie » (vie de la monnaie), ses transformations et ses mouvements ressemblent à une chute qui, comme une rivière, coule d’un niveau plus haut c’est à diret d’une forme énergétique hétérogène (nécéssité d’une parité monétaire absolue avec les biens produits) vers un niveau plus bas d’une forme énergétique plus homogène, sans pouvoir remonter la pente (où il n’y a plus la parité obsolue de la création monétaire avec les biens produits, donc mévente, obligation de passer par le crédit donc intérêts à payer encore et toujours, l’entropie ici s’accélère). Avec la chaleur (les intérêts à verser), la dégradation de l’énergie (de la monnaie) se fait par l’agitation moléculaire (entre autres: la spéculation) de plus en plus désordonné, les mouvement en arrivant à se neutraliser de telle façon qu’ils ne peuvent plus prendre une orientation privilégiée à partir de laquelle l’énergie (la monnaie) pourrait se redifférencier, c’est à dire encore d’échanger contre des biens qui ne demandent qu’à être achetés et ne peuvent l’être (processus type de l’entropie).
Fin de l’exemple.
Et bien, en référence au modèle énergétique et donc de – l’entropie à atténuer au maximum –, c’est ce que tous les ingénieurs et les techniciens de l’industrie recherchent et pratiquent dans toute la mesure du possible pour un meilleur redement des machines. Les financiers qui imiteraient les principes de l’industrie, créeraient, par exemple, une monnaie dont l’unité comptable serait formée de: 50% représenté par la monnaie (quelque soit sa forme: bits, chiffres, billets, etc) et 50% représentant le prix de vente de l’objet fabriqué (le vendeur final pourra selon sa politique et ses besoins du moment: utiliser ce prix de vente, faire des remises sur ce prix de vente, ou prendre des marges bénéficiaires plus grande que celles contenues dans ce prix de vente). Ce 50% de valeur monétaire représentant le prix de vente contiendrait bien sûr tous les frais (y compris financiers et/ou bancaires, d’ailleurs minimum et sans intérêts, du moins à ce niveau) l’ensemble des dépenses de production, plus la marge forfaitaire (ex. 20%) du vendeur final (ces dépenses étant toujours ajustées à chaque exercice par rapport au précédent exercice). Ce 50%(monnaie)/50%(biens fabriqués) = 1, serait l’objet d’une comptabilité en partie double débouchant sur un bilan: productions/consommation exactement équilibré en tout point en fin de chaque exercice grâce à l’unité: – production des biens – et – monnaie correspondante -, ces deux parties étant « chapeautées » ou « soudées » entre elles en une seule unité comptable.
Ce type de monnaie considérerait d’une part 50% de monnaie comme moyen d’échange (concept ordinaire de monnaie) crée en reflet de tel (ou tels) objet fabriqué quelque soit sa valeur monétaire de vente, cet objet fabriqué étant considéré lui-même comme une « monnaie » totalement matérialisée qui représenterait les autres 50% de la même unité. Cette monnaie tolalement matérialisée en l’objet vendu détruirait ipso-facto la partie monétaire « fluidique ».
En fin d’exercice,tout surplus de cette égalité serait alors une richesse entièrement nouvelle pouvant alors faire l’objet d’une émission monétaire nouvelle représentant pour tous un certain coefficient d’enrichissement. Tous sans exeption de la société de l’espace économique donné accédant ainsi, par ce processus monétaire lié indefectiblement à la production des biens et des services, à une liberté complète, documentée et non confiscable, matérialisée par cette monnaie nouvellement crée.
Voici rapidement esquissé ce qui peut être fait en matière monétaire en observant, à la base, le modèle énergétique qui lui ne ment jamais.
Faites ce que vous voulez avec l’Économie, mais de grâce, tenez-la éloignée de nos vie !
Au risque d’insister un peu, il faut tordre le cou à l’état stationnaire.
Je pense que c’est important pour la manière de concevoir une monnaie (mondiale ou locale peu importe).
Chapitre 8 (L’état stable: un mirage à la mode) de Nicholas Georgescu-Roegen, La décroissance (1979), 2e édition, 1995 :
« L’une des critiques fondamentales retenues contre Malthus visait on le sait sa conception d’une croissance de la population et des ressources conforme à quelques lois mathématiques simples. Mais cette critique épargnait l’erreur véritable de Malthus, qui semble n’avoir toujours pas été relevée, et qui réside dans l’hypothèse implicite que la population peut croître au delà de toute limite de masse ou de temps pour autant qu’elle ne croisse pas trop rapidement.
C’est une erreur tout à fait semblable qu’ont commise les auteurs des Limites, ceux de l’étude non mathématique, mais plus cohérente, Changer ou Disparaître, ainsi d’ailleurs que plusieurs auteurs antérieurs. Parce que, à l’instar de Malthus, ils se sont attachés à prouver l’impossibilité de la croissance, ils ont été victimes d’un simple syllogisme, actuellement fort répandu quoique faux : puisque la croissance exponentielle dans un monde fini conduit à des désastres de toutes sortes, le salut écologique réside dans l’état stationnaire (Hardin 1968; Istock 1971 ; Meadows et al. 1972, pp. 156-184 ; The Ecologist, pp. 3) 1. H. Daly (1971b, p. 5) va même jusqu’à proclamer que « l’économie stationnaire est de ce fait une nécessité ».
Le tableau d’un monde de félicité dans lequel tant la population que le stock de capital demeurent constants, tableau illustré jadis par John Stuart Mill avec son talent habituel, a sombré dans l’oubli jusqu’à une date récente 2. En raison du réveil spectaculaire de ce mythe du salut écologique, il est bon d’en souligner les multiples écueils logiques et pratiques. L’erreur cruciale consiste à ne pas voir que non seulement la croissance, mais même un état de croissance zéro, voire un état décroissant qui ne tendrait pas à l’annihilation, ne saurait durer éternellement dans un environnement fini. L’erreur provient peut-être d’une certaine confusion entre les notions de stock fini et de taux de flux fini, comme le suggère l’incommensurabilité des dimensions de divers graphiques (Meadows et al. 1972, pp. 62, 64 et ss, 124 et ss; The Ecologist 1972, p. 6). Et contrairement à ce que proclament certains avocats de l’état stationnaire (Daly 1971b, p. 15), ce dernier n’occupe pas une position privilégiée au regard des lois physiques.
Allons au coeur du problème: soit S la quantité réelle des ressources accessibles de la croûte terrestre ; soit Pi et Si respectivement la population et la quantité de ressources épuisées par personne dans l’année i. Soit la « quantité de vie totale » mesurée- en années de vie définie par Lï€½ï€ Î£Pi , de i = 0 à i infini. S constitue une limite supérieure pour L en raison de la contrainte évidente ΣPi Si≤S. Car bien que si soit une variable historique, elle ne peut être égale à 0 ni même être négligeable (à moins que l’humanité ne retourne un jour a une économie de cueillette). Par conséquent Pi= 0 pour i plus grand qu’un nombre fini n, et Pi> 0. autrement. Cette valeur de n est la durée maximale de l’espèce humaine (NGR 1971a, p. 1255 ; 1971b, p. 304).
La Terre a aussi à ce qu’on appelle une capacité de charge qui dépend à un ensemble de facteurs incluant la taille de Si 3. Cette capacité de charge impose une limite à toute valeur de Pi. Mais cette limite ne rend pas superflues les autres limites, de L et de n. Il est donc inexact de prétendre – comme l’équipe Meadows (1972, pp. 91 et ss) paraît le faire – que l’état stationnaire peut perdurer aussi longtemps que le niveau de la population Pi n’excède pas cette
capacité. Les partisans du salut par l’état stationnaire doivent reconnaître que cet état ne saurait avoir qu’une durée finie, faute de quoi il leur faudrait rejoindre le club des « sans limites » en soutenant que S est inépuisable ou presque comme l’avance en fait l’équipe Meadows (1972, p. 172). S’ils s’y refusent, qu’ils élucident donc le mystère d’une économie entière qui, après avoir été stationnaire pendant une longue période, tout à coup prendrait fin!
Apparemment, les avocats de l’état stationnaire assimilent ce dernier à la notion d’état stable d’un système thermodynamique ouvert. Cet état consiste en un macrosystème ouvert qui maintient sa structure entropique constante au moyen d’échanges matériels avec son « environnement ». Chacun comprendra d’emblée que ce concept constitue un outil très utile pour l’étude des organismes biologiques. On doit néanmoins relever que ce concept est assujetti à certaines conditions particulières introduites par L. Onsager (Katchalsky et Curran 1965, pp. 89-97). Ces conditions sont si délicates (elles sont appelées le principe de compensations détaillées), qu’elles ne peuvent tenir en réalité « qu’à l’intérieur d’une déviation de quelques centièmes » (Katchalsky et Curran 1965, p. 140). Pour cette raison, un état stable ne peut exister en fait que d’une manière approximative et pour une durée finie. Cette impossibilité pour un macrosystème hors de l’état de chaos de durer indéfiniment sera peut-être un jour explicitement reconnue par une nouvelle loi de la thermodynamique de la même manière que l’impossibilité du mouvement perpétuel l’a déjà été. Les spécialistes s’accordent en effet à reconnaître que les lois actuelles de la thermodynamique ne suffisent pas à rendre compte de tous les phénomènes non réversibles, et notamment des processus de la vie.
Indépendamment de ces écueils, il y a des raisons fort simples qui militent contre la croyance en la possibilité pour l’humanité de vivre dans un état stationnaire perpétuel. La structure d’un tel état demeure identique d’un bout à l’autre; elle ne comporte pas en elle-même les germes de mort inexorable propres à tous les macrosystèmes ouverts. Par ailleurs, un monde avec une
population stationnaire serait au contraire continuellement forcé de changer sa technologie de même que son mode de vie pour faire face à l’inévitable baisse dans l’accessibilité des ressources. Même si l’on résolvait la question de savoir comment le capital peut changer qualitativement tout en demeurant constant il faudrait imaginer que cette baisse imprévisible, serait miraculeusement compensée par de bonnes innovations intervenant au bon moment.
Pendant un certain temps, un monde stationnaire peut rester synchronisé avec un environnement changeant grâce à un système de régulations équilibrantes analogues à celles d’un organisme vivant pendant telle ou telle phase de sa vie. Mais, comme Bormann nous le rappelait le miracle ne peut durer éternellement; tôt ou tard, le système de régulation s’effondrera. À ce moment l’état stationnaire connaîtra une crise qui provoquera l’échec du but et de la nature qu’on lui suppose.
Il faut se garder d’un autre piège logique qui consiste à invoquer le principe de Prigogine en faveur de l’état stationnaire. D’après ce principe, le minimum de l’entropie produite par un système thermodynamique ouvert du type Onsager est atteint quand ce système devient stable (Katchalsky et Curran 1965, chap. XVI). Il ne dit nullement comment cette entropie se compare avec celle produite par d’autres systèmes ouverts 1. Les arguments habituellement avancés en faveur de l’état stationnaire sont toutefois, d’une nature différente et plus directe. On fait valoir, par exemple, que, dans un tel état il y a plus de temps disponible pour réduire la pollution par des processus naturels et pour permettre à la technologie de s’adapter à la diminution de l’accessibilité des ressources (Meadows et al. 1972, p. 166). Il est parfaitement vrai que nous pourrions utiliser aujourd’hui beaucoup plus efficacement le charbon que nous avons brûlé dans le passé. Mais aurions-nous maîtrisé les techniques efficaces actuelles si nous n’avions pas brûlé « inefficacement » tant de charbon ? Dans la lignée de l’aspiration de Mill visant à permettre au-peuple de consacrer davantage de temps aux activités intellectuelles, on affirme que, dans un état stationnaire, les gens n’auront pas à effectuer de travail supplémentaire pour accumuler du capital, ce qui, compte tenu de ce que j’ai dit dans les derniers paragraphes, n’est pas tout à fait exact. « Le piétinement l’entassement le coudoiement et l’encombrement » des individus cessera (Mill 1965, p. 754). Toutefois, l’histoire offre de multiples exemples – tel le Moyen Âge – de sociétés quasi stationnaires où les arts et les sciences étaient pratiquement stagnants. Dans un état stationnaire aussi, les gens peuvent être occupés à longueur de journées dans les champs et les boutiques. Quel que soit l’état croissant ou non, le temps disponible pour le progrès intellectuel dépend de l’intensité de la pression de la population sur les ressources. Là gît le principal point faible de la vision de Mill. Preuve en soit – comme Daly (1971, pp. 6-8) l’admet explicitement – que ses écrits n’offrent aucune base pour déterminer, ne fût-ce qu’en principe, les niveaux optimaux de la population et du capital. Cela met en évidence un point important quoique inaperçu jusqu’ici, à savoir que la conclusion nécessaire des arguments avancés en faveur de cette perspective consiste à remplacer l’état stationnaire par un état de décroissance.
À n’en point douter, la croissance actuelle doit non seulement cesser, mais être inversée. Mais quiconque croit pouvoir écrire un projet pour le salut écologique de l’espèce humaine ne comprend pas la nature de l’évolution ni même de l’histoire, qui ne s’apparente pas à un processus physico-chimique prévisible et contrôlable comme la cuisson d’un oeuf ou le lancement d’une fusée vers la lune mais qui consiste en une lutte permanente dans des formes
constamment nouvelles. »
Une masse monétaire figée, à condition de tenir compte du nombre des agents utilisateurs de cette masse pour en déterminer le volume. Trop de naissances ne doivent pas engendrer une paupérisation systématique en réduisant les parts du gâteau, et concernant le phénomène de surpopulation, on peut considérer qu’il s’agit d’un problème essentiellement culturel et de connaissances. La connaissance et l’éducation ne doivent pas être figées, au contraire. Si trop de décès, il faut alors éviter l’enrichissement d’une minorité, par l’effet inverse. Donc figée mais évolutive en fonction du nombre, avec de bonnes doses d’éthique et d’équité pour la répartition.
« le ciel étoilé au dessus de moi (l’expansion), et la loi morale en moi » Kant
On s’est saoulé la gueule avec « la main invisble du marché », on se réveille avec la gueule de bois et on veut remettre ça en croyant pouvoir « fixer des valeurs justes » …
Réveillez-vous !
@A.
Je fais pousser des légumes. J’ai besoin d’un meuble je vais voir mon pote le menuiser qui me réclame 50 kg patates que j’ai pas encore mais que j’aurai dans deux mois.
A moins de revenir au troc, il est très probable que vous continuerez à utiliser la monnaie pour concrétiser des échanges. L’aspect le plus pratique de la monnaie pour moi étant sa capacité à différer le règlement d’un échange.
Ce qui peut se traduire par exemple par : en fait je travaille au sein d’un système monétaire qui m’a permis d’épargner un petit pécule qui va me permettre de payer mon meuble aujourd’hui.
Si vous choisissez l’utilisation de la monnaie comme moyen d’échange, il faudra forcément l’adosser à une valeur quel qu’elle soit. Et le mieux, de mon point de vue, est de trouver un moyen de la relier de manière robuste à la partie non renouvelable des ressources consommées pendant un processus économique.
@ Crystal :
Monnaie = (travail + soleil) – (ressources naturelles non-renouvelables / temps) ?
Ah oui, pourquoi « /temps », donc « divisé » par le facteur temps… Parce que le temps est le seul facteur qui s’écoule de façon inexorable, qu’on ne peut pas stocker pour l’utiliser plus tard.
A. dit :
« »23 janvier 2009 à 13:35
On s’est saoulé la gueule avec “la main invisble du marché”, on se réveille avec la gueule de bois et on veut remettre ça en croyant pouvoir “fixer des valeurs justes” …
Réveillez-vous! « »
Et bien justement, je ne sais s’il s’agit de « fixer des valeurs justes », je n’aurais pas cette prétention. Mais le modèle le plus important et vital ici bas est le modèle énergétique mis à jour jusqu’à plus ample informé (ça fait tout de même un siècle et demi à ce jour) par le 2ème principe de la thermodynamique dit de Clausius.
En très résumé c’est le croît biologique total ou général qui, « idéalement », marquerait la limite à ne pas franchir pour ne pas rajouter notre entropie à l’entropie naturelle (qui est très faible, voire infime, à notre échelle, donc, en principe, sans risque pour nous). Et si l’on procédait en physique comme l’on procède en finance, il y a longtemps qu’on vivrait (d’ailleurs on se serait fait sauter bien avant) dans un désert absolu… C’est pourquoi le problème monétaire est – le – problème ici bas. Dans sa presque totalité, il se trouve dans nos têtes. Ne cherchez guère plus loin.
Le physique nous atteint et nous fait peur, c’est « la nature ». La finance a la même capacité destructrice, plus exactement autodestructrice, mais comme elle sort de nos têtes et que ce sont les soi-disant grosses-têtes qui l’emportent dans notre sytème de dominance (notre vieux cerveau reptilien), cela sufit pour brouiller tout l’essentiel à comprendre…
En complément de mon précédent message, je viens de retrouver ce passage que j’avais déjà utilisé sur ce blog il y a quelques mois.
Je pense que ce passage de Jean-Charles Pichon (1920-2006) dans son “Histoire des Mythes- (édition Petite Bibliothèque Payot, 1971), ci-dessous, y résonne fortement. Chaque terme y est pesé, relativement aux connaissances énergétiques contemporaines en la matière et pour nous les humains (jusqu’à plus ample informé), les limites absolues du monde physique qui n’ont pas dû changer 35 ans après ces lignes, . Ces limites (toujours jusqu’à plus ample informé) se trouvent dans la non conservation à 100% de l’énergie. Ce qui est TRÈS lourd de significations.
“Clausius vient de découvrir, innocemment, par l’étude de la thermodynamique, la faille de tout le sysème rationaliste: l’entropie. Le monde que j’observe, dit-il, crée du travail, mais il ne peut créer de l’énergie; il ne peut même la conserver. Dans toute réaction mécanique, fût-ce la plus simple: la mise en marche d’un moteur, il se perd une force: la chaleur, qui n’est jamais récupérée. Par la suite, la même observation serait faite en électricité (effet joule), puis en chimie, puis sur tout le parcours électromagnétique: le technicien peut produire, mais ce n’est pas sans détruire, et le caractère irréversible de cette destruction fait qu’à brève ou longue échéance, notre civilisation ne mène qu’au désert.
De deux voies, l’une: ou bien le Progrès est une chimère; ou bien il ne peut se fonder sur la seule Production – autre face de la Destuction – mais sur le rendement, c’est à dire sur l’écart, statistiquement constaté, entre la dépense de matière première (capital et main d’œuvre) et la jouissance obtenue. L’économie du capital justifiait la bourgeoisie, mais aussi le refus de toute innovation. L’économie de la main d’œuvre exigeait une autre tyrannie, bien pire que l’exclavage chrétien. Car, dans le nouveau servage, la soumission de l’homme ne serait plus inspirée par un dieu rédemteur, liée à l’Amour-osmose, mais rationnelle, conditionnée par la machine liée au seul profit”
Voici de quoi méditer et retrouver des points de repères fondamentaux s’agissant d’élaborer une monnaie la plus juste possible. Ce devrait être celle qui servira une économie générant le moins d’entropie possible. Sauf découverte majeure prouvée toujours possible et des mises au point expérimentées, si le domaine financier ne peut être valablement réformé, ou changé, nous reculons simplement les échéances. Heureusement en attendant ces « échéances », tant de choses peuvent se produire, dont des inventions déterminantes et décisives allant dans le sens du Progrès, c’est à dire un progrès qui dérangera de monis en moins l’environnement et l’écosystème, n’oublions pas que nous sommes mariés avec ces deux-là. Une autre direction serait risquée…
@ Stilgar
S’il y a réserves fractionnaires, il y a nécessairement double compte : voir La monnaie : le point de notre débat (III)