Messieurs qu’on nomme « grands », empêchez le retour des émeutes de la faim !

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Dans un entretien ce matin avec Marie Charrel (pour Le magazine Capital, numéro du mois de mars), elle me posait la question : « inflation ou déflation ? », et je lui répondais bien entendu : « Les deux, mon commandant ! ». Les deux parce que, d’une part, l’économie en chute libre entraîne une baisse du prix des matières premières, alors que, d’autre part, l’insolvabilité globale du secteur bancaire oblige(ra) les États à faire fonctionner la planche à billets.

L’inflation, c’est loin d’être idéal en raison de la quasi-impossibilité d’ajuster les salaires à des taux d’intérêt qui prennent l’inflation en compte, mais bon, cette fois-ci on fermera les yeux puisque cela apurera les dettes des ménages et des entreprises, et punira par priorité les investisseurs : épargnants et actionnaires, et que ces derniers en particulier ne sont pas en ce moment en odeur de sainteté. Quant à la déflation, c’est catastrophique pour l’économie puisque plus personne n’achète sachant que tout sera à coup sûr meilleur marché demain.

Prix du riz

Mais les forces inflationnistes et déflationnistes sont en train de se renforcer toutes deux, chacune pour ses raisons propres, et ce type de tension est extrêmement dangereux parce qu’elles s’exerceront plus ici et moins là, accroissant l’instabilité générale. Comme si l’on avait besoin de cela en plus !

Donc sur ce plan inflation / déflation, les choses se présentent mal d’emblée et ceci, avant même qu’on ait parlé des ravages que la spéculation est capable d’exercer au sein de ce paysage déjà passablement sinistré. Rappelez-vous du début de l’année dernière et des émeutes de la fin provoquées dans le Tiers-Monde par la spéculation sur le prix des céréales sur les marchés à terme : quelles mesures a-t-on prises pour empêcher que cela ne se reproduise : rien, nada !

Pour le moment, cela va de soi, on n’a rien à craindre puisque les économies s’effondrant, le prix des céréales baisse et les spéculateurs allant là où le vent les pousse, encouragent la baisse générale, mais attendez que les prix aient l’air de reprendre du poil de la bête – éventuellement comme un simple effet de l’inflation contrant les pressions déflationnistes – et vous allez voir les spéculateurs pousser les prix à la hausse – alors même que pendant ce temps-là les économies continueraient même de se dégrader. Préparez-vous à assister à un tel massacre !

Prix du blé

Parce que les non-commerciaux des marchés à terme de matières premières sont toujours présents à l’appel : non, ils n’ont pas été mis hors d’état de nuire, et comme les autres marchés où ils pourraient encore sévir, je veux dire investir, se réduisent comme peau de chagrin, ils sont dans les starting-blocks.

Rappel des épisodes précédents : les non-commerciaux sont les acheteurs et les vendeurs de contrats qui sont présents sur les marchés à terme des matières premières alors qu’ils n’ont rien à y faire, n’ayant aucune marchandise à vendre, ni aucune dont ils pourraient prendre livraison. Sur le marché du pétrole on les reconnaît au fait qu’ils n’ont pas de citernes, sur le marché des céréales au fait qu’ils n’ont pas de silos : pas de silos qui contiendraient du grain à vendre ou qui pourraient contenir du grain dont ils prendraient livraison. Les non-commerciaux sont présents sur ces marchés pour une seule raison : pour spéculer, pour parier sur la hausse ou sur la baisse du prix. La seule justification qu’ils avancent pour parasiter l’économie de cette manière, c’est qu’ils apporteraient de la liquidité aux marchés. J’ai réglé le compte à cette vieille lune l’année dernière (La crise – 2008 : pp. 159-163 et ici) en montrant que les spéculateurs sont toujours du mauvais côté du marché du point de vue de la liquidité, c’est–à–dire qu’ils en bouffent plutôt qu’ils n’en ont à offrir, et je suis ravi de constater que sur ce point-là au moins j’ai été entendu.

Prix du maïs


On m’assure, à voix basse, que ce que j’écris ici est lu en haut lieu. Si c’est le cas, j’en profite pour écrire ce qui suit en caractères gras : les non-commerciaux étant toujours présents sur les marchés à terme des matières premières, rien n’a été fait qui puisse empêcher une nouvelle flambée des prix sur le marché des céréales au moindre signe de redressement de leur prix et rien n’a donc été fait pour prévenir le retour des émeutes de la faim. Messieurs qu’on nomme « grands », interdisez l’accès des non-commerciaux (spéculateurs) aux marchés à terme des matières premières tant qu’il en est encore temps !

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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99 réponses à “Messieurs qu’on nomme « grands », empêchez le retour des émeutes de la faim !”

  1. Avatar de Arnaud

    Paul,

    Je ne sais si vous savez que les banques elles-même empêchent les spéculateurs – les traders internet, qui les nourrissent ! – de spéculer contre elles ( à la baisse en ce moment bien sûr ), cela permettant je présume d’éviter au maximum l’évolution rapide a la baisse de leur valeur de capital en bourse.

    Les ventes a découvert – outil des spéculateurs ou de couverture de portefeuille de bon père de famille ? – des banques et assurances du CAC40 sont donc interdites sur les sites de bourse en ligne de ces mêmes banques.
    Comme quoi il pourrait y avoir du vrai dans ce que vous suggerez dans l’interdiction des spéculateurs non-commerciaux.

    Qu’en pensez-vous ?

    Arnaud

  2. Avatar de Fab
    Fab

    Ce doit être l’effet obama ! plus fort que l’effet papillon ! on sent effectivement un air de printemps, voire même un courant d’air frais révolutionnaire ! encore une fois, liens compris, une nalyse qui met les choses à plat, clairement, accessible à tous, non-initiés inclus ! merci.
    J’ajoute que chacun de ces démêlages m’apporte en même temps que la compréhension…un moment de franche rigolade ! quel temps passé à analyser, décortiquer textes, rapports et autres indices, et ce par des centaines ou des milliers (ou plus si l’on compte les amateurs) d’analystes de par le monde, pour se rendre compte, au final, de choses qui semblent tomber sous le sens de la sagesse populaire des non-initiés : cryptage-décryptage, voilà ce qu’est la science économique, on fait des noeuds et ensuite on les analyse et s’il est encore temps on essaye de les défaire ! on ne joue pas à table ! on ne joue pas avec la nourriture ! c’est le genre de raisonnement, de logique, qu’il ne devrait pas être nécessaire de réexpliquer à un enfant de plus de cinq ans ! et bientôt je suis sûr que l’on se rendra compte que ceux qui jouent avec la nourriture sur les marchés sont soit cons et ne savent pas ce qu’ils font, ne sont pas conscients des conséquences, soit cons et méchants à la fois ! dans les deux cas mal élevés (je ne mets ni gras ni majuscule pour passer le filtre mais j’attache une importance énorme à ces mots : mal élevés. c’est la racine du mal ! pour faire court : comment avons-nous pu arriver à valoriser à ce type de « réussite » professionnelle ? comment a-t-on pu élever nos enfants sans leur apprendre le respect des autres, de tous les autres ???) !

    Vont-ils empêcher le retour des émeutes de la faim ? a suivre…surtout à suivre les conditions dans lesquelles ils le feront : vont-ils empêcher les émeutes -seulement afin que- nous puissions continuer à manger sur le dos de nos frères sous-développés…?

  3. Avatar de Fab
    Fab

    Argl ! j’ai encore un message en cours de modération ! pourtant je n’ai pas mis de majuscules ? peut-être un peu trop de points d’exclamation ? promis le prochain message j’essaye sans !!! et si c’est encore pas assez propre, assez lisse, j’essaierai sans les voyelles…

  4. Avatar de Fab
    Fab

    si mon message de 06:33 passe voici un post scriptum, sinon voici quand même :
    pourriez-vous s’il vous plaît donner une liste des « grands » dont vous parlez…par ordre croissant.

  5. Avatar de Loïc Abadie

    Bonjour,
    Les deux (déflation et inflation) oui, mais pas en même temps.
    D’abord la déflation, pendant les années de crise.
    Ensuite l’inflation (voire l’effondrement pur et simple des monnaies papier à réserve fractionnaire si les états insistent trop dans leurs plans de relance suicidaires).
    Mais une fois de plus, je pense que Paul Jorion fait erreur en se focalisant dans presque tous ses articles sur la « spéculation » qui n’est qu’une conséquence de la croissance anarchique du crédit.
    Presque tous les états poursuivent aujourd’hui l’application de la pensée unique keynésienne en vigueur depuis des décennies, en France, aux USA, républicains comme démocrates, PS comme UMP.
    Leur seule idée : relancer le crédit par tous les moyens, et utiliser pour cela le système de réserve fractionnaire au maximum, pour forcer les ménages à surconsommer et tenter de faire durer encore un peu la croissance artificielle des années précédentes.
    Dans ce contexte, les bulles spéculatives sont une conséquence normale et logique. Je m’explique en donnant mon point de vue d’investisseur individuel qui cherche à protéger ses biens de la folie des états :
    Actuellement nous sommes en déflation. Je m’y adapte logiquement en étant liquide (le cash gagne du pouvoir d’achat) et en améliorant l’ordinaire par quelques positions baissières de temps à autre sur les indices. Plus de 90% de mon patrimoine total est actuellement en cash.

    Mais je sais très bien que cette situation est temporaire, et que la fuite en avant des états dans le crédit finira par renverser la tendance et détruire la valeur de ce cash. N’ayant pas l’intention de me laisser voler mes biens à cause de décisions politiques stupides, mon « plan B » pour faire face au retournement inflationniste est déjà prêt et n’attend qu’un signal sur les taux pour être mis en pratique (sans doute dans quelques années) : conversion de la totalité du cash en or et matières premières (avec priorité au pétrole et valeurs pétrolières).
    Parce que je sais bien que le contexte « dévaluations des monnaies + reprise de la demande chez les émergents + désinvestissement du à la crise » sera explosif en sortie de crise.
    Beaucoup feront comme moi, et comme Paul Jorion l’a dit, le cours des matières premières remontera, sans doute bien plus haut qu’au début 2008.
    Mais ce sont bien les politiques de fuite en avant dans le crédit des états appelées « plans de relance » qui en seront la cause : Quand l’inflation reviendra, nous (les épargnants) aurons le choix entre ne rien faire (et tout perdre) et chercher refuge dans les matières premières (et entreprises associées).
    Désolé, mais je n’ai pas l’intention de faire partie des pigeons et des victimes.
    Donc, n’ayant que très peu confiance dans l’avenir, et encore moins dans les capacités des états à m’assurer une retraite décente, je me protègerai contre ce système absurde en spéculant (même si j’éviterai les matières premières agricoles) parce que je n’aurai aucune autre alternative. C’est tout !

    Quand à l’option d’interdire les marchés à terme, il faut être réaliste. Ils existeront toujours quelque part, même si certains pays peuvent éventuellement tenter de les interdire, et les pays qui « interdiront » seront bien obligés d’acheter leurs matières premières aux cours du marché, que cela leur plaise ou non.

    Pour limiter la hausse à venir des matières premières en sortie de crise, il faudrait commencer par renoncer aux fuites en avant keynésiennes, puis à changer le système actuel de réserve fractionnaire…ce sera nettement plus efficace à mon avis. Les ménages cesseraient de vivre au dessus de leurs moyens et la consommation des ressources serait plus raisonnable !

  6. Avatar de JM
    JM

    Oui, mais qu’est-ce qui empêche les non commerciaux de se déguiser en commerciaux en achetant silo et citerne… pour dire :  » si, si, j’achète bien le blé, voyez « !

  7. Avatar de Tigue
    Tigue

    Mais, c est qu’ il reprend du poil de la bête le Paul !
    Il faut faire attention a ne pas trop « anthropomorphiser »
    l’ affreux spéculateur, le plus souvent, ce n’ est pas un humain,
    c est un énorme fonds de pension, un hedge fund, etc…
    Je suis convaincu qu’ un humain isolé repugnerait a parier sur le blé.
    Qu est ce qui se produit lorsque les milliers d investisseurs humains s’ aggrègent en fonds inhumains ? a quel moment précis perdent ils leur âme ?
    Faut il limiter la taille des fonds ?
    A quel moment ce que nous souhaitons pour la collectivité, s’ efface par rapport a notre interret personnel ?
    C est au moment ou nous ne sommes plus reconnus et récompensés pour nos actes individuels « desinteressés ».
    Il faut se méfier du retour du collectivisme.

  8. Avatar de JM
    JM

    @ Loick Abadie :

    Mais la situation que décrit Paul existe déjà dans certaines zones : en Russie, par exemple, l’inflation a atteint 13,3% en 2008, et selon le ministre des finances Koudrine devrait se situer entre 11 et 15% en 2009 selon l’évolution du prix du pétrole.

  9. Avatar de et alors
    et alors

    @ paul, fab… »les grands ».
    N’étant ni cosmologiste, astronome, physicien quantique, je ne saurai me prononcer sur le concept « d’espace-temps fractal » ou de « relativité d’échelle » de Laurent Nottale..
    Pourtant j’ai l’impression (désagréable) que souvent nos (vos) cartographies mentales omettent de préciser l’échelle de description et d’explication. Ou que, si elles suggèrent plus ou moins fortement des solutions à une échelle (grande), elles restent relativement discrètes sur les actions à mener à une autre (échelle, petite).
    Parfois il serait interessant de zoomer et préciser effectivement sur « les grands », par exemple, afin de s’en faire une idée plus précise et concrète, même s’il convient de superposer les cartes ( financières, économiques, politiques, écologique…) avec des « vecteurs » reliant les couches.
    Parfois aussi serait-il « positif » de descendre dans l’échelle d’observation, afin de découvrir, à celle des « petits », tout ce qui se pense et se fait… non seulement pour éviter le retour des émeutes, mais en construisant
    pacifiquement et coopérativement une société, plus juste, égalitaire, et émancipatrice.

  10. Avatar de Tigue
    Tigue

    Cher Paul,
    Il est très utile que tu t ‘ adresses aux décideurs, car ils semblent manquer d’ idées en raison de leur incomprehension de ce qui se passe.
    Ils devraient lire le blog de Loic Abadie pour comprendre ce qu’ est la déflation et surtout ses causes.
    Ensuite, lire ton blog ou tes livres pour comprendre comment se forme le prix, puis en tout dernier, car c est le moins important, la mécanique de la crise des subprimes puis de la crise du crédit, ces deux derniers phénomènes n’ étant que des conséquences prévisibles du mode de financement de notre croissance et de nos « avantages acquis « par l’ endettement.
    C est important qu’ ils comprennent avant de proposer de distribuer a tout va de l’ argent emprunté, a la seule fin de consommer plutôt que d’ investir.

  11. Avatar de Jean
    Jean

    J’interviens sur les marchés à termes du blé et du colza sur euronext en tant que producteur.

    Premiere remarque, les graphiques ne sont pas à jour. il y a eu un fort rebond (+ 20 %) depuis fin décembre (au moment ou il y avait le moins d’activité…).
    Deuxieme remarque, les intervenants utilisent tous la même méthode d’analyse graphique pour ‘prédire’ l’évolution du marché. Ils tirent donc tous à peu prés les mêmes conclusions, et vont donc à peu prés tous dans le même sens.
    Troisieme remarque, la spéculation peut se faire aussi à la baisse !
    Quatrieme remarque, ne pas sous estimer les fondamentaux. Une excellente récolte ferait chuter les cours et à contrario le maintien de prix haut serait également une bonne chose pour le développement de l’agriculture Africaine.

  12. Avatar de Moi
    Moi

    Loïc Abadie: « et les pays qui « interdiront » seront bien obligés d’acheter leurs matières premières aux cours du marché, que cela leur plaise ou non »

    Cela ne me semble pas aussi évident. Les pays qui interdiront peuvent très bien créer un marché « sain » et traiter entre eux.
    Imaginons un gros producteur de blé qui interdit les non-commerciaux, rien ne l’empêche de ne vouloir écouler sa production que dans un marché « sain » même s’il existe dans le pays voisin un marché « malsain » où il vendrait sa production plus cher. Ce qu’il perdrait ainsi en bénéfice ponctuel et temporaire, il peut directement le regagner en n’achetant de même son pétrole que sur un autre marché « sain » (on suppose que le pétrole est justement lui aussi très cher sur les marchés « malsains »). La seule difficulté ici est politique, il faut que des pays s’engagent mutuellement à n’écouler leur production que sur des marchés « sains ». Ils y gagneraient largement en stabilité et ne perdraient rien sur le long terme. Les marchés « sains » reflètant mieux le véritable jeu de l’offre et de la demande réels, les prix moyens sur le long terme devraient y équivaloir ceux des marchés « malsains » mais sans les soubresauts spéculatifs à la hausse ou à la baisse.

  13. Avatar de Paul Jorion

    @ Loïc Abadie

    Je ne propose pas la suppression des marchés à terme qui jouent un rôle d’assurance tout à fait crucial mais leur fermeture aux spéculateurs. Ceux-ci peuvent très bien juger qu’ils ne font que se défendre. En admettant même qu’ils aient raison, un système où l’on est obligé de pomper le sang de l’économie pour se défendre est un très mauvais système. C’est un petit jeu qui coûte trop cher sur le plan humain, même si certains spéculateurs ont une âme et s’abstiennent de spéculer sur les céréales.

  14. Avatar de bob
    bob

    La destruction de capital de manière cyclique est inhérente au système capitaliste, donc actuellement il y a un juste retour des forces en vue d’équilibrer l’investissement spéculatif sur l’investissement productif.
    Nombre de dirigeants d’Etats semblent l’avoir compris et pas des moindres: Obama, Sarkozy, Strauss Kahn, Merkel…
    Il est donc évident que les Etats sont en train de reprendre la main sur le système, peut être au grand désarrois de spéculateurs compulsifs. Les Etats réorganisant les flux financiers anarchiques, quoi de plus normal?
    Ceux la même qui se sont pris un coup de fusil dans les fesse avec un dévissage de 50% des bourses mondiales vont maintenant se réfugier dans les Bonds du Trésor des Nations les plus solides (au faible taux de 3%).
    Ces « pseudo-investitsseurs » semblent pour le coup vraiment piteux et aussi bien ceux qui dirigent que les citoyens ne s’y trompent pas.
    Alors Mr Abadie, continuez vos petits coups compulsifs toxiques mais ne pensez pas être soutenue par les démocrates aussi capitalistes soient ils.

  15. Avatar de Loïc Abadie

    @Paul Jorion

    « un système où l’on est obligé de pomper le sang de l’économie pour se défendre est un très mauvais système. »

    Je suis tout à fait d’accord, et c’est bien pour cela que je ne soutiens pas du tout le système en place depuis les dernières décennies.
    Mais ce n’est pas le fait d’interdire les « paris sur les prix » (à supposer que l’on puisse déterminer si un acheteur ou un vendeur a l’intention ou non de « parier » au moment de son acte, ce qui est dans le monde réel totalement impossible) ou de fermer les marchés à terme aux spéculateurs qui changera le système (des membres de marchés à terme à priori « non-spéculateurs » comme une compagnie aérienne pouvant par ailleurs faire des choix purement spéculatifs).
    La racine du mal (l’expansion anarchique du crédit sous l’effet des politiques keynésiennes de nos dirigeants) sera toujours là, et la spéculation excessive qu’elle génère (qui n’est qu’un dérèglement parmi les nombreux autres provoqués par l’expansion du crédit) trouvera toujours un moyen de contourner les règlementations.

    Tigue se demandait à partir de quel moment l’intérêt personnel prenait le pas sur la collectivité…La réponse est très simple : A partir du moment où nous avons perdu confiance dans la collectivité et nous avons acquis la conviction que l’expression de cette collectivité (l’état) s’engage dans une politique de fuite en avant sans issue, et que son action constitue pour nous et nos biens une menace plutôt qu’une aide. Il n’y a alors plus que la somme de comportements de « sauvegarde » individuels qui puisse faire bouger le système.

  16. Avatar de bob
    bob

    Actuellement, je préfère confier mon argent à l’Etat (quitte à ce qu’il s’endette pour relancer la machine) plutôt que de le confier à ce genre de personnes qui actuellement remplissent les salles des marchés et les conseils d’administration des grosses sociétes:
    http://www.leparisien.fr/faits-divers/perdre-ou-gagner-des-millions-ne-prend-que-quelques-secondes-22-01-2009-382471.php
    Quand les financiers et les responsables de grosses sociétés nous aurons démontré qu’ils ont réappris comment gérer l’argent et les investissements, on pourra alors rediscuter de la pertinence de l’interventionnisme d’Etat.

  17. Avatar de JJJ
    JJJ

    L’espèce humaine devant sa survie à sa capacité d’adaptation, il est bien compréhensible que chacun essaie de protéger ses avoirs des risques de dépréciation auxquels ils sont exposés, par l’effet des « fondamentaux » ou des errements des décideurs (politiques, industriels ou financiers). Protéger ses avoirs ou les accroître, puisque l’aisance matérielle est considérée comme la principale composante du bonheur de l’homme – même s’il s’agit d’une illusion, elle est plutôt consensuelle…
    La spéculation est un moyen d’y parvenir (ou de se ruiner, ou de ruiner tout le monde), quelle que soit la personnalité du spéculateur (« petit » ou hedge fund) : on peut affirmer que le spéculateur n’a pas d’âme, sans qu’il soit besoin d’engager une nouvelle Controverse de Valladolid. Entendons par là qu’il met nécessairement sa conscience en veilleuse lorsqu’il s’engage dans ses opérations.
    Pour prévenir les mouvements erratiques prévisibles sur le marché des matières premières, il n’est en effet probablement pas opportun de supprimer les marchés à terme, instruments de couverture indispensables aux opérateurs commerciaux, avec une contribution évidente à la liquidité. Mais les volumes traités sont considérablement plus élevés que les volumes livrables, ce qui anéantit la justification de « couverture ». On en revient ainsi aux prémisses posées par Paul, à savoir « l’interdiction des paris sur l’évolution d’un prix ». Où le mot-clef est « pari », bien entendu…
    Il suffit peut-être de modifier radicalement les règles de deposit, donc de crédit aux spéculateurs, pour anesthésier les velléités de spiel assassin.

  18. Avatar de Di Girolamo
    Di Girolamo

    J’ai toujours l’impression qu’on nous propose de l’aspirine(avec du tranquilisant) pour soigner notre cancer ; ou encore comme je l’avais signalé dans un autre commentaire qu’on pense changer les choses (le pense t on vraiment ?) en soignant un élément d’un secteur , ici la spéculation (c’est du sarkosisme,le capitalisme moralisé). Il y a certes cela mais il y a aussi l’organisation de l’agriculture qui sous tend cela et puis tout le reste , les cités , les métiers , la dimension des entreprises leur lien avec la politique (obama et ses sponsors)etc etc etc

    J’aime bien les commentaires de Fab qui remettent les chose à leur place : « J’ajoute que chacun de ces démêlages m’apporte en même temps que la compréhension…un moment de franche rigolade ! quel temps passé à analyser, décortiquer textes, rapports et autres indices, et ce par des centaines ou des milliers (ou plus si l’on compte les amateurs) d’analystes de par le monde, pour se rendre compte, au final, de choses qui semblent tomber sous le sens de la sagesse populaire des non-initiés : cryptage-décryptage, voilà ce qu’est la science économique, on fait des noeuds et ensuite on les analyse et s’il est encore temps on essaye de les défaire ! »

    Et ceux de et alors qui nous renvoient au système global ,à l’action de terrain : »Parfois il serait interessant de zoomer et préciser effectivement sur “les grands”, par exemple, afin de s’en faire une idée plus précise et concrète, même s’il convient de superposer les cartes ( financières, économiques, politiques, écologique…) avec des “vecteurs” reliant les couches.
    Parfois aussi serait-il “positif” de descendre dans l’échelle d’observation, afin de découvrir, à celle des “petits”, tout ce qui se pense et se fait… non seulement pour éviter le retour des émeutes, mais en construisant
    pacifiquement et coopérativement une société, plus juste, égalitaire, et émancipatrice. »

    en construisant pacifiquement et coopérativement une société, plus juste, égalitaire, et émancipatrice

  19. Avatar de novy
    novy

    Je me régale de ces confrontations Paul/Loïc.
    C’est l’idéaliste contre le pragmatique.

  20. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Loïc Abadie, Paul, …

    Pour avoir confiance (fides) ds une société, un Etat, une collectivité, il suffit que celle-ci veuille bien se pencher sur la construction de lois et codes ayant comme principe la légalisation de processus de légitimation, puis en mettre en oeuvre le plus gd nbre.

    A vous lire tous depuis qqes temps j’ai l’impression que vous vous penchez sur l’art de fabriquer de l’alcool (vs monnaie) alors que c’est le comportement des addicts qui importe qq soit l’objet de leur addiction, objet qui n’a au fond pas grande importance. (Tout le monde savait le penchant de W pour le W, et sa politique a bien été conforme à une absence d’autolimitation inconsciente) Un alcooolique reconnait-il spontanément qu’il boit trop? Jamais.

    Si vous laissez un pouvoir quelconque à des gens incapable d’autolimitation inconsciente, vous ne pourrez que bien attacher votre ceinture de sécurité, qq soit le vehicule emprunté dont vous seriez passager volontaire ou involontaire.

  21. Avatar de Stilgar
    Stilgar

    Et pourquoi ne pas laisser faire des paris sur l’évolution des prix (de tout) entre parieurs ? … il suffit de quelques bookmakers ou de confier ces paris à quelques officines comme la Française des Jeux.
    Mais ces paris ne doivent avoir aucun effet sur le prix des échanges des matières réelles: ils doivent être totalement déconnectés. Laissons les malades/joueurs jouer ensemble avec leurs propres deniers; le gagnant empochera les pertes du perdant (et la collectivité une taxe sur les paris)!

  22. Avatar de 2Casa
    2Casa

    @ Novy

    Personnellement j’ai quand même plus l’impression qu’il s’agit d’éthique et de rien d’autre. Ce ne sont pas quelques scrupules qui changeront quoi que ce soit à l’affaire – j’allais dire « aux affaires » !

    « Notre » modèle économique (pas l’Etat) ruine le contrat social et ne laisse à chacun, persuadé que tous les autres agiront « rationnellement » – mais de quel type de rationalité parlons-nous ? – aucune autre alternative.

    La fin justifierait-elle les moyens ? Argument non moral du spéculateur.
    La faim justifiera bientôt d’autres moyens moins… civilisés. N’est-ce pas ce qu’il faut craindre ?

  23. Avatar de Stilgar
    Stilgar

    La part des salaires est partagée entre une proportion de plus en plus importante de la population active:
    En 1982 les salariés et les chômeurs représentaient 85% de la population active et, se partageaient 63% de la valeur ajoutée. En 2006, ils étaient 92% à se partager 58% .

  24. Avatar de Bernard
    Bernard

    Tigue dit :

    22 janvier 2009 à 07:29
    Mais, c est qu’ il reprend du poil de la bête le Paul !
    Il faut faire attention a ne pas trop “anthropomorphiser”
    l’ affreux spéculateur, le plus souvent, ce n’ est pas un humain,
    c est un énorme fonds de pension, un hedge fund, etc…
    Je suis convaincu qu’ un humain isolé repugnerait a parier sur le blé.
    Qu est ce qui se produit lorsque les milliers d investisseurs humains s’ aggrègent en fonds inhumains ? a quel moment précis perdent ils leur âme ?
    Faut il limiter la taille des fonds ?
    A quel moment ce que nous souhaitons pour la collectivité, s’ efface par rapport a notre interret personnel ?
    C est au moment ou nous ne sommes plus reconnus et récompensés pour nos actes individuels “desinteressés”.
    Il faut se méfier du retour du collectivisme.

    On peut se poser la question financière simplement:

    Madoff estimait son aptitude à gérer sa performance financière à environ 10%.

    Ce taux fait probablement rigoler les spéculateurs les plus performants.

    L’immense majorité des spéculateurs « malgré-nous », ceux de l’épargne du bon père de famille, et même de la retraite par répartition, sont plutôt portés à estimer leur capacité (et donc leur honnêteté) autour de 4%.

    Questions:

    quelle est le taux limite au delà duquel « le temps c’est trop d’argent » ?

    pourquoi et comment peut-on dépasser légalement la performance d’un « cador » comme Madoff?

    sommes-nous « malgré nous » aussi recéleurs d’une vaste escroquerie?

    un faux monnayeur prêteur sans intérêt est-il moralement plus condamnable qu’un usurier légalement établi mais qui ne peut pas présenter de caution suffisante?

    existe-t-il des vrais monnayeurs?

  25. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Un détail important est le marché du riz dans le monde. Celui-ci est d’environ 400 millions de tonnes, mais seulement 10% de cette quantité passe dans le marché mondial (à travers quelques gros négociants sans doute chinois basés en Thaïlande avec surtout du riz haut de gamme). Il n’y a pas vraiment de mercuriales des prix du riz. Ainsi les 90% restant de ce marché du riz restent et sont vendus à l’intérieur des pays qui les produisent par nécéssité de sécurité alimentaire, partant, de sécurité économique. L’Inde, par exemple, qui a fait d’énormes progrès dans sa production alimentaire depuis une quarantaine d’années, ne serait intéressée à exporter du riz qu’à partir de 1000 euros la tonne…

    Le marché du riz pourrait constituer une référence structurale de choix pour l’ensemble des producteurs de céréales, essentiellement dans les pays pauvres et émergents. Car ce protectionnisme de fait est, à la base, une assurance de structure contre les spéculations toutes catégories, de même, les accroîssements de la demande, donc d’abord de la demande intérieure, signifieraient un enrichissement sain, réel et bien tracé des producteurs enfin libérés de la féodalité financière internationale esclavagiste. L’on a fait abandonner ici et là à l’Afrique, dans nombre de ses pays, les cultures vivrières locales qui satisfaisaient les populations et donc l’Afrique a été gravement fragilisée sur le plan alimentaire avec des « accord » (?) scélérats comme ceux de Lomé durant les anées 60 et tous ceux qui ont suivi. L’immense continent africain serait l’un des premiers bénéficiaires de ce de ce proteccionnisme – indispensable -, salvateur et tout naturel. Ce proteccionnisme naturel qui participerait au sauvetage de tant de nations dans le monde devra d’une façon ou d’une autre s’imposer.

    C’est à nous de prendre nos responsabilités, fut-ce contre les financiers et les politiques qui vont généralement la main dans la main…

  26. Avatar de madar michael

    @Paul
    Qu’ils vous lisent, en haut lieu, c’est une bonne chose certes.
    Puissent ils surtout vous comprendre et réagir promptement dans l’intêret collectif.
    Allez messieurs les politiques, il faut venir reprendre des cours d’économie comme tout le monde.

  27. Avatar de A.
    A.

    @ Loïc abadie

    Je partage une toute autre opinion sur l’origine de « l’expansion anarchique » du crédit :

    1- Il procède surtout d’une mauvaise répartition de la valeur ajoutée entre le travail et le capital. Picketty faisait remarquer récemment que le niveau des inégalités salariales aux E-U atteignait des sommets comparables à ceux atteints avant la grande dépression. Il n’y pas donc pas eu sur consommation mais une consommation financée, du moins aux E-U, par le crédit.

    2- Sur les plans de relance : vous soutenez le même point de vue que le Trésor britannique au cours des années 20. Or, selon vous, que faudrait-il faire ? Soit on injecte des quantités énormes d’argent pour soutenir le système financier, et donc l’économie « réelle », soit on connait une déflation longue et douloureuse à la japonnaise pendant une période qui pourrait durer une décennie avec un chômage élevé et un investissement qui repartirait pas.

    L’inflation sera le moindre mal car elle permettra de diminuer le poids des déficits publics et de la dette privée. Elle corrigera une mauvaise répartition des revenus.

  28. Avatar de A.
    A.

    Pour terminer le message précédent.

    Et qu’est-ce que l’on fera après ?

    Nous sommes prisonniers du productivisme et de la raison instrumentale qui nous font croire que les mathématiques, logos universel, sont à même de constituer le langage par le lequel nous accéderions à la réelle valeur des biens comme si cette dernière était à découvrir et préexistait au monde. Le problème n’est pas de découvrir des « lois » de l’économique d’une nature quasi-similaire à celles de la nature.
    La réponse n’est pas du côté des fondamentalistes du marchés (terme employé de manière non péjorative) : d’ailleurs c’est en gros la position de Loïc Abadie en dénonçant une politique keynésienne des Etats (critique qui n’est pas totalement infondée toutefois).
    Elle n’est ni, dans le long terme (nuance importante), dans ce qu’écrit Paul quand il affirme dans les derniers chapitres de son dernier ouvrage, que l’ « homme est le moyen que la Nature s’est donné pour se surpasser ».

    Pour ma part, je pense que d’une certaine manière, ces deux pensées renvoient à une croyance de fond identique : l’objectivité parfaite du réel. La différence est dans les instruments idoines pour le lire.

    La solution politique à court terme : il ne s’agit pas de découvrir les « vraies » lois de l’économique, mais plutôt de faire un choix sur le partage du surplus. Cette crise financière est avant tout une crise sociale. La dépréciation des actifs traduit un malaise dans leur capacité à exister en tant que réserve de valeur résultant d’un accord social qui est mis à mal.

  29. Avatar de Oufti
    Oufti

    @A.
    Une solution politique ? Ai-je tort de penser qu’après avoir renfloué les banques, les alternatives seront : – redistibuer les richesses (par une fiscalité adaptée) ou – laisser faire l’inflation (pour annuler la dette de l’état) ?

  30. Avatar de Moi
    Moi

    @A.: Tout à fait d’accord. La cause première de la crise est un problème de répartition, le crédit excessif n’en est qu’un effet.

    @Oufti : j’ai un léger doute sur la volonté actuelle de nos dirigeants de reéquilibrer la répartition des richesses. Renflouer les banques sans nationalisation ni contrepartie par l’Etat, ce n’est pas donner des richesses communes au capital? Donc on aurait l’intention de mieux répartir les richesses en commençant par donner encore plus à la partie qui s’est déjà goinfrée depuis quelques décennies?

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