Billet invité.
L’ADDITION, C’EST POUR QUI ?
Nous arrivons à une première phase de maturation de la crise. J’emprunte à dessein ce vocabulaire un peu ampoulé et distancié au monde dans lequel je baigne désormais, peut-être un peu contaminé mais plus certainement ironique. Plusieurs tendances, déjà perceptibles, se révèlent maintenant dans toute leur ampleur. Les banques s’engagent de manière accélérée dans un processus de concentration aboutissant à la naissance de « méga banques » au poids financier accru. Lloyds Banking Group (LBG), va ainsi être à Londres le fruit du mariage de raison entre Lloyds TSB et Halifax-Bank of Scotland (HBOS). De nouveaux plongeons spectaculaires interviennent sans cesse en Europe ou aux USA, assortis de leurs mesures de sauvetage d’urgence. Après HSBC, c’est Barclays qui cristallise actuellement les craintes en Grande-Bretagne. Sa chute boursière a été renforcée par l’expiration de l’interdiction des ventes à découvert sur les valeurs financières, qui a pris effet ce vendredi, conformément à une décision de la FSA (l’autorité britannique des marchés).
Le système bancaire, les gouvernements qui l’assistent pays par pays, ainsi que les banques centrales, cherchent dans la panoplie disponible des solutions pour vidanger d’un seul coup de leurs bilans de gros paquets d’actifs douteux. La zone Euro est à terme en danger potentiel d’éclatement, vu le différentiel grandissant entre les « spreads » des obligations des différents Etats qui la composent. Des pans entiers de l’économie cherchent à se réfugier sous l’aile protectrice des Etats, qui commencent à glisser vers un protectionnisme hier vilipendé. Le contre-feu allumé en direction de l’opinion publique, cette lutte impitoyable que mènent les gouvernements contre les bonus, stocks options, distributions de dividende et autres parachutes dorés, qui les scandalisent dorénavant, est attisé par la perspective de devoir prochainement annoncer une nationalisation des pertes bancaires en bonne et due forme et à grande échelle.
Enfin, pour la sortir de l’inattention générale dont l’Afrique est une fois de plus victime, retenons la déclaration accablée faite le 16 janvier à Johannesburg, à l’issue d’une réunion du Comité des 10 qui regroupe les ministres des finances et gouverneurs des banques centrales africains, par le président de la Banque africaine de développement, Donald Kaberuka : « Nous craignons que deux décennies de croissance ne soient compromises ». Le ministre sud-africain des Finances, Trevor Manuel, soulignait pour sa part que la crise avait fait s’effondrer le cours des matières premières et que la plupart des entreprises africaines n’avaient plus accès au crédit.
Voici donc les têtes de chapitre de l’actualité. Sans naturellement oublier l’orchestration qui débute du « New Deal » d’Obama, second volet du TARP et plan de relance, près de 1.200 milliards de dollars à eux deux, qui témoigne d’une réelle inflexion de la politique suivie jusqu’alors, mais suscite, pour le compromis politique avec les Républicains dont ces plans sont issus, les allégements fiscaux, de sévères critiques, la dernière notoire en date étant celle de Joseph Stiglitz, dans le « Financial Times ».
De nombreuses mesures, devant encore être adoptées par le Congrès, commencent à prendre tournure, avec pour objectif central de favoriser l’emploi. Programme de grands travaux, dispositions pour aider les dépenses de santé des plus pauvres, 47 millions d’américains vivant sans couverture maladie. D’autres sont en faveur des économies d’énergie et de l’indépendance énergétique du pays. Le volet fiscal controversé devrait, lui, consister en un abattement de 500 dollars d’impôt par contribuable.
Jeudi dernier, le principal conseiller économique de Barack Obama, Lawrence Summers, a présenté au Congrès les nouvelles mesures qui vont accompagner le deuxième volet du plan, d’un montant de 350 milliards de dollars. Le secteur automobile pourrait bénéficier de ces aides publiques. 50 à 100 milliards devraient servir à lutter contre la multiplication des saisies immobilières. Mais les entreprises qui bénéficieront de ces aides devront faire approuver leur politique de rémunération des dirigeants et de dividendes par les autorités fédérales. D’autres sources font état d’aides aux municipalités et aux Etats américains. Dimanche dernier, Barack Obama, avait déclaré que l’argent restant devait aller en priorité aux ménages et aux petites entreprises. La situation, en réalité, reste ouverte quant à la destination des fonds du TARP débloqués par le Sénat. Il faudra soit faire des choix drastiques, soit obtenir de nouvelles enveloppes financières, d’autres urgences criantes se profilant du côté des institutions financières, qui sont loin d’être stabilisées. C’est un puits sans fond.
Alors que Citigroup va tenter d’isoler dans une filiale intitulée Citi Holdings ses actifs douteux pour conserver les bons dans une autre, dénommée Citicorp, et que Bank of America ne parvient pas à digérer son acquisition de Merrill Lynch, en raison de la qualité des actifs de cette dernière, les autorités américaines, de la Fed et du Trésor, ainsi que les conseillers du futur président, travaillent « dur » (c’est le cliché habituel employé dans les déclarations et communiqués) à un projet. Il s’agirait de créer une « bad bank » (ou « aggregator bank », dénomination faisant tout de même moins voyou), qui recueillerait les actifs de mauvaise qualité du secteur bancaire, afin d’arrêter d’avoir à jouer les pompiers au coup par coup et de pouvoir faire face aux nouveaux épisodes catastrophiques attendus.
« Citigroup a perdu 40% en une semaine, et il y a toujours une grande part de ventes à découvert dans les baisses en ce moment. On peut imaginer que ce sont des prises de bénéfices de gens qui ont profité d’une baisse importante », a expliqué à l’AFP Gregori Volokhine, de Meeschaert New York. « Si les provisions dépendent de pertes futures liées au crédit, tout ce que nous voyons actuellement laisse présager qu’il n’y aura pas de relâchement dans les provisions pendant au moins plusieurs trimestres », a déclaré de son côté M. Lewis, PDG de Bank of America lors d’une conférence d’analystes. Ce qui veut dire, en langage décodé, qu’il envisage de d’importantes pertes à venir en raison de nouvelles provisions prévisibles sur ses activités de prêts.
La question qui n’est pas encore publiquement évoquée, tellement l’addition qu’elle impliquera est vertigineuse, est toujours de savoir comment différencier les bons actifs des mauvais. Pas seulement dans le moment, mais en perspective de la suite des évènements. Il faudra, de toute évidence, tailler large ou alors s’y reprendre à plusieurs fois. Une alternative à cette création de structure de défaisance serait de garantir les actifs qui resteraient inscrits dans les livres de compte des banques. On parle aussi d’injecter du capital dans les banques. Toutes les options sont à l’étude, y compris des combinaisons d’entre elles, et les spéculations se multiplient dans les médias, alors que tout le monde y va de son avis.
Une fois ce débat tranché, la voie serait ouverte pour que puissent à nouveau « être achetées les actions posant problème et recapitalisées les banques » a estimé un analyste cité par Bloomberg, qui ne précise pas par qui. « Le crédit ne va pas réapparaître tant que les portefeuilles des banques n’auront pas été nettoyés et que les valeurs des collatéraux n’auront pas été rétablis » a-t-il ajouté, en veine de franchise. D’après Lawrence Summers, principal conseiller économique du président élu, celui-ci n’entend donc pas poursuivre la politique d’actions au coup par coup menée jusqu’à maintenant par le Trésor et la Fed. « On doit absolument faire quelque chose de déterminant » a déclaré de son côté Kenneth Rogoff, l’un des membres du groupe de conseillers du président élu, professeur à Harvard et ancien chef économiste du FMI, .
En Grande-Bretagne, un nouveau plan de soutien aux banques devrait être présenté la semaine prochaine par le chancelier de l’Echiquier, Alistair Darling, selon des sources en provenance du Trésor britannique citées par Reuters.
Ce plan pourrait inclure des nouvelles mesures destinées à restaurer la confiance des marchés envers les banques, afin de faciliter leur financement. Mais, selon un analyste de Fox-Pitt Kelton, interrogé également par Reuters, il n’inclura pas à nouveau des injections de fonds propres. Le but du gouvernement serait de faciliter les prêts aux ménages et aux entreprises. En particulier en octroyant des garanties publiques sur des titres financiers adossés à des crédits immobiliers.
Le « Times » et le « Daily Telegraph » ont pour leur part dévoilé vendredi que le gouvernement britannique étudiait la mise sur pied d’une « bad bank » qui recueillerait les actifs pourris.
En France, le gouvernement serait quant à lui, dans l’immédiat, prêt comme déjà annoncé à apporter une nouvelle aide de 10,5 milliards d’euros aux banques françaises. Mais, cette fois, il n’exclurait plus d’entrer directement au capital en souscrivant des actions sans droit de vote. A noter, par ailleurs, que l’agence de notation financière Moody’s a annoncé vendredi dans un communiqué avoir abaissé à « négative », contre « stable » auparavant, la perspective attachée à la dette senior de BNP Paribas (Aa1), présentée comme un roc inébranlable il y a encore peu de temps.
Impossible de ne pas faire mention, sur un sujet connexe et toujours en France et dans le cadre du débat qui enfle sur les bonus et les distributions de dividendes, de la conférence de presse de Georges Pauget, président de la Fédération bancaire française (FBF) : « Les dividendes relèvent de la compétence exclusive du conseil d’administration et des assemblées générales. Certes, personne ne vit en-dehors de son contexte, mais notre droit prévoit cela » a-t-il déclaré. Nicolas Sarkozy ayant demandé jeudi aux banques, à qui l’Etat a déjà accordé un prêt de 10,5 milliards d’euros, de prendre des engagements « sur les dividendes à verser, sur la rémunération des dirigeants et sur les bonus ». « Ce sont les conseils d’administration, le moment venu, qui définiront leur position » a répliqué Georges Pauget. Il a également, lors de la même conférence de presse, rejeté l’accusation selon laquelle les banques auraient « coupé » le crédit en utilisant un argument décisif : « La réalité, c’est que la demande de crédit est en baisse et il faut qu’on cesse de rendre les banques responsables de cette baisse », s’est-il emporté.
Le débat n’en restera pas là de toute évidence, il est en train de s’étendre au monde de l’entreprise. La présidente de l’Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam), Colette Neuville, a critiqué samedi le salaire du PDG de l’équipementier automobile en difficulté Valeo, Thierry Morin, estimant que le groupe ne respectait pas les recommandations du Medef en la matière.
Prenons aussi le temps encore de graver au fronton des meilleures déclaration du jour, par analogie avec le diplôme du meilleur employé du mois si cher aux entreprises américaines, celle d’Ernest-Antoine Sellières, dont on espère qu’elle connaîtra le même sort sur ce blog que celle de Michel Cicurel, Président de la compagnie financière Edmond de Rotschild (où il était question d’une arme de première catégorie) : « le débat politique » (lire public, dois-je rajouter) engagé en France sur la question du versement ou non de dividendes aux actionnaires « n’est pas très opportun » a-t-il déclaré dans une interview donnée à « La Tribune » de samedi. Il a poursuivi : « Il revient aux actionnaires de décider si la situation de l’entreprise commande, ou pas, le versement d’un dividende ».
Prêtant moins à l’indignation, pour ceux qui en ont encore en réserve, la nouvelle la plus pertinente du jour aura sans doute été publiée par « Der Spiegel ». Elle tourne encore autour des « bad banks », un sujet qui sollicite décidément beaucoup l’attention. Des dépréciations d’actifs colossales seraient à craindre de la part des banques allemandes, car elles n’auraient pour l’instant déprécié qu’un quart de leurs actifs toxiques en évoquant la perspective de pertes à venir en milliards. L’hebdomadaire cite une enquête réalisée auprès de vingt instituts bancaires par la Bundesbank, la banque centrale Allemande, et l’autorité allemande des marchés financiers (Bafin), selon laquelle les banques allemandes possèdent au total 300 milliards d’euros d’actifs toxiques et n’ont pour l’instant déprécié que les plus « pourris », soit à peine un quart de la somme. « Le reste est encore inscrit dans les comptes à des valeurs illusoires », affirme le journal.
Les experts économiques du gouvernement estimeraient inévitables des dépréciations considérables, « qui devraient entraîner de nouvelles pertes très élevées pour les banques ». Le ministère des Finances a pour sa part évalué à 1.000 milliards d’euros l’ensemble du volume des actifs à risque du secteur bancaire allemand. Vu l’addition, le ministre des Finances Peer Steinbrück juge irresponsable la création d’une « Bad Bank » qui se chargerait des actifs douteux des banques. « Dans le pire des cas, cela conduirait à plus que doubler la dette fédérale », a déclaré au journal l’un de ses collaborateurs.
Où allons-nous, selon toute probabilité, sur ces questions de financement et sur la création monétaire intensive qui en découlera obligatoirement ? Willem Buiter, professeur à la London School of Economics, ancien membre du Comité monétaire de la Banque centrale britannique, fait autorité sur les questions monétaires et vient de publier un article retentissant dans le « Financial Times ». En voici le substrat. Les politiques de monétisation de la dette, publique comme privée, qui consistent pour les banques centrales à racheter ou prendre en pension des obligations, vont nécessairement se développer. Mais la BCE n’étant pas adossé aux recettes fiscales d’un pays, comme ses homologues, se trouve devant un problème. La défaillance d’un débiteur privé, ou bien la nécessité de procéder à une dépréciation des titres de ceux-ci, qu’elle détient en pension, pourrait nécessiter une recapitalisation que ses statuts n’envisagent pas. Willem Buiter propose donc la création d’un fonds européen pour y suppléer, qui devrait, selon lui, être doté de 3.000 milliards de dollars.
Il n’y a pas d’issue magique, les banques se défaussent sur les banques centrales ou bien sur les Etats, donc les contribuables. Il faudra toujours à un moment ou à un autre régler l’addition.
87 réponses à “L’actualité de la crise : L’addition, c’est pour qui ? par François Leclerc”
@ A
Il est certain que le marché obligataire public, qui connait de très bas rendements à l’heure actuelle, a toutes les chances (si je peux dire) de voir ceux-ci remonter et d’augmenter mécaniquement, lors des opérations de ultérieures de refinancement de leur dette par les Etats, le coût de celle-ci. Non compte-tenu des nouveaux besoins de financement que de nouveaux plans de relance, auxquels on peut s’attendre, créeront.
Bref, une nouvelle bulle financière est en gestation, dont on devine que l’éclatement, s’il devait intervenir, serait encore plus devastateur que ce que nous connaissons.
Cela va donc être aux banques centrales de jouer leur rôle. Et de relancer l’inflation pour, comme vous le dites justement, effacer la dette. Mais il est clair que la BCE, fortement soumise à l’influence allemande, n’est pas aujourd’hui prête à toutes les aventures, comme s’y engage résolument, par contre, la Fed, et comme probablement la suivra la BoE (les britanniques).
Si vous examinez les bilans des banques centrales, ils sont en train d’enfler à grande vitesse. Et la qualité des contreparties à l’émission de leurs liquidités qu’elles prennent en pension est, elle, en train de baisser. Tout du moins, on peut sérieusement le supposer.
Les banques centrales, notamment la BCE qui n’est pas et de loin la plus souple, vont devoir faire preuve dans la période à venir de beaucoup de cette créativité généralement généreusement accordée au marché.
@Pierre Lang
A coup de marteau ?
🙂
@ Pierre Lang
Les flux (principal et intérêts) versés mois après mois par les emprunteurs des prêts titrisés, sont transmis à ceux qui ont acheté les titres (découpés en certificats spécialisés en « tranches » temporelles ou intérêts / principal).
Il n’y a pas de destruction : le remboursement de la dette va à ceux qui l’ont rachetée sous la forme des titres.
@A
Je crois que l’inflation enlisera sérieusement la crise et je souhaite que l’inflation soit maitrisée le plus longtemps possible.
@ Pierre Lang
J’assume que vous parlez d’emprunts inter bancaire? Dans ce cas je suppose que les banques doivent se totaliser les montants globaux à recouvrer entre elles, les balances d’argent virtuelle et les en cours constitueront la base pour négocier tout cela autour d’une table ronde. Quand à savoir comment la responsabilité des organismes de notation ainsi que les éventuelles assurances sont prises en compte la c’est mystère… je suis curieux si quelqu’un en sait plus.
C’est d’ailleurs impressionnant de constater le peu de recours en justice sur des montages et des escroqueries pareilles, ou bien serait-ce parce que personne n’y comprend encore toujours rien pour pouvoir y constituer une plainte recevable? Ou bien trop dem onde a mal fait son travail?
Zabovin @
(si je peux me permettre) L’espoir qui anime ce blog, c’est que justement, nous ne sommes pas des métastases au travail sur la terre, et qu’il existe un chemin qui permet de sortir de là en grandissant un peu.
@Paul
Au moment où la banque a créé le prêt elle a créé la monnaie correspondante, l’a versée au compte de l’emprunteur et a comptabilisé ces opérations. A quel moment cette monnaie, où et par qui est elle détruite et comment la banque initiale répercute-elle tout cela dans sa comptabilité ?
S’il n’y a pas de destruction, il y a création de monnaie ex nihilo. Non ?
@NingúnOtro et JJJ
A mon avis; si, la titrisation pose un problème.
Par la titrisation se créent des marchés spéculatifs financiers, ces marchés sont alimentés par de la monnaie prélevée sur l’économie jusqu’à des proportion totalement insoutenables. Au bas mot 50 fois le PIB mondial peut-être plus, les contrats de gré à gré n’étant pas comptabilisables précisément…
Tant que ces marchés sont en expansion peu de problème, a part que l’économie et pillée systématiquement et tous les gains de productions possibles et imaginables réalisés sur le dos des « producteurs », investis sur ces marchés financiers. Mais bon an, mal an, le « système » de crédit-production-consommation inflationniste garde la tête hors de l’eau.
Par contre si un blocage intervient et que ces marchés se retournent, tous les produits financiers sont en vente au même moment, ce qui fait chuter les cours et leur valeur, jusqu’à presque rien, vu que plus personne ne veut les acheter.
Pour éviter ce retournement des marchés de produits financiers basés sur des titres, une seule méthode ; la fuite en avant.
Dans le secteur du crédit immobilier américain, la limite « physique » de la surévaluation des biens et de l’endettement était atteinte et je crois bien que les crédits subprimes ont étés inventés uniquement pour éviter cet effondrement catastrophique du marché des produits titrisés de l’immobilier, dans le cadre de la fuite en avant indispensable. Je pense que l’idée de base était « si on fait ça, on continue à faire du pognon, on trouvera bien une autre idée si ça ne va plus », cela encouragé par les plus hautes autorités, une moralité tournée vers le profit toujours vertueux, money is good for you !
Il y à plusieurs impasses dans la titrisation, la première est que le produit sous-jacent peut faire défaut, à la mesure de la solvabilité des consommateurs-travailleurs, donc dans un marché sans nouveaux produits mis en vente (ou trop peu) les prix ne peuvent que chuter, impossible de revendre plus chère une « vieille » obligation déjà valorisée plusieurs fois. Il ne reste donc qu’a attendre sagement le retour des crédits. La seconde, qui rejoint la première, est que la spéculation sur les titres aboutis à une sur-valorisation du produit sous-jacent, en cas de retournement de marché; qui paie ?
Ce qui m’amène à la troisième impasse ; ceux qui émettent les titres et les achètent sont en grande partie les mêmes, ils pilotent ces montagnes monétaires constituées d’une part de la mise en coupe réglée de la production économique (injection sur les marchés-bulles) et d’autre part d’une rente de crédit généralisée espérée de cette même bête de somme économique. Or la production mondiale est limitée et si la bête n’est plus nourrie faute de crédit, son rendement diminue, elle ne parvient plus à rembourser son dû d’où une accélération de la dépréciation des titres, perte bancaires, resserrement du crédit…
En fait pour vous dire le fond de ma pensée, je crois que tous ces « produits financiers » dont les CDS que je mets dans le même panier, son de pures inventions crées pour siphonner l’économie.
Quelques grosses baleines. chacune plus lourde qu’un État fabriquent ces marchés ou elles mènent le bal et se taillent la part du lion grâce à leur puissance financière surdimensionnée. Elles laissent les bandes de requins faire la razzia chez les plus petits poissons, pour faire de la mousse ; quitte à les sacrifier un peu plus tard les banques et autre fonds de placement jouant le rôle de VRP rabatteurs.
Lorsque tout s’effondre nos baleines ont depuis longtemps changé de cap et nagent tranquillement en eau calme.
Je ne crois pas que la spéculation financière soit un jeu ou tous les acteurs sont gagnants, je crois qu’il y a quelques gagnants et beaucoup de perdants. Considérant les sommes colossales mises en jeu sur ces marchés en une quarantaine d’années, en comparaison du PIB mondial, je pense que l’on peut parler d’un « lessivage » complet des agents économiques, que l’on voit sortir des casinos en ce petit matin du monde, mal rasés, le neu-pap de travers et des dettes à sauter du 29ième étage…
C’est là l’état de mes réflexions sur cette crise dont la titrisation me semble être l’un des principaux moteurs, entre connaissances, intuitions, déductions et imagination…
@ Zabovin68
Merci pour votre commentaire, vos interrogations sont les miennes.
Je partage tout à fait votre pertinente analogie de l’organe qu’on essaie de sauver au détriment de tout le reste, risquant du coup de ne rien sauver du tout. Il n’est pas besoin d’être un spécialiste — ce que je ne suis pas — pour voir que les solutions adoptées jusqu’ici pour remédier à la crise risquent d’aggraver la crise plutôt qu’autre chose.
A ce stade de la crise les politiques n’ont pas encore compris l’immense avantage tactique et stratégique qu’ils pourraient avoir si ils déclaraient officiellement à leurs élus que les causes de la crise ne sont pas purement financières mais tiennent à un modèle économique dont les préceptes ont été invalidés par l’épreuve des faits. Beaucoup d’économistes, de sociologues, de philosophes, et autres penseurs, citoyens de base aussi, avaient depuis longtemps pressenti ou même analysé, prévu, que le sytème néo-libéral ne pourrait durer. Aujourd’hui le FMI, et même un Krugman, et d’autres, qui autrefois ne voulaient pas admettre que les inégalités engendrées par la mondialisation sauvage sont la réelle cause de la crise, se sont rendus à l’évidence.
Il ne reste plus que les politiques pour tenir un discours lénifiant, ce qui plus que jamais donne du poids à la thèse de la collusion entre monde économique et monde politique. Ou alors le discours est volontariste mais l’analyse n’a pas la radicalité qui convient à la gravité de la situation. Pourquoi les puissances de la finance et du capitalisme concentré s’avoueraient-elles vaincues si les politiques n’indiquent pas clairement qu’ils ne leur faut plus raisonner dans l’hypothèse d’une restauration possible de leur toute puissance ? Que désormais il faudra tenir compte des travailleurs, de leur juste rémunération, de leurs conditions de travail, des objectifs émancipateurs ou non des activités productives, et bien sur des limites écologiques et physiques de leurs activités ?
Il est clair, comme le montre très bien François Leclerc dans ses billets, qu’une épreuve de force s’engage entre les pouvoirs publics et les milieux de la finance et des affaires, ainsi que la BCE. Les milieux politiques sont prêts à tous les plans de relance et de reflouement des banques, mais sont pour le moins hésitants pour passer à la seule action digne de ce nom, ornière, celle qui consiste à enfin changer les règles du jeu, et de façon conjointe à prendre clairement le parti des humains et non plus du seul capital. Le soutien des peuples et leurs classes moyennes, sans parler des pauvres, leur est d’avance acquis, alors pourquoi ces hésitations ? Ces hésitations, cette pussilanimité, seront lourdes de conséquences. Ils doivent se réveiller !!
Ou, comme l’a déjà dit Paul, « l’appel du pied extra parlementaire » se manifestera. Ou pire, les démocraties, ou ce qu’il en reste, périront faute d’avoir été suffisamment conscientes du péril qui les guettent.
@Pierre Lang
Si il y a création ex-nihilo il faut qu’il y ai destruction au retour du crédit (sinon la masse monétaire augmenterait indéfiniment, on thésauriserait tous les crédits dans cette masse !)
Si les banques prêtent de la monnaie existante il serait préférable d’éviter de le détruire, sinon la banque y est de sa poche pour verser les dividendes obligataires.
Donc si il y avait création ex-nihilo il ne pourrait exister de titrisation de crédit.
On voit mal quelqu’un payer une somme pour un titre sans retour, puisque les remboursements seraient détruits.
Que se passe-t’il:
l’enregistrement comptable de la ligne de crédit est effectivement diminué, jusqu’à zéro lors du remboursement du crédit.
L’argent; lui, est transmis de proche en proche jusqu’au porteur de l’obligation.
Merci, on a franchi un grand pas.
Ouarf !
« Si l’emprunteur fait défaut et ne rembourse jamais, la banque fait pareil, mais elle met les sommes irréculérables en profits et pertes, comme si elle remboursait le prêt pour son client. »
Ce n’est vraie que si les défauts de remboursement ne dépassent pas un tout petit pourcentage. Les banques n’ont en fond propre que moins de 10% du montant total des prêts (pour les plus raisonnables, voire souvent 3% ).
Sinon l’état doit reprendre les créances douteuses et/ou remettre du cash dans les caisses des banques. Ensuite l’état ne peut se refinancer que par l’impôt ou par l’inflation (impôt déguisé sur les économies des gens par la création monétaire)
Je ne crois pas au scénario de l’inflation car nous sommes en phase de déflation pour des raisons démographiques.
Reste l’impôt, ce que l’on constate de plusieurs manières : impôts indirects, prélèvements sociaux, hausse de taxes TV et sur Internet, la téléphonie, les ordinateurs, l’habitation, taxes locales, d’apprentissages, professionnelles, PV, radars, écologiques, ….. et ce n’est qu’un début !
@Shiva
On est bien d’accord, il n’y a pas de création de billets ex nihilo.
Normalement, quand une banque prête, elle crée de la monnaie scripturale qui est adossée à un contrat de prêt. Quand le prêt se termine, cette monnaie est détruite par la banque. C’est donc de la création scripturale qui n’est pas ex nihilo (puisqu’elle s’appuie sur un prêt)
Dans le cas de la titrisation, la banque vend son portefeuille de prêts à la SPC (Special Purpose Company) qui vend les titres et sert d’intermédiaire de gestion entre les emprunteurs et les spéculateurs. Si la monnaie scripturale n’est pas détruite à l’achéance des prêts, alors il y a création de monnaie scripturale ex nihilo 🙂
Ce que je cherche, c’est comment cette monnaie est détruite. Elle peut l’être au moment de la vente du portefeuille par la banque. A priori, cela paraît assez logique. Car la tritrisation est un moyen détourné d’emprunter (siphoner) de la monnaie existant sur le marché. Mais alors, comment explique-t-on que le montant total des produits résultant de titrisation ait atteint des montants si vertigineux sans faire tourner la planche à billets ?
Si la banque ne détruit pas la monnaie le jour de la titrisation, comment fait la SPC quand un prêt vient à échéance ? Question subsidaire 😉 Que se passe-t-il si la SPC fait faillite ?!
Bonne nuit 😉
@ Pierre Lang
Lorsqu’en France, au lendemain de la première guerre mondiale, s’est posée la question des réparations à la casse causée par quatre ans de conflit sur le territoire national, la réponse politique obsessionnelle à l’unanime émoi populaire avait été : « le boche paiera ! ». Vous remplacez « boche » par « contribuable » et vous aurez une réponse multiforme, à la fois plausible et pratique, à toutes les questions que vous vous posez sur la mise au bouillon Liebig des contrats de prêts, des produits titrisés, des emprunteurs, des investisseurs, des banques, des SPC, et je ne sais quoi d’autre encore.
Le siphonage auquel vous faites allusion va donc continuer, puisque les candidats à la dégustation du dit bouillon sont logiquement désignés. Il est évident bien sûr que le contribuable ne pourra pas tout boire, sous peine de voire son estomac crever et tout le bonhomme avec. Il faudra donc trouver autre chose pour aider à éponger la soupe tout en requinquant le malade.
C’est là que fait son retour sur scène une vieille connaissance en sorcellerie, capable de tout faire redémarrer comme en quatorze avec de l’or en plomb. C’est marrant finalement de constater que cette crise « extraordinaire » risque de prendre rapidement un air de vieux feuilleton.
Il n’y a pas en effet de « lois éternelles » en matière d’économie, juste des virages à droite ou des virages à gauche (cela dépend du relief), sauf une peut-être : la manière dont une génération éponge les dettes de la génération précédente. L’inflation, la revoilà la gueuse !
Ainsi, quand vous vous demandez pourquoi les montants vertigineux des produits de la titrisation n’ont pas entraîné un dérapage non contrôlé de la planche à billet, je vous dis : « Attendez ! Attendez ! La série n’est pas terminée ! ».
Ne vous en faites donc pas. Elle va tourner la planche à billet. Demain, dans six mois, dans deux ans, je ne vois pas comment l’on pourra s’en sortir autrement ?
Je vous conseille de lire Emphyrio, de Jack Vance…
@Pierre Lang, et autres,
En lisant sur Wikipédia sur la «titrisation», on découvre comment cela se passe, en fait c’est une opération de titrisation, une phase temporaire dans le cycle du crédit bancaire.
Mais d’abord, pour le fonctionnement de la façon qu’on crée le crédit au départ, même s’il est très difficile d’avoir le fin mot de l’histoire, voici ce que j’en comprends:
Au départ, en simplifiant un peu, une banque peut consentir des prêts en fonction de ses fonds propres, des actifs réels (actions) selon un ratio. Je crois que c’est 8% d’actifs réels. En gros une banque, doit rester rentable avoir une balance entre ses actifs (crédits) et ses passifs (dépôts), sans prêter directement l’argent des dépôts, elle a de bonnes assurances pour rentrer dans son argent et même en faire si ces emprunteurs ne sont pas tous de mauvais emprunteurs, d’ailleurs bien souvent ses prêts sont garantis par un actif réel qui reviendra à la banque de payer en premier s’il y a défaut de paiements plus importants que prévu. Les dépôts sont comme en garanti dans l’histoire selon l’observation statistique que les gens laissent en général leurs dépôts en banque ou qu’il y a toujours un volume de valeur en banque relativement constant malgré tous les mouvements. D’ailleurs, c’est par ce droit d’émettre du crédit selon ses règles, que la banque va rémunérer les dépôts à terme qu’elle offre à ses déposants pour stabiliser le volume des dépôts qui garantit ses prêts quelque part. Elle ne prête pas les dépôts directement, mais le volume constant de dépôt détermine sa capacité sécuritaire de générer des crédits.
Bon, elle peut ainsi passer l’argent mis à la disposition par une banque centrale à un taux bas, elle met à la banque centrale des fonds propres en garantis selon toujours ces ratios de 8% en garanti première, ou elle achète du crédit sur la marché interbancaire mis à la disposition par des banques qui sont en position de prêter d’après la masse du volume relativement constant dans la banque. De toute façon, la banque qui s’appuie sur son volume de dépôts est assurée contre les banks run par la banque centrale, en misant sur le fait que les gens reviennent un jour remettre leurs dépôts en banque et que ce ne sera que temporaire.
Bref, tant que la banque ne fait pas trop de mauvaises créances, bref si elle surveille ses affaires, ça fonctionne assez bien. Bref, elle crée de l’argent adossé au dépot et au garanti de l’emprunteur. Puis détruit l’argent au fur et à mesure qu’il est remboursé et ramasse les intérêts, elle honore les dépôts à terme de ses clients et se rémunère ou remet l’argent à la BCentrale, c’est même chose. Tout cela est surveillé.
L’opération de tritisation a permis à la banque de vendre ses actifs non liquides (ses créances), de les rendre temporairement liquides, de refiler la responsabilité de ses crédits à des clones (SPV) qui garantissent l’opération dorénavant. Quand une banque a un volume assez important de crédits, elle peut créer un portefeuille de dette, elle crée une compagnie qui va gérer l’opération les SPV (spécial purpose véhicule, des compagnies de gestion quoi) qui vont trouver des investisseurs pour ce porte-feuille (l’article de wiki est très bien sur les détails de l’affaire). La SPV garanti le portefeuille de prêts en ayant un fond propre pour protéger les investisseurs. Toutes ses dettes vont être sécurisé par des investisseurs qui mettent leur argent en garantie dans la SPV. C’est comme si la banque venait refiler la dette qui jusque-là était appuyé sur ses fonds propres et ses dépôts sécurisé par la banque centrale à un clone d’elle-même à des gens qui ont mis l’argent à disposition pour ces emprunteurs. Tout d’un coup, la dette qui était qu’hypothétiquement adossé à des garantis temporaires est maintenant adossé à des valeurs réelles est devenu réel puisque des épargnants (investisseurs) ont mis 100% des capitaux prêtés en garantis pour avoir les bénéfices du flux des intérêts.
La banque récupère 100% détruit le prêt avec et récupère ses fonds propres peut de nouveau émettre du crédit et commence un autre cycle pour constituer un nouveau porte-feuille. Il est à noter que lorsqu’il reste que 10 % du volume initiale du porte-feuille elle le rachète et termine ni vu ni connu l’opération de destruction monétaire.
Je résumerais cela ainsi: on a trouvé le moyen de faire la multiplication des banques… et de faire couler à flot le crédit. Tant qu’il y a des investisseurs prêts à venir garantir l’opération de titrisation, le truc était multipliable à l’infini.
Mais bon, la réalité étant ce qu’elle est, les investisseurs sont venus à manquer. Pire, les processus transformants les banques en Père Noel du crédit a commencé à transférer régulièrement la prise de risque à des investisseurs. On a bien tenté de rassurer ses investisseurs à coup de notation, en créant les CDS, des assurances risques, garantis sans contrepartie, et des CDO, coupes en tranche de risque qui répartissaient les risques à tout le monde. Et bien d’autres dérivés… Voilà pourquoi d’ailleurs tout le monde est emmaillotté dans la déconfiture. Tout le monde a placé des sous un peu partout dans des CDOs qui ramassaient un peu n’importe où. En bout de ligne, il y a toujours des tranches risqué dans un porte-feuille de placement, surout quand on ne connait rien à l’affaire et qu’on fait confiance à son courtier qui lui ne peut pas être plus clairvoyant qu’il ne peut dans cette opacité structurelle. Il s’appuie sur les agences de notations… qui elle non plus ne peuvent pas évaluer des trucs très complexes qu’en ragardant sur la basse de fond propre qui est mis en garanti par les SPV comme l’explique l’article de Wiki. Bref, tout le monde subit des pertes en ce moment… Le crédit est bloqué, l’abysse des mauvais actifs, qu’on a caché dans les méandres du système financiers un certain temps, est infinis. Les gouvernements sont en train de se saigner à sauver toute cette histoire qui n’est pas encore toute déterrée…
Bref, dans le meilleur des mondes, le crédit coulait à flot. On a même créé le même principe dans le papier commercial, ou des investisseurs prêtaient de l’argent à des compagnies pour de courts termes. Récemment, on s’est aperçu, en tout cas au canada, que les CDS et CDO farfouillait aussi dans le papier commercial. Pire, on a même manqué de nouveau investisseurs pour payer des papiers commerciaux à terme. Oui, oui, Ponzi était à l’oeuvre, on entend absolument pas parler de scandale ici, le gouvernement du Québec a sorti les sous et selon l’expression de maquillage a fait le ménage du papier commercial et a dit simplement a la population que trop d’intérêt important de l’économie Québécoise était en jeu!
CE que je comprend donc: pas vraiment de création ex nihilo, mais beaucoup de gens ont mis leur argent en garanti pour financer la croissance économique des 10 dernières années pour comprendre en bout de ligne que leur investissement étaient un leurre. Mais bon, le gouvernement éponge pour le moment cette inconsistance du système qui assure les riches investisseurs de leur revenu ou de sauver leur capital. En bout de ligne, nos états mettent notre richesse collectives en contrepartie de cette folie… Des investisseurs sont sauvés, d’autres abandonnés à leur sort. Évidemment, les banques et leur coquille vide de SPV pourraient faire l’objet de poursuite par des investisseurs floués, mal informés de l’ampleur de ce racket extraordinaire. D’ailleurs, se pourrait-il que les banques pour s’éviter de telles poursuites doivent souvent racheter des SPV ces mauvais crédits plus vite que prévu… Et qu’on les draine dans des bad banks. Évidemment, plusieurs banques se retrouvent alors en situation d’insolvabilité…
Je pense que bien du monde ces derniers temps cherche à comprendre. On comprend en tout cas qu’une théorie du financement s’est magistralement cassée la gueule et nous prenons tous toute une correction!
L’économie dopée au crédit facile va réaliser que trop d’activités économiques non rentables ont perduré pendant des années, en pure pertes… Folies du privé achetées à crédit par le public. C’est un scandale pas assez décrié!
@ Pierre Lang
Les établissements de prêt hypothécaire avancent aux emprunteurs des fonds qui sont soit récoltés auprès du public comme son épargne (le plus souvent des Certificats de Dépôt), soit sur le marché interbancaire des capitaux, et aux États–Unis, auprès des FHLB (Federal Home Loan Banks) qui sont organisées en coopératives de ces établissements de prêt.
Ces prêts immobiliers sont alors vendus par paquets de plusieurs milliers à une entité indépendante : un SPV (Special Purpose Vehicle) qui les agrège pour constituer une RMBS (Residential Mortgage–Backed Security) unique dont le fonctionnement mime celui d’une obligation classique.
Cette obligation RMBS est alors vendue au public et le SPV récupère ses fonds. En réalité, le SPV est une « créature » de l’établissement de prêt hypothécaire qui a financé les prêts immobiliers initiaux mais il a été conçu juridiquement de manière à apparaître entièrement indépendant financièrement de cet établissement émetteur. De cette manière, la notation du RMBS en terme de risque de crédit par les notateurs (Moody’s, S&P, Fitch) est indépendante du risque de crédit de l’établissement financier à l’origine des prêts.
@ Paul
De cette manière, la notation du RMBS en terme de risque de crédit par les notateurs (Moody’s, S&P, Fitch) est indépendante du risque de crédit de l’établissement financier à l’origine des prêts.
Ce n’est pas vraiment un avantage pour la note. La signature de Fannie et Freddie valait mieux que celle de n’importe quel pékin emprunteur, non ? Il y a sûrement une autre raison (ou plusieurs…)
@ NingúnOtro
Pourquoi lire Emphyrio, de Jack Vance ?
@ JJJ
Dans le contexte américain, les Government–Sponsored Entities, Fannie Mae et Freddie Mac, du fait de leur statut semi-privé / semi-public n’intervenaient que par défaut : pour suppléer à l’initiative du secteur privé toujours considéré comme prévalent. En fait, de la même manière que les « market-makers » – si cela vous dit quelques chose – sur les marchés « organisés » (c’est–à–dire avec chambre de compensation).
@Paul Jorion (18 janvier 2009 à 16:53 )
Puisque le terme « monnaie » (pourtant communément admis en ce qui concerne le scriptural) semble vous choquer, je reformule ma proposition (Stilgar – 18 janvier 2009 à 11:02)
Mais Paul, il doit bien exister des facs d’économie en Californie . Pourquoi ne vous rapprocheriez-vous pas d’un prof d’université « reconnu » pour lui demander de trancher ce débat sans fin, à savoir si oui ou non:
– La double inscription simultanée d’un même montant à l’actif et au passif du bilan d’une banque – dans le cadre des régles légales – constitue l’acte par lequel elle crée la monnaie scripturale: c’est bien une capacité de dépenses supplémentaires pour l’emprunteur sans que personne d’autre ne renonce à son pouvoir d’achat qui va pouvoir utiliser le montant porté en dépôt à vue comme moyen de payement.
– La monnaie scripturale n’est finalement qu’une dette de banque qui circule, un élément du passif bancaire accepté comme moyen de payement; l’essentiel est que cette créance soit reconnue comme une véritable monnaie.
scaringella,
Merci pour ce petit tour d’horizon. Finalement rien ne fonde jamais vraiment le droit, pas plus qu’aucun politique ne peut se targuer d’une légitimité autre que par délégation. Reste alors à savoir ‘délégation de qui ?’ si l’opération de désignation des représentants n’est qu’un petit tour de magie commerciale pour vendre un produit sans garantie …
@Paul et les autres
Merci pour les réponses…
@Jonathan Livingston
Merci pour la piste relative au point de vue monétaire. Logique…
@ Paul
Merci de la précision
@ Daniel Dresse
Si l’on s’en tient à l’Histoire, il est impossible de préserver la valeur de la monnaie dans le long terme. Ce qui, du reste, est probablement heureux d’un point de vue social, en ce sens que l’érosion monétaire évite une trop forte concentration de la rente financière.
La relative stabilité du pouvoir d’achat des monnaies, sur le dernier quart de siècle écoulé, n’est en ce sens pas significatif des tendances longues. Toutefois, si le « panier de la ménagère » ne s’est pas exagérément enchéri, plusieurs classes d’actifs ont littéralement explosé (bulles de l’immobilier et des matières premières, en particulier).
Pour que le massacre de la valeur de la monnaie puisse s’opérer, massacre nécessaire pour éponger les dettes (publiques et privées) excessives et à ce titre irrécouvrables, il n’y a que deux types de solutions :
1°) la méthode de Philippe le Bel, consistant à envoyer les banquiers au bûcher, lorsque le souverain leur doit trop d’argent. La dette se trouve ainsi réduite en cendres. La méthode est efficace, mais aujourd’hui que l’usure n’est plus condamnée par le droit canon, la combustion des banquiers est tombée en désuétude. Il est même possible qu’elle soit devenue illégale, bien que la corporation compte toujours pas mal d’hérétiques…
2°) la méthode du bon docteur Keynes (qu’il n’a pas inventée), consistant à « euthanasier » les créanciers par la dépréciation délibérée de la valeur de la monnaie. Le moyen le plus efficace demeure l’usage immodéré de la planche à billets – lorsqu’il est possible (tel n’est pas encore le cas en Europe).
Je ne partage pas votre mauvaise humeur à l’idée du retour (probable) d’une inflation monétaire massive. Une telle hypothèse est de nature à redonner des perspectives d’avenir aux jeunes générations, qui en sont aujourd’hui dépourvues, en squeezant les « richesses » (partiellement fictives) accumulées par les autres. Certes, les rentiers (percevant des pensions et/ou des revenus du capital) subiront la malédiction keynésienne, mais cela se soldera vraisemblablement par un moindre confort. De toute façon, que les « moins jeunes » (dont je fais partie) se rassurent : dans nos sociétés de redistribution, les retraités sont toujours à la charge des actifs.
Mille excuses de ne pas l’avoir précisé : JJJ et Magnus Pym sont la même signature, depuis 2 PC différents
@tous
Un lien qui détaille trois formes de titrisation:
– sur le crédit, conservé dans le bilan de la banque émettrice « Covered Bonds »
– sur le crédit exporté dans un véhicule ad hoc « Assets Backed Securities »
– sur des CDS « CDO synthétiques »
On y voit ce qui se passe dans les bilans.
Dans ce doc qui date de mai 2007 on peu lire :
« l’application de Bâle II incite les banques à titriser leurs créances afin d’optimiser le risque auquel elles sont soumises et donc l’allocation en fonds propres afférente »
Le site en question qui est réalisé par une société de conseil financier semble être une mine.
http://finance.sia-conseil.com/20070503/titrisation-evolution-d%E2%80%99un-marche-en-mutation/
Bon je vais bouquiner !
un article paru sur Médiapart d’Aldo Haesler, auteur de la « sociologie de l’argent » paru chez Droz
http://www.mediapart.fr/club/blog/aldo-haesler/180109/quelques-elements-pour-comprendre-la-defaite-du-capitalisme
– Sur la réponse de Paul à Pierre Lang
De fait,dans votre schéma d’explication, il y a bien création monétaire ex-nihilo puisque le transfert du crédit octroyé par la banque à un SPV permet de contourner l’obligation d’avoir les fonds propres nécessaires.
Où les SPV ont-elles trouvé l’argent pour acheter des RMBS ? Car, pour rebondir sur les précédents messages de Pierre Lang, le montant des subprimes est énorme, et il a bien fallu amorcer la pompe et la seule vente des RMBS n’ a pu suffire à enclencher un dynamique exponentielle.
@A.
Non, pas d’accord. Pas ex nihilo (sauf si les banques font des faux et usage de faux!). Car la SPC vend les obligations sur le marché à des investisseurs. Soit ceux-ci ont l’argent, soit ils l’empruntent eux-mêmes. Dans ce cas, c’est la banque de l’investisseur qui crée et détruit la monnaie…
Il « reste » à comprendre comment la taille de la bulle est si énorme. Sans doute en faisant tourner l’argent en rond au sein d’un groupe relativement fermé qui se prêtent en circuit fermé (sans s’en rendre compte) l’argent l’un l’autre en croyant que le support qu’ils achètent ne cesse d’apporter des plus-values). « Sans s’en rende compte », car l’opacité du système ne permet pas de l’analyser en détails.
Comme deux compères qui se re-prêteraient indéfiniment 100€ l’un l’autre en ajoutant à chaque tour la même somme dans l’actif et le passif de leurs comptes (en réalité cela se passe dans une nébuleuse ou le traçage est impossible à faire). Sauf qu’elles font croire au public (comme Madoff) qu’elles ont trouvé une martingale ! Ce qui permet à des victimes plus ou moins crédules de rentrer dans la danse en croyant faire de jolis profits et des gens malhonnêtes d’en profiter. Comme dans Madoff, les derniers rentrés perdent le plus. Quand les deux compères ont fait leurs comptes, il ne reste plus au bilan que les 100€ de départ, plus ce que les gens y ont mis, et qu’ils ne récupéreront pas vu l’embrouillaminis du système.
C’est pourquoi il est indispensable d’isoler les deux compères du reste du système (il me semble que cette stratégie suive son bonhomme de chemin chez les décideurs en charge de trouver la solution). Si au contraire, on essaye de renflouer un des deux compères, l’argent public investit disparaît…
@A.
Pardon. Je suis d’accord avec vous. Je n’avais pas lu (Sur la réponse de Paul à Pierre Lang). C’est avec de Paul que nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde. Je suppose qu’il m’a répondu trop vite, car je pense qu’au fond, il partage notre point de vue.
@ Stilgar
Chaque émission de monnaie scripturale d’une banque X doit en théorie pouvoir être payé en monnaie centrale lors des compensations interbancaires à moins que celle ci ne soit compensée par une monnaie scripturale concurrente ayant fini chez elle.
Donc si la monnaie de la banque privée n’est pas compensée (la banque X règle son solde négatif en monnaie centrale) le pouvoir d’achat gagné par l’emprunteur sera perdu par la banque. Pas de miracle !
@Pierre Lang
Je pense qu’un élément de la réponse à notre interrogation doit être le fait que la valeur des biens immoiliers anticipée était sans cesse croissante, ce qui a du permettre un endettement gagé sur de tels biens. C’est, si mes souvenirs sont bons, l’objet des premières pages du dernier livre de Paul.
Est-ce que quelqu’un sait pour quelle raison l’inflation n’est calculée que sur les seuls biens de consommation, excluant ainsi tous les actifs ?