Patrick McGoohan était « Numéro 6 », le « Prisonnier » immanquablement rattrapé par le gros ballon blanc à la fin de l’épisode. Il vient de s’éteindre.
Jacques, dans son commentaire à Une ligne de crête très mince, semble évoquer le gros ballon blanc :
Il n’y a que des solutions toxiques. Ils ont choisi ouvertement d’assumer les dettes douteuses. Mais devant la bulle des dettes publiques il n’y aura que l’hyperinflation pour s’en sortir avec toutes les pires conséquences que vous n’imaginez pas. Au bout du compte, ils réussiront. Mais quelles leçons en auront-ils tiré ? Une constitution pour l’économie ou une fermeture de la boite noire ?
12 réponses à “Patrick McGoohan (1928 – 2009)”
En effet, la grosse bulle est en train de tout avaler. Bientôt, CDS, LBO, Alt A, bref toutes les magnifiques inventions de nos chers ingénieurs financiers vont faire voler en éclat notre système économique. Certains en sont très heureux et il faut en effet changer de « système », mais le prix à payer sera colossal. Un seul exemple: Gaza.
Personne ne comprend que l’intervention à Gaza (liée au calendrier électoral) et la grave crise économique en Israël vont propulser au pouvoir Benjamin Netanyahu (élections anticipées du 10 février) qui a promis le 19 décembre 2008 de détruire la capacité nucléaire de l’Iran. Nous allons droit vers une 3ème guerre mondiale.
Le monde va de nouveau sombrer dans la folie!
« Je veux être un homme libre » hurlait le numéro 6. Que va-t-il alors rester de nos libertés dans ce chaos à venir?
Bonsoir,
Jacques a dit : « Au bout du compte, ils réussiront. Mais quelles leçons en auront-ils tiré ? »
Qui sont-« ils » ?
I’m not a number. Voilà qui ne fait penser à cet extrait de America Enslaved que j’ai pris la peine de regarder…
Alex Jones qui argumente au bureau d’émission des permis de conduire contre une loi qui impose de faire prendre ses empreintes digitales pour renouveler son permis de conduire… Il est finalement arrêté…
http://www.youtube.com/watch?v=ptsbCwcbrfc
Deux ans que je bataille pour que le lieu dit que j’habite (pleine forêt, 4 kms du village, 1 km de la route) garde son nom, mais c’est finit : Mon adresse postale est un numéro, et si je met l’ancien nom, le courrier n’arrive plus. Dur, de ne pas devenir un numéro…….
Merci pour lui. « Bonjour chez vous ».
En apprenant hier soir la triste nouvelle de la mort de Patrick Mc Gohan, je me disais justement : « cela ne m’étonnerait pas que Paul (et d’autres) en parle. »
Et c’est vrai, au delà de la mort d’un homme et du créateur du « prisonnier », il y a toute une métaphore !!
Patrick Mc Gohan, fut un immense artiste, auteur, réalisateur, acteur.
La vision de la première diffusion de la série « Le prisonnier » sur la télévision française à la fin des années 60 coincida pour moi avec
la découverte de la télévision — en noir et blanc, lorsque avec mes parents j’allais le dimanche chez ma grand-mère.
Je devais avoir entre 7 et 11 ans, pour rien au monde on ne m’aurait alors arraché du fauteuil, happé que j’étais par l’épisode du jour, du magnifique générique filmé à la Kubrik, condensé de tout le génie de Mc Gohan, jusqu’à la chute finale, toujours terrible, version orwellienne du mythe de Sisyphe !
A l’époque la série n’était pas encore une série culte.
Mais c’était les années 60, années bouillantes d’invention, je ne savais pas alors que je vivais l’age d’or de la télévision, une époque où reflexion et talent artistique pouvaient rimer avec culture populaire.
« I’m not a number, I’m a free man ! »
Complètement déjantée cette série, il me reste le souvenir de cette série lorsque j’étais jeune, je devrais regarder maintenant avec le recul.
Et, bonjour chez vous !!!
Dieu est mort, Le Prisonnier est mort, Derrick est mort, et moi-même je ne me sens pas très bien!
Encore un peu de jeunesse partie en bulle de fumée.
Quand Le Prisonnier a démarré sur nos ondes, à l’automne 1967, J’étais en troisième au lycée. Nos profs de la vieille école n’ont jamais compris pourquoi nous nous nommions soudain par un numéro, ni pourquoi nous appelions le vénérable bahut troisième république « le village ». Une vraie psychose collective, mais marrante et décalée. Sinon, je me souviens d’un épisode où le n° 6 faisait sauter l’ordinateur central du bunker en lui posant « la seule question à laquelle l’humanité ne pourra jamais répondre : What ? Quoi ? ». A l’époque, on ne doutait vraiment de rien, et, d’ailleurs, on s’apprêtait même à aller sur la lune !
Linda, à l’automne 67, c’était avant mai 68, et les fous « haïssables » allaient aux cours de Gilles Deleuze ; un devenir révolutionnaire emplissait l’ère et des réseaux se créaient, comme des blogs ! Si le consumérisme l’a finalement emporté, nous sommes actuellement sur une autre limite, « une ligne de crête »…
il avait tout de même une chouette bagnole le numéro 6 (ferais bien un p’tit credit…….) m’enfin !
– Où suis-je ?
– Au Village.
– Que voulez-vous ?
– Des informations.
– Dans quel camp êtes-vous ?
– Vous le saurez plus tard… Nous voulons des renseignements…
– Vous n’en aurez pas !
– De gré ou de force, nous les aurons.
– Qui êtes-vous ?
– Le Nouveau Numéro Deux.
– Qui est le Numéro Un ?
– Vous êtes le Numéro 6.
– Je ne suis pas un numéro,
JE SUIS UN HOMME LIBRE !
Je développe…
Autant le dire tout net, la fascination qu’exerce encore aujourd’hui ce feuilleton (formellement l’un des plus grands moments de l’histoire de la télévision, je ne le conteste pas) me gêne. Son générique orwellien, que rappelle tant à propos x… renvoie bien sûr à notre modernité actuelle (le « village » global, le « renseignement » envahissant, le numérique obsessionnel etc.) mais il n’est pas certain que Mac Gohan, sans doute beaucoup moins qu’Orwell, l’ait fait exprès.
Son œuvre a été tournée, je le répète, au milieu des années soixante, à une époque où le spectre totalitaire, invoqué jusqu’à l’hallucination chez nous, est encore le système qui exerce toute sa puissance de l’autre côté du rideau de fer.
Personne n’est en mesure, à ce moment, d’imaginer que cette monstruosité historique puisse être condamnée à terme dans le méchant intervalle de deux décennies.
La grande terreur est plutôt alors qu’elle « fasse mieux que nous », et avec les mêmes armes, à l’aune du productivisme, de la technologie triomphante et des loisirs de masse, mais sans ce qui faisait pensions-nous (cela a-t-il beaucoup changé) notre légitimité universelle, l’inaltérable démocratie.
La gêne vient d’abord de ce constat, qui à mon avis a largement échappé aux intentions du créateur : qu’est-ce qu’il reste du rêve communiste s’il avait réussi ? Le cauchemar de notre monde à nous, tel qu’il dérive actuellement, et il n’est pas certain que la démocratie soit éternellement incorporée au scénario.
Pourquoi un tel procès d’intention à notre génial « prisonnier » ?
Parce qu’il proposait aussi une SOLUTION limpide à son enfermement, dans ce monde négatif qui était pour lui l’image onirique de notre monde en devenir. Laquelle ? Précisément celle qui découle logiquement de l’ostensible credo « JE SUIS UN HOMME LIBRE ». L’évasion individuelle. C’est à ce prix et à ce prix seul (plus tard d’autres ont martelé que la vérité était AILLEURS) que le Prisonnier devient l’homme libre de l’autre monde, le monde positif où les hommes libres peuvent rouler à fond la caisse en héros solitaire (regard fixe et sourire sardonique) au volant de leurs bolides rutilants.
Ce havre de liberté ne vous rappelle rien ?
Il existe un autre aspect du Prisonnier qui m’a toujours beaucoup troublé rétrospectivement, et sur lequel les exégètes du feuilleton, je crois, se sont très peu étendus. Mais là encore, je me demande si cette impression remarquable résulte vraiment de la volonté de l’auteur, plutôt que d’un effet involontairement heureux du à un cahier des charge très contraignant, tel qu’il en corsetait toutes les productions télévisuelles de l’époque.
Le « Village » est un monde complètement asexué.
Si vous regardez bien, trois types de personnage en constituent la population. Les DOMINANTS froids et calculateurs, dont le n° 6 est le prototype parfait, puis vient tout un tas de d’exécutants et de SERVANTS(ES), réduits à leur stricte fonctionnalité sociale, et enfin le groupe des FIGURANTS dont la caractéristique principale, tout âge confondu, semble être l’infantilisme. Seuls des caractères physiques très secondaires (et peu suggestifs) permettent de distinguer des sexes dans ce dernier groupe. Il faut même fournir un très gros effort d’imagination pour convenir que tout ce petit monde vient bien de quelque part, c’est-à-dire qu’il n’est pas né dans les choux !
Cet aspect de la métaphore, qu’il soit involontaire ou pas, est à mon avis le plus réussi et le plus stupéfiant quant à son intuition anticipatrice. Il allait aussi complètement à contre courant de son temps, qui voyait sauter tous les verrous en faveur de la réputée « révolution des mœurs ». Il renvoie à l’extraordinaire pudibonderie qui marque notre époque, coincée entre les tissus épais de la « spiritualité » et les oripeaux tristes de la pornographie, et surtout envahie au plus profond de son intimité par des rapports marchands.
Le grand étalage charnel qu’exprime notre machinerie culturelle ne doit pas faire illusion. Le sexe pour lui-même, c’est-à-dire gratuit (pour ceux qui verraient en moi une espèce de pornocrate rentré et radin, je rappellerai que la famille ETAIT le dernier sanctuaire de sexualité gratuite), ce sexe-là est soit mort soit estropié. Il ne se déplace plus sans ses béquilles stratégiques que sont les stratégies de pouvoir et d’argent. « Notre corps n’est pas une marchandise » glapissent les corneilles bernées. Elles n’ont rien compris, c’est l’inverse !
C’est aux objets du divin marché, et objets de tous nos désirs, à qui il est poussé un sexe !
Pour une majorité de personnes, notre sexualité est celle du « Village ». Je rectifie donc mon assertion de départ. Qu’il l’ait voulu ou non, la vision de Patrick Mac Gohan était pour cela A LA FOIS géniale et gênante.
Daniel