Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Dans le livre de John Kenneth Galbraith, L’argent (1975), il écrit :
Dans les entretiens télévisés, l’hôte, réputé pour ses questions incisives, a l’habitude de faire débuter l’entretien avec l’économiste invité en lui posant celle-ci : « Dites-moi, après tout, la monnaie, c’est quoi ? » Les réponses sont immanquablement incohérentes.
C’est pour cela que je ne pense pas qu’il suffise de lire ce qui en est dit dans les manuels à l’intention des enfants des écoles (même de terminale !). Dans La transmission des savoirs (1984), nous nous étions, Geneviève Delbos et moi, intéressés à la forme particulière d’aplatissement que subit le savoir en vue d’être transmis sous sa forme scolaire. Ce qui disparaît en particulier, c’est le raisonnement, c’est–à–dire l’articulation des propositions en un discours théorique. Le raisonnement est remplacé par un ensemble de phrases isolées – de préférence courtes – qui puissent être mémorisées et régurgitées en situation d’examen.
Les citations que certains réclament – de préférence en provenance d’un Prix Nobel – comme substituts d’un raisonnement, procèdent de la même anesthésie de la pensée. Ce n’est pas comme ça, vous l’avez compris, que je fonctionne.
La question de la monnaie est complexe et ce n’est pas parce que celle-ci a été inventée par des hommes que la complexité de son fonctionnement actuel ne dépasse pas son entendement présent. Certains de vous invoquent un consensus qui existerait à ce sujet, ce n’est pas le cas : les théories sont en grand nombre et, je l’ai déjà signalé, intentionnellement incomplètes, les auteurs qui s’y sont aventurés jugeant que seules des simplifications drastiques leur permettraient de faire quelque progrès.
Je ne sais pas si la monnaie réclame un Galilée, rien de ce que j’ai lu jusqu’ici ne me dissuade en tout cas de le penser.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
347 réponses à “Le vrai débat sur la monnaie : un second point”
La monnaie est un instrument de paiement spécialisé accepté de façon générale par les membres d’une communauté en règlement d’un achat.
Ca ne peut pas être plus clair.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie
Je prends la liberté d’intervenir dans ce débat sur la monnaie (et sur le crédit), pour revenir à l’actualité. En espérant ne pas déranger. Non pas qu’elle puisse l’éclairer à ce stade, mais parce qu’elle me semble de plus en plus problématique. Et aussi parce qu’il ne faudrait que les débats de fond, parfaitement indispensables car contribuant à la réflexion sur des alternatives à opposer au système en déroute, détournent totalement l’attention de ce qui se fait, ne se fait pas et ce qui se prépare.
Où en est-on vraiment sur le marché du crédit, ce grand malade si entouré d’une discrétion toute bancaire ?
Les dernières données publiées par la BCE (« Monetary developments in the Euro area, november 2008 »), font apparaître une inquiétante poursuite de la stagnation de la distribution de crédits pour le secteur privé (entreprises et particuliers) dans la zone Euro, mais les chiffres de ce document mensuel datent de plus d’un mois. Toutes les banques centrales européennes et américaine sans exception font également état des difficultés des grandes entreprises à se refinancer et des coûts qu’elles doivent supporter, ce qui est particulièrement lourd de conséquences économiques et sociales potentielles.
Dans un entretien au Figaro, avant-hier 5 janvier, le président du directoire de la compagnie d’assurances AXA, Henri de Castries, estime au contraire que « La liquidité interbancaire revient progressivement, et on a constaté que certaines entreprises peuvent de nouveau émettre de la dette, même si cela leur coûte cher. » Les termes restent cependant prudents, les sources inconnues, la vision d’ensemble non garantie.
En Grande-Bretagne, où l’opacité financière semble, ces temps-ci du moins, moindre qu’en France, ce début de résurrection ne semble en tout cas pas au rendez-vous. C’est clairement ce qui ressort des propos tenus sur « BBC Radio Four » par le ministre britannique des finances, Alistair Darling, qui s’interrogeait dimanche dernier sur la nécessité d’une nouvelle recapitalisation des banques : « j’ai dit qu’il serait nécessaire de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que le système prête de l’argent à nouveau », a-t-il déclaré. En poursuivant : « une recapitalisation n’est pas la première solution, mais au cours des prochaines semaines nous allons continuer à discuter avec les banques des mesures que nous pouvons prendre pour faciliter les prêts, notamment aux petites et moyennes entreprises ».
Gordon Brown n’a pas été plus précis à propos de ces mesures en déclarant dans une interview à « l’Observer » d’hier dimanche, et de manière un peu énigmatique, que « le plus important est d’obtenir la reprise des crédits par d’autres moyens», la recapitalisation n’étant selon lui pas à l’ordre du jour. Demain elle le deviendra peut-être. Il y a en effet un gros problème, car dans son rapport trimestriel sur les conditions du crédit, paru vendredi dernier, la Banque d’Angleterre soulignait que les banques avaient l’intention de réduire leurs prêts aux particuliers et aux entreprises dans les trois prochains mois. Un signal qui ne présage pas exactement du retour à la normale.
En Allemagne, il est question d’un plan gouvernemental de garantie destiné à aider les entreprises à se financer, d’un montant de 100 milliards d’Euros. Afin de palier à l’absence de crédit disponible à ou aux difficultés rencontrées pour émettre des emprunts obligataires, les deux à des conditions raisonnables. Ce plan fait suite à celui de 400 milliards d’Euros, qui était lui destiné aux banques, afin de leur permettre de se refinancer et de relancer le crédit, dont on voit le succès.
En France, Nicolas Sarkozy vient d’annoncer que de nouveaux prêts allaient être apportés aux banques, selon un calendrier, pour un montant et dans des conditions non précisées, après ce qui est désormais dénommé comme étant « la première tranche de décembre » (de 10,5 milliards d’Euro), sans qu’aucune évaluation de ses conséquences ne soient produites et que ne soient rendues publiques les modalités des conventions de prêt signées par les banques bénéficiaires.
Dans un pays comme le Brésil, pour ne pas se cantonner à l’observation du monde « développé », où le crédit à la consommation joue un très grand rôle au sein des « classes moyennes » – concept qui ne recouvre pas vraiment le notre en terme de revenus moyens annuels – la production industrielle a chuté en novembre dernier de plus de 5,8 % par rapport au mois précédent selon l’IBGE (Institut national de la statistique), en raison est-il analysé de la raréfaction du crédit. Il est courant d’y acheter par exemple de l’électroménager en « six fois sans intérêt », sachant que son prix a préalablement été augmenté d’autant, mais cela ne couvre pas tous les secteurs de la consommation.
Par quels moyens, alors, débloquer et relancer ce crédit, notamment aux USA ? Raghuram Raja, professeur de l’Université de Chicago et ancien chef économiste du FMI, réagissant aux premières informations circulant sur le plan de relance de l’administration Obama, en particulier sur son paquet fiscal, a d’après l’agence Bloomberg reconnu certes l’importance d’une relance économique, mais il a mis l’accent sur la nécessité de « nettoyer le secteur financier », espérant l’adoption par cette même administration d’un plan clair dans ce domaine. Le vrai problème, selon lui («a real issue »).
De quoi le secteur financier a-t-il donc besoin d’être « nettoyé » ? J’ai déjà eu l’occasion d’essayer d’énumérer les raisons pour lesquelles les banques rechignent à se faire crédit entre elles. J’aurai du aussi parler des CDO (credit default obligations) que les institutions financières ont inscrit dans leur « hors bilan », quand elles ne les ont pas massivement parquées dans des discrètes filiales exotiques. L’estimation de la « share value » d’une banque, élément de l’évaluation du risque qu’elle représente, est dans ces conditions d’absence totale de transparence une aimable plaisanterie. Aussi ridicule, pour faire une aparté, que l’impossible rigoureuse définition de ce qu’est un « délit d’initié » quand on y réfléchit un peu. Où commence le délit et où s’arrête-t-il ?
De fait, le panorama américain continue d’être impressionnant. Le crédit interbancaire est toujours au plus bas, en dépit du TARP de 700 millions de dollars d’octobre dont la moitié a été déjà utilisé. En général, le crédit est difficile à obtenir et ses taux sont élevés, qu’il soit destiné aux entreprises ou aux particuliers, pour ces derniers afin de financer leurs prêts hypothécaires ou leur consommation. Pour ne donner qu’un seul chiffre, hautement significatif de cette situation vu l’importance du crédit revolving dans le financement de la consommation des ménages, la moyenne du taux des cartes de crédit était à mi-décembre à 14,33 %, selon le site spécialisé IndexCreditCards.com.
La réponse du gouvernement a bien été, dans ce dernier domaine, de ne permettre des augmentations des taux attachés aux cartes de crédit que pour les nouvelles cartes émises et pour les achats qui n’ont pas déjà été effectués, avec un préavis de 45 jours. Mais cette mesure entrera en vigueur en…juillet 2010.
Le débat s’est installé entre éminents professeurs d’université et experts des think tanks, lobbyistes et responsables d’associations de consommateurs. Que faut-il exiger ou pas des banques qui ont bénéficié de fonds publics ? 75% des 250 millions de dollars consacrés à l’achat d’actions sans droit de vote, avec comme seule obligation de verser annuellement 5% de dividende des sommes investies, ont été utilisés, vient d’annoncer aujourd’hui le Trésor.
«Si vous croyez dans la libre entreprise, vous devez utiliser pour contrôler les banques non votre participation à son capital mais le jeu de la compétition» a déclaré Gary Becker, Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel (et non comme écrit à tort Prix Nobel). A l’opposé, Gail Hillebrand, responsable d’un groupe de pression de consommateurs a affirmé “nous en sommes maintenant partiellement les propriétaires (des banques) et nous devrions l’utiliser pour qu’elles arrêtent de nous étouffer ». Demander aux banques des modifications de leur politique serait « contreproductif » et étoufferait non pas les consommateurs mais « l’innovation » des banques a assené David John, membre de la Heritage Foundation, un think tank de Washington, un point de vue qui pourrait dérouter un européen ignorant les subtilités de l’idéologie dominante américaine.
Du côté du Trésor, la réflexion officiellement engagée sur ces sujets ne semble pas beaucoup avancer. En décembre dernier, un rapport officiel du « Government Accountability Office » s’interrogeait de savoir si le Trésor surveillait de suffisamment près l’emploi des fonds publics. La réponse qu’il a obtenu de celui-ci est qu’il attendait des institutions financières qu’elles développent le crédit mais n’avait pas encore été déterminé s’il imposerait ou non à celles qui avaient bénéficié de ces fonds d’en rapporter auprès de lui.
Accordons le mot de la fin, pour évoquer l’avenir, à Monsieur Henri de Castries, qui va vite en besogne et saute l’étape du déblocage dans son impatience avouée à prendre des parts du marché du crédit aux banques : « l’endettement croissant des banques et la titrisation de certains actifs ont sans doute eu des côtés excessifs, mais ils avaient permis de financer une bonne partie de la croissance des dernières années. À vouloir les restreindre trop vite, après avoir laissé en abuser, on a créé des tensions. Il faut souhaiter le redémarrage de la titrisation car le seul bilan des banques ne permettra pas de couvrir tous les besoins des économies. »
On admirera le « ont sans doute eu des côtés excessifs », manière bien dans la tradition de ce monde de reconnaître, quand on ne peut plus faire autrement, les phénomènes dérangeants. On appréciera également l’analyse selon laquelle, « à vouloir les restreindre trop vite » (l’endettement et la titrisation), on aurait crée « des tensions », qualification de la crise qui a au moins le mérite de ne pas être anxiogène. Ces tensions résulteraient, somme toute, de mesures volontaires, dont on serait bien en peine de préciser qui les ont décidés et mis en œuvre, un peu trop excessives, elles aussi. Fine lecture.
Pour le dire plus simplement, les banques ne disposant pas des fonds propres nécessaires (ainsi qu’Alistair Darling le confirme en envisageant l’éventualité de leur recapitalisation), il va, selon Henri de Castries, falloir recourir à nouveau à la titrisation pour financer le crédit et la croissance, dès ce mécanisme pourra recommencer. Remarquons qu’en espérer le redémarrage demain, c’est reconnaître qu’il n’en est rien aujourd’hui.
Voilà donc un des principaux problèmes sur lequel on semble buter dans les salles des machines financières. On ne sait pas relancer le crédit sans avoir recours aux instruments financiers qui ont contribué à la crise financière actuelle, ce qui revient à prescrire au patient ce qui déclenché sa pathologie. A défaut et dans l’immédiat, il n’y a pas d’autre ressource que de substituer au crédit financier privé des détaxations fiscales, entre autres mesures, en les finançant avec de la dette publique. Ce qui n’agira que provisoirement.
Un clou chasse l’autre, une dette en remplace une autre. Solution d’attente qui semble appelée à durer, qui ne va pas être sans poser dans un proche avenir de premiers problèmes, tel que son refinancement quand les taux vont regrimper, et qui ne pourra pas être éternellement renouvelée, au vu des volumes financiers qui s’accumulent et des doutes qui ne manquerons pas de s’accroître à propos de la qualité de la dette publique américaine.
Le président de la CIC (China Investment Corporation), Zhang Hongli, fond souverain chinois doté de 200 milliards de dollars et investisseur notamment de Morgan Stanley et Blackstone, vient selon l’agence Chine nouvelle d’annoncer: « aujourd’hui, la liquidité est reine. Nous essaierons dans la mesure du possible de ne pas investir ». Ce qui est compréhensible au vu des pertes précédemment enregistrées. Il ne s’agit là, c’est vrai, que d’investissements dans les entreprises et institutions privées, pas de placements dans les bons du Trésor.
Le fonctionnement actuel du système monétaire international reposant sur le dollar comme monnaie de réserve ne devrait probablement pas survivre éternellement. Ce serait, plus qu’un simple changement d’époque, la conséquence somme toute secondaire d’une impasse globale aux suites très incertaines. Une impasse de l’Amérique en premier lieu, entraînant avec elle le reste du monde dans l’inconnu. Avec l’émergence des pays que l’on s’obstine à continuer de qualifier « émergents », le monde pivotait déjà, sans que l’on en mesure bien toutes les conséquences. Il sera aussi prochainement à la recherche d’un nouvel axe et devra avoir à apprendre à vivre sans, ce qui n’est pas gagné.
Ne souhaitant pas jouer les prophètes de malheur, bien que quand on commence une phrase comme cela, ce ne soit jamais trop bon signe pour la suite, on peut craindre que nous soyons désormais face à deux murailles, celle que révèle la crise financière actuelle et celle qui résulte des déséquilibres écologiques dans lesquels nous nous enfonçons. Nous n’y étions pas préparés. Dans les deux cas, des problèmes aigus de rareté et donc de distribution – de répartition pour énoncer un mot qui fâche – vont en découler et s’exacerber.
S’interroger sur leurs conséquences sociales, sur la direction que nos sociétés vont désormais emprunter, voilà un réel et valable sujet d’inquiétude. Elles contribueront, à ne pas en douter, au troisième volet de la crise.
Certes, on peut difficilement faire plus court, par contre, on peut surement faire plus clair: qu’ est ce qu’ un « instrument de paiement spécialisé « ? : une massue ? Un chèque ?
Mon second point sur la monnaie :
1er sujet :
Si je travaille j’ai un salaire. Je peux acheter ce dont j’ai besoin. Pourquoi aurais-je besoin d’un banquier [créé ex-nihilo]? Pourquoi suis-je dépendant de ce banquier [parasite] ? Qui est-il pour intervenir dans ma vie ? D’où sort-il ? Comment en sommes-nous arrivés à nous imposer cette contrainte ?
2ème sujet :
Société de consommation, cela signifie-t-il que le mode de fonctionnement actuel de notre société est la consommation ? Pourrions-nous en changer ? Et si oui, quand ?
« Vous choisissez un sujet. Vous avez 4 heures. Toute sortie est définitive. »
PS : Rayez les crochets qui vous semblent inutiles.
Voici pour ceux qui prennent le train en route un petit résumé de François Simonet:
« Ainsi n’importe quel actif (c’est-à-dire n’importe quel bien possédé ou service rendu) pourrait être considéré comme de la monnaie, dès lors qu’il serait accepté en paiement. En réalité, tous les actifs ne se valent pas de ce point de vue.
On réserve le nom de monnaie aux actifs qui présentent deux caractères particuliers.
Ils sont « liquides », c’est-à-dire qu’ils peuvent être utilisés instantanément,
Ils sont « sans risque » de perte ou de gain en capital lorsqu’ils sont mobilisés (c’est-à-dire transformés pour être la contre partie de l’échange).
Tous les actifs ne sont donc pas de la monnaie et certains le sont plus que d’autres : il y a des degrés dans la « liquidité » et dans le caractère « risqué ».
La monnaie c’est l’ensemble des actifs permettant de se libérer d’une dette, sur un territoire donné, sans délai et sans risque de perte en capital.Il faut insister sur le fait que la masse monétaire ne contient que la monnaie susceptible d’être dépensée par les agents non financiers ce qui exclut la monnaie appartenant et détenue par les banques et les institutions financières. »
Or,pour moi le problème est dans le fait que « tous les actifs ne se valent pas » et surtout « certains le sont plus que d’autres ». En effet, les contours de la masse monétaire deviennent flous avec la finance moderne. D’ailleurs la définition de liquidités n’est pas la même pour un financier et un économiste.Le problème essentiel est là!
Notre conception de la monnaie doit changer car il faudrait désormais introduire les produits dérivés dans sa définition (ce sont des liquidités dans le monde de la finance). Qu’en pensez-vous?
@François Leclerc
Bonsoir,
Question crédit il semblerait que la zone euro s’en sorte plutôt pas mal et la France particulièrement (jusqu’ici…)
Il faut rappeler que ces graphes représentent le taux de croissance du crédit et non le total des crédits, si le taux est au dessus de zéro c’est qu’on continue à faire plus de crédit. A zéro on n’en fait autant mais pas plus, en dessous, le crédit diminue.
Mais bien sur dans notre pauvre système de fuite en avant, pour le crédit comme pour la croissance, il faut faire mieux que l’an dernier sinon c’est la récession, patatras !
PS: Ou trouver les graphes du crédit au secteur privé US (et autres pays) ?
Une dernière précision qui peut apporter un éclairage. Les partisans de la création monétaire dont je fais partie, font le raccourci suivant : avec 100 euros, une banque peut créer jusqu’à 1000 euros. C’est effectivement le cas, mais la banque, a aucun moment ne peut prêter (et donc créer) plus que les 100 euros en une seule opération. En fait, ce sont les 100 euros qui sont prêtés plusieurs fois, avec une perte de capacité a chaque itération du aux réserve fractionnaires, disons 10%.
Un client dépose 100 euros dans une banque.
La banque garde 10 euros en réserve et prête 90 euros a un client qui les dépose dans la banque.
Sur ces 90 euros, la banque en garde 9 en réserve et peut en prêter 81 a un autre client qui les dépose dans la banque.
et etc…
La somme des dépôts a vue de tous les clients de la suite est bien de 10 fois supérieur au dépôt initial de 100 euros mais a aucun moment la banque n’a pu prêter (et donc créer) 1000 euros en une opération.
Dépôt Prêt
OPE 1 100 90
OPE 2 90 81
OPE 3 81 73
OPE 4 73 66
OPE 5 66 59
OPE 6 59 53
OPE 7 53 48
OPE 8 48 43
OPE 9 43 39
OPE 10 39 35
OPE 11 35 31
OPE 12 31 28
OPE 13 28 25
OPE 14 25 23
OPE 15 23 21
…
TOTAL DES DEPOTS >1000
Si bien que la limite de l’exercice est évidente, a savoir que si un emprunteur dépose son prêt dans une autre banque, la première ne peut plus prêter (et donc créer de la monnaie). En revanche, la deuxième prend le relais… mais on peut comprendre les besoins des banques en argent frais, et pourquoi elles se concurrencent pour avoir des déposants.
Ceci dit, au niveau du système bancaire global (ie en considérant qu’il n’y a qu’une banque) cela se comporte bien de la façon suivante : avec 1 euro de base monétaire, les banques commerciales peuvent créer jusqu’à 10 euros de monnaie scripturale.
Bonjour à tous,
Frédéric Lordon explique en deux mots (dans une courte vidéo) le rapport entre la titrisation et la création échevelée de monnaie-dette (le crédit bancaire sans plus aucune vraie limite) et… la crise (par surendettement) :
http://www.dailymotion.com/video/x6bm80_frederic-lordon-la-titrisation_news
____________________
De mon côté, je répète – et c’est une DÉMONSTRATION, et pas un argument d’autorité ou une révérence pieuse à je ne sais quelle théorie :
J’attends toujours la démonstration du contraire.
Et prétendre que ceux qui, comme Paul Jorion et quelques autres, NIENT LES FAITS pour démontrer la réalité d’une fiction au moyen de constructions intellectuelles sophistiquées, ce sont « les héritiers de Galilée », c’est vraiment voir et présenter le monde À L’ENVERS 🙂
Mais je continue de penser qu’il s’agit d’un malentendu (parce que c’est trop gros).
Étienne.
Simple, efficace, en 3 points, facile a se rappeler.
Bravo Etienne, on pourra considérer après cela que ca relève du médical.
@Bru
C’est bien expliqué mais une question:
Pourquoi pour vous « prêter une partie du dépot » est equivalent à « créer de la monnaie ». Dans un système interbancaire hors mis les quelques fuites il n’est pas necessaire lorsque le banquier prête de l’argent que cet argent existe puisque en régle général personne ne vient le retirer.
@ François Leclerc
Merci pour votre remarquable exposé qui fait le point sur le marché du crédit bancaire. Vous donnez toute sa dimension à la crise actuelle.
Les citations que vous produisez n’ont pas de quoi rassurer. Il faudra boire le mauvais vin de la crise jusqu’à la lie, à moins d’un sursaut populaire ! Mais d’où pourrait-il venir ? Il manque aussi encore les Roosvelt, Churchill et De Gaulle qui soigneront vraiment le malade et ne se contenteront pas de le maintenir en survie artificielle avant qu’il ne tombe vraiment dans le coma. Obama a pris conscience de la crise écologique, mais a-t-il pris également la mesure du caractère inopérant des solutions anciennes ? C’est la grande inconnue. Nous le saurons dans quelques semaines, quelques mois.
La plupart d’entre nous ici sur le blog de Paul — et Paul lui-même, avions insisté sur la nécessité d’exiger de sérieuses contreparties pour les prêts et autres aides consenties aux banques. Et nous avions raison : sans rapport de forces les banques font à leur guise. Paul nous a dit dans un de ses billets qu’une partie du Plan Paulson avait déjà servi à distribuer des dividendes !!
Il est totalement incompréhensible que les politiques ne se saisissent pas du problème à bras le corps. Ils disent en gros « nous ferons ceci ou cela si la cise s’aggrave .. » Et d’aucuns de voir dans la tritisation l’unique solution au problème !! Je ne sais pas si c’est de l’aveuglement ou du cynisme, mais c’est tout à fait consternant! ! Je me frotte les yeux pour savoir si on ne rêve pas ! Il ne faut pas avoir fait l’ENA ou polytechnique pour savoir que cela ne marchera pas. Les politiques en charge des gouvernements en sont restés au degré zéro de la pensée économique. Même les mots capitalisation, droit de vote des mandataires de l’Etat au conseil d’administration des banques sont pour eux comme des maladies honteuses. Rarement il y aura eu un tel décalage entre les analyses des experts indépendants hétérodoxes et les analyses officielles des milieux autorisés du monde des affaires et de la politique gouvernementale.
A la décharge des banques, tout de même, on peut ajouter que si celles-ci se gardent encore de relancer la machine à crédit, c’est faute de perspectives claires tracées par les politiques, lesquels attendent tout le l’économie, alors que ce sont eux qui sont en mesure d’imposer de nouvelles règles du jeu, seules à mêmes de redonner envie aux joueurs de rejouer, et donc d’anticiper une configuration nouvelle de l’économie. Bref, les politiques agissent comme s’ils étaient de simples auxilliaires des capitalistes et des entrepreneurs. Aujourd’hui, faute de règles nouvelles, et les anciennes ayant fait la preuve de leur nocivité, c’est le status quo, et bientôt le chaos, si rien n’est fait.
@Nadine,
Prêter c’est créer de la monnaie car :
– Le déposant inital des 100 euros a ces 100 euros dans un compte a vue (un compte courant quoi). Il a donc a juste titre le sentiment qu’il a cet « argent » car il peut effectivement le dépenser a l’occasion d’un achat par exemple (pour revenir a la définition de la monnaie).
– Le bénéficiaire du 1er prêt (soit 90 euros) a aussi la vague impression de pouvoir dépenser cet argent 🙂 et effectivement il peut le faire.
– et etc…
Donc, d’un simple billet 100 euro qui appartenait qu’a une personne, on a permit via le système bancaire a plusieurs personnes d’avoir la capacité a dépenser beaucoup plus (avec une contre partie de dette, mais qui sera remboursée ultérieurement).
@ Étienne Chouard
Je n’ai jamais nié (ni Paul je pense, mais je ne veux pas parler à sa place) aucun de ces trois points.
Ils démontrent effectivement une création monétaire. Mais vous oubliez une hypothèse. Si vous pouvez en plus affirmer que tous les clients peuvent retirer l’argent de leurs DAV, je serais convaincu. Mais pour le moment, il me semble que ce n’est pas possible sans mettre la banque en faillite. De l’argent qui ne peut être utilisé (et qui n’est donc plus un moyen de paiement pour un certain temps : le temps de remboursement des crédits correspondants) n’est donc pas vraiment de l’argent.
Si en revanche, l’argent qui sert de ‘garantie’ lors de l’octroie d’un crédit peut tout de même être dépensé alors que le crédit n’est pas remboursé, je suis d’accord pour dire qu’il y a création. Mais cela ne me semble pas être le cas. Donc, en tant que réalité comptable, création peut-être. En tant que moyen de paiement, je ne suis toujours pas convaincu.
Les choses ne sont pas claire pour moi quand à ce qu’il se passe dans les banques centrales. D’après le document Modern Money Mecanics de la Fed, les banques centrales semblent être à même de créé réelement de l’argent ex nihilo en échange de bons du trésors émis par l’état. (du moins au USA).
Si quelqu’un à plus de précision sur un de ces points, je suis preneur
@ Shiva
Bonsoir et merci de vos commentaires et informations.
Je ne suis malheureusement pas familier de ces documents de la Banque de France et n’en maîtrise pas l’interprétation. Pardonnez-moi si je m’en tiens, dans l’immédiat, aux éléments que j’ai énumérés. Je ne vois pas, notamment, pourquoi le gouvernement de la République Fédérale envisagerait un plan de tel ampleur (400 milliards d’Euros de garanties) pour aider les entreprises si les banques ne faisaient pas quelque part défaut en matière de crédit.
S’agissant de la France, j’ai l’impression, à écouter nos autorités, d’assister à un remake de ce nuage de Tchernobyl qui s’était arrêté aux postes frontières. Que les banques françaises aient moins souffert que par exemple les britanniques, cela semble très probable. Qu’elles aient été plus vertueuses l’est beaucoup moins.
Mais dans tous les cas, l’opacité reste une vertu cardinale de nos banquiers dont vous remarquerez qu’ils ne communiquent pas spécialement ces derniers temps. Le monde de la finance souhaite rarement étaler ses petits problèmes sur la place publique, en temps de crise pas plus qu’en temps normal, encore moins dirais-je. Un colloque européen débute à Paris demain sous des auspices gouvernementales, intitulé « Nouveau monde, nouveau capitalisme », il n’y a significativement pas un seul banquier parmi les intervenants annoncés (à part le Président de la BCE, Jean-Claude Trichet).
@Etienne
Vous dites: »Lors d’un crédit bancaire, un DAV voit son solde augmenter (dans la comptabilité de la banque, celle dont il va être difficile de s’affranchir sans perdre sa crédibilité), ALORS QU’AUCUN AUTRE DAV NE BAISSE. »
Ce n’est pas parce qu’aucun autre DAV baisse qu’il y a création monètaire. La banque joue sur le fait que personne n’ira retirer son argent. Elle prête de l’argent qu’elle n’a pas. Le systeme bancaire est une banque virtuelle ou personne ne vient retirer son argent c’est aussi simple que cela. Aucune création monetaire n’intervient car ce n’est pas necessaire et c’est contre-productif.
Amicalement
@Nadine,
Si il y a création monétaire, car les soldes des comptes a vue peuvent être utilisés comme moyen de paiement sans passer par le stade « argent ». Pour faire très simple : Vous faire un chèque a un commerçant qui est dans la même banque que vous, une telle opération reste au stade purement scriptural. Et comme il y a paiement il y a monnaie, et le total de cette monnaie (scripturale) est la somme des comptes a vu, et les banquier on le pouvoir d’en faire augmenter la masse.
@Bru
Je suis désolée mais vous ne créez pas de la monnaie car si pour faire ces deux achats le déposant et le bénéficiaire du crédit avez voulu payer en monnaie fiduciaire un des deux n’aurait pas pu le faire.
Que le beneficiaire puisse réaliser un achat parce qu’on est dans un systéme interbancaire c’est une chose mais cela n’implique pas une création monetaire.
@Nadine,
On revient a un problème de définition, vous considérez que la somme des comptes a vue ne constitue par une monnaie contrairement a la majorité qui la nomme Masse Monétaire 1.
Ce qui n’est pas créé c’est de la base monétaire, nous sommes d’accord, la masse monétaire 0.
@Bru
Ce n’est pas parce qu’il y a paiement qu’il y a monnaie ou alors quand je paie une marchandise en échange d’une créance que j’ai contre le marchand je considère que ma creance était de la monnaie.
Mais non, une créance n’est pas de la monnaie même si cela m’a permis d’acheter ma marchandise.
@ Tous
Hum… effectivement, si les échanges sont effectués dans la Même banque au moyen de monnaie scripturale (ce qui somme toute doit être assez courant), il semble qu’il peut bien y avoir création d’un moyen de paiement à partir d’argent qui n’existe pas. (enfin qui existe, mais qui attend gentiment un remboursement de crédit pour pouvoir être pleinement utilisable).
Ah le truc de fourbe…
Me voilà donc en partie convaincu du coup 🙂
Et si ce paiement est effectuée par monnaie scripturale vers une autre banque ? Cela marche-t-il aussi ? (je ne pense pas, mais on ne sais jamais)
@Archimondain,
Cela marche au global entre banques différentes, car les flux s’annulent en très grande partie et le solde qui est marginal se fait facilement (sauf panique sur une banque évidemment :))
@Nadine,
si, par nature de la transaction, s’il y a achat, il y a monnaie. Sinon c’est du troc ou du vol.
@Nadine,
Les coquillages, le sel, l’or, l’argent, les cigarettes mais aussi les dettes ont été utilisés comme monnaie, mais dans la liste seules les dettes le sont encore
@Bru
C’est du troc bien sur ! mais pas de la monnaie.
Amicalement
@Bru
Quand je dis ce n’est pas de la monnaie je parle de la monnaie juridiquement parlant qui a cours légal sinon on en viendra à parler de tout et de n’importe quoi.
On parle pas de n’importe quoi, on parle de la monnaie, cad ce qui est accepter en contre partie d’un achat. Et juridiquement, les employeurs ne peuvent payer leur employés en liquide et vous n’avez pas le droit de vous balader avec + de 10000 euro. La monnaie encouragée par l’état et la loi semble être plutôt la monnaie scripturale (on peut tracer facilement les mouvement 🙂 )
@ Etienne Chouard
La « réalité comptable » n’est pas une réalité : c’est une stylisation fondée sur le postulat que le crédit est toujours égal au débit. Dans la réalité [économique] les choses ne se passent pas comme ça, il y a des profits et des pertes, des gains et des dépenses. La « création monétaire ex nihilo » est un artefact (une fiction) qui permet de maintenir cette égalité comptable entre le crédit et le débit.
Wikipedia :
comptabilité en partie double
Intitulés——————-Débit——Crédit
Compte Véhicule——-10 000
Compte de trésorerie————–10 000
Mais le fait est que la compagnie a dépensé 10.000 €.
@ Pierre-Yves D.
Pascal Lamy, Directeur général de l’OMC, a hier estimé sur la radio France Inter que la crise financière était due à un « trou dans la régulation internationale » et qu’il faudrait « cinq-six ans » pour « bâtir une régulation ». « A court terme », « il n’y a pas d’autres solutions que les plans de relance », mais « il faut veiller à ne pas creuser des trous dans les déficits publics qu’on aurait du mal à reboucher », a-t-il ajouté.
Ce sont les « cinq-six ans » que je retiens en priorité de cette intervention, et sur la succession de plans de relance en attendant. Je pense que c’est l’agenda dans lequel nous sommes. Il va y avoir beaucoup de discours aussi. On peut se demander aussi si la mesure de la crise a été bien prise, sauf dans ses aspects les plus immédiats. Et si le monde de la finance, globalement considéré, voit dans la remise du capitalisme sur ses pieds autre chose qu’une opération de cosmétique.
@Bru
Puisque vous semblez avoir réponse à tout, si les banques font de la création monetaire où est passé la monnaie de la bulle du credit, les crédits faisant les dépots ?
@Nadine,
Vous mettez le doigt sur un point capital, cet argent existe toujours, mais il est tétanisé par la peur et se dirige tout droit vers les bonds du trésor américain, dont la demande hystérique a poussé leur rémunération a négative sur décembre dernier (en gros, les gens payent pour que Washington garde leur argent).
Le problème pour les banques est qu’elles ont du déprécier leurs créances pour la bonne et simple raison que les emprunteurs ne remboursent plus (ou en tous cas moins).
Et ces dépréciation les mettent a la limite de leur taux de réserve factionnaire, car la monnaie créé existe toujours mais les dettes qui une fois rembourser devait annuler cette monnaie le sont de moins en moins, remboursées.
Et aujourd’hui ces dettes pourris sont reprise par les banques centrale en échange de base monaitaire (« vrai argent ») par une opération de « monétisation de la dette » qui ne manquera par de nous amener a minima une phase d’inflation bien salée a terme.