L’impréparation devant la crise
Les premiers jours d’une année nouvelle ont valeur psychologique en raison du bilan que l’on établit alors de celle qui vient de s’écouler : on tourne le regard en arrière et l’on soupèse. L’expression qui vient à l’esprit quand on contemple ainsi 2008, c’est : « le champ couvert de morts ». Et il ne s’agit pas comme le plus souvent à la guerre, de piétaille seulement : des généraux en furent cette fois les victimes, tels Bear Stearns, Lehman Brothers, Merrill Lynch, Fannie Mae, Freddie Mac, Wachovia, Washington Mutual, AIG ou Countrywide, et en Europe : Fortis, Hypo, ainsi que les banques britanniques et islandaises. Parmi les survivants, beaucoup de grands blessés, comme Citigroup, et les deux banques d’affaires rescapées de justesse, Goldman Sachs et Morgan Stanley.
Les fleurons de Wall Street étaient prétendument invincibles. Au lieu de cela, le symbole de la finance assurant une fois pour toutes sa domination sur le monde est en ruines. Le contraste entre l’ambition démesurée qui avait été affirmée et le caractère absolu de la déroute observée souligne encore davantage l’étendue du désastre : la chute d’un empire qui avait été promis pour mille ans est tout spécialement dérisoire. Et la tragédie avait éclaté dans un ciel pourtant sans nuages : la finance qui s’effondra en un peu plus d’une année avait obtenu la caution de tous, de la droite qui lui était naturellement acquise à la gauche qui s’était bien sûr fait tirer l’oreille. Quand cette belle unanimité fut finalement acquise, l’édifice monumental que chacun admirait alors en se congratulant mutuellement, s’écroula d’un seul coup.
Mr. Paulson, le secrétaire américain au Trésor, à qui l’on reproche les atermoiements et les changements de cap multiples qui caractérisèrent ses tentative d’endiguement, déclarait mardi dernier dans un entretien au Financial Times : nous n’imaginions pas l’ampleur du mal, nous n’étions pas prêts, nous ne disposions d’aucuns des moyens qui nous auraient été nécessaires.
Aujourd’hui, les corps sont alignés sur les tables de dissection et l’on découvre avec stupéfaction l’état déplorable des organes vitaux de ces grands gaillards que l’on imaginait pourtant vigoureux. Seule la fuite en avant leur conférait semble-t-il leur élan et le fonds Madoff ne constitue que la forme extrême, caricaturale, du business plan qui régnait en maître à Wall Street il y encore un an.
Les propos de Mr. Paulson sont très humbles et il loue aussi les mérites de ceux qui se préparent à lui succéder. J’ignore si cette humilité l’a toujours caractérisé où s’il s’agit d’une leçon qui lui fut inculquée par les événements qui émaillèrent 2008. S’il souligne que les moyens pratiques lui firent défaut, il faut ajouter qu’il en va de même des moyens théoriques.
On entend dire aujourd’hui, au spectacle de la déroute intégrale de la science économique dominante, celle que l’on appelle aussi « l’École de Chicago », que sa déconfiture signifie la victoire de ses ennemis traditionnels : le marxisme et le keynésianisme. Il s’agirait bien entendu au mieux pour les chefs de ces écoles d’une victoire posthume, car ils nous ont quitté il y a longtemps. Rappelons aussi que leurs théories ne furent pas ignorées sans autre forme de procès : elles furent testées sur le terrain – même si ce ne fut sans doute pas sous la forme exacte qu’ils leur avaient imaginée – et qu’elles subirent la même sanction que celle infligée aujourd’hui à « l’École de Chicago ».
Il serait bon alors que les économistes fassent preuve de l’humilité que l’on voit aujourd’hui à Mr. Paulson : eux non plus n’envisagèrent pas l’ampleur du mal en gestation, eux non plus n’étaient pas prêts, et ceci vaut aussi bien pour l’opposition marxiste ou keynésienne que pour les tenants de l’école monétariste dominante. Le fait est que la variété de science économique que les événements réclament aujourd’hui à cor et à cri reste encore à bâtir. C’est là à la fois une mauvaise et une bonne nouvelle.
88 réponses à “Le Monde Economie, lundi 5 janvier”
Ce qui est dingue, c’est qu’ils veulent des citations de grands noms, pas des explications ou des arguments.
Des banques tombent à court de liquidités ou deviennent insolvables et il faudrait croire sur parole ces grands noms qu’ils créent de la monnaie ex-nihilo? Ou sont-elles les explications dans vos manuels si ce n’est l’affirmation gratuite « les banques privées créent ex-nihilo de la monnaie »?
Des phrases comme celles-ci sont à mon avis aussi à relever par leur caractère circulaire : « Mais il n’y aurait pas de « credit crunch » s’il n’y avait pas eu de croissance de la masse monétaire en circulation » Les relevés officiels de la masse monétaire ne font en effet que mesurer la circulation de la monnaie, autrement dit plus il y a de crédits et plus la monnaie circule et plus les chiffres mesurés s’accroissent. S’il y a 1 euro et que les banques se le prêtent et reprêtent entre elles toutes les minutes pendant 1 heure et qu’on fait la mesure à ce moment, on va nous dire que la masse monétaire est de 60 euros (en réalité on a compté 60 fois le même euro). Et puis si une banque retient l’euro et ne le prête plus, on va nous dire qu’il y a credit crunch et que la masse monétaire a chuté à 1 euro. Et les autres banques de faire faillite malgré leur grand pouvoir de création ex-nihilo de la monnaie…
@ François Leclerc
Si mon commentaire est perçu comme une sommation c’est bien malgré moi. J’essaie plutôt de comprendre en tant que non spécialiste – mais alors du tout – ce qu’implique et sa position et les conséquences qu’elle peut avoir.
Pour ce que j’en retiens : si on admet la position traditionnelle « banques qui créent de l’argent » on est dans l’ancien modèle, avec les conséquences qu’il implique.
Si en revanche on admet « avance + sueur + soleil » (avec remboursement de l’avance plus versement des intérêts qui sont, eux, justifiés dans le cadre d’une « avance productive » et iniques sur un prêt à la consommation destiné à compenser les salaires) quelles en sont les conséquences ?
Au niveau des intervenants, de la répartition et des conséquences de cette production.
Quant à mon exemple, il est probable que tous les manuels scolastiques de l’époque étaient les fruits de la physique aristotélicienne, donc détenteurs des modèles aristotéliciens (géocentrisme) On pouvait bien alors invoquer les « Autorités » pour réfuter Galilée : point de secours. Celles-ci, de toute façon, ne l’étaient devenues que dans le cadre de ce modèle (paradigme) dominant. Face à un autre modèle ce qu’il faut observer c’est :
1/ la manière plus ou moins adéquate dont il rend compte de tel ou tel phénomène (ici la VERITABLE création de richesse, les VERITABLES intervenants et leurs rôles respectifs). « Justesse », élégance, simplicité (éviter l’ad hoc).
(si quelqu’un pouvait me dire au passage si on met le point dans ou hors la parenthèse ! )
2/ quelles sont les conséquences qui en découlent (ici dans la juste redistribution des véritables richesses créées ainsi que la prise en compte du soleil comme tiers jusque là approprié indûment et les conséquences de ce fait même aussi)
3/ Euh… j’ai pas de trois… Si capacité prédictive ! Ce dont le modèle en cours semble être bien dépourvu.
Quant au consensus, ça me refait penser au canard-lapin. Evidemment qu’on cause de la même chose (le lever du jour) mais pas de la même façon, d’où le coup de bâton.
A titre d’anecdote, la première fois que j’ai failli intervenir ici, c’était pour dire que M. Jorion me faisait penser à un maître Zen : déstabilisant à souhait (ça tenait peut-être alors au timing de la forme « blog » et à la succession des billets. Plus encore à mon arrivée récente sur le site. Maintenant que j’ai réussi à en faire le tour – presque, plus que 6 mois ! – je perçois mieux le « passif » et tout ce qui a déjà été dit, affirmé, posé… Et l’inanité de ma colère ou de son expression ici : Terrain ami) Cette déstabilisation peut aussi être ressentie ici quand il s’agit, non plus de rentrer dans un modèle préétabli – les « zotorités » – mais de voir ce que permet le nouveau, ce dont il rend compte, sous quelle forme et avec quelles implications.
Si ce que je dis est vraiment inepte corrigez-moi. Merci.
@Moi
» Ce qui est dingue, c’est qu’ils veulent des citations de grands noms, pas des explications ou des arguments. «
Les tenant(e)s de la création monétaire scripturale par les banques commerciales – banquiers, experts comptables, universitaires, simples amateurs – ont apporté de très nombreuses citations de grands noms et moultes explications et arguments. D’autre part n’importe quel manuel (ou livre) ne se contente pas d’affirmer, mais en fait la démonstration: il n’y a aucune affirmation gratuite. Encore faut il passer un peu de temps à les lire (et les comprendre) plutôt que de croire avoir réinventé l’eau tiède.
Maintenant personne n’a jamais dit que les banques pouvaient créer la monnaie de crédit à n’importe qu’elle condition, sans régles « prudentielles », à leur bon vouloir: il faut une demande (solvable de préférence) d’un agent non bancaire qui apportera les garanties de remboursement du capital et des intérêts (hélas en ce qui concerne ces derniers)
Les « négationistes » n’ont justement aucune citation de grands noms et oublient simplement de prendre en compte dans leurs « explications » le fait que le « refinancement » n’est qu’une facilitée apportée par les Banques Centrales pour faciliter les échanges inter bancaires et les besoins en monnaie centrale lorsque les banques commerciales ne se font plus confiance… et que ce n’est pas « cette monnaie là » qui est prétée aux particuliers et entreprises.
« S’il y a 1 euro et que les banques se le prêtent et reprêtent entre elles toutes les minutes pendant 1 heure et qu’on fait la mesure à ce moment, on va nous dire que la masse monétaire est de 60 euros »
Ca, c’est faux… on (i.e. les stats de la Banque de France, de la BCE ou de la FED) dira toujours que la masse monétaire est de 1 euro, mais que cette masse monétaire a permis un PIB (une création de richesse) de 60… justement parce que la vitesse de circulation est (serait) de 60.
Les deux modèles peuvent bien cohabiter – ils découpent le même « réel » – mais leur origine et leurs implications servent des fins différentes – d’ailleurs implémentées par leur origine. Un modèle n’annule pas nécessairement l’autre, ils peuvent cohabiter, ou l’un être intégré à titre de cas particulier.
Ici ce n’est peut-être pas le cas. Ce qui permet à M. Jorion de dire que sa critique est bien plus radicale que celle de M. Lordon. Cette dernière n’appliquant ses « remèdes » que dans le modèle déjà existant. Pour ce que j’en ai compris.
En gros on en est là avec le paradigme monétariste : il ne rend absolument pas compte des phénomènes qui se produisent, il devient « scolastique » (i.e. de plus en plus complexe, tarabiscoté, ou impliquant des hypothèses « métaphysiques » : « main invisible » qui, moi, me fait penser à l’éther, au phlogiston, que sais-je encore. C’est un processus tout à fait naturel quand on n’a pas la « bonne réponse » d’élaborer des théories de plus en plus complexes pour rendre compte du phénomène observé. Mieux, si on trompe délibérément l’observateur quand il donne une réponse exacte on va le voir développer des hypothèses de plus en plus sophistiquées et tordues pour rendre compte d’un phénomène hyper simple mais dont on ne détient pas les clefs) il devient scolastique donc, disais-je, pour tenter de pallier son premier défaut – scolastique : au sens de dogmatique et sophistiqué, dans une version réductrice, soit – et sert sans doute une fin bien particulière.
Si on prend avance + travail + soleil : on tasse dans le premier paquet (avance = Kapital) l’investisseur et l’entrepreneur = 1/3 ; dans le second (travail) le travailleur = 1/3 ; dans le troisième, qui est un nouveau venu cette fois non approprié (de « propriété ») la Nature, la Terre, la Boule Bleue, Gaïa et nous contraint à le prendre en compte… enfin ! pour 1/3 également.
Effectivement je connais des banquiers et des rentiers qui vont préférer que l’on continue à jouer dans leur modèle !
@Sophi et RST :
Un manuel scolaire est evidement un argument d’autorité. Mais rien n’a plus d’autorité que le bon sens et la logique.
Si le manuel dit quelque chose qui n’est pas cohérent, alors je crois que ce que dit le manuel est faux.
En l’occurence, toutes les citations de RST (alias Transmuteur/Surhumain ?) sont inattaquables :
1/ Elle provienne d’un manuel scolaire et sont donc vrai
2/ Elle ne sont pas contradictoires ou incohérentes en elles-même
Cependant, et cela a déjà été exposé maintes et maintes fois, toutes ces citations sont en contradiction directe avec les règles qui entourent cette création monétaire. En tout cas le sens usuel du mot création est en contradiction avec les règles entourant cette création. Le fait que ce soit inscrit dans des manuels scolaires ou qu’un prix Nobel d’économie l’ai affirmé ne change rien à la contradiction. Sophie, vous dites aussi :
A ma connaissance, aucun n’a résolu la contradiction dont je parle. (les réserves fractionaires devant toujours être supérieur aux sommes créditées, celles-ci ne peuvent êtres dépensées une fois le crédit octroyée, elles sont donc un chiffre qui ne correspond pas à de l’argent tant que le crédit n’est pas remboursé, puisque de l’argent par définition doit pouvoir être dépensé).
Si vous avez lu quelque part un auteur qui résoud ce problème, je serais très inbtéressé par les références
Est-ce que c’est pour cela que « Keynes – Friedman même combat ! » ?
Ils sont au sein du même modèle, du même système de référence.
De même que M. Lordon – que je ne m’estime pas du tout, sur le fond, à même de juger, cela va de soi. Mais sur le plan de l’analyse il reste dans le même trucmuche, le même machin. C’est sans doute pragmatique, brillant, efficace, plus tolérable, opérable ou conciliable, mais ça ne change pas grand-chose au débat qui nous occupe.
S’il faut « refonder » c’est au niveau du modèle – paradigme, corpus théorique, système d’hypothèses, etc – qu’il faut travailler. Ce qui rend le deuil du savoir jusque-là acquis bien difficile à admettre. A la limite il vaut presque mieux être dans mon cas : ignare total, moins de boulot à fournir ! Mieux, cela me sert d’autant plus que je ne regarde les théories que de l’extérieur. Peu importe les détails, en tant qu’observateur extérieur, je ne constate que « concurrence » ou « cohabitation » entre les deux modèles.
@Archimondain
(les réserves fractionaires devant toujours être supérieur aux sommes créditées, celles-ci ne peuvent êtres dépensées une fois le crédit octroyée, elles sont donc un chiffre qui ne correspond pas à de l’argent tant que le crédit n’est pas remboursé, puisque de l’argent par définition doit pouvoir être dépensé).
J’avoue que je ne comprends pas ce que vous voulez dire, pourriez vous être plus explicite dans votre formulation?
« réserves fractionnaires » = « le montant des réserves fractionnaires? Affirmez-vous que le montant des réserves fractionnaires (c’est un dépôt de la banque en banque centrale) doit être supérieur aux crédits accordés par la banque à ses clients?
« sommes créditées » … à qui?
« celles-ci » : réserves fractionnaires?
« elles sont donc un chiffre » ???? … je crois comprendre que vous voulez parler de montant ? mais je ne vois pas l’articulation de votre affirmation qui suit (puisque de l’argent par définition doit pouvoir être dépensé).
Désolée de ne pas être plus maligne…
@Sophie : Voici ce que je pense, au risque de me tromper.
M1 additionne les pièces de monnaie, les billets en circulation et les comptes courants à vue. C’est dans les manuels. Donc on additionne plusieurs fois la même chose parce que les comptes à vue, c’est de l’argent qui a été déposé en banque. Ainsi un Etat A qui produit un billet de 100 euros : M1 = 100, A injecte cet argent dans la banque X: M1 = 200 (100 en billet que la banque a reçue + 100 du compte de A qui est une écriture), la banque X reprête l’argent à son client B : M1 = 300 (100 du compte de A + 100 en billet + 100 du compte à vue de B). Moi j’appelle ça compter plusieurs fois la même chose (le billet de 100). Pas vous? Quel est d’autre part le PIB ici alors que rien n’a encore été acheté avec cet argent?
@Sophie
Désolé, le sujet ayant été explicité de nombreuses fois, je n’ai pas détaillé mes propos.
Ce que je veux dire, c’est qu’avec un ratio de réserve de 10%, la banque doit posséder 100 pour prêter 90.
Une fois le prêt effectué, les manuels d’économie prétendent que 190 sont en circulation, et que la banque a réellement créé 90. Moi je prétends que 90 sont en circulation, et que 100 sont ‘bloqués’. Ce chiffre qui étaient de l’argent auparavant est toujours un chiffre, mais ce n’est plus de l’argent, du moins jusqu’au remboursement du prêt. Vous remarquerez que je ne prétends pas que la banque prête l’argent des déposants. Je dit qu’elle le bloque, le temps d’en créé du nouveau. Du coup, cette création s’accompagne d’une ‘destruction’. Il est donc un peu mensonger de ne parler que de création.
J’espère avoir été plus claire, et je suis bien sûre ouvert à toute critique de mon argumentation.
@Moi
Eh non…
Un Etat ne produit aucun billet… c’est seulement la banque Centrale.
Mais au delà de cette petite erreur, « A » (la banque centrale) prête à la banque X un billet de 100 euros … il n’y a toujours que 100 euros (car ils ne sont plus à la banque centrale).
Si les régles bancaires permettent à la banque X de créer 1000 euros (réserve 10%), et qu’elle a la demande d’un client Z pour cela, elle va le faire et le compte a vue du client Z (au passif de la banque X) sera crédité de 1000 euros, alors que la banque X portera en actif la dette du client Z. La masse monétaire aura augmenté de 1000, mais ce n’est pas pour la raison que vous expliquez, car la banque X devra, pour assurer les obligations légales, déposer ces 100 en banque centrale
Le total M1 sera donc de 100 en Banque Centrale et 1000 en DAV dans la banque X (en attendant que l’emprunteur se serve de cette somme pour payer ses fournisseurs)
Si la banque X n’a de demande que pour un crédit de 100, elle pourra évidemment le faire (réserve légale nécessaire de 10 euros qu’elle devra recéder à la Banque Centrale) et pourra prêter aux autres banques les 90 euros restants.
Le total M1 dans ce cas sera de 200 (b10+b90+c100), mais rien n’est compté deux fois.
Pourquoi j’avais parlé de PIB? Parce que pour moi il n’y a aucune raison que les banques se prêtent 60 fois un euro, juste pour jouer car de toute façon elles se demanderont un intérêt . Si une banque X prête 1 euro à une banque Y ( monnaie centrale), c’est pour permettre à la banque Y de l’utiliser comme réserve fractionnaire, c’est à dire, selon les régles en vigueur, d’émettre un nouveau crédit (disons de 10 euros)
C’est plus clair ?
@Archimondain
Vous pouvez peut être lire http://en.wikipedia.org/wiki/Fractional-reserve_banking , ou http://www.wikiberal.org/wiki/Banque_centrale (chapitre » Le système de réserves fractionnaires » ) ou http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9serves_obligatoires
Bonne santé à tous pour 2009.
@ sophie
Je crois que vous êtes sur la bonne voie. L’approche comptable me semble intéressante pour comprendre la « création » de monnaie.
Donc dans la banque X
(D) 1000 compte d’actif – dette client Z
@Sophie: « Le total M1 dans ce cas sera de 200 (b10+b90+c100), mais rien n’est compté deux fois. »
La banque centrale produit un billet de 100 et on se retrouve avec un M1 de 200 et vous me dites que rien n’est compté deux fois? Si le client vient chercher le billet de 100 duquel la banque lui a fait crédit, cette dernière pourra-t-elle alors prêter quelque chose à une autre personne? Non, évidemment, parce que la véritable masse monétaire est de 100. Pour pouvoir reprêter un éventuel deuxième billet de 100, la banque devra se refournir auprès de la banque centrale.
Evitons svp de rentrer dans le problème des réserves fractionnaires ou d’autres banques rentrant en jeu qui ne fait que compliquer l’hypothèse sans rien y apporter comme pouvoir explicatif.
La suite:
(C) 1000 compte de passif – compte à vue du client Z.
Que se passe-t-il dans le bilan de X quand le client retire son argent (sa dette ou sa fortune comme vous voulez)? Quelles sont les écritures comptables?
(D) du compte à vue du client Z
(C) de quel compte? Un compte de bilan ou d’exploitation?
Intuitivement il me semble que si l’on suit toutes les écritures, au bilan et au compte de résultat de la banque, qui sont enregistrées lors d’une dette on doit voir un besoin de financement de 1000 dans le chef de la banque.
Elle doit alors faire appel au marché inter-bancaire ou à la banque centrale. Elle aura également un engagement (dette) vis-à-vis d’un tiers (banque commerciale ou banque centrale). In fine la banque centrale crée cet « argent » dont la contrepartie est le bien acquis ou consommé pour 1000. A charge pour le client de rembourser cet argent. La banque centrale crée cet argent contre la promesse (le pari) d’être remboursée.
Imaginons qu’elle ait également prêté 1000 au fournisseur du client qui a emprunté 1000, il me semble que pour elle c’est un jeu à somme nulle. Bon il y a aussi les intérêts puis le bénéfice de chacun… et donc ça se complique. Comment comptabilise-t-on le profit de la banque? D’ailleurs quelle est la nature de ce profit, intérêts et frais de gestion?
Mais dans tous les contributeurs n’y-a-t-il pas quelqu’un(e) qui connaît la comptabilité bancaire?
Bonne cogitation pour 2009.
J’aimerais bien avoir l’avis de Paul Jorion sur le graphique suivant http://www.nowandfutures.com/images/fed_all_short_stacked.png insi que sur quelques autres graphiques ( M3, Trade and budget deficits, trends, par exemples) de la page http://www.nowandfutures.com/key_stats.html#m3b )
@Moi
Non, la véritable masse monétaire c’est M1, c’est à dire la monnaie fiduciaire + les DAV … mais bien sur que si la banque pourra reprêter (créer de la monnaie) si le client vient rechercher son billet de 100… mais restons en là si vous en êtes encore à considérer qu’il n’y a de monnaie (d’argent ?) que dans les billets…
Personnellement je n’utilise quasiment jamais de monnaie manuelle (pièces ou billets) … ce qui ne m’empêche pas d’avoir beaucoup de monnaie dans mon sac (ma carte bancaire et mon carnet de chèque)
Bonjour,
Voici la lecture que j’ai du texte de F. Lordon :
1/ « Qu’un hebdomadaire aussi peu suspect de complaisances altermondialistes que The Economist titre à sa une « Le monde au bord du gouffre » devrait en dire assez long sur l’état de péril extrême où les dérèglements de la finance ont porté les sociétés. » etc.
Dois-je accepter comme une certitude indiscutable que ledit gouffre ne peut être qu’économique, qu’il est la « matérialisation d’un risque systémique géant », « l’état de péril extrême où les dérèglements de la finance ont porté les sociétés. » ? Si mon fils joue avec le feu et se brûle, dois-je l’engueuler ou essayer de trouver un feu qui ne brûle pas ou qui brûle moins, ou les deux ? (C’est une autre image mais l’idée reste la même que dans les autres messages : sens de la vie, « religion », carotte…).
Je ne vois pas le gouffre en question au même niveau ! Ce qui n’empêche pas de boucher les trous pour éviter « de plonger toute la société dans un chaos violent au moment où la totalité des agents, entreprises mais surtout ménages, se retrouvent privés absolument des moyens de faire face aux exigences élémentaires de leur survie matérielle dans une économie monétaire à travail divisé. » et pour protéger « une structure vitale pour la société ».
2/ « Il faudrait d’ailleurs dire les choses dans un registre moins « technique » et plus anthropologique : l’intérêt est l’instrument de la contention externe de l’insatiable désir d’argent. » etc.
Est-il raisonnable de parler d’asservissement ou pour le moins de prise en compte de l’asservissement ?
Et encore : «comment pourraient-elles [les tentations du profit financier] ne pas l’être [irrésistibles] dans l’univers capitaliste dont la finalité même est l’accroissement indéfini du profit ? »
Pourquoi, par exemple, ne pas présenter la finalité de l’univers capitaliste comme la gestion de la population mondiale passant nécessairement, par nature, par l’asservissement du plus grand nombre, la nécessité de faire que tous (…) ressentent le système comme une fatalité, une nécessité, jusqu’à désapprendre de remettre le système en cause ?
Il est pourtant tout près de dire la même chose :
« Le capitalisme actionnarial a fini par imposer comme une évidence indépassable que la voix au chapitre était indissolublement liée à la propriété financière et à la participation au capital. On serait presque tenté d’admirer la performance qui a consisté à rendre impensable que la distribution du pouvoir au sein des entités économiques puisse s’effectuer autrement, et à effacer des esprits cette idée pourtant élémentaire que l’organisation des rapports des hommes entre eux est, par définition, une question proprement politique et qu’elle ne perd rien de cette qualité y compris dans l’univers économique. »
Tout près…Alors, pourquoi ne pas le dire ?
@Sophie: « mais bien sur que si la banque pourra reprêter (créer de la monnaie) si le client vient rechercher son billet de 100… »
Non, elle ne le peut pas. Comme pourrait-elle le faire sans se refinancer, c’est-à-dire redemander une production de billet à la banque centrale?
Imaginons que le client vient rechercher son billet de 100. Un autre client vient et demande un prêt de 100 à la banque. Comment pourrait-elle lui prêter 100? Certes, elle peut dire à ce nouveau client « je vous ai crédité votre DAV de 100 », mais lorsque ce client viendra retirer le billet de 100 il se retrouvera bredouille car il n’existe pas ce billet de 100. Et peu importe que le problème soit reporté avec un chèque (en bois) de la banque et que le client puisse ainsi acheter quelque chose, au final cet argent n’existe tout simplement pas et tout comme dans une pyramide cela se poursuit pour autant qu’il ne vient à l’idée de personne d’aller chercher un vrai billet de 100.
Vous avez donc beaucoup de monnaie dans votre sac tout comme les clients de Madoff (ou les argentins il y a quelques années, ou encore certains gros détenteurs d’actions) en avaient. Tant que la pyramide tient, tout va bien. Quand elle ne tient plus, on voit la différence entre un billet et un DAV, entre M1 et la vraie masse monétaire.
@Sophie
Il y a peut etre quelques problèmes de vocabulaire concernant le terme ‘reserve fractionaire’.
Je ne suis pas un spécialiste. Mes propos se basent entre autre sur le tableau du lien : http://en.wikipedia.org/wiki/Fractional-reserve_banking que vous conseillez. (sous le chapitre Money creation)
Ce tableau montre très clairement :
Amount Deposited 100 -> Lent Out 80 (Reserves 20).
Les livres d’économie compte 180. Je compte 80+20=100. Et pour cause, les 100 sont bloqués. Si trop de gens retirent leurs 100 en même temps, les crédits octroyés font passer la banque dans le rouge. Ce ne serait pas le cas si ces crédits provenaient d’une pure création. Ne croyez-vous pas ?
Cependant, ce tableau est en contradiciton avec les affirmations de cet autre lien que vous donnez : http://www.wikiberal.org/wiki/Banque_centrale
Ce lien semble affirmer que pour prêter 100, la banque n’a besoin de posséder que 10. Je ne vois pas comment cela serait possible sans arriver à une croissance infinie et très rapide de la masse monétaire. (100->1000->10000->100000-> etc…). Cela n’est manifestement pas le cas.
L’explication des réserves fractionnaires est tout à fait claire dans les deux liens… wikipedia prends un exemple de 20%, wikilibéral de 10% et la réalité de la zone euro c’est 2% je crois.
Mais la possibilité pour une banque de créer de la monnaie de crédit n’est pas seulement « encadrée » par les réserves fractionnaires obligatoires (s’il n’y avait que cela, vous avez raison Archimondain, on risquerait de voir une croissance infinie très rapide) . Elle doit aussi disposer d’un certain montant de fonds propres (8% environ selon Bâle 2), assurer les demandes de monnaie centrale (billets et pièces) , avoir un bilan équilibré (par exemple le bilan se déséquilibre si la valeur des garanties portées en actif de son bilan se dégrade, très notable en ce moment où l’immobilier baisse), mais surtout il faut qu’il y ait « la demande » (donc la confiance dans le futur).
Puisque la monnaie fiduciaire est de ~ 15% de la masse monétaire M1, tous les économistes (sauf sur ce blog 😉 ) admettent que le « coefficient multiplicateur constaté » du système bancaire est de 6 par rapport à la monnaie fiduciaire.
Certains autres considèrent que M3 est la vraie représentation de la monnaie en circulation… dans ce cas le rapport passe à ~ 15 (de mémoire)
@Moi
je ne vois qu’une solution pour que A injecte son billet tout de go dans la banque, il travaille dans une banque centrale et l’a volé !
Sinon, dans le cas général, il l’a emprunté ou changé ou acheté avec de la monnaie électronique à la banque.
Derrière ce billet il y a sa contrepartie en monnaie électronique de la banque qui l’a acheté à sa banque centrale.
La masse des billets et pièces est une masse neutre au regard de la création monétaire de M1 l’augmentation ou la diminution de la quantité de fiduciaire relève de la décision de la banque centrale uniquement.
Un billet n’est compté qu’une fois dans M1, même si il se ballade de mains en mains et de banques en banques.
Idem pour la monnaie électronique provenant des prêts elle n’est pas dans plusieurs dépôts à la fois, elle n’est comptée qu’une seule fois.
La masse de billets et pièces + la masse des dépôts à l’instant T = M1 à l’instant T.
@Paul
J’ai fini par vous croire « ex-nihilo » sur le prêt strict des dépôts et emprunts banques centrales, par les banques commerciales. En me disant, c’est lui le spécialiste il ne prendrait pas le risque d’une telle affirmation à contre-courant sans de solides connaissances des réalités de la gestion bancaire. Et puis de recherches inutiles en recherches inutiles, parce-que déjà faites avec rigueur et à partir d’une connaissance de terrain, il n’est que le choix d’accorder la confiance du débutant au chercheur aguerri sur des remises en cause de cette importance. Vous avez montré que le l’enchainement dépôt-crédit n’était pas en soit créateur de monnaie nouvelle et qu’il ne fallait pas y chercher de création « ex-nihilo » ce qui a fait dire à E. Chouard qu’il faut chercher la lumière dans la comptabilité des banques et il l’a trouvée:
« Donc, plutôt que dire, de façon simple mais inexacte :
• « Les banques servent d’intermédiaires en prêtant l’argent des uns (qui ont trop d’argent et qui en épargnent) aux autres (qui en manquent et qui sont prêt à en emprunter) ; et au moment des remboursements, cette monnaie qui a circulé par l’intermédiaire de la banque est ensuite rendue de l’emprunteur à l’épargnant. »
On devrait plutôt dire, ce qui correspond formellement et strictement aux écritures comptables à la banque, siège véritable de la monnaie :
• « Les banques servent d’intermédiaires en s’appuyant sur l’épargne des uns (qui ont trop d’argent et qui en épargnent, c’est-à-dire ne s’en servent pas pour consommer) pour créer de l’argent supplémentaire, temporairement (en proportion de l’épargne déposée) et le prêter aux autres (qui en manquent et qui sont prêt à en emprunter) ; et cette monnaie temporaire sera progressivement détruite par la banque lors de chaque remboursement de l’emprunteur, jusqu’à disparaître complètement. » »
La partie « en s’appuyant sur l’épargne des uns » représentant quelque chose de l’ordre d’une concession…
Pour ma part je n’imagine pas qu’une banque puisse écrire des lignes de crédits sans contrepartie, sinon, en cas de non paiement par les clients insolvables, il lui suffirait d’effacer la double inscription comptable pour annuler « ex-nihilo » le crédit engagé. Donc pas de crise des subprime !
D’ailleurs pas de crise du tout…
Si; bien sur, une inflation galopante, due à la monnaie mise en circulation et jamais détruite donc crise.
On pourrait aussi imaginer qu’une banque en manque de liquidité s’accorde un prêt à 0% par une simple écriture, donc pas de faillite bancaire…
Bien j’arrête là mes élucubrations spéculatives, qui visent à dire que peut-être, par l’absurde, avec quelques graphes à l’appui, la lumière pourrait jaillir.
Le lien pour la totalité du post d’Étienne Chouard :
http://www.pauljorion.com/blog/?p=1353
Compléments à mon précédent post
Ma remarque sur le jeu à somme nulle vaut pour le fournisseur. Le compte du fournisseur auprès de la banque centrale est maintenant zéro. Il avait emprunté pour produire et a vendu son « truc ». Il a donc pu rembourser la banque. En fait la dette de 1000 a changé d’épaules. Elle n’est plus pour le fournisseur mais pour le client. Le client est donc heureux avec le truc qu’il a acheté à crédit. La banque attend son remboursement.
Le client est un fournisseur. Il pourra donc rembourser la banque en vendant le « machin » qu’il produit.
Nous sommes constamment producteur et consommateur. Les problèmes surgissent lorsque produits truc et machin ne valent plus 1000 et les quelques % qui font tourner le système.
Lorsque je vends machin j’espère le vendre 1002 et acheter truc à 999. Je suis le roi j’ai gagné 3 et je m’enrichis (clin d’oeil: voilà une attitude empirico pragmatique typique de la petite école autrichienne). Si c’est l’inverse, il faut vite que je vende un autre machin pour combler mon déficit ou alors j’emprunte…
Les problèmes surgissent lorsque je dois acheter truc à 1050 et que je vends mon machin à 950. Je perds 100. 50 pour rembourser mon emprunt auprès de la banque et 50 que je dois trouver pour acheter le bien dont j’ai besoin.
Maintenant le cas ou je ne puis vendre mon produit. Je ne peux rembourser la banque centrale. Elle peut donc avoir mon produit comme actif. Si le bien n’est pas trop périssable elle peut, un peu plus tard, espérer le transformer en argent sinon c’est une pure perte.
La banque centrale avait créé une valeur de 1000 qui doit s’éteindre avec la disparition du bien que j’ai offert au sacro-saint marché.
La banque commerciale joue donc un rôle d’intermédiaire qui finance le différentiel entre le temps de la production (mise en vente) et de la consommation (acte d’achat). Cette assertion me gêne car cela dépend du produit. Une bouteille d’eau achetée à crédit, un pull ou un appartement n’ont ni les mêmes natures ni les mêmes durée de consommation. Mais bon je schématise.
Il me semble que les dettes sont bien de la monnaie qui permet aux emprunteurs d’étaler leur investissement/consommation dans le temps. Il s’agit d’un encours de monnaie soumis à un risque de non réalisation/disparition pour le prêteur.
Bonne soirée.
@ shiva
Tout à fait d’accord avec l’approche par l’absurde. Si le postulat les banques commerciales créent de la monnaie est vrai, alors à quoi sert le marché inter-bancaire? Pourquoi y-a-t-il une crise du marché immobilier US?
@Sophie.
Je ne trouve pas cela si claire :
Wikipedia :
Wikiberal :
Les deux définitions présentent les choses différemment. Je suis d’accord avec la première, pas avec la deuxième.
De plus, je suis d’accord avec la première, mais la promesse de pouvoir rembourser la totalité des dépôts sur demande est je pense mensongère. (la définition précise que l’argent des clients est prêtés, il ne peut donc être retiré à vue, même si c’est là une promesse de la banque). Comptablement il y a sans doute création. Dans la pratique (l’argent effectivement utilisable) il n’y en a pas.
Les deux mammelles de l’impréparation :
L’homme , être raisonneur , possède , comme l’ a noté Paul après beaucoup d’autres, un fond d’optimisme qui lui sert de moteur pour affronter des situations complexes et difficiles.
-Le revers de cet optimisme est cet entêtement dont il lui arrive de faire preuve en niant les faits, s’auto-persuadant ainsi qu’il échappera , par la seule force de sa volonté, à l’inéluctable.
-Pour étayer ce déni de réalité, il lui faut tout de même une vague idée qui tienne debout ,et cette fois ci c’était que le système allait atterrir en douceur …
@ Moi :
Vous dites : « les comptes à vue, c’est de l’argent qui a été déposé en banque ».
Précisément, les comptes à vue ne sont pas seulement alimentés (provisionnés) par de l’argent déposé en banque (vous pensez sûrement à de la monnaie fiduciaire quand vous dites « de l’argent ») : par le mécanisme élémentaire du crédit, la banque peut à tout moment –à partir de la seule confiance qu’elle fait à son client, mais aussi grâce à la confiance que tous les acteurs lui accordent, en tant que banque– la banque peut augmenter le solde créditeur d’un compte à vue sans le moindre dépôt de monnaie (fiduciaire ou autre).
*********************************
Bon, j’ai vu dans un autre fil, cette nuit, que Paul nie maintenant la réalité comptable de la monnaie scripturale ; il me dit : « La « réalité comptable » n’est pas une réalité : c’est une stylisation fondée sur le postulat que le crédit est toujours égal au débit. Dans la réalité [économique] les choses ne se passent pas comme ça, il y a des profits et des pertes, des gains et des dépenses. La « création monétaire ex nihilo » est un artefact (une fiction) qui permet de maintenir cette égalité comptable entre le crédit et le débit.
Je pense que c’est là une méconnaissance profonde, d’une part, de la comptabilité et de son importance (pas toujours positive !) dans notre réalité quotidienne, mais aussi des mécanismes comptables à l’œuvre lors de la création monétaire : quand une banque crée de l’argent (des moyens de paiement nouveaux) à l’occasion d’un crédit, elle ne crée pas de richesses, elle ne comptabilise nullement « un profit, une perte, un gain ou une dépense » (Paul semble n’envisager que des comptes de Résultat, alors que la monnaie circule précisément dans les comptes de Bilan, ce qui a un sens économique précis, très bien traité (sans fiction) par la comptabilité).
En créant de la nouvelle monnaie scripturale, la banque ne crée qu’un pouvoir d’achat temporaire (précieux, mais temporaire quand même), la banque ne crée pas une richesse nouvelle ; en cette occurrence-là, au moment de la création de monnaie-crédit, il n’y a donc pas de profits ou de pertes puisque tout se passe au bilan (négligeons les intérêts à ce stade du raisonnement, car eux, ils apparaîtront effectivement au Résultat, avec les profits) : en faisant crédit, la banque enregistre deux dettes (la sienne, immédiatement exigible et cessible, et celle de son client, exigible plus tard) qui s’équilibrent, sans profit ni perte, au Bilan.
L’une de ces dettes, c’est de la monnaie.
Elle vient d’être créée.
Mais elle est temporaire et elle va bientôt disparaître.
Tant qu’elle existe, elle est librement cessible, transmissible, et elle permet (plusieurs fois !) de solder définitivement les comptes entre un débiteur et un créancier. Elle permet aussi d’attendre et de garder de la valeur en réserve. Ce sont les fonctions de la monnaie.
La réalité comptable de la monnaie scripturale et l’efficience – quotidiennement vérifiée – de cet outil me semblent relever de l’évidence. Facilement démontrable, donc.
***************************************
Même en faisant un subtil (mais inutile) distingo avec l’expression « l’argent » – qui ne serait, selon vous, stricto sensu, que la monnaie fiduciaire (moi, je veux bien)–, vous aurez du mal à nier cette nature comptable de la monnaie scripturale, comme vous aurez du mal à vous affranchir de la rigueur comptable pour l’analyser : la monnaie scripturale (le moyen de paiement aujourd’hui le plus courant, et de très loin) est composée des solde débiteurs –débiteurs pour la banque, puisque la banque doit la provision aux titulaires des comptes– des comptes à vue.
Et mettre en avant la vision anthropologique, la perception sociologique, la conception philosophique, ou une autre représentation intellectuelle de la monnaie, est une approche intéressante, sans aucun doute, mais pas si on prétend nier l’évidence !
Les anthropologues, eux aussi, ont des comptes à rendre à la logique et aux faits 😉
Surtout que cette négation du fait comptable de la création de monnaie privée, en l’occurrence, fait sans doute quelques heureux : les banquiers (et les spéculateurs associés qui ont bien besoin de cet afflux permanent d’argent facile) doivent être assez satisfaits, en effet, que les citoyens n’arrivent même pas à tomber d’accord sur la réalité du privilège qu’ils ont réussi à extorquer depuis des siècles à la Cité, et cette confusion leur permettra peut-être de continuer à profiter longuement encore de ce passe-droit (ruineux pour nous)
Maintenant, si on conteste ici les définitions mêmes (la monnaie scripturale ne serait pas de la monnaie !), si on détruit le sens des mots (dans quel but ? La confusion interdisant toute critique solide), c’est un jeu possible (chacun ses jeux, vive la liberté), mais franchement, on maltraite les mouches et on n’arrive pas, ici, à progresser sur cet aspect essentiel, à mon avis, de la souveraineté politique :
Amicalement.
Étienne.
___________________
PS : Paul prétend qu’il a avec lui Keynes, Marx et Engels… mais sans nous donner une seule citation… Hum
J’ai moi-même donné des indications précises qui donnent à penser que Keynes dénonçait la monnaie-crédit comme une source de chômage.
Marx lui-même, a ce que j’en connais, avait bien repéré, lui aussi, ce droit exorbitant accordé aux banque de créer du « capital fictif » dont les fonctions monétaires ne faisaient déjà aucun doute (ni pour Marx, ni pour les banquiers de l’époque), en concurrence avec la monnaie primitive qui n’était déjà plus le principal moyen de paiement. Il parlait de « capital fictif » un peu comme Allais dénonce les « banques faux-monnayeurs ».
Mais si Paul a lu quelque part sous la plume de Marx la défense de son idée que « la seule monnaie vraiment en usage ne serait que la monnaie fiduciaire et que les banques ne feraient que faire circuler la monnaie fiduciaire sans jamais créer eux-mêmes de nouveaux signes équivalents aux espèces », il va nous dire sans difficulté où il a lu cela, (précisément, please, parce que Marx, c’est des milliers et des milliers de pages…).
De mon côté, pour prouver ce que je dis à propos de Marx (ça ne vaut pas démonstration puisque la démonstration de la création monétaire privée est comptable, comme je l’ai rappelé plus haut), je reproduis ici un extrait du « Capital » de Karl Marx, extrait qui intéressera tout le monde ici, sans doute. Remarque : ce texte a 150 ans, écrit à une époque où la monnaie fiduciaire était encore gagée sur l’or, au lieu d’être comme aujourd’hui totalement dématérialisée. C’est dans le livre III, §5 :
Voilà.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne ressort pas de ces écrits (assez connus) de Marx et Engels que les banques commerciales ne créent pas de monnaie…
Puisque Paul mobilise Marx, Engels et Keynes à l’appui de sa thèse baroque, j’attends, donc (de Paul et de ceux qui sont d’accord avec Paul) des citations de Marx, Engels ou Keynes qui affirment (et démontrent) que, par le mécanisme du crédit, les banques ne créent pas de monnaie et ne font que faire circuler la monnaie banque centrale (avec une « conservation des quantités »). Il y en a peut-être, je suis très intéressé de les connaître.
Amicalement.
Étienne.
@Archimondain
Désolée, je dois aller bosser, je n’ai pas le temps de détailler les wiki (libéraux ou non), mais j’ai trouvé 3 pages qui semblent pouvoir éclairer notre débat (à propos des limites de la création monétaire par le système bancaire – monnaie scripturale de crédit, évidemment – compte tenu des régles)
http://www.societal.org/monnaie , puis vous éléchargez les pages amphi10.png, amphi11.png et amphi12.png
Après, avec l’exemple de l’image 11 (p 66), il suffit de faire varier les données (demandes de billets, réserves obligatoires) pour voir qu’avec 2% de réserves obligatoires (zone euro), les capacités de création de monnaie de crédit par les banques commerciales s’envolent vite, mais ne sont néanmoins pas illimitées (comme se gaussent certains qui voudraient faire croire que nous soutenons cette idée).
Néanmoins, s’il n’y avait qu’une seule banque (pas de concurrence ni de « fuites ») ses capacitées de crédit seraient illimitées puisque toute la monnaie émise reviendrait nécessairement dans ses comptes…
@ Etienne Chouard
Le chapitre du Capital que tu cites est intéressant (bien qu’à son habitude Marx batte la campagne et se perde sous une accumulation de citations) mais tous ceux qui auront la patience de le lire verront qu’il s’agit d’une mise en accusation des spéculateurs sur les marchés à terme – résultant d’une anticipation du remboursement du crédit.
Pour Karl Marx, j’espère que tu n’as pas recopié l’extrait à la main !