Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Mon billet du 15 septembre s’intitulait On ne va pas pouvoir rabibocher. Qu’avons-nous vu depuis : précisément du replâtrage, du rafistolage, du ravaudage, à la pelle et à concurrence de centaines de milliards d’euros et de dollars. Nous a-t-on proposé quoi que ce soit qui s’attaque au fond des problèmes ? Des mesures en vue d’une meilleure redistribution des revenus et du patrimoine ? Une mise au pas de la spéculation ? Une redéfinition du rôle des banques centrales ? Une réflexion sur le crédit à la consommation ? Les moyens d’une évaluation de la croissance au sein d’un monde endommagé et ayant épuisé ses ressources ? Non : rien ! Attali utilise l’image de l’accident de la circulation : on donne de l’oxygène au blessé au bord de la route… depuis un an et demi déjà.
Est-ce à dire que personne au plus haut niveau n’ait pris la mesure du désastre ? C’est peu probable. Hypothèse optimiste : chacun sait pertinemment que l’Amérique est la locomotive – même s’il s’agit d’une locomotive très essoufflée – et qu’il faut attendre de voir ce que fera Obama. On prend traditionnellement la mesure de ce qu’un président américain accomplira au cours de son mandat à partir de ce qu’il parvient à réaliser durant ses cent premiers jours. Ce qui nous mène au 1er mai. Si à cette date l’accidenté n’est pas arrivé à l’hôpital, il est soit mort, soit en tout cas à l’agonie.
Bien sûr, je ne me faisais guère d’illusions : « On ne va pas pouvoir rabibocher ! », c’était une exhortation pure et simple. Mais l’exhortation ce n’est pas rien : c’était une invitation à se mettre à réfléchir furieusement parce qu’il faut bien le reconnaître, la réflexion n’était pas très avancée non plus.
Je parlais hier à l’un d’entre vous qui se désespérait devant le replâtrage navrant auquel nous assistons en ce moment et qui me disait de l’avenir : « Ce sera comme avant mais en pire ! » et je lui dis non : l’analyse progresse, elle avance à grands pas. Et non seulement elle avance, mais elle se diffuse : on la retrouve partout. « Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port ».
Je ne me faisais guère d’illusions en septembre et je ne m’en fais guère non plus sur ce qui aura été accompli d’ici au 1er mai. Nous aurons bien besoin d’une analyse approfondie des problèmes et d’une vision très claire de leurs solutions (je ne parle pas de rustines, on m’aura compris), vienne le 1er mai.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
36 réponses à “Le 1er mai”
Je me demande franchement ce qui peut empêcher le pouvoir armé de faire à sa tête et même de changer les règles au besoin. Obama place curieusement un nombre assez considérable des bons vieux bandits de l’époque précédente dans son entourage. A mon sens, le gratin et les peoples s’en tapent comme de l’an quarante. Quand on prend des cours pour devenir entrepreneur au Canada, je tiens l’information de mon frère qui a fait une démarche l’an dernier dans le secteur de la construction, on explique bien en voix «off» comment profiter de la structure «compagnie» pour son bénéfice propre, en la mettant éventuellement en faillite tout en gardant ses actifs bien protégés par quelques tours de passe-passe connus des milieux intéressés… Reporté à une échelle nationale, on peut sans peine s’imaginer qu’il importe très peu aux dirigeants américains de laisser la structure d’État américaine en faillite après s’être au passage si bien servi. Les milliards sortent des coffres à vitesse grand G, sans qu’on sache, qu’on puisse même savoir où ils vont… Les polices, armées et services privés de sécurité ont tellement pris d’essor qu’on peut certainement penser que les élites s’en tapent d’un climat de plus en plus trouble en sol américain. Il y a de bonne affaire à faire ailleurs dans le monde de toute façon. La Russie il y a 20 ans faisait banqueroute, cela n’a pas empêché une classe dirigeante de mener des affaires d’or tandis que les populations sont toujours assez pauvres et souvent des mois à attendre patiemment leur salaire comme une nouvelle norme…
Dans les thèses conspirationnistes, on émet l’idée qui fait de plus en plus de sens que les réseaux de pouvoir entretiennent délibérément à leur avantage une situation de plus en plus trouble qui leur permet toujours plus de présenter de fausses solutions pour résoudre les problèmes qu’ils génèrent eux-mêmes, ce qui leur permet toujours de s’enrichir en aménageant le système à leur avantage. Quand on pense que l’administration Bush avec le concours des nations unis a administré un génocide d’environ 150 000 Irakiens (chiffres assez conservateurs) avec de fausses analyses délibérément tronquées pour entretenir les intérêts des marchands d’armes et ce , sans avoir devant l’humanité à répondre de ses actes, on constate que l’État de droit moderne perd son sens.
Un Torontois qu’on peut lire sur freedomain.com présente le point de vue assez surprenant que l’État c’est finalement surtout le droit exclusif d’utiliser la force, la violence contre le citoyen, contre l’étranger… Il n’a peut-être pas tord…
La limite, c’est le momment où les gens perdront espoir et se révolteront (peu probable) ou bien auront tellement peur d’autre chose que la peur de la crise s’estompera : je vois qu’il suffit d’un bon « carton » au proche-orient pour détourner les esprits de la crise. Reflexe, instinct de conservation : on se regourpe autour de nos « sauveurs ». je vois les choses en noir hein !
alala, les éternels broyeurs de noir 😉
Noircissons le tableau, mais alors à la manière des joueurs de go. Posons nos pions, intellectuels — les seuls dont nous disposons, pour la plupart d’entre nous –, sereinement, avec ténacité et conviction, forts de l’idée qu’une partie n’est jamais perdue avant d’avoir été jouée. L’adversaire n’est fort que de notre faiblesse.
Or, comme le dit Paul, dans le présent billet, des idées hier encore marginales, gagnent du terrain. Ce sont ces idées, ces analyses, expliquées, ilustrées, retravaillées, diffusées, nos pions. L’intelligence humaine n’a les limites que nous lui assignons. Et ici l’échiquier n’est pas fini, les joueurs sont également innombrables, ce sont tous ceux qui un jour ou l’autre auront quelque chose à perdre dans cette crise. Et il arrivera bien un moment où une part non négligeables des privilégiés — et il n’est pas besoin que les milliardaires soient du nombre pour renverser une tendance –, se sentiront suffisamment menacés pour vouloir, eux aussi, que les choses changent, et alors ils entreront dans la partie. La force de ceux qui défendent le système actuel sera alors compromise.
IL ne faut pas raisonner en termes de EUX et nous. Le NOUS s’accroîtra du crédit que nous voudrons bien lui accorder nous-mêmes. Tout le reste n’est que bavardages. Bref, la partie ne fait que commencer. Et le blog de Paul est un pion dans l’échiquier. Un pion, mais pas n’importe lequel, évidemment 😉
Une ballade contre le noir bien québécoise!
LE FRIGIDAIRE
Tant qui m’rest’ra queque’chose dans l’frigidaire
J’prendrai l’métro, j’ferm’rai ma gueule pis j’laiss’rai faire.
Mais y a quequ’chose qui m’dit qu’un beau matin
Ma Rosalie, on mettra du beurre su’not’pain.
Bonjour Paul,
Cela fait plusieurs mois que je suis sans intervenir vos débats sur la monnaie. Si la solution d’un problème socio-économique par une approche technique est tout à fait valable, il y a quelque chose, je trouve, que vous ne considérez pas assez dans ce noeud gordien économique pour l’instant insoluble. Il s’agit de l’approche psychologique du problème et notamment du fait que l’on devrait aussi avoir une approche psycho-pathologique du comportement des dirigeants politiques et économiques.
En effet, j’ai eu, il y a quelques années, une expérience de participation à la vie politique régionale française dans une but, je l’avoue, tout à fait vénal. Il s’agissait de profiter d’une fenêtre d’ouverture tout à fait considérable pour essayer d’obtenir un poste dans l’administration où j’aurai été payé faiblement certes, mais sans rien faire. Mais là n’est pas problème. Le problème est que j’ai pu m’apercevoir que nos décideurs sont, pour un nombre considérable d’entre eux, de véritables psychopathes dans la définition médicale du terme. Il ne sert à rien de les convaincre si les arguments énoncés contredisent leur intérêts. De plus, quand ils changent d’avis et prennent une décision en faveur de la majorité de leurs administrés, cela ne se fait que quand on leur « tord le bras » ou qu’il n’y a pas d’autres solutions. J’ai remarqué aussi, que plus on grimpait dans la hiérarchie plus l’état psychiatrique de la personne concernée empiré.
En conséquence, je pense ce jeux de go est nécessaire comme le signale Pierre-Yves D., mais je pense aussi qu’il ne sera appliqué que le jour où ces fameuses « élites » seront soit menacé dans leur sécurité, soit en passe de perdre leur pouvoir.
De nombreuses vérités ont éclatées au grand jour pour l’ensemble de la population au cours de ces derniers mois.
Aucun individus ne pense aujourd’hui comme il pensait hier.
Chacun a la certitude de comprendre, jour aprés jour, un peu mieux comment fonctionne la société.
De nombreuses vérités cachées sont apparues aux yeux de tous, donc nous entrons dans une nouvelle phase de l’intelligence collective.
Même si les solutions ne sont pas évidentes, le diagnostic est de plus en plus précis et pour soigner une maladie un bon diagnostic est indispensable.
L’avenir n’est pas si sombre car des solutions existent même si elles auront parfois du mal à s’imposer face à une nomenclatura politicienne accrochée comme une moule sur son rocher.
La démocratie citoyenne doit s’imposer coute que coute car c’est la seule voie possible pour sortir de cette crise sans trop de dégât.
La société moderne est arrivé à un niveau technologique considérable et il n’y a pas de raison de penser que se progrès correctement maitrisé et utilisé ne nous soit pas profitable pour chacun d’entre nous.
Les petites histoires font la grande et ainsi chacun a sa place pour construire l’Histoire.
Lorsque l’on s’aperçoit que la « locomotive » que nous utilisons pour évoluer dans le monde nous conduit inexorablement dans le précipice, il est temps, sage et judicieux, de sauter du train avant de s’écraser avec lui !
L’existence est différente dans un premier temps à pied, mais la Vie nous fera inéluctablement découvrir d’autres « modes de locomotion », mieux adaptés à notre nature profonde, nous permettant de poursuivre notre évolution à un rythme en symbiose avec notre environnement.
Il y a bien une échéance, c’est celle du prochain G20 de Londres. Mais il n’est pas interdit, sans l’attendre, de rechercher les signes annonciateurs de ce qui pourra y être décidé. La gestion actuelle de la crise est après tout aussi instructive que la crise elle-même.
Ce qui me frappe dans ce domaine, c’est le rôle tout à la fois déterminant et inopérant des banques centrales. Déterminant parce qu’elle se sont largement substitué au marché interbancaire défaillant, inopérant parce qu’elles ne sont pas parvenus à le débloquer. « Confiance est-tu là ? » demandent-elles et l’écho renvoie cette même question désespérément sans réponse. Toutes les exhortations restent vaines. Le marché avait une main invisible, il est désormais doté d’oreilles sourdes. Il ne reste plus aux banques centrales qu’à acheter massivement les pertes des institutions financières, pour appeler les choses par leur nom. C’est bien engagé.
Qui se hasarde aujourd’hui à pronostiquer la date du retour à la normale ? Faut-il, dans ces conditions, s’étonner que les propositions de réforme et de régulation ne fusent pas, alors que l’improvisation continue de régner ? On parle ici de chambre de compensation des CDS, là de la bonne et nécessaire purge des hedge funds. Mais encore ?
Deuxième observation, qui nous rapproche un peu plus du sujet mais ne nous éclaire pas pour autant, le monde financier s’efforce avec succès de préserver son opacité, elle est semble-t-il consubstancielle. Exemple flamboyant, l’enquête effectuée par l’Associated Press auprès des banques américaines afin de savoir comment ont été utilisés les financements du « fonds Paulson ». Réponse : une fin de non recevoir. Cela n’augure pas d’une exemplaire transparence pour les réformes qui vont suivre.
Mises bout à bout, ces deux remarques reviennent à dire que les banques centrales sont dépassées par les évènements tandis que le système bancaire rentre la tête dans les épaules, attentif aux bonnes affaires qui se présentent, car c’est pendant les guerres que les fortunes se font, tout en s’efforcant de préserver l’essentiel.
Si les premiers ne parviennent pas à gérer la crise et les seconds traînent les pieds en attendant de redevenir indispensables, qu’espérer du dernier recours des politiques ?
Ils attendent prudemment leur heure, afin de prétendre avoir terrassé le monstre une fois que celui-ci sera suffisament affaibli. Paradis fiscaux, titrisation, hedge funds, CDS, rien ne va alors leur échapper mais tous pourtant s’en sortirons. Un peu plus régulés sous un flot de mesures techniques ayant la prétention affichée de domestiquer la bête, mais indemnes pour l’essentiel, car il va bien falloir bien vivre. Après la guerre vient toujours la reconstruction et il faut alors la financer. A qui d’autres qu’aux financiers cette tâche pourra-t-elle être confiée ? A quelles conditions ceux-ci accepteront-ils de s’en charger ? Est-il besoin de longuement s’interroger?
Deux autres questions se posent sur le lieu où se déroule la mère de toutes les batailles, c’est à dire les USA.
Va-t-il être possible, et comment, de relancer la consommation et la croissance, et le crédit qui en est un des moteurs, sans utiliser le même modèle d’avant ? Comment préserver le pouvoir d’achat des classes moyennes, objectif que n’a cessé de marteler Barack Obama, sans reprendre les mêmes recettes ?
La récession américaine nourrit désormais la moindre croissance chinoise, après que la croissance des deux se soient appuyées l’une sur l’autre. Comment le couple américano-chinois va-t-il pouvoir désormais s’entendre, sachant que les chinois disposent de l’arme suprême (l’achat de bons du Trésor US), mais que la tentation est grande, du côté américain, de lever d’une manière ou d’une autre des barrières aux importations chinoises pour favoriser l’économie et l’emploi ?
Je crois hélas que dans tous ces domaines, on va faute de mieux rabibocher, avec plus ou moins de bonheur. L’idée d’un capitalisme remis sur ses pieds, productifs, est vendeuse, mais c’est tout ce qui peut lui être accordé.
Obama se présentera à son poste, à un moment où il pourrait devenir un personnage historique. L’homme possède plus de profondeur de jugement que son prédécesseur, croit-on savoir ( just kidding ), reste à savoir à quel point il a les mains liées. Son équipe n’est pas franchement porteuse d’espoir.
On parle de noeud gordien ici. Il y a plus de deux brins dans ce noeud que l’on pourrait libérer, et je vois déjà des risques évidents des quelques mauvais traitements qu’on se contenterait d’appliquer, juste pour préserver des apparences à courts termes :
-Tout d’abord, même si tout le monde n’est pas connecté haut débit, pour aller s’informer hors du circuit aseptisé, tout le monde se rendra compte si chez lui ça va mal. De même, tout le monde aura entendu parler du sauvetage de puissances économiques dont on ne ressent pas le soutien. Que se passera t-il alors, puisqu’il faut des conditions bien particulières pour avoir droit à une bonne émeute. Ne rêvons pas !
Par contre, la première résistance, c’est de ne plus payer d’impôt, ceci multiplié par des millions de désabusés.
Jonathan parle d’une certaine mentalité de survie individuelle très bien admise au Canada. Paul et d’autres pourraient confirmer si on peut étendre la moral à l’ensemble de l’Amérique du nord ( du monde ??).
Or, justement, je crois avoir vu un graphique tracé à vue de nez sur un des fils juste précédents celui-ci : 1/3 des finances de l’économie bifurquant vers le secteur financier, les deux autres tiers vers les travaux plus physiquement productifs, et enfin vers les taxes de toutes natures.
Tous ceux qui vont chercher eux-même leur budget fonctionnel, celui-ci n’étant redirigé vers le fisc que par leur acceptation de règles à priori justes, et en tout cas légales sous peine de rétorsion, tous ceux-ci, pourraient ne plus s’en sentir d’obligations. L’appauvrissement de la branche partant vers les taxes, dans un flux général amoindri, et vous aurez l’appareil politique considérablement diminué, d’ailleurs le graphique lui-même explose.
-Sans état, ce sera pire ( on doit encore dire « serait » )
Le pouvoir passe alors ouvertement vers des sociétés ayant leurs moyens propres de drainer leurs finances, et avec un peu plus de justifications pour se payer leur armée privée. Je signale d’ailleurs que les armées privées existent déjà, puisque on aura entendu parler de « Blackwater ».
Le pouvoir quitte donc les états, pour devenir privé, alors que jusqu’à présent, le privé se contentait d’influencer ( assez fortement ) les politiques, sous une apparence démocratique.
Y compris en dehors du net, notre premier pouvoir, bien que si désespérément faible, c’est bien d’informer tous les gens qu’on puisse approcher, approcher de manière physique… aussi.
Monde inversé, de là où nous nous connectons, nous nous connaissons de manière virtuelle, nous faisons passer les messages beaucoup plus vite, mais nous restons dans la secte des branchés, alors il ne faut pas oublier que d’autres ne le sont pas. Et pour compléter le réseau, il s’agit aussi de parler à toutes personnes avec lesquelles on crée un contact au quotidien.
Passer sur ce blog ( pour citer celui-ci ) sert à nous rassurer, nous conforter dans l’idée que le monde pourrait être plus fonctionnel, qu’on n’est pas seul à le croire, mais ensuite, il faut élargir le cercle des initiés par tous nos propres moyens.
Notre premier combat préventif, c’est de faire grandir le nombre de gens informés, ah oui !
@Paul : Faudra d’abord trouver un hôpital …
http://www.rtbf.be/info/france-un-homme-meurt-a-lhopital-faute-de-place-67407
@ PJ
Pour info, vous avez une nouvelle fan, Corinne Lepage :
http://www.radiofrance.fr/play_aod.php?BR=12406&BD=29122008
@Paul
D’accord avec vous Paul, l’analyse de la finance doit encore s’approfondir et surtout se diffuser avant de pouvoir peser sur des choix de société significatifs. Mais la diffusion avance puisqu’en dernière page du magazine Financité (celui de la finance alternative en Belgique) j’ai eu la joie de trouver l’interview du notre grand Kawabongo préféré ïŠ : http://www.financite.be/gallery/documents/magazine/financite-12screen.pdf .
@François Leclerc
Quand vous écrivez « Va-t-il être possible, et comment, de relancer la consommation et la croissance, et le crédit qui en est un des moteurs, sans utiliser le même modèle d’avant ? » j’ai du mal à comprendre et je m’inquiète : la consommation et la croissance comme fins en soi sont justement les causes de la crise actuelle. Ce n’est qu’en retenant d’autres objectifs que ceux-là qu’on évitera la crise écologique et qu’on pourra mettre en place un système financier qui aura pour objet le « bien être » (well being et pas welfare) des occupants de la Planète Terre et pas l’accumulation compulsive de choses destinées à calmer nos peurs d’enfants solitaires. (Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de consommations à faire croître mais seulement que les besoins essentiels de certains ne seront rencontrés que par l’arrêt du gaspillage d’autres).
Je souhaite à tous une année 2009 pleine de découvertes intellectuelles et de petits combats quotidiens vécus dans la joie pour la patiente construction d’un monde meilleur.
@ Alain A
Je ne prends pas à mon compte ces objectifs, mais je ne crois pas qu’ils vont être reconsidérés par ceux qui comptent (et qui agissent). C’est dans ces termes qu’ils vont poser les questions, à quelques nuances près. L’inconnue est de savoir ce que va faire l’administration Obama dans la sphère écologique, c’est dans ce domaine que l’on peut attendre du nouveau. La commission Stiglitz devrait quant à elle rendre en février ses conclusions commandées par Sarkozy, so what ?
Comment passer du paradigme « classique » et dépassé à un nouveau paradigme qui se dessine en creux autour de nous, et parfois même en bosse ? C’est la question à cent sous.
Bonjour à tous,
matinal, pour une fois, je vais essayer de faire preuve d’un peu de retenue et de plus d’analyse que ce dont je suis coutumier. Ce post n’étant pas trop technique pour dissuader mon intervention. Elle ne sera pourtant fondée que sur ce que je peux comprendre et mes modestes capacités, vous en excuserez la trivialité, j’espère. Captatio quand tu nous tiens !
Comment commencer ?
Rebondir sur la diffusion. La propagation des informations et les relais que chacun représente ici.
Pour progresser dans mes explorations, je constate, au-delà des divergences sur la nature de la monnaie, que tous ici nous avons en commun d’être en attente de quelque chose d’autre. Plus ou moins clairement et à des stades de développement, d’approfondissement, de théorisation plus ou moins avancés. Les réponses, sur les sites dont le nom de chacun est porteur, sont très variées – de l’optimisation de la situation actuelle à l’utopie la plus séduisante. Utopie n’est pas, sous mon clavier, un gros mot. Idéaliste jusqu’au bout des touches je n’attendais plus qu’un projet fédérateur pour retrousser mes manches et poser, même de guingois, ma dose de briquettes.
Ma « petite expérience de guerre », j’ai vraiment du mal à généraliser et du mal à parler au nom d’autrui, porte en elle le sceau du retard. Il m’aura fallu attendre septembre 2008 pour commencer à percevoir l’importance du moment que nous étions en train de vivre et avoir le sentiment que quelque chose d’inédit était en train de se produire. J’avais bien entendu parler de la « crise des subprimes », d’une dégradation générale de la situation économique, mais comme il m’est déjà arrivé de le dire, en tant que quidam moyen ça fait trente ans que j’entends ça… alors une de plus, une de moins. De toute façon on sait sur qui ça retombe en général : « misère, misè-reuh ! » Business as usual, en somme.
J’avais juste atteint, pour ma part, une dose telle de dégoût que j’avais quitté la table. Non, mieux, je décidais de ne plus ramasser les reliefs qu’on me balançait négligemment.
Pourtant, parmi les gens que je côtoie, je passe souvent pour un dangereux illuminé, un rêveur un peu marginal, et pas nécessairement pour le dernier des crétins. (enfin, je crois).
Bref. Tout ça pour dire que même sur un terreau favorable comme le mien – une révolte légitime mais qui a du mal à distinguer ses adversaires : Etat, système, médias, économie, banquiers, finance, politiques, école, marchands, « élites », que sais-je encore ?! – la circularité du problème posait à mes modestes capacités des difficultés insurmontables. Et dans ma petite croisade quotidienne, mon prosélytisme utopiste, je rencontrais bien des impasses. Toutes raisons de mon exploration du web alors que mon emploi du temps se trouvait tout à coup fort allégé. Me voilà donc riche de temps. J’allais pouvoir en faire profiter mes proches et leur fournir, à bon compte, les tuyaux et les clefs dégotés. C’était sans doute mésestimer encore les obstacles.
La « force de l’habitude » en premier lieu.
« L’homme est un être d’habitude » et la petite vulgarisation scientifique lue il y a quelques temps dans une revue quelconque – si j’avais pris cette foutue… habitude de référencer mes sources ! – considérant nos cheminements « intellectuels » comme des pistes, sentes animales tout d’abord, sentiers de chasseurs ensuite, vient la Grande Randonnée et finalement la visite touristique guidée interdisant toute bifurcation.
Ce petit conditionnement à l’expropriation de son temps, d’abord – sans doute intégré dès l’école, maintenant que je réfléchis à ce que nous « fait » celle-ci, au-delà de l’instruction proprement dite – et qui, chaque matin, avant même le soleil, nous pousse, nous traîne, jusqu’aux portes du Temple moderne. Sacro-Sainte Entreprise ! (Usine, boîte, bureau, office, ce que vous voudrez : mettez ici le terme qui vous convient). Son corollaire, le salaire. Loin d’avoir le sentiment de débusquer un lièvre, je ne fais que retrouver ce que nombre ont déjà dit et mieux. Le « tilt » a été pour moi le rapport entre la productivité moyenne du Français et le salaire médian (de 1 à 6, en gros). Il faut pour les gens simples, comme moi, des idées simples – pas simplistes, mais presque des slogans, pour frapper l’esprit – et secouer la gangue des habitudes.
Comment faire entrer dans la tête des gens autour de moi que ce réflexe quasi pavlovien, déclenchant à l’idée de tous ces objets inutiles dont est encombré notre quotidien son flot salivaire, n’est que la WMD (Weapon of Mass Domination) inventée par la « démocratie » – ou par la religion « tu gagneras ton pain à la sueur condensée de ton front » – pour faire galoper tout le monde, dans le même sens, après un bonheur illusoire à obsolescence contrôlée. Quand un éventuel « bonheur » est encore un horizon possible. Il m’a fallu près de trois ans sur un terreau favorable, disais-je, pour achever de déconstruire – pour autant que j’en sois capable – le théâtre d’illusions dans lequel nous évoluons. Je passerai sur les biais, les détours, les raccourcis, aussi, qu’il m’aura fallu suivre. La « Krise » intérieure et tous les « renoncements » que cela implique. La pression exercée par les proches, intégrés, le sentiment d’isolement, la lutte contre la désocialisation – raréfaction progressive du cercle d’amis, manque de ce pouvoir d’initiative offert par l’argent, etc, etc – et l’accouchement dérisoire de mon blog, comme relais, pour ceux qui m’entourent. Relais vers moi et relais vers des idées bien plus abouties que celles qui pourraient me venir. Petit sentier balisé pouvant faciliter la marche de ceux, qui, trop absorbés par une « survie bien occidentale », n’ont guère le temps de manier la machette.
Pourtant, si le « temps » était seul en cause, ce serait sûrement encore simple. Mais il y a certainement autre chose. Encore pas une découverte, c’est le « goût » qu’ont les « gens » pour cette vie-là. Mais je vais y revenir. Pas de dispersion, continuons sur l’habitude.
Au niveau de l’économie. Et des économistes. Dont je ne suis pas. Personne n’en doute une seule seconde. Si je saisis bien la notion de « paradigme » – comme modèle théorique – force est de constater que nous évoluons au sein d’un paradigme monétariste. Toutes les analyses, ou presque, du moins jusque récemment, produites dans le cadre de celui-ci, évoluent, avec plus ou moins de liberté, de jeu, en son cadre. « Autorités » et « science normale » font désormais tout leur possible pour ajuster tant bien que mal les faits nouveaux dans leur modèle, en rendre compte avec les outils dont ils disposent, « ad-hoc » à souhait, le capitaine Baverez en aura mangé son chapeau, ce qui n’est pas pour me déplaire. Pourtant, j’ai comme le sentiment qu’on va pouvoir attendre longtemps avant que nos mandarins, intellectuels médiatiques à gages, politiques oligarques, admettent que la théorie qui les a si bien servis – et c’est peut-être là son seul mérite ! – prend désormais l’eau de toute part, Titanic où les Di Caprio de la finance ont intérêt à battre rapidement de leurs bras écartés s’ils ne veulent encore pépier leur « Maîtrise du Monde » par 45 000 milliards de fond(s).
C’est sans doute cela qui nous relie ici, le sentiment – pour moi – l’analyse – pour vous – qu’un « nouveau paradigme » doit émerger. Permettant, d’une part, de rendre compte et de comprendre les phénomènes auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés et, d’autre part, de pouvoir faire des projections. C’est-à-dire se tourner résolument vers l’avenir, sur des bases solides, fermes, et pourquoi pas – soyons fous ! – justes. Le rustinage auquel nous assistons pourrait toutefois durer plus longtemps qu’on ne l’imagine, ou qu’on le souhaite, compte tenu des forces en présence, des intérêts en jeu. Quand on sait le peu de poids de la vie humaine – je parle de ceux qui ont, à un moment ou un autre marché sur la queue du Léviathan ou même rien que des pions que nous sommes sur un échiquier à l’échelle planétaire – on peut encore s’attendre à de belles famines, à de magnifiques guerres bien colorées, genre bouquet final… Je suis même presque prêt, pour ma part, à jouer perdant-perdant. Ce qui n’est pas très malin, j’en conviens, mais bon, le chien enragé ça va un temps.
Sur la notion de « goût » que j’évoquais tout-à-l’heure.
Je me plais à tenter de faire croire que je suis un plan déterminé, du type « dissertatoire » franco-français, ce qui n’est pas le cas. J’essaie d’ordonner au mieux le fouillis qui m’habite et de le contraindre linéairement. Vous me pardonnerez, je l’espère.
Cela ne va pas non-plus sans sa dose de conditionnement. De propagande ou de manipulation. Du cadre lui-même, d’abord. Dont les limites déterminent aisément la « critique acceptable ». Les bornes d’une « juste raison ». Cela me rappelle les arguments de la contre-révolution. D’un Burke, d’un Rivarol. « Ordre naturel », « TINA », « naturalisme du marché » qui croît, se développe, mute, vit sa vie propre et auquel, comme à la « hiérarchie sociale naturelle », « l’ordre monarchique divin » on n’a plus qu’à se soumettre. Illusion nécessaire à destination du quidam dans mon genre on en oublierait presque sa nature (d’artefact ?) essentiellement humaine, et sa nécessaire « domestication », autrement dit sa mise au pas politique. Ceux qui la font ont-ils encore suffisamment de pouvoir ? Suffisamment de volonté ? Ou simplement d’intérêts pour cela ? Vous me permettrez d’en douter. D’ un quelconque des trois, d’ailleurs. Reprenant à mon compte la vulgate qui court sur le désintérêt pour la politique – piège fameux ! – chez moi, chez les jeunes, chez les classes populaires. Que l’oligarchie régnante à des armes bien fourbies par des générations d’alternance creuses, par une reproduction savamment orchestrée, un élitisme de la norme, un discrédit scolaire et intellectuelle perpétuelle ! (me soutiendrez-vous ici, M. Jorion, penseur iconoclaste ?)
Où est le goût, là-dedans ? Pour avoir observé mes collégiens je me rends compte de la puissance de feu à laquelle nous sommes confrontés. Consommateurs impatients, ils sont, dès 10 ans et sans doute avant, l’oméga de notre société. Son point d’arrivée. La vraie fin poursuivie. Il m’a fallu trente années pour me déprendre de nombre de ces illusions, malgré une disposition peu amène à son égard. Je tremble d’avance à l’idée du travail à reprendre à chaque génération si l’on ne modifie pas notre système d’éducation. Partant, notre système de valeurs et celles que l’on veut leur transmettre. (Au passage cela n’a sans doute que très peu à voir avec les réformes que notre bien aimé « Darkos » nous mitonne : par coeur, soumission à l’autorité, moins d’heures, enfin bref, vous le savez aussi bien que moi. Et ce n’est pas un plaidoyer pro domo, je n’appartiens pas au sérail. Bien trop indocile pour l’EN !) Ne sombrons pas dans le piège de (la fausse) l’alternative entre socialisation et émancipation. Ne rien faire c’est déjà perdre du terrain. Et je sais bien ce qu’il en coûte de se déprendre de ce conditionnement, de même que la part de « chance » qu’il faut pour reprendre sa liberté.
Gageons qu’à force d’exclure de plus en plus de gens du système – leur offrant par-là le temps nécessaire à la réflexion – on verra grossir les rangs des bloggers piqués de « citoyenneté », de « justice sociale », « d’utopie » salvatrice et former autant de relais, petites bougies tremblotantes comme autant d’étoiles dans notre époque bien sombre.
On se heurtera là, bien sûr, à la surdétermination de nos « cadres mentaux » organisée par une propagande servie dès le berceau fortement corrélée à un dépistage précoce de tout foyer d’hétérodoxie et un discrédit systématique de toute pensée dissonante. (Je pense ici à la bonne conscience pétrie de certitudes de nos pseudo-élites pseudo-sélectionnées qui n’auront finalement pour tout pédigrée que les palmes décernées par une ingestion docile de la norme. Un exemple que j’ai découvert récemment sur un site que je pratiquais pourtant : exercice périlleux de la critique « normalienne-agrégée » de bouquins qu’on n’a pas lus sur les bases de préjugés liés au profil peu orthodoxe de son auteur. Les facteurs de discrimination sont un peu « light », mais illustrent à merveille mon propos. (Suis-je l’homme du ressentiment ?! Est-ce là une aigreur toute personnelle ? Why not.) Ceux qui auront, comme moi entrepris, l’archéologie de ce blog m’entendront !)
Etait-ce sur le MAUSS, une correspondance, un article – foutues références ! – que je lisais l’inquiétude quant aux aspirations des plus modestes ? Une des impasses à laquelle je me suis moi-même trouvé confronté : l’aspiration commune au « bonheur » se trouve toujours déjà résolue dans le modèle de bonheur que l’on nous propose : la consommation. Améliorer sa situation passe-t-il nécessairement par notre capacité à satisfaire nos besoins matériels ? J’en suis revenu, mais à quel prix ?! Et comment détourner ces aspirations ? Et de quel droit ? Quand je vois par quel laminoir je suis passé, ne suis-je pas comme dans « Matrix » – on a les références qu’on peut, désolé – dans la situation de celui qui a gobé sa petite « pilule rouge » ? Sans retour possible ? « Bienheureux les fous et les simples d’esprit » pour changer de registre ? J’avoue qu’en ce moment j’hésite encore sur ma santé mentale. Suis-je atteint d’une de ces nouvelles pathologies sociales produites par le système ? Désolidarisation, confiance réduite à néant, hostilité de principe à tout ce qui est humain… Stop, avant que de déraper à nouveau vers une subjectivité bien inutile.
On pourrait pourtant tenter le lien entre la « crise » identitaire de nos sociétés, son « malaise », la dissolution du sens culminant dans la répétition de la très-trop commune formule « métro-boulot-etc », la perte des solidarités, l’individualisme hédoniste – « après moi le déluge ! » – l’atomisation qui débusque jusque dans les familles – à chacun sa télé, son portable, sa bagnole – le désintérêt vis à vis du politique – trahisons sur trahisons – le nomadisme forcé qui brise les attaches locales, l’abrutissement-dépendance par la perte des savoir-faire traditionnels, que sais-je encore ?, et le ranger dans la catégorie conséquences de « notre » paradigme. Est-ce trop « système », forgé d’unité sans rapport et d’un point de vue trop parcellaire ? Sûrement.
Est-ce là assez pourtant pour avoir envie de lui substituer autre chose ? Avec ce caractère d’urgence qui me saisit, un peu sur le tard, je l’admets ! Faut-il vraiment se situer dans une perspective si lointaine (j’ai lu 20, 30, 50, 1000 ans… pfff ! In the long run, hein !) ? Ne serons-nous pas bien plutôt rattrapés par l’idéologie dominante servilement ordonnée par ceux qui ont des intérêts à préserver ? Devons-nous compter sur l’effondrement ou un petit coup d’épaule bien dosé serait-il le bienvenu ? Faut-il attendre une substitution progressive dans l’esprit des gens ? La révolution copernicienne peut être lente à s’imposer. Quant au changement de mentalité, le sursaut « moral », « conscienciel », « mystique », « qualitatif », « quantique », peut-on légitimement miser dessus quand on sait les forces auxquelles on s’oppose ? J’hésite encore. Mais cela tient sans doute à ma récente « pathologie sociale » et au peu de confiance dont je crédite mon prochain, mon semblable, mon frère.
Merci à ceux qui seront allés jusqu’au bout. A me relire j’ai bien l’impression d’enfoncer encore des portes ouvertes. Bien conscience aussi du peu de chemin parcouru comparé à d’autres. Qu’à défaut cela me serve de balise. Un point sur ma route et que je puisse y faire retour quand j’en saurai un peu plus. On voudra bien aussi me pardonner le « retard à l’allumage », que je tenterai de faire oublier par une belle énergie et un travail acharné.
Le problème est que personne parmi les décideurs du monde n’osera poser la bonne question qu’Aristote déjà mentionnait dans ses écrits, où il qualifie la pratique du prêt à intérêt de détestable car elle consiste à créer de la monnaie à partir d’elle-même, alors que la monnaie a été créée pour l’échange, non pour se servir elle-même.
Il faut creuser la réflexion dans ce sens comment remettre en marche une économie basée sur la consommation oui, le bien être oui, mais pas sur la croissance effrénée servant à financer les banquiers.
Que les pauvres financiers de Wall Steet et de la City se mettent à travailler comme tout le monde (à créer de la richesse réelle), bientôt il n’y aura plus assez d’esclaves en Afrique et en Asie pour leur payer leurs salaires.
Je souhaite à tous une bonne année 2009 pleine de réflexions et d’échanges d’idées intstructifs.
« le capital est au risque de l’emprunteur qui est comme l’assureur de celui qui prête » Adam Smith.
@ 2casa avec un peu de patience, (ou selon une sorte de principe de moindre action), on arrive toujours à trouver quelqu’un qui va exprimer de façon assez juste, satisfaisante ou résonnante, ce que l’on aurait mis des heures à paufiner, avec la crainte d’être mal compris, d’être trop long, réducteur, simpliste, sentimental, caricatural, ennuyeux, décalé……pour finalement peut-être le remettre à demain… Mais là, t’as fait très fort, l’essentiel y est ( à mes yeux, cela va de soi) …un peu comme si tu exprimais quelque-chose (d’universel ?) ayant à voir avec la nature ou la condition humaine et de leur évolution (qui est ce qu’elle est à ce jour, compte tenu de l’idée que nous pouvons nous en faire , et faire à partir de l’idée……et c’est bien là la question…). Un seul bémol final…la référence à l’énergie et au travail…Trop physique. Plutôt belle ouvrage et transformation enrichissante, par exemple…Confiance, frère.
Le ministre allemand des Finances Peer Steinbrück vient d’apporter sa réponse à notre question, dans une interview donnée aujourd’hui à l’AFP.
« D’un côté, nous avons besoin de soutenir la conjoncture, mais d’autre part, nous devons éviter qu’une politique de l’argent bon marché débouche de nouveau sur une nouvelle bulle de croissance financée par le crédit », comme cela s’était produit après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, estime le ministre social-démocrate (SPD).
Je ne sais pas calculer le montant net des liquidités mises sur le marché par les banques centrales à ce jour. Mais la question se posera ce manière cruciale, plus tard, quand il faudra revenir au régime normal de fonctionnement des marché: que faire de ces masses de liquidités, de cette nouvelle bulle ? Le détricotage des mesures d’exception prises actuellement dans le feu de l’action ne va pas être sans problèmes.
@ François Leclerc
Parmi les propositions qui circulent pour bâtir une nouvelle régulation, l’une de celles avancées par Michel Aglietta est de contraindre les banques à établir des réserves quand croît la valeur des actifs:
« Au lieu d’être une fonction croissante de l’expansion des actifs, ce qui provoque l’effet boule de neige qui conduit à la crise, le levier d’endettement doit être une fonction décroissante, ce qui ajuste l’expansion du crédit à la progression des capacités de l’économie ».
Ces provisions pour risque systémique deviendraient un second outil venant compléter les taux d’intérêt puisque la stabilisation des prix n’implique pas la stabilité financière.
Paul Jorion parle de crise de civilisation dans une interview donnée à Télérama. Le symbole le plus éclatant de cette analyse est le plan de sauvetage des groupes automobiles U.S.
La voiture est l’objet le plus symbolique des sociétés occidentales. Elle représente l’abondance et la société de consommation pour tous. Or, depuis l’ouverture de la Chine et de l’Inde à l’économie mondialisée et la chute de l’URSS, cette société d’hyper-consommation a grillé sa dernière cartouche : la libéralisation financière. Cette dernière a pu faire fonctionner l’économie-monde autour de l’axe Chine-Etats-unis : l’accroissement de la valeur des actifs aux E.U rendue possible par les procédés d’ingénierie financière a permis une création monétaire qui a dopé la consommation dans les sociétés occidentales. La demande de biens étrangers a explosé au bénéfice des pays émergents. Ce processus a permis notamment à la Chine de financer le déficit budgétaire américain.
LA crise financière s’accompagne d’un nettoyage des bilans des banques qui se révèlera long et douloureux. La baisse de la consommation entrainera celle de l’investissement et les économie seront prises dans une spirale déflationniste. Ses effets seront doubles à moyen et long terme :
1- d’une part, on va assister à l’émergence d’un nouveau centre de l’économie monde. La Chine, bien qu’affaiblie, est en position de force. Elle a récemment prévenu qu’elle ne financerait pas éternellement le déficit américain. Si elle cessait d’acheter les bons du trésor U.S, les taux d’intérêt à long terme augmenteraiant aux U.S aggravant ainsi les difficultés de ce pays.
2- L’Occident est en train de vivre un moment comparable à celui de l’Angleterre de la fin du 18e siècle. La société d’hyper consommation va lentement s’éteindre et la transition sera plus ou moins longue en fonction du temps qui sera pris pour en prendre conscience. Dans un premier temps, les économie et les sociétés devront gérer la sortie de cette crise et seront confrontées à une croissance basse. La question sociale prendra une acuité forte en raison du caractère fortement inégalitaire que les sociétés, notamment occidentales, ont revêtu. La création monétaire au moyen des produits dérivés du crédits ne sera plus en mesure de stimuler les économies. La seule redistribution des richesses devra s’imposer comme solution. Dans un second temps, les sociétés n’échapperont pas à la déplétion des ressources naturelle et notamment du pétrole. Le prix du baril atteindra un prix où le commerce internation se trouvera irrémédiablement affecté. Au-delà de ce seul aspect, ce sont les sociétés, et surtout occidentale, qui devront reconstruire un autre rapport au temps et à l’espace. Dans un nombre indéterminé de décennies, l’automobile sera pour nous un souvenir.
Note d’espoir : on a 5 milliards…d’années pour trouver un moyen de partir d’ici !
Comment envisager l’avenir sans conflits sociaux, raciaux et surtout intergenerationnels?
Un pessimiste est un optimiste qui s’est renseigné.
@ une remarque,
Quelle chance vous avez de ne pas être désoeuvré ! Non c’est pour rire, je suis un ardent défenseur du désoeuvrement, le vrai, celui où on ne fait rien…C’est la seule façon de laisser vraiment libre son esprit. Pour ma part, et sans agressivité particulière à votre encontre, ne vous connaissant pas et estimant que vous faites partie du plus grand nombre, je ne pourrais vous souhaiter qu’un peu de vrai désoeuvrement pour cette nouvelle année.
Sinon, techniquement, une petite remarque : on peut imaginer que dans le futur le bus et les bidonvilles n’existent plus ! (Entre parenthèses comme vous le voyez, ça existe à l’heure actuelle, en Occident, des gens qui font la plonge pendant 18 heures, prennent le bus bondé etc…)
En tous cas, si vous avez la moindre idée pour que les facilités que l’on a en Occident se propagent chez nos esclaves, pardon, nos frères dans le reste du monde, je vous propose de venir en discuter sur ce blog…j’y serai, je n’ai que ça à faire, je suis mutimilliardaire…en temps !
« Le travail c’est la santé », dit-on. Je vous souhaite donc une bonne année et beaucoup de travail.
2Casa dit: @ 30 décembre à 12:09
une remarque dit: 30 décembre 2008 à 15:47
et: les autres
Du contenu des interventions lues plus haut, il me vient, à travers tout ce prisme exprimé ici, que les idées occidentales des philosophies dites « des Lumières » se sont répandues à travers, et – de travers – dans le monde. Ainsi, cette suprématie « absolue » de l’ « Homme », l’oubli d’écrire ici HommeS, au pluriel, en dit long sur l’ « absolutisme » non dit et rampant qui se trouve dans cette « expression »: Droits de l’Homme. Ses droits sont autant de « satisfactions artificielles » partout répandues. Instaurer les: Droits de l’Homme (au singulier, au lieu de parler des Droits des HommeS) implique une idéologie au fumet totalitaire sous un discours démocratique répété ad nauseam. Cela se termine aujourd’hui par: je possède, donc j’ai le droit. J’ai le droit quelqu’en soient les conséquences…. Faut-il faire un dessin?
Tant que c’était l’ « élite » qui possédait, l’impact seulement physique dans la société, pour invivable qu’il fut, ne se percevait pas car il y avait un certain nombre d’écrans sociologiques au sein de la société qui étaient autant d’ « amortisseurs » , parfois donneurs de sens à la vie: église, armée, corporations et quelques autres branches d’activités, etc. Maintenant que la « masse » se croit « élite », l’éreintement physique et surtout psychique est patent. Quel en sera, et en est déjà le prix à payer? Un film maintenant ancien, de 1960 je crois, que j’avais vu à peine adolescent, Mondo Cane, en donnait déjà un aperçu, vu à l’époque comme une demi-fiction, sans trop oser y croire.
Dans un autre commentaire que j’avais fait il y a quelques mois au sujet de la Chine entrant en lice dans le monde, j’y disais, en substance, que la Chine, d’essence Yin, socle du monde, se protégeant historiquement par ses murailles, par opposition à l’Ocident, d’essence yang, conquérant le monde, la Chine entrait donc en lice de par le monde entier pour la première fois de l’histoire connue, et que cela représentait une incertitude totale.
En effet, les effets du mode d’être occidental sur d’autres cultutres et civilisations « imitant » l’Occident sont encore une inconnue de taille. S’agissant
par exemple de la Chine, nous avons déjà eu à faire à la « Grande Révolution culturelle prolétarienne » (1966 et suite) dont on ne connait pas le nombre de victimes, des millions
c’est certain, la « Grande Révolution Culturelle prolétarienne », produit du marxisme au sein de la culture chinoise fut une épouvante pour la multitude chinoise (1). Il y eut aussi, en 1975-79 l’épopée effrayante des Kmers-rouges qui fit périr dans d’atroces souffrances entre 700 000 et 1,5 millions de gens sur 8,1 millions d’habitants du Cambodge à cette époque. Ces deux exemples, entre autres, sont le « résultat » au delà de l’imaginable, de la lutte des classes marxiste, ici en milieu asiatique.
Il n’est pas du tout certain, bien au contraire car la preuve en est, que le mode d’être et d’agir occidental imité par d’autres civilisations dans le monde soit un facteur de paix et de développement positif. Tout au contraire, ce serait bien plutôt l’amorce de luttes tous azimut pour s’approprier, dominer, contrôler, etc, avec à la clé pour une majorité des humlains, un « anéantissement » de plus, spectaculairement, ou progressivement (ce qui est le cas actuellement). Le monde physique est le démoninateur commun de toute l’humanité, et que si celle-ci « s’y met » activement dans les destructions et les pillages, même couverts sous un pseudo-droit, par exemple, brandi par l’OMC, et bien la « réponse » physique au risque d’anéantissement fera rentrer tout le monde dans sa « chaumière ». Ainsi forcé à méditer sur les « antiques sagesses », presque jamais observées, mais enrichies cette fois des « expériences modernes »…
Mais qui sait si les nanotechnologies, demandant une énergie infime, ne vont pas résoudre, sans l’avoir vraiment prévu, une foule de données enfin quantifiables et cette fois intégrables dans les choix vitaux à opérer et permettant ainsi aux humains de profiter de la vie en s’intégrant et en utilisant les forces naturelles comprises seulement à l’intérieur de minima et de maxima rigoureusement balisés et autorisés. Impossible à enfreindre sur le plan environnemental, de l’écosystème et énergétique!
Ce serait inespéré. C’est peut-être quelque chose comme ça qui nous tirera d’affaire? Et pendant ce temps, la démographie aurait très probablement baissé énormément, espérons le naturellement, c’est à dire de manière naturelle sans que la « volonté » de l’ « Homme » s’en mêle, soit par paliers, soit en continu.
C’e sont ces philosophies dites des « Lumières », qui, au terme d’un assez court parcours historique, mais suffisamment long pour, finalement, davantage nuire aux hommes que ce qu’elle apporta (car il y a un versant positif), en véhiculant des lumières qui brillent à présent par leur absence. C’est un type de philosophie, dont la France est tout spécialement imprégnée jusqu’à ne plus s’en rendre compte, ce qui est préoccupant… Cette « pensée des Lumières » triompha plus ou moins deux siècles et demi. Elle est ldevenue la reine des satisfactions artificielles. Elle plaça l’ « homme » au centre de l’univers, chassant les anciennes tutelles du trône et de l’autel. Mais se faisant, les hommes que nous sommes retombons lourdement et très douloureusement sur nos déterminismes biologiques et culturels qui, bien entendu, déterminent et conditionnent toute notre attitude, tous nos comportements, y compris de primates…
Et je vais faire une confidence philosophique. Le but de la vie, ce n’est pas de devenir des prolétaires, ni des actionnaires (bien qu’on puisse être l’un ou l’autre, même les deux, pour des raisons purement domestiques mais pas forcément existentielles), ni de devenir de quelconques bourgeois, mais c’est de devenir, ou redevenir – Aristocrate -. Bien sûr on ne peut redevenir aristocrate au sens historique du terme, mais le modèle reste valable en ce sens qu’on peut redevenir Aristocrate, « métaphysiquement » d’abord, puis dans le sens donné à l’existence. C’est autrement grandiose qu’un monde devenu un monde de chiourmes et leurs gardes au seul service de Mammon. Comme l’écrivit un auteur qui m’a beaucoup servi: « Nous rendons à César ce qui est à Mammon », c’est là toute l’histoire de la banque moderne! Les faits parlent d’eux-mêmes. D’ailleurs il y a ici un excellent intervenant lu au moins pour la deuxième fois dans une assez longue intervention, c’est Casa2, c’est sans doute un grand aristocrate qui s’ignore, mais l’on perçoit qu’il a été piègé, comme tant et tant d’entre nous, par une philosophie omniprésente et séduisante entre toutes, mais frelatée; je devrais dire car frelatée.
Cela me fait repenser à cette phrase du philosophe Husserl: « Notre époque, selon sa vocation, est une grande époque, elle souffre seulement d’avoir dissous les anciens idéaux non clarifiés ».
Et puis en cette période de fin d’année, il faut rire, et rire sur du sérieux. Cette petite anecdote au sujet du peintre Salvador Dali qui admirait tant les princes d’autrefois. Sa philosophie et sa culture immenses et extraordinairement bien documentées (méconnues du public qui ne voyait en lui qu’un cupide, doublé d’un bouffon et un loufoque) m’avait profondément marqué, beaucoup plus que sa peinture que je ne suis pas capable d’apprécier. C’était autour de 68 (un peu avant il me semble) dans l’ambiance « tourbillonnaire » et la surexitation croissante de l’époque. Dali vint faire une conférence à la Sorbonne. Ambiance électrique. Amphi archi comble. Et voilà Dali qui martelle avec son accent inoubliable: « Je suis un traître! J’ai trahi ma classe d’origine qui était la bourgeoisie, pour me livrer corps, âme et bagages, à… ici tout l’amphi monte debout sur les sièges, prêt à l’ovationner pensant que Dali allait dire qu’il s’est livré au prolétariat, et Dali continue en martelant…pour me livrer corps, âme et bagages à l’ a-ris-to-cra-tie!! », l’onde de choc dans l’amphi fut telle que tout le monde se mit à s’engueuler mutuellement dans un brouhaha indescritible…
Je ne saurais trop recommander de se procurer, car il a été, je crois, réédité en livre de poche ou quelque chose de similaire il y a quelques années, cet ouvrage: Les Passions selon Dali, écrit par Louis Pauwels, première édition Denoël (1968) après une longue série de conversations que L. Pauwels eut avec Dali.
C’est un véritable Remonte-pente!!!!
(1) de toutes façons plusieurs millions, j’ai entendu parlé de 10 millions, mais je me méfie de ces chiffres à l’emporte pièce, quoiqu’il en soit, les victimes se comptèrent par millions
@ A
Je vous remercie de votre remarque. Nul doute que d’excellentes suggestions de régulation existent, mais seront-elles reprises ? Entre celles qui seront adoptées et celles qui seront rejetées, où le curseur sera-t-t’il placé ? Qui d’ailleurs en décidera vraiment ?
Jean Peyrelevade écrivait dernièrement un article publié par Libération et intitulé « Pour en finir avec les paradis fiscaux », expliquant combien et comment cela serait facile de le faire. Parole de banquier. Son avis sera-t-il retenu ?
Le capitalisme financier est à la recherche de taux de rentabilité que « l’économie réelle » ne peut lui offrir et il s’affranchit donc de rester à son service en se créant son propre univers, un terrain de jeu où il peut donner toute sa mesure. Voilà pourquoi, me semble-t-il, l’introduction de règles du jeu, là où il y en avait pas ou peu, va être nécessairement limitée.
Je me souviens d’un autre article, signé par Jean-Hervé Lorenzi dans Le Monde, expliquant, alors que la crise des subprimes battait déjà son plein, qu’il ne fallait pas condamner la titrisation, un instument selon lui indispensable à la croissance. L’économie de la dette a en effet ses exigences.
L’idéal serait donc de trouver le moyen que les bulles n’éclatent pas ! Car les bulles se succèdent et ne se ressemblent pas. Mais un jour elles cédent et détruisent autant si ce n’est plus qu’elles n’ont contribué à construire. Tout dépent comment on compte et qu’est-ce que l’on met dans le calcul.
@François Leclerc
Pour l’heure je crois que le danger n’est pas la création d’une nouvelle bulle de crédit, le retour du crédit, que les banques centrales tentent vainement d’encourager par une politique d’argent « gratuit » serait un excellent signe puisqu’il indiquerait la fin du « crédit crunch » et donc la sortie de la crise.
J’ai l’impression que ce ministre des finances essaie de lancer des signaux porteurs d’espoirs, comme si il percevait le bout du tunnel…
@ Rumbo
Quoi ? une charge contre l’Esprit des Lumières ! sur le blog de Paul Jorion ! On veut donc que je fasse un infarctus avant la fin de l’année !
Rousseau, Voltaire, d’Alembert, Diderot, d’Holbach, Goethe mais aussi Leibniz, Spinoza, Schelling, Hegel nous sommes vos enfants : vous nous avez ouvert la voie !
@ Shiva
On peut aussi penser, vu les doses prescrites, que les médecines administrées pourront certes guérir le patient de ses maux immédiats, ce n’est pas encore acquis, mais pour lui faire par la suite connaître d’autres pathologies. Pour rester dans le médical, l’image de la tente à oxygène est de ce point de vue trompeuse, comme celle de perfusion qu’on lui préfère parfois.
@François Leclerc
Pour pousser un peu plus loin l’analyse du « médicament » que la BCE injecte aux banques européennes :
http://www.banque-france.fr/fr/poli_mone/telechar/regle_poli/Liquidite_BCE_FR.pdf
LTRO sont les opérations de refinancement à long terme 3 mois, les MRO opérations principales de refinancement, 1 semaine.
Que font les banques de toutes ces liquidités puisqu’elles n’en font pas du crédit ?
http://www.banque-france.fr/fr/stat_conjoncture/telnomot/zoneeuro/zea012.pdf
@Shiva
Merci beaucoup pour ces éléments. L’analyse des bilans, études et communiqués de la BRI, de la BCE, de la BoE et de la FED n’est malheureusement pas ma tasse de thé et j’ai du mal à les interprèter. Suis preneur d’éclairages. Ce que je crois toutefois avoir compris, c’est que :
1/ les banques centrales agissent désormais et pour une période indéfinie en lieu et place du marché monétaire « normal » et jouent auprès des banques le rôle de « prêteur en seul ressort ».
2/ elles y interviennent en injectant massivement des liquidités à des taux désormais fixes, le marché censé être le lieu de leur formation ne fonctionnant plus.
3/elles ont adapté leurs dispositifs pour reproduire au mieux les attributs de la liquidité privée, désormais défaillante: maturités plus longues et gages de moins en moins contraignants. En d’autres termes, elles ont élargi la gamme des collatéraux qu’elles acceptent en garantie, moyennant une décote symbolique afin de sauver la face.
4/elles injectent des liquidités et les retirent au gré des besoins, de manière désormais illimitée.
5/ les taux du marché interbancaire, l’Euribor 3 mois notamment, qui sert en temps normal de principal étalon, baissent bien, pouvant laisser penser à un redémarrage de celui-ci, mais comment en réalité l’interpréter ? Amélioration de la liquidité du marché ou faiblesse de la demande, vu l’offre plus intéressante de la BCE ? Quant aux anticipations de marchés qui suggèrent une baisse des spreads de taux courts dans les mois à venir, elles pourraient bien se révéler erronées. Les indicateurs utilisés en temps normal ne sont plus pertinents, la boussole s’affole près des pôles.
Du côtés des banques centrales, on peut comprendre, mais du côté des banques tout court, c’est l’opacité qui est garantie et c’est bien cela le problème. La seule explication que je parviens à donner de la situation actuelle, c’est que la part des actifs pouvant être considérés comme douteux, en tout cas dont on ne parvient pas à estimer la valeur de marché, est si énorme dans les bilans bancaires que tout le monde préfère s’asseoir dessus en sifflotant comme si de rien n’était. Comment, en effet, démêler le bon du moins bon et du mauvais ? Et que les banques, globalement considérées, se font d’autant plus prier pour relancer le marché interbancaire qu’elles attendent un geste plus conséquent et définitif des autorités. Le rachat pur et simple de certaines catégories d’actifs afin de nettoyer leurs bilans et de les rendre présentables.
Donc, je pense que nous assistons à un jeu de la patate chaude.
Les banques pèsent sur le rapport de force (dénomination adéquate de la loi de l’offre et de la demande, comme le défend justement Paul Jorion) en durcissant leurs conditions d’accès au crédit. A quoi servent dans ces conditions les liquidités dont elles disposent ? Elles circulent en permanence et sont en réalité prioritairement consacrées au maintien de leur très délicat et complexe équilibre financier. Pour reprendre une image déjà utilisée, les banques modernes sont comme les avions de chasse les plus sophistiquées, ce sont plus les lois de l’aérodynamique qui les maintiennent en vol, mais les systèmes informatiques très évolués dont ils sont pourvus.
Est-ce un exemple extrême pour évoquer la situation des banques, sans doute, mais comment savoir ? On apprend que la petite banque privée viennoise Medici va être mise sous tutelle de L’Etat autrichien, le montant de ses pertes au titre des investissements réalisés pour le compte de ses clients sur des fonds touchés par le scandale Madoff se montant à la somme record de 3,6 milliards de dollars.
Rappel, l’espagnol Santander a reconnu avoir investi 2,33 milliards d’euros chez Madoff est ainsi rétrogradé au second rang des principales victimes de la fraude.
Cette exposition est à comparer au 28, 6 millions d’euros de total de bilan de la banque Medici.