Dans la série “billets invités” : un nouveau texte de Daniel Dresse, cette fois sur notre débat sur la monnaie.
Le scandale des sélénites qui prennent les banques pour des soucoupes volantes…
Face à l’ampleur et la fréquente véhémence des interventions, j’en suis venu à me demander, en fin de compte, qu’est-ce qui pouvait déchaîner tant de passion dans votre débat sur la monnaie. Avec mes critères de jugement simples, j’en suis venu à séparer vos intervenants en deux camps :
– A ma gauche (sans que ce positionnement ait une quelconque signification), les « créationnistes scandalisés », ceux qui, s’appuyant notamment sur les écrits de Pépé le Momo (Allais), soutiennent mordicus que le scandale réside dans le pouvoir de création « ex nihilo » de monnaie par les banques. Comme vous l’avez souligné vous-même, leurs démonstrations s’appuient généralement sur l’empilement complexe et déroutant de notions redondantes comme monnaie, moyen de paiement, dépôt, crédit, jeux d’écriture etc.
– A ma droite, les « scandalisés anti-créationnistes », regroupés sous votre bannière, qui soutiennent que cette prétendue création monétaire n’existe qu’en trompe l’œil. Pour eux, tous les instruments décrits par l’autre bord ne seraient que des avatars d’un même phénomène : la vitesse de la circulation monétaire. S’ils admettent la réalité d’une création dans ce processus, c’est à la marge, sur l’articulation entre les intérêts pratiqués par les banques et leurs besoins en monnaie nouvelle, tenues qu’elles sont d’en appeler à la banque centrale pour répondre à ceux-ci.
Ce qui me frappe dans cette opposition, c’est qu’elle se forge sur l’identification d’un mécanisme économique et non pas sur ses conséquences politiques.
En effet, vous appartenez tous, de toute évidence, à la grande famille des « scandalisés ». Tous, vous tombez d’accord sur le fait que, création « ex nihilo » ou pas, le jeu de la circulation monétaire aujourd’hui tourne au bénéfice éhonté d’une minorité d’individus et à la mauvaise santé générale du système – en attendant le transport au cerveau !
J’en viens donc logiquement à me demander si ce désaccord sur la mécanique du phénomène, ne vous conduirait pas à des positions inconciliables sur la nature des remèdes à lui apporter.
C’est bien là, je crois, que le bât blesse, et vous n’arriverez jamais à une clarification du débat tant que vous n’aurez pas mis à plat ces implications là. Elles ne sont pas anodines, loin de là, puisqu’elles peuvent vous mener ni plus ni moins à un constat d’incompatibilité politique entre vous (notion qui ne semble donc pas avoir été abolie par le doux consensus propre au règne de la gouvernance). De là cet acharnement que vous mettez tous, l’épée encore au fourreau, à essayer de vous convaincre mutuellement.
Qu’implique donc, au bout du compte, la croyance dans le pouvoir qu’auraient les banques de démultiplier à l’infini la monnaie sans contrepartie tangible ? Tout simplement que la solution aux désordres et injustice du monde résiderait dans un simple détournement de cette industrie là (puisqu’il est communément admis de parler « d’industrie financière »). La manne financière serait alors dirigée vers les zones de déshérence irrigables comme un fleuve miraculeux, et la révolution à faire ne serait qu’une vaste opération de redistribution de ce qui, dit-on, ne coûte absolument rien à émettre.
On rejoint ici l’opinion souvent émise notamment après des mouvements d’extrême-gauche, pour lesquels, il coule de source que l’on peut en créer de l’argent à profusion selon les besoins.
Cette sorte « d’alter-monétarisme » se satisfait en réalité de la mondialisation telle qu’elle apparaît dans l’instant, si seulement elle pouvait rester figée en l’état pour l’éternité. Il suffirait alors d’en changer les bénéficiaires –au lieu de d’une poignée d’ultra privilégiés, on pourrait ainsi imaginer (Ô Soleil Vert !) une masse immense d’allocataires, avec pour seule raison de vivre de « s’occuper » – et, suivant la prédiction de Charles Fourier, les eaux boueuses du fleuve se changeraient en torrent de limonade.
Ce n’est pas un hasard si je cite Fourier, puisque notre terrible époque, tout comme la sienne, semble propice aux chapelles de consolation et aux millénarismes de toute obédience.
Croire dans la possibilité de créer la monnaie à partir de rien, amène à oublier que la création monétaire est forcément adossée à la production de richesses, quel que soit le sens que l’on prête à cette production et à ces richesses là. Sur ce plan par contre, tout peut évoluer, tout peut être inventé. Mais il n’en est pas moins impossible de faire l’impasse, dans l’immédiat, sur ce que la majorité des acteurs économiques entendent par richesses produites.
Considérer au contraire le réseau bancaire comme un « accélérateur » – certes ô combien lucratif pour certains – de la circulation monétaire me semble moins propice à planifier la mise du merveilleux au service de l’impossible. Vu sous cet angle, il est en effet beaucoup plus difficile de reléguer la production au compte profits et pertes des spéculations intellectuelles, puisque tout ordre de circulation monétaire ne peut se faire, dans un premier temps et par le jeu des réserves fractionnaires, que sur de la monnaie déjà créée, et cela en fonction d’un projet productif déjà réalisé.
Remettre la production réelle au cœur des interrogations sur la monnaie permet aussi de poser les questions qui fâchent, mais ne pourront pas être éludées pour autant. L’accroissement fantastique de la circulation monétaire est lié avant tout au libre échange mondial, et le contrôle plus serré de l’une n’ira pas sans restriction à l’autre. Protectionnisme, le mot est lâché, et pas plus vous que vos blogueurs (certains semblent frappés du mal des ardents à peine son évocation) n’échapperez à son grand retour en question.
Quant au scandale lié au disfonctionnement du système, ou son accaparement par quelques-uns, il est tout aussi aisé à identifier. La relation qui existe entre le client – qui est aussi un citoyen – et son banquier est un contrat à deux fondements. Le premier est l’anticipation sur les richesses produites – la circulation monétaire est une sorte « d’annonce faite à Marie » érigée en principe économique – et le second la confiance mutuelle qui permet précisément à ce principe de fonctionner. Je ne vois pour ma part, dans toutes les crapuleries (comment appeler cela autrement) que vous décrivez et dénoncez dans vos livres qu’une gigantesque extension du délit d’ABUS DE CONFIANCE.
Cette notion d’abus de confiance m’apparaît tout aussi essentielle pour replacer le citoyen au centre de la machinerie.
Je considère désormais la monnaie comme un bien commun, émis de toute façon par une banque centrale, laquelle doit représenter tous les citoyens d’un ensemble politique donné – nations ou confédération de nations – il n’y a pour l’instant pas de Banque Centrale d’émission Universelle, même si certains en rêvent.
Dans cette optique, toute manipulation touchant à la circulation de ce bien commun doit pouvoir rester sous contrôle du citoyen. Sont alors condamnables autant les banques périphériques (d’affaires ou commerciales), qui accordent des crédits à tort et à travers pour les refourguer ensuite au marché sous forme de produits financiers opaques – leur seul souci étant de se sucrer au passage – qu’une banque centrale dite « indépendante » qui n’a de compte à rendre qu’à son directeur – comme c’est le cas pour la BCE.
Le bien commun monétaire étant gagé sur la production commune, il est également capital que tout citoyen puisse trouver toutes les conditions favorables pour pouvoir participer à celle-ci. En particulier, sont constitutionnellement à proscrire ces étranges captations de « plus values négatives du travail » (avec en contrepartie une création de valeur pour l’actionnaire) que constituent les licenciements boursiers. Tout se tient, il n’y a pas plus d’assistanat que d’assistés dans la mécanique de circulation monétaire actuelle, laquelle permet à la centrifugeuse économique libérale et libre-échangiste de concentrer le nectar à titre d’indispensable et de rejeter l’indispensable à titre de déchet. En avoir ou pas ne signifie plus rien, les plus brillants des traders sont eux aussi les « assistés » de tous les « sans », sans emploi, sans couverture santé, sans abri, sans avenir et sans existence.
La réappropriation de leur monnaie par les citoyens, à travers un système bancaire régulé et contrôlé – ce qui ne remet pas en cause sa fonction originelle – doit permettre à chacun de rêver à nouveau en toute confiance, et d’estimer l’avoir bien mérité. Cela s’appelle la DIGNITE. (Si cette analyse vous parait effectivement grossière et simpliste, c’est bien dommage pour moi, car c’est sur cette simplification que j’en suis venu – malgré ma grande réticence au départ- à la conclusion que c’est vous qui avez raison).
71 réponses à “Le scandale des sélénites qui prennent les banques pour des soucoupes volantes…, par Daniel Dresse”
Bonsoir à tous.
Je prends un petit moment pour répondre aux dernières réactions à mes interventions. S’il existe toujours un décalage plus ou moins important entre mes messages et les vôtres, ce n’est pas par négligence ou désinvolture, mais bien parce que je suis pris par le temps et des contingences très terre à terre.
Comme je l’ai expliqué à l’un d’entre vous tout à l’heure au téléphone (qu’il se rassure, mon pot au feu était un peu noirci mais mangeable) je n’ai pas internet chez moi. J’ai dit un jour que j’avais éliminé tout ce qui pouvait me « scotcher » quelque part, pour ne pas mourir de la belle mort des célibataires, lesquels (j’en connais), entre la TV et le web, finissent par ne plus voir personne. Pour pouvoir vous écrire, je me déplace donc sur les lieux de mon travail, la nuit, ce qui m’oblige toujours à rogner sur mon temps de sommeil, voire, pour les derniers que j’ai écrits, à quasiment ne plus dormir du tout. Etant lent à rédiger, je gagne un peu de temps la journée en griffonnant des idées à la main sur du papier brouillon.
Il m’arrive d’écrire au cours de mon travail, mais rarement, d’abord parce qu’il n’y a pas tant de temps mort que ça dans un hôtel, et parce que je tiens à faire mon travail le mieux possible. Je tiens à cela non par idéal (je ne vous cache pas que j’aurais préféré faire autre chose) mais par loyauté envers ceux qui le sont avec moi et avec lesquels je m’entends plutôt bien.
Je n’ai pas vraiment de « chez moi » non plus. J’ai un appartement qui me sert d’espace de propreté (blanchisserie, repassage), d’hygiène corporelle (douche rasage), d’écoute (classique) et de pratique (rock) musicale, d’espace culinaire et de stockage important de livre. Je loue aussi une chambre de bonne en ville où je dors toutes les nuits pour échapper au froid glacial de ce qu’il faut bien appeler mon taudis l’hiver, et au bordel ambiant du quartier l’été.
Tout mon mobilier a été récupéré chez Emaüs ou sur le trottoir, et je n’ai pas de voiture non plus (j’ai encore mon ancien permis rose à trois volets des années soixante-dix). Les cas où un célibataire a réellement besoin de ce dispendieux tas de ferraille sont rares et je m’adresse alors à mes amis(es). Ceux-ci sont alors trop contents d’aller boire un jus avec leur vieux camarade Daniel et échapper un temps à leur conjoint(e).
Les femmes ? Avant, pendant, après ; des bonnes copines. Mais elles préfèrent ne pas trop se lier avec ce vieux dadais à moitié responsable. Sur le plan psychologique, je crois que l’homme a pris de plein fouet la « révolution libérale » beaucoup plus que la femme, laquelle a pu se consoler avec les médailles en chocolat offertes par l’élévation de son statut social.
Le passage d’un capitalisme de la production et de la rareté, à un capitalisme de la consommation et du désir, lui a donné un rôle central qui l’a piégée à son corps défendant. En exacerbant la fonction de séductrice (il suffit de regarder les affiches sur les murs) qui lui avait été dévolue depuis des lustres, le processus, qui a balayé les valeurs collectives et publiques (« la fin des idéologies ») au profit de l’individualisme et des valeurs privées, est passé essentiellement par elle. Tout le monde n’y a vu que du feu, à commencer par les mouvements féministes.
La crise du capitalisme financier qui est en train de nous emporter, entrainera-t-elle un renversement de tendance, avec le retour en force d’un principe masculin vengeur (le fameux « backlash »). Cela est à craindre (je dis bien à craindre, Gentes Dames, j’ai l’air d’un vieux macho comme ça, mais en fait je suis votre meilleur ennemi). En tout cas, ce sera un enjeu essentiel dans les années qui viennent (bah ! on compte quand même sur elles pour se défendre).
Vous avez remarqué que, tout à coup, je suis devenu grave. C’était bien le but ! Quand j’étale ma mesquinerie personnelle, c’est toujours pour rebondir sur le général qui vous concerne tous.
J’ai bien conscience en effet d’être au cœur du tableau évoqué par Zigmund Bauman dans « vies perdues », pour caractériser notre monde : celui du bateau, avec ceux qui dirigent la manœuvre, ceux qui s’accrochent au bastingage et, partout à la traîne, ceux qui flottent en attendant la noyade. Pour l’instant, je suis encore bien arrimé sur les flancs de l’esquif, certes au prix d’un style de vie étrange, mais tout peut basculer, maladie, accident, la boîte qui coule etc. Comme la majorité d’entre vous si je ne m’abuse (même le Maître n’y échappe pas).
@ Etienne.
Superbe votre réponse. Dans le sens où vous avez synthétisé dans ces quelques lignes à la fois vos idées et ce qu’il y a de profond chez vous. Je trouve moi plutôt rigolo vos « élévations » en lettres capitales. J’ai l’impression, quand vous écrivez, que vous êtes comme sur votre aile : de temps en temps vous vous laissez aller à un appel d’air. En tout cas vous allez vite et très haut !
Je vous lis depuis des années (je vous ai entendu une fois à la radio, c’était pour « travaux publics » je crois), je connais vos idées et votre combat, ainsi que la solitude que vous semblez éprouver pour mener celui-ci, mais je ne vais cependant pas me prononcer sur vos idéaux. Ma démarche à moi (ou ce que je commence à entrevoir de ma démarche) n’est pas au même étage que la vôtre, elle n’a donc pas la même exigence. Sans être vous-mêmes croyant, vous êtes, je pense, UN CROYANT (moi aussi je m’y mets avec les capitales, en moins majestueux, c’est la descente de butte en VTT). Si Blaise (Pascal) revenait, il vous en voudrait à mort parce que vous avez transformé Dieu en principe politique, ce qui interdit tout saut, tout salut dans la foi.
Vous avez raison de le faire, parce que vous êtes taillé humainement et intellectuellement pour cela, et parce que l’on a besoin de gens comme vous pour garder le cap. D’autant plus qu’il y a aussi chez vous un humanisme, un respect de l’autre, qui vous interdira tout dérapage dans l’intolérance.
A côté de vous je suis un modeste, qui pousse son rocher au ras des champs. J’évite de regarder trop haut où trop loin, et mon souci premier est par contre de trouver des gens (Vous, Paul) qui sont plus capables de le faire, d’où ma présence ici. Je me débats dans la mouise ambiante en essayant de lui donner une couleur, un sens, à travers mes petits témoignages.
Maintenant, il est certain que pour assurer la transmission du haut de votre vigie avec la soute, vous aurez aussi besoin de gens comme moi…
@ Et alors (Jac.)
J’ai relu plus en détail votre billet et je comprends mieux ce que vous pourriez attendre de moi.
Il s’agit d’une approche totalement nouvelle à mon entendement et je me demande si je vous serai d’une grande utilité. Je me définis avant tout comme un producteur amateur d’histoires et de jugements sur le monde tel qu’il va (qui valent ce qu’ils valent) et l’analyse épistémologique (si j’en fais c’est comme Monsieur Jourdain) est un terrain inconnu pour moi. Et puis, je vous le répète, je suis un lent. Le temps me manque terriblement. J’essaierai de vous répondre avec plus de précisions et, en tout cas, n’hésitez pas à me contacter pour quelques questions que ce soient (by the way, je saisis mal sur ma boîte les septième et huitième numéros de votre téléphone perso –la jeunesse).
@ Benoit
C’est la première fois que je m’adresse à vous personnellement, bien que je vous ai toujours considéré, de par la nature de vos interrogations, et bien que nos existences soient aux antipodes au sens propre, comme l’un de ceux qui m’étaient le plus proche. Vous êtes comme moi un « aparteur » (Ô néologisme !), quelqu’un qui, à mon image, essaie d’apporter un peu de couleur, un peu de subjectivité (à propos, qu’est devenue Catherine ?) à la tonalité économique très pointue qui se fait entendre ici. En tout cas, je vous rejoins complètement sur les questions que vous vous posez. J’en éprouve d’ailleurs, comme je l’ai exprimé dans un billet précédents, moins de tristesse que d’inquiétude. Le savoir est un pouvoir et les passerelles avec ce pouvoir là manquent terriblement.
Un blog comme celui-ci est-il maintenant le moyen adéquat pour créer ce genre de passerelles ? Je ne crois pas non plus, il faut être juste. On pourrait imaginer d’autres formules mais Paul ne peut pas tout faire.
Vous avez raison cependant de souligner que sans lui nous « n’existerions » pas ici. C’est pourquoi, un moment découragé et tenté par l’exil hors ce royaume, j’ai finis par revenir. Vous c’est pareil, je pense ?
Avant de vous quitter provisoirement, l’heure tourne (le temps ! le temps ! le temps !) je vais vous faire un cadeau de fin d’année : les divers pseudos que j’ai utilisés ici avant de reprendre mon identité. Outre la rockeuse Linda Seredes (portugaise mettons !) vous avez vu défiler, sans vous en rendre compte, l’ignoble Sid Deerlanes (punk britannique avec ses grandes dents) et le très typé Driss El Redane (hommage à mes racines également nord-africaines). Ilda Ederness, l’écossaise, et Elisa Dradsen l’allemande sont en gestation (c’est drôle ces noms de filles pour un vieil affreux comme moi, il faudra que j’en parle à mon psy).
@ Oppossum :
J’ai juste le temps de vous dire que j’aime bien ce que vous faites, pour votre clarté, et parce que vous aussi (comme Leduc) qui avez l’air de connaître beaucoup de choses que je ne sais pas, savez en parler aux ânes. Continuez !
Grande Amitié à tous.
D.D.
» Timimoun «
Samedi 03 janvier 2009.
@ Daniel Dresse
… et à sa tribu de « nana-grammes », qui sont, comme personne ne l’ignore, des filles légères, chanceux va ! 😉 ,
l’essentiel est d’etre implacable en tant que chef de tribu…, hein ?! , ne te laisse pas déborder… 😉
Je souhaitais répondre à vos gentillesses un peu plus tôt, mais j’ai été pris de court par le sens festif et convivial inattendu de ma famille thaïe, ainsi que par une… souffrance dentaire tout à fait exceptionnelle, elle aussi (!), aah… souffrance et bonheurs mélés, foutue existence quand même !
Merci.
Ce que vous me dites là me touche sincèrement.
Comment cela arrive-t-il, sinon par la magie de l’écriture ?
Il est bon de savoir que, malgré le langage froid d’internet, il y a parfois des personnes qui vous lisent sur le blog qui sont sensibles, voire émues, interpellées par ce que vous y déposez de vous-même.
Il est vrai que nous nous lisions depuis un certain temps déjà avec intéret sans pour autant nous adresser l’un à l’autre.
Nous le dire nous fait du bien, le savoir nous encourage à continuer quand parfois le « à quoi bon ? » nous gagne.
Oui Daniel, qu’est devenue Catherine ?
Mes duels avec elle finissent par me manquer…
Soit elle est totalement investie sur sa commune, soit elle est malade la pauvre et je ne lui souhaite pas, soit elle est partie tenter sa chance sous les Tropiques…, malgré ce qu’elle m’en disait (mais je ne le crois pas, avec ses enfants lycéens…) , soit elle est…
… amoureuse ! 😉
Catherine, si tu nous entends, fais-nous signe… Les uns et les autres passent sur le blog, puis disparaissent et nous en éprouvons de la nostalgie. C’est indéniable.
Certes.
…Oui, tout juste !
Le « nous » (de « nous n’existerions pas ici »), c’est des zigotos comme nous ?
…Eh eh, bien joué !
Linda, Ilda et Elisa rejoignent mon intro. Elles sont votre harem intérieur…
Ouais je sais, d’habitude on dit « votre côté féminin », mais c’est si artificiel ! , (femme = tendre / homme = brute), les hommes devraient protester contre ça. Rêvons au lieu de classifier.
Moi j’aime beaucoup Driss El Redane, je trouve ce nom noble… J’imagine un guerrier touareg, guerrier, mais pourtant poète musicien troubadour. Un écrivain des Sables… Ilda Ederness est écossaise et se gèle les pieds dans son Château humide où la nuit tombe à 15 heures en hiver. Elle décide de partir vers le Sud. Ah, l’Afrique. Au 18 ème siècle, elle aurait vécu une histoire d’amour avec Driss El Redane…, le saviez-vous ? ,la rencontre a eu lieu dans une oasis de Timimoun. La femme des High Lands rencontre la chaleur, la peau brûlante comme le sable du Touareg, le non-dit, le mystère de l’Homme… La voute céleste propre au Sahara, aussi…
…C’est l’Arche de Noë, dites-moi votre tribu ! J’aimerais bien que vous trouviez votre anagramme thaï…
Ah, c’est difficile, n’est-ce pas ? Eh, il faut connaïtre un peu… beaucoup ?
Qu’à cela ne tienne, venez me rendre visite…
J’apprécie votre créativité. J’ai essayé d’en faire autant avec mon nom (benoit perrin), mais sans succès.
Soit je ne suis pas doué, soit mon nom s’y prête mal…
Bon courage à la vie, et à l’Hotel. Figurez-vous que dans ma jeunesse (à dix-huit/vingt ans, environ), j’ai été « chasseur » dans des hotels 4 étoiles de Paris et de la Côte d’Azur… Alors je vous imagine sans peine.
Je me souviens des larmes partagées avec les femmes de chambre à mon départ d’un Hotel de la Côte.
Il y avait des liens de solidarité, de complicité… Un attachement. Je n’ai jamais oublié.
Très amicalement.
Benoit, votre » aparteur. »
Merci Catherine de nous donner de vos nouvelles. Comme quoi… il suffisait de demander !
Je vous souhaite paix et poésie dans votre vie pour 2009.
…Avez-vous pensé à en écrire vous-même ? Vous avez une plume, et même une griffe… 😉
J’ai envie de vous en offrir une, moi, de poésie :
La partie 3 de » Mes voeux à Clémentine » (1 et 2 parlent des Fêtes et aussi touchent des choses plus graves que l’on n’a pas forcément envie de remuer, vous pouvez en faire l’économie Catherine, si vous voulez rester légère).
J’hésite à poster » Mes voeux à Clémentine. » J’ignore si Paul le considèrera hors sujet du Blog. Pour moi, sans conteste, il est dans le sujet, j’ai une conception large de la Crise qui nous préoccupe : pour moi, la question de la Violence héritée du passé est centrale : nous avons une « Culture de la Chair blessée »… et la chair, c’est tout ce qui touche au Vivant sur Terre…
J’ai peur de me sentir blessé si Paul juge cette contribution indésirable.
Bien amicalement, Catherine.
Benoit.
@ Benoit et Catherine.
Pardon ! Je n’avais pas vu que vous étiez de retour tous les deux, et j’allais éteindre l’ordinateur du bureau sans vous saluer. J’ai donc remis en place le clavier (« Qu’est-ce que que vous allez encore nous raconter comme conneries ? » me demande avec inquiétude, et dans un français judicieux, la jeune fille russe qui fait la veille le week-end. Elle a l’habitude de mes notes professionnelles bizarres).
Je suis donc très heureux de vous relire à nouveau. Mon Cher Pibon (Pibon Terrine, négociant en foie de canard, exilé en thaïlande pour échapper aux normes communes européennes sur les foies de canard. Spontanément, je n’ai que ça à vous offrir comme anagramme) votre scénario avec mes pseudos, c’est du Mérimée ! Quant à votre mystérieux touareg à la peau brûlante (mais qu’est-ce qu’elle a ma peau ?) si je raconte ça à mes copains marocains, je vais les faire crever. Eux ont plutôt tendance à me voir comme un chameau placide sur un vélo !
Merci également pour l’invite, mais je suis comme Catherine, les valises ne me font plus beaucoup rêver, vous savez. J’ai pas mal donné là-dedans quand j’étais plus jeune, en amérique du sud surtout, et, à part une ouverture certaine aux autres (ce qui n’est pas rien), je n’ai pas l’impression d’avoir appris grand chose durant cette période. Mais je ne veux surtout pas faire de mon cas très particuliers une généralité. Il ya des voyageurs magnifiques, j’en ai rencontré aussi quelques uns.
Catherine bonjour, enchanté de vous parler à nouveau. Je ne vous oublie donc pas non plus, mais le temps me manque pour penser à tout et à tous. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure à un autre « contacteur » (vous avez trouvé mon adresse, bravo, si je ne fais pas mystère de mon nom et du coin où j’habite, c’est aussi à cette fin) cette période est en fait la pire pour que j’intervienne ici, surtout à cause du boulot et à d’autres raisons sur lesquelles je ne vais pas revenir sous peine de lasser ceux qui peuvent nous lire. Je vous dis donc à bientôt et au plaisir de reparler de tout ça ou d’autre chose.
Je vais laisser la copine russe se reposer un peu (je dois tenir compte de ça aussi) et je vous souhaite une très bonne année à tous les deux.
DD.
@ Daniel et Catherine
@ oppossum, tigue, Monique, Candide, 2casa, Pierre-Yves, Etienne Chouard
@ Paul Jorion
et …@ tous ceux que ça interesse !
Le monde va mal.
Pour moi, la Violence héritée des siècles derniers est centrale : nous avons une » Culture de la Chair blessée « … et la Chair, c’est tout ce qui touche au vivant sur Terre, au sensible, ainsi qu’à « l’esprit » qui s’y trouve incarné, abrité, logé : l’humanimal bien sûr, et aussi le végétal, le minéral.
A mes yeux la Crise actuelle est une expression aboutie de cette violence.
Violence civilisationnelle éprouvée (plus ou moins suivant les cas) par chaque être humain, très tôt dans sa vie et reproduite ensuite a l’age adulte sous des formes diverses, sans conscience de son existence.
J’ai juste changé leurs prénoms mais Clémentine et Grégoire existent bien.
Clémentine est ma nièce de vingt-deux ans. Je lui ai adressé de Thailande un long e-mail pour le Nouvel An, en réponse à celui-ci. Elle vit à Paris. Ci-dessous, je vous en joins quelques passages, sélectionnés à votre intention.
Clémentine et moi sommes proches l’un de l’autre. Trente ans nous séparent, mais une même histoire nous relie. A 18 mois, elle a été confiée à une mère d’accueil parce que ses parents la maltraitaient. Moi, je n’ai pas eu cette chance (je veux dire : la « chance » d’être éloigné de mes parents par les Services Sociaux), je ne me suis enfui qu’à l’âge de 17 ans.
Aujourd’hui Clémentine a 22 ans. Elle travaille. Elle dit avoir trouvé (enfin) un garcon « bien » : Grégoire, que je n’ai pas encore eu la possibilité de rencontrer. Elle veut l’épouser.
Comment vous dire… ?
Elle et moi n’avons pas eu la langue dans notre poche, ça non ! 😉 Notre histoire fut un combat, commencé de façon précoce. Nous nous sommes bien battus. La dignité est un fruit de ce combat, pour le reste… nos familles sont restées sourdes, c’est banal.
Banal, oui.
…………………….
» Mes voeux à Clémentine… »
Partie 1 – Les pauvres de ce monde :
» Mes voeux à Clémentine… »
Partie 2 – Est-il possible d’aimer ?
AREVI : Action, Recherche et Echanges entre Victimes de l’Inceste.
46, rue de Montorgueil 75002 Paris.
http://inceste.arevi.org
» Mes voeux à Clémentine… »
Partie 3 – L’aube… (Fin)
Benoit.
Janvier 2009. Rives du Mékong, lointaine Thaïlande.
Le monde va mal.
Pour moi, la Violence héritée des siècles derniers est centrale : nous avons une ” Culture de la Chair blessée “…
… et la Chair, c’est tout ce qui touche au vivant sur Terre, au sensible, ainsi qu’à “l’esprit” qui s’y trouve incarné, abrité, logé : l’humanimal bien sûr, mais aussi le végétal, le minéral, …toute notre planète.
A mes yeux la Crise actuelle est une expression aboutie de cette violence.
Violence civilisationnelle éprouvée par chaque être humain, très tôt dans sa vie (plus ou moins suivant les personnes) et reproduite ensuite à l’age adulte sous des formes diverses, sans conscience de son existence, ou si peu ! Mais je ne « pense » (ressens) peut-être pas comme la majorité…
Que la Crise qui nous interpelle aujourd’hui ait son épicentre aux Etats-Unis ne m’a pas surpris.
Au contraire je l’y attendais précisemment-là, car ce pays est marqué plus que d’autres, et marqué « à la folie », par la douleur de la violence subie, niée et reproduite.
Cette Crise est une expression aboutie de cette violence à la fois niée (dans ses fondements privés : violences à l’enfance, violences à l’âme), vénérée (dans ses expressions publiques, sociales, policières, guerrières, politiques) et mise en scène (représentation culturelle idéalisée des corps qui combattent, avec une complaisance pour le meurtre et le sadisme).
L’indignation puritaine de l’Américain ne fait que perpétuer la violence :
Elle nie que la violence est toute entière déjà présente dans sa Culture Puritaine (ses phobies, ses haines – haine de la nature, du sauvage, haine du naturel, du spontané -, son éducation, ses mensonges, ses viols, ses secrets, sa répression) et déplace cette violence sur de nouveaux objets.
Elle renforce les refoulements des origines et de ce fait développe des violences « dérivatives », autorisées, tolérées, puis dissimulées, dans le champ social, économique, financier, international.
Explosif.
Nous devrions y réfléchir.
Dans la perception consciente des maltraitances-racines faites à l’enfance se trouve la source d’une guérison.
La guérison, c’est rendre possible (de l’intérieur de chacun) l’accès à une douceur, à un respect du fragile : le vivant. Ouvrir enfin le champ du possible à une douceur encore jamais expérimentée.
Explorer la crédibilité de cette possibilité, de ce potentiel, monopolise mes énergies depuis vingt ans. J’ai expérimenté sur moi-même cette possibilité de transformation (en France). Aujourd’hui je me confronte par l’expérience à une Culture qui enseigne la non-violence, à une vie sociale qui essaie de la pratiquer. Du concret : une femme, une famille, des enfants, des parents, etc.
Combattre frontalement le Mal, c’est le multiplier à l’infini. C’est ce que font les Américains en désignant un diable extérieur à eux-mêmes. Cette voix-là est sans issue. Elle finit d’ailleurs par mettre la planète elle-meme en péril.
Il y a urgence à rétablir le lien entre notre sensibilité et notre intelligence, entre nos réflexions et nos actes.
A cesser de juger, de hurler, de désigner.
Benoit.
Comme vous avez raison ! Voila un message tres spontané qui me fait bien plaisir, Catherine !!
Désolé…, et ravi 😉 ! , d’être la cause de votre retard au travail à l’hopital ( à distance…, et quelle distance hein !).
Si je vous ensoleille votre journée, vos patients en recevront probablement quelques rayons, n’est-ce pas ?
…L’effet « papillon » ?
Les Thaïs appellent les papillons des « pii-sua ». Je les vois autrement maintenant que je « sais »…
Car les Thaïs croient aux esprits : les « pii ». Enfin, croire… puisque nous vivons avec eux. Ils sont là, autour de nous.
Il convient de les honorer, de leur donner à manger, à boire chaque semaine, de leur offrir des fleurs. Si nous pensons à eux et les respectons, nous pouvons leur faire des demandes.
Devant notre maison nous avons une petite maison miniature pour abriter tous les esprits des êtres qui ont vécu ici… et qui y vivent encore…
Le « pii-sua », est un esprit qui vole dans un petit habit (« sua »). Le papillon thaï est en effet une petite étoffe d’esprit en vol !
« Un esprit en habit », « un esprit-en-tissu »… qui vous cligne dans les yeux.
Quand j’écris, je les vois. Ils sont grands et très colorés, passent de fleur en fleur. Nos chats leur courent après. Mais ils se rient d’eux…
Parler thaï, c’est devenir poète.
Percevoir l’invisible. Par les mots. Puis par…
Benoît, votre intervention me touche beaucoup. Benoît, je ne vais pas chercher dans les textes, mais je suppose que dans l’histoire de l’humanité, l’étape de votre cheminement où vous arrivez aujourd’hui, c’est à dire que la perception consciente des maltraitances-racines faites à l’enfance se trouve à la source d’une guérison, cette étape a déjà du avoir été franchie plusieurs fois.
Qu’est ce qui fait selon vous que l’humanité oublie et doive trop souvent recommencer son cheminement douloureux ?
Article de fond très intéressant, merci !