Argent et reconnaissance de dette : de faux jumeaux

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Plus je dis qu’on avance, plus certains se désespèrent. Je les soupçonne du coup de savoir où je veux en venir – ce qui leur donne un avantage certain sur moi parce que, comme je l’ai dit, j’ai le sentiment moi d’avancer dans la jungle à la machette. Que découvrirons-nous derrière le prochain bananier abattu ? Les sept cités de Cibola ? Un lac profond où vit le dernier plésiosaure ? (Oui je sais, j’ai trop lu Bob Morane dans mon jeune âge).

Quoi qu’il en soit, je crois aux définitions et aux démonstrations systématiques, à très petits pas. Et c’est pourquoi précisément, je vais faire un pas en arrière pour me retrouver avant même le premier crédit : tenter de clarifier simplement la question de celui qui ouvre un compte en banque et y dépose un peu d’argent.

L’argent que j’ai, ce sont les pièces que j’ai dans la poche et les billets dans mon portefeuille. Il y a aussi quelques pièces sur ma table de nuit. J’ai aussi de l’argent sur un compte-courant à la banque : je suis allé à la banque, j’ai sorti des billets de mon portefeuille et j’ai donné 100 € au guichetier. En échange il m’a tendu un récépissé, qui est une reconnaissance de dette : la banque reconnaît avoir reçu cet argent et qu’il demeure le mien, elle le tient à ma disposition, je peux venir le réclamer quand je veux. Je fais également déposer sur mon compte-courant le salaire mensuel que me verse mon employeur. Je lui ai donné le numéro de mon compte en banque, et il verse directement mon salaire sur ce compte : je ne reçois de lui ni billets ni pièces. Je peux aller réclamer l’argent qui est sur mon compte à un guichet de la banque ou le retirer à un distributeur de billets.

Est-ce que cette reconnaissance de dette de 100 € est la même chose que 100 € qui seraient dans mon portefeuille ? Non pas exactement : pour accéder aux 100 € dans mon portefeuille, il suffit de l’ouvrir, alors que pour accéder aux 100 € à la banque, je dois m’y rendre, ou tirer l’argent à partir d’un distributeur de billets, ou bien signer un chèque d’un montant de 100 € à l’intention d’une tierce personne, qui pourra alors accéder personnellement aux 100 € qui se trouvent sur mon compte. Mon accès à mes 100 € qui se trouvent sur mon compte-courant à la banque dépend aussi du fait que celle-ci les ait réellement conservés à ma disposition, ne les ait pas dépensés ou transférés à une tiers.

Dans la plupart des pays, les sommes déposées sur un compte-courant sont couvertes jusqu’à un certain montant par une assurance contractée par la banque où le dépôt a eu lieu. L’assurance porte par exemple sur toutes les sommes inférieures à 80.000 €. Il existe donc une différence significative pour le déposant que je suis entre la reconnaissance de dette d’une banque pour une somme inférieure ou supérieure à 80.000 € : seuls les premiers 80.000 € sur mon compte sont strictement équivalents à 80.000 € dans mon portefeuille – ou plutôt sous mon matelas pour une somme aussi élevée – toute somme qui dépasse ce montant dépend de la capacité de la banque où mon compte réside de me rendre mon argent à la demande, c’est–à–dire dépend de sa solvabilité (qu’elle possède cet argent ou puisse elle-même l’emprunter) ou de la liquidité de ses avoirs (des biens qu’elle devrait vendre pour trouver l’argent qu’elle doit me rendre).

Si je me trouvais loin de ma banque – disons dans le désert – et qu’il me faille faire un paiement de 120.000 € à l’aide d’un chèque, celui à l’intention de qui je rédige ce chèque pourrait très bien me tenir le raisonnement suivant : « Les premiers 80.000 € que vous me devez, vous pouvez me les régler à l’aide d’un chèque de 80.000 € puisque, soit ils sont effectivement sur votre compte, soit ils n’y sont pas parce que votre banque est insolvable mais l’assurance qu’elle a contractée me garantit qu’ils sont disponibles. Mais les 40.000 € restants ne sont pas garantis et reposent directement sur la solvabilité de votre banque. Je ne suis donc pas certain de les recevoir et je considère juste que pour me protéger, je vous facture 5.000 € couvrant le risque que je prends en acceptant un chèque plutôt que de l’argent liquide, à savoir des billets et des pièces. Je vous prierais dès lors de me libeller un chèque pour un montant de 125.000 € ».

Bien entendu, les 40.000 € qui sont le montant par lequel la somme due dépasse des 80.000 € qui sont eux entièrement garantis, soit il les recevra de ma banque, soit il ne les recevra pas. S’il les reçoit, c’est que ma banque était solvable : il aura reçu l’ensemble des 120.000 €, les 80.000 garantis comme les 40.000 qui ne l’étaient pas et m’aura pénalisé injustement de 5.000 €. S’il ne les reçoit pas, il sera de sa poche de 40.000 € et n’aura reçu que 80.000 € pour les 120.000 € que je lui dois [correction]. Les 5.000 €, la « prime de risque » qu’il aura exigée, ne représenteront qu’un huitième (12,5%) de la somme pour laquelle il s’assure : 40.000 €. Mais son calcul aura été d’ordre statistique : il aura estimé qu’une banque sur huit se révélera insolvable dans un contexte comme celui-ci et que, bon an mal an, sur huit transactions de ce genre, il s’y retrouvera.

De mon point de vue, les choses seront différentes : j’aurai pu constater que tout l’argent que j’ai à la banque n’a pas la même valeur : 80.000 € valent 80.000 € alors que toute somme sur mon compte courant au-delà de 80.000 € vaut moins que la somme que j’ai déposée sur mon compte. J’aurai fait une constatation très importante pour la suite : que la richesse dont je dispose en tant qu’argent, c’est–à–dire sous la forme de pièces et de billets vaut bien la somme des nombres écrits sur ces pièces et ces billets, mais que la richesse dont je dispose sous la forme de reconnaissance de dette peut valoir moins que le montant mentionné sur cette reconnaissance de dette.

Définitions (j’y tiens !) : l’argent est donc un vecteur calibré de richesse ; la reconnaissance de dette est une trace calibrée de richesse. Par « calibré », j’entends qui mentionne une quantité précise, fixée. La différence, comme nous venons de le voir, est que la relation d’un individu à sa richesse est immédiate dans le cas de l’argent, et médiatisée dans le cas de la reconnaissance de dette. Cette médiatisation introduit un risque dit, dans le jargon financier « de contrepartie », le risque de non-retour de mon argent.

On peut introduire la notion de marché secondaire pour dénoter un marché où des reconnaissance de dette sont échangées. S’il existe un quelconque risque de contrepartie, le prix d’une reconnaissance de dette sur un marché secondaire sera moindre que celui de sa calibration : on dira, encore une fois en jargon financier, que ce prix est escompté. Les agences de notation définissent le montant de l’escompte pour les établissements qui délivrent des reconnaissance de dette : elles leur assignent une notation qui estime le risque de crédit qu’ils constituent pour toute contrepartie. Comme l’a révélé une actualité récente, elles peuvent se tromper.

Conclusion provisoire : quand les choses vont bien, ce n’est pas une mauvaise approximation de considérer que l’argent et la reconnaissance de dette c’est chou vert et vert chou : tout ça, c’est de la monnaie, quand les choses vont mal, ce serait une erreur funeste.

Comme le disait un pauvre monsieur dont je lisais hier les tribulations dans le Wall Street Journal : « Madoff m’a fait perdre 1,2 million de dollars : les 800.000 que je lui ai donnés, et les 400.000 qu’il disait m’avoir fait gagner ! » On vit une époque formidable !

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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62 réponses à “Argent et reconnaissance de dette : de faux jumeaux”

  1. Avatar de nadine
    nadine

    @Etienne
    Merci pour votre texte, je vous réponds plus tard.
    Bonne fête à vous

  2. Avatar de nadine
    nadine

    @ Etienne.

    Souvenez- vous de la question que je vous ai posé:
    «Si les banques font de la création monétaire en faisant du crédit comme vous le pensez, comment se fait il que pour résoudre le problème de la bulle du crédit certaines autorités financieres (americaines) préconisent en dernier recours la monetisation de la dette en faisant tourner “la planche à billet”? C’est donc que les banques ont créé de la dette et non pas de la monnaie sinon pourquoi monétiser ?»

    Vous m’avez répondu sans me répondre:
    « Effectivement, l’expression “monétiser la dette” me paraît étrange (est-ce bien traduit ? Qui parle, en disant cela ?) »

    Une simple remarque, ne pas connaître cette expression et laisser sous entendre que je suis inculte…vous devriez changer vos lectures orientées, car c’est une expression que même les débutants connaissent et qui est très importante dans notre débat.
    Dans cette exemple je pense avoir démontré par les faits et non par le raisonnement, de façon très simple (c’était le but) que toutes vos croyances sur la monnaie sont fausses ou alors démontrez moi par A+B le contraire sans me ressortir sans arrêt des citations de tel ou tel auteur. Ce que je voudrais ce sont des faits ou vos raisonnements personnels, je me fiche de ce que pense tel ou tel auteur, même prix Nobel . Ce n’est pas parce que tout le monde dit la même chose que je dois admettre que ce qui est dit est vrai.

    La difficultée et je le sens bien, c’est que de nombreux « experts » écrivent des livres qui nous expliquent que les banques créent la monnaie. Je reconnais que c’est un fait que je ne m’explique pas car jusqu’à preuve du contraire, pour moi, ils ont tort. Tout les faits de la crise actuelle sont contre eux, d’ailleurs ils ont été incapable de la prévoir.

    Pour finir si vous pensez que le débat régresse parce qu’il ne va pas dans votre sens c’est votre problème, moi au contraire je trouve qu’il avance très vite depuis peu.
    Alors vous me dites: »IL FAUT MIEUX ÉTAYER VOS PROPOS … »

    Commencez à appliquer ce conseil à vous même en m’expliquant sérieusement pourquoi le fait de monétiser la dette n’est pas pour vous la preuve que l’argent ce n’est pas de la dette.
    J’attends avec impatience votre réponse .

    Amicalement

  3. Avatar de TL

    Paul, je voudrais réagir au début : « je vais faire un pas en arrière pour me retrouver avant même le premier crédit ».

    D’accord, mais vous supposez qu’il y a déjà de l’argent en circulation. Or aujourd’hui la monnaie est émise à 99% par crédit. D’où vient le reste ? Des dépenses du Roi, aujourd’hui dépenses de la Banque Centrale.
    Par exemple, lorsque la BC paie les salaires de ses employés ou acquiert de nouveaux bâtiments, elle injecte dans l’économie sous forme de dépenses (et non de prêt). De l’argent préalablement créé par elle.

    Donc si vous supposez que le premier crédit n’a pas eu lieu, mais que de l’argent est en circulation, c’est donc que cet argent est arrivé par le canal de la dépense.

  4. Avatar de Paul Jorion

    @ TL

    Je pars du fait que j’ai des pièces dans ma poche et des billets dans mon portefeuille.
    Et, comme disent les Anglais : « Un fait est plus fort qu’un Lord-Maire ! »

    Sans doute, le fait que je possède cet argent implique que quelqu’un d’autre l’ai dépensé mais ceci n’invalide pas le bien-fondé de la distinction argent – crédit.

  5. Avatar de Tigue
    Tigue

    La confrontation entre Etienne et Nadine, est typique des effets toxiques de la logique bivalente appliquée a autre chose que les mathématiques élémentaires.
    Se disputer de cette façon, est commer essayer d’ identifier les details de la corde qui suspend le disque terrestre a l’ époque de Galillee.
    Non, il n’ y a rien de trivial.
    Oui, il faut de l’ imagination pour faire le saut entre les indices perceptibles de l’ objet et l’ objet lui même (ou ce que nous en percevons).
    Si j écris « la Vache » au tableau, je sais que ces lettres associées ne sont qu’ une représentation a laquelle je ne crois pas.
    Je ne vais pas me disputer pour savoir si ces signes associés sont ou ne sont pas « la Vache ». Pourtant, une personne qui n’ aurait jamais vu de Vache, et qui aurait grandit enfermé (cave après séisme ou autre) avec un tel enseignement, penserait que ces lettres associees sont « la Vache ». Il faudrait convenir que dans le point de vue de cet observateur, la vache existe ainsi, mais que dans mon point de vue, elle existe autrement. Cet observateur serait très anxieux si je lui disais que  » la Vache » n’ existe pas.
    Mais y a t il une réalité extérieure indépendante de moi ? Ce qui existe derrière cette représentation, existe t il independament de moi, égal a lui même ?
    La physique quantique nous amene a nous poser la question de l’ influence de l’ observateur sur ce qu’ il observe.

    Il faut imaginer que les modeles plus ou moins sophistiqués pour décrire l’ objet « monnaie », sont peut être aussi éloignés de ce qu’est la monnaie, que ces marques écrites sur le tableau pour représenter la vache.
    Il ne faut pas être anxieux, il faut se demander en quoi le modèle que nous préconisons est plus fonctionnel qu’ un autre pour décrire ce que nous observons.
    Enfin, il ne faut jamais « croire » (logique aristotelicienne du tiers exclu), ce modèle, destiné a être retravaillé.

    Pou moi, tout indique que la monnaie est un objet ayant au moins : une fonction de reserve et une fonction d’ echange.
    Des representations de cet objet existent dans l’ espace macrophysique, d’ autres représentations de cet objet existent, au moins sous forme d’ informations, c est a dire d’ états microphysiques dans les mémoires d’ ordinateurs.
    La monnaie se manifeste lors des echanges de biens ou de services, elle disparaît en même temps que l’ arrêt de ces echanges ( déflation).La monnaie peut exister et circuler d’ une réserve bancaire a une autre, sans echange sous jacent.
    Les différentes formes (macro et micro) de la monnaie, possèdent les deux fonctions isolées précédemment : reserve et echange.
    Ces formes (macro ou microphysique) ont des performances différentes pour remplir chaque fonction isolée.
    Dans la forme macro, le sous ensemble : « argent liquide » est le plus performant pour la réalisation immédiate de l’ echange, même si il semble peu performant pour la fonction réserve (d’évaluations, weimar).

    Voilà ce que je croîs savoir de cet objet, et je ne vois pas, au vu de ce que chacun en sait, de raison de s’ exciter.

    Donc, joyeux Noel a tous, avec une pensée amicale et fraternelle pour tous les enfants malheureux dans leurs cavernes.

  6. Avatar de nadine
    nadine

    @Tigue

    Une précision, il n’y a aucune dispute avec Etienne et moi, juste un débat un peu passionné, rien de plus. Etienne est quelqu’un que j’apprecie car il a des convictions qu’il essaie de défendre du mieux qu’il peut .

    Pour finir, je ne vois pas ce que vient faire la mécanique quantique la dedans, on est largement au dessus de la constante de Planck !

  7. Avatar de tigue
    tigue

    @Nadine,
    Bon , ben tout baigne alors, tout il est bien a sa place et les castors, lapins, coyotes, ou cochons sont bien gardés.
    Je sens qu ‘on va très vite avancer et resoudre tous les mystères de l’ univers, qu ‘on pourra les mettre dans les petites cases toutes pretes, et si elles veulent pas entrer dedans, ben y aura qu’ a insister jusqu’ à ce que ça rentre !

    Chère Nadine, y a t il quelqu’ un ou quelque chose dans l’ univers qui puisse vous faire douter ?
    Vous avez bien cru au Père Noel j’ espère !

  8. Avatar de TL

    @ Paul

    Certes, un fait est plus fort qu’un Lord-Maire, mais comme vous le reconnaissez ce fait a des implications.

    La suite de votre billet, notamment le passage dans le désert, est lumineux, et mérite à mon avis d’être repris à l’avenir dans les manuels d’économie monétaire. Lorsque je ferai le mien, je vous garantis une mention.

    Mais revenons-en au propos initial : si vous avez de l’argent (ce qui est donc un fait) c’est que cet argent a été légalement créé et acheminé jusqu’à vous (et initialement, j’insiste, cela signifie qu’il a été créé par dépense et non prêt de la Banque Centrale, si l’ont tient à se situer avant le premier crédit), soit que cet argent est issu du fait-monnayage (fût-il le vôtre).

    Et je voudrais, un peu abruptement, arriver à ma conclusion qui est finalement un parallèle à l’idée de faux-jumeaux : monnaie secondaire (émise par les banques commerciales) et monnaie centrale (émise par l’institut d’émission officiel) sont parfaitement substituables quand tout va bien, mais leur gémellité cesse en temps de crise, et finalement…

    N’EST MONNAIE QUE CE QUE LA BANQUE CENTRALE ACCEPTE DE REFINANCER, EN PLUS DE CE QU’ELLE A DEJA EMIS.

  9. Avatar de Étienne Chouard

    Chère Nadine,

    Je m’en veux toujours après m’être impatienté (ça ne donne jamais de bons résultats), pardonnez-moi si mon ton est parfois indélicat.
    ______________________________

    Mais j’enrage d’être ici bloqué sur un point que je trouve secondaire, alors que nous avons tant à débattre sur un autre point, cardinal lui : quelle est la LÉGITIMITÉ des banques à créer la monnaie– ou appelez ça autrement que « monnaie » si ça vous chante, mais avançons, s’il vous plaît.

    Le fait d’avoir abandonné l’exclusivité de la création de ‘moyens de paiements nouveaux’ (je n’ose plus dire ‘monnaie’ pour éviter les sables mouvants de l’ergotage oiseux) aux banques commerciales, au prix d’un intérêt ruineux pour la collectivité (et au prix d’un manque à gagner considérable pour la puissance publique) est-il légitime ou pas ?

    Légitime POLITIQUEMENT : la création monétaire n’est-elle pas un droit régalien (collectif et sous contrôle public par nécessité) ?

    Et légitime ÉCONOMIQUEMENT : les décisions 1) d’abandonner le revenu public des intérêts sur la création monétaire et 2) d’imposer, en plus, à l’État le paiement d’intérêts non nécessaires, ces décisions prises sans débat public rendent-elles la machine économique collectivement plus efficace (ou arrangent-elles seulement les intérêts de quelques privilégiés) ?

    Voilà les débats que nous n’arrivons pas à aborder ici à cause du faux débat sur le mot ‘monnaie’.

    ‘Faux débat’ car toutes les considérations métaphysiques sur les fondements et implications de l’objet conceptuel ‘monnaie’ ne changent pas grand-chose (il me semble) aux perspectives du débat POLITIQUE sur l’acteur BANQUE qui, lui, me semble être particulièrement nécessaire, décisif et urgent pour fabriquer un monde commun plus juste.

    __________________

    Sur les FAITS qui corroborent (spectaculairement) la thèse de LA MONNAIE-CRÉDIT :

    Je vous ai expliqué OÙ se matérialisent les monnaies (toutes les monnaies) : au BILAN DES BANQUES (banque centrale ET banques commerciales), côté PASSIF, avec les DETTES.

    J’ai expliqué comment les TITRES en papier sont devenus des CHIFFRES sur des comptes, invariablement fondés sur la CONFIANCE que leur portent tous les acteurs.

    LA PRÉSENCE DE LA MONNAIE (instrument de paiement pour tous les échanges) AU PASSIF DES BANQUES, CECI EST UN FAIT.

    Sur le terrain des faits, la balle est donc dans votre camp 🙂

    On pourrait même dire que la monnaie n’est nulle part ailleurs que dans le bilan des banques : le bout de papier qu’est le billet de banque n’est qu’UNE DES FORMES possibles de la dette transmissible (dont les hommes ont besoin pour échanger facilement) : le billet de banque qui vous inspire tant confiance n’est pourtant NULLEMENT LA SEULE FORME POSSIBLE ; le croire est une illusion d’enfant, il me semble.

    ______________________

    Sur l’expression « MONÉTISER LA DETTE », j’ai dit poliment : « je trouve ça étrange » pour ne pas dire brutalement : « c’est soit une bêtise soit une escroquerie ».

    Vous prenez cette marque de civilité pour une marque d’ignorance, mais je n’ai pas peur de l’ignorance, pas plus que de l’erreur : j’essaie simplement de les faire reculer en moi, mais je connais ma faiblesse chronique, très humaine. Sans me faire d’illusions, donc : c’est Alphonse Allais qui disait, je crois, en substance : « Inutile de paniquer, personne ne survivra »…

    Et j’ai répondu ensuite (mais vous n’avez peut-être pas lu jusqu’au bout) en suggérant que L’EXPRESSION « MONÉTISER LA DETTE » N’EST COHÉRENTE QU’EN JOUANT SUR LES MOTS (et précisément en jouant sur la croyance que vous partagez) et en faisant COMME SI la monnaie de la Banque centrale était la seule ‘monnaie’ qui vaille.

    Sinon, à mon sens, cette expression est incohérente.

    Donc, si l’expression « monétiser la dette » est bien un jeu de mots utile (une escroquerie, donc) pour masquer la responsabilité écrasante des faux-monnayeurs qui financent depuis des décennies la spéculation effrénée qui nous a évidemment menés à l’actuelle catastrophe (en faisant comme si la ‘monnaie-dette-privée’ n’était pas aussi utile et dangereuse que la ‘monnaie-dette-publique’), alors oui, cette expression n’apporte nullement la preuve que les banques commerciales ne créent pas de monnaie.

    Nullement.

    Et il me semble que ce n’est pas une fausse réponse.
    C’est une vraie réponse et là aussi, c’est à vous de jouer 🙂

    _______________________________

    Sur votre liberté de penser librement :

    Je suis le premier à m’insurger contre l’obligation de penser comme tout le monde (je m’assume comme iconoclaste si besoin est) et je revendique comme vous le droit individuel inaliénable de résister à la pensée dominante, sur le seul fondement de ma raison : c’est ce concept essentiel d’ISEGORIA que j’ai repéré comme fondamental, auquel les Athéniens tenaient plus que tout il y a déjà 2 500 ans, considérant le droit de parole égal pour tous – la vie sauve à TOUTES les pensées dissidentes – comme la meilleure protection de la démocratie (la vraie, pas le triste simulacre contemporain).

    Comme je vous comprends, donc, et comme je me sens proche de vous de ce point de vue !

    Pourtant, il n’est pas inutile de lire et faire connaître les meilleures pensées passées : elles nous font souvent gagner un temps précieux et distinguant les vrais problèmes des faux, et souvent de belle manière car nos aïeux écrivaient souvent fort bien.

    Et si je prends la peine de reproduire (ici et chez moi) de grandes pensées, ce n’est donc pas pour user d’un quelconque argument d’autorité (je déteste ces arguments-là), mais pour apporter au débat une argumentation complète, cohérente, démonstrative en soi, avec des faits intéressants, des chiffres utiles ou des idées bien articulées.

    Et le fait que certains hommes aient passé LEUR VIE SUR UN SUJET me pousse à lire leur synthèse avec la plus grande attention (je me garderais bien de rejeter leurs conclusions du revers de la main). Ainsi cet Helmut Creutz qui se creuse la tête, comme nous mais DEPUIS VINGT ANS, sur la monnaie : je prends son argument très au sérieux et je le lis avec plaisir, même si je trouve quelques belles erreurs (à mon avis) par-ci par-là.

    Ainsi Keynes, qu’il est important (et agréable) de lire parce que cet homme, dont la culture était immense, et pas seulement en économie, ne perdait pas la boussole et gardait en tête le cap essentiel, celui du bonheur à assurer au plus grand nombre : je vous conseille la lecture de la « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie », souvent beaucoup plus accessible qu’on ne le dit, et dont l’intérêt pour notre débat sur la monnaie est immense.

    Il y est question, justement, de la monnaie-crédit, celle dont vous contestez l’existence même.

    Voyez l’introduction passionnante du traducteur, Jean de Largentaye, en 1968.

    Vous lirez à la fin de cette note que le traducteur de la Théorie générale souligne que, pour Keynes lui-même (ça vaut le coup de s’y pencher un peu, non ?), « la clef du plein emploi se trouve dans l’abandon de cette institution empirique, injuste et inefficace qu’est la monnaie de crédit ».

    Malgré le fait que cette information soit à la fin de la note, j’en reproduis l’intégralité car toute les considérations sur l’importance D’UNE DEMANDE SOUTENUE – donc des salaires réels, donc de la masse monétaire effectivement ‘dépensable’ – dans la prospérité générale me paraissent d’une actualité brulante et d’une importance décisive. Je pense qu’il est plus urgent de relire Keynes que de croire sur parole la kyrielle ses commentateurs. La conclusion de la Théorie générale est d’ailleurs une perle dont je vous reparlerai sans doute.

    Je vous prépare aussi, chère Nadine – en réponse à votre remarque sur l’hyper inflation absolument certaine, d’après vous, à la moindre utilisation de la ‘planche à billets’ par la puissance publique –, un autre document tout à fait passionnant, de Jean-Marcel Jeanneney cette fois, dont les arguments se conjuguent parfaitement avec ceux de Keynes pour une monnaie libérée de la contrainte de la dette (au moins de temps en temps).

    (Je tarde parce que la préparation de tous ces textes prend un temps fou, pardon.)

    Théorie générale de Keynes, Payot 1988,
    Deuxième note du traducteur (1968) :
    [C’est moi qui souligne. ÉC.]

    « Le 21 avril 1946, John Maynard Keynes succombait à une défaillance de son cœur depuis longtemps affaibli. Une grande lumière s’éteignait, qui n’est pas encore remplacée. La Théorie Générale, son dernier ouvrage de doctrine et en quelque sorte son testament économique, est avant tout une théorie de l’emploi. C’est ce qui lui confère son importance. Le plein emploi en effet, c’est-à-dire l’absence de tout loisir forcé, n’est pas seulement le critère de la bonne marche d’une économie. Il est encore et surtout la base d’un statut satisfaisant de la main-d’œuvre, et par suite la condition, dans une société libre, de l’équilibre politique et social.

    Le chômage effectif et même la simple menace de chômage sont pour les travailleurs une cause d’aliénation et de démoralisation. Lorsque la main-d’œuvre risque de manquer d’emploi, elle ne peut être pleinement indépendante de ses employeurs. Elle se trouve handicapée dans les négociations de salaires et de ce fait il est rare que le travail soit rétribué aux taux qui correspondent à sa productivité. Les secours pécuniaires peuvent aider matériellement le chômeur, mais ils ne sauraient apaiser le sentiment qu’il éprouve de son inutilité sociale.

    C’est parce qu’elle offrait une solution plausible à l’angoissant problème du chômage que la Théorie Générale fut accueillie avec tant d’intérêt en 1936. La solution paraissait même si simple et le plein emploi si accessible que plusieurs gouvernements n’ont pas craint de l’inscrire parmi les droits constitutionnels de leurs ressortissants. De nos jours l’influence heureuse de la Théorie Générale sur les niveaux d’emploi n’est guère contestée, encore qu’à partir de 1938 elle ait été masquée par l’effet des dépenses militaires et des guerres. Si les pays industriels n’ont pas connu de chômage comparable à celui qui a sévi pendant les années 1930, c’est à la Théorie Générale qu’on le doit. Il s’en faut pourtant que le mal soit conjuré. Le chômage chronique a réapparu dans ces pays. L’éventualité qu’il s’aggrave n’est pas exclue. Elle est fréquemment évoquée, en particulier, par les autorités monétaires, ce qui indique qu’à leurs yeux les niveaux actuels de l’emploi sont eux-mêmes précaires. Ces niveaux, au demeurant, ne sont maintenus qu’au prix d’interventions de la Puissance Publique plus extensives que Keynes ne le laissait prévoir. La Théorie Générale n’a donc réalisé qu’en partie les espoirs qu’elle avait suscités. Ses succès et ses échecs s’expliquent par certains de ses aspects généraux ou particuliers, sur lesquels il paraît nécessaire d’appeler l’attention du lecteur.

    L’innovation majeure de la Théorie Générale est d’avoir mis en lumière l’égalité des montants globaux de l’investissement d’une part et de l’épargne d’autre part. Cette égalité existe quelle que soit la période considérée et quel que soit le système monétaire employé. Dans une économie fermée elle résulte de l’identité de ces deux grandeurs globales. Dans une économie ouverte elle existe aussi, à condition de considérer comme un investissement l’accroissement net des créances sur l’extérieur. Du point de vue de l’individu, certes, l’investissement et l’épargne sont des faits indépendants et leurs montants n’ont pas de raison de coïncider. Mais dans l’ensemble d’une communauté ces montants ne peuvent pas différer. Par son importance théorique et pratique, l’égalité des montants globaux de l’épargne et de l’investissement mériterait, semble-t-il, d’être appelée la loi de Keynes. Il en résulte par exemple que le freinage de la consommation ne peut de lui-même accroître le montant global de l’épargne.

    En ce qui concerne le comportement du salaire réel, la Théorie Générale a été moins novatrice. Trompé par les statistiques, Keynes a jugé nécessaire d’emprunter à la doctrine orthodoxe la thèse que ledit salaire réel varie en sens inverse de l’emploi ; qu’il diminue, par exemple, quand l’emploi augmente. Cette thèse orthodoxe du salaire réel est subordonnée à deux conditions, qui dans la réalité sont loin d’être satisfaites. L’une est le premier postulat orthodoxe, qui veut que le salaire réel soit égal, en valeur, à la production marginale de l’unité de travail. L’autre est la loi des rendements décroissants, aux termes de laquelle ladite production marginale diminue, en volume, quand l’emploi augmente.

    Les entreprises ne peuvent pas payer aux travailleurs des salaires supérieurs au prix(1) de leur production marginale, car l’emploi des moins productifs serait alors pour elles une cause de pertes. Il importe, certes, de ne jamais l’oublier. Mais il n’est pas moins vrai que, en sens inverse, elles peuvent leur payer des salaires inférieurs, et même largement inférieurs, au prix de ladite production marginale quand la concurrence ne les oblige pas à abaisser celui-ci jusqu’au niveau du coût. Elles cherchent alors à fixer ce prix au niveau qui rend le profit maximum, niveau supérieur au coût et séparé de lui par une marge appréciable ; La marge entre le prix de la production marginale de la main-d’œuvre d’une part et le salaire d’autre part est l’essence de la plus-value de Marx. Elle est la source principale de l’autofinancement, qui suffit aujourd’hui aux États-Unis à alimenter les dépenses d’investissement des entreprises. Rien n’autorise à penser qu’elle soit négligeable. Le premier postulat orthodoxe suppose un degré de » « concurrence entre les entreprises qui n’existe qu’exceptionnellement dans le monde réel. Et l’on peut s’étonner, en vérité que la Théorie générale ayant pour prémisse que la concurrence est imparfaite entre les salariés, ait ignoré qu’elle l’est aussi entre les entreprises.

    Le salaire réel n’est donc pas déterminé, comme le voudrait le premier postulat, par le rendement marginal de la main-d’œuvre, c’est-à-dire par un facteur objectif échappant au contrôle direct tant des entreprises que des salariés. Il est principalement déterminé par l’action globale des entreprises. Seuls, en effet, les salaires nominaux sont fixés par voie de négociation entre celles-ci et les salariés. Et s’il est vrai que dans lesdites négociations les salariés, grâce au droit de coalition, sont plus forts qu’autrefois, leurs pouvoirs n’en restent pas moins limités et partiellement illusoires, puisque en l’absence d’indexation des salaires, ils ne s’étendent pas au coût de la vie, c’est-à-dire au second élément du salaire réel. Ce sont les entreprises seules qui, conjointement, déterminent le coût de la vie en fixant le prix des produits, quand elles peuvent le faire librement. Pour combattre l’érosion du salaire réel les salariés n’ont pas d’autre moyen que d’abréger la durée des accords de salaires, de manière qu’ils soient fréquemment remis en discussion. Il se produit alors une interaction des prix et des salaires, à laquelle on donne parfois le nom de course ou spirale. Ces observations, précisons-le, ne visent que le salaire réel moyen ; chaque groupe de salariés peut en effet améliorer son salaire réel aux dépens des autres groupes s’il obtient une hausse de son salaire nominal qui est répercutée sur les prix.

    Quant à la loi des rendements décroissants, elle paraît souvent en défaut. De nombreuses entreprises estiment en effet que, si leur échelle de production était accrue, le rendement marginal des travailleurs y serait plus grand. Une telle situation, qui s’explique par la complexité croissante des techniques, incite les producteurs à se grouper pour réduire les coûts. En affaiblissant ainsi la concurrence entre les entreprises, elle tend à renforcer leur contrôle sur le salaire réel. Cette situation indique d’autre part qu’on se trouve plus loin du plein emploi de l’équipement que ne le prévoyait Keynes. Lorsque en effet l’équipement existant est complètement utilisé le rendement des travailleurs ne peut être que décroissant. Aussi longtemps qu’il continue de croître quand leur emploi progresse, on peut être sûr que l’utilisation de l’équipement n’est pas tout près de sa limite supérieure.

    La thèse orthodoxe du salaire réel n’est pas un élément essentiel ni même nécessaire de la Théorie. Générale. Elle peut en être distraite sans aucun inconvénient. Son élimination renforce même les conclusions pratiques de la Théorie Générale, comme le faisait observer Keynes trois ans après la publication de celle-ci (cf. Economic Journal, mars 1939). En fait cependant l’inclusion de ladite thèse orthodoxe dans la Théorie Générale a permis d’invoquer l’autorité de cette dernière en faveur d’opinions directement contraires à son enseignement essentiel. C’est ainsi qu’en 1963 Per Jacobsson, Directeur du Fonds Monétaire International, s’est appuyé sur un passage de la Théorie Générale pour soutenir qu’un progrès sensible de l’emploi exigeait que les salaires nominaux restent stables ou tout au moins ne montent pas aussi vite que les prix. Puisque tout progrès dans l’emploi de la main-d’œuvre est lié à un déclin du volume de sa production marginale et puisque ledit volume ne peut baisser au-dessous du coût en valeur réelle, il fallait, pensait-il, pour que l’emploi pût progresser, que ce coût fût réduit, c’est-à-dire que le salaire réel diminuât (cf. Walter Lippmann – Washington Post, 14 mars 1963). Ceci, simple expression de la thèse orthodoxe, suppose d’abord qu’il n’y a pas d’écart entre le prix et le coût marginal, c’est-à-dire pas de profit sur la tranche marginale de la production, et ensuite que les rendements décroissent quand l’emploi progresse, double hypothèse qui, nous l’avons dit, est rarement vérifiée.

    En vérité, le niveau de l’emploi est moins gouverné par le coût que par la demande. Telle est la leçon qui se dégage de la Théorie Générale et aussi, croyons-nous, des faits. Si le salaire réel baisse, il faut s’attendre que dans l’ensemble de la communauté la propension à consommer fléchisse, entraînant dans son déclin la demande globale mesurée en unités de salaire et par conséquent l’emploi. La propension globale à consommer s’affaiblit en effet quand la part relative des travailleurs dans le revenu global diminue, si l’on peut admettre que leur propension à épargner est moindre que celle du reste de la communauté.

    Suivant une autre opinion communément professée, quand les techniques progressent, le salaire réel ne saurait augmenter plus vite que la productivité sans qu’il en résulte un déclin de l’emploi. Cette opinion repose sur la même base théorique que la précédente. Si le salaire réel augmente plus que la productivité, dit-on, le coût réel de la production marginale croît et il faut que l’emploi décline pour que ce coût accru n’excède pas en valeur réelle le volume de la production marginale ; ce qui suppose de nouveau qu’il n’y a pas de profit marginal ni de rendement croissant. En réalité, à seule fin d’empêcher que l’emploi fléchisse quand les techniques progressent, il faut que les salaires réels augmentent plus vite que la productivité, et d’autant plus vite que les progrès de celle-ci sont plus rapides. Sinon, en effet la propension globale à consommer faiblit du fait que le revenu réel global croît (en unités de production) sous l’action des progrès techniques. Par suite la demande globale exprimée en unités de salaire fléchit elle aussi, de même que l’emploi qui en est solidaire ; sauf dans la mesure où certains progrès techniques stimulent l’investissement, mesure qui devrait être faible, on va le voir, en l’absence d’une consommation adéquate. Pour que, dans une ère de progrès technique, l’emploi non seulement ne décline pas mais augmente, un double renforcement de la propension à consommer est donc nécessaire, l’un pour l’empêcher de baisser et l’autre pour le faire monter. Ces renforcements peuvent être attendus, nous l’avons dit, d’une péréquation des revenus, pour autant qu’il existe des inégalités marquées entre les degrés respectifs de propension à l’épargne dans les différents secteurs de la communauté.

    Une autre particularité de la Théorie Générale, l’importance du rôle qu’y joue l’investissement, a pu inciter à croire que celui-ci constitue le remède spécifique au chômage involontaire. Dans une étude consacrée aux variations de l’emploi, et surtout aux variations qu’il subit dans la courte période où l’équipement change peu, il était normal d’insister sur le plus capricieux des deux facteurs qui le gouvernent. Mais l’analyse de courte période ne doit pas être confondue avec la thérapeutique de longue période. Le remède spécifique au chômage, c’est, à n’en pas douter, l’accroissement de la consommation, laquelle est la fin de l’activité économique, et non l’augmentation de l’investissement, qui n’en est que le moyen. La Théorie Générale le dit sans équivoque, notamment dans le chapitre 22 – section IV. N’est-ce pas d’ailleurs en temps de guerre qu’il est le moins question de sous-emploi, aux époques précisément où la consommation est accrue par les besoins militaires jusqu’aux limites physiques des ressources disponibles ? La Théorie Générale indique aussi que le moyen le plus naturel d’accroître la consommation est de laisser progresser les revenus les plus faibles.

    Dans certaines circonstances, il est vrai, si la propension à consommer s’avère inélastique et le désir d’épargne irréductible, on peut juger opportun de stimuler l’investissement pour satisfaire ce désir, de manière qu’il ne bloque pas le progrès de l’emploi. Mais ce n’est là qu’un expédient dispendieux ; l’investissement ne peut connaître un essor naturel et fructueux qu’en réponse aux besoins d’une consommation adéquate. Le gaspillage des ressources productives est manifeste quand on produit de nouveaux investissements identiques à ceux dont on dispose alors que ceux-ci sont en partie inemployés. Ce genre de gaspillage n’est pas rare dans les secteurs oligopolistiques, où la concurrence ne s’oppose pas à la rémunération des investissements nouveaux aussi longtemps qu’il existe un excès d’investissements anciens. Une forme moins apparente de gaspillage tend à se produire aux époques de rapides progrès techniques, parce que les entreprises sont particulièrement tentées de remplacer leurs outillages existants par d’autres plus modernes et qu’elles risquent alors, plus qu’en d’autres temps, de le faire prématurément.

    Que les entreprises et les autorités se montrent peu empressées d’accéder au plein emploi par le relèvement de la consommation, il n’y a pas lieu de s’en étonner, étant donné leur souci de préserver les ressources productives pour d’éventuels besoins des investissements ou des services publics. Il est surprenant en revanche que les travailleurs ne s’opposent pas davantage au freinage de la consommation quand celui-ci contribue à perpétuer le sous-emploi. Leur résignation au chômage chronique signifie sans doute qu’ils ne sont pas convaincus de la possibilité pratique d’y mettre fin. Comment expliquer ce scepticisme ? Faut-il incriminer les hypothèses de base de la Théorie Générale ? Assurément non, elles sont strictement conformes à la réalité présente. Serait-ce alors qu’il existe dans cette Théorie une contradiction interne qui l’empêche de conduire au but du plein emploi ? On aimerait pouvoir aussi répondre à cette question par la négative. C’est ce que nous n’hésitions pas à faire en 1939. Aujourd’hui l’expérience et l’analyse commandent, on va le voir, d’y donner une réponse affirmative.

    La Théorie Générale est accessoirement la théorie de la monnaie ; non pas d’une monnaie quelconque, mais bien de LA MONNAIE DE CRÉDIT, qui est en usage dans presque tous les pays. La théorie de l’emploi et celle de la monnaie ne sont que deux faces d’une même analyse, laquelle explique en particulier comment en augmentant la quantité de monnaie on peut faire baisser l’intérêt, et comment, par ce moyen, on peut accroître d’abord l’investissement, en second lieu la demande globale, et en définitive l’emploi. Dans cette analyse, la quantité de monnaie est une des variables indépendantes, et du point de vue pratique la plus importante de toutes puisqu’elle est commandée directement par les autorités. Il est clair que la Théorie Générale n’est applicable qu’à la monnaie de crédit. Elle n’aurait guère de sens si la monnaie était entièrement gagée par de l’or ou par des marchandises autres que précieuses ; le plein emploi étant irréalisable dans le premier cas et obligatoire dans le second (2).

    En réalité la monnaie de crédit ne se gouverne pas aussi simplement qu’il est dit ci-dessus. Pour que l’intérêt baisse et qu’il en résulte un progrès de l’emploi, il faut que la LIQUIDITÉ s’accroisse en valeur réelle, c’est-à-dire QUE LA QUANTITÉ DE MONNAIE AUGMENTE EN UNITÉS DE SALAIRE. Et il faut d’autre part qu’elle croisse plus vite que le désir de liquidité.

    Or l’unité de salaire devient instable quand l’emploi s’élève et elle monte d’autant plus vite que l’emploi est plus haut. La Théorie Générale insiste sur ce fait notamment dans son chapitre 21 ; nous y reviendrons. Il n’est donc pas toujours possible d’accroître le montant en unités de salaire de la quantité de monnaie, et il peut en conséquence exister une limite à l’efficacité de l’expansion monétaire en tant que levier de l’emploi, dès lors que l’unité de salaire est susceptible d’augmenter autant ou même plus que la quantité de monnaie. Lorsqu’il en est ainsi, la hausse des salaires et des prix dégradant le pouvoir d’achat de la monnaie, celle-ci n’inspire pas confiance et sa rareté effective freine l’investissement. L’expansion monétaire est alors incapable de faire baisser l’intérêt réel et progresser l’emploi. Dans ce cas le rôle du désir de liquidité peut être négligé ; la thésaurisation étant inexistante, ce désir ne répond qu’à la nécessité de régler les transactions et il se stabilise à un minimum.

    Si la confiance dans le monnaie doit être préservée, il faut donc que l’expansion monétaire reste modérée, car au-delà d’un certain rythme elle cause une hausse rapide de l’unité de salaire et des prix, appelée fuite devant la monnaie, qui fait monter l’intérêt réel et décliner l’emploi comme nous venons de le dire. Mais en sens inverse, si l’expansion monétaire est insuffisante et si, de ce fait, l’unité de salaire croît trop lentement ou surtout décroît, le désir de liquidité se renforce d’une façon cumulative et sa croissance empêche ladite expansion monétaire de faire baisser l’intérêt. Quand l’épargne se détourne des obligations, comme de tout autre placement non liquide, il est clair que l’intérêt monte en valeur nominale, et plus encore en valeur réelle si les prix baissent, de sorte que l’emploi ne peut que décliner.

    Entre ces deux extrêmes, dans la zone médiane où le désir de liquidité n’est ni trop faible ni trop fort, il existe un certain rythme de hausse de l’unité de salaire qui rend l’intérêt réel minimum et auquel par conséquent l’emploi culmine. Les monnaies de crédit peuvent être gouvernées de manière que la hausse effective de l’unité de salaire ne s’écarte pas beaucoup de ce rythme optimum, et de nos jours les autorités paraissent en fait se conformer bon gré mal gré à une règle de ce genre. Cependant les niveaux auxquels l’emploi culmine restent au-dessous des maximas désirés par les travailleurs. C’est donc que les limites à l’efficacité de l’expansion monétaire sont effectives dans la voie du plein emploi et que la Théorie Générale ne fournit aucun moyen de les franchir. [Là, j’ai envie de discuter 😉 ÉC]

    Pourquoi l’unité de salaire devient-elle instable aux hauts niveaux de l’emploi ? C’est avant tout parce qu’elle est arbitraire, en ce sens qu’elle peut varier d’une façon quelconque quand elle est exprimée en une monnaie de crédit, dont la valeur est elle-même arbitraire. Un étalon marchandises a un coût physique en unités de travail et l’inverse de ce coût détermine l’unité de salaire en cet étalon. Il a aussi une valeur d’usage, fondée sur l’utilité des biens physiques qui le composent. La monnaie de crédit échappe à ces contraintes objectives. Elle n’a pas de coût appréciable, ni de valeur d’usage, mais seulement une valeur d’échange et de spéculation, qu’il est permis de qualifier arbitraire.

    Dès lors que l’unité de salaire varie d’une façon quelconque, aux hauts niveaux de l’emploi ladite unité ne peut que monter, en raison des fluctuations inéluctables de la demande globale. Ceci résulte du simple fait qu’il existe une limite au progrès de l’emploi, que celle-ci soit imposée par la fatigue, la loi ou les syndicats, ou par les options individuelles, tandis que dans nos régimes monétaires il n’existe pas de limite à la hausse de l’unité de salaire.

    La Théorie Générale montre que les fluctuations de la demande globale agissent à la fois sur l’emploi d’une part et de l’autre sur les salaires et les prix. Aux bas niveaux de l’emploi, leur action s’exerce fortement sur l’emploi et faiblement sur les salaires et les prix. Aux hauts niveaux de l’emploi il en va de même dans le sens de la baisse de la demande globale. Mais non dans le sens de la hausse. Quand l’emploi devient inélastique au voisinage de son maximum, la hausse de la demande globale ne saurait l’accroître, et son action ne peut dès lors s’exercer que sur les salaires et les prix. Du fait des réactions asymétriques de l’unité de salaire aux va-et-vient de la demande globale il est inévitable que les mouvements de cette unité soient tous ascendants, comme il est nécessaire qu’une roue à cliquets tourne toujours dans le même sens.

    Pourquoi, demandera-t-on, les prix ne sont-ils pas stabilisés même aux hauts niveaux de l’emploi par DES RÉSERVES DE BIENS RÉELS ? La réponse est fournie par Keynes dans le Treatise on Money. DU FAIT DE LEUR STRUCTURE MONÉTAIRE, NOS ÉCONOMIES ONT HORREUR DES STOCKS. En l’absence d’un volant régulateur de marchandises, les prix ne peuvent donc y être stabilisés que par un volant de travailleurs et d’équipement inemployés, c’est-à-dire parles fluctuations d’un niveau insuffisant de l’emploi.

    Dans les dernières années de sa vie Keynes pressentait qu’il ne serait pas possible de concilier le plein emploi avec la stabilité des prix. Vingt ans plus tard les dirigeants politiques semblent le découvrira leur tour. M. Callaghan, Chancelier de l’Échiquier, et M. Pompidou ont fait des déclarations en ce sens, respectivement en novembre 1967 et en janvier 1968. Dès l’année 1951, un des disciples les plus illustres de Keynes, Abba Lerner, estimait dans son livre Economics of Employment que la moyenne des salaires devrait être stabilisée par une action syndicale bu gouvernementale pour que le plein emploi pût être atteint. C’est de la même idée que s’inspire la Politique dite des Revenus, qui tend à soumettre les salaires au contrôle des autorités, ainsi que les profits, les rentes et les autres revenus. Cette Politique, en paralysant le mécanisme des prix, nous paraît propre à causer plus de pertes du côté du rendement que de gains du côté de l’emploi. C’est un paradoxe, à nos yeux révélateur, que la Théorie Générale, dont tant de pages attestent le profond attachement de Keynes à l’individualisme et aux libertés, ait conduit à des méthodes aussi attentatoires à ces principes. Ladite Théorie, il est vrai, contient également des anathèmes répétés contre le « laissez faire ». En bonne logique ces anathèmes auraient dû être dirigés contre la monnaie de crédit ; mais ils ne pouvaient l’être, de toute évidence, dans une théorie fondée sur l’usage d’une telle monnaie.

    L’on trouve pourtant dans la Théorie Générale une vérité qui nous paraît être le principe de toute science monétaire. Elle n’y figure pas sous la plume de Keynes, mais sous celle d’un historien orthodoxe, Heckscher, qui est cité dans ces termes : « La fuite devant les biens réels est, dans une économie monétaire, l’attitude la plus normale de l’homme naturel » (p. 346). L’évasion hors des biens réels (il vaudrait mieux dire hors des biens déterminés), puisqu’elle est impossible en régime de troc, est en effet spécifique des économies monétaires. Mais elle n’est dangereuse pour l’emploi que si elle mène à l’impasse d’un métal précieux ou aux abstractions de la monnaie de crédit. Elle aurait peu de conséquence si elle conduisait à une monnaie elle-même constituée de biens réels, susceptibles d’être produits et consommés. Dans ce cas, la monnaie serait un investissement en stocks liquides en même temps qu’un moyen d’épargne.

    L’égalité de l’épargne et de l’investissement serait maintenue dans l’ensemble de la communauté sans requérir les fluctuations du revenu global et de l’emploi, qui en sont le facteur nécessaire quand la monnaie est fiduciaire. En d’autres termes, la fuite devant les biens réels n’est génératrice de chômage que lorsque l’expansion monétaire est impropre à fournir assez d’emploi, soit parce qu’elle est limitée par des causes physiques, comme dans le cas de la monnaie or, soit parce qu’elle risque de faire monter excessivement les salaires et les prix comme c’est le cas, nous l’avons vu, de la monnaie de crédit.

    La clef du plein emploi ne doit donc pas être cherchée dans l’expansion monétaire, ni dans la Politique des Revenus, ni dans les autres expédients déduits de la Théorie Générale. Elle se trouve, à notre avis, dans l’abandon de cette institution empirique, injuste et inefficace qu’est la monnaie de crédit et son remplacement par une monnaie rationnelle, adaptée à ses fonctions économiques et sociales. Puisse l’ouvrage de Keynes aider à le comprendre. »

    Avril 1968.
    Jean de Largentaye.

    ___________
    Notes :

    (1) Le mot prix signifie bien entendu prix de vente. Nous n’employons jamais l’expression prix de revient, mais seulement celle de coût.

    (2) Cf. Économie appliquée, tome XX, juillet-septembre 1967, pp. 265-318.

    Source : John Maynard Keynes, « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie », Payot, 1988, pages 20 à 29 : deuxième note du traducteur (1968), Jean de Largentaye.

    Bien amicalement.

    Étienne.

  10. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    J’avais fait cette réponse juste après avoir lu le message de:
    TL dit :
    25 décembre 2008 à 18:18

    et avant la connaissance de la réponse intervenue après de:
    Étienne Chouard dit :
    25 décembre 2008 à 21:07 dont le remarque centrale est:
    «  »Voilà les débats que nous n’arrivons pas à aborder ici à cause du faux débat sur le mot ‘monnaie’. » »

    Voici:

    Paul Jorion dit:
    25 décembre 2008 à 05:51

    @ TL
    «  »Je pars du fait que j’ai des pièces dans ma poche et des billets dans mon portefeuille.
    Et, comme disent les Anglais : « Un fait est plus fort qu’un Lord-Maire ! »
    Sans doute, le fait que je possède cet argent implique que quelqu’un d’autre l’ai dépensé mais ceci n’invalide pas le bien-fondé de la distinction argent – crédit. » »

    Nous ne partons jamais de 0. Je crois qu’il faut se rentrer ça dans la tête et se le rappeler sans cesse. Ensuite, bien comprendre que l’argent fiduciaire est le dépositaire historique et continuateur du fait que, justement, nous ne partons de 0.

    C’est l’argent fiduciaire qui est le point de repère central et visible dans le traitement de l’argent. Donc, toutes les « excroissances » justifiées ou non qui s’en suivent avec les crédits et les dettes (et tutti quanti) ont quelque part un référence – obligatoire – dans l’argent fiduciaire effectif, qui, lui, quelque soit sa « genèse », le mode de la « légalité » qui l’a fait naître: – est- le point de repère visible indiscutable. À partir de l’argent fiduciaire: « on est sensé pouvoir discuter ».

    Mais:

    nadine dit :
    25 décembre 2008 à 02:49
    @ Etienne.
    Souvenez- vous de la question que je vous ai posé:
    «Si les banques font de la création monétaire en faisant du crédit comme vous le pensez, comment se fait il que pour résoudre le problème de la bulle du crédit certaines autorités financieres (americaines) préconisent en dernier recours la monetisation de la dette en faisant tourner “la planche à billet”? C’est donc que les banques ont créé de la dette et non pas de la monnaie sinon pourquoi monétiser ?»

    Nadine, vous nous entraînez en plein dans le – marigot – sans que nous ayons, que je sache, des indications ou des références à peu près claires sur les sources et les origines de ce «  »marigot, ce qu’Étienne ne cesse de faire en ce qui le concerne. Vous répondez ceci et rétorquez cela, mais de références, point. Étienne demande ces références, pourquoi ne pas les fournir? Ou alors dites sans bavures, ni gêne, ce que vous cherchez à démontrer au lieu de jouer au chat et à la souris au risque de vous retrouver souris.

    Nadine, vous feriez en sorte d’apparaître « enfermée » dans une « bulle » dont vous sembleriez entretenir le « mythe », et que vous seule (?) vous en détiendriez les « clés », façon de passer au crible les « connaissances » non « fondées »(?!) d’autrui, ici d’Étienne, ça pourrait être de moi, ou d’autres. Je ne sais pas si je suis bien (du verbe suivre), à la trace, ce que vous cherchez à débusquer devant des faits bancaires répétés et surdocumentés en particulier par Étienne sur cette question centrale et capitale de la monnaie.

    Car enfin, il est possible, par exemple, que certains aient eu connaissance de ce préalable judiciaire qui confirme que l’argent prêté n’a pas d’existence légale à la base.

    Ce qui suit est la transcription du sous-titrage, apparemment un peu rudimentaire, en fançais d’un commentaire parlé en anglais. Tout angophone peut vérifier à la source en anglais, et je peux, bien sûr, donner la source.

    Début du commentaire:
    En 1969, aux États-Unis, à la Cour du Minesota, Jérôme Daly récusait la saisie de sa maison par la banque qu’il lui avait fait le prêt pour l’acheter. Son argument était que le contrat d’hypothèque exigeait que les deux parties, lui
    et la banque, aient chacun établi une forme légitime de propriété pour l’échange. Dans le jargon légal cela s’appelle: contrepartie (base d’un contrat: un contrat est fondé sur l’échange d’une forme de contrapartie pour une autre). Jérôme Daly explique que cet argent n’était pas en réalité la propriété de la banque. Car il était créé à partir de rien au moment de la signature d’accord du prêt. Et vous vous rappelez ce que déclare Modern Money Mecanic? (c’est
    le livret d’explications fondamentales de la FED sur les mécanismes bancaires de création de l’argent à propos des prêts). Ce qu’ils font (les banquiers) lorsqu’ils accordent un prêt, c’est accepter des obligations en échange de fonds. Les réserves sont inchangées par la transaction d’un prêt. Mais déposer des fonds constitue un ajout au total des dépôts du système bancaire. En d’autres termes, l’argent ne vient pas de leurs actifs éxistants, la banque ne met rien du tout en jeu, elle l’invente simplement, hormis ses obligations théoriques sur le papier. Alors que le jugement du litige progressait, M. Morgan, le président de la banque, admit qu’avec la participation de la FED il a créé de l’argent et des avoirs sur ses livres comptables. L’argent et les avoirs ont vu le jour lorsqu’ils ont été créés (par la banque). M. Morgan admit qu’il n’éxistait aucune loi aux États-Unis lui permettant de réaliser ceci. Une contrepartie légitime doit exister et être remise pour entretenir l’obligation. Le jury ne trouva pas de contrepartie légitime et approuva. Il ajouta aussi, poétiquement, que « seul Dieu peut créer quelque chose de valeur à partir de rien ». Et, sur cette révélation, la Cour rejetta la demande de saisie de la part de la banque et Daly garda sa maison.
    Fin du commentaire.

    Les implications de cette Cour sont immenses. Car à chaque fois que vous empruntez de l’argent à une banque, que ce soit pour une hypothèque ou une facture par carte de crédit, l’argent que l’on vous donne n’est pas seulement contrefait, il est illégitime comme forme de contrepartie. Et par conséquent, annule le contrat de remboursement car la banque n’a jamais été en posession de cet argent. Malheureusement, de telle jurisprudence sont supprimées et ignorées. Et le jeu perpétuel du transfert de biens et de la dette continue donc perpétuellement.

    L’histoire documentée du dollar mène à la compréhension de l’arnaque la plus ingénieuse jamais réalisée pour garder les populations en esclavage par le contrôle monétaire, sans jamais employer ce mot: esclavage.

  11. Avatar de fab
    fab

    @ Etienne Chouard,

    WOUAHH ! Je démêle encore un ou deux neurones et je suis à vous…
    Ca y est ! Et dire que c’était juste la deuxième note (ou un extrait ?) du traducteur !

    Vous posez la question de la légitimité politique et économique du « fait d’avoir abandonné l’exclusivité de la création de ‘moyens de paiements nouveaux’ (je n’ose plus dire ‘monnaie’ pour éviter les sables mouvants de l’ergotage oiseux) aux banques commerciales, au prix d’un intérêt ruineux pour la collectivité (et au prix d’un manque à gagner considérable pour la puissance publique) », et vous posez ensuite la question « …ou arrangent-elles seulement les intérêts de quelques privilégiés) ? ».

    Pourriez-vous préciser votre opinion, à savoir, pensez-vous que les « légitimités » politique et économique ont été accaparées par quelques privilégiés.
    Et si oui, pouvez préciser qui ils sont, s’ils poursuivent un but et, éventuellement, lequel.

    Quant à la théorie générale que vous citez, comment dire…les mots me manquent ! Je ne sais pas par quel bout la prendre ! Alors j’essaierai de répondre à une des questions :
    « Serait-ce alors qu’il existe dans cette Théorie une contradiction interne qui l’empêche de conduire au but du plein emploi ? »
    Et voici quelques éléments de réponse :
    « Il [le plein emploi] est encore et surtout la base d’un statut satisfaisant de la main-d’œuvre »
    « Les entreprises ne peuvent pas payer aux travailleurs des salaires supérieurs au prix de leur production marginale »
    « De nombreuses entreprises estiment en effet que, si leur échelle de production était accrue, le rendement marginal des travailleurs y serait plus grand. »

    Vous la voyez apparaître la contradiction interne : on appelle ça un être humain !

    En tous cas, de façon certaine, sa théorie s’est imposée bien au-delà de l’économie : faire accepter un nouveau « but » pour l’humanité ! Personnellement, et attention, ne vous méprenez pas, je ne dis pas que c’est mieux, mais je suis resté à l’ancienne « mode » et donc je me permets de vous souhaiter un joyeux Noël.

  12. Avatar de Étienne Chouard

    Chers amis,

    Est-ce que nous ne sommes pas PRESQUE D’ACCORD ?

    ____________

    • Paul, Nadine et quelques uns parmi nous disent : « les banques commerciales ne créent pas de monnaie : elles ne PEUVENT PAS le faire puisque LA SEULE MONNAIE qui mérite ce nom est celle émise par la banque centrale, par définition ».

    Sous-entendu : le contraire SERAIT un véritable SCANDALE 😉

    • D’autres parmi nous disent : « aujourd’hui, c’est un fait, les banques commerciales ont le droit (mais pas la légitimité) de CRÉER À PARTIR DE RIEN (mais quand même pas sans limite) des SIGNES PORTEURS DE POUVOIR D’ACHAT, tout aussi efficaces dans l’échange que les signes de la Banque centrale, bien que TEMPORAIRES, et tout aussi dangereux pour l’économie quand ils sont en surnombre, et également très dangereux quand ils favorisent une pénurie des signes permanents.

    Les banques commerciales ont obtenu ce droit de nos députés (il suffit de lire leurs bilans), mais ça nous coûte les yeux de la tête et C’EST un véritable SCANDALE 😉

    _____________

    Finalement, il y a un groupe qui dit « ce SERAIT (au conditionnel) un scandale que d’autres organes que la Banque centrale aient le droit d’émettre de la MONNAIE », alors que l’autre groupe dit que « C’EST un scandale » (à l’indicatif).

    Est-ce que nos points de vue sont si radicalement opposés ?…

    🙂

    Bonne nuit à tous.

    Étienne.

  13. Avatar de Étienne Chouard

    @ Fab :

    Vous me demandez [et je réponds – rapidement, ça changera 😉 – dans le texte] :

    « Pensez-vous que les « légitimités » politique et économique ont été accaparées par quelques privilégiés. [Je le pense, assurément.]

    Et si oui, pouvez préciser qui ils sont [À l’évidence, ceux qui en profitent, c’est-à-dire les propriétaires des banques au premier chef, mais sans doute aussi quelques autres. Aidez-moi à trouver.], s’ils poursuivent un but [Votre propre sagacité ne vous le suggère-t-elle pas secrètement ?] et, éventuellement, lequel ?[Faut-il donc vous faire un dessin de l’évidence ? La cupidité et le goût du pouvoir sont-ils des mobiles insuffisants à vos yeux, ou peut-être trop exceptionnels parmi les hommes pour être envisagés raisonnablement ? 😉 ]

    Quant à vos remarques sur la Théorie générale, je ne suis pas sûr de les avoir bien comprises, mais j’ai l’impression, bizarrement, que vous n’avez retenu que ce qui clochait ou pouvait prêter le flanc à la critique, et au contraire pas un mot de ce qui pouvait nous servir à progresser. De toute façon, chacun s’en sort comme il peut pour comprendre le réel.

    Je vous souhaite joyeux noël pareillement, cela va sans dire.

    Étienne.

  14. Avatar de fab
    fab

    @Etienne Chouard,

    « De toute façon, chacun s’en sort comme il peut pour comprendre le réel » dites-vous. C’est bien de cela dont je parlais : le réel ! Fut un temps le réel c’était l’Eglise catholique ! Et maintenant on voudrait me faire croire que c’est l’Economie, l’Economie de marché, le Keynésianisme ou je ne sais quoi d’autre…C’était là sous mes yeux, mais ce n’est qu’en lisant la traduction de Keynes que ça m’est apparu ! Non je ne suis pas de la main d’œuvre, non ils n’arriveront pas à m’en convaincre, non ce n’est pas une fatalité ! NON je ne suis pas sur terre pour répondre aux exigences d’une entreprise ou d’une économie ! Non je ne puis non plus l’accepter pour mes semblables !

    Par contre je ne juge pas de l’avantage de cette religion sur une autre ! Certains en ont besoin pour vivre, à d’autres elle apporte simplement un réconfort, d’autres en sont esclaves…et elle a bien sûr ses historiens, ses analystes…Rien que du classique en fait de religion ! Mais non, malgré la place prise par cette nouvelle religion, vous n’arriverez pas à me faire croire que c’est ça la vie !

    Et c’est en considérant l’économie sous cet angle, à savoir, en étant un peu abrupt, comme un nouveau moyen de gestion de la population, que je me suis permis de vous interroger sur les « responsables » ou plus exactement sur « ceux qui tirent les ficelles ». Vous conviendrez que si l’on observe notre monde sous cet angle, les propriétaires des banques, que vous citiez, peuvent être « simplement » considérés comme des idoles, des modèles de réussite dans l’obéissance à la religion.

    Et, dans votre précédent message à Nadine vous écriviez : « Je m’en veux toujours après m’être impatienté (ça ne donne jamais de bons résultats), pardonnez-moi si mon ton est parfois indélicat. ». Attention de ne pas retomber dans les mêmes travers ! Par exemple, si je m’emportais, je pourrais vous retourner la question que vous me posiez : Faut-il donc vous faire un dessin de l’évidence ?

    A chacun son réel. A chacun son évidence.

  15. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    fab dit :
    26 décembre 2008 à 09:51

    «  »Mais non, malgré la place prise par cette nouvelle religion, vous n’arriverez pas à me faire croire que c’est ça la vie ! » »
    Mais justement, ce n’est pas ça la vie. Tandis que l’on peut affirmer sans risque que faire un objet de religion avec ce qui n’est qu’un sytème de dominance d’hommes sur d’autres hommes est une retombée ou un avatar dégradé(entropie) de l’ « esprit humain » tant et tant de fois répandu dans les sociétés humaines et leurs histoires. J’ajouterais au passage, et là je prends des « risques » sur ce blog, il en est ainsi depuis la chute escatologique. Car faire une religion à travers un « objet » créé et dépendant de contingences pour la survie du système soutenant le dit « objet », déifié pour la circonstance, ne mène qu’aux pires tribulations historiques et d’actualité qu’on connaît bien trop hélas. Le système financier ne peut faire exception malgré les ruses des habiles bateleurs commerciaux au service d’une politique qui nous en ont forcé la « vente », et même veulent nous le faire avaler de force. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans les systèmes mafieux où les « dominés » sont bien obligés de payer leur rançon pour mal survivre physiquement, et ce, jusqu’à l’exemple à la grande échelle de l’humanité payant les intérêts composés au « génie » destructeur d’une telle organisation du système financier.

    À chacun son réel, c’est certain. À chacun son évidence, ce n’est pas du tout certain.
    Car nos déterminismes biologiques et socio-culturels nous courrent après (généralement sans que nous nous en aperçevions, du moins dans un premier temps) dès qu’on parle, par exemple, de liberté de conscience…Surtout quand il s’agit, dans la plupart des cas, de liberté de conscience « auto-proclamée ». à ce moment là, ce sont les autres qui en prennent plein la figure. Pas besoin de faire un dessin. Dit en très raccourci, ce n’est pas pour rien que nous achoppons tant sur ce sujet de l’argent et des dettes.

  16. Avatar de fab
    fab

    @ Rumbo,

    Effectivement, à vous lire, ça n’a pas l’air…évident. « Aucun problème ne pourra être résolu avec la façon de penser qui l’a généré. » Albert Einstein. Je reste donc à votre entière disposition pour expliciter cette évidence.

  17. Avatar de oppossum
    oppossum

    @ E. Chouart

    Bien que nouveau dans ces débats, je me demande ce qui vous pousse à crier avec tant de véhémence !

    1) ce que vous dites est un peu contradictoire : si comme vous le dites (à fab) la cupidité et el désir de pouvoir sont de puissants moteurs de l’activité humaine, je préfère alors DES banques , qui au moins sont en oppositions entre elles et de ce fait seront moins virulentes dans leurs intentions, à UNE SEULE banque , qui serait totalement entre les mains de l’Etat (Organisme qui veut mon bien, certes, mais qui est capable de me flatter dans mes pires faiblesses en régime démocratique ou de me priver de ma liberté en régime autoritaire , dans le but affiché de me servcir , et celui non avoué de conserver à la même caste , son pouvoir).

    Mieux encore : DES banques et UNE super Banque Indépendante : un vieux reflexe sur la séparation des pouvoirs de républicain ayant les pieds chez Montesqieu (Et bien sûr une règle du jeu et une mission claire … pouvant etre révisées démocratiquement).

    Ce système nous coûte ? Aucun système n’est parfait et la préservation de la Liberté acquise n’a pas de prix.

    De toute façon l’important ce n’est pas l’instance qui introduit le signe monétaire qui, comme toute instance , est corruptible, mais la règle du jeu, la façon d’introduire et de détruire ces signes monétaires afin que personne , ni personne physique, ni groupe de pression, ni etats , ne puisse en tirer un avantage en terme de richesse et de pouvoir .

    Tout le reste n’est qu’indignation : et même fondée, l’indignation doit rester prudente si elle ne veut pas être naive et vaine.

  18. Avatar de Daniel Dresse
    Daniel Dresse

    @ Etienne Chouard

    Je vous trouve génial, comme d’habitude, mais tout de même un peu jésuite sur les bords.

    Vous posez d’emblée la question : « EST-CE QUE NOUS NE SOMMES PAS PRESQUE D’ACCORD ? » et ensuite vous énumérez les deux termes du désaccord résiduel supposé :

    Termes 1 : « les banques commerciales ne créent pas de monnaie : elles ne PEUVENT PAS le faire puisque LA SEULE MONNAIE qui mérite ce nom est celle émise par la banque centrale, par définition ».

    Termes 2 : «aujourd’hui, c’est un fait, les banques commerciales ont le droit (mais pas la légitimité) de CRÉER À PARTIR DE RIEN (mais quand même pas sans limite) des SIGNES PORTEURS DE POUVOIR D’ACHAT, tout aussi efficaces dans l’échange que les signes de la Banque centrale, bien que TEMPORAIRES, et tout aussi dangereux pour l’économie quand ils sont en surnombre, et également très dangereux quand ils favorisent une pénurie des signes permanents ».
    Je constate que vous ne parlez pas de la même chose, puisque dans le premier cas vous évoquez d’une part « la seule monnaie qui mérite ce nom » (la monnaie donc) et d’autre part « des signes de pouvoir d’achat » (émis par les banques commerciales).
    La question que vous auriez du poser comme base de votre raisonnement était donc celle-ci :
    « Etes-vous d’accord que les signes porteurs de pouvoir d’achat créé par les banques commerciales peuvent être aussi efficaces ou aussi dangereux pour l’économie que la monnaie créée par la banque centrale ? » une question laquelle, par analogie, pourrait tout à fait être la suivante : « Etes-vous d’accord qu’un pistolet à grenailles trafiqué par un quidam peut être aussi efficace ou dangereux qu’un pistolet de même calibre fabriqué par une manufacture en règle ».
    A cette question, comme à son ombre analogique, il est possible de répondre « oui » sans nuance, à savoir être sans hésitation d’accord à la fois avec Nadine (« un Taurus 38 peut te tuer ») et avec Etienne (« la pétoire bricolée de calibre 38 peut te tuer »).
    C’est la où le jésuite fait son apparition en troquant discrètement sa soutane contre une tenue de parapentiste (on a rien vu Etienne) et en introduisant un troisième larron, LE SCANDALE. Vous dites alors dans un premier temps : « La monnaie (banque centrale) pourrait être un scandale (ex banque centrale) » puis, dans un deuxième temps : « les signes porteurs de pouvoir d’achat (banques commerciales) sont un scandale ».
    Et vous bouclez au final votre syllogisme : « ce qui pourrait ne pas être de la banque centrale et ce qui est des banques commerciales sont un scandale : DONC CE SONT LA MEME CHOSE ».
    Fort bien ! Et Nous dans tout ça ? C’est facile Etienne.
    Si vous restez cramponné à votre syllogisme (sans doute par l’intransigeance intellectuelle que j’admire et réprouve tout autant chez vous) vous, Nadine, Moi et des tas d’autres resteront sur nos rochers respectifs à arracher les ailes des mouches en nous souriant de loin en loin.
    Si vous admettez que l’on peut être à la fois pour Nadine ET pour Etienne, vous n’avez plus qu’à former vos bataillons, Mon Général !
    En attendant, Bonne année Citoyen…
    D.D.

  19. Avatar de Étienne Chouard

    Cher Daniel,

    j’ai un petit problème, c’est que je suis en train de répondre à trois personnes en même temps (Nadine, Fab, et vous) et que je vous réserve à chacun une véritable attention. Mais comme, en plus, je suis assez bavard (damned, c’est peu dire), tout ça est très long à préparer, surtout sans fonction APERÇU sur ce fichu blog (damned), lacune qui oblige à mille vérifications avant de poster… Bref : j’arrive tout de suite 🙂

    Bien amicalement.

    Étienne.

    PS : je ne suis pas du tout jésuite (malhonnête), c’est un malentendu (vous allez voir).

  20. Avatar de Étienne Chouard

    Fab,

    Il n’y a pas de raison de voir une indélicatesse à ce que l’autre voit une évidence là où soi-même on n’en voit pas.

    Si vous ne sentez pas l’évidence de la cupidité des très riches sur terre, ces riches qui paraissent même littéralement insatiables et parfaitement insensibles au malheur d’autrui, quel que soit le coin de planète où l’on peut les observer, c’est peut-être parce que nous ne vivons pas dans le même ‘réel’.

    Et cela expliquerait que vous ne deviniez pas d’emblée la motivation intime de la captation par quelques privilégiés d’une source de richesse colossale (le privilège de créer la monnaie et d’en percevoir le prix), normalement publique mais possiblement privatisée, moyennant quelques intrigues.

    Je peux entendre ça, Fab, ce ne serait pas grave du tout. Je suis simplement étonné (pas impatienté) d’avoir à décrire la cupidité des hommes riches et leur soif de pouvoir, féroces jusqu’au crime, jusqu’à la contre-révolution la plus sanglante s’il le faut pour défendre leurs privilèges, toujours et partout.

    Mais nier la domination économique (on pourrait dire domination ‘par l’appropriation des moyens de production et donc par le travail forcé des autres’, car il faut aussi du droit, en plus de l’économie, pour opprimer son prochain comme il faut), comme vous semblez le faire en prétendant qu’elle n’est pas le réel, c’est une bien étrange façon de se défendre. Ceci dit, vous faites comme vous voulez, bien sûr.

    Comme vous, je refuse le mot « main d’œuvre », comme l’expression « ressources humaines » ou « capital humain », je refuse d’être un « facteur de production », etc. Et je crois comprendre (et partager) votre aversion vigilante de toute religion. Êtes-vous si donc sûr que nous soyons condamnés à être hostiles ?

    À mon avis, nous ne nous émanciperons pas de l’idéologie gestionnaire, ni de l’idéologie du travail sans fin, ni de la monnaie-dette, ni des pouvoirs sans constitution, sans comprendre par quelles ruses intellectuelles – et avec quel lexique – les privilégiés nous maintiennent à leur service.

    Ne me reprochez pas d’utiliser le vocabulaire des crapules qui vivent aux crochets des pauvres gens : je m’adapte pour résister, c’est tout.

    Et je suis parfaitement athée
    (je dirai bientôt un mot des orthodoxies).

    Amicalement.

    Étienne.

    PS : sans remonter très loin, la cupidité des riches est une vieille affaire :

    « Le peuple ne demande que le nécessaire, il ne veut que justice et tranquillité, les riches prétendent à tout, ils veulent tout envahir et tout dominer. Les abus sont l’ouvrage et le domaine des riches, ils sont le fléau du peuple : l’intérêt du peuple est l’intérêt général, celui des riches est l’intérêt particulier ; et vous voulez rendre le peuple nul et les riches tout-puissants ! »

    Robespierre, cité par A. Manfred.

    Vous verrez que d’avoir cité cet homme-là me fera bientôt passer pour un buveur de sang…

  21. Avatar de Étienne Chouard

    « …à ce que l’autre voie » (pardon)

  22. Avatar de Étienne Chouard

    Bonjour Daniel,

    Ce matin, j’essaie de faire vite (serment d’ivrogne…) parce que sinon, je vais radoter : j’ai l’impression d’en avoir déjà beaucoup dit, mais il reste manifestement, entre nous, quelques vrais malentendus.

    Vous me dites d’abord :

    « Je constate que vous ne parlez pas de la même chose, puisque dans le premier cas vous évoquez d’une part « la seule monnaie qui mérite ce nom » (la monnaie donc) et d’autre part « des signes de pouvoir d’achat » (émis par les banques commerciales). »

    Certes, nous ne parlons pas exactement de la même chose, mais j’essaie de souligner justement que la deuxième chose, tout en n’étant effectivement pas strictement « la même chose », a précisément des propriétés spectaculairement comparables pour la collectivité.

    C’est une façon (plutôt patiente) de souligner qu’on fait peut-être ici subir aux drosophiles un traitement que la morale réprouve.

    Vous me dites ensuite :

    « La question que vous auriez dû poser comme base de votre raisonnement était donc celle-ci : « Êtes-vous d’accord que les signes porteurs de pouvoir d’achat créés par les banques commerciales peuvent être aussi efficaces ou aussi dangereux pour l’économie que la monnaie créée par la banque centrale ? »

    Et là, Daniel, je suis tout entier à vos côtés : je pose effectivement cette question fondamentale à nos contradicteurs, je le fais avec vous.

    Et on va bien voir ce qu’ils répondent.

    Mais là, cher Daniel hélas !, vous poursuivez de la sorte (tel le jésuite moyen ;-)) :

    »… une question laquelle, par analogie, pourrait tout à fait être la suivante : « Êtes-vous d’accord qu’un pistolet à grenaille trafiqué par un quidam peut être aussi efficace ou dangereux qu’un pistolet de même calibre fabriqué par une manufacture en règle ?».

    Hep hep hep, Daniel ! Voudriez-vous préciser votre pensée, pour m’aider à comprendre la pertinence de cette analogie ?

    D’où viendrait que la monnaie créée – tous les jours, par milliards, à nos frais ! – par les banques privées, et utilisée par nous tous, tous les jours et à tout propos – on parle là de QUASIMENT TOUS nos moyens d’échanges, Daniel : 93% de la monnaie est de la monnaie-dette-privée, tu parles d’un pistolet à grenaille – d’où viendrait, donc, que la monnaie créée par les banques commerciales serait moins efficace (pour la collectivité) et moins dangereuse (pour la collectivité) que la monnaie banque centrale ?

    Précisez s’il vous plaît, car nous sommes au cœur de la dispute.

    En assimilant une banque privée à un simple ‘quidam’, je pense que vous vous trompez largement de calibre.

    Vous qualifiez votre propre parabole d’ombre analogique pour suggérer que la comparaison est parfaite, mais avec toute le respect que je vous porte (et ce n’est pas une simple formule de politesse), l’analogie en question ne vaut pas tripette.

    Je me sens donc tout à fait lavé (on n’est jamais mieux servi que par soi-même) de la déshonorante et injuste accusation de jésuitisme 🙂

    À propos de soutane, et puisque le ton est badin ce matin, je ne résiste pas à l’envie de citer cette importante sentence, glanée récemment chez Daniel Mermet (Là-bas si j’y suis, émission modeste et géniale, tous les jours sur France Inter à 15 h) : « Sous la blanche soutane de la vertu, se trouve le gourdin du capitalisme, tenu par la main aveugle du marché. »

    Mais je reviens à mes moutons : vous me dites ensuite, injuste que vous êtes :

    « C’est là où le jésuite fait son apparition en troquant discrètement sa soutane contre une tenue de parapentiste (on n’a rien vu Étienne) et en introduisant un troisième larron, LE SCANDALE.

    Vous dites alors dans un premier temps : « La monnaie (banque centrale) pourrait être un scandale (ex banque centrale) » [Hep ! qui a dit ça ? Pas moi, Daniel. Relisez, s’il vous plaît.] puis, dans un deuxième temps : « les signes porteurs de pouvoir d’achat (banques commerciales) sont un scandale ». [Ça, c’est bien vrai]

    Et vous bouclez au final votre syllogisme : « ce qui pourrait ne pas être de la banque centrale et ce qui est des banques commerciales sont un scandale : DONC CE SONT LA MÊME CHOSE ».

    C’est un malentendu. Vous avez inversé les liens de causalité. C’est sûrement de ma faute, j’ai dû mal m’exprimer. Je vais tâcher de dire ça autrement :

    _________________________

    • À ma gauche (très loin (à l’extrême), sûrement des séditieux d’ailleurs, parmi lesquels rôdent peut-être des anarchistes, arrrgllll), des enragés prétendent que les banques privées ont jadis volé au roi la précieuse planche à billets et qu’ils ne l’ont jamais rendue au peuple, malgré la révolution. Ces forcenés veulent reprendre la sainte relique aux faux-monnayeurs usuriers qui accablent impunément les honnêtes travailleurs, en criant au scandale, CAR IL N’Y A QUE LA MONNAIE D’ORIGINE PUBLIQUE QUI VAILLE POUR LE BIEN GÉNÉRAL tant il est vrai qu’ils constatent, en lisant leurs aïeux à travers leurs lunettes usées de fatigue, que le monde a déjà beaucoup souffert, et depuis fort longtemps, du piège démoniaque (astucieux en diable) qu’est la monnaie-dette-privée.

    L’objectif de ces enragés, que dis-je, leur Graal, c’est donc de CONSTRUIRE un monde commun où ne circulerait qu’une monnaie d’origine publique.

    • À ma droite (loin ?), une autre bande d’excités de la plus pire espèce, s’exclamant que toutes ces histoires de « monnaie créée par les banques privées » ne sont que fariboles et billevesées, sornettes et balivernes, CAR IL N’Y A QUE LA MONNAIE D’ORIGINE PUBLIQUE QUI VAILLE POUR LE BIEN GÉNÉRAL et qui mérite même le nom de ‘monnaie’, sans quoi il faudrait assurément crier au scandale (mais ce n’est pas la peine puisque ce n’est pas le cas), que tout le reste n’est que pure invention, mystification, incompréhension.

    L’objectif de ces excités, que dis-je, leur Graal, c’est de RESTER dans un monde commun où ne circulerait que de la monnaie d’origine publique.

    • Est-ce que les ressemblances se voient mieux, là ?

    • Certes, je ne disconviens pas du fait qu’il reste quelques petites pommes de discorde car, tandis que les enragés qualifient la monnaie scripturale de fausse monnaie, les excités n’y voient aucune forme de monnaie : ils refusent même de lui donner un nom !

    En d’autres termes, les excités ne voient pas l’ennemi, pendant que les enragés montrent le voleur (qui, d’ailleurs, se tire avec la caisse, ces temps-ci).

    Nous en sommes là, et je demande donc avec insistance à nos contradicteurs préférés, pour dénouer enfin cette inutile controverse, de DONNER UN NOM à ce que nous appelons nous la ‘monnaie scripturale qui naît et meurt librement sur les dépôts à vue au rythme des prêts bancaires’, puis de CARACTÉRISER CES ‘NOUVEAUX TITRES PORTEURS DE POUVOIR D’ACHAT’ pour nous montrer qu’ils sont parfaitement inoffensifs, qu’ils sont incomparables à la ‘monnaie banque centrale’ (pléonasme ? 😉 ) et que les banquiers peuvent continuer à en créer autant qu’ils veulent ou presque (jusqu’à prêter aux clochards, comme on l’a vu récemment).

    J’espère être bientôt rassuré.

    _______________________________

    Cher Daniel, j’assume tout à fait la définition officielle (j’ai pris celle du Petit Robert) du mot syllogisme : « Raisonnement déductif rigoureux qui ne suppose aucune proposition étrangère sous-entendue », mais certes pas cette autre, parfois admise suivant le contexte (et je vous y ai vu traîner, dans ce contexte, non ? 😉 ) : « Raisonnement purement formel, étranger au réel ».

    Le ‘rapport au réel’ de la thèse que je défends est total et permanent, il me semble : je me fonde notamment sur la comptabilité des acteurs économiques qui est tout sauf irréelle, même si certaines règles peuvent être parfaitement stupides et mortifères (lire à ce sujet cet excellent article, très utile pour nos échanges, d’ailleurs : « UNE COMPTABILITÉ SUR MESURE POUR LES ACTIONNAIRES. L’Union européenne mise aux normes américaines. », par Jacques Richard, dans le Diplo de novembre 2005).

    Cher Daniel, j’aime vous lire et j’espère que j’aurai su dissiper ce matin quelques sinistres malentendus qui traînaient encore entre nous.

    Bien amicalement.

    Étienne.

  23. Avatar de Étienne Chouard

    Hum, sans faire attention, j’ai utilisé le vocabulaire habituel de la profession pour poser ma question, au lieu de prendre les gants qui devraient permettre de communiquer sans se perdre en discussions secondaires.

    Je refomule donc :

    Veuillez lire :

    D’où viendrait que LES DETTES TRANSMISSIBLES créées – tous les jours, par milliards, à nos frais ! – par les banques privées, et utilisée par nous tous, tous les jours et à tout propos – on parle là de QUASIMENT TOUS nos moyens d’échanges, Daniel : 93% de la monnaie que nous utilisons (réellement) est composée de CES CRÉANCES TRANSMISSIBLES créées par les banques commerciales, tu parles d’un pistolet à grenaille – d’où viendrait, donc, que CES CRÉANCES TRANSMISSIBLES créées par les banques commerciales seraient moins efficaces (pour la collectivité) et moins dangereuses (pour la collectivité) que les titres de créance contre la banque centrale ?

    (à part en cas de crise atroce où tout le monde meurt, évidemment : on ne va pas faire de la monstrueuse crise actuelle la norme, n’est-ce pas ?).

    Précisez s’il vous plaît, car nous sommes au cœur de la dispute.

    Étienne.

  24. Avatar de fab
    fab

    @ Etienne Chouard,

    Bonjour et merci pour vos messages de cette nuit. Comme à mon habitude je n’ai pas lu tous les liens proposés, mais je lis vos messages intégralement !
    Cela dit, revenons à nos moutons, nos évidences.
    1/ Je ne nie pas la domination économique, c’est un constat. Je ne nie pas l’évidente cupidité des très riches sur terre, c’est un constat.
    2/ Dans un autre message de cette nuit vous citez Jean Grenier :
     » C’est surtout qu’une croyance en s’implantant dans une société s’organise et se défend comme une plante qui étend ses racines jusqu’à ce qu’elle trouve de l’eau, recouvre sa tige d’écorce, tourne ses feuilles vers le soleil, enfin use de tous les moyens pour se développer et repousse avec intransigeance tout ce qui ne peut pas l’y aider. L’orthodoxie est donc une suite fatale de toute croyance qui réussit ; ou, en tout cas, elle est une tentation à laquelle peu de croyances résistent. »
    3/ Je vous suis totalement quand vous parlez de la théorie du complot.

    Considérant ces 3 points, je me permets de formuler de nouveau mes interrogations :
    Ne pensez-vous pas que ces riches cupides ne soient que des pantins, des « exemples à suivre » ?
    Ne pensez-vous donc pas qu’il puisse exister une « caste » qui aurait pour but de guider l’humanité, tant bien que mal ? Et que cette caste, voyant la baisse constante de l’influence de La religion sur l’humanité (occidentale en tous cas) [tant pour ce qui est de la croyance que des « avantages induits » ; en gardant une vision de gestion de population à grande échelle, la diminution des croyances entraîne nécessairement une diminution de ce que les « gestionnaires » peuvent faire avaler à la population au nom de ladite croyance : guerres, dominations d’autres peuples…la liste est longue puisqu’elle correspond au nécessaire de la gestion de milliards de personnes], que cette caste donc, sentant qu’elle allait perdre le contrôle a choisi de transférer le pouvoir qu’elle tirait de La religion à une nouvelle « religion », ou orthodoxie, ou « sens de la vie » ?
    Et ne pensez-vous donc pas que cette caste ne puisse avoir que des bonnes intentions, à savoir la gestion de milliards d’être humains qui, comme chacun sait ne sont ni tous des poètes ni tous des saints, mais des animaux dotés d’un télencéphale hyper développé (ces animaux ne supportant pas que leur télencéphale soit livré à lui-même et inoccupé) ?

    Bon, pour résumer : ne pensez-vous pas que l’économie soit une occupation, de même que l’a été La religion, et qu’il serait temps de passer à autre chose, de trouver autre chose qui serait plus digne, au regard des « dysfonctionnements » actuels (pardon pour le mot car il englobe toute la misère du monde), digne de notre télencéphale hyper développé ?

    J’ai, dans un précédent message, écrit une phrase du genre : la science économique, rien que le nom m’amuse…L’économie est, ou semble être, quelque chose de compliqué, il semblerait donc légitime qu’il y ait une science pour l’analyser ! Mais au regard de ce que j’ai écrit précédemment j’aurais davantage tendance à faire une analogie avec la blague de Coluche (le philosophe) sur la lessive : le lundi on fait les nœuds au linge et on a le reste de la semaine pour les défaire ! De là à parler de science de la lessive…Mais, pour être honnête et en allant au bout de mon raisonnement, il est certain que tant qu’une nouvelle « religion » n’a pas été trouvée il faut se débrouiller avec celle qu’on a ! Et en cela je respecte et j’admire votre travail et de façon plus générale le travail en cours sur ce blog. D’autant plus que même si une nouvelle « religion » apparaît, l’économie restera ! A priori.

    Pour conclure, un autre extrait que vous proposez de Jean Grenier :
    « Et le croyant se sent rassuré : dans un univers changeant il s’attache à quelque chose qui ne bouge pas, et se sent d’accord avec un grand nombre d’hommes. Or les deux causes les plus aiguës de souffrance sont incontestablement la solitude dans la Nature et la solitude dans la société. ÉCHAPPER À L’ISOLEMENT EST LE PREMIER BESOIN DE L’HOMME. ON S’EXPLIQUE, QUAND ON PENSE À CELA, L’ADHÉSION À UNE ORTHODOXIE DE NOMBREUX INTELLECTUELS, exigeants pour leur propre pensée, mais PRÊTS À ACCEPTER N’IMPORTE QUEL SYSTÈME AFIN DE N’ÊTRE PLUS SEULS, et aussi parfois afin de rejoindre la communion humaine. »

    Splendide ! C’est troublant de vérité, quelque soit le niveau de société que l’on considère : la famille, l’école, la tribu, la nation, les nations unies…Encore un petit effort et on arrive à l’humanité. Cela permettrait, entre autres, de tenir compte des revendications de nos frères qui, comme nous, cherchent à « échapper à l’isolement » en se réfugiant dans l’extrémisme, religieux par exemple, et de vouloir les comprendre…
    Or je pense qu’il existe dans la vie de l’Homme et dans l’Histoire des « moments », des virages à ne pas rater, surtout quand ils coïncident…comme maintenant à mon sens.
    A ce moment-là, l’homme pourra effectivement rejoindre la communion humaine…

    Au plaisir de vous lire.

  25. Avatar de Étienne Chouard

    Cher Fab,

    Votre rejet (compréhensible) de l’approche moderne ‘systématiquement économique’ des problèmes humains, me conduit à insister sur les LIENS que je vous avais suggérés pour ne pas être (encore plus) long mais qui ne sont pas du tout hors sujet.

    • Le livre de Gaulejac (« La société malade de la gestion ») est une merveille d’intelligence pluridisciplinaire pour comprendre certains ressorts essentiels et très concrets de nos aliénations ‘modernes’ à des contraintes insensées, ce qu’il appelle « idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social ». C’est un bon livre, utile, et qui montre justement certaines racines importantes de l’obsession économique délirante de l’époque moderne, cette obsession de type religieux que vous conchiez à très juste titre. Ce livre vous plaira, vous verrez : il aide à construire soi-même des propositions alternatives originales, en prenant le mal à la racine (de façon radicale, donc).

    • Le tout petit livre de Paul Lafargue (« Le droit à la paresse ») est un pur diamant de colère enflammée contre la sottise crasse de l’idéologie du travail sans fin : c’est un grand classique, à connaître absolument, très court, du vitriol pur contre la propagande répugnante « travailler plus pour travailler plus (catéchisme de la soumission pour que les riches rentiers travaillent moins) ». Très utile pour votre résistance contre l’oppression économique.

    • Le film « Zeitgeist » est un exposé passionnant (en deux longues parties de deux heures) d’une thèse complotiste très bien ficelée (à mon avis, très largement fondée) qui articule les mythes religieux (pour obtenir la docilité des hommes au travail), les mythes politiques (pour obtenir la docilité des hommes au travail) et les mythes monétaires (pour obtenir la docilité des hommes au travail). C’est très bien fait, ça circule beaucoup sur Internet (on le comprend) et ce serait bien que Paul en propose une lecture critique (il y a quelques détails à préciser ou à contrôler, mais l’ensemble est très intéressant), comme il l’avait fait pour le film de Paul Grignon (Money as debt), que je trouve excellent lui aussi. Très utile pour votre réflexion sur les religions, sur les mythes et sur la monnaie.

    • Le document de votre ami marseillais (un brûlot contre l’épouvantable constitution européenne) prend les problèmes à la racine, il cherche la source : il souligne que les institutions imposées aux peuples européens –sans débat, en douce– depuis cinquante ans, ne prévoient en 2005 ni texte lisible à contrôler avant de l’approuver, ni séparation des pouvoirs, ni parlement digne de ce nom, ni contrôle des pouvoirs, ni indépendance des juges, ni liberté de choix de la politique économique, ni contrôle populaire des révisions constitutionnelles, ni contrôle politique des missions économiques de la Banque centrale, etc.

    Et encore, je n’avais pas encore réalisé le sabordage monétaire scandaleux de l’article 104 du traité de Maastricht !

    En bref, dans les institutions européennes (qui sont notre modernité actuelle puisque le fait d’avoir dit Non n’a nullement mis fin au viol politique dont nous sommes les victimes), la démocratie recule de façon effrayante, les élus n’ont plus aucun pouvoir et aucun pouvoir véritable n’est plus élu : tous ces « représentants » non élus, tous ces ministres, se sont « autonomisés » (nos aïeux nous avaient pourtant tous prévenus, depuis 2500 ans, de nous méfier des exécutifs comme on se méfie de la peste) et ils ont profité de l’opportunité de la construction européenne (encore un sacré mythe, celui-là) pour ne plus rendre de comptes à personne et pour littéralement vider le suffrage universel de sa substance…

    Finalement, ce pamphlet qui reste d’actualité souligne surtout la cause première, LA SOURCE mère de toutes ces horreurs antidémocratiques, qui ne sont compréhensibles que si on accorde enfin une importance, non pas à qui VOTE la Constitution, mais à QUI L’ÉCRIT :

    Les AUTEURS de ce texte majeur, décisif, fondamental (au sens strict), ne seraient–ils pas, par hasard, à la fois juges et parties, ce qui, partout dans le monde, serait une juste cause pour les RÉCUSER (sans hésitation, mais aussi sans honte car c’est seulement DANS CETTE OCCURRENCE-LÀ, de l’écriture de la Constitution, qu’ils sont FORCÉMENT MALHONNÊTES : il ne s’agit nullement de les suspecter de façon générale, ils ne sont pas malhonnêtes à tout propos, ils sont forcément malhonnêtes LÀ ; rien à voir donc, avec un discours poujadiste « tous pourris » ; j’en reste à « tous dangereux, surtout au moment d’écrire la Constitution », ce qui est à la fois très différent et très vrai).

    En effet, puisque toute vraie Constitution sert à LIMITER les pouvoirs, à INQUIÉTER les pouvoirs, à RÉVOQUER à tout moment les pouvoirs ayant failli, alors, toute véritable Constitution doit évidement rester HORS DE PORTÉE DES POUVOIRS eux-mêmes : il est simplement politiquement suicidaire, de la part de tous les citoyens (y compris vous, oui vous, là, devant votre écran 😉 ) de laisser écrire ces règles du pouvoir –ces précieuses règles dont le rôle est de vous protéger tous les jours, au plus haut niveau du droit, contre les abus de pouvoir–, c’est pure folie, donc, de laisser écrire ces règles par… les hommes au pouvoir eux-mêmes…

    Réfléchissez à la naïveté confondante qui consiste à FAIRE CONFIANCE AU POINT DE laisser le Président de la République et sa majorité de serpillères politiciennes (j’ai cherché des mots plus durs, mais je n’ai pas trouvé) modifier eux-mêmes la Constitution… et même, le croirez-vous, sans référendum ! Souvenez-vous du coup d’État, en France, le 4 février 2008.

    Une trahison, une félonie.

    Et pendant ce temps, les journaux complices, la presse qui ment, continuent de calomnier le prétendu « dictateur Chavez », alors que, lui, il respecte scrupuleusement un Non à un référendum, et qu’il supporte, lui, les insultes féroces de plusieurs télés d’opposition (y en a-t-il même une seule en France ?).

    Bref.

    Tant que les humains du monde, ces paresseux, laisseront écrire leurs institutions par les mêmes hommes qui vont exercer les pouvoirs institués, ils sont bien sots de s’étonner ou de s’indigner de leur servitude chronique.

    Bien fait pour eux.

    Ce n’est pas la faute « des autres ».

    Je dirai même plus : je ne condamne pas les pouvoirs qui abusent ; je dis même qu’IL EST IDIOT DE REPROCHER AUX POUVOIRS D’ABUSER puisque C’EST DANS LEUR NATURE, cette nature très dangereuse qui, précisément, a conduit les hommes à mettre au point le concept de ‘Constitution’ :

    Aussi sûrement et aussi naturellement qu’un objet tombe vers le sol,
    LE POUVOIR VA JUSQU’À CE QU’IL TROUVE UNE LIMITE.
    (Montesquieu)

    DONC,
    il n’y a pas de mauvais pouvoirs,
    il n’y a que des pouvoirs mal limités,
    mal limités PAR NOUS.

    Autrement dit, « ils sont grands parce que nous sommes à genoux ».

    Autrement dit, « soyez résolus de plus servir, et vous voilà libre » (Étienne de La Boétie).

    Autrement dit, « la vigilance ne se délègue pas » (Alain).

    Si on se fait voler, violer, mettre en esclavage, si notre condition se dégrade chaque jour un peu plus ces temps-ci, C’EST NOTRE FAUTE À NOUS, À NOUS PERSONNELLEMENT et à personne d’autre.

    Il suffirait que nous exigions (mais alors en exigeant vraiment : pas avec une petite manif de rien du tout et puis tu rentres chez toi : non, une vraie longue révolte avec une exigence démocratique fondamentale) il suffirait que nous exigions, donc, qu’une nouvelle Assemblée constituante soit TIRÉE AU SORT (ou bien, si vous avez plus peur de votre prochain que de votre élu*–mais en l’occurrence, vous seriez mieux avisé d’avoir plus peur de vos élus que d’un quidam tiré au sort !–, ou bien, donc, l’AC peut être à moitié élue et à moitié tirée au sort) pour que nous sortions d’emblée de ce que j’appelle la préhistoire de la démocratie, pour la seule et déterminante raison que, ENFIN ! ce serait des hommes NON INTÉRESSÉS PERSONNELLEMENT À L’IMPUISSANCE DU PLUS GRAND NOMBRE qui écriraient les règles du pouvoir.

    Cette analyse (assez iconoclaste) formulée dès 2005 pourrait bien servir ici, pour établir UNE CONSTITUTION À TEINTE ÉCONOMIQUE : à mon avis, les humains ne récupéreront la souveraineté monétaire –et la prospérité qui va avec, j’en suis absolument certain ; étudiez les centaines d’expériences de monnaies libres, c’est stupéfiant– que s’ils interdisent aux parlementaires, aux ministres, aux juges et à leurs proches (tous les hommes de partis, en fait) de changer un virgule de la constitution.

    ____________________________

    Vous me posez quelques questions que je ne suis pas sûr de comprendre :

    Ne pensez-vous pas que ces riches cupides ne soient que des pantins, des “exemples à suivre” ?
    Ne pensez-vous donc pas qu’il puisse exister une “caste” qui aurait pour but de guider l’humanité, tant bien que mal ?

    Je vous ai relu trois fois, en me demandant chaque fois si vous plaisantiez : suggérez-vous que les hommes qui nous dirigent le fassent pour notre bien ? Si c’est ce que vous voulez dire, je suis stupéfait de tant de gentillesse et de tant de confiance.

    Ceci dit, je sais bien que chaque homme accueille en lui un salaud, un cruel, un cupide, qui dort pour l’instant parce qu’il rencontre trop de limites. Car en effet, cette règle que je trouve immense, universelle et intemporelle (« le pouvoir va jusqu’à ce qu’il trouve une limite ») s’applique bien sûr aussi à chacun d’entre nous.

    Et vous avez raison de souligner que nous ne sommes pas tous de anges. Au contraire !

    Mais souvenez-vous : c’est exactement l’origine de l’idée géniale du concept de Constitution : c’est parce qu’on sait que les hommes ne sont pas bons, c’est parce qu’on sait que les pouvoirs sont tous très dangereux, qu’on doit intégrer l’assomption du conflit*** (le fait d’assumer pleinement que la société n’est pas un rêve pacifié et que les conflits inévitables doivent absolument être mis en scène pour être comme désamorcés), c’est ce NON ANGÉLISME qui pousse à écrire des institutions authentiquement démocratiques qui donnent LA PAROLE À TOUS, vraiment tous (et pas la farce politicienne lamentable que nous vivons aujourd’hui, où tous les conflits sont déformés, calomniés, niés, bâillonnés, étouffés, et où règne, au plus « haut » niveau, la corruption intellectuelle la plus répugnante).

    C’est d’ailleurs pourquoi je me méfie de TOUS les pouvoirs, y compris, bien entendu, du pouvoir du peuple.

    C’est aussi pourquoi je me sens moins partisan d’une démocratie pure (« tout le pouvoir au peuple », le pouvoir d’une foule, quelle terreur) que d’une constitution mixte (en suivant Aristote) ou d’un régime modéré (en suivant Montesquieu) : pour la sérénité des citoyens, TOUT POUVOIR* DOIT AVOIR PEUR d’un contre pouvoir, et même plutôt de plusieurs.

    MAIS (attention à ce MAIS essentiel !), si on les charge eux-mêmes de penser leurs propres contre pouvoirs, ils vont tricher et instituer des contre pouvoirs factices, des contrôles simulés, des responsabilités bidon… Enfin bref, vous m’avez compris, je pense. Il radote, le père Chouard…

    Mais bon, c’est si important, si décisif… Tant pis si je radote…

    Merci pour votre patience car je parle trop ces temps-ci ; je vais tâcher de me retirer un peu, si je le peux.

    Amicalement.

    Étienne.

    ________________________

    * Ce qui serait folie, Narcisse que vous êtes, à gober les boniments qui consistent à vous faire accroire que vous êtes « le souverain »… On dirait que n’importe quel mensonge suffit à nous désarmer, que n’importe quelle flatterie suffit à nous asservir. Dès le début, dès la mise en place du prétendu « gouvernement représentatif », les constituants se doutaient de la supercherie : c’est Tocqueville qui disait déjà, il y a 200 ans : « je ne suis pas inquiet du suffrage universel : les gens voteront comme on leur dira. »

    ** Y compris les citoyens les plus puissants, tous ceux qui ont un pouvoir.

    *** Lire le livre important de Miguel Benasayag et Angélique del Rey, « Éloge du conflit », La découverte, 2007, c’est un bijou pour construire une vraie démocratie, avec un vrai PARLEMENT, lieu central pour une MISE EN SCÈNE DES CONFLITS (concept essentiel pour les Athéniens, en vue de la concorde).

    Tiens, je vous livre l’introduction, c’est trop bon 🙂 :

    « Héritiers d’une époque qui a longtemps cru à la possibilité d’en finir un jour avec le conflit, nous sommes aujourd’hui, pour cette même raison, effrayés face à tout ce qui menace nos vies et nos sociétés. Nous avons souvent l’impression, tellement appréhendée des marins, de naviguer avec des cartes périmées : nous pensions aller vers des territoires pacifiés, et voilà que s’impose l’idée de vivre un retour des conflits – individuels comme sociaux – sous des formes sinistres, voire barbares.

    Sans doute a-t-on trop pensé le conflit en termes de son dépassement vers la solution : les conflits étaient surtout conçus comme un moyen vers la fin, un moment difficile qu’il fallait dépasser. Et c’est la raison pour laquelle nos contemporains se retrouvent aujourd’hui désarmés face à la nécessité de repenser l’ensemble des pratiques sociales – santé, urbanisme, éducation, politique, etc. – sous la forme d’une tension irréductible dans la recherche d’une solution.

    La question fondamentale qui se pose désormais à nous pourrait être formulée ainsi : comment penser les termes d’un conflit autrement que dans la recherche de son dépassement ? Comment penser la permanence du conflit ? Nous avons du mal à nous représenter la possibilité d’un engagement dans et pour une cause concrète, dès lors que perdurent guerres et violences, problèmes écologiques, injustices et oppressions, qui s’affirment comme un horizon indépassable de l’humanité.

    Tout aspire en effet, dans nos cultures et notre éducation, à la disparition du conflit, ou du moins à sa diminution. C’est pourquoi la permanence de conflits de plus en plus complexes, assimilée à la persistance d’une « barbarie » qu’il faudrait éradiquer une fois pour toutes, nourrit le sentiment d’impuissance ou alors de nouvelles pratiques sociales, plus inquiétantes encore.

    À l’échec de la mission civilisatrice – clairement définie comme la tentative d’éliminer la barbarie – correspond en effet l’émergence dans nos sociétés de pratiques sécuritaires, néohygiénistes et de biopouvoir, ainsi que le retour des guerres « civilisatrices » : une « nouvelle barbarie », née précisément de la volonté d’en finir avec la barbarie.

    Et pourtant le constat n’est pas neuf : on ne peut en finir avec l’anthropophagie en mangeant les anthropophages. Comme l’écrit Claude Lévi-Strauss* « LE BARBARE, C’EST CELUI QUI CROIT À LA BARBARIE ». Celui-là en effet, ne voit plus l’autre comme tel, mais comme une anomalie qu’il faudrait éliminer.

    Dans une civilisation qui ne tolère plus les conflits qu’à condition qu’ils entrent dans les normes, cette nouvelle barbarie vise des figures de l’autre très diverses : l’étranger qui menace nos sociétés, l’« intégriste » qui met en péril l’ordre républicain, mais aussi le salarié ou le fonctionnaire qui résistent au formatage des « directions des ressources humaines », les handicapés, les déviants de tous types, les contestataires qui refusent de se plier aux normes admises de la contestation, celui ou celle qui par leur comportement sont réputés mettre en danger leur santé ou celle de leurs proches. Bref, tous ceux qui sont perçus comme source possible d’un chaos menaçant l’ordre social acceptable.

    Traditionnellement, le barbare est celui qui, depuis la frontière, menace la civilisation. Mais il est surtout celui qui lui permet de s’autodéfinir comme telle. Or, dans notre monde unifié par l’hégémonie du « même », ces frontières sont désormais moins extérieures qu’intérieures. Tout se passe comme si ce monde dominant était composé de forteresses abritant les « inclus », se dressant au cœur de no man’s lands peuplés d’« exclus », cristallisant la crainte sécuritaire des premiers. La menace est devenue diffuse, insondable et donc intérieure.

    Et si les pays du Nord sont les macroforteresses, à l’intérieur de chacune d’elles existent aussi des miniforteresses entourées de mini-no man’s lands. Enfin, chaque homme, chaque femme, tend à se vivre comme une microforteresse entourée de micro-no man’s lands inquiétants : chacun est invité à voir son propre être comme un territoire où des noyaux de rationalité et de sagesse seraient cernés de pulsions et de passions non civilisées. C’est l’époque de la méfiance.

    Accepter ou refuser la barbarie : telle serait la seule – et rassurante, tant la réponse est évidente – alternative. Mais le vrai défi, à nos yeux, est ailleurs : comment faire avec tout ce qu’on a refoulé et rangé dans les anomalies inadmissibles. Il est de chercher comment l’être humain tel qu’il est, avec ses parties obscures, peut construire un vivre ensemble malgré et avec le conflit, de façon à en finir avec le rêve cauchemardesque d’élimination de tout ce qu’il y a en lui d’immaîtrisable.

    L’immaîtrisable, en effet, est partie prenante de la réalité humaine, et toute tentative visant à le nier ou le formater ne peut au mieux que produire un retour du refoulé, au pire la barbarie.

    « Il est impossible de se cacher de ce qui ne disparaît jamais », disait Héraclite, et nos sociétés contemporaines ne font pas exception à la règle.

    Le refoulement du conflit peut produire la barbarie. C’est pourquoi il est important de refuser de penser séparément le conflit et la civilisation. À la suite d’Héraclite, notre hypothèse sera que le combat (polemos) est de tous les êtres le père ».

    En partant d’un tout d’horizon des « conflits », vécus ou appréhendés comme tels par nos contemporains (première partie), nous avons voulu déployer cette hypothèse d’une réalité ontologique du conflit, redéfini à ce niveau (deuxième partie), puis en tirer les conséquences concernant l’engagement et l’agir dans l’époque qui est la nôtre (troisième partie). »

    (Source : « Éloge du conflit », Miguel Benasayag et Angélique del Rey, La découverte 2007, page 7.)

    ____________
    Notes :
    * Claude Lévi-Strauss, Race et Histoire, Gallimard, coll. « Folio Essais », Paris, 1987, p. 22,

    Vous avez sans doute senti comme moi des connexions avec la pensée de Jean Grenier contre l’esprit d’orthodoxie, n’est-ce pas ? (quand il évoque « notre monde unifié par l’hégémonie du «même» », notamment)

  26. Avatar de Étienne Chouard

    Cher Daniel,

    Je vous ai répondu .

    Bien amicalement.

    Étienne.

  27. Avatar de Paul Jorion

    @ Etienne Chouard

    … ce serait bien que Paul en (« Zeitgeist ») propose une lecture critique (il y a quelques détails à préciser ou à contrôler, mais l’ensemble est très intéressant), comme il l’avait fait pour le film de Paul Grignon (Money as debt), que je trouve excellent lui aussi.

    Je rappelle le conclusion de mon analyse critique de « Money as Debt » : l’analyse est entièrement faussée par le fait que Paul Grignon ne comprend pas le mécanisme des réserves fractionnaires et propose du coup une représentation entièrement erronée du fonctionnement des banques commerciales. Ses conclusions sont non seulement fausses mais dangereuses parce qu’il attribue à tort au seul mécanisme bancaire les défauts d’un système financier malade du fait de la spéculation, de la concentration excessive du capital, d’une inflation monstrueuse du crédit à la consommation due à la baisse des salaires. de l’évasion fiscale et du dévoiement des politiques des banques centrales. Il ne suffit de dénoncer « Money as Debt » comme une diversion, il convient encore de le condamner sans appel comme une analyse fausse de la situation, complétée de conclusions fausses elles aussi et irresponsables dans leurs implications.

  28. Avatar de Fab
    Fab

    @ Etienne Chouard,

    Encore une fois merci pour vos messages : un bol d’air. Avec tout de même un arrière goût quant à mes capacités de lecture, d’analyse…mes capacités cérébrales. A tel point que, c’est sérieux, j’ai tapé votre nom sur Google pour voir si ce nom correspondait à une personne…ou à un collectif !

    Mais revenons à nos moutons et à nos dirigeants.

    J’ai commencé à vous répondre, à argumenter, à tenter de m’expliquer…mais quelque chose n’allait pas ! Et, au moment de conclure ça m’est apparu ! Nous sommes d’accord.

    • Vous n’accordez aucune confiance à nos élus et à leur élection. Et vous ajoutez
    « Si on se fait voler, violer, mettre en esclavage, si notre condition se dégrade chaque jour un peu plus ces temps-ci, C’EST NOTRE FAUTE À NOUS, À NOUS PERSONNELLEMENT et à personne d’autre » et
    « MAIS (attention à ce MAIS essentiel !), si on les charge eux-mêmes de penser leurs propres contre pouvoirs, ils vont tricher et instituer des contre pouvoirs factices, des contrôles simulés, des responsabilités bidon… »
    Je suis d’accord et, je précise simplement : nos élus (ces « ils »)…c’est nous.
    • Vous n’excluez pas a priori la théorie du complot. Vous ne pouvez donc pas exclure a priori la théorie d’un « bon » complot.

    Donc nous sommes d’accord ! Et qu’il y ait un complot ou non, « bon » ou pas, ne doit pas être un sujet de discorde, l’avenir, j’espère, nous le dira. Alors, quelles solutions ?

    Il me semble que votre idée est d’améliorer le système actuel, en proposant une nouvelle constitution impliquant un engagement plus important du citoyen, et réciproquement, et protégeant le système de ses propres éléments susceptibles de succomber à la tentation.
    Et systématiquement, à ce stade, j’ai un blocage ! Je n’arrive pas à me convaincre que nous soyons prêts. Dis autrement, je ne pense pas que la carotte actuelle y survivra (carotte que j’ai aussi nommée religion, motivation, sens de la vie). En effet, le fait d’impliquer davantage le citoyen dans la vie politique aura de nombreuses conséquences, notamment de faire accepter et comprendre à son cerveau (j’utilise cette expression pour noter une démarche volontaire « supérieure » à la conscience qu’a chacun de se faire prendre pour une drosophile, conscience volatile qui apparaît le plus souvent au bistrot du coin lorsque le monde est fait et refait, et s’évapore en même temps que les effets de l’alcool), comprendre de façon durable donc qu’on (à définir…) lui a fait prendre des vessies pour des lanternes depuis fort longtemps. Et à mon idée, le sentiment d’une consommation et donc d’un quotidien futiles va apparaître : et le système économique s’écroule. Donc, j’y reviens, il manque un garde-fou (un esprit inoccupé est un esprit dangereux et en danger, sauf sous l’emprise d’une drogue…Mais mis à part la télévision, je ne pense pas que nous soyons prêts pour une pilule du bonheur généralisée), une nouvelle religion, pour contrôler le dérapage et repartir vers un avenir radieux où tous les êtres humains se donneront la main…et plus si affinité !

    Si je me trompe et si vous avez déjà à l’esprit une solution sans risque d’un dérapage qui deviendrait incontrôlable, je vous promets de lire votre projet de constitution citoyenne et vos autres écrits et de vous apporter mon aide.

    Quelques remarques, en vrac :

    Vous attirez l’attention sur « Zeitgeist » et remettez en avant l’analyse du film de Paul Grignon…et vous parlez de la tendance que l’on peut avoir à faire subir aux drosophiles des traitements que la morale réprouve.
    Etant de Marseille, vous devez connaître cette parabole :
    « – Hé ! Madame Brun ! Votre chien enc…(fais subir un traitement que la morale réprouve) le mien !
    – Bé, laissez-les faire peuchère ! Si ça leur fait du bien…»

    Et pendant ce temps-là (extrait aussi de Zeitgeist) :

    – 1% de la population possède 40% de la richesse mondiale
    – 34000 enfants meurent par jour de pauvreté et de maladies évitables
    – 50% de la population du monde vit avec moins de 2 dollars par jour.

    Ces chiffres demandent bien sûr à être vérifiés, de même qu’il faut préciser le sens de « pauvreté », de « maladies » et de « évitables », et il faudrait préciser aussi si ces gens qui vivent avec moins de 2$ sont heureux ou pas, s’ils se satisfont du système financier actuel et s’ils ont un avis sur la création monétaire.
    Il faut garder à l’esprit l’exemple des « djeun’s » envoutés par un jeu vidéo et qui finissent par croire que c’est la réalité…puisque c’est leur réalité.

    Sur ce, je vous souhaite un bon bout d’an, et vous offre ce petit présent
    http://www.syti.net/index.php et http://www.syti.net/Blog/Blog1.html

    PS : J’aime aussi beaucoup 1984 (le livre ! Parce que 1984 c’est aussi l’année de la catastrophe de Bhopal : 362 540 victimes à des degrés divers, dont plus de 20000 morts -3 828 identifiés- et plus de 200000 handicapés. Mais que l’on se rassure chaque victime a touché environ 500$ et UCC a réagit immédiatement pour sauver la boîte ! Ouf. Les chiffres, encore une fois sont à vérifier et à analyser, notamment à savoir si une partie de ces heureuses victimes indemnisées ne se sont pas précipitées pour déposer leur argent, pour le coup créé non-pas ex nihilo mais à partir de fumée…humaine, à la banque la plus proche : il paraît (c’est pour rire) que c’est une filiale de UCC !). Oui donc, Orwell s’est inspiré de son expérience birmane pour écrire son chef d’œuvre ; et les birmans sont de grands fans de 1984, livre qui circule sous le manteau, comme d’ailleurs tout ce qui n’a pas le « tampon officiel ». Bizarres ces birmans…

  29. Avatar de lescitedort
    lescitedort

    les monnaies sont nees etont disparues seul les metaux precieux on conserves leurs valeurs – 4000 av jc

  30. Avatar de Laurent S
    Laurent S

    Par essence tout moyen de paiement ou unité de compte est une dette autrement il ne peut être ni l’un ni l’autre. Certes ce n’est pas une dette nominative : le débiteur n’est pas connu, c’est à moi de choisir quand et qui devra acquitter cette dette. La réalisation de cette dette est d’ailleurs garantie par la loi qui stipule que le vendeur ne peut refuser une vente et ne peut refuser en contrepartie des euros. Et il n’est pas précisé que ces euros doivent être des billets de la banque centrale même si le vendeur peut refuser certains mode de paiement (carte bancaire, chèque) généralement car il a été victime de fraude et pas par peur de l’insolvabilité de son client. De plus l’Etat interdit lui-même d’utiliser de l’argent de la banque centrale au-delà d’un certains montant (10 000 euros je crois) pour lutter contre la criminalité financière via la traçabilité des transactions importantes. Ce serait quand même un comble d’interdire d’utiliser le seul argent sûr juste pour les transactions les plus importantes !

    Donc il n’y a pas de différence de sûreté dans les faits (même si les textes légaux le disent) entre l’argent de la banque centrale (les billets) et ceux des banques commerciales comme la crise actuelle le démontre où par exemple Sarkozy garantit les dépôts de tous les Français au-delà du montant du fond de garanti et au-delà des 80 000 euros. Et l’Etat ne peut pas faire autrement : l’argent banque centrale ne représente qu’une part ridicule de toute l’argent en circulation, part noyée dans le flot « d’argent dette créé » par les banques commerciales, donc si on veut que l’économie continue de fonctionner, il faut aussi garantir cette « fausse monnaie ».

    Je ne vois pas pourquoi on serait en droit de rendre plus cher de l’argent au-delà de 80000 euros car celle-ci ne serait pas garantie par l’Etat. Admettons que j’achète une Mercedes à 60000 et une BMW à 60000 sachant que je n’ai que 80000 dans mon compte et qu’avant que les deux vendeurs n’aient le temps d’encaisser les chèques je m’enfuis au Venezuela, alors le moins pressé des deux sera de sa poche. Le risque pour les vendeurs est donc bien plus dans le risque de fraude que dans celui de la défaillance de la monnaie.

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  1. @ Hervey Et nous, que venons-nous cultiver ici, à l’ombre de notre hôte qui entre dans le vieil âge ?

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