Voici la réponse de Jacques Attali aux questions que je lui avais posées à propos de son livre La crise, et après ? (Fayard 2008).
Cher Paul, Merci d’avoir pris le temps de me lire si bien. Vos commentaires sont, comme toujours, très profonds et très judicieux, mêlant des savoirs économiques, financiers et anthropologiques. J’ai lu aussi les passionnantes discussions que cela a suscitées sur votre blog. Je me contenterai de donner modestement mon point de vue sur les énormes questions que vous soulevez. Vous me permettrez au passage de renvoyer à certains de mes livres, non pour leur faire une quelconque publicité, mais parce que c’est par les livres que je m’exprime le plus précisément.
1. Marché et état de droit. Vous avez tout à fait raison : le marché est parfaitement capable de corrompre la démocratie. Il suffit de regarder l’exemple de la plus parfaite démocratie, ayant créé la plus parfaite absence d’état de droit : la Grande Bretagne, où la démocratie la plus ancienne du monde est au service d’un paradis fiscal et d’une place financière off shore. Cela veut dire que la démocratie ne se réduit pas à des élections libres ; elle suppose une véritable transparence, une symétrie de l’accès à l’information et des contrepoids aux pouvoirs des riches, en particulier dans les médias. Cela reste largement à penser et à construire. Par contre, je ne suis pas d’accord avec vous quand vous dites que le marché constitue « l’expression spontanée de la manière dont notre espèce réglait ses affaires à l’état sauvage : par la guerre de tous contre tous ». L’histoire du marché, que j’ai racontée dans un de mes livres, (« Histoire de la Propriété ») commence, à mon sens, par le troc ; elle continue par l’invention du marché silencieux (Cf. en particulier les travaux de Pierre Dockes) puis, bien plus tard, de la monnaie, justement pour en finir à la violence. Le marché est là pour assurer l’allocation efficace des ressources, mais pas son allocation juste, qui incombe à la démocratie. Et les victoires de la démocratie sur les dictatures démontrent qu’elles ne sont pas tout à fait désarmées face à des forces supérieures.
2. Crises et cycles. J’ai eu tort d’évoquer, même en passant , le mot de cycle, en parlant de « contre-cycle », car, comme vous le savez, je crois plus à la théorie des cœurs successifs, que j’ai élaborée dans « Une brève Histoire de l’avenir », (à partir des travaux de Fernand Braudel, mais aussi de Jean Gimpel, Michel Aglietta et Immanuel Wallerstein), qu’à celle des cycles, quels qu’ils soient. Et chaque cœur (géographique) se caractérise par une technologie dominante et un système de valeur particulier. Et ces théories devraient en effet être connues des agences de notation, pour leur servir de grille de lecture.
3. « Initiés » et accès à l’information financière. Oui, bien sûr, il n’y a pas de transparence sans remise à niveau des patrimoines. Et en particulier (et je l’ai écrit dans « la Voie Humaine ») pour ceux que je nomme les « biens essentiels » dont la propriété privée doit être remise en cause. Mais comme une telle « remise à niveau » est impensable aujourd’hui, il faut agir pour que l’accumulation du capital futur corrige celle des patrimoines antérieurs.
4. La spéculation. Votre proposition d’une « prohibition des paris sur l’évolution des prix sauf pour ceux à qui ils procurent une fonction d’assurance contre des aléas inévitables, climatiques » me semble une idée à creuser, comme le font certains participants à votre blog. On m’a cependant expliqué que même ce mécanisme peut être contourné. Enfin, je n’aime pas l’idée de ce que vous appelez « un appel du pied extra-parlementaire ». Cela ouvre à des dérives que vous condamnez autant que moi.
5. Permettez moi d’ouvrir aussi un autre débat : un monde où, comme je le souhaite, la régulation serait mondiale et parfaite, ne serait pas exempt de crises. Car il y aura toujours asymétrie d’information entre le présent et le futur. Et c’est cette asymétrie qui cause les crises. Et, à moins de souhaiter un monde répétitif, (en lui-même comme en son environnement), c’est-à-dire un monde où l’information sur l’avenir serait, par nature, parfaite, nous ne pouvons que nous résigner à gérer des crises, et nous attacher à en partager équitablement le poids. Et pour cela, penser, prévoir, et agir.
Merci d’avoir pris le temps de me lire si finement et continuez de nous faire tous réfléchir si librement et si sérieusement.
115 réponses à “Jacques Attali : réponses à Paul Jorion, à propos de « La crise, et après ? »”
Je viens de lire cet extrait de JA.
extraits :
“Ceci n’est ni un rapport, ni une étude, mais un mode d’emploi pour des réformes urgentes et fondatrices. Il n’est ni partisan, ni bipartisan : il est non partisan.”
Là carrément ou il n’a plus sa tête le J.A. ou il prend le reste de l’humanité pour des c…
Non partisan est impossible. Le simple fait de dire je ne prend pas parti …. c’est déjà prendre parti. Eh, Oh réveil Mr Attali, réveil!!!
Un mode d’emploi ne peu découler que d’une étude, ou alors c’est de la magie noire et le gars est un grand malade. Un mode d’emploi sert à faire fonctionner une machine, et la machine il faut bien l’avoir conçue puis fabriquée. J.A. ne veut justement pas que l’on parle de la machine, évidemment.
C’est celle qui détruit les sociétés, les cultures, l’éducation, les familles afin que chaque humain soit seul et donc soumis. Soumettre un groupe organisé est bcp plus difficile, long, et couteux, et on risque sa peau à affronter un groupe.
Mr J.A. est dans les mots, les théorèmes, pas dans le travail, ni les échanges entre humains, ni dans le devoir que chacun a envers ses pairs. Bref un parfait exemple à ne pas suivre et de ce qu’il ne faut pas faire.
Je ne sais pas si cela est « serieux ».
Mais je sens que la logique binaire est insuffisante pour rendre compte de ce qui est :{ « vrai dans un contexte » et « faux en dehors de ce contexte »}.
Elle compte pour zéro la totalité des points de vue non identiques au « reel », quand tout nous indique que ce reel intangible n’existe pas, qu ‘il dépend de nous, ne serais ce que parce que nous en faisons partie.
Imaginer un réel identique a lui même « sans nous », me semble une évidente aberration.
@ Benoît,
Je partage votre sentiment. J’écrivais d’ailleurs tout récemment dans un autre fil…
Notre société est une société indigne des valeurs qui sont censées la régir. J’ai lu ce qu’a écrit 2casa et j’y trouve le destin d’un part non négligeable de cette génération. C’est à se demander comment il est possible de ne pas verser dans la violence.
Cher Jacques, je vous ai ecrit une lettre.
Benoit Perrin.
bon….
HAHA Ha, t’as lu attali comme dirait A.
Bien sur, sa réponse est bien plus intéressante que son interview raté de chez ruquier.
Ce qui est sidérant, c’est l’incapacité de gens de culture tel que lui à aller à l’essentiel , pour preuve :
« Cela veut dire que la démocratie ne se réduit pas à des élections libres ; elle suppose une véritable transparence, une symétrie de l’accès à l’information et des contrepoids aux pouvoirs des riches, en particulier dans les médias. Cela reste largement à penser et à construire ».
Autant d’années à conseiller les puissants , et pas trouver le temps de songer à ce qui rendrait les médias INDEPENDANTS… ( bizarre ?)
Cette incapacité à aller à l’essentiel est dûe , à mon avis , à une incapacité temporaire à dépasser sa propre culture.
En tout ca, c’est tout le bien que je lui souhaite.
Si on avait mis l’accès à l’information au même niveau que l’accès à la formation élémentaire , si on en avait fait un droit pour tout un chacun, droit financé par l’état tout en laissant le choix des moyens d’information aux citoyens , les choses n’en seraient peut être point où elles en sont aujourd’hui.
A savoir, une opinion publique formatée et non respectée dans son droit à l’accès à la vérité donc passant forcément par l’expression LIBRE de la diversité des points de vues.
Un oubli.
Ci-dessus, 8 h.18, la chanson :
est de Gérard de Palmas, 2002.
Interprétée par Johnny Halliday, à chaque fois que je l’entends elle m’arrache les larmes des yeux. Pour moi, elle évoque Jésus, la veille de sa crucifixion, qui adresse son ultime prière à Marie, sa mère. Un Christ humain qui a peur et qui pleure…
Le marché corrompt la démocratie en s’emparant des médias …
BRAVO m’sieur attali , il a tout compris!
Avec un train de retard comme d’hab ( je rigole…) .
C’est POURTANT pas faute d’être instruit , pas faute d’être capable .
Un jour peut être, il nous écrira un livre sur les bugs de l’intelligence, et si l’argent a encore cours ;-), je l’achèterai aussi.
Bref, @ l’intelligence faut il préférer la sagesse ?
@ l’humilité faut il préférer la suffisance?
et au respect faut il préferer l’ironie ?
Surement pas de régles de bases en la matière , juste parfois des conseils…. CONSEILS, certes, toujours inutiles dans une société sans mémoire qui aveuglement cherche à s’inventer un avenir.
La crise, et avant ?
http://leweb2zero.tv/video/docmorzy_15453c7dbb1b078
@ Loïc Abadie (15/12 – 17h08),
il faut avoir le coeur bien accroché pour lire votre message juste après celui de 2Casa. On peut raisonnablement penser que vous ne l’aviez pas lu – mais ils se sont sans doute croisés – quand on tombe là-dessus, et reste qu’on a immédiatement, dans l’apposition des messages, la démonstration que vous faites une généralisation abusive : « Lorsque je place mon patrimoine en placements d’abri, je fais aussi un pari sur les prix : j’espère pouvoir acheter des actions ou d’autres actifs pour moins cher dans quelques temps, le temps que la crise se soit amplifiée. Nous faisons tous des paris de ce type, que ce soit en achetant un actif patrimonial, en vendant ou en ne le faisant pas, et nous sommes donc tous des spéculateurs. »
* Non, nous ne nous adonnons pas tous au boursicotage. Qu’on soit d’extrême gauche ou pas, on peut l’éviter, on peut refuser de le faire, on peut aussi ne pas en avoir les moyens ou même ne pas en avoir l’idée, a fortiori ne pas avoir pensé qu’on peut aussi jouer à découvert, pourvu qu’on le veuille.
Savez-vous qu’il existe encore des gens qui ne cherchent pas à s’enrichir ? Savez-vous que, même parmi les gens très peu aisés, même chez les clochards, et peut-être plus encore que parmi les gens moins misérables qu’eux, la majorité du temps les choix économiques ne consistent même pas à optimiser un minimum sa fortune ?
Je jette systématiquement toute réclame commerciale qui arrive dans ma boïte aux lettres. Non pas pour parier que je perdrais mon temps – qui vaut tant d’argent – en cherchant mille et une manière de payer moins cher. Mais parce que je suis sûr à 100% que je ne veux pas de cette pollution dans mon esprit.
* Pour parier, il faut : 1. exprimer un choix conscient, tant que l’enjeu existe ; 2. être deux au moins ; 3. annoncer à l’avance sa prédiction, à voix haute et intelligible pour son complice ; 4. s’entendre avec lui sur la somme mise en jeu ; 5. que le pari se solde par un paiement dans un sens ou dans l’autre.
Autrement dit, il faut constituer un marché de gré à gré, sinon organisé, sur lequel offre et demande s’expriment et se traduisent en flux de monnaie ou autres titres ainsi rendus liquides.
« Interdire les paris sur l’évolution des prix », dans le propos de Paul du moins, implique évidemment une loi ou autre type de norme juridique. Quand bien même un régime « socialiste » interdirait la liberté d’opinion, il y a un gouffre de là à sa capacité d’empêcher de penser tout court.
Vous faites donc une généralisation très abusive sur la notion de parti, et c’est elle qui vous mène logiquement à conclure que la proposition critiquée revient à interdire carrément et généralement la propriété.
* Tout ce que je possède, j’en fais usage. Et c’est la seule forme de propriété que je considère légitime. Je n’accepte pas cette manière de confondre des actifs financiers et des biens d’usage.
On peut « interdire » efficacement la spéculation immobilière, par exemple, sans interdire la propriété immobilière, bien au contraire. Il suffit d’interdire de louer sa maison à quiconque. Soit on l’habite, soit on la prête, à un proche, à un tiers, soit même on la laisse vide. Quand on veut la vendre, on la vend.
* « Sur les marchés à terme, les « spéculateurs » sont une contrepartie indispensable aux acteurs qui souhaitent s’assurer contre une variation des cours : sans eux, le marché à terme n’existerait pas. »
Je connais un « marché à terme » : il y a des réseaux de coopératives, qu’on trouve notamment dans les cambrousse environnant les grandes villes. On leur commande à l’avance des légumes, de la viande, des oeufs, … Cela donne aux producteurs une visibilité qui les aide bien. On paie à la livraison ; le prix fluctue un peu, comme partout. Leurs clients ne sont pas des spéculateurs : ils veulent manger, bien et à prix juste et justement rémunérateur ; ils forment de fait une société d’assurances pour ce réseau de producteurs.
La fonction d’assureur est essentielle dans une société, mais comme avec la monnaie, il faut voir à quoi et à qui tient la confiance. Personnellement, je suis pour laisser cette fonction en grande part au public – ce qui ne signifie pas nécessairement l’État : des communautés peuvent s’organiser à plus petite échelle.
Mais indépendammment de ça, on ne peut pas continuer à laisser transformer des produits d’assurances en actifs échangeables, sans parler de les laisser s’échanger à souhait et à tout va. C’est un mécanisme totalitaire, de diluer / mobiliser / capter / … faire danser ainsi « la confiance » des masses, prenant tout le monde au piège / faisant dépendre tout le monde de tout le monde tout en retirant à chacun sa liberté d’action individuelle comme son pouvoir d’agir pour changer les choses. Qu’on cause de monnaie ou d’actifs financiers, il est urgent que la contrepartie de tout ça et le siège de la confiance puissent être identifiables et stabilisés, faute de quoi il n’y a pas de société qui tienne.
* Pour le reste, je suis plutôt d’accord avec vous s’agissant de la nécessité et de la manière de réformer le régime monétaire afin qu’il cesse d’alimenter des bulles. Mais je ne vois certainement pas là la seule voie de changement à apporter.
@samedi: vous avez peut-être raison concernant les factions politiques à Athènes. Je vais essayer de retrouver où j’ai bien pû lire ce que j’ai affirmé. Néanmoins, dire que les partis étaient interdits à Athènes, cela me semble abusif (Pèricles n’était-il pas le chef du parti démocratique?). Je vais tout de même me renseigner un peu plus, car j’avoue ne pas maîtriser le sujet.
@ Mr Abadie
J’avoue ne pas comprendre le « je suis libéral » et « ce serait une mesure d’extreme gauche »…
Lorsque j’étudie les mérites et démérites des opinions de chacun, je me fous de savoir d’où il parle. Ceci intéresse peut être le sociologue. Moi, ça ne m’intéresse pas. Les réflexes pavloviens des militants, quels qu’ils soient, ne sont pas ma tasse de thé. On peut être d’extrème gauche et saisir quelque chose d’essentiel. On peut être islamiste et saisir quelque chose d’essentiel. On peut-être d’extrème droite et saisir quelque chose d’essentiel. Je ne parle pas là du corps de la doctrine. Une proposition n’est pas bonne ou mauvaise parce-qu’elle est soutenue par X ou Y. Une proposition est bonne ou mauvaise parce qu’elle est bonne ou mauvaise stricto sensu.
Pour ce qui est du rapport entre démocratie et libéralisme. Je tombe des nues, sincèrement. Pour faire simple:
1/
L’idée de démocratie, intuitivement, est rattachée à celle d’égalité. Il y a autant de conceptions de la démocratie qu’il y a d’interprétations de ce qui doit être égal: les ressources? le bien être? les chances (quelle variante d’égalité équitable des chances?) les capabilités? Les biens premiers (qui ne sont pas tous matériels)? l’exercice du pouvoir politique? etc etc…
2/ Si l’on s’en tient au « démocraties libérales »:
Il existe une contradiction radicale entre la démocratie et le libéralisme politique:
Le libéralisme tend à autonomiser des sphères les unes par rapport aux autres: le Politique, l’Economique, l’Artistique, le Religieux, etc etc… dans un tel modèle, on finit même par se demander ce qui regarde l’Etat… Au contraire la démocratie tend à tout politiser, à faire de tout un enjeu de débat sur la place publique.
Cette contradiction n’est évitée que par les libertariens, qui ASSUMENT contrairement à vous l’incompatibilité radicale non pas entre la société de marché et la démocratie mais entre le capitalisme et la démocratie. Pour les libertariens il n’y a pas de justification d’un pouvoir central légitime possible donc pas de contradiction.
L’idée d’un accord spontané et naturel entre libéralisme économique et démocratie est tout simplement fausse. Le libéralisme économique est associé à la théorie utilitariste (visant « le plus grand bonheur du plus grand nombre »), qui n’est pas démocratique. C’est l’association des deux qui a produit ce qu’on appelle la « welfare economics » et a servi de caution morale aux libéralisme économique.
3/ La démocratie est un régime parmi d’autres, un mode d’organisation de la coopération sociale parmi d’autres. Le fantastique renouvellement de la philosophie politique anglo-saxonne depuis les 30 dernières années, comparable à ce qui s’est produit à l’époque des Lumières, s’inscrit évidemment dans un projet d’amélioration de ce qui vous paraît à vous indépassable.
Cf le baratin habituel « on ne connait pas de meilleur regime blablabla blablabla », qui correspond à peu près à ce que les monarchistes devaient objecter à Sieyes, Rousseau, Robespierre, Locke…
De plus la démocratie est une production « culturelle » (il ne suffit pas de mettre en place des élections libres pour que ca fonctionne). Soyez gentil de bien vouloir concevoir que les idées d’égalité ou de liberté ne sont pas importantes pour certaines d’entre elles (toutes celles qui ne sont pas marquées par la tradition abrahamique). Et que d’autres valeurs puissent passer AVANT (avant même la justice sociale) dans d’autres cultures, qui interdisent de fait le mode d’organisation que vous appréciez et que vous n’avez pas à leur imposer. Mais il est il est vrai que les communautariens ont montré que le « libéralisme politique » est de fait un séminaire d’intolérance.
4/ Il n’y a pas d’un côté les gentils libéraux et de l’autre les méchants gauchistes.
De fait, il y a au minimum 3 positions: les libéraux qui ne s’intéressent qu’à l’individu (liberté comme capacité de choisir), l’extreme-gauche qui ne s’intéresse qu’au travailleur (liberté « réelle »?), et les republicains qui ne s’intéressent qu’au citoyen (liberté comme non domination, de Machiavel à Rousseau).
Je vous fais grâce de la demi-douzaine d’autres courants (catholicisme social, real-libertariens, liberaux égalitariste, utilitaristes, communautariens… ). L’interdiction des paris sur l’évolution des prix pourrait très bien être soutenue au sein même de ces courants, à chaque fois pour des raisons DIFFERENTES (qui auraient des implications sur sa mise en oeuvre). Et même par des libéraux authentiques d’ailleurs (cf la proviso lokéenne).
Bref soyez gentils d’éviter de nous parler de deux « camps » qui sont en fait jumeaux, et qui ne sont que le produit de la philosophie politique moderne. Mais le fait que communisme et capitalisme partagent des prémisses communes rejetées avant eux par les classiques, cela vous l’ignorez bien entendu.
Vous me faites parfois l’effet, d’un survivant de la guerre du Vietnam qui ne saurait pas que la guerre est finie, et qui continuerait seul sur son île à mener sa guerre contre des fantômes.
5/
Les prix ne sont pas fixés par le jeu de l’offre et de la demande mais par le jeu des rapports de force entre puissances.
Par ailleurs le marché n’est de toute façon pas efficient. Le marché efficient est un mythe. Il est saturé d’externalités, qui ne sont pas l’exception MAIS la règle. Cf toutes les discussions qui ont tourné autour de la justification du principe de la concession relative minimax dans la théorie des jeux.
Il y a une différence entre l’efficience et la justice. La vertu première des institutions sociales dans le libéralisme politique, c’est la justice, non l’efficience.
Des différentes théories qui cherchent un compromis acceptable entre justice et efficience, la plus stable est celle de J.Rawls (qui n’est pas ce qu’on pourrait qualifier de marxiste… et qui restera le plus grand philosophe politique du XXe siècle, du niveau d’un Aristote et qui est de fait le théoricien de la « démocratie libérale »). Il s’agit du « principe de différence » très souvent très mal compris d’ailleurs puisqu’en fait ce n’est pas le principe de différence tout seul mais le principe de différence associé à d’autres principes dotés d’une priorité lexicographique. Conclusion à laquelle parvient également Van Parijs par d’autres moyens.
DE MEME que le capitalisme, l’Etat-Providence est incompatible avec la démocratie (ne serait-ce que parce qu-il corrige les inégalités éventuelles ex post ante): ce n’est pas le cas de la société de marché ou d’une économie planifiée, dont le choix dépend de la culture historique des peuples. Dixit le même Rawls, auteur de « libéralisme politique ».
6/ Vous avez parfaitement raison de demander une clarification sur ce que Paul appelle « pari sur l’évolution des prix », indépendamment de savoir si l’exemple est bon ou pas (le logement n’étant pas un bien parmi d’autres). Mais l’interdit ne vaudrait que pour un etablissement financier ou une banque, mais pas pour un petit propriétaire. Après tout la question n’est pas de savoir s’il est interdit de spéculer purement et simplement, mais à qui il est interdit de spéculer sur quoi et dans quelles conditions (par exemple il y a une différence entre vendre sa maison au prix le plus haut du marché et jouer à la roulette, mais ceci réquière une ébauche de théorie du risque articulée à une théorie de la coopération sociale ou du conflit). Je retiens votre idée sur le crédit mais ca ne change rien au fait qu’on ne devrait pas autoriser les personnes/institutions à jouer des reconnaissances de dette comme si c’était de l’argent.
Merci Benoit (bêtement content de savoir que ma miniature de Jacques, à l’eau douce, vous ait plu)
Je partage avec vous ce rejet des solutions passant par le concept de ‘totalisation’.
Comme si l ‘avancée vers une super intégration, une globalisation, une mondialisation, un mélange des cultures, un nivellement général, était, en soi, une solution.(ceci étant la sanctification des particularismes locaux me hérisse tout autant)
Qu’opposer à la gentille vision d’un gouvernement mondial, avec une monnaie mondiale et un droit mondial produisant un homme ‘mondial’ : ça n’a jamais été tenté ! et c’est dégoulinant de rationalité et de bon sentiment ???
C’est un peu la mentalité ‘socialiste’ qui consiste à diluer un problème dans un ensemble plus vaste au lieu de l’affronter pour le résoudre. (Mais J.A. n’est pas un vrai socialiste … -dans ma bouche c’est un compliment-)
Mais Benoit, votre style ne m’est pas inconnu … on a dû dialoguer ailleurs … avec un autre pseudo …
@ Candide
Oui, en effet, il semble que nous percevions ce qui se passe de la même facon. L’image du TGV est très forte.
Je la fais mienne.
Il semblerait que les hommes n’apprennent que par l’épreuve : il faut que la rame leur soit passée sur le corps !
Qu’elle soit passée sur le corps de Papa ou de Grand-papa ne suffit manifestement pas à transmettre la sagesse à leurs descendants. Alors que dire des nouveaux dangers que l’humanité n’a pas encore expérimentés ?
Brrrrr…
Parfois, j’aimerais me réveiller dans un siècle passé. Je ressens trop l’avenir proche, et je n’ai aucun doute à son sujet : il est tragique.
Je suis collé au lit avec la fièvre. Heureusement, sous mes yeux, par les fenêtres volètent les papillons (magnifiques sous les Tropiques) autour des fleurs par centaines. Et le sourire de ma charmante compagne thaïe. Son sourire me butine l’âme, de l’aube au coucher.
Avec elle, j’ai eu envie de vivre. De ne plus partir.
Comment puis-je me sentir aussi heureux – avec elle – et aussi malheureux – avec la Terre qui se meurt ?
Oui, en meme temps, simultanément, ces deux sentiments extrèmes m’habitent. Sans relâche, sans le moindre répit, meme en sommeil.
Merci Candide, pour ces échanges humains d’au-delà des continents.
Benoit.
J’espère reprendre bientôt l’écriture… en 2009 ? 😉
@ Oppossum
Croyez-vous que nous nous connaissions ? Que vous m’ayez deja lu ?
[…] Jorion dit : 15 décembre 2008 à 22:41 Vous avez des choses à dire Monsieur 2Casa, et une fort belle plume. Alors, vous savez ce que […]
@Tigue
» Ailleurs, beaucoup plus, mais…exotique. »
On la retrouve ici http://www.recherche-clinique-psy.com/spip.php?article168, c’est ça « exotique » ?
@ benoit
« Ô Marie » – Live au « Parc des Princes » par Johnny Hallyday (2003)
@Antoine,
je vous remercie pour votre brillante et érudite contribution. Cependant je crains que votre intervention reste sans effet, et que l’interlocuteur auquel elle est adressée ne prenne même pas la peine de vous répondre.
Ce n’est pas que M. Abadie ne le souhaite pas, c’est que malheureusement il n’en n’a pas les moyens …Quoi ? Comment ? Ghostdog, comment-osez-vous insinuer…
En fait, je n’insinue rien, je constate simplement qu’il y’a quelque temps, je fus aux nombres de quelques-uns qui tentèrent sur ce blog d’ouvrir un débat avec M. Abadie concernant « le background » philosophique étayant ses propos.
(qui parfois frôle tout de même un peu le délire…http://tropicalbear.over-blog.com/10-index.html)
je cite :
« Une fois n’est pas coutume, je ferai exceptionnellement un petit commentaire assez politique contre cette floraison de plans de relance et la pensée unique étatiste qui sévit sur l’ensemble du monde occidental depuis des décennies. »
ahum…
A ce jour en tout cas, nous n’avons aucune réponse. ( n’est-ce pas Jean-François ou Pierre-Yves ?)
Et pour cause, M.Abadie ne possède aucune connaissance de philosophie politique, vous lui parlez de Rawls ou de Locke… pensant « déchirer le voile de l’ignorance » (je sais c’est facile), sachez qu’il n’en est rien.
C’est une perte de temps, M.Abadie analyse les courbes, les chiffres, les vagues, il conseille, c’est un gestionnaire.
Ne lui parlez pas de philosophie, cela ne fait pas partie de son horizon…Manque de lectures ? de curiosité ?
Je ne sais, et d’ailleurs cela m’importe guère…
La réponse la plus pertinente fut certainement celle apportée par Paul dans son billet en forme de reconnaissance filiale.
Je crois que la posture dénoncée du petit rentier convient parfaitement à M.Abadie, si elle ne lui est pas directement adressée…( sans blague ? ouarf,ouarf,ouarf).
Simple dans l’expression, elle a le mérite de ne pas se présenter sous la forme d’une analyse philosophique que notre pauve ami ne peut comprendre…
Et croyez-moi, je sais ce que c’est…Mon indigeance en ce qui concerne les questions plus techniques qui fleurissent souvent sur ce blog me contraint souvent au silence. Arghhhhhh…CDS,CDO, tauxd’intérêt, monnaie… je ne possède pas les connaissances qui me permettraient d’avoir un avis intelligent et intelligible. Alors je me tais, je lis et j’essaie d’y comprendre quelquechose !
Au fond M. Abadie manque d’humilité, ce qui d’après Paul, se traduit sociologiquement parlant par « une assurance de classe ». (in La Crise par Paul Jorion, P 121).
D’où on aimerait en savoir un peu plus sur les origines sociales de notre « petit rentier »….
(étant une affreuse gauchiste, je m’intéresse à la sociologie).
Bonne journée à tous !
Je trouve un peu dommage tous ces jugements de valeur sur les supposées opinions politique/idéologique de certains contributeurs.
Je trouve hautement intéressant que messieurs Abadie et Attali viennent nous délivrer leur point de vue ici-même, c’est bien la preuve que la démarche de Paul est la bonne.
C’est bien la preuve qu’en partant de points différents ont peut arriver aux mêmes conclusions.
Pour ceux qui pronnent la diversité culturelle, je trouve certains commentaires bien réfractaires.
Ces opinions divergentes devraient être considérées comme une bouffée d’air, il n’est jamais bon de se conforter dans son petit microcosme, sauf a devenir comme ceux que nous dénonçons.
@2casa, la réponse de Paul Jorion (avec la référence à Jack London qui fut un des premiers américains à faire fortune dans l’écriture) est la preuve qu’il ne t’a pas compris par contre on peut remarquer que jacques à dit qu’il l’a très bien compris… 🙂
Que la finance est que tout ceux qui gravitent autour, et bien qu’ils CREVENT !!!
@ Place de la Concorde:
Je partage votre avis.
Une nouvelle ère commence !
Ma réponse à Mr Attali va venir… mais je préfère y réfléchir un peu avant… la partie sur la « l’interdiction des paris sur la fluctuation des prix » me paraissant pour le moins… curieuse, ou délirante.
Bonjour,
Quelqu’un aurait-il un avis éclairé à propos de cet article :
http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/12/13/les-emprunts-d-etat-pourraient-ne-plus-faire-recette_1130719_1101386.html
Je m’explique :
Cela fait plusieurs mois que j’y pense : je ne crois pas que cette question ait été évoquée ici, du moins de façon frontale.
En résumé, en ce moment les États empruntent des sommes colossales, le but étant d’éviter les risques d’une déflation.
La déflation est brandie comme étant l’ultime menace, Bernanke fait partie de cette école qui interprète la crise de 29 comme résultant d’une déflation, causée par la mauvaise gestion du trésor américain qui aurait contribué au blocage du système économique. Le but avec la crise de 2008 serait donc de ne pas reproduire les mêmes erreurs, ce en déversant du dollar au maximum autant que possible et tant que c’est possible. Des gens apparemment compétents et très à la mode en ce moment pensent de même (cf Roubini).
Pourtant ce qui serait logique, ce serait une inflation : en quoi peut-on croire que les USA sont solvables ? Au cours de ces dernières semaines tout le monde c’est rabattu sur des obligations du trésor. Mais est-ce un acte de désespoir ou bien un acte raisonné ? Si il est vraiment logique de se rabattre là-dessus, qu’est qui permet d’appuyer cette thèse ? Objectivement qu’est que les USA ont pour garantir le remboursement de leur dette, qui si l’on admet qu’elle est importante maintenant, va devenir colossale au cours des deux années à venir ?
Ma question précise est donc celle-ci : les gens ne se rabattent-ils pas sur des obligations du trésor par réflexe ?
Un réflexe n’est pas réfléchi. N’étant pas réfléchi, cela signifie que cet acte n’est peut être pas en phase avec le monde tel qu’il est aujourd’hui : se rabattre sur des obligations émises par des états n’a aucune raison d’être si l’on analyse ce qu’il se passe vraiment.
Les conséquences de cela, je vous laisse les imaginer : plus d’États (puisque en faillite), cela signifie « état de nature ».
Quand je regarde ce qu’il se passe, je me dis que le dollar va forcément devoir changer de statut : cette monnaie ne peut plus être une référence. Mais pourtant, quand je me dis que le dollar est appelé à céder sa place, au même instant mon esprit est plongé dans quelque chose d’inconcevable. Le paradoxe c’est que ce futur inconcevable, il est inconcevable qu’il n’advienne pas tôt ou tard : l’article que j’ai mis en lien vient corroborer ce que je pense depuis déjà quelques temps.
Suis-je le seul à penser cela ? Lorsque la commission européenne a envoyé valser les règlements concernant les déficits budgétaires, n’était-ce pas une manière de dire :
« allez y gavez vous tant que vous pouvez, empruntez, prenez ce qu’il y a à prendre, parce qu’ensuite il n’y aura plus RIEN… »
PS
Je ne sais pas si c’est le bon endroit pour poser cette question, mais je justifierais ça de la manière suivante :
La crise et après ? Moi je dis et si après il y avait le chaos ?
De fait l’intervention de Loïc est meilleure que celle de J. Attali en ce qui concerne l’interdiction des paris sur la fluctuation des prix. Elle pose clairement le problème. Qu’est ce que cela peut bien signifier? Et de ce point de vue il a raison de poser la question même si à sa décharge il est un peu « maladroit » ^^.
J. Attali botte en touche. Je trouve ça dommage. J’espère qu’il va réellement creuser la question et que ce n’est pas une manière d’enterrer l’idée.
@ Moi,
j’avais précisé que les partis étaient (auraient été) interdits sous les régimes démocratiques (l’Athène antique ayant connu plusieurs tyrannies).
Maintenant, je peux me tromper aussi.
Il y a un très bon bouquin sur Athènes que je viens de me procurer, d’un certain Hansen.
Il est dans l’intérêt bien compris des USA d avoir des gens à leur chevet. Et de dire « si nous plongeons tous plongeront avec nous ». C’est vrai, mais il y a une différence. Eux se remettront plus vite. Et pour TOUS les autres états par la suite en revanche ce sera un bordel chronique. Les européens sont idiots: c’est le moment, au strict plan géopolitique, d’achever la bête. On gagnerait plus à moyen et long terme à renforcer nos liens avec la Russie.
Les premiers qui vendront leurs bons du Tresor vont le payer cher. Mais ils initieront une réaction en chaîne qui mettra fin à la domination planétaire US. Les chinois leur tireront peut-être, de rage, une dernière balle bien placée. Je ne vois pas comment ceci, tôt ou tard, pourrait ne pas avoir lieu.
En relisant mon message, je relève deux fautes de frappe et je ne sais pas si je suis suffisamment explicite, en résumé ma question est donc :
QU’EST-CE QUI VA POUVOIR EMPÊCHER DES ÉTATS COMME LA FRANCE, L’ALLEMAGNE OU LES USA DE FAIRE FAILLITE ???
ça va avoir lieu, donc on est d’accord : mais je me demande vraiment quelle forme ça pourra prendre…
J’ai beaucoup de mal à voir pourquoi et comment la France ou l’Allemagne feraient faillite, faudrait être plus explicite, Walter…
Ou alors c’est le monde entier qui va au chaos…
http://fr.youtube.com/watch?v=H2G1rgVE2cA
Ferrer Nino – Le Sud
Uploaded by Salut-les-copains