Dans la série « billets invités », j’ai demandé à « samedi » de développer le commentaire que lui avait inspiré la chute de l’industrie automobile américaine. C’est à la fois une analyse et un témoignage. Il soulève des points très importants. Nous attendons, lui et moi, vos commentaires avec impatience.
« Money time », et après ? Regard sur notre idéologie.
Le billet de Paul intitulé La mort de Détroit, abordait une de ces menaces énormes que la crise financière contemporaine fait peser sur l’économie. Une économie bien réelle : « c’est tout un secteur industriel – et non des moindres – qui s’effondre : toute l’automobile américaine qui ne survivra probablement pas à l’année 2008. […] La faillite des trois grandes firmes de Détroit représenterait la perte de 1,1 million d’emplois parmi les employés et 1,4 million dans les secteurs liés ».
En réponse à cette esquisse d’« épreuve de réalité », Thomas, qui ne perd pas le Nord dans une tempête qui souffle peut-être encore quelques vallées plus loin, lance ces questions tranchantes :
Et que pensez vous de produire pendant vingt ans de plus des véhicules de trois tonnes et de 6 litres de cylindrée afin que le banlieusard américain continue à brûler sans compter des hydrocarbures pour aller acheter des chinoiseries au Wal-Mart ? Pensez vous que cette folie puisse cesser en douceur ?
Francis le canadien, sur un autre front du débat , a le bon goût de rappeler que la faillite annoncée d’un pan immense de l’industrie nord-américaine – ou occidentale, plus largement, à en croire les symptômes financiers similaires perceptibles en Europe – ne tient pas qu’à un effondrement passager de la finance. Quand bien même la « perfusion » serait appliquée – prolongée, pourrait-on dire – qu’espère-t-on reconstruire ? Etant donné le vide sectoriel béant qui a été engendré à force de délocalisations, que va-t-on bien pouvoir encore produire au Canada, aux USA, en Europe ?
Faut-il enfoncer le clou en prolongeant maintenant ce bilan ? S’il n’est pas déjà trop tard pour le faire, il n’est certainement pas trop tôt. Tout en songeant que l’heure est déjà très avancée pour discuter des errements de la finance, on a beau s’appliquer à ne pas oublier que derrière, il y a une « économie bien réelle », force est d’admettre qu’on est encore plus en retard pour ce qui est d’évoquer les réalités que cache cette notion.
Mon métier consiste à concevoir et étudier des pièces d’aluminium, qu’il s’agit notamment d’alléger. Naturellement, je préfèrerais des automobiles bien moins lourdes et tape à l’œil. Sans parler de folies “américaines” – dont on trouve des exemples aussi par ici -, et avant de songer à supprimer la voiture du jour au lendemain, on devrait prendre le temps d’expliquer qu’il y a un tas d’éléments révoltants dans l’univers de la bagnole.
A commencer par des aberrations technologiques dont la longévité ne s’explique guère autrement que par un lobbying intense visant à maintenir des rentes de situation.
La voiture
Songez que, depuis l’invention de la voiture, on n’a toujours pas installé dessus des éléments permettant de récupérer l’énergie de freinage et de décélération. Tout ça part en chaleur, se perd dans l’atmosphère. Imaginez qu’on en récupère 90% (ce qui est tout à fait imaginable, pour peu qu’on y mette un minimum de moyens de développement pour l’industrialisation) : 1 + 0.9 + 0.9^2 + 0.9^3 + …, ça multiplie par 10 l’autonomie et, au final, le rendement. Pour 80% de récupération, ça les multiplie déjà par 5. Seulement, pour récupérer cette énergie (embarquée) il faudrait pouvoir l’utiliser au final dans le moteur. Or le moteur fonctionne avec un combustible, non pas directement avec de l’énergie électrique ou mécanique (stockée dans de l’air ou dans un ressort comprimés, par exemple). Bref, pour réutiliser l’énergie récupérée, il faudrait un autre moteur primaire, ou avoir un moteur hybride.
Mais le moteur à explosion est un choix déplorable pour une autre raison : fonctionnant sur un cycle extrêmement court, il est condamné à gâcher lui-même une énorme proportion de l’énergie, qui se perd en chaleur. La moitié environ, sur les moteurs d’aujourd’hui, qui sont pourtant de sacrées usines à gaz… aussi en matière d’optimisation. En effet, le principe même de son fonctionnement, qui repose sur une transformation “adiabatique”, veut que, la compression (du mélange) dans la chambre soit brutale, et qu’avant l’ “explosion”, la chaleur (apportée par la compression, même en l’absence d’inflammation) n’ait pas le temps de se dissiper dans les parois ; mais le contrecoup est justement qu’une énorme déperdition de chaleur s’en suit, au moment “passif” du cycle, où le cylindre n’est plus poussé. Qui plus est, elle chauffe énormément le moteur et il faut donc le refroidir en permanence pour stabiliser sa température à un niveau supportable pour les matériaux, pour ne pas qu’ils fondent ni que la chaîne cinématique ne se déforme trop.
Imaginez qu’un tel moteur soit remplacé par un ensemble comportant :
– en amont, un simple moteur, dont la fonction de ce moteur amont serait, non pas d’entraîner les roues directement, mais de comprimer lentement du gaz qui, lui, servirait d’énergie d’entraînement au moteur aval. Le cycle de ce moteur thermique étant tout à fait découplé de celui de la rotation des roues, et potentiellement très long, il serait possible de l’isoler thermiquement à près de 100%. Et au lieu d’avoir à le refroidir on utiliserait toute sa chaleur pour la transformer en énergie (potentielle) mécanique. Qui plus est, il n’y aurait plus d’imbrûlés dans le carburant. Et n’importe quel carburant ferait l’affaire, moyennant très peu d’adaptations. Ce moteur, d’une simplicité bien plus grande, aurait une masse assez nettement plus faible, du fait de l’absence de système de refroidissement, de catalyseur, de vanne EGR (les turpitudes qu’ont connu clients et garagistes comme constructeurs et assureurs, liées à l’industrialisation de ces équipements d’appoint qui sont pourtant des usines à gaz, symbolisent bien le fait qu’il s’agit de bricoler sur la base d’un choix technologie initial très peu optimal), …
– En aval, un moteur assez similaire au moteur à explosion, mais dans lequel les cylindres ne seraient poussés que par l’air comprimé en amont : plus d’explosion, plus de combustible dans la chambre.
Sur le papier, c’est la “voiture Guy Nègre” en version route (la version ville ne possèderait pas le premier élément ; l’air comprimé est rechargé à l’arrêt). Allez savoir si ce monsieur a fait rêver les gens avec du vent ou si les lobbies de la bagnole…
La pesanteur de l’idéologie gestionnaire
Mais le lobbying en question, c’est surtout l’inertie d’une vaste industrie employant des millions de personnes, qui perd bien de l’énergie à gérer des crises… et semble n’avoir jamais un rond pour faire quelque chose de vraiment nouveau. A qui la faute ? La « crise » sévirait-elle donc de si longue date ?
Les questions comme celles de Thomas, on les écarterait si facilement en ces temps d’urgence… Moi, je bosse dans l’industrie automobile ; je n’ai pas d’épargne, je suis locataire, … Alors je pense, forcément : plus d’un million de chômeurs, d’un coup… fichtre.
Urgence ? Mais celles et ceux qui voient de l’intérieur l’industrie de notre époque pourraient vous dire qu’en son sein, l’état d’urgence sévit depuis des lustres, tous les jours que Mammon daigne bien nous vendre.
Une armée de gestionnaires n’a de cesse de s’y activer, bilans chiffrés et autres grilles de « qualité » absurdes [1] à la main, pour dénoncer toutes sortes de choses, rationaliser, découper, réorganiser, dégraisser, … et quitter la place pour monter en grade. Toutes ces gesticulations s’opèrent sur un fond d’urgence et de nécessité présentés comme données incontestables. A la longue, l’armada des managers s’étoffe, le rythme de la rotation des postes et des restructurations s’accélère. Et tandis que nombre de postes, de métiers, disparaissent, tous les salariés qui restent sont entraînés, « mobilisés » de gré ou de force, dans le mouvement. Un mouvement qui s’étend par ailleurs aux clients ; tous ces pauvres qui mangent ou mangeront les « chinoiseries » achetés dans les rayons de Wal-Mart.
Ce même spectacle, ne le retrouve-t-on pas à la télévision ? Une horde de gestionnaires, responsables politiques, éditorialistes, économistes, s’y acharnent à longueur de temps sur une économie malade dont on devrait comprendre assez vite que ce bricolage incessant n’a pas pour but sa guérison, mais de lui appliquer une cure sans fin. Depuis tant d’années, les débats doctrinaires s’enchaînent dans les médias sur « le marché non faussé », l’ « interventionnisme », … A l’heure de la faillite, on mesure la grossièreté de ces constructions vides de sens au peu de temps qui a été consacré à les articuler aux réalités, sociales mais aussi techniques ou simplement matérielles, qui forment ce grand malade sur lequel ces idéologues, les financiers, leur police médiatique et leur armée de managers s’acharnent, avec d’autant plus virulence qu’ils le « gèrent » à distance.
Mais en écrivant ce papier, nous voyant ici occupés nous-même à débattre des systèmes monétaires et financiers, en parsemant les pages de quelques rares détails d’une économie bien réelle, je me suis fait cette réflexion : serions-nous déjà si bien embarqués « nous aussi » dans l’idéologie gestionnaire ? Combien de temps passé à prendre « à bras le corps »… la macroéconomie, en laissant de côté ce qui serait, tout de même, un témoignage très utile sur notre travail quotidien et un apprentissage de ce qui fait le travail bien vivant des autres ?
Il y a quelques années, je m’étais dit aussi : tiens, ni les politiques, ni les chercheurs, ni les professeurs, ni les journalistes, ni même les grands gestionnaires, ni les financiers, ne voient ce qui se passe en détail dans l’industrie. Qui donc l’expliquera au public ?
L’an dernier, j’ai entendu la star française de la gauche contestataire médiatique, Daniel Mermet, suggérer qu’en dépit des idées « reçues », certains patrons de PME sont critiques face à la dictature boursière. Mais le public sait-il qu’une proportion considérable de « patrons », dans les PME, mais aussi de managers, sans parler des autres acteurs de l’industrie, non seulement n’apprécient pas du tout la tournure de l’économie, mais s’accordent depuis longtemps déjà pour penser qu’elle va droit dans le mur. Seulement, peut-on attendre d’eux qu’ils changent de cap ? Faut-il être naïf pour penser qu’ils ont, chacun individuellement, la moindre latitude pour le faire ?
Quand, après avoir analysé les institutions, on dit que le monde est gouverné par les multinationales, ou par la finance, ce qui revient au même, on dit une triste vérité ; mais on n’a parcouru alors qu’un bout du chemin, plus exactement la moitié d’un parcours qui dessine un cercle fermé.
La loi du plus fort
Une multinationale, c’est une grande armée, dans laquelle tous sont prisonniers d’une même logique. Chacun y est aux ordres d’un autre, lui-même ne fait que transmettre des ordres qu’il ne peut discuter, soit parce qu’il les tient d’un autre, soit parce que la contrainte qu’il voit est si grossière que la voie semble toute indiquée, et les alternatives déraisonnables. A cette armée, il faut inclure aussi bien l’effectif complexe du chapeau financier que la chaîne immense des sous-traitants, et les consommateurs. Prenez ce cas emblématique du totalitarisme marchand qu’est Monsanto : ce sont surtout 5 millions de petits porteurs côté finance, et combien de « farmers » piégés, terrorisés, côté fournisseurs ? Là-dessus, combien de consommateurs captifs ? Combien de députés européens (pour ne pas parler de ceux qui ont un pouvoir réel dans l’Union européenne) résignés à l’idée que nous sommes obligés d’importer tous les tourteaux de soja, même si 95% du marché mondial, sur ce produit, est composé d’OGM ? La logique d’empire s’abrite sous la dictature du besoin, « le plus impérieux de tous les maîtres ». A quoi bon rappeler les nombreux éléments, de nature diverse, qui ont convergé pour nous mener là ? Quand on est gestionnaire, on gère, on fait avec. On peut débattre, mais quand les arguments moraux sont écrasés par des réalités implacables, on se demande si le débat a encore d’autres effets que de nous faire plier par la pensée à la même « loi » que subit le gestionnaire.
Au passage, quand Monsanto se donne pour but de « nourrir la planète », pas moins, ce n’est que ce qu’on peut attendre d’une entreprise qui, dans le merveilleux jeu de la concurrence, écrase déjà les autres. C’est un comportement irréprochable du point de vue de la logique idéologique qui domine de manière écrasante. Mais d’un autre côté, si on la voit comme une gigantesque multinationale, au poids économique supérieur à celui de bien des nations, et si l’on considère qu’effectivement, nos institutions ont été fortement adaptées pour faire régner les multinationales, on peut aussi bien qualifier cette attitude de complot pur et dur, et celle des manieurs d’institutions de haute trahison…
Ainsi, vu du domaine classiquement politique, la situation paraît être à ce point verrouillée, les responsables si impuissants, que la solution semble devoir être cherchée ailleurs. Dans l’entreprise. L’ennui, c’est que, vu de l’entreprise, la solution est à chercher ailleurs, soit dans le « domaine politique »… Autant vouloir, sinon, moraliser la finance en la laissant faire.
Dans l’industrie des sociétés occidentales, les évolutions dans la division du travail, liées notamment au morcellement des entreprises, avec sous-traitance en cascade, cloisonnements et restructurations à tout va, et à une idéologie gestionnaire de plus en plus fascisante et sa logique de “rationalisation” aveugle, qui se développent mécaniquement pour justifier le fait accompli de la dictature actionnariale, font qu’une proportion faramineuse des employés exercent, pour ainsi dire, une fonction parasitaire. Pour une personne qui fabrique ou qui conçoit, c’est un nombre considérable de managers, de commerciaux, d’acheteurs, de qualiticiens, d’experts comptables, de planificateurs, de surveillants en tous genres, de chargés de communication, de publicitaires, de monteurs de dossiers de demandes de crédits, de subventions, … Quand on me parle du soi-disant libéralisme, en agitant le spectre stakhanoviste d’ailleurs et d’autrefois, voilà ce à quoi je pense d’abord. De quelle cure d’amaigrissement parle-t-on ? De quelle inefficacité du « mammouth public » parle-t-on ? Et de quelle liberté pour « l’entrepreneur » bien réel ?
La productivité de l’ensemble est sans doute déplorable, mais dans une économie qui laisse de côté, de toutes façons, des tas de chômeurs, et qui, pour se focaliser en bonne partie sur des produits superflus, laisse de côté des tas de besoins réels – je pense en particulier à cette “ingénierie de la démocratie” et à cette vie démocratique tout court que ce monde du “doux commerce” continue d’empêcher de se développer – le problème ne se pose pas tant en termes de productivité. La productivité, à production égale, ce sont des robots qui prennent votre boulot mais des chômeurs vus comme un problème, et plus d’argent improductif, qui entraîne l’accroissement de la férocité des actionnaires et l’absurdité du management. Etc. Dans ces conditions, la course à la productivité ne mène à rien, n’a pas de sens, et la productivité devrait être le cadet de nos soucis.
Le modèle militaire
Au présent, je veux dire avant l’effondrement économique, un problème majeur est, donc, que cette division du travail et l’idéologie managériale associée ont développé très en avant un climat proprement fascisant, dans lequel chacun est le tyran d’autres et tyrannisé par d’autres, personne n’a le choix de faire autrement que suivre une voie absurde. Mais quand bien même il est clair pour chacun qu’elle nous mène dans le mur, le mouvement collectif laisse penser que tous sont d’accord. Notre nature semble nous faire penser d’abord que chacun est responsable. C’est beau, mais mon propos vise en particulier à rappeler que nous sommes dans un régime qui fait tout pour induire l’inverse.
La sainte concurrence, qui suppose en principe le nombre et la pluralité, veut elle-même qu’il faille tôt ou tard être le meilleur, puis le seul survivant, ou bien crever. L’excellence et autres slogans stupides de l’esprit d’ « entreprise » moderne, c’est ce qui vous fait valoriser des éléments futiles et même parasites, et dégraisser sans cesse ce qui produit, au mépris même des nécessités élémentaires du métier. Tant pis, d’ailleurs, si excellence et concurrence sont, en principe, des tendances contraires. [1] Cette guerre – comment la qualifier autrement ? – vous fait dire “nous” en parlant de votre employeur – vous auriez aussi bien pu dire « nous » en parlant pour le concurrent –, une entreprise anonyme qui vous jettera tôt ou tard, ne serait-ce parce qu’elle va crever tôt ou tard. Avant cela, à force de se tirer une balle dans le pied pour survivre encore un peu, l’entreprise – vous – aura fait couler des concurrents – fait souffrir des gens.
Une conséquence de cette logique de guerre absurde, d’impuissance générale combinée à une logique violente, est qu’elle apporte une idéologie totalitaire dans les esprits. Et pas que dans ceux des salariés. Une chose à laquelle on pense peu est qu’à force de faire de l’industrie occidentale une coquille vide dans laquelle, à la longue, seuls restent les gestionnaires en tous genres, les publicitaires et les contrôleurs, mais pas même la technique de métiers de base, les occidentaux dans leur ensemble se sont perchés dans une idéologie économique qui tient de la chimère. Tandis que leurs pendants chinois, indiens ou brésiliens, eux vivent pour la plupart à une autre échelle de la même forme de domination, qui véhicule une autre variante de l’idéologie associée. Cela me rappelle un “détail” du livre 1984 de G. Orwell, auquel la plupart des lecteurs ne prêtent pas attention : dans le monde de 1984, il y a un tiers-monde, qui sert de poubelle à bombes autant que de réservoir alimentant l’empire en denrées essentielles ; sans lui, les habitants des trois empires jumeaux ne pourraient pas vivre dans un univers entièrement factice, et les empires, complices, se livrer une guerre sans but et sans fin, qui alimente la terreur. Un empire contraint de se nourrir lui-même n’est plus un empire, et sa population ne peut plus fermer les yeux sur les nécessités réelles et vivre dans un rêve idéologique hanté de nécessités artificielles. En somme, s’il n’y avait pas d’esclaves chinois, le fanatisme néolibéral n’aurait jamais pu imprégner les couches “moyennes” et de plus en plus les couches “basses” de la population étasunienne, européenne, …
Avec le temps, de plus en plus mécaniquement, le piège totalitaire se referme, car les éléments institutionnels principaux du cadre – de la libéralisation des capitaux à l’établissement d’institutions (supranationales) supérieures, qui relèguent en façade les pouvoirs issus du suffrage universel – non seulement restent en place mais se développent, sans cesse, à des échelons toujours plus lointains, incontrôlables – comme pour retarder indéfiniment la grande bulle capitaliste en ajustant sans cesse « le politique à l’économique » (le mouvement impérialiste suit le mouvement colonialiste). Là encore, il faut remarquer que la logique de sélection et d’endoctrinement des individus s’appuie non sur la suppression frontale des pouvoirs / services qui étaient en place, mais sur l’établissement de nouvelles strates supérieures, décidé d’en haut. [2]
Investir pour espérer
Ce mois-ci, les usines situées sur le même site que le service achats de “notre” plus gros client, fameuse entreprise cotée au CAC40, sont entrées en chômage technique… “Notre” second plus gros client a baissé de 40% ses commandes. Deux de “nos” sites frôlent de nouveau la faillite – “nous” sortons de redressement judiciaire, après des années de pillage forcené ; “nous” avons licencié des centaines de gens, près du quart (mais “nos” repreneurs ont racheté d’autres entreprises). Mais ce ne sont là que des chiffres, de la « macroéconomie à l’échelle de l’entreprise ». Il y a tant de détails bien vivants dont il faudrait parler au public.
Tenez, mon boulot, au quotidien, au-delà de l’aspect technique, consiste à travailler gratuitement, des mois entiers, pour nos clients, à développer, concevoir, étudier entièrement des pièces de futurs véhicules ainsi que leurs méthodes et leurs moyens de production. Gratuitement, parce que nous sommes mis en concurrence farouche au stade même du devis ; c’est comme si vous alliez voir dix garagistes et pouviez exiger de chacun d’eux qu’il avance autant de fonds que nécessaires pour réaliser les travaux sur la bagnole avant même de signer le devis. Les thuriféraires de la dure loi du marché qui optimise l’allocation des ressources feraient bien de penser à ce point de détail… Il faut investir beaucoup pour seulement espérer qu’on étudiera notre proposition, avant de parler d’un contrat. Parfois, on retrouve ensuite notre travail dans les plans et les CAO des pièces allouées à nos concurrents… Qui eux sont moins chers surtout parce qu’ils n’assument pas tous ces coûts de développement. Et quand, enfin, parfois, un contrat est obtenu par « nous », le client ne s’engage que partiellement et temporairement sur les volumes à livrer. Il arrive couramment qu’une fois que la production est mise au point, il les baisse fortement, et passe le gros de l’affaire dans les pays « low-cost ». Qu’on me parle de légalité : si on ne se plie pas, on crève ; si on se plie, on crèvera plus tard, point.
Il suffit de réfléchir un peu pour comprendre que, dans le domaine technique, on a beau avoir un rapport client / fournisseur, on a besoin de collaborer. Or, la dichotomie en centres de coûts / de profit, le recours à la sous-traitance et son pilotage aveugles, avec une seule feuille de comptes, et bien d’autres éléments de cloisonnement, font qu’il est de plus en plus difficile de joindre les deux bouts. Mes collègues et moi avons beau assurer ce boulot si indispensable, dans ce contexte, qui consiste à travailler d’abord gratuitement pour les clients pour espérer se rattraper sur la production, en interne on appelle ça un “centre de coût », ce qui veut dire qu’on subit toutes sortes de pressions et de compressions, qu’il faut faire de plus en plus, de plus en plus vite, avec toujours moins. Or, dans l’univers gestionnaire, « ce qui ne se mesure pas n’existe pas ». Un grand classique : lors de l’étude du passage en sous-traitance, un tas d’opérations techniques à l’interface, et tous les frais associés, ne sont pas prises en compte. Le problème n’est pas seulement que les coûts sont masqués et les gains captés ainsi, mais qu’ensuite, lorsqu’il s’agit de travailler vraiment, tout ce qui n’a pas été comptabilisé n’est pas suivi, ni par le client, ni par le gros du management côté fournisseur. Pour parler affaires, le client exige « un seul interlocuteur »… mais une fois le contrat signé, il faut faire avec. Facile de comprendre que la pression descend facilement, mais aussi qu’on peut de moins en moins faire un travail de qualité, ou simplement pérenniser des métiers.
En d’autres termes, quand bien même vous concevez les produits, si vous avez été méprisé au chiffrage tous vos soucis sont pris ensuite par-dessus la jambe. Le fournisseur ne récupère pas seulement le travail réel à faire, il ne le fait pas seulement gratuitement, il a aussi face à lui un vide côté technique et en même temps un acharnement côté commerce, et côté « qualité ». Il s’en suit un tas de stress, de dilemmes, de cas de conscience parfois. Il s’en suit aussi que vous êtes naturellement conduit à vous occuper vous même de commerce, quand bien même vous êtes un cadre purement technique. Pour le reste, on a beau travailler le mieux possible, essayer de faire avancer ce schmilblick technique, dont semblent se ficher éperdument des acheteurs, qualiticiens et autres chefs de réunions qui pourraient aussi bien négocier des chaussettes, lorsqu’ils remplissent les cases de leurs grilles d’évaluation. Quand quelque chose ne va pas, techniquement comme commercialement, toutes les remontrances vous reviennent. Quand ça va, rien.
Les formes diverses du démantèlement
Une conséquence, donc, de ce régime, est que la partie productive de l’industrie est de plus en plus vide ; vide de gens, vide de compétences, de savoirs, de maîtrise, de temps pour suivre, … Et ça, ça ne se rattrapera pas à court ou moyen terme en injectant des liquidités. L’État appelé pour jouer les Zorro a ses limites, à ce niveau. Comme on ne compense pas des décennies de carence d’ “investissement” dans l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche, en décrétant soudainement qu’on va y allouer des dizaines de milliards.
Francis le Canadien a mis l’accent sur les délocalisations. Il me semble qu’il faut placer ce fait – gros et rude, certes – dans un contexte plus général. Celui d’un régime global de libre circulation des capitaux et des biens, mais aussi celui d’un mouvement général de mutations industrielles et d’un mouvement qui met dans son sillage des hommes qui travaillent, avant de les jeter sur le bord de la route. Focaliser sur les délocalisations, c’est aussi fermer les yeux sur tout ce qui précède.
L’opération de délocalisation pure et simple, celle dont on parle, a beau être cruelle, elle n’est en quelque sorte que la partie émergeante de l’iceberg, et la dernière étape qui clôt la longue série d’opérations du démantèlement, que je viens d’évoquer. J’irais jusqu’à dire que si on en parle, c’est que, comme dans le domaine politique, il s’agit déjà d’une décision irrévocable car… raisonnable, contre laquelle il est trop tard pour lutter car tout est déjà en place pour pousser à cette situation, sauf à maintenir encore un peu des perfusions.
Mais la mécanique totalitaire du management moderne aura sévi bien avant. Elle a pour but de maintenir la tyrannie du client, qui se résume surtout, au présent, au taux de profit de l’actionnaire invisible. Et celle-ci n’a pas de fin ; le capitalisme ne consiste pas à piller une fois et à repartir, il est un système contraint à se maintenir, donc un mode de domination qui s’étale, se pérennise… Bien avant la délocalisation, bien avant que quiconque en entende parler par médias interposés, les étapes du morcellement des entreprises, des services, de leur « rationalisation » / démantèlement / refusions, … auront fait beaucoup souffrir. Chacune de ces étapes engendre et se nourrit à la fois d’une mise en concurrence aussi bien externe, entre entreprises, qu’interne, entre individus.
Il faut aussi évoquer la mécanique de sélection qui accompagne ces restructurations incessantes de l’industrie. Car ces dernières ne sont pas seulement le produit de décisions préalables (traduisant à la fois les exigences de court terme de la finance et les délires gestionnaires des cadres payés pour justifier leur boulot qui consiste à « rationaliser », donc restructurer….), elles sont aussi le prélude à un nouveau durcissement du régime. La rotation rapide des services et dans les postes à hauts revenus, donc dans le management, engendre et se nourrit d’une sélection de plus en plus sévèrement axée sur l’idéologie dominante. On ne voit pas les laissés pour compte, mais on voit changer ceux qui occupent les postes. Les acheteurs, les qualiticiens et autres marchands aveugles qu’on « nous » met en face ont maintenant 25 ans, moins parfois. Par ailleurs, de plus en plus souvent, eux-mêmes sont sous-traitants de l’entreprise cliente, bien qu’ils aient des fonctions de managers intégrées chez elle. Ces gens ont beau être aussi compétents qu’autrefois, ils sont d’autant plus féroces que, jeunes, ils sont inconscients des dégâts comme de maints détails concernant les difficultés de l’activité qu’ils achètent ou observemt à travers leurs grilles de qualité. Leur prédécesseur aura été vite promu pour avoir bien pillé le fournisseur, et voilà que la nouvelle génération arrive déjà, de plus en plus féroce.
Il ne s’agit pas de responsabilités individuelles, ce cauchemar absurde et sans fin est une mécanique de plus en plus implacable. Alors oui, même très exposé, on en arrive à souhaiter que tout ça s’arrête.
En rappelant ces éléments du tableau, en rentrant – un peu – dans le concret de l’activité industrielle, on constate que le problème de l’industrie l’automobile est loin de se limiter aux effets de la crise financière. Ces derniers font très mal, à coup sûr, mais ils passent, pourvu que l’État et chacun fasse l’effort de relancer l’activité. Mais relancer quoi, quand presque tout est à reconstruire ?
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[1] On pourra lire à ce sujet Vincent de Gaullejac, La société malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social (Coll. Économie humaine, Éd. du Seuil, 2005).
[2] Lire à ce sujet l’analyse de Hannah Arendt, dans Le système totalitaire (l’un des trois volets de son œuvre Les origines du totalitarisme, parfois éditée par volets séparés).
53 réponses à “« Money time », et après ? par samedi”
Je remets ce com qui était dans un billet précédent de ce blog, il y est plus à sa place ici.
Il se trouve que je travaille dans l’industrie et suis censé y faire de l’innovation, en fait la façon dont les entreprises ou j’ai été en France et ou je suis en Allemagne prétendent innover est assez incohérente. En fait en tant qu’ingénieur recherche on nous parachute chef de projet, ce qui correspond à un mélange de bureaucratie et de travail de livreur de pizzas à se débattre avec des organisations totalement bancales et où le moindre problème est porté au crédit du dit chef de projet. C’est à dire que l’essentiel de son énergie se dilue dans tout ce qu’on veut mais certainement pas dans l’innovation. Quand une société prétend consacrer X % de son chiffre d’affaire à l’innovation, en fait elle impute majoritairement ce budget à des tâches qui n’en sont pas.
L’inflation de normes et de formulaires à remplir liée au manque décroissant de personnel nécessaire entraîne une exécution des tâches à la petite semaine gérée par un chaos de priorités se bousculant les unes les autres et se remettant en cause dans un mouvement perpétuel. Un mouvement brownien ou l’absurde le dispute à l’inefficacité, perte d’énergie, création de résistances passives.
Désormais le chef de projet doit être expert en tout, ingénierie, brevets, veille technologique, achats et supply chain, méthodes qualité, communication, planification, cost control …
Evidemment, c’est quasiment impossible et le résultat est une efficacité exécrable en fin de compte. Ceux qui sont censés avoir l’expertise de ces tâches se débinent ou font à moitié le travail, d’où des découvertes de cadavres ahurissantes quand on croit que tout a été fait.
Alors on fait en permanence le plombier ou le pompier pour dégripper la machine.
Les procédures établissent des tâches en série et les rêves des directeurs veulent du projet en tâches parallèles pour aller plus vite. Sans même évaluer les risques financiers que peut entraîner ce dernier mode dans certains cas.
Un autre exemple parmi bien d’autres, la mode est d’avoir un bureau en open space, un cauchemar où l’on est sensé réfléchir, rédiger des documents, dialoguer au téléphone ou avec des collègues, tout ça dans le brouhaha infernal des multiples discussions alentour, autant travailler dans un couloir de métro. Il y a pourtant des syndicats, des comités d’entreprise, des comités d’hygiène( CHSCT), ben non les patrons qui ont leur bureau individuel bien tranquille imposent en toute impunité des lieux de travail totalement insalubres à leurs cadres parce que c’est la mode de la soit disant communication. Ceci est fait en totale contradiction avec ne serait que l’intérêt d’une certaine efficacité ou créativité.
Pour ma part malgré tout j’ai eu des idées innovantes, brevets etc…, ça ne m’a pas rapporté mais même plutôt desservi, comme si j’avais déclenché de l’animosité. Par exemple, la dernière boite ou j’étais en France m’a viré sec pour faute grave, prud’hommes s’en est suivi. Entre temps ils ont déposé le brevet du dispositif (secteur médical), en évitant bien entendu d’y mettre mon nom en tant qu’inventeur, que j’avais inventé et ils ont récupéré 2 millions d’euros du ministère de l’industrie en posant le dossier au pole de compétitivité. Le directeur de la boite aura la gloire de voir son nom sur le brevet, habitude qu’il a eue aussi pour d’autres brevets et qui lui permet de frimer dans les salons du XVI ème.
J’avais aussi détecté des graves défauts sur des produits médicaux, j’en ai corrigé in extremis au moment où des hôpitaux s’en sont aperçus, ces défauts étaient présents depuis 20 ans sur ces produits. Un des produits présentait toujours un défaut critique que j’avais décelé, ils ont continué à le vendre en toute connaissance de cause, alors que j’étais en recherche d’une solution. C’est sûr faire de la R&D comme ça c’est pas fiable. Sachant que la qualité des produits en question n’est pas vérifiée par des organismes publics et que le seul contrôle fait par ces organismes porte sur la paperasserie qualité de la boite, les bugs de conception et de fabrication passent comme de l’eau dans une passoire.
Comme beaucoup de directeurs il a fait construire une usine avec archi parigot branché, ce bâtiment est une aberration, mais c’est son mausolée, sa cathédrale, à l’instar des pharaons ou empereurs africains.
C’est assez consternant de voir comme on porte aux nues l’innovation sans jamais interroger les critiques de ceux qui sont censés la faire. Vraiment il y a un problème concernant les conditions de travail infectes actuelles qui sont tout simplement les conditions de la production.
Je suis epoustouflé par la qualité du post de Samedi.
Quelle expression claire de ce que je ressens au quotidien dans « mon » groupe du CAC40….
Samedi, vous parlez de souffrance, mais si peu s’en soucient.
Je vois surtout beaucoup d’individualisme et avec le souci de chacun de gagner le plus possible pour pouvoir profiter des biens luxueux et variés proposés aux forts, sans trop à regarder des conséquences.
Ne faut-il pas collectivement aller jusqu’à l’écoeurement pour que puisse émerger ce qui serait l’équivalent de la démocratie pour le monde économique. Quelle autre force pourrait motiver ce regroupement d’individualités toujours plus disjointes qu’est la société occidentale moderne ? Mais par quels affres il va falloir passer ?
@ David,
Il y a un point dans l’informatique que tu ne cites pas, c’est la nouvelle frénésie d’organisation FO/BO (front office / back office), où le codage est sous-traité à des centres agréés CMMI3 (certification de qualité en industrialisation des productions), en Inde, au Maroc, en Roumanie ou ailleurs. Il en résulte une nouvelle couche de travail non productif, qui consiste à assurer la compréhension client/FO/BO. Évidemment, les retours du BO sont souvent foireux, mais c’est la faute du FO parce qu’étant CMMI3, les BO sont censés être zéro défaut. A l’arrivée, il parait que les coûts sont diminués. J’ai un doute sur le long terme, mais bon…
Mais ce qui me frappe et m’inquiète le plus, c’est la mentalité des jeunes que je vois arriver (puis souvent repartir) depuis des années. Ils sont diplômés, très sympas, drôles, en général bosseurs, mais totalement, complètement formatés selon l’idéologie (ou selon le « paradigme », pour parler comme les calés en sciences humaines) des deux dernières décennies, y compris ceux qui se présentent un peu comme « rebelles », par leur tenue ou leur attitude.
Fondamentalement, ils sont complètement individualistes ; ils ne comprennent pas la logique des actions collectives, et ne veulent pas y être mêlés. Certains finissent par suivre un peu, mais après des mois de couleuvres avalées, et de travail au corps à corps par quelques anciens pour leur ouvrir les yeux.
J’avais été sidéré il y a quelques années. Un chef (je refuse de dire « manager »), lors d’une réunion de département, nous avait expliqué pour justifier l’absence d’augmentations pour la piétaille, que le but de la société (méga SSII) était de faire des profits pour les actionnaires, et que donc gna gna gna, économies, efforts, etc.
Ça m’avait mis dans une colère noire, et le coup de grâce a été l’incompréhension de mes jeunes collègues qui n’avaient pas du tout été choqués. Ben oui, pour eux, le but d’une société est le profit, c’est comme ça que ça marche, et c’est normal que les actionnaires demandent une marge de 15%. Quand j’ai essayé de leur expliquer qu’une entreprise pouvait également être vue comme une organisation qui apporte une part de la production à la société en général, et que la rentabilité était certes une nécessité mais certainement pas un but, ils m’ont réellement pris pour un dingue, ou un crétin, ou les deux.
Pourtant ils ne sortent pas d’école de commerce, mais d’école d’ingénieurs ou de fac scientifique. Donc non formatés par leur enseignement, mais accros à la télé, aux séries américaines, aux jeux vidéos, aux blockbusters pleins d’effets spéciaux, etc. En fait des zombies qui n’ont aucun sens critique ni aucun velléité de contestation. Des moutons, qui se font tondre sans que cela ne les gêne.
L’année 2009 va être terrible, se serviront-ils enfin leur cerveau ?
Bonjour,
J’ai été particulièrement sensible au passage sur la course à la productivité.
Connaissez-vous les travaux d’André Gorz ?
Extrait de Ecologica :
« Que nous sommes, écrit André Gorz, dominés dans notre travail, c’est une évidence depuis cent soixante-dix ans. Mais non que nous sommes dominés dans nos besoins et nos désirs, nos pensées et l’image que nous avons de nous-mêmes. C’est par lui, par la critique du modèle de consommation opulent que je suis devenu écologiste avant la lettre. Mon point de départ a été un article paru dans un hebdomadaire américain vers 1954. Il expliquait que la valorisation des capacités de production américaines exigeait que la consommation croisse de 50 % au moins dans les huit années à venir, mais que les gens étaient bien incapables de définir de quoi seraient faits leur 50 % de consommation supplémentaire. En partant de la critique du capitalisme, on arrive donc immanquablement à l’écologie politique qui, avec son indispensable théorie critique des besoins, conduit en retour à approfondir et radicaliser encore la critique du capitalisme. Je ne dirais donc pas qu’il y a une morale de l’écologie, mais plutôt que l’exigence éthique d’émancipation du sujet implique la critique théorique et pratique du capitalisme, de laquelle l’écologie politique est une dimension essentielle. »
J’ai découvert au travers de ses écrits beaucoup de réponses aux questions soulevés dans ce billet.
Dans le même goût Nicholas Georgescu-Roegen me semble aussi intéressant (et précurseur…) :
http://classiques.uqac.ca/contemporains/georgescu_roegen_nicolas/decroissance/la_decroissance.pdf
Amicalement.
[…] Original post by inconnu […]
@ Scaringella (14 décembre 2008 à 11:21)
Je ne comprends toujours pas votre implication du vous dans cette question.
C’est l’humanité qui est tenu de tendre vers un nouveau paradigme !
L’humanité étant prise dans cette question au sens commun du mot : le genre humain, les hommes en général. Homme, humain.
Il aurait peut-être était préférable que j’emploie le mot civilisation…
@ samedi (14 décembre 2008 à 12:06)
Merci pour votre billet que j’ai d’ailleurs repris sur l’un de mes sites.
Je vous livre ici le commentaire de Redge (15 décembre 2008 à 0:45) appuyant ma première intervention plus haut :
… ainsi qu’une citation :
@ Franck Burgard (14 décembre 2008 à 13:44)
Subversif est un terme plus approprié de nos jours !
SUBVERSIF : Qui renverse, détruit l’ordre établi; qui est susceptible de menacer les valeurs reçues.
@ ghostdog (14 décembre 2008 à 20:50)
Merci pour le lien et son article « Gestion des ressources humaines et harcèlement généralisé » que je vais diffuser.
@ Crystal (15 décembre 2008 à 01:43)
Merci pour le livre « La décroissance ».
Peu avant de mourir, en 1943, Simone Weill avait esquissé, dans un texte magistral, L’enracinement, une Déclaration des devoirs envers l’être humain, destinée au Conseil national de la résistance. J’en reproduis les deux paragraphes sur la propriété, qui m’ont particulièrement marqué. C’est une conception à laquelle j’adhère assez.
Il me semble qu’il y a une base ferme contre la spéculation dan ce principe : qu’il s’agisse de biens immobiliers ou d’outils de production, la propriété ne devrait en être accordée qu’à ceux qui en font usage. S’agissant des seconds, il me parait évident qu’il y a nécessité d’adapter fortement le mécanisme du crédit – public. Où le besoin d’organisation libertaire rejoint la nécessité d’un État… démocratique, cela va sans dire.
Merci Samedi pour le texte de Weil.
On pourrait ajouter que la propriété concerne aussi le pouvoir, dont on voit bien actuellement que les notables l’ont et que les millions qui votent ne l’ont pas. Les strates de l’Europe confisque le pouvoir qui n’est plus collectif car plus du tout individuel, c’est à dire que voter ne change rien. Donc nul et illégitime comme le dit Weil. Les strates d’un gouvernement mondial que souhaite Mr Attali dans un billet voisin éloignera les milliards d’esclaves d’un pouvoir confisqué par les notables encore plus qu’aujourd’hui.
Les gains d’échelle de l’économie mondialisée actuelle sont un dogme. Toute les interfaces qui sont supprimées sont en fait du travail en moins pour tout le monde, de l’échange en moins, donc du commerce en moins, de la richesse en moins, du bien-être en moins pour chaque être humain, de la dignité en moins aussi. La preuve en est que la richesse se concentre dans toujours moins de mains. Les tenants d’une organisation du monde centralisée ne semblent pas conscients qu’en supprimant toujours plus d’interfaces de travail ou de pouvoir réellement possédées par chaque humain il suppriment aussi les relations humaines et favorisent la encore la transformation des humains en loups les uns pour les autres. Quand les humains ne sont plus pairs, ils sont étrangers et s’entretuent.
Revenir à une dimension humaine génerera des frais? Et alors, ces frais seront des salaires, du travail etc. Si chaque fabricant de jouets chinaois était obligé par la loi d’avoir une usine de fabrication dans chaque pays ou il exporte, et pas seulement un service commercial sous-traité, il ne serait plus nécessaire à personne de tirer les salaires vers le bas. C’est dáilleurs ce qu’exigent les chinois de nos industriels. Et si ils ne veulent pas vendre dans certains pays celà laissera de la place à d’autre. Evidemment celà ne plait pas à ceux qui empochent les 30% de bénéfice sur le dos des esclaves chinois indiens et autres.
@ Samedi,
J’irai plus loin – et surtout de façon plus précise et un petit peu moins métaphysique – en affirmant comme axiome capital que le besoin de propriété privée découle directement de notre instinct fondamental de conservation, en ce que ce besoin nous permet (quand il est satisfait) de nous créer un véritable espace vital*, c’est-à-dire un espace voulu comme sanctuarisé et propre à garantir notre survie en nous mettant à l’abri des dangers extérieurs.
L’humanité s’étant quelque peu affranchie de son organisation tribale primitivement indispensable à mesure qu’elle maîtrisait davantage son environnement, et donc les risques extérieurs vitaux inhérents à celui-ci, l’individu a peu à peu pris le pas sur le groupe et les besoins de propriété se sont individualisés. Exit la caverne commune avec le feu, place à la maison individuelle ou à l’appartement.
Il convient de noter que le besoin de propriété privée fondamental, qui concerne effectivement le logement, est actuellement de plus en plus difficile à satisfaire pour les plus pauvres, ce qui a des répercussions gravissimes non seulement au niveau pratique, mais aussi au niveau psychologique (cet instinct relevant de l’inconscient) car cette difficulté à (ou impossibilité de) se loger précarise totalement ceux qui y sont confrontés en les empêchant de créer ce sanctuaire intime minimum dont tout un chacun à besoin. Des exemples types de cette situation sont les SDF, qui voient leur identité même entamée par leur état, ainsi que les réfugiés et autres « personnes déplacées », toutes ces personnes emportant souvent avec elles quelques objets (« pénates » modernes) qui leur permettent précisément, là où elles échouent, de se recréer une illusion de « chez soi ».
Mais là j’empiète, bien maladroitement, sur les plates-bandes anthropologiques de Paul, aussi ne me risquerai-je pas à aller plus loin de peur de me faire taper sur les doigts… 😉
* Merci de ne voir dans cette expression aucune connotation mais seulement son sens propre.
Ne serait-il pas temps d’inviter Pierre Rahbi sur ce Blog ?
@ benoit
Qu’est ce que vivre ?
Il ne faut pas s’accrocher aux alternatives en se disant qu’elles vont changer la société. La société changera quand la morale et l’éthique investiront notre réflexion. Chacun doit travailler en profondeur pour parvenir à un certain niveau de responsabilité et de conscience et surtout à cette dimension sacrée qui nous fait regarder la vie comme un don magnifique à préserver. Il s’agit d’un état d’une nature simple : J’appartiens au mystère de la vie et rien ne me sépare de rien. Je suis relié, conscient et heureux de l’être.
C’est là que se pose la question fondamentale : qu’est-ce que vivre ? Nous avons choisi la frénésie comme mode d’existence et nous inventons des machines pour nous la rendre supportable. Le temps-argent, le temps-production, le temps sportif où l’on est prêt à faire exploser son cœur et ses poumons pour un centième de seconde… tout cela est bien étrange. Tandis que nous nous battons avec le temps qui passe, celui qu’il faut gagner, nos véhicules, nos avions, nos ordinateurs nous font oublier que ce n’est pas le temps qui passe mais nous qui passons. Nos cadences cardiaques et respiratoires devraient nous rappeler à chaque seconde que nous sommes réglés sur le rythme de l’univers.
L’intelligence collective existe-t-elle vraiment ? Je l’ignore mais je tiens pour ma part à me relier sur ce qui me parait moins déterminé par la subjectivité et la peur, à savoir l’intelligence universelle. Cette intelligence qui ne semble pas chargée des tourments de l’humanité, cette intelligence qui régit à la fois le macrocosme et le microcosme et que je pressens dans la moindre petite graine de plante, comme dans les grands processus et manifestations de la vie. Face à l’immensité de ce mystère, j’ai tendance à croire que notre raison d’être est l’enchantement. La finalité humaine n’est pas de produire pour consommer, de consommer pour produire ou de tourner comme le rouage d’une machine infernale jusqu’à l’usure totale. C’est pourtant à cela que nous réduit cette stupide civilisation où l’argent prime sur tout mais ne peut offrir que le plaisir. Des milliards d’euros sont impuissants à nous donner la joie, ce bien immatériel que nous recherchons tous, consciemment ou non, car il représente le bien suprême, à savoir la pleine satisfaction d’exister.
Si nous arrivions à cet enchantement, nous créerions une symphonie et une vibration générales. Croyants ou non, bouddhistes, chrétiens, musulmans, juifs et autres, nous y trouverions tous notre compte et nous aurions aboli les clivages pour l’unité suprême à laquelle l’intelligence nous invite. Prétendre que l’on génère l’enchantement serait vaniteux. En revanche, il faut se mettre dans une attitude de réceptivité, recevoir les dons et les beautés de la vie avec humilité, gratitude et jubilation. Ne serait-ce pas là la plénitude de la vie ?
Par Pierre Rabhi, le jeudi 10 mai 2007.
Source : Le blog de Pierre Rabhi
c’est bizarre on appelé au témoignage sur ce billet, je l’ai fait en témoignant de ce que j’ai vu, ç’est transparent dans les coms ça n’évoque rien.
Bien, on fustige le système, l’économie, l’industrie, sauf qu’on ne les effacera pas comme ça. Imaginez donc qu’on arrête cette horrible industrie, que se passerait il là tout de suite ? Un cadre de l’automobile présente un état des lieux, on arrive sur Rhabi, le besoin vital de l’âme, Simone Weill… Moi je veux bien, mais je suis bas de plafond et je vois ce qu’est l’industrie, les cadres soumis par leur scolarité, par leur manque de curiosité artistique et sociale, des premiers de la classe propres sur eux castrés de suffisance et d’excellence, sans une mèche de travers, pour les plus audacieux quelques poses, des communiants, le clone du désir des parents, des petits soldats studieux qui se sont crus hors champ et se font ridiculiser à leur tour tout en se débinant dès qu’il y a du contact. Alors ces vocalises humanistes, ça me fait douter. Ce qui peut fonctionner c’est pas ça cette sorte de désincarnation qui fuit le réel, des vapeurs, mais la stratégie, la lutte au corps à corps des règles sociales et juridiques. Résister c’est créer, c’est pas bêler en croyant changer un peu les choses.
Merci Patrick pour le beau texte de Pierre Rabhi.
Avec la crise mondiale qui arrive comme un tsunami, je pense souvent a lui et m’etonne qu’on n’entende pas parler de lui. Je pense au travail remarquable que cet homme modeste a accompli en Afrique, au Burkina-fasso entre autres. je me demande si l’humanite a genoux ne va pas etre « contrainte » d’adopter les solutions qu’il preconise (sans meme le connaitre ?) au bout de la Grande Depression qui commence : une famille peut se nourrir et vivre en bonne intelligence avec la nature avec un hectare de terre. Un seul !
J’ai eu la chance de le croiser a plusieurs reprises, de lui confier mon fils de 14 ans a l’epoque pour faire un stage de 15 jours chez lui en Ardeche conduit par sa fille Sophie.
Il y a des hommes formidables sur terre, quand meme !
Comment en sommes-nous arrives a etre depossedes a ce point de ce qui nous est essentiel, et meme de nos Sages ?
Dans quel monde vivons-nous ?
Sommes-nous deja arrives en enfer ?
Benoit.
Ce sujet me rappelle une phrase de Saint Ex , de mémoire :
« La vérité de l’homme fut un temps de batir, elle est aujourd’hui d’habiter. »
(d’ailleurs, si quelqu’un se rappelle dans quel livre, ça m’interresse, trois jours que j’épluche ma pléiade sans succès)
@ fnur & Paul Jorion
Résister n’est pas créer !
http://leweb2zero.tv/video/docmorzy_15453c7dbb1b078
@ fnur
Résister n’est pas créer !
le web 2 zero point tv/video/docmorzy_15453c7dbb1b078
Money time et après :
« Ce n’est pas en perfectionnant l’allumette qu’on a découvert l’électricité »
@ fnur, @ Fab, @ tous,
J’avais lu votre témoignage, fnur (je vous ai oublié dans les remerciements). Les commenter, rebondir dessus ? Quoi dire ? Je suis d’accord, ou ça ne me surprend pas. Continuons à faire la liste, et aussi et surtout à développer l’analyse, je suis sûr qu’il y a un besoin vital d’information. Le premier effet, comme l’ont dit plusieurs d’entre nous, et comme je le dis aussi, est de se sentir moins seul et de vérifier ce qu’on présentait : ces abus et cette absurdité sont une tendance générale. Si on compare l’état des lieux au volume des témoignages publics des cadres et aux considérations habituelles du débat politique, on voit un gouffre qui sent le « plus c’est gros, plus ça passe ».
Ce n’est certainement pas non pour catapulter le débat dans une voie désespérante que j’ai écrit ce billet.
L’une d’entre elles consiste en gros à dire : « l’homme est mauvais, il faut changer sa nature, sans quoi « on » n’arrivera à rien ». A ceux et celles qui abordent ainsi la politique, je réponds que non seulement ils perdent leurs temps et font perdre le leur à d’autres, mais que cette approche, bien que généralement animée de belles intentions, ne peut pas être humaniste car elle est contraire à l’éthique. Les intéressé(e)s ne parlent généralement pas de changer la « nature » humaine mais de changer la culture des hommes. Seulement, cela revient au même lorsqu’ils font de ce changement une condition préalable. Car cela revient à considérer que la culture fait les institutions mais à oublier qu’en retour, les institutions font la culture.
Une autre manière consiste à conclure que, parce qu’un système est (devenu) globalement absurde, complètement verrouillé et emporté mécaniquement dans une course effrénée, alors il faut en changer chacune de ses composantes, du moins un très grand nombre. C’est un autre geste de désespoir, qui vient non pas tant de la lassitude de devoir réfléchir sur des systèmes complexes mais plutôt de la lassitude d’avoir affaire à un rouleau compresseur, qui ajoute à la complexité une complexification et une vitesse grandissantes.
Un système totalitaire présente ces caractéristiques ; il a une capacité hallucinante de maintien dans l’absurde et même l’inefficace, et à la longue il fait des humains des monstres ; mais il suffit qu’il soit atteint au coeur et voilà qu’il se révèle d’une fragilité inouïe et que le bon sens revient, du moins cette espèce de foi subie en l’idéologie se brise comme un rien. Une autre caractéristique forte des sociétés totalitaires, c’est d’exacerber l’atomisation des individus, laquelle implique leur isolement, donc leur impuissance, leur incapacité à s’unir pour faire changer les choses mais même à concevoir chacun le changement. Une conséquence inévitable en est que des millions d’individus, lorsqu’ils ne se réfugient pas dans des visions féériques, s’acharnent, chacun dans son coin, sur des millions de symptômes, changeant d’ailleurs régulièrement de priorités en termes de cibles et de préoccupations. Regardez le bal politique au présent, et voyez si un tel symptôme n’apparait pas de manière éclatante. Ceux-là sont pris dans une (autre) tendance schizophrénique, qui consiste à prendre alternativement tel symptôme pour une cause en oubliant qu’ils viennent de la concevoir comme une conséquence d’un autre phénomène.
Ce n’est donc pas pour dire qu’il s’agit d’effacer en bloc toute « cette horrible industrie » et encore moins qu’il faut tout changer en ce bas monde que j’ai écrit cette esquisse de tableau.
J’ai évidemment beaucoup de respect et d’intérêt pour les expériences de vie authentiques. Et, pour parler en termes pas très poétiques, je rêve d’une économie relocalisée et autogérée, comme j’aspire à voir un pays tout entier faire une expérience de démocratie radicale.
Même si je l’ai écrit rapidement car je souhaitais m’étendre plutôt sur le reste, notamment pour inviter à témoigner, j’ai évoqué les clefs du problème telle que je les vois. En un mot, elles résident dans les institutions. Maintenant, il ne faut pas se leurrer : l’accès aux institutions, je veux dire à leur changement, est lui-même hautement verrouillé. J’ai parlé de changer les institutions pour faire évoluer la culture, mais évidemment les premières n’ont jamais été très accessibles.
Un problème qui se pose est celui de savoir comment donner l’exemple. Car si on peut agir pour changer la culture il n’y a que par l’exemple qu’on peut le faire.
S’il s’agit de condamner une industrie donnée, un produit donné, la suggestion de Scaringella – quittez l’industrie – a son intérêt…, au sens de l’action collective je veux dire ; au présent, je vais en voiture pour concevoir des pièces de voitures, et j’utilise ma voiture aussi et surtout pour aller chercher ma fille les WE… Mais ce n’est pas une réponse au sens où l’industrie dans son ensemble est affectée. Prenez le PC de Sacringella, sa connexion internet, … Elle-même n’a manifestement pas l’intention de dire : effaçons en bloc toute « cette horrible industrie ».
Les « vocalises humanistes » m’intéressent peu, et écrire pour écrire ne m’intéresse pas (Fab a écrit : « tous mes voeux vous accompagnent si vous vous lancez dans cette croisade…je jette l’éponge ! Je pensais avoir trouvé un nouveau messie…mais il préfère faire l’écrivain ! ») Je ne vois pas bien, pourtant, surtout dans le cadre d’un blog, ce qu’il s’agit de faire d’autre que de témoigner, d’analyser, …
J’ai cité Simone Weill – non pas scandé son nom – et j’ai même traduit à ma manière un message important de son propos, parce qu’il indique une voie concrète et efficace, bien que radicale : interdisons – ne garantissons plus – toute forme de propriété non réelle, dont on ne fait pas usage. Plus d’actionnariat, plus de tyrannie de l’actionnaire invisible gagnant du pognon en dormant ; plus de spéculation ; une propriété d’usage intégrale pour les travailleurs de l’entreprise : celle des locaux, partagée ; celle de mon PC de travail, à moi tant que je suis dans la boite et que je m’en sers. C’est une condition nécessaire et suffisante à une réelle démocratie dans l’entreprise. Etc… Je n’appelle pas ça une « désincarnation qui fuit le réel, des vapeurs ». Par contre, c’est une proposition radicale.
Il y en a d’autres. Je pense en particulier à une refondation de la fiscalité sur les entreprises qui pondèrerait l’ensemble des impôts en fonction soit des inégalités de rémunérations individuelles que l’entreprise met en jeu, y compris dans la chaine des sous-traitants, soit en proportion de la part des dividendes dans les bénéfices nets. Je pense que les deux critères se rejoignent. C’est une idée personnelle, qui me parait intéressante à bien des égards – tenez, Paul, pour la « constitution pour l’économie » (je tâcherai d’en exposer un de ces jours les tenants et multiples aboutissants)
Mais il y a des choses bien plus classiques, qui ont déjà été appliquées, qui suffiraient nettement pour s’opposer à « la démesure actionnariale », pour reprendre le mot de Frédéric Lordon (dans sa proposition de SLAM). Seulement, dans un univers de libre circulation inconditionnelle des capitaux, pour ne citer que la première des règles morbides qui ont cours au présent, on ne fera rien.
Le propos de S. Weill commence par poser « un besoin vital de l’âme ». Et alors ? Il s’agit d’énoncer un droit fondamental. Dans un état de droit qui n’est pas dévoyé et réduit à l’état de trompe l’œil, un droit fondamental ça se garantit. Prenez le Préambule de 1946 : en France, les travailleurs sont censés co-gérer leurs entreprises. Un principe que la Libération a apporté aussi en Italie et en Allemagne. Tout ça n’est plus que du vent dans le régime actuel, notamment depuis que la constitution a été mise au conditionnel dans le cadre de l’UE. Cela ne veut pas dire que la situation était rose avant. Mais cela ne veut pas non plus dire qu’il faut jeter nos droits pour commencer à réfléchir comment rebâtir, non ?
Retraité modéré,
Je ne suis pas insensible à vos allégories puisque ayant pratiqué pas mal le judo, un peu le shintaido, le tai chi et l’aikido de Tsuda. De surcroit ayant fréquenté une chinoise pratiquante de la calligraphie et de l’épée. Toutes explorations ne m’empêchant pas de me reconnaitre comme assez malhabile en affaires courantes, ce qui est consternant. C’est à dire que probablement indécrotablement occidental de par ma culture je considère nonobstant que bien des chemins mènent à Rome ou Pékin.
Pour en revenir à votre message, il est bien sûr à considérer qu’une forme de latitude pouvant paraitre abandonniste est nécessaire dans ces dites affaires du moment qui dépendent de si petites choses qu’on pourrait appeler des noeuds.
En fait qu’est ce que la résistance ? Sans vouloir trop conceptualiser. Résister ante post ou ex post, prendre le recul pour mieux avancer, n’est ce pas la une des formes de la résistance non obtue ? Un Machiavélisme tempéré.
Tiens, je vais pousser un petit coup de gueule…
Voici un extrait d’une interview reproduite sur Boursorama (site que je consulte de temps à autre pour obtenir des infos générales sur l’« ambiance » actuelle) :
Les mots que j’ai mis en gras m’ont fait bondir intérieurement quand je les ai lus ! Tant que des individus comme celui-là – qui considèrent tout et n’importe quoi, même ce qui ne l’est pas, comme un banal « produit à consommer » – seront un tant soit peu aux commandes, on n’est pas près de reprendre le contrôle de notre monnaie, ni même de nos institutions, ni de mieux gérer les ressources de la planète ! Ce ne sont que des mots – totalement inappropriés lexicalement bien que soigneusement choisis pour préserver l’illusion technocratique – mais quelle distance ces simples mots peuvent mettre avec le réel et l’humain !!!
Article complet : http://www.boursorama.com/opcvm/detail-actualite-opcvm.phtml?&news=6201790
@ fnur
Certes, néanmoins lorsque l’on lit par exemple cela « Un marché transatlantique impérial » et que l’on analyse ce que cela implique réellement, la tempérance nous semble alors bien désuète !
Je passe juste et je tombe de ma chaise devant la qualité générale du post et des commentaires. Paul met chaque jour la barre très haut mais ses lecteurs ne sont pas non plus des p’tits flambys. Bravo!
« …Les occidentaux dans leur ensemble se sont perchés dans une idéologie économique qui tient de la chimère….. Il ne s’agit pas de responsabilités individuelles, ce cauchemar absurde et sans fin est une mécanique de plus en plus implacable….. Il n’est certainement pas trop tôt. … La course à la productivité ne mène à rien, n’a pas de sens, et la productivité devrait être le cadet de nos soucis….. Alors oui, même très exposé, on en arrive à souhaiter que tout ça s’arrête…… Pensez vous que cette folie puisse cesser en douceur ?….. Qu’espère-t-on reconstruire ?….. Mais relancer quoi, quand presque tout est à reconstruire ?….. »
Merci Samedi de cet exposé limpide. C’est une joie rare de lire ce qu’on aimerait pouvoir dire sans en être capable. Merci
L’essentiel c’est “quoi produire”.
La machine s’est emballée. N’accusons personne de piloter le bolide fou, ce serait inexact et prétentieux. Nous participons tous peu ou prou à ce mouvement sans frein depuis la fin des autarcies: la massification. Les normalisations en découlent, la mondialisation s’en nourrit, elle est inévitable.
Préparons nous et préparons le stade suivant en définissant quoi produire.
Produisons nous, le temps sera donné de surcroît, nous ne perdrons plus notre vie à la gagner.
L’alternative à la mondialisation n’existe pas (sauf à prôner les nationalismes, communautarismes, et isolationnismes divers ). La planète a rétréci, elle se réduit de jour en jour, et d’heure en heure la massification gagne.
L’alternative au capitalisme n’existe pas, tant que l’homme vit avec un néocortex, couvrant un cortex, couvrant un rhinencéphale, et que ces trois cerveaux ne sont guère en phase, tant que la pilule de soma n’a pas été mise en rayon. On peut seulement espérer les jeux de contre-pouvoirs, les règles de droits, et une vigueur et plasticité accrues des mécanismes d’homéostasie sociale.
La science fiction n’est plus dans les livres, elle livre son expansion débridée sur tous les continents.
Salariés de tous les pays, quittez vos patrons!
Le salariat est l’une des dernières formes de l’esclavage, le capitalisme n’a pas besoin du salariat, il préfèrerait des tâcherons, des petits entrepreneurs individuels. Le capitalisme n’a pas besoin de pauvres, il a besoin de producteurs et de clients, et que les uns soient les autres.
L’altermondialisation commence avec l’effacement des dettes des pays pauvres, il s’étend avec l’industrialisation du tiers monde, avec l’enrichissement des zones défavorisées, avec la fluidification des commerces en tous genres, y compris celui des idées.
Ca se fait. Reagan, Thatcher et leurs successeurs n’y sont que des acteurs sans grande influence sur le scénario. Ca se fait.
Alors la crise, le clash, le Krach, le big collapse ? « Pensez vous que cette folie puisse cesser en douceur » ?
Non, (la douceur c’est lent) et oui (tout dépend de l’échelle de temps), je crois que la mutation peut s’opérer dans la douleur mais en peu de temps (quelques années, décennies…) dont les premiers spasmes font notre actualité.
Ca accouche en ce moment, les contractions vont s’accélérer. Mais il est presque certain que le mouvement de sac et de ressac devra comporter un renflouement par ci, une pseudo régulation par là.
Toutefois le « vert » est dans le fruit, j’entends par là cette reconnaissance des interdépendances et des individualités, ici comme ailleurs, qui gagne.
Que faire pour l’accélérer ? En parler, l’illustrer, le vivre, le rêver, le semer et le « badigeonner », chacun selon ses gouts ses possibilités, sans culpabilité, sans espoir immodéré.
Dans le quotidien, le local, la cuisine et le potager.
Dans les parenthèses comme celle ci où l’on blogue entre nous.
Dans les divers lieux où l’on vit, les institutions où l’on agit.
Bien être conscient de l’inanité des liens qui nous lient aux biens pour quoi l’on vit. Définir les liens qui nous sembleraient sains (comme le fit Simone Weill) et ne pas craindre de les évoquer de les invoquer de les poser en contradiction aux fausses évidences……