Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Cher Jacques Attali, j’ai déjà eu l’occasion il y a quelques jours de dire de « La crise, et après ? » (Fayard 2008), qu’il s’agit d’un livre court mais percutant. Je n’évoquerai pas ici l’historique très précis que vous nous offrez du déroulement de la crise et pour lequel vous me mentionnez comme l’une de vos sources d’information. Vous avez également l’amabilité de voir en moi, aux côtés de Martin Wolf, de Nouriel Roubini, d’Andy Xie et de Raghuram Rajan, l’un des cinq visionnaires qui avaient prévu la crise financière et économique actuelle et l’ampleur qu’elle prendrait. Je passerai aussi sur les nombreuses analyses et propositions de remèdes sur lesquelles nous sommes d’accord vous et moi, comme la nécessité de viser des solutions mondiales plutôt que de choisir la voie du protectionnisme ou d’autres formes de repli nationaliste. Je vous poserai plutôt quelques questions sur les sujets où nos points de vue diffèrent.
Marché et état de droit
Vous évoquez la nécessité de rééquilibrer à l’échelle mondiale le pouvoir des marchés par celui de la démocratie et vous lisez dans la crise présente une faiblesse de l’état de droit due au fait que le pouvoir politique est fragmenté, distribué entre une poussière d’états dont le régime est dans le meilleur des cas, la démocratie, alors que les marchés sont, de par leur nature, planétaires. Il est logique que vous appeliez du coup à une gouvernance des marchés à leur échelle : celle du globe tout entier.
Les termes de cette équation supposent que la démocratie est de taille à maîtriser le titan des marchés. Mais disposons-nous de preuves que ce puisse être effectivement le cas ? Pensons par exemple à la capacité des marchés à corrompre le politique : combien de voix dans les élections pourtant « libres » des démocraties sont en réalité achetées directement ou indirectement par ceux qui disposent de la richesse ? Combien de nos dirigeants – élus et autres – agiront-ils avec détermination pour éliminer les paradis fiscaux alors que ceux-ci ont été créés pour leur bénéfice ?
La crise des subprimes a été rendue possible d’une part par les 200 millions de dollars dépensés par le lobby Fire (Finance, Insurance and Real–Estate) pour éliminer le Glass-Steagall Act de 1933 qui prohibait aux banques de dépôt de se livrer à des activités de courtage et à la spéculation, et d’autre part par les dizaines de millions de dollars dépensés par la Mortgage Bankers Association pour imposer les formes de prêts hypothécaires qui devaient conduire à la catastrophe que nous vivons maintenant. La Chamber of Commerce des États–Unis détermine la politique extérieure de ce pays depuis le XIXe siècle. On lui doit, entre autres, le renversement de Mossadegh en Iran en 1953 dont le monde paie encore aujourd’hui les conséquences, et l’occupation actuelle de l’Irak. Si le régime pourtant démocratique de la superpuissance qui joue en ce moment le rôle de gendarme du monde ne lui permet pas de prévenir les interférences des marchés dans la direction de ses affaires, comment peut-on espérer qu’il en irait mieux à l’échelle planétaire ?
Je considère quant à moi, vous le savez peut–être, qu’il existe une disparité essentielle entre démocratie et marchés : la première constitue une invention humaine, née d’un désir de pacification des relations entre les hommes, les seconds demeurent l’expression spontanée de la manière dont notre espèce réglait ses affaires à l’état sauvage : par la guerre de tous contre tous. Ce qui fait défaut à nos démocraties, n’est-ce pas de n’avoir pas encore étendu le principe démocratique aux domaines de l’économie et de la finance, d’avoir laissé en ces lieux des institutions humaines, des plages de sauvagerie ? Bien sûr, un équilibre s’installe – comparable à l’équilibre de la terreur lors des guerres froides – dans un univers de concurrence, mais cet équilibre est instable, ne pouvant survivre que si un contrôle étroit s’exerce à chaque instant. Sinon, dès que la surveillance se relâche, les plus faibles sont éliminés et une poignée de vainqueurs se partagent le terrain pour dicter leurs conditions. La victoire historique des démocraties sur les régimes totalitaires ne découle-t-elle pas du fait que les systèmes qui ne reposent pas sur le consensus s’épuisent en raison d’un coût de la surveillance trop élevé par rapport au surplus créé ? Pourquoi en serait-il autrement en économie ? Quelle énergie ne serait-elle pas libérée si la structure des entreprises cessait de mimer la hiérarchie militaire, si tant de ses ressources n’étaient mobilisées en leur sein dans un combat chimérique contre l’insubordination ?
Crises et cycles
Vous préconisez « d’investir à contre-cycle pour compenser à la fois l’excès d’optimisme et l’excès de pessimisme » mais en évoquant des « cycles » ne vous situez-vous pas déjà dans le camp des optimistes ? Me tournant vers le passé j’y discerne sans doute des crises en grand nombre mais je n’y vois aucun cycle. Je constate en effet que l’inventivité humaine nous a permis d’émerger de ces crises au bout d’un certain nombre – très variable d’ailleurs – d’années, mais s’il existe des recettes bien éprouvées pour créer des crises, comme une disparité scandaleuse des revenus ou l’envahissement des marchés par les spéculateurs, conditions qui furent réunies aussi bien en 2007qu’en 1929, il n’en demeure pas moins que chaque crise est sui generis en raison du progrès technologique intervenu entretemps et le fait que nous soyons sortis indemnes de chacune des précédentes ne nous dit rien du degré de destruction et de chaos qui aura été atteint quand celle-ci entrera dans sa phase finale.
Ne voyons-nous pas en ce moment les autorités financières y perdre leur latin ? Et quand vous évoquez un rôle accru pour le FMI ou la Banque Mondiale, qui nous garantira que leurs politiques seront mieux avisées dans l’avenir qu’elles ne le furent dans le passé, quand leur aveuglement idéologique les conduisit bien souvent à accroître la misère des populations des pays qu’ils guidèrent dans la gestion de leur dette ? Bien sûr, les années ont passé et l’on pourrait espérer que les progrès accomplis par la science économique entretemps assureront que de telles errances ne se reproduiront pas mais, comme vous le savez, le fait que les économistes se sont montrés incapables d’apercevoir la crise qui se profilait à l’horizon n’augure rien de bon. Nous savons même à quel point ils sont aujourd’hui enfermés dans des impasses théoriques, conséquence sans doute de la servilité dont ils ont fait montre vis–à–vis de ceux qui se sont présentés comme les commanditaires de leur savoir et les ont généreusement rétribués pour mener la « science » économique dans telle direction qui servait leurs propres intérêts plutôt que dans telle autre qui pourrait nous aider aujourd’hui.
Vous préconisez à juste titre que les agences de notation relèvent désormais du service public plutôt que d’être rémunérées pour leurs services par ceux qu’elles sont chargées d’évaluer. C’est en effet la voie du bon sens mais cette mesure résoudra-t-elle une question de fond, affectant d’ailleurs au même titre l’ensemble des modèles financiers : leurs modèles d’évaluation ne continueront-ils pas comme par le passé de reposer sur une prétention absurde de maîtriser l’avenir, et ceci quelles que soient les améliorations qu’on leur apporte ?
« Initiés » et accès à l’information financière
Vous évoquez l’avantage indu dont bénéficient les « initiés » dans l’accès à l’information financière et vous semblez appeler de vos vœux une époque de plus grande transparence où « chacun, même le moins formé, pourra un jour calculer des dérivés et confectionner des produits structurés » mais – admettant même qu’il s’agisse là d’un progrès – quel bénéfice une meilleure transparence de l’information financière, obtenue à l’aide d’une surveillance accrue, apportera-t-elle dans le contexte présent de la distribution, non pas des revenus, qui peut être infléchie par la fiscalité, mais du patrimoine ? Un nouveau départ ne réclame-t-il pas nécessairement de remettre les compteurs à zéro pour ce qui touche aux colossales rentes de situation actuelles de ceux qui se sont appropriés au fil des siècles les communs : l’accès aux ressources naturelles, à la terre, à l’eau, aux ressources minières, ou la licence pour eux de polluer et de détruire la planète impunément ? Le caractère sacro-saint de la propriété privée ne doit-il pas être révisé dans les cas où cet a priori menace la survie-même de la planète ?
La spéculation
La spéculation demeure tolérée comme un mal nécessaire, on entend répéter – paradoxalement même encore aujourd’hui – l’argument spécieux qu’elle présente certains aspects positifs, comme d’offrir aux marchés une liquidité que leur est nécessaire. J’ai bien entendu réfuté ce sophisme. Je n’observe que des efforts sporadiques et anémiques de brider la spéculation, aucun de la supprimer. Elle est pourtant responsable des 145 dollars qu’avait atteint le baril de brut en juillet de cette année, envolée de son prix qui entraîna à sa suite celui des céréales et c’est donc bien elle qui provoqua les émeutes de la faim qui secouèrent plusieurs pays du Tiers-Monde, en Afrique, en Asie et même en Amérique avec Haïti. Lorsque le prix du pétrole s’effondre pour atteindre aujourd’hui à la baisse 42 dollars, ce sont les entreprises promouvant les énergies renouvelables qui se trouvent balayées par cette plongée et acculées à la faillite.
Ne croyez-vous pas alors que la spéculation doive être éradiquée et que l’interdiction que je propose des paris sur l’évolution d’un prix devrait être imposée ? Une telle prohibition maintient en place l’ensemble des marchés financiers existant aujourd’hui mais en interdit l’accès aux spéculateurs pour le réserver aux seuls agents économiques légitimes : ceux à qui ils procurent une fonction d’assurance contre des aléas inévitables, climatiques par exemple. Dernière question enfin : les pouvoirs en place dans les régimes démocratiques sont-ils prêts à voter une telle mesure ou bien ne le feront-ils que quand les peuples qu’ils représentent en principe les auront rappelés au sens du devoir par un appel du pied extra-parlementaire ?
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
78 réponses à “Questions à Jacques Attali à propos de « La crise, et après ? »”
« Un appel du pied extra-parlementaire » : j’aime bien la litote. Le contenu des « plans » gouvernementaux et l’action des banques centrales semblent démontrer que les autorités sont complètement déboussolées. Il y a fort à parier que leur activisme sera vain. Le système financier est complètement plombé; la raréfaction du crédit qui en résulte (en dépit des garanties étatiques accordées aux banques commerciales) conduit inévitablement à la dépression. « ça finira mal » comme le répétait le perroquet de Bainville, et les « appels du pied extra-parlementaires » pourraient bien se révéler aussi sauvages que les marchés eux-mêmes…
Bien courtoisement,
Bonjour Paul ,bonjour a tous
Je pense que vos questions sont pertinentes,mais il me semble qu’ il n’y aura jamais de solutions ideales,car la nature n’a pas d’etat ideal,et c’est bien ainsi ,on parle d’equite, d’equilibre et en fait la vie est un perpetuel desequilibre. Par la meme il s’agit plus d’une quete de sens ,alors continuons le chemin .Amities
Remarquable analyse, surtout remarquablement bien écrite. Votre écriture est claire comme votre pensée est lumineuse.
« Partir du réel pour aller vers l’idéal » (Jean Jaures) mais aussi ….. ne pas oublier l’idéal pour transformer le réel ….
Merci beaucoup Monsieur Jorion.
Production remarquable de clarté logique .
En français.
Précisons que « l’appel du pied axtra-parlementaire » débouche évidemment et in fine sur la remise en cause du fameux « droit de propriété » qui fonde notre société.
Révolution?
Quel bourgeois est prêt à partager son patrimoine demain pour pacifier le monde?
Mort de l’imbécile notion de « cycles » et fin de l’école « chartiste ».
Merci Paul.
Beau questionnement … finalement, vous ne semblez pas tellement d’accord avec JA sur les « solutions » … JA raisonne en scientiste … il « croit » au progrès (technologique) et ceci d’autant plus qu’il fait partie de la génération qui a le plus bénéficié de ce progrès pour l’évolution de sa propre carrière…. normal qu’il croit que le progrès technologique (qui résout tous les problèmes) soit une donnée de base de la race humaine. Autrement il serait obligé d’admettre qu’il a eu la chance de naitre dans la génération dorée (poussée par la croissance des 30 glorieuses) et qu’il ne serait peut-être pas celui qu’il est (l’homme le plus diplômé de France, etc) s’il était né plus tard.
La croyance dans le progrès technologique est de la même nature que la croyance dans l’existence d’une énergie libre et gratuite ou dans celle du mouvement perpétuel. Le progrès existe bien-sûr, mais il n’est pas prévisible, il n’est pas continu, il n’est pas garanti. Malheureusement, la foi en lui à tendance à le rendre indispensable à notre survie. Ce n’est pas parce que l’on inventé les ordinateurs, Internet, la biotechnologie, etc, que tout à coup, l’énergie est devenue « gratuite ». L’énergie est aujourd’hui peu chère parce que nous la puisons dans le coffre fort d’une banque « naturelle » et ça n’a rien de « magique ».
J’ai bien apprécié, je dirais même beaucoup apprécié votre réflexion sur les ressources naturelles et la propriété privée. Oui, leur caractère fini et le fait qu’on approche des limites des capacités de leur extraction doit profondément modifier notre rapport à la propriété privée, au moins pour ces ressources naturelles périssables.
L’exploitation du pétrole au profit des riches n’est pas de la compétition « libre et non faussée », c’est du vol non seulement vis-à-vis de ceux qui n’y ont pas accès aussi aisément mais surtout du vol vis-à-vis de ceux qui n’y ont pas accès du tout, les générations futures.
@ Dominique Larchey-Wendling
Monsieur,
Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous écrivez.
« Le progrès existe bien-sûr, mais il n’est pas prévisible, il n’est pas continu, il n’est pas garanti »…
« L’exploitation du pétrole au profit des riches n’est pas de la compétition “libre et non faussée”, c’est du vol non seulement vis-à-vis de ceux qui n’y ont pas accès aussi aisément mais surtout du vol vis-à-vis de ceux qui n’y ont pas accès du tout, les générations futures. »
Bravo.
Merci Paul pour ce lumineux appel à une constitution économique mondiale supra-étatique.
Puisse Mr. Obama vous entendre. Aura-t-il la liberté et la volonté de vraiment changer la marche du monde, ou est-il l’otage des puissances financières qui l’ont porté au pouvoir ?
Si les « appels du pied extra-parlementaires », tels que la Grèce les vit actuellement, se déclenchent dans certains points clés du monde, amèneront-ils une action politique démocratique allant dans le sens d’une remise en cause des pratiques en cours, à la construction d’une constitution économique mondiale, ou au contraire seront-ils le prétexte à la mise en place d’une chape de plomb globale, rendue possible sans militarisme excessif grâce aux instruments de propagande et de surveillance mis en place ces dernières décennies ?
La première option me semble malheureusement peu réaliste.
Vos questions sont très pertinentes, des doutes étant effectivement permis sur la possibilité que le capitalisme puisse s’engager, aussi simplement qu’il suffirait de l’écrire, et même avec brio, sur la voie de telles réformes. Ne doit-on pas s’interroger sur les raisons qui ont aboutit, non pas seulement au déclenchement de la crise, mais surtout à la mise en place progressive de ses constituants ? Afin de mieux estimer s’il n’y avait pas dans ceux-ci une sorte de nécessité dont on peut se demander comment elle pourrait aujourd’hui être contournée, par quoi elle pourrait être remplacée ?
Les analogies sont trompeuses, mais cette finance devenue immaîtrisable me fait penser à ces avions de combat modernes qui tomberaient comme une pierre s’ils ne disposaient pas de puissantes ressources informatiques les maintenant en vol. Ces dernières sont nécessaires pour que les performances aéronautiques recherchées soient atteintes. Il en est peut-être de même pour le système financier et ses modélisations mathématiques. Comme des machines à fabriquer du risque et à le résoudre en même temps. Des machines à financer de la dette.
Je ne suis pas sûr qu’il soit désormais possible de se passer de ces machines, sauf à accepter de réduire les performances que l’on en attend, c’est-à-dire les besoins de financement de la dette globale qui s’accroît. Mais si l’on tirait ce dernier petit fil rouge, qu’en découlerait-il d’acceptable ou d’inacceptable ? N’est-il pas plus vraisemblable de penser que des filets de sécurité seront ici ou là tendus, en espérant qu’ils tiendront le coup du prochain choc ?
Cela me renvoie, sur un tout autre sujet, à ce débat récurrent auquel on assiste depuis plusieurs années. Que ce soit à propos du réchauffement de l’atmosphère ou bien de la pandémie du diabète, par exemple. Comment les combattre ? En s’attaquant à leurs racines connues ou bien en spéculant sur les progrès technologiques afin d’éviter d’avoir à le faire ? En théorisant la fuite en avant ?
Les honorables et variées théories des cycles, pour revenir à notre économie, ont quant à elles ceci de commun et de rassurant qu’elles anticipent toujours d’une sortie de crise. Après la pluie vient le beau temps. Elles renvoient finalement à l’idée sous-jacente que le capitalisme serait le mode de production ultime de la société humaine, somme toute « naturel », car s’appuyant sur des ressorts humains, et à ce titre indépassable. Qui trouverait en lui-même et tout à la fois les moyens de sa reproduction et de son évolution. La preuve en serait irrémédiablement donnée, à contrario, par l’échec fracassant du socialisme qui prétendait lui succéder.
Vous avez raison de remarquer combien prédomine une religiosité intellectuelle archaïque et arrogante, ce sont mes mots, lorsqu’il s’agit d’évoquer le « marché » et ses manifestations imprévues, invisibles, etc… Là où dans tous les autres domaines de la connaissance la démarche scientifique tente modestement d’exercer ses droits et ses talents. Comme si l’on touchait dans l’économie et la finance à des phénomènes dont il n’était pas nécessaire de connaître des origines condamnées au mystère. Pour ne pas dire qu’il vaut mieux les recouvrir d’un voile.
La question restera toujours posée, à défaut d’être résolue, de savoir par quoi remplacer le capitalisme s’il se révèle incapable de construire au moins autant qu’il ne détruit. Avec le temps, la balance semblant pencher bien davantage du côté de la destruction, semble-t-il. A moins que cette interrogation ne puisse déboucher que sur des rêveries, dénoncées comme telles par les mystiques ?
@ dimezzano
J’aurais du compléter par :
“Le progrès existe bien-sûr, mais il n’est pas prévisible, il n’est pas continu, il n’est pas garanti … et il ne suffit pas de dépenser plus d’argent dans la recherche et le développement pour qu’il se manifeste. »
Ceci n’étant une critique de la recherche (je suis moi-même chercheur) mais bien du scientisme qui est une croyance.
Bravo et merci Paul Jorion pour cet article.
Concernant la question finale, j’ai deux réflexions:
1) la réponse est évidente. Rares sont au cours de l’histoire les pouvoirs assez intelligents pour avoir lâché du lest avant d’y être forcés. Et lorsqu’ils l’ont fait, c’était pour avoir à lacher le minimum de lest possible.
2) s’il faut un appel du pied extra-parlementaire pour que les élus fassent ce que veulent les électeurs, sommes-nous encore en démocratie?
Bonjour,
@Moi
Croyez vous l’être encore, en Démocratie ???
@ Paul Jorion
Merci pour ce texte.
Cordialement
Paul, je ne sais pas ce qu’en dira J. Attali mais j’imagine qu’en apparté ce sera quelque chose du genre « Je sais bien que vous avez raison », mais « Je ne PEUX pas écrire autre chose que ce que j’ai écrit ». Et si vous lui demandez pourquoi il dira: « Parce-que je ne peux pas me permettre d’éffrayer à la fois les marchés et les politiques » et aussi « Parce-que je tiens à ma réputation d’homme raisonnable ».
Nous en sommes là.
Hans Jonas confiait « à mots couverts » que les solutions politiques à la hauteur de l’enjeu requerraient un mode d’organisation de la communauté politique qui n’était pas « populaire ». Ce qu’on peut traduire par: les démocraties (dissémination de la responsabilité et des capacités à agir) sont malheureusement le plus mauvais système politique quand on doit forcer des changements de cette nature, les régimes autoritaires étant malheureusement, de ce point de vue, beaucoup plus efficaces. C’est pourquoi je suis relativement pessimiste sur l’avenir d’une Europe qui pourrait basculer.
A propos du passage suivant dans le paragraphe » Marché et Etat de droit ».
« Je considère quant à moi, vous le savez peut–être, qu’il existe une disparité essentielle entre démocratie et marchés : la première constitue une invention humaine, née d’un désir de pacification des relations entre les hommes, les seconds demeurent l’expression spontanée de la manière dont notre espèce réglait ses affaires à l’état sauvage : par la guerre de tous contre tous. Ce qui fait défaut à nos démocraties, n’est-ce pas de n’avoir pas encore étendu le principe démocratique aux domaines de l’économie et de la finance, d’avoir laissé en ces lieux des institutions humaines, des plages de sauvagerie ? Bien sûr, un équilibre s’installe – comparable à l’équilibre de la terreur lors des guerres froides – dans un univers de concurrence, mais cet équilibre est instable, ne pouvant survivre que si un contrôle étroit s’exerce à chaque instant. Sinon, dès que la surveillance se relâche, les plus faibles sont éliminés et une poignée de vainqueurs se partagent le terrain pour dicter leurs conditions. La victoire historique des démocraties sur les régimes totalitaires ne découle-t-elle pas du fait que les systèmes qui ne reposent pas sur le consensus s’épuisent en raison d’un coût de la surveillance trop élevé par rapport au surplus créé ? Pourquoi en serait-il autrement en économie ? Quelle énergie ne serait-elle pas libérée si la structure des entreprises cessait de mimer la hiérarchie militaire, si tant de ses ressources n’étaient mobilisées en leur sein dans un combat chimérique contre l’insubordination ? »
Selon moi, la vision du marché véhiculée par les thuriféraires de l’auto-régulation consiste à voir dans l’organisation de la société le prolongement de la nature. Comme la nature, l’organisation sociale évoluerait de manière progressive à l’insu de ses membres. Les meilleures conduites seraient sélectionnées au cours d’un processus n’ayant aucune finalité. Les individus adapteraient leurs conduites à partir de signes de l’organisation sociale. Et ces signes seraient « naturels » à l’instar des éléments naturels qui guidaient la conduite des hommes dans les sociétés agricoles primitives.
De ce fait, il résulte que la hiérachisation de l’organisation est nécessairement naturelle puisque les plus aptes ont su interpréter les signaux « naturels ». Grâce à eux, la société chemine sur le sentier glorieux de la prospérité et de l’abondance et il est juste que ces individus exceptionnels reçoivent les fruits de leur « travail ». Je pourrais continuer la phrase en balançant les lieux communs que la droite nous ressert sur le caractère confiscatoire de la fiscalité directe progressive, et la nécessité de laisser s’exprimer le « talent » des génies de notre espèce afin que le gâteau à partager soit le plus gros possible.
En fait, le marché fonctionne que par l’existence d’institutions gérant les signaux. Smith en convenait déjà dans la richesse des nations et il ajoutait que l’égoïsme pouvait être aussi bien le moteur que le ferment de destruction du marché.
Paul a raison de dire que le caractère sacro-saint de la propriété privée est la cause de l’état de notre planète (et de l’actuel délitement de nos économies, selon moi).
Néanmoins, ce n’est pas la propriété privée qui est le problème. C’est son utilisation. Locke écrivait que l’appropriation par le travail était légitime sous réserve que la quantité et que la qualité de ce qui était acquis n’entame pas, en quantité et en qualité, ce qui reste aux autres pour mener une existence autonome.
Or, la rapacité et la vénalité font que ces clauses ne sont pas respectées. Ce n’est que par un travail d’endoctrinement que l’accaparement est justifié. C’est ce qu’expliquait Gramsci : la domination intellectuelle précède la domination matérielle.
@Seregedhel : vous voulez dire par rapport à l’idéal démocratique? Evidemment non, cela est-il d’ailleurs possible? En fait, le sens de ma question est que je me demandais si la crise actuelle ne risquait pas très vite de devenir aussi une crise de régime. Le jour où l’appel du pied extra-parlementaire arrivera, c’est probablement le régime parlementaire (ce que l’on nomme « démocratie » dans nos pays) qui sera aussi en faillite. Comme l’assise du pouvoir parlementaire est essentiellement composée des classes moyennes, il faut donc que la crise ait gravement touché celles-ci (retraites, épargne, valeur de la monnaie, salaires, etc). Dans les années 30, on a vu que cela pouvait aller très vite…
@ antoine et dominique LW
Vous avez parfaitement raison Antoine. Pour faire face au changement climatique et à la déplétion des ressources rares, l’effort à fournir par la société serait digne de celui d’une guerre. Ce qui n’est pas joyeux d’autant plus que l’on retarde le moment de la prise de conscience par le développement durable « faible ».
Le développement durable « faible » laisse penser que le progrès technique est la solution. En cela, Dominique a raison et nous baignons encore dans un scientisme digne de Comte.
@ Moi :
Il n’y a qu’a regarder ce qui se passe en Grèce actuellement.
Cher Paul Jorion,
Vous faites preuve d’un angélisme qui entre en contradiction avec les politiques des états. Les industriels récupèrent systématiquement les idées écologistes pour imposer un renouvellement complet de leurs produits. En France et en Europe on va interdire les ampoules pour obliger les gens à dépenser dix fois plus pour des ampoules à éclairage industriel fabriquées en Chine elles émettent des radiations électromagnétiques et elles sont bourrées de mercure! Comme elles durent au moins dix ans le marché va très vite s’écrouler. Comme pour les CD, les DVD, les écrans plats, les ordinateurs portables. On se retrouve avec une situation de surproduction et des marchés saturés et bloqués. Mais on a sauvé la planète! L’écologisme est également utilisé pour mettre des taxes partout et pour segmenter le territoire. Les pauvres circuleront dans d’horribles transports en commun, les riches en voitures.
Les normes automobile aux USA sont très sévères en on va vers le zéro émission. En Europe on a favorisé le carburant qui pollue le plus, le diesel en imposant comme norme les rejets de CO². Résultat on se retrouve immanquablement derrière une fumée de mazout mal pas dépolluée, les particules du diesel sont comme l’amiante. Ce carburant n’est pas adapté à la conduite urbaine, les moteurs cassent avant 100 000 km, les systèmes de dépollution ne fonctionnent pas en raison de la circulation urbaine. Pire, les normes ne sont pas applicables aux utilitaires qui parfois composent 50% de la circulation. Mais on devait soutenir les constructeurs locaux qui se sont tous spécialisés dans le diesel avant 1993 quand on a imposé le pot catalytique pour les véhicules essence. Résultat les véhicules hybrides/essence, c’est à dire l’avenir, c’est totalement compromis en Europe.
A propos des idées généreuses à destination du tiers monde ou des pays émergents. Ces derniers haïssent l’Europe ou les USA. Les européens et les américains blancs sont devenus minoritaires dans le monde. Nous ne sommes plus en 1960 ou 1970. Ne comptez plus sur les blancs pour aider les autres qui ne pensent qu’à les éjecter voire les exterminer. On a l’exemple de l’Afrique du Sud où les noirs sont en train de se débarrasser de tous les blancs. Dans 30 ans il n’y aura plus un seul blanc en Afrique du Sud. Tout a changé.
On peut voir la crise actuelle comme une bénédiction destinée à provisoirement casser les prétentions de la Chine. Imaginez qu’en Algérie ce sont aujourd’hui les chinois qui réalisent toutes les infrastructures. Ca limite les relations internationales entre états proches à peu de choses.
Les plans de relance français finissent dans les caisses allemandes. Or les allemands se sont organisés pour être les exportateurs mondiaux numéros 1. Pourquoi iraient-ils eux aussi faire un plan de relance? Leurs finances sont en ordre. Pourquoi payer pour les mauvais élèves? Pour des français incapables d’autre chose que de gérer le bazar et déficits permanents dans tous les domaines? Le comportement des populations françaises, des plus riches aux plus pauvres, incapables de s’entendre et de s’organiser, les allemands ne veulent pas payer pour eux, dans quel but, maintenir le système que les français eux mêmes refusent de réformer?
Alors, oui, vous avez théoriquement raison sur tout, le problème ensuite c’est la pratique! Et ça, c’est une autre paire de manches!!!
Merci Paul,
cet article est fondamental car il expose la problématique actuelle. Celà fait partie des raisons pour lesquelles ce blog fait partie de mon TOP 10. Derrière certains mots se cachent de dures réalités et nous sommes quelques uns à en comprendre la portée. Les esprits libres et indépendants sont rares et précieux, protégeons-les.
[…] http://www.pauljorion.com/blog/?p=1165 […]
« Cher Jacques Attali, vous me mentionnez comme l’une de vos sources d’information. Vous avez également l’amabilité de voir en moi, aux côtés de Martin Wolf, de Nouriel Roubini, d’Andy Xie et de Raghuram Rajan, l’un des cinq visionnaires qui avaient prévu la crise »
Il faut toujours être sûr de soi pour avancer..
Il faut craindre que Séraphin Lampion ne soit plus lucide que le modèle d’Hergé : les faux-semblants de l »ancien monde » – en ce compris les poncifs relatifs à la démocratie – sont en train de mourir, et tout particulièrement les vertus supposées du marché, que Paul Jorion a déjà anéanties avec élégance. Attali a tenté d’échapper au ridicule en empruntant (en hâte) les thèses d’analystes plus pertinents (dont Paul Jorion : JA est coutumier de l’emprunt); souvenons-nous de ses écrits popotes d’il y a quelques mois à peine… Les « gens en place » (dont JA), qu’ils appartiennent au monde politique, à celui de l’industrie ou de la finance, ou de leurs faire-valoir, voudraient accréditer l’idée qu’en se serrant la ceinture pendant 10 ans, le pékin pourra amortir les énormes erreurs, et les non moins énormes exactions, commises ou tolérées par eux sur les 7 ou 8 ans écoulés. Voilà qui est théoriquement envisageable, mais il est peu probable que ce scénario se réalise. Ce qui signifie que les plus sombres inquiétudes sont autorisées, et la référence aux événements grecs me paraît assez éclairante…
Rachman dans le FT d’hier:
« Tellingly, Rachman concedes that “International governance tends to be effective, only when it is anti-democratic,” citing the continual rejection of EU expansion when the question is put to a vote. “In general, the Union has progressed fastest when far-reaching deals have been agreed by technocrats and politicians – and then pushed through without direct reference to the voters,” writes Rachman.
So there you have it – one of the world’s top newspapers, editorially led by chief economics commentator Martin Wolf, a top Bilderberg luminary, openly proclaiming that not only is world government the agenda, but that world government will only be achieved through dictatorial measures because the majority of the people are dead against it. »
In:
http://www.infowars.com/?p=6423
« La victoire historique des démocraties sur les régimes totalitaires ne découle-t-elle pas du fait que les systèmes qui ne reposent pas sur le consensus s’épuisent en raison d’un coût de la surveillance trop élevé par rapport au surplus créé ? Pourquoi en serait-il autrement en économie ? Quelle énergie ne serait-elle pas libérée si la structure des entreprises cessait de mimer la hiérarchie militaire, si tant de ses ressources n’étaient mobilisées en leur sein dans un combat chimérique contre l’insubordination ? »
Oui, sans aucun doute. Pourtant, on doit encore être loin du point de rupture qui nous conduirait vers plus de démocratie en entreprise. Les lois Auroux n’y ont rien fait. Les expériences que j’ai eues en entreprises m’ont en effet montré que la brutalité et l’agressivité l’emportaient. La peur de l’exclusion du groupe joue à plein. La peur de perte de compétitivité est exploitée à fond pour faire taire toute vélléité démocratique dans l’entreprise. Les supposés désirs des clients aussi. Dans les périodes de forte évolution (et de chômage), le fait est que nous sélectionnons les personnages agressifs pour nous diriger. Question de manque de repères, d’un affaiblissement du sens de discernement et urgence du vide à combler. Le beau projet qu’on appelait ergonomie dans les années 70 s’est assèché et Christophe Dejours pourrait confirmer chaque année son observation de « Souffrance en France ».
D’un autre côté, les coopératives meurent bien souvent du fait de leur difficulté à récompenser les efforts et à résoudre les conflits. Les jalousies (désir mimétique) minent alors ces entreprises démocratiques.
Une solution serait peut-être de faciliter fortement la création d’entreprises en supprimant l’IS, la TP et les cotisations sociales (mis à part la retraite – voir par exemple le projet, par répartition, de compte épargne individuel unifié de Bozo et Picketti) . Les impôts seraient alors reportés sur les impôts directs sur les revenus (tous les revenus) et les impôts indirects sur la consommation. Pour négocier en entreprise comme ailleurs, il faut être prêt à s’en aller, c’est l’idée directrice d’une recherche d’équilibre un peu meilleur employeur/employé.
« Un nouveau départ ne réclame-t-il pas nécessairement de remettre les pendules à l’heure pour ce qui touche aux colossales rentes de position actuelles de ceux qui se sont appropriés au fil des siècles les communs : l’accès aux ressources naturelles, à la terre, à l’eau, aux ressources minières, ou la licence pour eux de polluer et de détruire la planète impunément ? Le caractère sacro-saint de la propriété privée ne doit-il pas être révisé dans les cas où cet a priori menace la survie-même de la planète ? »
Si tu entres dans la vigne de ton prochain, tu pourras à ton gré manger des raisins et t’en rassasier; mais tu n’en mettras point dans ton vase.
Si tu entres dans les blés de ton prochain, tu pourras cueillir des épis avec la main, mais tu n’agiteras point la faucille sur les blés de ton prochain.
Les terres ne se vendront point à perpétuité ; car le pays est à moi, car vous êtes chez moi comme étrangers et comme habitants.
Désolé pour le post inutile, mais a mon humble avis vous avez ici écris votre meilleur billet. en tout cas celui qui me plait le plus. merci
3 questions un tantinet critiques à Paul
1. Vous dites « …la manière dont notre espèce réglait ses affaires à l’état sauvage : par la guerre de tous contre tous ». Ceci n’est-il pas une erreur anthropologique ? Les études sur ce que nous appelons « les sauvages » ne montrent-elles pas souvent des sociétés assez pacifiques pratiquant un communisme primitif en leur sein et respectant la nature comme mère féconde et pourvoyeuse de toutes richesses ? La « guerre de tous contre tous » n’a-t-elle pas été inventée par les philosophes économistes pessimistes des XVIIème et XIIIème siècle, les Hobbes, Mandeville et même Rousseau qui ne voyaient que la coercition pour empêcher les loups humains de s’entredévorer ? Adam Smith lui-même, malgré sa foi, n’a-t-il pas été influencé par ces visions pessimistes de ceux qui, par un retour de balancier exagéré, ont remplacé le « Aimez-vous les uns les autres » par « Remplaçons la guerre de tous contre tous (invention très moderne) par le doux commerce » ?
2. Vous dites aussi : « Lorsque le prix du pétrole s’effondre pour atteindre aujourd’hui à la baisse 42 dollars, ce sont les entreprises promouvant les énergies renouvelables qui se trouvent balayées par cette plongée et acculées à la faillite ». Cela se passe-t-il déjà ainsi aux USA ? En Europe, il me semble que le temps de réaction toujours lent fait que le politique, les médias dominants et le grand public commencent seulement à enregistrer la baisse inéluctable des énergies fossiles. Les primes se mettent en place, les bons conseils fleurissent partout et le citoyen moyen se sent un âme d’écologiste du quotidien. Les start-up alternatives fleurissent et leurs carnets de commandes s’allongent. Mais il est vrai que les imbéciles de spéculateurs investissent moins dans ces entreprises car, eux, croient que le cours du pétrole est à 42 E pour 10 ans… Encore une bonne raison de stériliser les spéculateurs…
3. Enfin, est-ce votre bonne éducation qui vous fait dire «appel du pied extra-parlementaire» plutôt que «coup de pied au cul des planqués en politique » ?
On parle de spéculation, de morale, d’entreprises « durables » vouées à disparaître. BMW a survécu à la deuxième guerre mondiale, Volkswagen a été créée par Hitler lui-même…et continue de prospérer. Où voyez-vous un lien entre morale et économie ?
Monsieur Jorion bonjour,
« Pensons par exemple à la capacité des marchés à corrompre le politique : combien de voix dans les élections pourtant « libres » des démocraties sont en réalité achetées directement ou indirectement par ceux qui disposent de la richesse ? Combien de nos dirigeants – élus et autres – agiront-ils avec détermination pour éliminer les paradis fiscaux alors que ceux-ci ont été créés pour leur bénéfice ? »
« Dernière question enfin : les pouvoirs en place dans les régimes démocratiques sont-ils prêts à voter une telle mesure ou bien ne le feront-ils que quand les peuples qu’ils représentent en principe les auront rappelés au sens du devoir par un appel du pied extra-parlementaire ? »
Je cite, en vrac, Aristote dans l’éthique à Nicomouk :
« Il peut sembler qu’il [le bien suprême] dépend de la science souveraine et au plus haut point organisatrice. Apparemment c’est la science politique. »
Loin de moi l’idée d’utiliser ces propos comme des postulats, mais il me semble, comme cela a été dit à plusieurs reprises sur ce blog, qu’il faudrait profiter de ce que la bête soit blessée pour agir.
Donc : ne pensez-vous pas que les défauts que l’on attribue à l’économie découlent totalement du dysfonctionnement de nos démocraties ? Et qu’il faudrait, par priorité, s’occuper de la politique avant l’économie ?
Votre « appel du pied extra-parlementaire » me pousse à croire que si, et même que vous avez déjà certaines remèdes en tête.
De nombreuses personnes de par le monde se posent ces questions et proposent des solutions, mais malgré l’essor de l’internet, je ne pense pas qu’il soit possible de les fédérer on-line !
Il faut donc une voix qui s’élève, une voix calme, sereine, pour nous expliquer comment on pourrait s’y prendre pour changer notre démocratie et donc je l’espère nous redonner une motivation, un sens…
Merci
@ Fab :
« Aristote dans l’éthique à Nicomouk » :excellent ! ; – )
« Dernière question enfin : les pouvoirs en place dans les régimes démocratiques sont-ils prêts à voter une telle mesure (l’interdiction des paris sur l’évolution des prix) ou bien ne le feront-ils que quand les peuples qu’ils représentent en principe les auront rappelés au sens du devoir par un appel du pied extra-parlementaire ? »
@ Paul : L’appel du pied ne peut être « parlementaire » :
La démocratie n’est pas une fin en soi, mais un moyen. Or les banques « Tirelire » et « Coffre-fort » ont déjà une activité légale que le législateur leur a confié « démocratiquement » , elles utilisent alors légalement tous les moyens pour s’enrichir. Tout ce qui est légal a valeur en démocratie : Si Tirelire et Coffre-fort étaient illégales, ces aimables boutiques seraient sous le coup de la répression des fraudes.
Chez Tirelire, le PDG était directeur de cabinet d’un ancien premier ministre, chez Coffre-fort, tout le staff connait les salons de Matignon et la froideur moderne du paquebot de Bercy puisqu’ils y ont « travaillé », comprendre : Ils ont déjà vendu aux politiques leurs travaux d’expertises financières avant de se reconvertir dans la banque …
La démocratie ne peut générer un « contre-pouvoir » qui encadrerait l’activité des spéculateurs de Tirelire et Coffre-fort : Sans le législateur, Tirelire n’est rien. Sans Tirelire, le politicien ne finance plus aucun lobby puisque son intérêt bien compris se voit entravé par la chute de ses recettes fiscales …
Alors une banque a-t’elle vocation a enrichir d’anciens serviteurs de l’Etat ?
L’Etat n’a-t-il pas intérêt à voir lui aussi des bulles spéculatives exploser tous les records de bénéfices et augmenter d’autant son gain par l’impôt ?
Et de feindre lorsque les catastrophes arrivent, que sa responsabilité n’est pas en jeu, que la « Puissance Publique » sera toujours là pour sauver ce qui est légal soit toutes les banques Tirelire et Coffre-fort qu’il a lui même autorisées …