J’ai écrit hier que cela me prendrait cinq ans de mettre au point une théorie de la monnaie qui me satisfasse. Je n’avais envisagé qu’un seul cas : celui où nous serions seuls, vous et moi, travaillant ensemble. Or, j’ai reçu du renfort, par courrier. Ute Höft me fait parvenir un exemplaire de Le syndrome de la monnaie de Helmut Creutz, originellement paru en 1993 et traduit de l’allemand par Economica en 2008.
Je vais pouvoir gagner du temps parce que l’auteur analyse de nombreux aspects de la monnaie auxquels je n’ai pas encore l’occasion de réfléchir, et que sur ceux dont j’ai débattu ici, nous disons lui et moi strictement la même chose.
Donc si mes explications pourquoi les banques commerciales ne créent pas de monnaie ex nihilo vous ont convaincu, vous n’apprendrez peut–être pas grand-chose en lisant les pages du livre que je reproduis ci-dessous (169 à 171) mais si vous croyez toujours à la création monétaire par les banques commerciales, un autre auteur réussira peut-être là où j’ai échoué jusqu’ici.
(Vous reconnaîtrez au passage dans le texte de Creutz mon « principe de conservation des quantités », mon explication des masses monétaires en termes de double emploi, ma « reconnaissance de dette », ainsi que la distinction que je fais entre flux monétaires et opérations comptables).
La « surmultiplication de la création monétaire »
La plupart des livres d’enseignement affirment que les possibilités de création monétaire des banques sont en principe illimitées. Elles ne sont restreintes que par des ratios d’encaisse ou de réserves bancaires qu’elles doivent maintenir auprès des banques centrales ou d’émission, soit de plein gré, soit parce qu’elles y sont obligées. Et cette relation entre le montant des réserves et l’accroissement monétaire est même calculée par les théoriciens de la surmultiplication de la création monétaire avec une grande exactitude mathématique. Si les réserves se montent en tout à 5 % du portefeuille des dépôts, les banques peuvent, à partir de chaque dépôt bancaire effectué créer un montant de crédit dix-neuf fois supérieur, neuf fois supérieur en cas de réserves de 10 % et quatre fois supérieur en cas de réserve de 20 %. Le résultat de la création monétaire est donc inversement proportionnel au montant des réserves retenues.
[Prenons l’exemple de 100 millions provenant d’une banque d’émission, soumis à des réserves fractionnaires de 10 %, et qui créeraient ainsi des « fonds de crédit » de 900 millions.]
En additionnant les crédits accordés en chaîne on arrive dès la troisième étape à un montant de 244 millions. En continuant ainsi la série infinie où les valeurs diminuent d’étape en étape, effectivement on arrive arithmétiquement à une somme de 900 millions, soit neuf fois plus que l’apport initial de 100 millions.
Mais si l’on reprend les opérations, pas à pas, en laissant la théorie de côté, on constate :
1) que lors de chaque réutilisation du premier dépôt supposé de 100 millions, suite au crédit qu’il a permis d’accorder, il se produit à chaque fois un nouveau dépôt d’un client quelconque de la banque, dépôt qui, bien entendu, peut être de nouveau prêté ;
2) que l’enchaînement des octrois de crédits et des constitutions de réserves par les banques tel qu’il est décrit ne peut se faire qu’aussi longtemps qu’aucun des déposants ne dispose de son avoir en effectuant un retrait ou un virement ;
3) qu’en réalité, au fil du processus, on n’assiste nullement à un accroissement de la masse monétaire mise en circulation, de quelque manière que ce soit, mais toujours à une réutilisation, tandis que, à chaque étape, la masse monétaire réellement existante est inéluctablement le résultat de l’addition des réserves constituées jusque-là et du crédit accordé en dernier, et équivaut au montant initial de 100 millions ;
4) que non seulement il ne se produit pas d’accroissement de la masse monétaire mais, qu’en fait, en ce qui concerne la masse monétaire active et axée sur la demande, elle diminue même constamment, étant donné que sur les 100 millions initiaux, des montants de plus en plus élevés sont gelés dans les réserves des banques jusqu’à être totalement absorbés ;
5) que l’utilisation répétée de la monnaie, que ce soit pour procéder à des achats, la prêter ou en faire cadeau, n’accroît jamais sa masse mais uniquement les opérations d’achats, de prêts ou de dons ainsi effectués, qui, bien entendu, additionnées, donnent des montants de plus en plus élevés.
Les faits énumérés ci-dessus sont encore plus clairs lorsqu’on se représente cet enchaînement, non pas au niveau de banques, mais au niveau d’opérations commerciales, et qu’il s’agit non plus de prêts à répétition mais de ventes à répétition. Là aussi, on peut supposer que chaque commerçant met dix pourcent de sa recette de côté et qu’il dépense le reste directement ou indirectement dans un autre magasin pour faire des achats. Là encore, l’addition des opérations d’achat donnerait le même résultat que celles des opérations de crédit dans le cas de la « surmultiplication de la création monétaire ». Et pourtant personne n’irait prétendre que la masse monétaire a été multipliée par neuf ou que les commerçants ont créé 900 millions [ex nihilo].
Où est donc l’erreur de raisonnement de certains théoriciens ?
L’erreur de la théorie classique de la création monétaire réside dans le fait qu’on additionne des avoirs ou des crédits se reconstituant au fil du temps, ou des postes de crédit, aux montants reçus au départ et qu’on déduit de cette addition qu’il y a une création monétaire ou une création de crédit. En d’autres termes : cette théorie assimile l’utilisation multiple de l’argent à un accroissement, elle confond moyen de transport et opération de transport. Mais, pas plus que l’utilisation répétée de wagons ou de camions pour des transports n’entraîne un accroissement du nombre de wagons ou de camions, l’utilisation répétée d’argent pour des achats ou des prêts n’entraîne un accroissement de son montant.
L’erreur de raisonnement et d’interprétation des théoriciens de la création monétaire est sans aucun doute due en grande partie au fait que l’on continue à considérer les avoirs et les portefeuilles de crédit comme du numéraire. Or, en fait, il ne s’agit que de postes de comptabilisation qui documentent le montant des prêts d’argent et les obligations de remboursement qui en résultent, sans que ceux-ci fassent augmenter la masse monétaire en circulation. C’est pourquoi tous les regroupements de numéraires et de dépôts sous la rubrique « masse monétaire » sont si discutables. Ceci vaut surtout pour l’addition des M1 et M3.
Helmut Creutz, Le syndrome de la monnaie, Economica, Paris (2008) : 169-171.
273 réponses à “Pourquoi il n’y a pas de « création monétaire » par les banques commerciales, par Helmut Creutz”
I should have detailled my numbers :
The first bank have 10 euros in real money + 90 euros in credit money + another 70 euros in real money back from the third bank.
@DAV : « What happen if the extra credit did not have the purpose to build 3 new houses ?
Well the price of the house is rising. »
Cela me semble exact. Mais qu’arrive-t-il au moment de payer? Disons que pour votre maison, les prix montent jusque 100, ce qui permet à la banque 1 de remporter l’enchère face aux deux autres banques. Vous arrivez ensuite et voulez retirer 80 euros de votre dépôt de 100. La banque ne peut pas vous les fournir, elle n’a que 70. Si elle ne peut pas attendre le remboursement de la banque 2 qui lui doit 90, elle fait faillite. Et le système entre banques risque de s’effondrer. Pourquoi? Parce qu’elles payent des marchandises plus cher que ce qu’elles ne possèdent réellement. Elles payent à crédit et risquent le surendettement. Ce qui ne manque pas d’arriver puisque les prix montent à cause d’eux-mêmes. C’est bien un système pyramidal qui ne tient que pour autant qu’il y a de nouveaux entrants et de plus en plus de nouveaux entrants, mais qui au final s’écroule inéluctablement. Et c’est le retour à la réalité et à la quantité de monnaie réelle. D’où déflation. Pour l’arrêter, il ne reste que la planche à billets, créer de la monnaie réelle.
Et comme d’habitude, on retombe logiquement sur la nécessité de réguler. 🙂
@Moi
La planche à billets crée une monnaie qui est tout aussi virtuelle que le crédit.
Il y a au moins deux questions qui se posent aujourd’hui :
Première question : la création de monnaie fait-elle sens ? si les agents économiques y croient, parce que cela s’accompagne d’un projet qui fait sens, cela produit une relance keynésienne qui nous propulse en avant tel le baron de munchausen, se soulevant par les cheveux; mais si les agents économiques n’y croient pas, parce qu’aucun projet n’accompagne la fuite en avant, cela conduit droit vers l’hyperinflation et/ou la cessation de paiement;
Deuxième question : la création de monnaie suffit-elle à combler la destruction de monnaie provoquée par la crise ? C’est tout le sens du débat entre les monétaristes et les keynésiens concernant la grande dépression ; Friedman soutenait que l’insuffisante création monétaire par la réserve fédérale était à l’origine de l’amplification de la crise de 29; d’où la politique de Bernanke qui inonde actuellement l’économie de monnaie; a contrario, Krugman a écrit un post sur son blog récemment critiquant cette interprétation et soutenant que malgré la création actuelle de base monétaire cela ne suffisait pas à compenser la destruction du crédit liée à l’explosion des bulles;
Je ne comprends pas pourquoi vous refusez cette idée pourtant largement démontrée par l’histoire qu’une monnaie, tout comme un système de crédit, voit sa valeur fluctuer au gré de la confiance du public (demande), du comportement des banques (centrales et privées) et de celui des états. – Tous les agents qui participent à la création de monnaie ont un pouvoir de monopole qui leur assure une rente, qu’il s’agisse des états (seigneurage via l’inflation) ou des banques (intérêts via le crédit); mais lorsque cette création monétaire perd sa crédibilité, la monnaie s’effondre, qu’il s’agisse d’une bulle (via le crédit) ou d’une hyperinflation (via la base monétaire). La logique à l’oeuvre est la même dans tous les cas : la monnaie repose sur la confiance; cette confiance donne un pouvoir à ceux qui contrôlent la monnaie; ce pouvoir peut être bien ou mal utilisé, bien ou mal réparti; mais une chose est sûre, lorsque la défiance s’installe, la monnaie s’effondre, qu’il s’agisse de base monétaire ou de crédit, et cela étrangle l’économie dite réelle.
@Robert
Compound interest is a redistribution mechanism from poor to rich… a positive feed-back circuitry which can only collapse in the end. And we are now pretty close to this collapse.
Tout à fait vrai, c’est ce que dénonçaient aussi bien marx que keynes, mais quel rapport avec l’argument du texte ?
@Fred L.
Robert said:
« Compound interest is a redistribution mechanism from poor to rich… a positive feed-back circuitry which can only collapse in the end. And we are now pretty close to this collapse. »
Fred L. dit :
« Tout à fait vrai, c’est ce que dénonçaient aussi bien marx que keynes, mais quel rapport avec l’argument du texte ? »
Well, I suspect the theory of « money creation ex nihilo » is to implicitly explain the phenomenon of over-growing monetary assets and debts which we are witnessing today and which most of us consider a severe problem, I think. Since I can’t see this money creation ex nihilo, it cannot explain this fact to me and therefore it cannot offer a solution to the problem.
In the end Marx justified interest with his theory of « added value » (Mehrwert-Theorie), which was readily adopted by capitalism. Marx was more concerned with the destructive results of competition in economy and tried to replace private entrepreneurs by one entrepreneur only : the state. Marx didn’t get to the innermost core of capitalism and thus created a state’s capitalism in distinction to private capitalism. It didn’t work.
Silvio Gesell was a strong critic of Marx. He was much more inspired by Proudhon (« La propriété c’est le vol »). Keynes believed that the future will be more inspired by the spirit of Gesell than by that of Marx.
I like one of our contemporary politicians of the conservative party (CDU), Heiner Geißler, also member of attac. He was in accord with Proudhon when he publicly declared : « Capitalism is theft, legalized by the state. » And he also said in a TV-talkshow : « Capitalism will not be the economic system of the future. » Heiner Geißler is over 80 years old but he is a young and fresh thinker 🙂
Toujour pas de réponse à ma question à Ute Höft
C’est quoi la différence entre monnaie et argent puisque vous utilisez ces deux mots ?
Hi Dav,
Dav said :
« So, let’s agree there is no “money creation” but at the end you can’t separate “credit creation” from “money creation” so easily.
That’s why the more I think about it, the more I think we should call credit : scheduled money. »
Alright, that’s a step ahead. But why use one word for two different things? Do you call a pear an apple with different shape and different taste? Why not use « apple » for apples and « pear » for pears – or in a different language : « pomme » pour les pommes et « poire » pour les poires ? Communication would be easier, wouldn’t it? The generic term for apples and pears is « fruits ».
So, why not call « money » money and « credit » credit. They are two different things. Money is used for exchanging goods in the market. Credit is used for preserving abstract values for a specific period of time, expressed in monetary units. That’s a hell of a difference! As a generic term for money and credit I would suggest « documentation systems ».
On the side of the money holder money certifies the value of the product which he has sold already. On the side of the seller it certifies the value of a product in return, that the money holder is entitled to claim immediately.
On the side of a creditor, credit documents a claim for an amount of money. On the side of the debtor it shows the amount of money he has to repay. The credit amounts are only measured with money, while the money circulates in the market measuring the real goods of exchange.
Dav said :
« And that scheduled money have to be taken in account when you’re measuring the total amount of money. »
Money stands for actual goods and services that can immediately be withdrawn from the market.
Credit entries stand for values that actually not yet exist and have to be produced in the future.
It doesn’t make much sense to add these two things together, even though bankers and economists do it.
Dav said :
« Do you know what are Helmut views about this phenomenon ? »
He says pretty much the same as I do. And if I understood correctly, Paul Jorion, too, has an identical view.
I think that Paul Jorion say that the bank system cannot create credits more than the central money it has … that different.
But are you reinvented the dictionnary ? Because, for the moment, your monney (central money) and bank money (credit money) is always money.
Le fils d’Ariane dit :
« I think that Paul Jorion say that the bank system cannot create credits more than the central money it has … that different. »
No, I’m saying exactly the same : banks cannot create money ex nihilo. They can only lend out the money that is at their disposal. But this lent out money comes back to them as savings from somebody (not only repayment) and be lent out again and again… so that the total sum of credits far exceeds the amount of money issued by the Central Bank. I have mentioned the numbers for Germany the other day. The amount of Central Bank money is 235 billion euros (fr: milliards). The total sum of monetary assets (credits and credit-like items) that was accumulated since 1948 amounts to 7700 billion euros (fr. milliards). That means, the total amount of Central Bank money has been lent out 33 times within 60 years.
Le fils d’Ariane dit :
« But are you reinvented the dictionnary ? Because, for the moment, your monney (central money) and bank money (credit money) is always money. »
Sorry, money is money and credit is credit, no matter what the dictionary says.
Jusqu’ici, je n’ai pas noté de différence entre la position que défend Robert Mittelstaedt et la mienne.
La définition de la monnaie doit évoluer. La finance l’a dejà fait il y a longtemps, elle appelle celà “liquidités”. En voici la définition:”Valeurs ou espèces assimilables à des espèces, et toutes valeurs qui sont immédiatement convertissables en espèces pour leur montant nominal.”
La “liquidité” peut être définie comme une extraction de valeur à partir d’actif, valeur qui ne l’oublions pas dépend des circonstances du moment.
« La valeur n’est pas intrinsèque, elle n’est pas dans des choses. Elle est en nous ; elle est la façon dont l’homme réagit aux conditions de son environnement.”Ludwig von Mises.
Il ne faut donc plus parler de monnaie, mais de valeur!
Le problème des banques peut se résumer par le fait qu’elles doivent fournir de l’argent rapidement alors que le remboursement du prêt, lui sera lent.Les banques n’ayant pas assez de fonds propres, elles sont obligées d’emprunter. Or aujourd’hui les banques ont préféré un modèle d’emprunt direct des fonds de refinancement sur les marchés de capitaux.
Et voilà, nous y sommes! CDS, CDO et consorts!
Pour les banques le but est de dissocier le risque de crédit et la créance elle même par souci de gestion des fonds propres. Il s’agit ainsi pour les banques d’une réduction du volume de fonds propres dont le système a besoin pour absorber ce risque.
En conclusion la titrisation intimement liée aux progrès de l’information grâce aux communications à haut débit, complexe et sans contrôle à conduit à la catastrophe actuelle. J’ai parfois l’impression lorsque je lis les articles sur le blog de relire mes vieux cours de fac.Le fonctionnement des banques a profondément évolué!
Les crédits en tant que documents ne sont pas à proprement parler de la monnaie puisqu’ils constituent une promesse de rembourrsement d’une dette. C’est un pari — raisonné — sur une somme d’argent à valoir qui n’est pas disponible immdiatement, pour le créancier. C’est le point de vue du créancier.
Mais du point de vue de l’emprunteur ce moyen de paiement qu’est le crédit permet d’acheter des biens et services immédiatement disponibles sur le marché. Ce sont donc les biens dont la vente permettra le remboursement de la dette et que l’emprunteur se procurera en travaillant ou en faisant même fructifier un capital (donc en faisant travailler d’autres que lui directement ou indirectement), qui ne sont pas encore disponibles.
Monnaie et crédit doivent être distingués en tant que documents comme le précise Robert, mais en tant que moyens de paiement ils permettent de réaliser effectivement exactement les mêmes opérations. Que ce soi moi, le prêteur, ou mon voisin auquel j’ai prêté une certaine qui achète un produit ou un service, cela est indifférent pour le marchand ou le prestataire de service. Dans tous les cas il y a transaction monétaire.
Beaucoup de confusions viennent du fait que ce que l’on nomme crédit désigne tantôt une reserve de valeur encore à produire et qui reviendra à l’émetteur du crédit, et tantôt un moyen de paiement en tant que ce mécanisme permet d’avancer à tel ou tel agent économique de l’argent qu’il n’a pas. Je suis assez convaincu s’agissant de dire qu’il y a conservation des quantités de monnaie, le crédit n’étant alors qu’un mécanisme pour faire circuler la monnaie existante, même si, tout de même, un petit doute persiste dans mon esprit quant à savoir si effectivement ce sont les dépôts qui sont effectivement prêtés ou bien s’il s’agit seulement de contreparties visibles dans un bilan qui par définition doit être équilbré. Mon doute persiste parce que du point de vue légal les dépôts à vue sont la stricte propriété des déposants. Même si c’est une définition purement juridique qui ne reflète pas la réalité de ce qu’est pratiquement une banque. La monnaie déposée sur un compte en banque est un contrat, ce n’est pas de l’argent liquide immédiatement disponible en sa totalité pour tous les déposants. Il est alors exact de dire qu’une banque est une réserve potentielle de valeur et non pas un coffre fort. La monnaie est fondamentalement de nature relationnelle, je rejoins ici Fred L.
L’argent n’existe pas en lui-même, aussi les tentatives pour baser la monnaie sur la contrepartie travail a ses limites si l’on ne considère pas sous quel rapport existe précisément cette contrepartie. Le travail lui-même voit sa définition et même son existence conditionné par le système social. Il est donc assez arbitraire de dire ceci est de la monnaie et ceci n’en est pas ou plus. Tant que le système fonctionne, même sur le mensonge, ou plutôt l’illusion, tout peut-être de la monnaie à partir du moment où on accorde un certain crédit aux moyens de paiement. Du reste, qui peut dire si l’expansion économique vertigineuse de ces trente denières années aurait été possible sans ce système pyramidal qu’est le crédit basé sur des produits financiers morobolants mais douteux ? Le système a vécu sur une illusion mais cette illusion a crée des richesses (évidemment avec une catastrophe sociale, écologique à la clé) bien réelles. Certes aujourd’hui des valeurs basées sur une confiance aveugle sont détruites. Des hedges fund ont disparu. Mais il y a bien une partie de ces crédits pourris qui ont alimenté le système.
Ce qui est primordial de revoir ce n’est pas la monnaie en elle-même mais ce qu’on fait d’elle. S’il n’y avait eu besoin d’alimenter une telle économie au consumérisme exponentiel, inégalitaire, point n’aurait été nécessaire de se poser la question de la bonne ou de la « fausse monnaie » avec une telle acuité. Finalement interroger la monnaie est une façon détournée d’interroger notre modèle de civilisation. On considère maintenant qu’il y a de la monnaie non légitime, « fausse », d’aucuns diront crée ex nihilo, ou encore sans contrepartie travail, mais toutes ces choses renvoient finalement à un mauvais usage de la monnaie plus qu’à un débat sur sa nature. Ce sont les valeurs de nos sociétés qui sont en jeu à travers la question monétaire.
Je ne suis pas très pointu dans le domaine monétaire, d’autres que moi en parlent de façon plus technique, si je me suis permis de glisser mon commentaire, c’est pour essayer d’y voir un peu plus clair dans ce débat et, éventuellement, au passage, poser quelques questions peu abordées.
« I like one of our contemporary politicians of the conservative party (CDU), Heiner Geißler, also member of attac. »
Quite amazing that a conservative is member of attac, no? In France or Belgium, this seems impossible. Geissler is worth to know, for sure.
Nice to read you again Robert,
You said : « so, why not call “money” money and “credit” credit. They are two different things. Money is used for exchanging goods in the market. Credit is used for preserving abstract values for a specific period of time, expressed in monetary units. That’s a hell of a difference! As a generic term for money and credit I would suggest “documentation systems”. »
Ok, the trouble is that in French, the generic term is « monnaie », money can be called « argent » as Paul Jorion suggests and credit can either be called « credit » ou « reconnaissance de dettes »… And I think that, by calling « monnaie » what is generic (both « money/argent » and « credit »), the French langage leads to understand things in a slightly different way :
– by confusing meanings with the word « monnaie », french leads to think that credit is just similar to money/argent. And yet it’s really important to understand that credit is slightly different than money/argent, and that banks create only credit and not directly money/argent
but
– by using a generic term with the word « monnaie », french leads to understand that credit and money/argent are both something from the same « family » (you called documentation systems) and that maybe there are not so different than a pear and an apple… but only different like a kind of pear is different from another kind of pear.
As you can see in the example I used some post ago, when credit make prices rise just like money/argent did.
You said : « on the side of the money holder money certifies the value of the product which he has sold already. On the side of the seller it certifies the value of a product in return, that the money holder is entitled to claim immediately. On the side of a creditor, credit documents a claim for an amount of money. On the side of the debtor it shows the amount of money he has to repay. The credit amounts are only measured with money, while the money circulates in the market measuring the real goods of exchange. »
See how confusing now is the word money in English, when you say « credit amounts are measured with money ». How can a pear be measured by an apple ? to use your metafor.
You said : »Money stands for actual goods and services that can immediately be withdrawn from the market. »
Yes, that’s true, but where did this « money/argent » come from ?
It is given by a state, and based on the quality of the debt of the state. So, it is a quite similar mechanism.
Furthermore, the money/argent is gained by working just like if my work was the credit part of the deal, and money/argent was the counterpart.
That’s why I love studying other langages, it is just like thinking with someone else’s brain !
Au plaisir de vous lire,
David
Chers amis,
Il me semble que le débat sur la monnaie s’enlise ici (ou s’éternise) dans une complexité inutile et surtout dans une confusion apparue au départ.
La principale confusion semble venir d’UNE DÉFINITION INCERTAINE DU MOT « MONNAIE », confusion conduisant certains d’entre nous à prétendre que « les banques commerciales ne créent pas de monnaie », affirmation qui paraît aux autres une criante contre-vérité démentie par les faits comptables quotidiens les plus élémentaires.
Est-il possible –de façon à ensuite reprendre notre progression sur l’essentiel– de tomber d’accord sur UNE DÉFINITION INDISCUTABLE de la monnaie ?
Car en effet, il semble que ceux qui prétendent que « les banques commerciales ne créent pas de monnaie » ne peuvent le faire qu’au prix de la réduction du mot « monnaie » à la seule monnaie dite fiduciaire ou manuelle (les billets et les pièces *), c’est-à-dire la monnaie PERMANENTE émise par l’État. Le dernier théoricien convoqué pour soutenir cette thèse est Helmut Creutz qui refuse effectivement de qualifier de « monnaie » les sommes disponibles sur les DAV (dépôts à vue).
La lecture des vingt premières pages du livre d’Helmut Creutz permet de comprendre cette importante clef de compréhension : quand Creutz dit « les banques privées ne créent pas la monnaie », IL NE PARLE PAS DE LA MÊME MONNAIE QUE TOUT LE MONDE : il réduit le mot monnaie à la seule monnaie permanente émise par la Banque Centrale sous forme de billets et de pièces,
ce qui fait que le titre du billet de Paul (« Pourquoi il n’y a pas de « création monétaire » par les banques commerciales ») induit tout le monde en erreur puisque personne ici n’avait jamais contesté à la monnaie scripturale DES FONCTIONS COMMUNES À TOUTE MONNAIE (en tout cas je le crois, parce que ce serait difficile à démontrer) : à la fois signe de pouvoir d’achat accepté par tous pour pratiquer les échanges et réserve de valeur.
En relisant le premier billet de Paul, d’ailleurs, je ne retrouve pas du tout, à l’époque, cette restriction de vocabulaire (« monnaie » = seule monnaie permanente) apparue récemment avec le billet sur Creutz : au départ, Paul refusait simplement l’idée de la création de pouvoir d’achat ex nihilo par les banques ; Paul nous expliquait que les banques commerciales doivent détenir préalablement l’argent qu’elles prêtent (soit qu’elles prêtent directement l’argent déposé par d’autres clients, soit qu’elles prêtent de l’argent qu’elles empruntent pour cela) ; il nous disait (le 7 février 2008) : « Il n’y a (malheureusement !) pas de « miracle de création d’argent » : les banques commerciales ne créent pas d’argent ex nihilo ! Pour en prêter, il faut que comme vous et moi, elles le trouvent quelque part ! ».
Je crois encore aujourd’hui que Paul se trompait, tout simplement.
Et cette façon de présenter aujourd’hui le problème en laissant LES MOTS CHANGER DE SENS sans le souligner ressemble un peu à un sophisme (involontaire, sans doute).
Car, si la définition du mot « monnaie » était effectivement réduite aux seuls billets et pièces (ce qui aurait quand même l’inconvénient de nous faire revenir au vocabulaire du moyen-âge…), nous serions vite tous d’accord : effectivement, les banques commerciales ne créent pas ce type de monnaie-là ; effectivement, les banques commerciales ne créent pas de monnaie permanente.
Et alors ?
Nous serions tous d’accord, mais sur un enjeu accessoire, alors que le problème principal resterait intact : le problème soulevé par ceux qui contestent aux banques la légitimité politique du droit de créer la monnaie temporaire (moyennant un intérêt ruineux qui s’apparente à un revenu sans travail, au dépens de la collectivité et en faveur de certains acteurs privilégiés), ce problème se serait simplement DÉPLACÉ par un glissement de vocabulaire : il resterait scandaleux que certains acteurs privilégiés détiennent (légalement mais illégitimement) un droit de création de nouveaux « SIGNES DOTÉS DE POUVOIR D’ACHAT », seraient-ils temporaires, un droit très coûteux pour la collectivité qui subit là un considérable manque à gagner : OK, ON NE DIT PLUS « MONNAIE », MAIS MÊME EN CHANGEANT DE MOT, LA RÉALITÉ DE LA CRÉATION DE POUVOIR D’ACHAT PAR LES BANQUES COMMERCIALES À L’OCCASION DU CRÉDIT SUR DAV RESTE À LA FOIS INCONTESTABLE TECHNIQUEMENT ET CONTESTABLE POLITIQUEMENT.
À mon sens, le débat « la monnaie est-elle seulement la monnaie permanente émise par l’État ou bien aussi la monnaie temporaire créée par les banques » est un nuage de fumée qui nous distrait de l’essentiel : la vraie question – qu’on n’arrive pas à traiter à cause de la confusion décrite plus haut – est : « quelle est la légitimité politique et l’efficacité économique du droit qu’ont certains acteurs privilégiés de prélever sur la richesse nationale un revenu considérable (l’intérêt) en exerçant à titre privé un pouvoir qui devrait être régalien (exclusivement public) : financer l’activité économique en créant temporairement la monnaie dont les agents ont besoin immédiatement ? ».
Pour résumer « les fondamentaux » en matière de technique monétaire, et pour soutenir la thèse que la monnaie est monnaie quelle que soit sa forme (métallique, papier ou scripturale), je reproduis ci-dessous un fragment de l’introduction d’un livre remarquable : « Mécanismes et politique monétaires. Économie du système bancaire français de L’UME », d’André Chaîneau, chez QUADRIGE / PUF, 1968 – 2000, 12ème édition.
Comme Galbraith (dont je vous parlerai également très prochainement), c’est une fontaine d’eau claire pour comprendre la complexité du réel.
Bonne lecture.
Étienne.
* La monnaie scripturale inspirant la même confiance que la monnaie papier pour solder les créances nées des échanges, on pourrait aussi bien l’appeler fiduciaire elle aussi ; mais peu importe.
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Personnellement, malgré l’attention et l’intérêt que je porte au livre « Le syndrome de la monnaie » (que je lis avec plaisir), je trouve qu’Helmut Creutz sème ici une confusion supplémentaire avec une distinction qui ne sert à rien, comme si Helmut Creutz n’acceptait pas la dématérialisation de la monnaie et comme s’il ne se rendait pas compte que même la monnaie fiduciaire –elle aussi !– est désormais dématérialisée (elle n’a plus aucune relation avec un bien matériel, or, argent ou autre) :
Bon, LES BANQUES PRIVÉES NE CRÉENT PAS DE MONNAIE PERMANENTE, ET ALORS ?
Le problème essentiel (celui de la monnaie temporaire) semble alors inaccessible par un effet de LEURRE d’un non problème qui obsède Creutz et qui détourne notre attention.
Indépendamment du nom qu’on lui donne, que pense cet auteur de la monnaie TEMPORAIRE indiscutablement créée à gogo par les banques privées ?
Par ailleurs, que faut-il penser de L’INTÉRÊT perçu à l’occasion de cette création de monnaie temporaire sans autre effort qu’une ligne d’écriture comptable ?
Je continue donc à lire ce gros livre en espérant bien y trouver des réponses.
Mais la citation de Paul (en tête de cette conversation) ne me paraît pas la plus intéressante du livre, ni la plus utile.
Et elle n’apporte pas à Paul (il me semble) le renfort dont il avait besoin pour valider son billet « Le scandale des banques qui « créent » de l’argent » et sa thèse (incompréhensible, pour moi, jusqu’ici) d’une « conservation des quantités » en matière de crédit bancaire.
Les explications de Chaîneau me paraissent rigoureuses car elles n’empilent pas les contradictions des autres théories en y ajoutant les siennes : les explications de Chaîneau – peut-être est-ce dû à leur approche comptable – me semblent difficiles à contester.
Quand Creutz prétend par exemple (page 9) que nous confondons, tous autant que nous sommes, le chéquier ou la carte bleue avec la monnaie, il nous prend pour des imbéciles : personne ne confond le calepin de chèques vierges avec LA PROVISION TRANSMISSIBLE qui attend nos ordres de virement à la banque, personne ne confond la carte en plastique avec la créance du DAV que la carte permet de transférer sans s’y substituer.
La monnaie, c’est la créance transmissible (et acceptée par tous en paiement), et non pas le support de la transmission, qui peut prendre plusieurs formes et qui ne doit pas faire perdre de vue l’essentiel de la monnaie-dette.
Amitiés à tous, (je vous prépare quelques délicieuses explications de Galbraith).
Étienne.
Il me semble Etienne qu’il s’agissait de comprendre cette différence qui faisait que nous n’arrivions pas à tomber d’accord. Or nous avons mis le doigt dessus en travaillant sur la définition du mot « monnaie ». Il me semble aussi que le passage de l’anglais au français ou du français à l’anglais questionne bien cette difficulté du sens des mots.
Il me semble aussi quand même, bien que je partage votre avis général sur les extraits que j’ai pu lire d’Helmut, qu’on ne peut pas non plus confondre tout à fait, monnaie temporaire (ayant un paramètre évolutif avec le temps selon la vitesse et la durée du remboursement) et monnaie dite « permanente » (pas de système direct dettes/remboursements)
Les « créationnistes » ont fait un pas en comprenant la particularité du crédit et la différence entre fortune et argent.
Il me semble maintenant que c’est au « créditistes » de mieux analyser l’ensemble des fonctions du crédit dans le temps et… l’espace, et qui en font potentiellement une forme « dimensionnelle » d’argent.
Bonsoir Etienne,
Vous revenez en force. C’est bien.
Simplement une seule question en espérant que vous y répondrez:
Si les banques font de la création monétaire en faisant du crédit comme vous le pensez, comment se fait il que pour résoudre le problème de la bulle du crédit certaines autorités financieres (americaine) préconisent en dernier recours la monetisation de la dette en faisant tourner “la planche à billet”? C’est donc que les banques ont créé de la dette et non pas de la monnaie sinon pourquoi monétiser?
Si vous arrivez à répondre à ce mystère je vous accorde que c’est vous qui aviez raison.
Amicalement
Très simplement Nadine,
En prenant en compte le paramètre temps.
Si on considère que le crédit est une monnaie dimensionnelle qui se gonfle et se dégonfle dans le temps et l’espace. Alors il est logique que, lorsque cette monnaie-là se dégonfle, on imagine des phénomènes de compensation pour regonfler la masse monétaire.
Ce qui veut dire que vous avez en partie raison (il s’agit de crédit, donc d’une monnaie très spécifique, dimensionnelle) mais Etienne aussi a raison quand il dit que c’est quand même une forme de monnaie.
Qu’en pensez-vous ?
nadine dit :
20 décembre 2008 à 23:30
« C’est donc que les banques ont créé de la dette et non pas de la monnaie sinon pourquoi monétiser? »
Juste avant de fermer, je tombe sur votre question à Étienne. J’y répond ainsi:
Normalement, il n’y a pas de mystère (ou alors le lucre serait un mystère?). Les banques ont créé de la dette (en fait création monétaire par des crédits abondants et peu « regardants ») en veux-tu en voilà parce que c’était bien plus rentable et lorsque la FED a baissé ses taux, il fallait bien rattraper par la quantité le manque à gagner de la baisse des taux de la FED, plutôt que de créer et gérer de la monnaie à usage « utilitaire » qui rapporte beaucoup moins, etc. Mais maintenant que les taux ont carrément plongé vers 0, autant « monétiser ». Exemple: Quelle est la différence entre la création monétaire et des – reconnaissances – de dettes? Pourquoi donc autoriser des émissions d’obligations par exemple, en s’adressant aux « faiseurs d’argent » (les banques commerciales privées) et s’endetter auprès d’elles, plutôt que d’émettre directement l’argent nécessaire à très peu de frais tel que le droit régalien l’autorise aux pouvoirs sensés représenter la société dans son ensemble, autrement dit l’État.
Voici une remarque on ne peut juste de Thomas Edison, prolifique et célèbre inventeur, esprit fécond s’il en est, je l’ai déjà cité dans le blog:
«Il est absurde de dire que notre pays peut émettre 30 millions $ en obligations, et pas 30 millions $ en monnaie. Les deux sont des promesses de payer, mais l’un engraisse les usuriers, et l’autre aiderait le peuple.»
Hi, Dav
Thank you for your comment.
Dav said:
« Ok, the trouble is that in French, the generic term is “monnaie”, money can be called “argent” as Paul Jorion suggests and credit can either be called “credit” ou “reconnaissance de dettes”… And I think that, by calling “monnaie” what is generic (both “money/argent” and “credit”), the French langage leads to understand things in a slightly different way : »
You are certainly right. The entry in dictionaries can only give the two words of different languages for the same thing. But the conceptions behind the words may differ from language to language and rarely are 100% identical. The English word « money » and the French word « monnaie » are derived from the same root : the Latin « moneta ». « Moneta » was used for coins in Old Rome. The English word « money » is very vague. Depending on the context it can mean « cash » (fr: argent) or « currency » (fr: monnaie). The idea behind currency is « something flowing » and the adjective « current » also refers to the present state of something that flows on. The German word « Geld » is similarly vague as « money ». In order to more precisely express what is meant, we would use « Bargeld » for « cash » and « Währung » for « currency ». But here too, the original meaning of « Währung » is quite different from « currency ». « Währung » refers to « something lasting, enduring ». I does not necessarily mean « static », though. I think, the French distinction between « argent » and « monnaie » is more precise than in English or German. But I don’t think the confusion arises from a different conception of the words in different languages. The controversy of credit versus money is language-independant. And it seems to be very very old. After I began to probe into money matters about 12 years ago, I learnt that people were already arguing about this question for decades. So I had to find an answer to that question on my own. I was looking at the real thing and I found that credit and money were two different things that have to be kept clearly apart. In my view, the confusion arises from the fact, that central banks everywhere in the world, in France as well as in Germany in England, the USA, Japan or wherever, practise credit as an issuing method for money. And since this is so, one is led to believe that money basically is credit. The funny thing is, no matter how money is issued in the first place, as long as it circulates in the market, it executes the function of a medium of exchange and that function is quite distinct from the function of a credit. No doubt, both functions are extremely useful, but they have to be clearly distinguished.
Dav said :
« As you can see in the example I used some post ago, when credit make prices rise just like money/argent did. »
OK, let’s take your example. It resembles pretty much the examples in economic textbooks.
Dav said :
« Here is a bank I lent 100 Euros I had from my job.
This first bank is lending money to someone who is going to depose it to another bank, say 90 euros.
This second bank is lending money to someone who is going to depose it to another bank, say 80 euros.
This third bank is lending money to someone who is going to depose it to the first bank, say 70 euros. »
I had seen a similar description in a textbook published by the Deutsche Bundesbank, the German Central Bank, in order to explain money creation by commercial banks. And the first thing, I stumbled over in that example, was : why does somebody, who borrows money from the first bank, deposit this money in the second bank? Who does that? Who borrows money from one bank and deposits it in another bank? And why would someone do such a thing?
I don’t find this a realistic example. So lets make a Shakespearean play of it and introduce a few more actors and maybe some props. OK, here is Lady Macbeth, she’s got 100 euros and lends it to Bank A. Now appears Hamlet on stage and he’s pondering about the nasty things he had called Ophelia the other day. He feels sorry for his nasty words and wants to beg Ophelia’s pardon. In order to show her that he is serious about it, he wants to give her a present. But he doesn’t have money. So, he goes to Bank A and asks for a loan. The director of the bank says: « We’ve got 100 euros at our disposal, so I can offer you 90 euros. 10 euros I have to keep as a minimum reserve. » Hamlet agrees and takes the 90 euros and now – what is he going to do? He does not deposit this amount in Bank B, but he goes to the Merchant of Venice to see whether he’s got something that he can buy as a gift for Ophelia. The Merchant of Venice offers him a nice litte ring of gold with a pearl. Hamlet likes the ring and the deal is perfect. Hamlet gives 90 euros to the Merchant of Venice, who in turn hands the ring over to Hamlet. The Merchant of Venice then deposits 90 euros on an account in Bank B (he lends it to Bank B).
Alright, let’s have a look at the present situation. Bank A still has 10 euros real money (argent) in its vaults. 90 euros of real money are now in Bank B. In addition, Bank A has an outstanding amount of 90 euros (Hamlet’s debt to the bank) and it still owes 100 euros to Lady Macbeth. The amount of real money in the system has not changed : 100 euros, but the amount of credits have increased 100 + 90 euros. The real money in the example was used for buying goods from the market. And that’s what money is meant to be used for as a medium of exchange.
Now, if the bank accounts in the example are current accounts (comptes à vue), then Lady Macbeth might come back any time to call her money back. If she comes after Hamlet has repaid his debt, there is no problem. Bank A will give it back to her. It’ll take a while for Hamlet, though, to pay his debt back. He’s got nothing to sell. His sword, maybe, but he still needs it for the fight against Ophelia’s brother at the end of the play. He can’t sell it. Alas, Lady Macbeth doesn’t want to wait that long. The next day after having deposited her money in Bank A she changed her mind, comes back and demands in a loud and resolute voice: « Gimme my 100 euros back! » And you know Lady Macbeth, if she wants something you’d better obey! So, the director of Bank A, slightly embarrassed, says with a trembling voice: « Of course, Lady Macbeth, I’ll go to the vaults and fetch it right away. » And Lady Macbeth grumbles: « Hm. » But we all know, the director was telling a lie, because he’s got only 10 euros in his vaults. He escapes from the bank through the back door, runs across the street to Bank C (the inter-banking financial market) and asks the director: « Please, please, lend me 90 euros, quick! » In most cases, he would get it there, if not, he can still go to the lender of last resort : the central bank. The director of Bank A returns 100 euros (90 euros borrowed + 10 euros reserve) to Lady Macbeth and satisfied she leaves the bank. The director sighs in relief and wipes the sweat off his forehead.
Let’s have another look back now. Bank A has 90 euros debt to Bank C, Hamlet owes 90 euros to Bank A, and Bank B owes 90 euros to the Merchant of Venice, makes a total of 270 euros of debts. After Hamlet has repaid his debt, Bank A will settle its debt with Bank C, and only Bank B owes 90 euros real money (argent) to the Merchant of Venice and this is still in the vaults of Bank B. These 90 euros only reflect an exchange of something real (the ring with pearl).
In conclusion we can say, if Lady Macbeth wouldn’t have deposited her money in Bank A, Hamlet could not have taken a loan and the Merchant of Venice could not have sold his ring. So, credits are a facility to optimize the use of money.
Please keep in mind that, if you read textbooks on economy, economists tend to – deliberately or not – neglect or forget the real sphere in economy! Credits have no influence on the price level whatsoever. It’s only the real money supply (argent) reflecting goods and services in the market that can have an influence on the price level.
Dav said :
« See how confusing now is the word money in English, when you say “credit amounts are measured with money”. How can a pear be measured by an apple ? to use your metafor. »
Of course, pears cannot be measured with apples. The metaphor was to illustrate that two different words point at two different things. Don’t misunderstand the finger, that points at the moon, as the moon itself.
Let me put this “credit amounts are measured with money” in other words. Marshall McLuhan says: « The content of a medium is always another medium. » Applied to credit and money, we can say: the content of credit is money. Or : credit depends on money. The content of money is services and goods. Or : money depends on goods and services. The content of services and goods is – well, pretty obvious in services – human work. Or : goods and services depend on human work. This also applies to material goods, because they get their value from human work. Matter itself is a loan from nature, the value of which cannot (or rather : should not) be expressed in terms of private property or money. That is another source of confusion in our monetary systems, though it’s closely related to « money creation ex nihilo ».
Robert said :
”Money stands for actual goods and services that can immediately be withdrawn from the market.”
Dav said :
« Yes, that’s true, but where did this “money/argent” come from ?
It is given by a state, and based on the quality of the debt of the state. So, it is a quite similar mechanism. »
By tracing money back to its origin in the existing system you are absolutely right. But in my view, the existing system ist worth to be thoroughly questioned.
Dav said :
« Furthermore, the money/argent is gained by working just like if my work was the credit part of the deal, and money/argent was the counterpart. »
True for the existing system. But I think we should find a better view.
Dav said :
« That’s why I love studying other langages, it is just like thinking with someone else’s brain ! »
Yes. Exchanging our views and thoughts help us to live together in the Global Village. We’re communicating via the internet – a medium. The content of the internet can be various things: pictures (gif, jpg), sounds (mp3), videos (mpg, wmv, flash movies etc.), written texts in various formats, like this blog. The content of this blog is a digital kind of print. The content of print is writing. The content of writing is spoken language. The content of spoken language is thought, the thoughts of all individuals writing here. And the content of thought? Maybe pure presence? Pure awareness?
Je suis donc je pense. 🙂
Dav said :
« Au plaisir de vous lire,
David »
Merci, David.
Cordialement
Robert
Chère Nadine,
Effectivement, l’expression « monétiser la dette » me paraît étrange (est-ce bien traduit ? Qui parle, en disant cela ?) puisque désormais, si j’ai bien compris, –et vous avez raison de souligner la contradiction– toutes les monnaies sont (déjà) de la dette : dette de la Banque Centrale (monnaie manuelle et monnaie BC) ou dette d’une banque commerciale (monnaie scripturale soldes disponibles des DAV), et même parfois dette d’un agent suffisamment fiable pour qu’un titre de créance contre lui soit accepté en paiement par de nombreux acteurs (l’important pour qu’on puisse parler de monnaie est que ce titre de créance puisse CIRCULER librement avec une force libératoire dans les échanges).
Cette expression « monétiser la dette » joue sans doute sur les mots (pour masquer certaines responsabilités écrasantes ?) en n’appelant plus « monnaie » que la monnaie d’État, dans un contexte où les banques commerciales –situation actuelle véritablement extra-ordinaire– sont toutes en faillite, SAUF SI L’ÉTAT –seul rescapé du naufrage parce qu’il est, lui, indestructible– REPRENAIT À SON COMPTE LES DETTES DES BANQUES FAILLIES, comme si la dette des faillis (la monnaie ayant pour contrepartie les prêts subprimes et autres risques insensés) devenait (par un nouveau traitement de faveur extravagant, Nadine, convenez-en) la dette de l’État, comme si la fausse monnaie des banques commerciales devenait – par un coup de baguette magique, par le fait du prince, complice des usuriers– la vraie monnaie de l’État.
Tout ça sans jeter un seul de ces faux-monnayeurs usuriers en prison.
Mais, si l’expression « monétiser la dette » signifie bien « transférer à l’État la charge de la dette des banques faillies », alors, cette distinction entre la fausse monnaie des banques privées (capables d’être en faillite pour avoir pris infiniment trop de risques à créer des tombereaux de monnaie en prêtant même à des insolvables, par une invraisemblable cupidité) et la vraie monnaie de l’État (jamais en faillite par principe) devient une réalité assumée en crise, alors qu’elle n’était même jamais débattue hors crise.
J’aimerais bien qu’on arrive à parler ici de la responsabilité, pénale et patrimoniale, de tous ces « professionnels de la finance », de tous ces prétendus « professionnels du risque », des « ingénieurs financiers » qui n’assument jamais PERSONNELLEMENT le risque des MILLIARDS qu’ils engagent tous les jours dans les salles de marché, tous des « gens sérieux » qui savent compter, eux, pas comme nous, les amateurs, les charlots, les jean-foutre, les drôles, qui ne comprennent rien au risque ni aux subtilités aristocratiques de la haute finance… En cette occurrence, la prétendue « complexité » des mécanismes monétaires sert évidemment à masquer les responsabilités.
L’histoire de la monnaie de Galbraith (son livre « L’argent » est simplement passionnant) montre que tout ça est une vielle histoire. En voilà un petit extrait :
Amicalement.
Étienne.
Such a great play, Robert ! Thank You !
Well, as you know, I am really convinced that credit is slighty different than money. And I’m also convinced that credit may be useful such as your play told us. « if Lady Macbeth wouldn’t have deposited her money in Bank A, Hamlet could not have taken a loan and the Merchant of Venice could not have sold his ring. So, credits are a facility to optimize the use of money. »
But, I’m still in trouble with that : Credits have no influence on the price level whatsoever.
You said nobody is having credit to put it in another bank.
What if Hamlet decide to make some Carry Trade between Denmark and Italy, before buying the ring of gold ?
I mean, why do we always think credit in a static system with only one currency ?
En plein accord avec la réponse de Étienne Chouard, 21 décembre 10h20 ci-dessus qui recentre bien la question.
Car je crois que nous nous écartons souvent, ou inmanquablement, du RÔLE de la monnaie.
À quoi sert d’abord la monnaie?
Les traitements de celle-ci sont-ils appropriés à ce rôle?
Parce qu’il y a beaucoup d’interventions (dont, d’ailleurs, une forte proportion d’interventions intéressantes à plus d’un titre). Mais si nous ne nous situons pas par rapport au rôle économique et social, les rôles économique et social étant indissolublement liés, alors on voit bien que les politiques monétaires ont été frelatées intensivementet ne répondent pas à l’attente sociale. Sans doute, leur études, pour une révélatrice documentation qu’elle nous apportent, ne nous préparerait pas à la – suite à donner -. Il faut y penser sans arrêt je crois.
Où est la priorité? Je pense que tout le monde la connaît.
Merci Etienne pour votre réponse .
Monetiser la dette est une expression largement utilisé par les économistes et qui a un sens précis.
J’ai dit que c’est un mystère pour moi dans le cadre d’une création monetaire par les banques privées mais comme je n’y crois absolument pas !
Monétiser la dette signifie pour moi et les économistes (enfin ce que j’ai lu) payer en monnaie de singe via la planche à billet électronique les engagements bancaires provenant de la bulle du crédit.
Cela ne coute rien à l’Etat ! par contre ça ruine les épargnants par l’inflation.
Amicalement
@Dav
A propos de la monetisation de la dette vous dites: »Qu’en pensez-vous ? »
Donc je vous réponds
Sans vouloir vous offenser: rien.
J’ai posé une question précise, j’attends toujours une réponse précise de ceux qui croient encore à la création monetaire par les banques privées (parce que pour les autres la réponse est évidente).
Mais je reconnais que c’est mission impossible !
Amicalement
Nadine,
Je vous ai donné une réponse précise; il n’y a pas de grand mystère…
Pour cela, il vous suffit d’être d’accord avec l’idée que le crédit est une monnaie dimensionnelle (qui gonfle et se dégonfle dans le temps). De là, on peut dire que les banques privées créent de la monnaie dimensionnelle.
Monétiser la dette, c’est transformer de la monnaie dimensionnelle (qui gonfle et se dégonfle) en monnaie non dimensionnelle (qui ne gonfle, ni ne se dégonfle). C’est juste un phénomène de compensation.
Quand la monnaie dimensionnelle se dégonfle, on veut la remplacer par de la monnaie/argent qui ne se dégonfle pas.
En somme Nadine, vous nous donnez la double preuve que le crédit, c’est différent de la monnaie/argent, mais que le crédit est une forme de monnaie, puisqu’il est possible de lui substituer de la monnaie/argent.
Vous voyez, ça n’avait rien d’impossible 🙂
@Dav
ça gonfle et ça se dégonfle… comment et pourquoi exactement, soyez plus précis ; donnez nous le mécanisme et l’utilité d’un tel systeme .
En cherchant votre réponse faites attention de ne pas tomber dans la 4 ieme dimension.
merci.
La troisième suffit, Nadine 🙂
Quand vous créez une ligne de crédit : vous gonflez la masse monétaire.
Au fur et à mesure du remboursement, la masse monétaire se dégonfle.
A la fin du remboursement, la « monnaie » est totalement dégonflée, la ligne de crédit disparait.
Vous pouvez appeler le crédit, monnaie temporaire ou monnaie dimensionnelle, juste pour exprimer le fait qu’entre le moment où la ligne de crédit est crée, et le moment où la ligne de crédit disparaît, il y a quelque chose qui existe, voire pourquoi pas circule et qui s’apparente à de la monnaie/argent (même si c’est différent).
Je vais reprendre un exemple que j’ai pris plus haut pour Robert afin de démontrer la parenté entre crédit et argent :
Here is a bank I lent 100 Euros I had from my job.
This first bank is lending money to someone who is going to depose it to another bank, say 90 euros.
This second bank is lending money to someone who is going to depose it to another bank, say 80 euros.
This third bank is lending money to someone who is going to depose it to the first bank, say 70 euros.
What do we have :
I own 100 euros, but it is all credit money now
The first bank have 10 euros in real money + 90 euros in credit money + 70 euros in credit money = 170 euros if you mix
The second bank have 10 euros in real money + 80 euros in credit money = 90 euros if you mix
The third bank have 10 euros in real money + 70 euros in credit money = 80 euros if you mix
Now, let’s imagine that we all want to buy something at the same time :
I think I can buy it because I know I potentially have 100 Euros in my bank account.
The first bank think it can buy it because It know It potentially have 170 euros.
The second bank think it can buy it because it know it potentially have 90 euros.
The third bank think it can buy it because it know it potentially have 80 euros.
L’utilité du crédit est ainsi de fluidifier l’échange.
Mais comme le crédit s’apparente à de la monnaie, il a un effet sur le prix.
Les prix gonflent, mais la monnaie/papier, elle, n’a pas gonflé, il n’y a que le crédit (la monnaie dimensionnelle) qui a gonflé… c’est une illusion de monnaie, mais cette illusion existe ^^. C’est quelque chose.
Du coup, quand il y a un problème dans le processus de dégonflement (remboursement) du crédit, ça coince.
Et c’est pour ça qu’une solution simple peut consister à substituer au crédit de la monnaie/papier.
On monétise la dette.
Ce qui est bien la preuve que le crédit est apparenté à une forme de monnaie puisqu’on peut les substituer.
En somme, ce n’est pas l’illusion des banques qui créent de l’argent, mais les banques qui créent l’illusion de l’argent.
J’ai oublié de conclure mon exemple en anglais sur l’effet du crédit sur les prix.
Au départ, j’étais tout seul à avoir de l’argent, j’avais 100 euros.
Après avoir confié mon argent à la banque, nous sommes désormais quatre (les trois banques et moi) à pouvoir prétendre acheter quelque chose pour une valeur de 80 euros.
Et encore, j’ai même pas parlé de Carry Trade, j’ai pris un exemple à devise fixe.