Monnaie, « monnaie scripturale » et… monnaie

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Je voudrais revenir sur une question que j’ai déjà évoquée dans mon billet intitulé Le monde enchanté de Maurice Allais où je dissèque une citation de Maurice Allais et montre où est l’erreur de raisonnement. Ce billet appartenait à la phase « déconstruction ». Vous avez été nombreux à appeler à une phase de « reconstruction » et vous vous y êtes mis d’ailleurs sans m’attendre et vous avez bien fait. Le moment est venu de m’y mettre moi aussi parce que même si je ne pense pas qu’il y ait de scandale criant dans le mécanisme de création de la masse monétaire, une chose m’est apparue en tout cas clairement : le phénomène de la monnaie est très mal compris et encore plus mal expliqué.

Plusieurs d’entre vous se sont attaqués à la monnaie dans une perspective linguistique ou épistémologique, ce qui n’est pas un mauvais angle d’approche, même si on peut se perdre aussi très facilement dans ce labyrinthe. Je vais commencer par reprendre au philosophe des sciences Wolfgang Stegmüller la distinction qu’il a introduite entre « concept théorique » et « notion pré-systématique » (1). Un « concept théorique » a un sens fixé une fois pour toutes, une « notion pré-systématique » a un sens encore lâche : « tout le monde la comprend » mais en réalité, tout le monde la comprend différemment – suivez mon regard !

Eusèbe touche sa paie de 1000 €. Il en met 900 à la banque Tirelire et 100 dans sa poche. La banque Tirelire doit conserver des réserves fractionnaires de 10 % sur l’argent qu’Eusèbe a déposé sur son compte mais il reste 810 € [900 € – (900 € x 10%)] qu’elle peut prêter, et elle les prête effectivement à Casimir.

Boris Ascrizzi a proposé une très bonne illustration en termes de ballons et de petits billets qui prennent la parole au nom de ballons et disent : « Je reviens dans dix minutes ». Si j’appelle ballons et billets simultanément « monnaie », j’utilise le mot monnaie en tant que « notion pré-systématique » parce que le sens du mot n’est pas fixé : il s’applique à deux choses différentes.

Je vais moi introduire plusieurs termes dont j’entends bien qu’ils soient tous des « concepts théoriques », de telle manière qu’ils ne puissent servir que dans une seule fonction dans les raisonnements : argent, fortune et reconnaissance de dette .

Eusèbe touche sa paie qui est de l’argent. Il dépose 900 € de cet argent à la banque et laisse 100 € de cet argent au fond de sa poche. La banque Tirelire donne à Eusèbe en échange de son argent, une reconnaissance de dette de 900 €, conserve comme réserve 90 € de cet argent et donne à Casimir 810 € de cet argent. Casimir donne en échange à la banque Tirelire une reconnaissance de dette de 810 €.

Il y avait 1000 € en argent au moment où Eusèbe a reçu sa paie. Au bout de l’opération, 100 € de cet argent sont dans la poche d’Eusèbe, 90 € dans la poche de la banque et 810 € dans la poche de Casimir. Rien ne s’est perdu, rien ne s’est créé de cet argent : le total est toujours de 1000 €. L’argent respecte ce que j’appelle un « principe de conservation des quantités ».

La fortune est un nouveau concept : la fortune, c’est l’argent dont on est propriétaire : elle additionne l’argent qu’on a et l’argent qu’on vous doit. Cette addition est justifiée sur le plan juridique : l’argent qu’on vous doit vous appartient, vous en êtes légalement le propriétaire. La reconnaissance de dette témoigne de cette propriété et en confirme le montant. La fortune d’Eusèbe est de 1000 € (100 € dans sa poche, 900 € sur son compte à la banque) ; la fortune de la banque est de 900 € (90 € dans son coffre et 810 € dans la poche de Casimir) et la fortune de Casimir est de 810 € (dans sa poche). Le total des fortunes est de 1000 € + 900 € + 810 € = 2710 €. La somme des fortunes est 2,71 fois plus élevée que la somme d’argent.

Dans mon raisonnement, « argent », « reconnaissance de dette » et « fortune » sont des concepts théoriques : le sens de ces mots est sans ambiguïté. Les problèmes conceptuels n’apparaissent que si j’introduis maintenant la « notion pré-systématique » de monnaie et si j’appelle « argent » dans mon vocabulaire = monnaie, ma « reconnaissance de dette » = monnaie scripturale et ma « fortune » = encore une fois, monnaie. Dans ce cas-là, au bout de l’opération, le montant de ma « monnaie » a été multipliée par 2,71 pour une raison qui, si elle n’est pas nécessairement scandaleuse, n’en est pas moins totalement mystérieuse.

Ah oui, mon concept de fortune, c’est évidemment la « masse monétaire M1 », là aussi une expression malheureuse, si argent et reconnaissance de dette sont déjà tous deux de la « monnaie ».

Revenons alors à la fameuse citation de Maurice Allais :

« Fondamentalement, le mécanisme du crédit aboutit à une création de moyens de paiement ex nihilo, car le détenteur d’un dépôt auprès d’une banque le considère comme une encaisse disponible, alors que, dans le même temps, la banque a prêté la plus grande partie de ce dépôt qui, redéposée ou non dans une banque, est considérée comme une encaisse disponible par son récipiendaire. À chaque opération de crédit il y a ainsi duplication monétaire. Au total, le mécanisme du crédit aboutit à une création de monnaie ex nihilo par de simples jeux d’écriture ».

Allons, allons Maurice : « moyens de paiement », « encaisse disponible », « dépôt », « opération de crédit », « monnaie », « jeux d’écriture » : pas étonnant qu’une chatte n’y retrouve pas ses jeunes !

––––––––––––-
(1) Wolfgang Stegmüller, 1976 The Structure and Dynamics of Theories, New York : Springer-Verlag

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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68 réponses à “Monnaie, « monnaie scripturale » et… monnaie”

  1. Avatar de Michel MARTIN

    Il me semble que la plus grande confusion sur la monnaie provient du fait que ce soit à la fois un média et une marchandise. Est-ce que les concepts « argent », « fortune » et « reconnaissance de dette » réduisent la confusion? Est-ce un premier pas qui permettrait d’avancer sur l’interdiction des paris sur l’évolution des prix (sur la valeur de l’argent dans le cas présent)?

  2. Avatar de béber
    béber

    Si l’on peut fixer définitivement le sens d’un « concept théorique » , il n’en reste pas moins que l’interprétation peut ENCORE diverger suivant les CONNOTATIONS que l’on prête à celui qui cause.

    Intéressante que l’explication de la différence maison entre argent et fortune.

    Enfin , ces nuances me conviennent , donnant l’impression de comprendre…enfin du moins de situer l’origine du malaise qui touche tant d’économico-cancres perdus pour cause de langage incompréhensible.
    N’empêches, qu’ai je compris?

    Si, tout en triturant un casque de la guerre de 39/45, vous dites : « la vie peut dépendre de la profondeur d’un trou de balle! « , certains focaliseront sur votre façon de montrer une trace d’ impact , d’autres sur votre air lubrique…

    La situation d’eusèbe, cet inconnu , permet d’examiner la situation avec recul ( bon , les tendancieux, çà suffit ! recul en un seul mot !) .

    La fable bancaire permet de laisser méditer tout un chacun : que le dieu des cancres bénisse monsieur Jorion !.
    Inspirer par les aventures de la banque tirelire, j’imagine que si Casimir ne rend pas l’argent à la banque , la banque perd 810 euros + la possibilités de gagner des intérets sur 810 euros , et a du mal à rembourser les 900 euros d’eusèbe si celui-ci les exige .
    Dans ce cas , elle doit aller CHERCHER AILLEURS l’argent prété qui doit être rendu.
    Soit les 810 euros sont dans ses caisses, soit ils ne sont pas….Que les premiers de la classe me jettent leurs bons points en pleine poire si je suis dans l’erreur .

    Et si l’on passe de la fable au monde des subprimes … ,
    soit les états aux banques mal endettés passent à la caisse, soit ces mêmes états passent à la casse…. ?

    A mon idée, la situation actuelle ressemble a une histoire où casimir , celui qui ne rendrait pas l’argent emprunté à la banque , pourrait bien être l’employeur d’eusèbe….
    Mais bon , ce n’est qu’une intuition…de cancre , bien évidement.

  3. Avatar de Wizzu

    Oui eh bien moi, je vais jouer les Candide, je ne comprends pas quelque chose dans ce beau raisonnement:

    [blockquote]la fortune de la banque est de 900 € (90 € dans son coffre et 810 € dans la poche de Casimir) et [b]la fortune de Casimir est de 810 € (dans sa poche)[/b] »[/blockquote]Depuis quand est-ce qu’une dette peut être considérée comme une fortune? Ca m’échappe complètement.

    Si Casimir doit ces 810 euros à la banque, ils ne lui appartiennent pas. Ils appartiennent à la banque: « L’argent qu’on vous doit vous appartient, vous en êtes légalement le propriétaire. » Casimir les reçoit en prêt. Il n’en est pas propriétaire. Donc ces 810 euros ne peuvent être considérés comme faisant partie de la fortune de Casimir. En matière comptable comme en termes de bon gros sens commun bien bourrin, une dette se déduit des liquidités disponibles pour calculer le patrimoine…. en quoi la « fortune » devrait-elle répondre à une logique différente?

    C’est à cause de ce genre de sophismes qui me paraissent à moi complètement absurdes, et qui fusent tous azimuth dans ces discussions, que le sujet finit par m’assommer.

    Voilà, c’était mon coup de gueule du jour. 🙂 (Mais je continuerai sans doute à lire le blog avec assiduité).

  4. Avatar de Wizzu

    Zut, me suis mélangé les pinceaux avec le formatage. Désolé… 🙁

  5. Avatar de Mathieu
    Mathieu

    Bonjour a tous.
    Lorsque Paul dit: « Eusèbe touche sa paie de 1000 €. Il en met 900 à la banque Tirelire et 100 dans sa poche. La banque Tirelire doit conserver des réserves fractionnaires de 10 % sur l’argent qu’Eusèbe a déposé sur son compte mais il reste 810 € [900 € – (900 € x 10%)] qu’elle peut prêter, et elle les prête effectivement à Casimir. »

    ma compréhension du mécanisme des réserves fractionnaires était autre, j’aurais dit:
    « Eusèbe touche sa paie de 1000 €. Il en met 900 à la banque Tirelire et 100 dans sa poche. La banque Tirelire doit conserver des réserves fractionnaires de 10 % sur l’argent qu’elle possède par rapport a ses prêts. Ses réserves ont augmenté de 900 €, elle peut donc prêter (900 / 10%) = 9 000 €, et elle les prête effectivement à Casimir. »

    Pour moi l’argent de casimir n’est jamais re-prêté, il constitue juste une partie des réserves fractionnaires de la banque, l’argent prêté est crée de façon scripturale au moment du prêt.
    Est ce qu’un esprit éclairé pourrait m’expliquer clairement en quoi mon raisonnement est faux?
    Merci bien

  6. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Intéressants les commentaires, de même les désignations diverses de Maurice Allais misent en exergue par Paul qui indiquent, donc, par le prisme de Maurice Allais, la surmultiplication des désignations qui semble égarer tant de monde.

    –>Enfin, s’agissant de la monnaie, je répète pour la éniemme fois, que tant qu’on ne recherchera pas, à la base, l’UNITÉ entre la PRODUCTION des biens et la MONNAIE, les cafouillages et les malentendus ne peuvent que perdurer.

    Car lorque cette UNITÉ entre – production – et – monnaie – restera intègre et non « tripotée » (dans tous les sens du terme), il sera possible pour ceux qui veulent obtenir des revenus par n’importe quels moyens aussi « sophistiqués » soient-ils, d’édifier des sytèmes d’une chrématistique (faire de l’argent par l’argent) de leur choix, mais: à leur SEUL et UNIQUE RISQUE, et à leurs seuls FRAIS en cas de baisse ou de perte.

    Ainsi, – Plus d’empoisonnement de l’économie par la finance et la bourse –.

    C’est là que le système financier et bancaire est spécialement coupable, car c’est lui, et lui seul actuellement qui décide de la politique du « crédit » à tenir y compris une augmentation notoire de la masse monétaire, augmentation qui sert à alimenter la spéculation des bourses et autres bulles et qui est une masse monétaire servant aux achats des déjà richissimes (voir, par ex. p. 107 et 108 la citation de François de Witt dans ‘mieux vivre votre argent’ dans: La Dette Publique, une Affaire rentable, de André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder, éd. Yves Michel, Mai 2008).

    Cette « politique du crédit » est maintenant infiltrée à peu près officiellement dans l’essentiel des instances gouvernementales occidentales (ce sont partout les mêmes hommes, ou des collègues, qu’on y retrouve, l’exemple de l’entourage d’ Obama qui a été soutenu par l’essentiel du monde financier, laisse perplexe). Les États et les gouvernements deviendraient ainsi l’instrument de la perennité de ce système financier et bancaire.
    L’heure est à toutes les plus grandes incertitudes.

  7. Avatar de tigue
    tigue

    Bonjour,
    j’ ai appelé du renfort, j’ espère qu ‘ elle va venir.

    http://mugur-schachter.net/pdf/presentation.pdf

  8. Avatar de antoine
    antoine

    1/
    L’exemple est parfaitement choisi. Il a le mérite de la clarté en ce qu’il permet de clarifier les bases du désaccord des uns et des autres (ce qui « manque » à l’exemple). C’est une super base. Si Paul Jorion ou un autre pouvait prendre sur lui de complexifier progressivement l’exemple et d’intégrer peu à peu ce qui manque, ce serait vraiment bien. En tout cas c’est une bonne base.

    A le lecture des commentaires, je me rends compte qu’il existe au moins deux positionnements qui n’ont rien de comparables:

    – Ceux qui adoptent la perspective moins dramatique de Paul. A la base le pb de la creation ex nihilo est une hypothèse curieuse à vérifier. Et il appert qu’en fait le problème a bien plus d’ampleur, de profondeur, qu’il ne semblait en avoir au départ, sans pour autant être à ce point décisif (rien n’exclut qu’il ne puisse le devenir).
    Il s’agit avant tout d’ASSAINIR le système. C’est je crois celle de JeanNimes aussi.

    – Ceux qui traitent la question de la monnaie dans la perspective d’une remise en cause totale de l’institution même DU SYSTEME FINANCIER tel qu’elle est ou qui se saisissent de ce point de départ pour petit à petit s’élever à une vue critique d’ensemble, comme un « mache-pieds ». A ceux-là je pense que le « simple » fait « d’interdire la pratique du pari sur les prix » ne suffira pas encore à rendre le système acceptable, car c’est la totalité du système qu’il faudrait remettre en question.
    (l’idee sous-jacente étant: si nous pouvons le démontrer notre point de vue de manière rationnelle, ou si nous pouvons démontrer que notre perspective est au moins aussi défendable que son alternative sur le plan moral, alors nous marquons un point décisif en allant frapper le système directement au coeur: la MONNAIE) .

    Je pense , entre autre, dans l’esprit, au commentaire de Di Girolamo:
    « Eusèbe fait fortune en travaillant ; de même pour Casimir. La Banque fait fortune sur le dos d’Eugène et de Casimir.
    Conclusion : mieux vaut être banquier que travailleur. »

    Ce point de vue est discutable et discuté mais il témoigne bien de la radicalité de cette perspective.
    (Mais qu’est ce qui constitue un « travail »- bonne chance sur celle-là- ? La banque ne « travaille » t-elle pas? Quel est le motif moral fondamental qui justifierait, en l’espèce, que « l’activité » de celui qui prête à la Banque soit traitée d’une façon particulière et « l’activité » de la Banque d’une autre? Personne, DANS L EXEMPLE, ne force le travailleur à prêter son argent à la banque. Ils ne sont pas « exploités » par la Banque qui ne prend rien « sur leur dos ». En fait il faudrait prouver qu’ils ont moins PARCE QU’elle a plus. Mais tel n’est pas le cas en l’espèce SI ON S ARRETE à l’exemple et au contexte donné par Paul).
    A ce qui vient d’être dit on pourrait soulever d’autres objections etc etc… Mais je ne mentionne cet exemple que pour mettre en évidence la radicalité de la perspective en question.
    Aussi longtemps que

    3/
    Pour ma part je n’ai pas encore d’avis sur la question. mais j’apprends beaucoup.

    Je constate que la question de savoir à quel titre nous nous permettons de traiter les « dettes » exactement comme de « l’argent » est une question fondamentale:
    Elle met l’accent sur les postulats discutables et ininterrogés de la théorie économique, qui voudrait, sous prétexte que deux choses partagent une même fonction et sont parfaitement indiscernables dans la réalité, leur accorder un traitement identique.
    Or, le refus de fonder les règles de la vie en communauté sur autre chose que la signification sociale des biens que ses membres sont amenés à échanger, et du sens que cet échange a POUR EUX au moment ou ils le font, est justement à la base de ce qu’on a pu appeler « la théorie des échanges bloqués ».

    Il fut un temps- certes lointain – ou c’était exclusivement la signification sociale d’un bien qui déterminait la manière dont il était possible d’en faire usage.
    Par exemple une « rente » n est pas un « salaire » qui n est pas un gain à la « lotterie » qui n’est pas la perception d’ »honoraires » etc etc…, ce qui implique une théorie politique sous-jacente pour justifier un régime de responsabilité spécifique à chaque « cas », contrairement à la théorie économique qui je m en rend maintenant compte ne voit là que circulation « d’avoirs », terme neutre ne renvoyant à rien de signifiant… ces avoirs je crois sans en ête sûr qu’elle les pense dans la théorie sous la forme exclusive de « tout ce qui peut potentiellement s’échanger contre de la monnaie »).

    De même parler de « produits financiers » ne veut rien dire; et si on a pu leur accorder ne serait-ce qu’un droit à l’existence c’est parce qu’au préalable il a été décidé que rien ne ressemblait plus à une vente… qu’une vente (!), faisant fi de sa signification sociale intrinsèque (qui dépend à chaque fois du contexte de la vente, ce qui inclue la qualité du vendeur, de l’acheteur, du produit, et in fine une interprétation déterminée de la nature du lien civique, car ils sont aussi en même temps et AVANT TOUT des citoyens tenus à un certains nombre de devoirs mutuels) pour ne retenir que l’opération formelle elle-même (c’est ainsi qu’au fond toute vente devient, plus radicalement, une « mise aux enchère », qu’il n’y a plus que des « X » indifférenciés qui s’échangent librement sur un « marché »).

    (Evidemment ceci impliquerait une remise en question de la structuration même du Droit. Car alors il n’y a pas de droit générique du commerce qui soit légitime, dont les « produits financiers » pourraient relever. Il n’y a à chaque fois qu’un droit de telle ou telle forme déterminée d’interaction sociale, et l on voit que l’idée même de « Constitution de l’Economie » pose problème, alors que celle de « Loi constitutionnelle sur la Finance » n’en pose pas)

    Le débat sur « nature » et « fonction » est donc un moment essentiel d’une tentative de clarification normative sans concession, et pas simplement une question sur le sexe des anges. Je n e crois pas que le problème dans l usage des termes

    Faudrait-il décrire à nouveaux frais la totalité du processus en repartant de concepts assurés qui feraient l’économie de « monnaie » et d’ « actifs machin chose » : patrimoine, dette, argent et d’autres à venir… La philosophie politique part du milieu de l’opinion pour s’élever au dessus de l’opinion. Partons de l’opinion et des concepts les mieux partagés. On verra bien ce qu’il finit par en sortir. C’est là je crois le point de départ que se donne Paul Jorion avec ce billet. C’est un super point de depart, si ce n’est le seul possible POUR NOUS qui discutons ensemble sur ce blog.

  9. Avatar de Chris
    Chris

    Plusieurs commentateurs ont remis en cause le calcul de la fortune et je suis d’accord avec eux.

    D’après Wikipédia, « En finance, la fortune est un patrimoine important » et un patrimoine est « ensemble des biens qu’il possède, évalués au prix du marché, moins ses dettes et autres engagements financiers (patrimoine net) »

    Donc si je me base sur cette définition de la fortune Casimir et la banque ont une fortune égale à 0, peut être était-ce volontaire afin de lancer le débat sur ce qu’est la fortune d’un individu, car dans l’exemple qui possède quoi?

    – Eusèbe a 100 € en poche et une reconnaissance dette de 900€ de la banque, est-ce que l’on peut dire qu’il possède 1000€, cette question dépend essentiellement du sérieux de Casimir à rembourser sa dette à la banque et à la banque de rembourser Eusèbe mais en tout cas pour l’instant il n’est pas en mesure de dépenser plus de 100€ (ce qu’il a en poche).
    – Casimir a 810€ en poche et il doit à la banque 810€, si on considère que Casimir va rembourser sa dette sa fortune est nulle mais en attendant qu’il la rembourse il a 810€ en poche qu’il peut dépenser.

    A mon avis Michaud à raison de dire qu’il faut prendre en compte le paramètre temps, car d’après moi il y a a une fortune « juridique » (au terme des remboursement) et une fortune « capacité à dépenser » (à l’instant) dont la différence correspond aux dettes.

    Ma conclusion serait donc que la fortune « juridique » est de 1000€ pour Eusèbe et zéro pour les autres, mais la fortune « capacité à dépenser » est de 100€ pour Eusèbe, 90€ pour la banque et 810€ pour Casimir.

  10. Avatar de Pierre
    Pierre

    Et bien moi qui pensais que ma fortune était pour ce que je possédais + tout ce que l’on me devait mais, inversement, moins tout ce que je devais, je ne trouve pas ce 3° élément dans votre définition du mot fortune.
    Je vais donc relire votre explication parce que nous n’en sommes qu’aux prémisses et je commence mal.
    Pour moi, la banque a une fortune égale : 90 (qu’elle a gardés en caisse) + 810 (prêtés à Casimir) + les intérêts à venir sur les 810 qu’elle a prêtés mais moins les 900 qu’elle doit à Eusèbe. La fortune de la banque à ce stade est = la masse des intérêts futurs qu’elle attend (qu’elle espère) de Casimir.
    Quant à Casimir, sa fortune est égale – pour ce qui nous a été dit – aux 810 que la banque lui a prêtés moins 810 qu’il doit à la banque moins la masse d’intérêts futurs qu’il lui doit également. Sa fortune ou actif net est au départ négative.
    Quand Casimir va rembourser progressivement sa dette son actif net va d’abord tendre vers zéro puis va croître. Sa fortune va croître de deux façons : la réduction de sa dette et la valorisation (s’il y en a) de ce qu’il aura acheté avec cette dette.

  11. Avatar de Archimondain
    Archimondain

    Je me permets de reprendre ici un commentaire fait par A-J Holbecq sur le post : ‘Notre débat sur la monnaie : et si c’était à refaire ?’, car il me semble qu’il colle parfaitement à ce post-ci

    A-J Holbecq dit :

    […]
    “c’est la double inscription simultanée d’un même montant à l’actif et au passif du bilan de la banque qui constitue l’acte par lequel elle crée de la monnaie. Il y a en effet un accroissement de la quantité de monnaie détenue par les agents non financiers : cette monnaie ne résulte pas d’un transfert de ressources d’une épargne préalable, mais représente une capacité de dépenses supplémentaires pour le bénéficiaire sans que personne d’autre ne renonce à son pouvoir d’achat.”
    […]

    C’est bien avec cela que je suis en désaccord. Car cette double inscription simultanée n’est possible que parce que l’argent des dépots à partir duquel du ‘nouvel argent’ est créé n’est pas dépensé. Si il l’était, la banque ne pourrait rien créer du tout. Quand il est dit : ‘Cette monnaie représente une capacité de dépenses supplémentaires pour le bénéficiaire sans que personne d’autre ne renonce à son pouvoir d’achat’ je pense que ça n’est vrai qu’à une echelle individuelle. Effectivement, vous avez toujours accès à l’argent que vous déposez à la banque. Et si vous voulez le retirer c’est possible. Mais ça n’est possible que parce que peu de gens décident de la faire en même temps que vous. Ça n’est possible que parce l’argent totale ‘utilisé’ à peu près en même temps est toujours inférieur à l’argent résultant du ratio de reserve imposé aux banques.

    Je pense au contraire que la population prise dans sa globablité renonce à son pouvoir d’achat sans s’en rendre compte, car l’argent qui dort sur un compte n’est pas là. Il est prêté. (où si vous préféré, il est toujours là : +100, et en même temps le nouveau ne peut être créé que parce que le vôtre est là : -90). Le pire est que cet argent prêté ne sera pas plus ‘utilisé’ qu’avant. On achètera une voiture, puis la personne qui encaisse le chèque déposera l’argent sur un compte où celui-ci ne seras toujours pas utilisé, et la majeur partie de l’argent qui résulte du prêt sera à son tour prêté.

  12. Avatar de Chris
    Chris

    @ Archimondain

    effectivement le fait de déposer de l’argent à la banque est en fait un accord tacite et non contractuel que l’on s’engage à n’utiliser qu’une partie cet argent chaque mois (chaque mensualité payée par Casimir + la partie de réserve fractionnaire que cette mensualité représente est de nouveau disponible à la banque pour Eusèbe), le problème c’est que c’est la banque qui choisit le montant qu’Eusèbe peut récupérer chaque mois.

    La loi est totalement contradictoire car elle donne le droit à la banque de ne disposer que d’une partie des dépôts et en même temps elle donne le droit au déposant de disposer à tout moment de l’ensemble de ses dépôts.

  13. Avatar de Stubborn
    Stubborn

    @Dav. « Nous considérons les reconnaissances de dettes comme de l’argent. »

    Oui, mais ce n’est pas exactement de l’ordre du même. Et nous devrions préciser : attention au « comme » : il s’agit en fait d’une équivalence entre ce qui d’un côté appartient au virtuel (un réel hypothétique) et ce qui appartient au réel… disponible.

    @tigue.
    Vos liens sont très bien. Merci.

  14. Avatar de zoupic

    Bonsoir et merci pour la suite du débat,

    Deux choses différentes :

    *Si Casimir arrive à une banque, celle ci peut prêter 9 fois plus que ce qu’elle a en réserves fractionnaire,
    Dans le cas de la Tirelire, ayant 900 elle pourrait prêter 9×900 ?? ca lui permet de garder un ratio de 1/10 des réserves?

    *Si Eusèbe dépose 1000 à la banque, la banque peut prêter 910.
    La banque se retrouve avec 100 en argent dans le coffre, elle a une reconnaissance de dette de 900 envers Eusèbe mais va émettre une reconnaissance de dette d’au moins 900 de Casimir.

    Où est-ce que j’ai faux?

    Deuxième question
    Si Casimir dépose son chèque de 910 à la banque suivante, combien celle ci inscrit-elle dans ses réserves, combien pourra-t-elle alors prêter au suivant?
    Au final, si on considère le système bancaire comme un seul établissement, quel est le facteur de démultiplication maximum que nous atteindrons dans un cas où l’argent tourne parfaitement?

  15. Avatar de Bruche
    Bruche

    Bonjour à tous,

    D’abord une question : quelle est la définition précise de la « réserve fractionnaire » ?

    Ensuite, mon point de vue : je crains que l’exemple d’Eusèbe and co soit erroné, pour les raisons suivantes.
    – En guise de fortune, Casimir a une dette de 810.
    – La banque a une dette de 900.
    – Eusèbe croit avoir une fortune de 1000 mais il se met le doigt dans l’oeil. Supposez que tous les Eusèbe qui ont déposé leurs économies à la banque veuillent, dans un bel ensemble, dépenser simultanément tout ce qu’ils ont sur leur compte (je ne parle même pas de récupérer leurs avoirs sous forme de billets). Pensez-vous que la banque supportera le choc ?
    A mon avis, la fortune d’Eusèbe est comprise entre 100 (les billets qu’il a en poche) et 1000, mais je suis incapable de dire combien.

    Je quitte le mode destructif pour essayer quelques pistes de réflexion, tout en précisant que je n’ai aucune compétence en la matière et que j’amorce « à chaud » la réflexon sur le sujet.
    – Même dans un système d’échanges basé sur le troc, les choses n’ont que la valeur qu’on accepte de leur donner.
    – La notion de confiance me paraît inséparable de ce qui précède.
    – Comment introduire les notions de travail et de valeur ajoutée dans ce débat sur la monnaie ? Mais aussi les notions d’érosion et de destruction de la valeur ?
    – Je m’aperçois que j’utilise beaucoup le mot « valeur »…

    J’arrête de vous saoûler.
    @ +

  16. Avatar de Archimondain
    Archimondain

    @zoupic :
    * Les 900 de la banque résultent du dépôt de Eusèbe. Comme le montre la vidéo l’argent-dette, si vraiment la banque était autorisé à prêter 9 fois plus que les sommes déposées, elle pourraient alors prêter 9000, puis de ces 9000 on pourrait prêter 90000, et ainsi de suite jusqu’à l’infinie. Ce n’est pas ainsi que ce passent les choses.

    * Cela me parait plus proche de la vérité.

    D’après ce lien sur wikipedia, (fournit par A-J Holbecq dans un précédent post), avec un chèque de 910 à la banque suivante, si le ratio de réserve est de 10%, la banque pourra prêter 819, et inscrit 91 dans ces réserves fractionnaires.

    Si je ne me trompe pas, la somme de tout les crédits (si le premier dépôt est de n et le ratio de réserve de 1-q) est la somme des termes d’une suite géométrique de raison q et de premier terme n. comme q < 1, cette somme converge vers (n*q)/(1-q) quand le nombre de termes tend vers l’infinie. avec 1000 de premier dépôt et 10% de coefficient de réserve, ça donne 9000 de flux monétaire crédité au maximum.

  17. Avatar de Archimondain
    Archimondain

    Et voici le lien question 🙂
    MoneyCreation

  18. Avatar de Benjamin
    Benjamin

    Bonjour
    Je partage la meme interrogation que mathieu (voir commentaire 4 decembre 16h00)
    D’aprés la video de Grignon, la banque peut préter 9000 euros a partir d’un depot de 900 euros d’ou la création exnihilo dont parle Allais
    Selon M jourion la banque peut preter que 810 euros à partir d’un depot de 900 euros….
    QUI A RAISON Allais ou Jourion tel est la question?

  19. Avatar de thelast
    thelast

    Bonsoir à tous,

    Au final, si comme vous l’expliquez apres la circulation de la monnaie des fortunes sont créées quels en sont les problèmes?

    J’en vois deux:
    1- Si Casimir ne peut pas rembourser et ce de facon definitive
    2- Si Eusebe veut reccuperer son argent

    Si Casimir perd son travail ou s’il tombe malade il peut toujours negocier de façon raisonnée un différé de remboursement. S’il meurt ou devient handicapé il ne peut plus rembourser. La banque a un problème. Enfin elle a un problème si Eusèbe veut reccuperer son argent.

    Mais dans tous les cas si Eusebe veut reccuperer son argent, c’est tout de suite plus compliqué. La banque lui a juré ses grands dieux qu’il peut le reccuperer quand il veut; mais en fait, son argent s’est transformé en numéro sur un écran.
    Du coup le jour où Eusebe se pointe, la banque lui dit :
    – M. Eusèbe j’ai l’argent mais je ne peux te le donner que suivant les mensualités de Casimir (qui heureusement va bien)
    OU – M. Eusèbe le problème est sous contrôle, je vais voir si je peux trouver un prêteur….

    La banque et Casimir ont été plus malins car les deux ont tiré bénéfice du travail de Eusebe sans avoir grand chose à faire.

    La banque ne fait que profiter de concourts de circonstance:
    – Eusèbe lui est bien content de mettre son argent à la banque: Il considère qu’il est plus sur de le mettre à la banque que de le garder avec lui.
    – Casimir avait besoin de je ne sais quoi qu’il dit pouvoir rembourser s’il le possède déjà.

    Pour ma part, Eusebe a commis deux erreurs :
    La première est d’avoir confié ses avoirs à une tierce personne qui se fout de savoir ce que représente cet avoir.
    La deuxième est de faire d’un coup d’un seul un retrait massif – ce qui fait que personne ne peut le rembourser.

    Une bonne solution ne serait elle pas d’interdire Eusebe de faire des retraits trop importants? Imaginons pire… Supposons que par les lois en vigueur Eusèbe ne puisse pas depenser de facon inconsidérée. Dans ce cas, pourquoi aurait il besoin de faire des retraits importants?

  20. Avatar de Chris
    Chris

    @thelast
    une autre « bonne » solution serait d’obliger la banque à demander à Eusèbe s’il accepte de prêter une fraction se ses dépôts, quelle est la fraction qu’il accepte de prêter et sur quelle durée.

  21. Avatar de sylba
    sylba

    Je lis et relis les billets et les commentaires et ne cesse de me demander dans quelle mesure ces essais de clarification apportent des lueurs supplémentaires et simultanément quel est le risque qu’ils écartent encore un peu plus d’une réelle compréhension au travers d’une focalisation qui fait perdre de vue des relations essentielles.
    Deux points sur lesquels j’achoppe :
    concernant Eusèbe, sa banque et Casimir, le fait d’additionner les « fortunes » ne revient-il pas à la même erreur que celle, courante chez de jeunes élèves abordant les nombres relatifs, qui consiste à additionner les valeurs absolues en négligeant de tenir compte du « signe » des nombres positifs ou négatifs ?
    concernant certains raisonnements (dont ceux récurrents sur « l’oeuf et la poule »), ne sont-ils pas faussés à la base par le fait qu’ils concentrent l’attention sur ce qui se passe entre quelques protagonistes alors qu’ils ne peuvent être pensés correctement qu’au niveau de « populations » ?

  22. Avatar de Shiva
    Shiva

    Bonjour,

    Une confusion semble subsister sur la vidéo de M. Grignon et les coefficients à multiplier ou diviser.
    Dans l’exemple pris de la création d’une nouvelle banque, le premier emprunt est accordé à partir d’un premier « dépôt de réserve », fait par les créateurs de la banque, et non les déposants, à la banque centrale. A ce stade le coefficient « 9 pour 1 » est appliqué, 1 en dépôt = 9 en prêt. Par la suite, lorsque le dépôt est effectué par un client à sa banque il est divisé (fractionné) par le ratio pour définir la réserve « 1 pour 9 », le reste est prêté, re-déposé, re-fractionné, et ainsi de suite.
    Dans le film, la seule création « ex-nihilo » correspond à la première étape, le reste une démultiplication monétaire, temporaire.

    Au final, toute les personnes qui auront bénéficié d’un prêt, à partir du dépôt du premier client auront pu obtenir immédiatement ce qu’elles désiraient. Elle le paient plus cher pour l’obtenir plus vite et la différence va à la banque.

    Le ratio de « réserves obligatoires » (réserves fractionnaires) est de 2% dans la zone euro.
    Les dépôts de réserves (partie des prêts conservée par la banque) sont faits à la banque centrale et sont rémunérés par celle-ci.

    Je conserve des doutes sur la première partie de la démonstration de Paul Grignon et la multiplication par le coefficient du premier dépôt à la banque centrale. Je ne trouve rien n’explicite dans la loi française ou les règlements européens sur les établissements de crédit.
    Quelqu’un aurait-il quelque chose de probant sur le droit appliqué ou les pratiques constatées dans ce domaine ?

    Merci.

  23. Avatar de Ybabel
    Ybabel

    @Benjamin
    le débat a été tranché relativement unanimement. Pas de scandale dans la création monétaire. La vidéo de Grinon est abusivement simplificatrice (même si elle n’est pas fausse) en faisant croire que les banques sont les seules bénéficiaires de cette démultiplication monétaire (ce qui n’est pas le cas dans la pratique).
    @thelast
    ce n’est pas un problème dans un système global, car on considère que tout le monde ne va pas retirer en même temps. C’est un risque sciemment couru pour accélérer le développement économique. Pas d’arnaque ou de scandale la dedans.

    Pour ma part, et pour plusieurs autres aussi je pense ce débat a été fructueux !!! Il a éclairci les bases sur lesquelles ont peut continuer la réflexion.

  24. Avatar de Wizzu

    Ouf! Après la lecture des commentaires de Chris et de Pierre, je suis soulagé de constater que je ne suis pas le seul avoir de sérieux doutes sur la façon dont a été présentée la notion de « fortune », et les calculs consécutifs reposant sur cette notion.

    Pour moi, Paul, cette bizarre suite de calculs à partir d’une définition de la fortune très discutable, voire biaisée, jette un discrédit sur l’ensemble de l’exposé. Une seule prémisse fausse transforme tout syllogisme, rationnel ou non, cohérent ou non, en sophisme sans validité autre que rhétorique. Du coup, je me pose de sérieuses questions.

    Je trouve que ce blog et ses commentaires commencent à sentir la fumisterie. Beaucoup d’intervenants ont l’air d’avoir de sérieux problème de supériorité, et camouflent leur manque effectif de rigueur dans la pensée derrière un écran de fumée composé de discours abstrus qui n’ont de sensé que l’apparence.

    Merci à ceux qui semblent garder la raison et éviter la dérive.

  25. Avatar de Alain A
    Alain A

    Il y a tellement de bouts de fils qui sortent de la pelote « monnaie » que l’on a du mal à les saisir tous à la fois, ce qui est pourtant nécessaire à la compréhension intellectuelle du phénomène.
    Ce qui m’étonne parfois c’est que certains trouvent scandaleux que la banque prélève un intérêt sur ce qu’elle a prêté à Casimir (p. ex. 6%) en oubliant que la banque paiera un intérêt à Casimir (p. ex. 3%). Les deux sont « pourtant » des rentiers au sens premier du mot, un petit et un gros (par la multiplication et le volume des prêts consentis).
    La multiplication de la fortune « ressentie » par nos 3 compères passe aussi, me semble-t-il, par une diminution de l’argent liquide (celui avec lequel on achète du pain à la boulangère, càd du travail humain sous forme de :marchandise utile) : Eusèbe garde 90, Casimir en à 810 (avec lesquels j’espère qu’il va développer de l’activité productrice…) mais la banque doit garder ses 90 E dans ses coffres. On peut supposer que la Banque Centrale compensera cette immobilisation par de l’émission d’argent (monnaie fiduciaire avec laquelle on achète en général le pain). Le système existant depuis plusieurs siècles, tout cela est dans un équilibre précaire ou 173 nations et banques centrales, milliers de banques commerciales et millions de possédants prêteurs interagissent. C’est à ce moment que je me rends compte que l’ai perdu beaucoup des fils qui sortent de la pelote…

  26. Avatar de De passage
    De passage

    Bonjour ou bonsoir,

    Je suis juste de passage sur ce site, que je trouve, comme la plupart des intervenants, très intéressant. Je ne suis pas précisément qualifié en science économique, mais j’ai un certain bagage en sciences sociales (ce qui inclut un intérêt de plusieurs années en économie politique). Si je me permets d’intervenir, c’est seulement pour apporter un petit grain de sable qui, me semble-t-il, pourrait ramener le débat à son fondement, quitte à en gripper certains rouages.

    A mon sens, il faut revenir au départ de l’exposé, et à ce brave Eusèbe qui, touchant ses 1000 euros de salaire et qui, vertueusement, en place 900 auprès de la banque Tirelire, n’en conservant que 100 dans sa poche. Pour la suite, on négligera le fait que, actuellement, la plupart des salariés ne touchent pas leur salaire directement en numéraire, mais que ce montant est généralement transféré, scripturalement, du compte de son employeur auprès de la banque Entreprise sur son propre compte auprès de la banque Tirelire : ceci engendre des questions très pertinentes au niveau de la définition de la monnaie, et de la création de celle-ci, mais ce n’est pas ce dont je veux parler ici.

    La question oubliée, le point aveugle, de tout ce débat est la suivante : ces mille euro qu’Eusèbe reçoit, à quelle valeur correspondent-ils ? On peut le dire autrement : quelle part de la richesse réellement produite et réellement consommée, ces mille euros représente-t-ils?

    On peut supposer, dans le sens du modèle, que le travail d’Eusèbe a créé une plus-value d’au moins mille euros (vraisemblablement plus, mille cent, mille cinq-cents, deux-milles euros, peu importe), et que ces mille euros représentent la quote-part que le mode production accorde à Eusèbe. Si c’est assez simple à comprendre, mais pas forcément simple à estimer, lorsqu’on entend des produits manufacturés, et que l’on peut déterminer des facteurs déterminants de la plus-value (valeur des capitaux entrant dans le processus, temps de travail, complexité du travail, etc.), ce devient beaucoup plus compliqué lorsque ces facteurs sont difficiles à déterminer (comme par exemple la part du travail intellectuel) : ce serait déjà tout un débat.

    On pourrait toutefois penser que les mille euros qu’Eusèbe apporte à la banque Tirelire ne proviennent pas d’une création de plus-value : Eusèbe pourrait tout simplement avoir simplement volé ces billets, par exemple en agressant quelqu’un (ce qui est bien sûr un travail, mais qui ne contribue pas vraiment, reconnaissons-le, à la production de richesse), il n’en resterait pas moins propriétaire de son larcin. Sans vouloir faire d’amalgame, Eusèbe peut très bien avoir prêté 800 euros à un ami (serait-ce Casimir, pourquoi pas?), qui lui aura rendu, intérêts compris, ces fameux mille euros : la question de la production de plus-value est ici plus obscure (peut-être que les 200 euros d’intérêts payés par Casimir auront permis à ce dernier de générer un plus-value de mille, deux mille euros, auquel cas les mille euros d’Eusèbe auront effectivement contribué à la création de valeur (serait-ce dans le trafic de stupéfiants); mais peut-être aussi qu’ils auront contribué à une destruction de valeur, si Casimir ne les a pas ou les a mal investis dans le processus de production (se contentant de les consommer) et conduisant ensuite son entreprise à la faillite, ou encore s’il les a simplement utilisé pour jouer à la loterie.

    D’une manière ou d’une autre, si l’on excepte le prêt réellement productif, ces fameux mille euros ne correspondent plus à une valeur matérielle, ce sont de pures fictions, analogues aux billets du Monopoly : ils n’en demeurent pas moins, du point de vue de la banque Tirelire, au moment où Eusèbe les y dépose, de la belle et bonne monnaie.

    Dès lors, peu importe le nominalisme, et que l’on appelle M1, M2 ou M3, ou encore capital ou fortune, etc. la monnaie. Le piège est en amont, et la seule question, à laquelle aucun des économistes que j’ai lus (sauf peut-être certaines pages de Keynes sur la monnaie) ne m’a pas apporté de réponse satisfaisante est la suivante : comment définir rigoureusement, je veux dire rationnellement et scientifiquement, la valeur ?

    Lorsqu’on aura une réponse, on pourra parler sérieusement des mille euros d’Eusèbe, pas avant, et parler alors, doctement, de la distinction entre des concepts théoriques et des notions pré-systématiques. Je veux simplement dire qu’il faudrait conceptualise la notion de valeur (et peut-être critiquer sérieusement les théories économistes d’avant et d’après M. Allais) avant que d’essayer de conceptualiser la notion de monnaie : mais peut-être cela a-t-il déjà été fait sur d’autres pages du blog, comme je l’ai dit en préambule, je suis juste de passage.

    Avec mes meilleures considérations pour la bonne tenue de vos débats, que j’espère ne pas avoir trop perturbés, je voudrais encore vous adresser mes amicales salutations.

  27. Avatar de Dani

    @Paul :

    J’adhère à votre exercice de clarification et surtout au principe de dissociation des concepts. Par contre, je ne suis pas du tout convaincu par les « vocables » choisis. Le terme « monnaie » est ambigu, d’accord, mais des mots comme fortune (elle peut être non-monétaire), reconnaissance de dette (elle peut émaner d’un échange non bancaire entre privés) et même argent (probablement aussi ambigu que monnaie) portent en eux un risque de confusion semblable.

    Que se passe-t-il si 2 personnes échangent des reconnaissances de dettes aux montants identiques et vont les porter à l’escompte dans des banques ? Faut-il enregistrer ceci comme une augmentation de fortune pour chacun d’eux ?

    Mais la piste me semble juste… sûrement encore trop « simple ».

  28. Avatar de moderato-cantabile
    moderato-cantabile

    @ de passage
    J’espère que vous repasserez, car je partage vos opinions. Avant de se poser des questions sur la valeur de la (des) monnaies il serait plus important de se poser des questions sur des valeurs, les réelles et les virtuelles et sur les règles qui gèrent nos sociétés, si jamais il en reste.

  29. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    Pourquoi est ce qu’Eusèbe « travaille » ?

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