L’illusion des banques qui créent l’argent, par Boris Ascrizzi

Il arrive que, comme aujourd’hui, j’aie envie de mettre davantage en relief une contribution à l’un de nos débats. Bien entendu, cela ne dévalorise en rien les autres.

Il y a quinze jours, Boris Ascrizzi a pris l’initiative de m’écrire pour me dire qu’il lisait « Tout notre débat sur la monnaie », qu’il restait des incertitudes sur la question de la création monétaire et qu’il voulait les résoudre. C’est ce qu’il a fait au cours de plusieurs échanges. Je me suis contenté de le regarder penser. Boris n’est pas plus économiste que moi mais la question qu’il s’agissait de résoudre ne requiert pas ce type d’expertise : il suffit de combiner les faits et la logique pour parvenir au bon résultat.

Il a affiché ce qui suit tout à l’heure en commentaire. Je lui ai proposé la reproduction en billet, ce qu’il a accepté. Je lui ai offert pseudo ou identité réelle, j’ai suivi son choix.

Le problème avec « l’illusion des banques qui créent l’argent » et de ses arguments imbriqués, c’est qu’il est impossible de débattre de l’expression « les crédits font les dépôts » sans se voir opposer l’argument des « réserves fractionnaires » dont il sera impossible de débattre sans se voir opposer le terme « ex nihilo » cité par Allais, puis le phénomène de la « panique bancaire ». Le débat tourne autour du pot comme une théorie qui ne veut être contredite.

Si, comme je le pense, le postulat mathématique est faux, les citations sorties de leur contexte, les expressions populaires prises au premier degré, alors j’y vois des préjugés. En débattant du signifié, on en oublie le signifiant, or « le concept de chien n’aboie pas ».

@ Armand

Dans le billet sur la vidéo de Paul Grignon, vous dites :

Ce calcul ne me semble pas correct ; il suppose que « les dépôts font les prêts », c’est-à-dire que le banquier re-prête, en partie au moins, ce que ses clients lui déposent. Et ce, de façon récursive. Or c’est le contraire : « les prêts font les dépôts »

Mais « Les dépôts font les crédits » est une expression. Dans ce cahier de Travaux Pratiques pour élèves de 1ere, fiche 8 Les exercices 1.1 a et b enseignent distinctement les deux expressions, deux processus « comptables ». On pourrait dire « les passifs font les actifs », « les actifs font les passifs » ; un œuf de poule donnera naissance à une poule qui pondra des œufs. Pourquoi affirmer telle une vérité « c’est le contraire : les crédits font les dépôts » ! Les œufs font les poules mais les poules ne font pas d’oeufs ?

@ Xa

Les 1.111,12$ sont les « réserves fractionnaires » mais pour prêter 10.000$, il faut 10.000$. Paul dit : Les 10.000$ peuvent être empruntés auprès de la Banque centrale ou auprès des déposants. J’ajouterai auprès du marché interbancaire à court terme c’est-à-dire auprès des autres banques (sans collatéral contrairement au cas d’un emprunt auprès de la Banque centrale). Les 10.000$ mettront en circulation par dépôts-crédits successifs 90.000$. Le « multiplicateur » que Paul explique à l’aide d’une grille en commentaire dans ce billet. Cependant là non plus pas de « scandale » car il y a conservation des quantités.

Mon fils dépose 10 ballons dans son placard. Sa sœur emprunte 9 ballons qu’elle remplace par 9 morceaux de papier sur lesquels elle écrit « je remplace le ballon dans cinq minutes ». Puis ma fille dépose les 9 ballons dans son placard. J’arrive à mon tour et lui emprunte 8 ballons que je remplace par des bouts de papiers.

Non, à ce moment là il n’y a pas 27 ballons dans mon appartement. Il n’y a toujours que 10 ballons et 17 ballons « scripturaux » ont été « créés » mais pas ex nihilo. Oui, en cas de panique dans l’appartement, mes enfants ne trouveront qu’1 ballon chacun dans leur placard et je serai sûrement désigné comme responsable. Mais si au bout de cinq minutes ma fille replace 1 ballon et échange ses bouts de papier par les miens, lorsqu’à mon tour je replacerai mes 8 ballons tout sera revenu à la normale. Les dettes auront été détruites.

– La « monnaie scripturale » ou monnaie « qui passe de compte en compte au lieu de circuler de la main à la main », selon Maurice Ansiaux qui invente le terme en 1912, est une « monnaie de compte » : des créances-dettes qui s’annulent.

– Oui la « panique bancaire » est un fait réel qui ne peut être nié. Mais remettons les « réserves fractionnaires » dans leur contexte : la loi des grands nombres, un calcul statistique de probabilités. Or les paniques bancaires ne doivent rien au hasard, elles sont des événements humains légitimes.

Ainsi « la panique bancaire » n’est pas un argument qui prouve le caractère « ex nihilo » mais son utilisation dans le débat prouve que les partisans de la « création » ont une vision « exogène » de la « monnaie scripturale » comme le dit justement Fred L. Ils la « considèrent » (comme dans la citation de Allais) comme de l’argent et non comme une réserve de valeur. Ceci parce que l’on peut payer de manière « scripturale ». Pas touche au grisbi que je viens de déposer en « monnaie de compte », c’est ma propriété ! Le système bancaire ne peut plus être perçu comme une machine à déthésauriser « l’argent qui dort » (déposé en compte et qui n’est pas utilisé tout de suite comme moyen de transaction) : une « monnaie endogène » qui circule vite, c’est un coffre fort troué tenu par des banquiers faiseurs de « fausses promesses ». Et l’on répond par les agrégats des « masses monétaires ». Mais il faut croire au Père Noël pour voir un scandale dans le fait qu’il n’existe pas.

De ce que j’ai lu des partisans de « l’illusion des banques qui créent l’argent », ils préconisent le retour à l’étalon-or (voir au bimétallisme) telle la Currency School dont les héritiers naturels sont les monétaristes, Milton Friedman. Et l’encyclopédie Universalis nous dit « Depuis au moins un siècle, les auteurs reconnaissent que les banques de dépôt sont, elles aussi, créatrices de monnaie. », un argument qui revient souvent comme une preuve du bien-fondé de la « création ex nihilo ». Mais j’y vois surtout un constat : « Depuis un siècle » des économistes débattent. Pros contre antis étalon-or puis Keynes versus Friedman. Les libéraux ont gagné, « les banques créent l’argent ». Et « l’intérêt constitue la rétribution de l’investisseur pour l’inconvénient de s’être temporairement départi de son capital » touche pas à mon grisbi te dis-je ! Et l’on peut croire que les Banques centrales triomphent de l’inflation en augmentant leur taux directeur.

Comment peut-on reprocher à Greenspan d’avoir cru à des chimères, au plan Paulson de sauver les banquiers plutôt que les banques, au G20 de se féliciter de ne rien remettre en cause, à la croissance d’être vaine, au développement d’être durable, quand on colonise soi même son imaginaire de « l’illusion des banques qui créent l’argent » ?

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126 réponses à “L’illusion des banques qui créent l’argent, par Boris Ascrizzi”

  1. Avatar de A.
    A.

    Pour en revenir aux papiers et aux ballons, peut-on penser que la valeur du papier soit inférieure à 1 ballon au fur et à mesure de la création de papiers ?

    Je pense que cet exemple est fallacieux car il y a n échanges comparables à celui décrit dans l’exemple de Boris dans une économie et on ignore pour chacun la durée du cycle de retour, si bien qu’il est impossible de distinguer à un moment t ce qui est créé de ce qui repose sur du physique (le ballon).

    D’ailleurs la richesse peut être imatérielle : ce peut être la confiance. Les x papiers excédentaires auraient ainsi autant de valeur que les ballons eux-mêmes.

  2. Avatar de Julien Alexandre
    Julien Alexandre

    @ Dav : un peu de forfanterie de ma part, une fois n’est pas coutume==> merci d’avoir rebondi sur mon post qui réoriente un peu les questions essentielles sur la notion de « création de richesse ».

    Je cite entre autres 2 passages de votre argumentation qui me semblent aller dans le bon sens :

    l’erreur de Grignon est de considérer “l’argent en tant que dette”, alors qu’en fait il s’agit de “richesse en tant que dette”

    Dans le cas où les responsables du mécanisme n’ont pas le souci de l’intérêt collectif, la fabrication de la richesse est indéfiniment reportée sur les générations suivantes

    Pour ma part, non pas par fainéantise mais mais dans un souci de concision, je reprendrais un commentaire que j’avais fait il y a quelques temps et qui disait à peu de choses près qu’il fallait absolument redéfinir la « richesse » en y intégrant de façon non-exclusive (tout en retranchant la valeur environnementale voire sociale détruite) l’apport du soleil , et ce pour 2 raisons :

    – 1/ parce que c’est rationnel d’un point de vue économique, si l’on considère avec bienveillance et inquiétude la finitude de notre monde.
    – 2/ à un niveau beaucoup moins rationnel, parce que l’homme a « dompté » la nature, objectivée, matérialisée, détournée, quantifiée et dans une certaine mesure privatisée. Mesurer l’apport du « soleil », c’est un peu retourner à l’essentiel, des choses simples, accessibles à la raison et l’entendement, qui emportent instinctivement l’adhésion de tout un chacun. Cela me semble primordial.

  3. Avatar de Dominique Larchey-Wendling
    Dominique Larchey-Wendling

    Quelques réflexions,

    « Les banques créent de l’argent ex-nihilo »

    Le problème dans ce genre d’affirmation est :

    1/ quel sens accorde-t-on au verbe « créer » et au nom « argent »
    2/ quand on parle d’argent, la faculté d’analyse baisse instantanément …

    Paul Jorion et d’autres semblent réfuter l’idée que les banques « créent de l’argent » parce qu’il existe un principe de conservation qui veut que la dette soit un jour remboursée et donc que l’argent qui a été créé soit un jour détruit. Au passage (cf wangxi), il est faux de dire que le film de Grignon n’évoque pas la destruction de l’argent par le remboursement des dettes. Ca ne se trouve pas dans l’extrait donné par le site de PJ mais celui qui regarde le film en entier verra bien que justement, la destruction de l’argent par le remboursement est un point essentiel de l’argumentaire (lié aux intérêts perçus en plus du remboursement).

    Je voudrais tout d’abord discuter de cette aspect de création d’argent. Effectivement, le fait de souscrire un prêt ne crée pas de billets de banque, ne crée pas de monnaie. Il crée par contre un moyen de paiement et augmente globalement la capacité de paiement, pendant tout le temps où le prêt n’est pas remboursé. Si par argent on entend moyen de paiement, alors effectivement, le « prêt crée de l’argent » (et génère une dette). Ceci ne remet pas en cause le principe de conservation : la création est temporaire, du moins en théorie, SI TOUT VA BIEN et que le prêt est un jour remboursé.

    Car là est toute la question. Que se passe-t-il si le système est globalement dans l’incapacité de rembourser ses dettes, comme cela semble être le cas aujourd’hui. Le système peut s’effondrer (par des défaut de paiement, des faillites en chaine, etc) avec la déflation à la clef mais peut-être que cela n’est pas politiquement acceptable sachant que le système protège aussi la classe dominante de la révolte populaire.

    Une autre option est de faire « marcher la planche à billet » et on voit bien ce qui ce passe dans ce cas là … l’argent des dettes, crée « temporairement » par les banques commerciales, est pérennisé par les banques centrales et le principe de conservation est rompu. S’en suit l’inflation ou l’hyper-inflation bien évidement.

    Le principe de conservation de l’argent ne tient pas face au risque systémique et c’est justement là au coeur du chantage qu’exerce les banques commerciales en liant leur survie à celle du système tout entier.

    Il existe un mensonge (par omission) fondateur sur le rôle joué par les banques. Lorsque que l’on dépose son argent à la banque, en fait ce n’est pas un dépôt, c’est UN PRET. En déposant 1000 euros à ma banque, je lui prête 1000 euros. Et il y a un risque associé à ce prêt : le risque que ce prêt ne me soit pas remboursé, si par exemple la banque fait faillite. Evidemment, les banques font tout ce qu’elles peuvent pour masquer le fait que ce risque existe, en particulier en liant leur sort à celui du système, en assurant les « dépôts » dans certaines limites, etc . Mais le risque est consubstantiel du prêt que j’octroie à ma banque en y déposant de l’argent.

  4. Avatar de Dav

    @ A.

    Sérieusement, comment pouvez-vous comparer la valeur (réelle) du ballon, à la valeur (symbolique) du papier ?
    (depuis combien de temps n’avez-vous plus joué au ballon ?)
    Tous ceux qui veulent jouer au ballon ne peuvent pas le faire avec du papier ! (où alors, il faut du gros papier pour le rouler en boule, mais ce sera toujours moins bien qu’un vrai ballon :))

    Il me semble que votre réflexion est symptomatique de la situation actuelle, où, en effet, nous n’avons plus moyen de distinguer ce qui a été crée pour symboliser nos richesses réelles. C’est typiquement le cas des subprimes.

    Et puis la richesse ne peut pas être immatérielle, au sens où il faut qu’elle s’exprime par une action concrète, y compris une action future s’il s’agit d’une promesse. Tout simplement parce que pour qu’il y ait richesse, il faut qu’il y ait un échange possible.

  5. Avatar de Dav

    @DLW

    Je suis globalement d’accord avec votre analyse.
    J’ajouterais que le remboursement pose la question de la richesse nouvelle créée. Sinon, nous sommes typiquement dans un système de fausse monnaie, ou de monnaie malhonnête, entrainant sa dévaluation.

    C’est pourquoi, l’affirmation la plus juste me semble de dire :
    Les banques créent l’argent à partir des richesses futures.
    Cela donne à la fois l’impression que c’est une création ex nihilo (au début) et l’impression qu’il n’y a pas de création (à la fin).
    Les deux affirmations sont ainsi en partie vraies, en partie fausses.

    Pour ce qui est du rôle des banques, n’oubliez pas que le service rendu par la banque, c’est aussi la protection de votre argent contre le vol; donc, il s’agit d’un prêt à votre banque, mais aussi d’un service que votre banque vous rend. Là encore, c’est dialectique.

  6. […] L’illusion de banques qui créent l’argent – Paul Jorion […]

  7. Avatar de Loïc Abadie

    Bonjour, dans le débat sur la monnaie, il y a deux problèmes essentiels (une fois les théories du complot évacuées) :
    – Le choix de l’étalon
    – Le système de réserve (pleine ou fractionnaire).

    a) l’étalon

    L’étalon de nos systèmes est la dette (essentiellement dette de l’état pour la monnaie fiduciaire issue de la banque centrale : pièce et billets, dette privée pour la monnaie temporaire créée par les banques).
    Pour moi cela n’a rien d’extraordinaire : une dette d’état est quelque chose de tangible (garantie par l’impôt, sur la force de travail et la capacité de création de richesse d’un état), de même une dette privée est aussi tangible : elle est garantie par un bien immobilier par exemple, ou bien la force de travail de l’emprunteur…tant qu’il n’y a pas de dérives !
    Un étalon or (ou argent) n’est pas forcément plus « tangible » : la valeur de cet étalon repose sur une convention sociale donnant à l’or une valeur particulière, et les conventions sociales peuvent changer.
    Je n’ai donc pas d’avis tranché sur la question.

    b) le système de réserve.

    Là aussi, il y a matière à débattre, et les clivages sur ce sujet existent dans différentes familles politiques :
    Dans « ma » famille par exemple (les libéraux authentiques), il y a les tenants de l’école autrichienne qui sont partisans de la réserve pleine, et d’autres libéraux qui soutiennent le système à réserve fractionnaire.
    Mais même à l’extrême-gauche (altermondialistes), ce débat existe et on trouve curieusement des antilibéraux durs opposés au système de réserve fractionnaire et qui rejoignent l’école autrichienne sur ce point.

    Les avantages et inconvénients de deux systèmes, en quelques lignes :

    – Dans notre système actuel (réserve fractionnaire), il y a pour moi bien une création de monnaie (temporaire) par les banques privées via le crédit, et c’est cette création qui constitue l’essentiel de la monnaie en circulation. La preuve en est que la masse de billets et pièces en circulation ne représente que quelques % des agrégats M2 ou M3.
    Quand Mr X dépose 100 000€ à la banque A, et que cette banque prête 90 000€ à Mme Y, et que ces 90 000€ vont être déposés sur d’autres comptes, il y a bien 190 000€ dans le système.
    Mr X a toujours théoriquement 100 000€ sur son compte et peut en profiter comme il l’entend (tant que sa banque ne fait pas faillite).
    La différence par rapport aux ballons et aux papiers de reconnaissance des ballons, c’est que la monnaie initiale « banque centrale » et la monnaie temporaire créée par la banque privée a le même statut et les mêmes fonctions pour son propriétaire (alors qu’on ne peut pas jouer avec un « papier-ballon » comme avec un vrai ballon) : on peut acheter exactement les mêmes choses avec de la « monnaie banque centrale » ou de la « monnaie banque privée ». Et en pratique, la création de monnaie temporaire dépasse largement sa destruction, sur de très longues périodes.

    Dans ce système, les banques prêtent l’argent de leurs clients sans leur demander leur avis, et nous acceptons cela parce que nous croyons (à tort ou à raison) que les banques sauront toujours « jongler » correctement avec les flux de dépôts, de crédits, de remboursements et de retraits, et qu’en cas de gros problème l’état couvrira tout.

    – Dans un système « Rothbardien » à réserve pleine, la banque privée ne peut pas prêter l’argent de ses clients sans demander leur avis : Elle se rémunère uniquement via des commissions sur les services qu’elle propose.
    Le crédit existe toujours, mais il faut l’accord du déposant : La banque peut proposer au déposant de devenir indirectement prêteur (et lui verser un taux d’intérêt pour cela), celui-ci peut accepter ou refuser selon le taux et la confiance qu’il a dans la banque à sélectionner des emprunteurs fiables.
    Si le client accepte, il n’y a pas création de monnaie, parce que son compte est débité du montant du prêt : le client qui a 100 000€ et décide d’en prêter 90 000€ n’aura plus que 10 000€ sur son compte (tant que sa créance ne sera pas remboursée).

    Les avantages du système Rothbardien :
    – Les cycles sont fortement atténués et l’existence de bulles de crédit est impossible, ainsi que les politiques de fuite en avant dans la dette.
    – La solidité du système bancaire est presque totale.
    – La liberté de choix des déposants (prêter ou ne pas prêter) est respectée.

    Des inconvénients :

    Le principal est d’avoir une économie moins dynamique, à cause de conditions d’accès au crédit bien plus restrictives.
    La société ne vit plus jamais au dessus de ses moyens, mais elle risque de vivre en dessous si la création de monnaie ne suit plus la production de richesse ou la démographie. Dans un contexte d’étalon or à réserve pleine par exemple, la capacité de création de monnaie est limité par la production minière…Si elle est insuffisante, la monnaie devient trop rare (donc prend de la valeur par rapport aux actifs qui baissent) : la déflation s’installe, et les ménages stockent la monnaie et achètent juste le minimum vital dans l’espoir que les prix des actifs baissent encore et encore.
    Bizarrement, adeptes de la « décroissance » et libéraux « durs » de l’école autrichienne se retrouveraient presque !
    Cela dit, rien n’empêche de changer d’étalon si un étalon n’est pas adapté au contexte.

    Les avantages du système à réserve fractionnaire :

    – La possibilité de créer assez de monnaie, et une plus grande souplesse, qui permet une meilleure adaptation à l’activité économique.
    – L’accès au crédit plus facile.

    Les inconvénients :

    – La fragilité : dès qu’une part importante des déposants viennent « retirer leurs billes » par manque de confiance, le sytème explose.
    Dans le contexte actuel, cette fragilité n’a rien de théorique. Si le gouvernement US met sans discuter des centaines de milliards sur la table pour renflouer les banques, et se montre bien plus avare envers les entreprises, ce n’est pas par « collusion » avec de « méchants banquiers ». C’est tout simplement parce qu’il n’a pas le choix. Si il ne fait rien, le risque de panique et de « bank run » devient énorme, et le système financier implose alors totalement (les entreprises avec, au moins temporairement)…Il peut d’ailleurs arriver un moment où les mauvaises dettes sont telles que le gouvernement n’aura même plus la capacité de venir en aide aux banques sans se mettre lui-même en situation de défaut. Et on en revient à la case « game over ».

    – Les dérives du système : dans un système à réserve fractionnaire, les gouvernements ont la possibilité de stimuler le crédit via diverses « interventions », et c’est systématiquement cette politique qu’ils choisissent à chaque fois qu’un problème se présente, parce que la fuite en avant est la solution de moindre effort, et la plus intéressante à court terme d’un point de vue politique (pour favoriser la réélection).

    Mon avis : En théorie, le système « rothbardien » à réserve pleine me semble bien plus logique, plus solide et plus honnête. Mais le système à réserve fractionnaire s’est généralisé dans le monde moderne et a permis, malgré les crises, un développement sans précédent de l’économie mondiale, et de l’humanité en général…étant de nature pragmatique et empiriste, j’aurai donc tendance à ne pas vouloir le jeter aux orties, mais simplement à l’amender via des garde-fous comme ceux que j’ai cités sur le leverage ratio des banques et un ratio dépôts / prêts plus élevé.
    Avec un système à réserve pleine, on est quand même dans l’inconnu, vu que ça n’a jamais été essayé dans le monde moderne sur une économie de pays développé à ma connaissance.

    Un dernier point : Rien n’empêche un entrepreneur de fonder une banque « Rothbardienne » en France ou ailleurs en mettant en avant le fait qu’il ne prêtera pas l’argent de ses déposants et que sa banque est bien plus sûre que les autres. Le fait qu’aucune banque de ce type ne se soit imposée jusqu’ici montre que les gens ont jusqu’ici « voté » implicitement pour le système à réserve fractionnaire…Ce n’est pas un « gang de banksters » qui a imposé ce système, c’est nous qui l’avons choisi !

    Pour ma part les deux banques auxquelles j’ai confié mes dépôts (une publique et une privée) sont presque « Rothbardiennes », c’est-à-dire qu’elles ont comme particularité d’avoir bien plus de dépôts que d’emprunts…Dans le contexte « explosif » actuel je préfère cela.

    Certaines sociétés type bullionvault qui viennent d’être fondées peuvent être considérées comme des embryons de banques « rothbardiennes » à étalon or. Les initiatives ne viendront pas forcément d’un « grand soir »…Les actions d’une somme d’individus peuvent faire bien plus, comme souvent !
    Les dirigeants n’accepteront sans doute jamais d’eux-mêmes l’instauration d’une législation plus restrictive sur le crédit (au contraire, ils ne rêvent que de « plus de crédit » !). Mais si les déposants privilégient les banques ayant un leverage ratio faible, et bien plus de dépôts que de crédits, l’évolution se fera naturellement, que les gouvernements le veuillent ou non…

    1. Avatar de karluss
      karluss

      si le choix de l’étalon est une convention sociale, pensez-vous vraiment que le système de réserve le soit également ? Le système de réserve est un choix politique, un consensus mondial pour le développement des économies, pas l’affaire du choix des peuples impliqués. La plupart des banques de dépôts sont rothbardiennes en France, mais elles sont plombées par leurs branches investissements (spéculatifs).

  8. Avatar de Le Dass
    Le Dass

    @LoÏc

    Merci pour ce commentaire éclairant. Entre autres sur la différence entre les papiers-ballons et la monnaie scripturale.

  9. Avatar de Dav

    Merci Loïc d’avoir mis des mots d’économistes sur toutes ces explications de bon sens.
    Elles ont, à mon avis, toute leur place sur votre blog.

    étant moi-même un opposant sans chapelle de l’ultra-libéralisme, et un critique convaincu du libéralisme en tant que doctrine, je fais pourtant le même constat que vous sur la nécessité de mettre en place des gardes-fous sur l’effet levier du crédit, tout en lui conservant sa fonction de stimulant. Voilà pour la solution à court terme.

    Pour la solution à moyen terme, nous pourrions sans doute aussi nous rejoindre sur les évolutions nécessaires, mais sans doute pas sur la façon d’y parvenir. Là se posent les questions de l’interventionnisme collectif, face à la croyance éperdue en la liberté individuelle.

  10. Avatar de Dav

    Une petite remarque toutefois sur ce passage qui n’est pas correct à mon avis :

    « La différence par rapport aux ballons et aux papiers de reconnaissance des ballons, c’est que la monnaie initiale « banque centrale » et la monnaie temporaire créée par la banque privée a le même statut et les mêmes fonctions pour son propriétaire (alors qu’on ne peut pas jouer avec un « papier-ballon » comme avec un vrai ballon) : on peut acheter exactement les mêmes choses avec de la « monnaie banque centrale » ou de la « monnaie banque privée ». »

    La monnaie initiale est déjà une représentation des ballons… puisque la monnaie initiale (celle de la banque centrale) représente la richesse tangible ou future du pays qui l’émet. Elle est déjà elle-même un papier, et non pas un ballon.

    Le ballon, c’est la richesse de l’état qui émet sa monnaie (le papier).

  11. Avatar de Damned
    Damned

    Dans la préface « l’Homme, l’Economie et l’Etat », un des paragraphe de l’introduction résume la pensée du vieux Murray :

    « Parallèlement, Rothbard est très soucieux de définir ce qu’il entend par un marché concurrentiel de la monnaie. En particulier, tout le monde serait-il libre d’inscrire sur un bout de papier son nom, et de produire de tels signes à volonté, à l’image de ce que la BCE, la FED et leurs homologues font de manière légalement protégée sur des territoires bien délimités ? De même, chacun serait-il libre, à l’instar des banques commerciales modernes à réserve fractionnaire, de ne garder qu’une partie infime des dépôts qui lui seraient confiés, prêtant le reste à son propre profit ? Le jugement que porte Rothbard sur ces activités est définitif : on ne saurait parler de liberté monétaire là où l’expropriation et la fraude sont tolérées. Car c’est bien de ces deux choses qu’il s’agit dans les situations décrites qui autorisent que certains individus s’enrichissent aux dépens d’autres, sans effectuer au préalable une activité productive. Rothbard restera ainsi toute sa vie durant très vigilant vis-à-vis de projets de dénationalisation de la monnaie à la Hayek ou de liberté bancaire à la Selginet White qui confondent liberté contractuelle avec violation impunie de contrats légitimes »

    Il y’a fraude sur la nature du contrat que nous consentons avec la banque …

  12. Avatar de Xa

    Paul dit: « Les 1.111,12$ sont les “réserves fractionnaires” mais pour prêter 10.000$, il faut 10.000$.  »

    Pas d’accord avec vous, Paul !
    Pour prêter 10.000$, il faut 1.111,12$, c’est cela le principe des réserves fractionnaires: 1 dollar de réserve pour 9 dollars de prêté.
    Lorsque les 10.000$ quittent votre banque, alors il vous faut 10.000$, pour pouvoir verser à la banque bénéficiaire, à travers la compensation les 10.000$ en monnaie centrale sonnante et trébuchante. Mais tant que le chat est dans la boîte, pas besoin de refinancer plus que de raison. Et même si les 10.000$ partaient vers d’autres cieux, il y aurait probablement un mouvement contraire de plus ou moins même ampleur, pour compenser cette perte. Et donc, les 10.000$ à verser à travers la compensation se réduiraient d’autant.

    Je crois qu’il est illusoire de penser que les banques attendent que l’argent circule dans le système pour que le multiplicateur fasse son effet. En pratique, si vous désirez un prêt de 10.000$, la banque vous le fera, et on fait les comptes à la fin de la journée: en fin de journée, après que la compensation inter-bancaire ait eu lieu, il faut sur le compte de la banque, ouvert auprès de la banque centrale 1 dollar pour 9 dollars placés sur les dépôts en banque, et c’est tout ! Et si la banque n’a pas assez, elle se refinancera pour cela, les mécanismes sont mêmes prévus poru cela. Mais avec un effet de levier de 9.

  13. Avatar de Paul Jorion

    Je n’ai pas du tout le sentiment que l’on a tourné en rond puisqu’un accord est apparu – même parmi ceux qui préfèrent se retirer de la discussion à ce stade-ci – que la question de la création monétaire ne se pose qu’à partir du moment où il y a versement d’intérêts.

    Tout le monde me semble d’accord pour dire que ce qui avait pu apparaître un moment comme « création » lorsqu’une banque accorde un prêt était seulement une interprétation des opérations comptables, que l’on peut lire comme une « création » suivie d’une « destruction ». La distinction entre « matheux » et « littéraire » me semble renvoyer ici à la distinction entre ceux qui partent d’un principe de « conservation des quantités », veulent vérifier s’il est enfreint ou non, et peuvent confirmer que non, et ceux qui suivent le raisonnement comptable qui lui voit une création monétaire, suivie d’une destruction monétaire.

    1. Avatar de karluss
      karluss

      la création monétaire provoque la concentration des richesses, alors …

  14. Avatar de Armand

    Bravo Boris, visiblement ça a aidé quelques personnes à comprendre.

    C’est bien un problème de « vrais » ballons et de promesses de ballons ; j’en avais parlé dans un vieux post au début du débat sous forme de bananes, d’images de banane et de promesse d’images de bananes qu’il ne faut surtout pas confondre.

    Je n’ai cessé d’insister, d’une part, sur la différence entre la monnaie de base qui seule a cours légal qui est garantie par nature par l’Etat (créée à partir d’une dette sociale, un emprunt du trésor) c’est-à-dire les « vrais » ballon avec qui on peut réellement disputer un « vrai » match ;

    Et, d’autre part, la monnaie bancaire qui n’a pas cours légal qui est créée par des « promesses intenable » multipliant le sous-jacent tout en étant obligé de les convertir immédiatement en « vaie » monnaie ; promesses qu’on peut se refiler avec les instruments de paiement bancaires (chèques, cartes, virements). Les organisateurs peuvent peuvent toujours planfier 27 parties simultanées, mais le jour du tournoi il y aura problème.

    Pesonnellement je n’accepte pas les intruments bancaires et exige du cash.

    Et bravo à Loïc pour l’éclairage sur des choix possibles ; il y en a d’autres évidemment, notamment celui où la monnaie n’est pas une dette ni une promesse sur une dette mais un actif tangible (l’or historiquement).

  15. Avatar de Dav

    On pourrait envisager une possibilité qui, je pense, satisferait les partisans de la régulation, et les partisans de la stimulation.

    En partant du principe que les dépôts courants peuvent se faire au choix dans une banque publique, ou dans des banques privées : principe dit « de la concurrence idéologique » :p

    1) La banque publique n’a pas l’autorisation d’effet de levier. Elle ne peut prêter que ce qu’elle possède effectivement.

    2) Les banques privées ont libre choix de fixer l’effet de levier avec des contraintes de seuil.
    – En deça d’un seuil de levier 3, elles ont tout loisir de fonctionner (particuliers, entreprises…)
    – Au delà d’un effet de seuil de levier 3, elles ne peuvent plus prêter aux particuliers et le volume de leur portefeuille est limitée.

    Dans tous les cas, on laisse les banques faire faillite quand le cas se présente (pas de report sur la dette publique); ce qui évite l’effet report dans la création de richesse par rapport à la création monétaire.
    Ainsi, le risque est récompensé, mais l’échec est vraiment sanctionné, avec un risque… vraiment réparti.

    Qu’en pensez- vous ?

  16. Avatar de Dav

    @ Armand

    « Je n’ai cessé d’insister, d’une part, sur la différence entre la monnaie de base qui seule a cours légal qui est garantie par nature par l’Etat (créée à partir d’une dette sociale, un emprunt du trésor) c’est-à-dire les “vrais” ballon avec qui on peut réellement disputer un “vrai” match ; »

    Euh… je vais redire à quel point je pense que c’est une erreur de penser que la monnaie de base est un vrai ballon (à part de baudruche).

    La monnaie de base qui a cours légal, garantie par l’Etat est un PAPIER. Un papier de meilleure qualité, mais un papier quand même.

    Le ballon, je le répète, c’est la richesse tangible (actifs) ou future (dettes) de l’Etat. Pas autre chose.

    D’ailleurs, le contexte nous donne un éclairage fort dans la mesure où les papiers tendent désormais tous à se reconvertir sous forme de dettes publiques, créant une situation censément inédite où la solvabilité des Etats est mise en question.

    Si cette solvabilité est remise en question, c’est game-over, comme le constate Loïc.
    Les richesses (les ballons) des Etats n’auront pas disparu, mais les papiers (y compris la monnaie de l’Etat) n’auront plus de valeur.

  17. Avatar de Candide
    Candide

    Tout le monde me semble d’accord pour dire que ce qui avait pu apparaître un moment comme “création” lorsqu’une banque accorde un prêt était seulement une interprétation des opérations comptables, que l’on peut lire comme une “création” suivie d’une “destruction”. La distinction entre “matheux” et “littéraire” me semble renvoyer ici à la distinction entre ceux qui partent d’un principe de “conservation des quantités”, veulent vérifier s’il est enfreint ou non, et peuvent confirmer que non, et ceux qui suivent le raisonnement comptable qui lui voit une création monétaire, suivie d’une destruction monétaire.

    Si j’ai bien compris, l’un des problèmes que pose ce système est donc finalement un « risque systémique » lié :

    • à une inflation disproportionnée des encours de crédit par rapport aux réserves réelles (non respect des ratios prudentiels),

    • au non remboursement massif du capital et/ou des intérêts (cf. le déclencheur de la crise des subprimes) ;

    et un risque sociétal lié à l’augmentation constante de la masse des intérêts, notamment dans un contexte de décroissance inéluctable de la richesse produite.

  18. Avatar de Boris
    Boris

    En me proposant de publier mon commentaire, Paul m’a fait passer de l’autre côté du miroir et c’est pour moi une expérience nouvelle. Que ce que j’écris soit dénigré je l’accepte, même si des réactions vives du fait de la mise en lumière me heurtent.

    Avant de contacter Paul j’avais visionné la vidéo « Money as debt » dans sa version française sur viméo. Et c’est, comme beaucoup, au moment de l’exemple du crédit que j’ai tiqué. La version française dit « la banque va pouvoir créer légalement, comme par magie 10.000 $ ». Parce que j’ai des enfants en bas âge, j’ai l’habitude de ce que « comme par magie » peut signifier pour eux. Une solution rationnelle à un problème qui dépasse leur entendement. Mais dans la vidéo, je considérais l’expression « par magie » comme un raccourci, une simplification, il me fallait trouver où le débat avait lieu. N’ayant pas accès à Internet, ou peu, j’ai téléchargé le document pdf mis à disposition sur le site d’Etienne Chouard.

    J’ai entrepris de réaliser un sommaire pour retrouver page par page les différents arguments exposés dans le pdf, je voulais comprendre. Mais c’est à ce moment que j’ai découvert la forme imbriquée de l’argumentation que je décris. Elle m’a fait penser à ce livre sur mon étagère : « Toute pensée qui refuse son autocritique n’est plus une pensée, mais une croyance. Elle quitte le chemin solaire de la lucidité pour les mirages de l’espérance. » Entropia, Revue d’étude théorique et politique de la décroissance. N°1, page 3.
    L’idée que 1.111,12 $ donnent 10.0000 $ et qui ne veut être contredite est une croyance et elle tourne autour du pot. Aujourd’hui j’en suis convaincu, ce pot c’est « le débat de la monnaie contre l’argent ».

    Dans mon deuxième paragraphe j’aborde la nature des arguments, le signifiant. Car même l’exemple mathématique dénoncé tant par Loïc Abadie que par Paul Jorion malgré les clivages, la croyance ne peut être remise en cause.
    Lorsque mon fils de 4 ans, après avoir glissé le jouet de sa soeur dans une plaque d’égout me dit « C’est pas grave papa, on a qu’à appeler Spiderman », c’est sa solution magique. Je ne pourrais la remettre en cause sans qu’il ne me produise les preuves de son bien fondé. Spiderman existe dans les films, Spiderman est représenté dans ses livres, Spiderman est matérialisé dans ses jouets. Il est partout dans les signes. Il réussira là où l’adulte ne peut rien… A quoi bon citer Spinoza à mon enfant ?

    De même il est vain de vouloir s’accorder sur « la conservation des quantités » lorsque l’interlocuteur à chaussé les lunettes libérales « des banques qui créent l’argent ». Il voit à travers le prisme de l’argent, une monnaie que je peux concevoir endogène. Nous ne discutons pas de la même chose, je m’en rends compte. Pourtant dans mon exemple je vous promet qu’à aucun momment il n’y a 27 ballons dans mon appartement (même si j’omets les intérêts), l’expérience est vérifiable.
    Et j’écris que j’y vois un préjugé. J’ai pesé le mot. La croyance en l’exemple mathématique « magique » (laissons ex nihilo à Allais) a fonctionné comme le piège des bulles spéculatives tel que John Kennet Galbraith le décrit, grâce au « préjugé collectif notoire » qui a fait accumuler quantité de signes comme des preuves cohérentes. Et l’illusion est confortée par la notoriété des auteurs de ces signes.

    Au delà de l’illusion magique le débat reste un quiproquo. Pour moi la « monnaie scripturale » n’est argent qu’au moment de la transaction. Sur un compte elle n’est que réserve de valeur. Ce que l’on conçoit avec les actifs liquides des agrégats monétaires, une quasi-monnaie qui n’est pas une monnaie mais que l’on comptabilise comme monnaie.

    J’ai le sentiment que si nous voulons débattre de « la monnaie contre l’argent », il nous faudra un examen de la nature dialectique, une « théorie de la monnaie » commune – pour reprendre le terme de scaringella – avant de pouvoir revenir à l’économie… Comprendre les divergences respectives pour aller plus loin. Nous aurons besoin des deux bords, le côté pile et le côté face. Chacun pourra choisir sa position ortodoxe ou hétérodoxe en fonction des tenants et des aboutissants et nous serons « riches » d’un débat sans magie ni complot.

    Mais ça sera pas de la tarte ! Si j’en crois mon inexpérience, la monnaie c’est un beau bordel.

  19. Avatar de Armand

    @Dav : entièrement d’accord !

    La monnaie n’est pas une richesse en tant que telle, juste un moyen d’en échanger. Un moyen qui doit posséder d’importantes propriétés, notamment de stabilité. Si le troc pouvait continuer à se faire, on n’aurait pas besoin de monnaie.

    Je ne dis pas autre chose.

    Dans un système de monnaie fiduciaire la monnaie centrale est une fraction de reconnaissance de dette (l’emprunt du Trésor qui a servi a imprimer tous ces bouts de papier ayant cours légal), donc une promesse (de remboursement futur sur des richesse en biens ou services à créer dans le temps), qui est échangeable dans le présent. La monnaie bancaire rajoute un étage, par son effet de levier, et est une promesse (de remettre à vue) des promesses (des billets de banque centrale qui sont une reconnaissance de dette).

    Lorsqu’un état défaille ou menace de défaillir, son bout de papier n’a plus grande valeur.

    C’est la différence entre une monnaie fiduciaire qui est la dette de quelqu’un et une monnaie « matérielle » qui n’est la dette de personne.

    Ainsi « l’or ne se mange pas » me va très bien, il ne se boit pas non plus, ne peut se brûler pour se chauffer ou faire avancer un véhicule. Bref il ne sert (prsequ’)à rien. C’est parfait pour une monnaie : sa circulation, qui empêcherait de la « consommer », ne prive alors personner de manger ni de boire en concurrençant ces fonctions.

  20. Avatar de Moi
    Moi

    Paul Jorion dit : « La distinction entre “matheux” et “littéraire” me semble renvoyer ici à la distinction entre ceux qui partent d’un principe de “conservation des quantités”, veulent vérifier s’il est enfreint ou non, et peuvent confirmer que non, et ceux qui suivent le raisonnement comptable qui lui voit une création monétaire, suivie d’une destruction monétaire. »

    Paul Jorion, votre conservation des quantités est vraie mais me paraît toute théorique et faire abstraction de la temporalité. En réalité, si les banques se mettent à faire énormément de prêts à long terme en très peu de temps, la masse d’argent en circulation peut vite devenir colossale. Et si comme le confirme Loic Abadie, que je remercie grandement pour son exposé clair et convaincant, il n’y a pas concrètement de différence entre monnaie banque centrale (papier) et monnaie banque privée (scripturale), tout cela posera sans doute problème. Non? (je ne sais pas lesquels, ni si cela a un rapport avec ce qui arrive actuellement).
    Par ailleurs, je voudrais vous féliciter pour votre blog qui est à l’heure actuelle l’un des plus intéressants (pour moi) de la toile.

  21. Avatar de Shiva
    Shiva

    Ouf !

    finalement, pas besoin d’aller corriger Wikipédia : »La création monétaire est l’opération de création de monnaie. Elle peut se faire, au sein d’un pays ou d’une zone monétaire, soit par l’émission directe de billets de banque et de pièces de monnaie, soit par l’émission de crédits dans un système basé sur les réserves fractionnaires. »

    Et l’appellation « argent-dette » semble idoine puisqu’elle lie, la création et donc la destruction concomitante de l’argent et de la dette.

    On a donc bien un système de création monétaire, au moins partiellement, déconnecté de la création de richesses.
    Si la dette globale (c.a.d. la masse monétaire créée par les banques commerciales) augmente, et pendant la durée de l’augmentation, il n’y a globalement pas conservation des quantités mais bien augmentation.

    Cette augmentation est-elle créatrice d’inflation ?

  22. Avatar de logique
    logique

    Bonjour,

    Je trouve cette example des ballons un peut simpliste et a pour resultat de deformer le problème. Car dans votre example vous considérez que vous umprunter le ballon pour un certain temps et qu’apres un certain temps vous les restiturez contre les papiers. Hors dans la réalité se genre de situation n’existe pas. Car dans la réalité si vous avez utiliser des petit papier pour achetrer et non emprunter les ballons, ils deviennent votre propriété. Est vous etes libre de les revendre plus tard contre un papier de plus. si c’est un emprunt est que vous devez réstituer ces ballons aprés en avoir eu la joiussance vos enfants pourrait vous demander un dedomagement.

    Hors dans le crise actuel le problème n’est pas un emprunt de maison ou de bien de comsommation mais des achat qui deviennent votre proprièté. Et dans se cas de figure il y a bien création de petit papier et ses petit papier son soit la propriètè des épargnants soit une création pour est simple de petit papiers. Hors le résultat final et que si une grande quantité de biens est fabriqué il est indispenssable de fabriquer de nouveaux petit papiers pour que certaine personne puisses acheter ces nouveaux biens. La conséquence est qu’il y a de plus en plus de petits papiers en circulation.

    Ils ont bien été créer ces petits papiers ! ce n’est donc pas une illusion les banques créer biens des petits papiers. Il n’y a pas que l’interet que crée des petits papiers la plus value en fait de même.

  23. Avatar de albert
    albert

    Moi j’ai compris qu’à partir d’un depot d’environ 1000 le systeme bancaire pretait environ 100 000; A 5% d’interet ca fait qd meme environ 5000 dans la poche du syteme bancaire;

    Sont riches les banquiers et en plus ils nous font payer des frais de compte.

    Est ce que je me trompe?

  24. Avatar de Dav

    @shiva

    Je serais vous je n’irais pas jusqu’à conclure que le système de création monétaire est déconnectée de la création de richesse. Dans le système décrit ici, la création de richesse est juste… remise à plus tard, via le principe de l’endettement. Plus il y a de dettes, plus la promesse de richesse à venir est grande.

    Voire insoutenable.

  25. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Dav dit :
    25 novembre 2008 à 13:52

    Dav » »A mon avis c’est une erreur de considérer les 1000 unités monétaires sur le même plan que les 10 ballons, comme faisant partie du réel. » »
    R. Mais j’ai bien dit ballons ou 1000, étant entendu que ces 1000 là pourraient être des pièces d’or, des unités de travail, un stock de ballons neufs, ou encore de l’argent « rothbardien », puisque Loïc Abadie vient de faire un sérieux ménage très bien venu et salubre. Mais le produit de ces 1000 et sa contrepartie qui peut être mon travail, est utilisé par la banque qui ponctionne des intérêts même sur les mouvements comptables mis en action pour que ces 1000 servent 9000 en crédit, etc

    Dav » »(….)Les 1000 unités monétaires font partie du symbolique(…) » »,
    R. non, pas dans mon exemple elle sont le réel, réel dont devrait se rapprocher le plus possible du symbolique via, ici, l’imaginaire qui lui, aurait tendance constante à prendre la représentation pour la chose elle même…

    Dav » »Il est très important de ne pas confondre le réel, et la représentation du réel. Les 1000 unités monétaires ne font que représenter la valeur des 10 ballons, ils ne sont pas un substitut aux ballons eux-mêmes. » »
    R. Les ballons sont une valeur, les 1000 sont une représentation de valeur, mais il y doit avoir – rigidité – entre monnaie et production (ici, le modèle rothbardien convient bien). Bien sûr me direz vous ces 1000 dans le système actuel peut venir d’une monnaie née du crédit sur réserves fractionnaires, mais je ne situe pas mon exemple dans le chemin qui mène à la bulle, promesses de payer, etc, mais dans un rapport direct travail de production-monnaie.

    DAV » »Le symbolique que vous décrivez, c’est l’imaginaire dont je parle : l’ensemble des croyances collectives qui sont construites à partir des différentes représentations que l’on se fait du réel. » »
    R. Quand on produit quelque chose on est dans le réel et la monnaie doit être le reflet de ce réel comme dans un miroir matériel, mais non pas un miroir déformant ou magique comme celui de la sorcière jalouse de Blanche-Neige. On voit le résultat.

    Je regrette de ne pas avoir retenu cette phrase lapidaire (en Latin) de Saint Thomas d’Aquin qui écrit en substance: « Ce qui est abscons est toujours suspect ou faux ». Abscons, voilà pourquoi, il est si difficile, alors que dans la réalité cela devrait être clair comme le code de le route pour tous.

    Voici une des raisons:

    Relevé dans le site de l’ADED (Association pour les Droits Économiques et Démocratiques)

    La culture de l’Obscurantisme:

    On peut lire dans le Dictionnaire des sciences économiques (PUF, presses universitaires de France 2001) cette belle définition de la monnaie qui constitue un morceau d’anthologie de la littérature universitaire.

    –>La définition :
    – En dépit du fait que nous vivons quotidiennement l’expérience d’une économie monétaire, la monnaie est l’un des concepts économiques les plus difficiles à cerner. C’est sans doute que les formes monétaires sont variées, que les fonctions de la monnaie sont diverses, que la hiérarchie de ces fonctions continue à faire problème, que la rationalité même d’une économie monétaire est moins évidente qu’il n’y paraît, c’est encore parce que les propriétés d’équilibre et d’optimum d’une économie monétaire sont toujours en question, c’est aussi parce que le débat relatif aux modalités de régulation monétaire reste vif, c’est surtout que l’opposition reste grande entre ceux qui s’en tiennent à une conception fondamentaliste de la monnaie et ceux qui l’appréhendent dans une optique institutionnaliste, comme le fondement même de la société. –

    Franchement, voilà donc un échantillon des discours abscons à souhait de comment l’on procède à une « solide formation » en matière monétaire, bancaire et financière?? Vous ne trouvez pas que le chemin est libre pour se réapproprier ce qui n’a jamais cessé de nous appartenir? C’est la seule et unique contrepartie qui permet l’existence de la monnaie, c’est à dire ce que nous produisons en produits et services.Sans production des biens, que serait la monnnaie?

    Il y a en classe de primaire, je crois, une heure d’instruction civique. Il n’y a même pas une minute d’enseignement sur les rudiments à connaître sur la monnaie, l’argent. L’argent au sujet duquel la moitié de l’humanité ne dort pas la nuit par soucis d’argent. L’enseignement économique et financier des écoles spécialisées et universitaire paraît tellement compartimenté qu’il n’offre pas la moindre visibilité. Les échanges, au demeurant très révélateurs et instructifs de ce blog en témoigne. La difficulté extraordinaire, au moins apparente je pense, pour aborder clairement le phénomène de la monnaie. Et Jean Bayard le dit en professionnel dans son site que les milieux bancaires ne se bousculent pas pour exposer au grand jour leurs procédés et méthodes…

    Cela peut se comprendre… lorsqu’on veut éloigner et décourager les « trop » curieux? En attendant, ~99% des gens ignorent tout de comment naît l’argent et son traitement, tandisqu’on nous crétinise à haute dose avec la « politique ».

  26. Avatar de Fred L.
    Fred L.

    @ Dav

    Pas d’accord avec cette distinction : lorsque la spéculation s’attaque à la monnaie d’un Etat, une hyperinflation s’ensuit, et pourtant c’est une monnaie de base; l’allemagne dans les années vingts ou la russie dans les années quatre-vingt-dix l’ont connue. Aujourd’hui la crise touche des monnaies de banques, demain cela pourrait être des monnaies nationales, soit directement avec une spéculation contre le yen par exemple, soit indirectement avec une spéculation contre des titres de dette publique, par exemple contre les états-unis. Dans tous les cas, il s’agit de monnaie car sa valeur ne repose que sur la confiance de ce qui l’accepte, lorsque la défiance s’installe et que la spéculation l’amplifie, la valeur de la monnaie s’effondre, point.

    Ni avec avec votre rappel cartésien plus haut, car avant de douter de tout descartes a passé ses années d’éducation à ingurgiter ce dont il pourrait ensuite douter de manière profitable; le doute qui ne s’accompagne pas de lectures est stérile parce que personne ne vit suffisamment longtemps pour se permettre de redécouvrir par lui-même toute l’histoire des idées.

  27. Avatar de Dav

    Cher Fred,

    Je ne comprends pas bien en quoi vous n’êtes pas d’accord avec moi, concernant le passage sur la valeur de la monnaie.
    Au contraire, cela démontre bien que la monnaie n’est pas réelle (contrairement aux richesses qu’elle symbolise), puisque, comme vous l’expliquez, sa valeur dépend de la confiance qu’on lui accorde.

    Le réel ne dépend pas d’un sentiment. Le réel est.
    En revanche, la représentation du réel repose sur des sentiments (comme la confiance).
    C’est pourquoi la valeur d’un même objet peut tout à fait varier. Même si l’objet n’a pas changé d’un iota.

    Ensuite, concernant votre point 2, il me semble que la caractéristique de la plupart des commentateurs ici présents aient d’avoir ingurgité des lectures préalables. Donc, on est tout à fait dans la démarche que vous décrivez et avec laquelle je suis là encore, tout à fait d’accord.

  28. Avatar de Fred L.
    Fred L.

    Avant les débats sur le monnaie marchandise ou la monnaie dette, les réserves pleines ou fractionnaires, il faudrait peut-être s’interroger sur le caractère de la monnaie.

    Veut-on un système monétaire public ou privé ?

    Il me semble que la monnaie constitue un bien commun, puisque de par ses diverses fonctions elle nous intéresse tous également. A contrario, cf l’histoire du capitalisme, toutes les privatisations de la monnaie accentuent un rapport de force déjà arbitraire au sein de la société (du fait de la propriété privée du capital qui est rare). La monnaie représentant notre capacité à nous projeter dans le futur – à devenir notre propre entrepreneur pour parler le dialecte autrichien – le crédit devrait être ouvert à tous sous condition d’intérêt de projet ou/et de capacité de remboursement.

    Plusieurs systèmes sont alors concevables, par exemple tendre vers l’annulation du taux d’intérêt (Keynes), ou encore utiliser le taux d’intérêt pour financer le fonctionnement de l’Etat (Allais).

    Mais ce débat n’a pas encore eu lieu, c’est à cela qu’il faudrait réfléchir.

    PS Je porte une haute estime intellectuelle aux divers auteurs de l’école autrichienne, peut-être parce que c’est paradoxalement le courant de la théorie néoclassique qui a le plus discuté avec Marx et Keynes. Mais je reste bouche bée devant leur aveuglement et leur mutisme concernant les réalités humaines, et en particulier de toutes les formes de misère, d’aliénation, d’exploitation et de domination que permet le capitalisme 🙂

  29. Avatar de Fred L.
    Fred L.

    @Dav

    Parce que je ne crois pas que chercher à appliquer la distinction RIS (réel – imaginaire – symbolique) à la monnaie puisse clarifier grand chose parce que c’est beaucoup plus complexe que cela : on pourrait dire que la monnaie est réelle parce qu’elle a des effets réels que nous subissons, que la richesse est symbolique parce que cela structure le monde de l’avoir et qu’un objet n’a de valeur que par rapport aux autres, que les marchandises sont symboliques parce tant qu’elle ne se vendent pas ce ne sont pas des marchandises mais des choses (on passe la main à la métaphysique) et dès lors qu’elles se vendent elle s’évaluent toujours en monnaie donc en symboles, quant à l’océan d’imaginaire sur lequel flotte l’économie, c’est le continent noir de l’économie, même si Keynes en a été le Christophe Colomb 🙂

  30. Avatar de Shiva
    Shiva

    @Albert: « 100 000; A 5% d’interet ca fait qd meme environ 5000 dans la poche du syteme bancaire »
    Oui, par an…
    Un prêt de 100 000 € sur 20 ans à 5% vous coutera 58 382 € d’intérêts.
    Les intérêts; ce n’est pas la potion congrue du système, loin de là !
    @Dav
    Oui, disons partiellement déconnecté dans le sens ou il peut évoluer à un rythme différent de la création de valeurs de l’économie mesurée par PIB…

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